Contracten Cour d`appel Liège, 14e ch. , 31 octobre

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Contracten Cour d`appel Liège, 14e ch. , 31 octobre
II. Droit des contrats – Contracten Cour d’appel Liège, 14e ch. , 31 octobre 2013 2012/RG/1051 Siège : MM. M. Ligot, président, A. Manka et Th. Lambert, conseillers Contrat de franchise ‐ Information précontractuelle – Implantation proposée d’un point de service à un endroit où un autre franchisé bénéficie d’une exclusivité territoriale – Culpa in contrahendo ‐ Pourparlers qui ne pouvaient en aucun cas aboutir à la concrétisation du projet des futurs franchisés – Dommage ‐ Perte d'une chance ou d'un manque à gagner ‐ Frais exposés en pure perte Franchising – Precontractuele informatie – Voorgestelde vestiging van een dienstenpunt op een plaats waar een andere franchisingnemer van een territoriale exclusiviteit geniet ‐ Culpa in contrahendo – Voorbereidende besprekingen die in geen geval konden leiden tot de realisatie van het project van de toekomstige franchisingnemers – Schade – Verlies van een kans of van winstmogelijkheden – Zonder enig nut gemaakte kosten La remise du document d'information précontractuelle n'a pas valeur d'engagement, mais marque le point de départ d'un processus qui a pour objectif final l'implantation d'un point de service franchisé. En remettant le document d'information précontractuelle aux futurs franchisés, sans les avertir qu’un autre franchisé, établi à proximité, bénéficie d’une exclusivité territoriale, le franchiseur a commis une faute qui consiste à leur avoir laissé croire qu'il était possible d'implanter un point de service à l’endroit choisi, ce qui était radicalement impossible. Dès lors que la faute du franchiseur ne consiste pas en une rupture abusive des négociations, mais bien dans le fait d'avoir engagé des pourparlers qui ne pouvaient en aucun cas aboutir à la concrétisation du projet des franchisés, ceux‐ci ne peuvent prétendre à l'indemnisation de la perte d'une chance ou d'un manque à gagner correspondant à la différence entre ce qu'ils retirent comme bénéfice de leur point de service actuel et ce qu'ils auraient pu espérer en retirer si le contrat était conclu, puisque les négociations n'auraient jamais pu aboutir à la conclusion du contrat de franchise. Le franchisé peut uniquement revendiquer l'indemnisation des frais exposés en pure perte pour l'ouverture d'un point de service à l'enseigne du franchiseur et des contretemps engendrés par l'impossibilité d'ouvrir ce point de service comme prévu. De afgifte van het precontractueel informatiedocument betekent niet dat men zich engageert, maar geeft het beginpunt aan van een proces dat als einddoel heeft de inplanting van een onder de franchising vallend dienstenpunt. Door het precontractueel informatiedocument af te geven aan de toekomstige franchisingnemers en hen niet te verwittigen dat een andere franchisingnemer, die in de onmiddellijke buurt is gevestigd, van een territoriale exclusiviteit geniet, beging de franchisinggever een fout, die erin bestaat hen te laten geloven dat de inplanting van een dienstenpunt op de gekozen plaats mogelijk was, terwijl dit volkomen onmogelijk was. Nu de fout van de franchisinggever niet bestaat in een foutief afbreken van de onderhandelingen, maar wel in het feit om besprekingen te zijn opgestart die in geen enkel geval konden leiden tot de concretisering van de plannen van de franchisingnemers, kunnen deze laatsten geen aanspraak maken op de vergoeding van het verlies van een kans of van een winstderving die overeenstemt met het verschil tussen wat ze aan winst behalen uit hun actueel verkooppunt en wat ze konden hopen daaruit te behalen indien het contract zou zijn gesloten, aangezien de onderhandelingen nooit konden leiden tot het sluiten van een franchisingovereenkomst. De franchisingnemer kan enkel de vergoeding vorderen van de zonder enig nut gemaakte kosten voor de opening van een dienstenpunt met het uithangbord van de franchisinggever en voor de problemen veroorzaakt door de onmogelijkheid om dit dienstenpunt te openen zoals voorzien. (SPRL SG DESIGN, G. DOUPAGNE et S. UNAL c. SA OD FRANCHISING) […] Antécédents et objet des appels L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement relatés par le tribunal de commerce dans la décision entreprise. La cour se réfère à l'exposé des premiers juges, lesquels, après avoir dit que les parties n'avaient pas conclu un contrat de franchise, ont constaté que OD FRANCHISING avait commis une culpa in contrahendo envers les appelants et l'ont condamnée à payer aux appelants une somme fixée ex aequo et bono à 30.000 euro et aux dépens non liquidés. Dans leur requête d'appel, ceux‐ci ont sollicité la réformation du jugement a quo et la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme provisionnelle de 175.529,76 euro , à majorer des intérêts judiciaires et des dépens. Puis, dans leurs premières conclusions d'appel du 5 mars 2013, G. DOUPAGNE et S. UNAL n'ont plus formé aucune demande envers l'intimée. Seule SG DESIGN a encore postulé sa condamnation au paiement d'un euro provisionnel, dans l'attente de la détermination définitive de son manque à gagner pour laquelle elle a sollicité la désignation d'un expert. Enfin, bien qu'étant toujours prises au nom des trois appelants, force est de constater que leurs dernières conclusions d'appel du 10 juillet 2013 ne concernent que la SG DESIGN qui porte sa réclamation à la somme provisionnelle de 207.619,47 euro , les fonds actuellement cantonnés par l'intimée devant être libérés en sa faveur sur simple production de l'arrêt à intervenir et venir en déduction des sommes dues. Elle maintient sa demande de désignation d'un expert et sollicite la condamnation de l'intimée aux dépens des deux instances non liquidés. OD FRANCHISING poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il dit pour droit qu'il n'y a pas eu conclusion d'un contrat de franchise « Olivier DACHKIN » entre elle et les appelants. Pour le surplus, elle soutient qu'elle n'a pas commis de culpa in contrahendo, subsidiairement que l'existence d'un préjudice n'est pas démontrée et plus subsidiairement encore elle postule que celui‐
ci soit limité à un euro ; elle demande la restitution des fonds cantonnés. A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un expert avec pour mission de déterminer la date à laquelle la culpa in contrahendo a été commise et de chiffrer le dommage concret subi par les appelants qui est en lien de causalité avec ladite faute. En toute hypothèse, elle postule la condamnation de ceux‐ci aux dépens des deux instances liquidés à la somme de 8.343,57 euro , en ce compris les frais de cantonnement (1.523,57 euro ). Discussion : Il est acquis que le 30 mars 2011, G. DOUPAGNE et son épouse S. UNAL, agissant en leur nom et pour compte d'une société en formation, ont accusé réception du document d'information précontractuelle concernant la franchise « Olivier DACHKIN », document qui leur a été remis par F. BR . Bien qu'elle s'en défende, il est certain que ce dernier agissait alors pour compte de l'intimée. Sur cette question, la cour renvoie aux pertinents motifs développés par les premiers juges en page 5, point 2, de la décision entreprise et se les approprie. Il en résulte que les actes posés par F. BR envers les appelants sont opposables à l'intimée. F. BR a accompagné les époux DOUPAGNE‐UNAL dans leurs démarches en vue de prendre en location un espace commercial sis 10 rue de … à Liège. Si l'intimée conteste le fait que celui‐ci soit à l'origine de ce choix, elle admet cependant que son représentant avait « déconseillé à madame UNAL et à son mari l'emplacement qu'ils avaient initialement repéré, à savoir dans la rue Pont d'Avroy, dès lors que (l'intimée) avait déjà eu une expérience négative dans la rue C» (dernières conclusions de l'intimée, page 7, point 1.7., avant‐
dernier paragraphe). La visite des lieux s'est tenue le 29 mars 2011, soit la veille de la remise du document d'information précontractuelle, document qui, même s'il n'a pas valeur d'engagement, marque à tout le moins le point de départ d'un processus qui a pour objectif final l'implantation d'un salon franchisé Olivier DACHKIN, rue de l'Université à Liège. F. BR , qui se présente aux époux DOUPAGNE‐UNAL comme le responsable du développement du réseau des salons franchisés Olivier DACHKIN, ne pouvait cependant pas ignorer que les franchisés bénéficient habituellement d'une exclusivité territoriale, exclusivité dont jouissait effectivement le salon Olivier DACHKIN de la SPRL ILIAS situé à un jet de pierre de la rue de l'Université, soit au 116 de la rue Cathédrale. Dès lors, en remettant le document d'information précontractuelle aux époux DOUPAGNE‐UNAL, l'intimée a commis une faute qui consiste à leur avoir laissé croire qu'il était possible d'implanter un salon Olivier DACHKIN rue de l'Université à Liège, ce qui était radicalement impossible. Elle a d'ailleurs admis que « cet emplacement est insensé » (ses dernières conclusions, page 8, point 1.8.). A supposer, quod non, que l'intimée n'ait pas eu connaissance du lieu d'implantation du salon des appelants dès le 29 mars 2011, voire le 30 de ce mois, il est certain que cette information lui a été communiquée au plus tard le 13 avril 2011 par l'entreprise JJ MAES, soit avant même la signature du contrat de bail commercial. Cette entreprise lui a en effet transmis son offre pour les meubles du salon des appelants, offre sur laquelle il est indiqué « Adresse de livraison : Dachkin Liège Rue de l'Université (Liège) » (pièce 67 des appelants). L'intimée est donc d'une particulière mauvaise foi lorsqu'elle prétend qu'elle n'en aurait eu connaissance que le 8 juin 2011 (ses dernières conclusions, page 14, point 1.14). Les époux DOUPAGNE‐UNAL et SG DESIGN sont des tiers au contrat de franchise entre l'intimée à la SPRL ILIAS et rien ne permet d'affirmer qu'ils savaient ou auraient dû savoir que cette dernière bénéficiait d'une exclusivité territoriale sur le périmètre dans lequel ils souhaitaient implanter leur salon. Il ne peut dès lors leur être reproché de s'être engagé dans leur projet. Dès lors que la faute de l'intimée ne consiste donc pas en une rupture abusive des négociations qui serait survenue le 8 juin 2011, mais bien dans le fait d'avoir engagé des pourparlers qui ne pouvaient en aucun cas aboutir à la concrétisation du projet des appelants, la hâte avec laquelle ceux‐ci ont voulu le mener à bien est sans incidence sur l'appréciation de la faute de l'intimée. A l'heure actuelle, seule SG DESIGN revendique l'indemnisation d'un dommage. SG DESIGN ne peut prétendre à l'indemnisation de la perte d'une chance ou d'un manque à gagner correspondant à la différence entre ce qu'elle retire comme bénéfice de son salon actuel et ce qu'elle aurait pu espérer en retirer s'il s'était agi d'un salon Olivier DACHKIN puisque les négociations n'auraient jamais pu aboutir à la conclusion du contrat de franchise. L'appelante peut uniquement revendiquer l'indemnisation des frais exposés en pure perte pour l'ouverture d'un salon à l'enseigne de l'intimée et des contretemps engendrés par l'impossibilité d'ouvrir ce salon comme prévu. En ce qui concerne les frais exposés en pure perte, ceux‐ci se limitent à la facture de la société REGIE NUMBER ONE (publicité) d'un montant de 1.133,80 euro. SG DESIGN était tenue de limiter son dommage, elle devait s'acquitter de la facture du 30 juin 2011, ce qui lui aurait permis d'éviter l'application par son créancier d'une clause pénal et des intérêts de retard. L'intimée prétend que la facture de la société MAGRAF (pose du vinyle publicitaire sur la vitrine du salon) a fait l'objet d'une note de crédit, ce que conteste l'appelante. Toutefois, il ressort de ses dernières conclusions (tableau, page 7) que la facture n'a pas été payée depuis plus de deux ans et qu'aucune procédure n'a été initiée en vue de procéder à son recouvrement, ce qui accrédite la thèse de l'intimée. En conséquence, cette facture ne sera pas prise en compte. SG DESIGN n'établit pas que d'autres frais auraient subi le même sort. Notamment, qu'elle aurait dû procéder à des adaptations ultérieures de ses aménagements afin de répondre à une charte décorative imposée par Franck PROVOST. Il n'est pas contesté que l'exploitation du nouveau salon Olivier DACHKIN devait être confiée à S. UNAL qui avait été licenciée quelque temps auparavant du salon Olivier DACHKIN de la SPRL ILIAS. S. UNAL ne nie pas qu'elle voulait récupérer la clientèle qu'elle coiffait rue Cathédrale, volonté qui explique l'empressement des appelants. Rien ne permet de considérer que ceux‐ci auraient renoncé à leur projet s'ils avaient su d'emblée qu'il n'était pas possible d'ouvrir un salon Olivier DACHKIN au centre de Liège. Les faits le confirment. Cependant, il est certain que lorsque l'intimée a informé l'appelante qu'elle ne pourrait ouvrir un salon Olivier DACHKIN, cette dernière a pu légitimement espérer que cette décision n'était pas définitive et qu'une solution pourrait être trouvée avec le franchiseur. Il doit être admis qu'à partir de la mi‐juin 2011, l'appelante a été dans l'incertitude la plus complète concernant l'avenir de son projet et n'a pas pu envisager clairement et sereinement les suites qu'elle devrait lui réserver. Il suffit pour s'en convaincre de se souvenir que le plan financier élaboré pour solliciter un crédit bancaire avait été établi sur la base d'un salon Olivier DACHKIN et non d'un salon indépendant, comme il en existe déjà beaucoup d'autres au centre de la ville de Liège. Dans de telles conditions, il ne peut être reproché à SG DESIGN de ne pas avoir pris le risque d'ouvrir immédiatement un salon indépendant pour limiter son dommage. L'appelante ne fournit aucune information sur les circonstances dans lesquelles elle a été amenée à négocier puis à conclure un contrat de franchise avec Franck PROVOST. Il n'est pas certain qu'elle n'aurait pas pu ouvrir son salon à cette enseigne avant le 1er septembre 2012. En conséquence, il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts, l'équivalent des loyers payés à son bailleur, pour les mois de juillet 2011 à décembre 2011, soit 13.800 euro (le contrat de bail prévoyant en son article 37 que les loyers mensuels sont réduits à 2.300 euro du 1er juillet 2011 au 30 avril 2012). SG DESIGN réclame également la condamnation de l'intimée au paiement des 50.000 euro avancés par la société PRESTIGE PRODUCTS, fournisseur des produits capillaires WELLA, majorés des intérêts conventionnels et d'une clause pénale, soit une somme totale de 70.027,40 euro . SG DESIGN a reçu cette avance qu'elle a utilisée pour financer l'aménagement de son salon. Ces investissements n'ont pas été réalisés en pure perte. En conséquence, elle ne peut pas exiger la condamnation de l'intimée au paiement de cette somme. Enfin, SG DESIGN ne peut prétendre à l'indemnisation d'« une absence totale de rentrée du 1er août 2011 au 31 août 2012 » (ses dernières conclusions, page 11, § 4). Outre le fait qu'il ne peut être exclu qu'elle ait pu ouvrir son salon plus tôt, il ressort du bilan nécessairement provisoire qu'elle dépose pour l'année 2013 (pièce 103 de son dossier) qu'elle n'a dégagé qu'un bénéfice comptable de 1.152,33 euro , alors que selon son comptable « elle ne cesse de voir son chiffre journalier augmenter (pratiquement 200 euro /jour de recettes supplémentaires par rapport au début de l'année) » (attestation du 31 juillet 2013 : pièce 103 de son dossier). Il faut donc en déduire que pour la période du 1er août 2011 au 31 août 2012, son activité aurait été nécessairement déficitaire. Il n'y a pas lieu de réserver à statuer sur ce point et il est inutile de recourir à une expertise à cet égard. La demande de l'appelante est donc fondée à concurrence de 14.933,80 euro à titre définitif. Dépens : G. DOUPAGNE et son épouse S. UNAL s'étant désistés de toute demande envers l'intimée doivent en principe être condamnés aux dépens envers celle‐ci (article 827 Code judiciaire). L'intimée qui succombe partiellement envers SG DESIGN ne peut être condamnée à la totalité des dépens (Cass., 25 juin 1992, Pas., p. 959). Dès lors qu'il n'y a qu'une indemnité de procédure par lien d'instance qui, en l'espèce, s'est noué entre d'une part SG DESIGN et les époux DOUPAGNE‐UNAL et d'autre part OD FRANCHISING, les parties échouant sur quelque chef de leur demande, les dépens seront compensés (article 1017 Code judiciaire), en ce que l'intimée sera condamnée envers SG DESIGN à 10 % des dépens des deux instances, non liquidés par cette dernière, le surplus étant délaissés aux appelants. Le cantonnement constitue un droit absolu et personnel de l'intimée que les premiers juges n'avaient pas exclu. Dès lors qu'elle a choisi d'exercer ce droit, les frais de cantonnement que l'intimée a exposés doivent rester à sa charge. PAR CES MOTIFS, La Cour statuant contradictoirement dans les limites de sa saisine ; Reçoit les appels et demandes incidentes ; Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il reçoit la demande ; Condamne la SA OD FRANCHISING à payer à la SPRL SG DESIGN la somme de 14.933,80 euro ; Déboute les parties du surplus de leur demande ; […]