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A N D Y V ER O L & HH
D U C HOM AGE …
©Andy Verol/HH
2
Il n’y a rien d’extraordinaire à parler du
chômage et de ses ravages. Il ne faut pas
imaginer que de l’écrire, cela provoquera un
quelconque électrochoc. Tout le monde sait
qu’il existe, qu’il est là, et qu’il menace
chacun. Tout le monde sent que ce mal
majeur est prêt à emporter un proche, un
oncle, une amie, un cousin.
Je suis né en 1973. L’année où ce cancer a
commencé à se répandre dans le corps social
de nos sociétés occidentales. L’époque était à
l’insouciance, aux révoltes, aux rêves de
lendemains qui chantent.
Qu’il s’agisse des Marxistes maoïstes, des
étranges rétrogrades de l’OAS, des hippies,
des sans opinions, des j’en passe et des
meilleurs, tout le monde imaginait un « autre
chose » en phase avec ses idées, tout en
consommant de plus en plus massivement. Un
monde loin d’être parfait, bouffé par une
Europe qui s’était anéantie en un demi-siècle.
Loin de moi l’idée de faire une analyse
historico-économico-sociale.
3
Le choc pétrolier et l’accélération du
processus de libéralisation du monde
capitaliste sont les phénomènes qui furent la
cause, sans aucun doute, du développement
d’un chômage extraordinairement destructeur.
C’est un peu comme ces gens qui travaillèrent
des années durant dans des bâtiments isolés à
l’amiante.
Et puis il y a le spectacle. Oui, je parle du
spectacle.
L’info
spectacle,
l’analyse
spectacle, le débat spectacle… Tant de
dispositifs mis en place pour anéantir la
rébellion, l’opposition et les propositions
d’un monde autre que capitaliste, affamé
d’argent, d’égoïsme et de vérités toutes faites.
Imaginons (vraiment ?) des législateurs, des
scientifiques, tous au courant du caractère
cancérigène de l’amiante, mais mettant en
place tous les outils législatifs, informatifs
voir juridiques pour cacher cette vérité
pendant des décennies, quitte à livrer des
centaines de milliers de personnes à la mort.
C’est exactement ça, l’agent pathogène qui
engendre
le
chômage,
le
Capitalisme
décomplexé et parfaitement huilé, est en
permanence dans l’accaparement, dans la
tentative victorieuse
de camoufler le mal
criminel qu’il provoque.
4
Le Capitalisme est un système politicoéconomique cannibale où l’Homme se nourrit
des autres Hommes.
Ce qui suit est avant tout une lecture d’une
maladie qui touche de plus en plus
de
personnes. Et s’il ne s’agit pas d’un chômage
complet, est-il au moins partiel, réel,
affligeant…
Bien entendu, je suis en colère, je suis révolté
par ce violon médiatico pseudo démocratique
qui rabâche l’affreuse litanie : « On ne peut
rien y faire. Les générations précédentes en
ont bien profité, mais maintenant, il faut se
serrer la ceinture. Il faut rembourser la dette.
Il faut casser les régimes de retraite. Il faut…
Il faut… »
Inacceptable. Invraisemblable, pendant que
des milliers de personnes s’enrichissent audelà de tous besoins nécessaires pour vivre et
se divertir. Incroyable quand on entend
nombre de responsables politiques affirmer
qu’un pays serait à terre sans ses millionnaires
et milliardaires. A vomir, le double
discours des
pontes
du
capitalismedémocrate :
« Nous
luttons
contre
le
terrorisme, contre ceux qui tentent de
détruire le monde libre », et de faire des
milliers
de
milliards
de
dollars
5
d’investissements dans la pays le plus
tyrannique, autoritaire et meurtrier du monde,
la Chine.
Voici ce texte dédié à la grande majorité des
Peuples qui souffrent de n’être que les outils
de dirigeants modernes, débiles et vomitifs.
6
D U CHOMAGE , DEU X XANAX ET UN WHISKY
L’idée que
injustes.
les
choses
puissent
être
Exemple : le boulot.
Puis derrière le chômage.
Et ensuite les premières tentatives de
tortures sur animaux. Les poulets. Un peu
des grenouilles lorsque la nuit je parviens
à me concentrer assez pour en choper une.
Avec mes Xanax, je bois de l’alcool. Le
Xanax efface bien l’angoisse, le stress,
l’anxiété. Et l’alcool permet la démence.
Le dégagement d’une violence telle, que
même ta propre mère souhaite ta mort.
Ca a commencé surtout après la seconde
guerre mondiale. Au fur et à mesure que
chaque pan de notre existence occidentale
était concédée à la sacro-sainte entreprise,
chaque individu s’est transformé puis
divisé en deux, selon qu’il était en-dedans
le monde (de l’entreprise), et en-dehors
(de l’entreprise puis du monde entier).
Certains ont du admettre, dès la naissance,
qu’ils seraient à jamais à l’extérieur du
monde (sans que, pour autant, le monde 7
de l’entreprise - ne cesse de lui rappeler
qu’il peut s’intégrer quand il veut, s’il le
veut, et seulement s’il le veut vraiment).
Bon ça, ce sont les enfants d’ouvriers du
Nord, par exemple, qui n’ont fait que
regarder papa picoler ses « assedics » et
maman grossir aux chocolats, de noël, de
pâques, de la promo Auchan sur les
friandises, etc. Ce sont aussi les immigrés,
ou enfants d’immigrés, ou petits-enfants
d’immigrés...
Puis enfin, il y a des erreurs. Genre le mec
qui vivait confort et qui a pété un câble à
14 ans sans plus jamais pouvoir s’en
dépêtrer.
Certains autres, sont garantis purs porcs
que, même s’ils ne sont ni des génies, ni
des grands stratèges, ils pourront vraiment
compter sur les pontes de l’économie et
du
monde
moderne :
le
papa-pdg
(rappelons, que maman-pdg, ça arrive,
mais ça ne sera pas mieux, sauf pour son
fiston ou pour sa fistonne). Dans ce
monde mouvant, turbulent, exigeant en
flexibilité, en productivité et en guerres
préventives, ces enfants-là connaîtront
une tranquillité matérielle telle qu’ils en
déprimeront (si si, je l’ai vu dans les
8
émissions de fils à papa Delarue qui fait
sa pleureuse avec tout ce qui bouge).
Enfin, il y a un groupe intermédiaire.
La dite classe moyenne.
Ou aussi classe ouvrière spécialisée, ou je
ne sais qui encore (si j’en ai oublié dans la
salle, qu’ils ne s’en offusquent pas, je suis
pas dans un état super lucide). Le groupe
danger, je l’appelle. Parce que là, t’es pas
garanti. Tu échoueras complètement, à
moitié, un petit peu, ou pas du tout. Mais
avec l’idée que, tout de même, si t’en as
pas mangé tous les jours, de la merde, tu
finiras bien par t’en sortir... D’autant que
dans la boite à images de propagande
d’entreprise qu’est la télé -autant publique
que privée- on a de cesse de te répéter :
Si tu veux, tu peux.
Alors maintenant, moi je bousille des
poulets, avec leurs têtes toutes gentilles.
Mais justement, si je le fais, c’est parce
que, de ma vie de l’en-dedans, dans
l’entreprise, il y a un ou deux mecs un peu
qui en voulaient, qui m’ont fait la peau
pour se partager le gâteau de mon salaire
et de mes compétences. Ce genre de mecs
qui aiment aller aux putes et qui prônent
la libération des femmes.
9
Des mecs sains. Pas des saints.
Mais maintenant je m’en fous. Mais le fait
d’être maintenant considéré comme mort
socialement, je n’ose plus dire ce que je
fais dans la vie à mes amis, qui, eux, pour
l’essentiel, ont un boulot. Je sais qu’ils ne
m’en voudraient pas. Je les connais. Je
sais qu’ils me diraient "mais non arrête,
c’est bon, te prends pas la tête pour ça.
Tu retrouveras un boulot."
Seulement voilà, je pense qu’en zigouillant
des poulets et des grenouilles, je ne suis
plus un mec suffisamment net pour entrer
dans le monde.
Je prends deux xanax (le docteur m’a dit
de n’en prendre qu’un par un, mais je le
trouve un peu minoré ce docteur-là) et je
les avale avec une rasade de whisky. Puis
j’attends que ça vienne, en buvant d’autres
whisky, si bien qu’à 8h00 du mat’, je me
sens prêt à rendre service au monde de
l’entreprise qui m’entoure : tuer d’la
poule, bousiller d’la grenouille, égorger du
chat domestique et écarteler des p’tits
chiens poilus qui sentent souvent de la
bouche.
Depuis deux trois semaines, j’ai atteint un
cap idéal : l’agonie sociale.
Il
m’est
désormais
impossible
de
comprendre exactement les mouvements
humains qui m’entourent.
10
Ainsi, vers 8h15, je descends à la station
RER et je me poste à côté d’un
photomaton en panne (ouais, c’est moi
"les mecs bizarres" qui restent campés sur
ton chemin à rien foutre avec les yeux
fixes et ça te fait peur à chaque fois), et je
regarde les gens avec des mallettes et des
habits corrects courir vers le transport en
commun de leur journée active.
Et je me dis, que si en définitive, ils
avaient des têtes de poulets ou de
grenouilles, sans doute n’hésiterais-je plus
à leur faire payer mon abus salvateur
d’alcool et de médicaments.
11
DU CHOMAGE, ZERO XANAX, SIX OU SEPT
TEQUILAS FRAPPEES
L’accélération.
On
a
fini
de
faire
les
cartons.
On
a
tout
rangé.
On a vraiment, définitivement bossé pour
rien.
A la suite de mon licenciement, j’ai choisi
de prendre tout de suite un boulot. J’étais
accro à mes loyers, à mon frigo rempli et
à mon repli idéologique dans mon
cocon/maison.
On nous a bien dit, dès le premier jour,
qu’on faisait partie d’une équipe. Des
hommes et des femmes, entre 30 et 45
ans, avec lesquels je devais accepter de
sucer en tutoyant le patron-sacro-sainthumain aux crocs de carnassier.
Le
dédale
des
couloirs.
Le
bureau
toc
en
teck.
La liste des missions punaisée au mur d’en
face et la slut de secrétaire du boss qui te
casse les neurones toutes les 20 minutes,
pour te refourguer un "ça s’passe bien
monsieur la roubignole ?"
Ouais
Alors la démission rapidement et le retour
à la case départ.
Le robot type occidental dans l’entreprise
c’est, tutoiement, sourires de gros faux12
culs et face de rats au restaurant brillant
coloré de menus variés. L’avalanche
d’hypocrisie,
d’infamie.
Le
dédale
encore.
L’accélération.
L’impression de s’en sortir... "Tant pis je
me compromets un peu mais c’est pour
bouffer..."
J’aurai les vacances pour me masturber sur
ma
soi-disant
liberté
de
vivre
en
croupissant.
Moi, j’préfère la femme un peu ronde et
au rouge à lèvres trop brillant de l’ANPE.
Je l’aime bien avec son air sévère et le ton
un
peu
maternel
qu’elle
emploie.
Je
ne
sais
pas.
Je
la
sens
humaine...
Humaine comme la Tequila que je
m’envoie à répétition devant mon écran
LCD, mon écrou, mes escrocs. Les croquis
de
mon
agonie
sociale
évidente...
Mais jouissante.
Dans l’alcool, il ne me reste que les sauts
déments sur une drum n’bass pénible et
jouissive.
Ma main caresse ses cheveux à l’invisible.
"Puisque je sais maintenant qu’il ne me
reste plus qu’à crever anonyme, lent, long,
définitivement..."
13
D U CHOMAGE , DE LA COLERE ET DES CRS
Les territoires socialement ravagés de mon
enfance.
La fermeture des usines Thomé-Génot à
Nouzonville, dans les Ardennes, est
l’illustration parfaite de l’escroquerie
intellectuelle,
sociale
et
économique
qu’est le capitalisme moderne (Mettez-y
du libéralisme si vous voulez, peu
importe, c’est exactement la même chose).
Avez-vous entendu parler des Ardennes ?
Oui sans doute, ses forêts, Rimbaud et les
braconniers. Mais les Ardennes -ce coin
totalement oublié et naufragé qui se
dresse en pic au nord de la carte de
France- ne sont jamais traitées que pour
l’asphyxie économique subie. Les corps
d’ouvriers de toutes origines crèvent la
dalle. Il ne reste rien.
Une misère infâme...
L’Etat, en réponse à la fermeture et à la
colère des ouvriers frappés par l’abandon
économique, envoie ses CRS, tabasse ses
citoyens de « seconde zone » et distribue
quelques
pièces
par
pitié...
L’Etat
français,
la
France,
l’Europe
qui
établissent les limites de la lutte. Le
désarroi et le dégoût qui broient nombre
14
de travailleurs lynchés par des patrons
bornés traduisent l’incapacité des masses
actuelles à comprendre que la mort
douce/violente est au bout de ces destins.
Envie de changements et de lutte
décapitée.
Si l’on me qualifie de « déclinologue »
parce que je ne fais que le constat sans
faire de propositions, peu m’importe.
Il est frappant -cancrelats de moralistes
progressistes ou libéraux- que vous n’ayez
pas, à l’évidence, réfléchi à une réalité
lourde de conséquences : vous demandez à
des gens dont vous avez sectionné les
jambes, de courir un marathon (et dans la
bonne humeur avec ça).
Si je parle spécifiquement de ce cas, de
ces ouvriers-là, c’est parce que j’ai vécu
mon enfance dans cette ville...
Cette situation m’est tellement familière,
que mon désir de lutte en leur faveur a
aussi le goût du lien inaliénable...
A cette occasion, et même si je vis dans
d’autres lieux, d’autres quartiers sans
faveur (je n’ai pas dit défavorisés pour ne
pas être un « misérabiliste » tant décrié),
je me rappelle d’où je viens, où je suis, et
où je ne veux en aucun cas aller...
J’ai vécu 7 ans dans cette petite ville
enclavée entre les collines boisées :
Nouzonville. La vallée de la Meuse.
15
Les usines immenses désaffectées, et les
quelques-unes
qui
perduraient,
plus
petites...
Nous vivions dans un quartier construit
en
1978...
Mes parents avaient choisi l’impasse des
bleuets parce que c’était neuf, accessible...
Les maisons étaient grandes et le terrain
dont
nous
disposions
était
géant...
C’était un peu comme si nous possédions
enfin un morceau du monde moderne.
Les promesses liées à des supermarchés
flambants neufs, des routes goudronnées,
des télévisions couleurs multi-chaînes,
l’Europe, les Droits de l’Homme, la
démocratisation des vols aériens,... Etc.
Dans ce quartier qui s’est rempli très
rapidement, la population était ouvrière
essentiellement, à 90%. J’allais à l’école
avec des gosses d’ouvriers...
Mais le drame.
Les années passaient. Même si l’endroit
était sublime, verdoyant, presque magique,
peu à peu, la fermeture répétitive et
permanente des usines aidant, un climat
lourd s’est posé sur la ville.
Nombre
de
pères
tombaient
en
dépression, dans l’alcoolisme le plus dur...
Naturellement, tous ces gens étaient
simples, avec un bon fond (qu’ils
touchaient sans faire d’efforts), mais déjà
16
radicalement sacrifiés sur l’autel du
capitalisme triomphant.
Mes voisins étaient des français d’origine
polonaise, italienne et maghrébine. Loin
de ces Ardennes paysannes, très focalisées
sur la fortune céréalière et le vote francotraditionnaliste, nous vivions en bonne
intelligence,
une
hémorragie
sociale
dramatique.
Les uns après les autres, les foyers étaient
confrontés au chômage et tout ce qui
s’ensuit : pas de mutuelle (trop chère),
bouffe pas chère (grasse et de mauvaise
qualité),
alcoolisme,
dépression,
endettement, etc.
Mes parents passaient pour des bourgeois
avec leurs salaires de fonctionnaires...
Ces
ravages
entraînaient
une
sédentarisation de la misère.
Plombé par le chômage, les petits boulots
et la liquéfaction familiale (femmes
battues, suicides massifs, guerres de
voisinage, démotivation, engourdissement
psychique,
liquéfaction
des
rapports
affectifs, etc.), chaque voisin n’était plus
que l’ombre de lui-même.
La pulvérisation des existences n’est pas
neuve. L’Humanité a eu à subir les pires
souffrances. Une minorité qui accapare
l’ensemble
des
biens
et
affame
délibérément la majorité. Une marche
17
forcée que l’ensemble des humains a eu à
subir. Mais les promesses du capitalisme
moderne sont loin d’être réalisées.
A Nouzonville, on se rassemble dans les
rues.
Après
s’être
entre-déchirée
(« Tiens
regarde ce salaud, il s’est ach’té une
nouvelle bagnole... c’est ça de sucer les
patrons... »), s’être jalousée, critiquée,
entre-tuée, la population s’est aperçue,
avec cette ultime fermeture d’usine, que
les pontes de la croissance et de
l’industrie
sidérurgique
puis
métallurgique, préféraient offrir à leurs
enfants le meilleur, quitte à déchiqueter
les enfants des autres, des petites mains,
des exécutants, des ouvriers qualifiés ou
non...
Un patronat socialement cynique et
assassin.
Les propriétaires de l’usine Thomé-Génot
de Nouzonville avaient prémédité le
meurtre social des 320 salariés « trop
coûteux » qui grossiraient leur portemonnaie jusqu’à lors... Une préméditation
revient à parler d’un assassinat social,
alourdissant ainsi le caractère néfaste
d’une société régie par la loi du profit, du
bénéfice à tout prix.
18
Il n’est pas question, pour moi de
disserter sur des gens que je ne connais
pas...
Celui des investisseurs, des promoteurs,
des actionnaires.
Rappelons
simplement
que
chaque
contribuable, mais aussi chacun des
ouvriers paie la note. L’enrichissement des
patrons français, et sans aucun doute ceux
du reste du monde est assimilable à celui
des mafias.
Les salariés Ardennais acceptent des
salaires minimums, refoulent leurs désirs
de lutte, de changement pour garder un
emploi, des revenus pour ainsi, nourrir
leurs familles et vivre sous un toit.
Ils se taisent, se terrent.
Ils restent polis avec le patron...
Mais ce dernier joue la menace.
« Si vous voulez que je laisse mon usine
dans votre trou pourri, voici mes
conditions :
pas
de
revendications
salariales,
aides
financières
de
la
commune, du département, de la région et
de l’Etat, avantages fiscaux, embauches de
personnes à mi-temps, en stage, par
intérimaire, etc. »
Ce deal dure quelques années.
Les bénéfices sont juteux et les ouvriers,
la gueule enfarinée, se disent qu’ils
arriveront jusqu’à la retraite s’ils plient
19
encore l’échine, pour conserver leur
emploi... C’est sans compter avec le peu
de férocité des représentants syndicaux, la
mollesse d’action des élus politiques,
l’absence de projet des intellectuels et la
certitude qu’un jour, avec le capitalisme,
tout le monde pourra s’en sortir s’il le
souhaite.
Un ravage. L’envie de dégueuler.
En repassant, l’hiver dernier, dans cette
ville où j’avais vécu, j’ai vu la disparition
des commerces, des maisons abandonnées,
l’absence de vie dans la rue... C’était une
ville pleine de vie... J’ai roulé, sillonné les
quartiers
que
je
fréquentais
quotidiennement, et j’y ai vu l’abandon, la
peine, les solitudes, l’amertume, un peu de
dépit, de la colère, l’anéantissement
volontaire des volontés.
A en devenir fou.
Le sens. Je pense au sens. Je me suis
souvent caché, derrière l’espoir. Les jours
meilleurs... Alors ce texte ne parle pas à
ces travailleurs là, qu’il ne faut pas
sacrifier un peu plus. Il est à l’attention
de tous les autres, ceux qui ne sont pas
encore sclérosés. Sans doute des jours
meilleurs
se
profileront.
Bien
sûr
l’Homme a un énorme potentiel pour se
sortir de la merde. Mais l’Homme accepte
20
des sacrifices humains gigantesques avant
même de condamner les responsables.
Ma pensée est pour eux, ceux qui ne s’en
sortiront pas. Ceux qui sont déjà morts,
avec des millions d’autres...
21
DU
ET
CHOMAGE , DES COUPS DE POING
UNE
DEFENESTRATION
SOCIALE
Ce qui commence à stresser les élites et
les "embauchés" de classe moyenne, c’est
le sort lamentable proposé à leur gosse,
par une société tranchée, laminée, détruite
par un système économique qui est allée
chercher ses esclaves ailleurs.
Le capitalisme est une monstruosité
conduite par des hordes de cerveaux
malveillants en quête de fortune, de gloire
et bien sûr, de privilèges.
Depuis
le
XIXème
siècle,
avec
l’avènement
de
la
"révolution
industrielle", les sociétés humaines, et
particulièrement celles qui constituent
l’Occident ont mis en place un système
qui pousse l’Humanité à se défenestrer,
dans sa globalité. Etre bouffé après s’être
gavé de tout ce que la planète et son tapis
de vie pouvaient fournir.
Cette révolution industrielle n’a, au fond,
toujours apporté du confort qu’à une
toute petite minorité. Pour les autres, les
plus privilégiés des autres, c’est l’espoir
puis la frustration et l’humiliation. Une
minorité des hommes se nourrit de la
chair de la majorité... Mais là, je n’invente
22
rien. Je répète inlassablement toutes ces
évidences dont les dirigeants ne tiennent
pas compte.
Les deux guerres mondiales sont le fruit
de l’idéalisation de la Nation, mais aussi,
et surtout, la conséquence directe de
l’industrialisation...
Chaque époque produit ses victimes
humaines. Mais au cours de ces deux
derniers siècles, des idées nouvelles, ou
tout du moins nouvellement généralisées
ont saisi les esprits de millions d’hommes
et de femmes. Etrangement, ces idées
"révolutionnaires" et progressistes qui
proposent l’égalité entre les hommes et un
bien-être commun ont été générées par le
capitalisme et son lot de massacres
visibles ou invisibles...
La machine ne s’emballe pas. Elle a été
délocalisée.
Comme je l’indiquais dans un texte sur la
fermeture des usines Thomé-Génot, il est
stupéfiant de remarquer que des zones
vastes de peuplement humain, en France,
soient en récession : suicides massifs,
dépressions,
violences
conjugales,
violences urbaines, dépréciation de la
personne humaine par l’Etat (fermeture
des
services
publics),
enclavement
(disparition d’escales SNCF), exode massif
de la jeunesse vers des zones produisant
23
des emplois précaires (des dizaines de
milliers de jeunes français nettoient des
chiottes de restaurants londoniens avec un
niveau bac + 3), dé mutualisation des
assurés sociaux...
Le bannissement
Les chômeurs sont considérés, toujours à
tort,
comme
des
profiteurs,
des
"abuseurs" de système par les patrons, les
responsables politiques et, de plus en plus
souvent, par des représentants syndicaux.
Je parlerai spécifiquement de la zone
France... Les trente glorieuses ont offert aux
français, l’illusion d’un avenir meilleur. Le
traumatisme de la guerre et la faim qui
tenaillait chacun ont permis au capitalisme
de s’installer durablement, avec de moins
en moins de contestation. Les Babyboomers avaient du travail, même mal
payés et voyaient leurs moyens augmenter
de décennie en décennie... Certains
d’entre eux, de 68 à 81 se sont cependant
inquiétés de cet emballement.
Etait-il raisonnable d’accepter un système
injuste et assassin sous prétexte qu’il
endormait chacun de façon provisoire ?
Mais c’était sans compter sur le système
qui sait une chose : plutôt que de détruire
directement et très visiblement des
réfractaires, il est préférable d’absorber
24
les moins virulents d’entre eux, et bannir
tous les autres.
A l’échelle du pays, ce bannissement se
traduit par la destruction lente et
profonde des administrations (bureaux de
poste, commissariats, écoles, etc.). A
l’échelle de chacun, la situation est
catastrophique : "Tu acceptes un boulot
avec un salaire minimum qui ne tient pas
compte de ton parcours professionnel et
scolaire. Si tu te syndicalises, on te
flinguera à vue si tu contestes notre
gestion."
Ce bannissement est réalisé avec la
complicité
des
hommes
et
femmes
politiques.
Ceux-ci,
plutôt
que
de
proposer une alternative sérieuse au
capitalisme carnassier, soutiennent des
centaines
de
lois/mesurettes,
des
pansements inefficaces : aides publics à
l’emploi, zones franches, prime de Noël,
etc. On me qualifiera de "sans-coeur". "En
attendant mieux, il faut bien aider ces
pauvres gens."
La politique et les idéologues actuels se
contentent de ce message.
Aucun ne remet en cause le capitalisme.
Personne ne le dénonce totalement.
Ce
travail
de
sape
des
leaders
économiques a permis : la disqualification
des
syndicats,
le
muselage
de
25
l’information
(groupes
de
presse
propriétés
des
multinationales),
la
corruption des représentants politiques de
tout bord, la manipulation statistique
généralisée (Je me rappelle qu’en matière
d’économie, mes enseignants focalisaient
essentiellement sur les chiffres officiels),
le renforcement d’un dispositif sécuritaire
massif (en vue de rejeter tout banni
soucieux de rentrer dans le rang), le
cynisme politique ("Nous lutterons contre
la fracture sociale" - 1995 - France),
l’accentuation des rapports conflictuels
entre les personnes (Pour payer son loyer
et remplir son frigo, il faut, face à un
marché du travail détruit, écraser son
collègue ou partir), l’émergence d’un
fascisme
nouveau,
une
approche
nationaliste des collectifs (Les propos
racistes et communautaires s’imposent
aussi dans des structures associatives et
politiques de gauche), un mutisme ignoble
des élites intellectuelles, etc.
J’entends des salariés (s’imaginant à l’abri
du chômage et de la chute sociale) me
dire : "Mais t’es pessimiste toi ! Tu vois
tout en noir et tu exagères tout. C’est vrai
qu’il y a des problèmes, mais pas à ce
point-là."
26
L’égoïsme des classes moyennes est sans
doute le facteur de dégradation morale le
plus inquiétant.
Tandis que nombre de salariés aux revenus
convenables
vivent
normalement
et
consomment,
des
milliers
d’autres
tombent comme des mouches sur le pas de
leurs portes. Ils les voient, mais refusent
de penser qu’ils jouent un rôle dans cette
dégradation.
Des plus de 7 millions de français qui
souffrent de la précarité économique,
sociale et psychologique, un très grand
nombre meurt sans avoir jamais rien
réalisé. Les membres de la classe
moyenne, soucieux de préserver leur
niveau de vie et angoissés à l’idée de
devenir à leur tour les parias de ce monde,
ne jouent jamais le rôle qu’ils devraient
avoir. Ils votent pour ces grands partis
qui ont entraîné le monde dans ce
contraire-de-vie,
ils
contestent
l’honnêteté, la fierté et la force des plus
pauvres.
Ils
sont
favorables
à
la
pérennisation de ce système économique
(en attendant mieux ?)...
Je sais, il ne faut pas toucher aux classes
moyennes... Et pourtant.
Tout le monde connait les remèdes, mais
aucun des privilégiés qui nous dirigent ne
souhaitent les appliquer.
27
Il est évident que les hommes et femmes
politiques ne veulent pas remettre en
cause leur niveau de vie. Ils veulent le
beurre, l’argent du beurre, la crémière, le
mari de la crémière et pas leurs gosses.
Ce qui sauvera finalement beaucoup de
gens et leurs descendants, c’est finalement
la dégradation massive des existences de
la majorité. Les mouvements sociaux
grandissent.
Les
luttes
et
les
correspondances
entre
sceptiques,
militants
et
déçus
du
système
s’accélèrent... Nous entendons souvent
parler de radicaux, d’extrémistes, etc. Ce
mensonge odieux est le meilleur moyen de
grandir le bannissement de ceux qui ont
compris que ce système n’est au service
que de ceux qui en profitent pleinement.
Nous sommes à la fin d’une époque. Les
partis dirigeants sont discrédités par la
masse des gens qui souffrent.
La meilleure façon de ne pas être absorbé,
c’est la lutte sous toutes ses formes. Et
plutôt que de subir un bannissement, il est
préférable de refuser catégoriquement de
pénétrer pleinement dans ce système. Pour
ça, il est nécessaire de mettre aux
oubliettes, ses rêves de maison, de voiture
et de vacances au soleil. Mais en échange,
chacun vivra peut-être plus paisiblement
28
dans "l’en-soi" et se suffira de la vie en
toute humanité...
Nous en passerons, hélas, par une phase
violente de changement.
29
DU CHOMAGE, DU SARKO ET DE LA GUERRE CIVILE
Bluffé. J'ai été bluffé par la capacité de
Sarko à embrouiller les esprits... Véritable
cochon féroce, il se pointe à CharlevilleMézières, non loin des usines ThoméGénot, fermées très récemment... Je pense
à ces ouvriers qui, aujourd'hui, ont
l'obligation de pointer à l'ANPE, justifier
leurs Assedic ou encore assurer des
missions d'Intérim au Cora de VillersSemeuse... "La France qui travaille, pas
celle qui brûle des voitures... La France
qui ne se plaint pas... La France qui ne
bloque pas les transports en commun..."
Ces mots résonnent dans ma tête. Sarko,
ce chiard éructant à tout va, celui-là même
qui a fait savater les ouvriers de ThoméGénot avec ses sans cervelles de CRS,
vient se plonger dans ce trou et y
desservir sa verve infecte... L'homme n'a
peur de rien. Il promet dans tous les sens.
Il affirme qu'il sauvera la France, qu'il
permettra à tous les français d'avoir un
logement, qu'il inventera le plein emploi,
qu'il déglinguera tous ces salauds de
pauvres gueulards de cité, ces "soushommes" trafiquants, mal élevés, bref,
d'origine africaine... Il alourdit la note. Il
banalise complètement les idées fascistes.
Il préfère mener la France à l'agonie
30
psychique collective, voir
civile pour REUSSIR...
à
la
guerre
Je les vois moi les ardennais au chômage
qui, pour plus d'un tiers d'entre eux,
pensent que tout ça est du "aux
bougnoules et aux négros"... Sarko parle à
ceux-là et embrigade les autres qui aurait
des doutes: "C'est bien de lever les
français les uns contre les autres! C'est
sublime comme projet politique!"
Mais rappelons simplement ce qu'il
souhaite promouvoir le Sarko: un ultra
libéralisme à l'américaine, une politique
anti-terroriste se rapprochant violemment
d'une politique anti-arabes, une lutte
insensée contre le service public, contre
l'école de la République, contre la
séparation des pouvoirs... Et rien n'y fera,
les mains tendues aux plus gauchistes des
lepénistes (c'est à dire ces anciens
communistes désabusés et racistes) sont
des mensonges, des crachats balancés à la
gueule du Peuple pour la seule réussite
d'un
revanchard
gueulard,
arrogant,
prétentieux et complètement con...
Je lis une biographie sur Adolf Hitler en
ce moment, celle écrite par Ian Kershaw...
Loin d'être ce type, Sarko en a les traits
31
d'humeur. Il gesticule, harangue les
foules, ment, jette de l'huile sur le feu, et
entraîne, avec lui, tout un pays dans sa
fureur mégalomaniaque. Il n'est doué que
de haine.
Pendant ce temps-là, au bar-tabac, les
chômeurs ont les yeux fixés sur l'écran du
Rapido. L'air est gris de fumée de
cigarettes, et une odeur de bière plane...
Les conversations sur la question vont
bon train. Plus personne ne sait quoi
penser... "Après tout, Sarko, c'est pas si
mal. Il remettra peut-être la France sur
pieds et mettra tout ce bordel dehors."
32
DU
CHOMAGE… CERTAINS JOURS, LA CHINE
ME TERRIFIE PLUS QUE LA NUIT CHEZ MEME
Tu vois, c'est con, mais hier je regardais un truc sur un
pont gigantesque construit en Chine, à Shangaï. Et je
n'ai pas tenu plus de 10 minutes parce que ça m'a fait
peur. Pourtant, je ne suis pas un de ces beaufs français
qui flippent du "niaques". Non absolument pas. Mais
comme tu l'as dit, j'ai flippé de ce que la Chine a fait du
Capitalisme: un régime totalitaire au service du
libéralisme le plus sauvage.
Si ça, ça n'est pas la chose la plus affreuse à laquelle
nous sommes confrontés! Je pense que, finalement,
c'est encore plus terrifiant que l'Allemagne Nazie.
Entre ma peur de choper un cancer et celle d'être le
microbe d'une Chine économiquement cannibale, je
me dis qu'il serait préférable de ramener l'espérance de
vie à 42 ans pour ne pas tomber dans une dépression
totale. On s'est tellement fourvoyés dans cette histoire.
On a tellement abusé de notre suprématie ultraviolentes et injustes, que je ne parviens toujours pas à
me mettre dans la position de l'humilié, le rien-du-tout,
l'Africain quoi...
Je m'y refuse.
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L'arrogance, la prétention, et une certaine sensation de
supériorité sont imprimés en moi. C'est culturel, inscrit
dans les programmes scolaires, dans le discours des
parents, dans le monde du travail... Et pourtant tout
s'écroule, très très vite. Pendant ce temps-là, cher
citoyen libre, le charisme culturel français s'étiole,
s'effiloche, se réduit comme une peau de chagrin.
Nous sommes de lamentables microbes. Et plus nous
sommes sombres, pessimistes, plus cette civilisation du
mérite capitaliste nous enferme dans notre médiocrité.
Je suis trop lâche pour me flinguer. Je suis trop chétif
pour faire la guerre. Je suis trop paresseux pour
apprendre le chinois. Il ne me reste donc rien... Peutêtre émigrer... Devenir l'immigré d'un autre pays... Le
reconduit à la frontière. Le sans-papiers. Le regardéde-travers. Le délinquant potentiel. Le destructeur
potentiel de culture locale...
Mais il y a la Sibérie et la fonte du pergélisol, toutes ces
terres fertiles, ce climat tempéré futur, ces russes pour
pas chers...
Il y a ces expéditions sur Mars. Des années passées
dans une bulle transparente à regarder un ciel rouge
cauchemardesque. Des vomissements permanents.
34
Mais il y a Dieu, là-bas, un peu plus, loin, caché
derrière une super Nova. L'oeil coquin. Prompt à la
réflexion de mauvais goût: "Fallait pas la croquer la
pomme ducon."
Mais il y a ce terrain aride, acheté pas très cher, où, en
tant que gourou charismatique, je permets une culture
bio et une approche malthusianiste de l'existence... Mes
adeptes bien maigres. Bien hagards. Bien lascifs dans
mon lit.
Je suis ce que l'on peut appeler, un mec paumé.
35
DU CHOMAGE, DU CYNISME, DE LA CRAINTE ET
DE L'EVIDENCE
Putain ! Je me suis bien marré, « jaunement j'avoue »,
parce que je m'y suis
retrouvé dans ton ressenti, Andy.
Y a matière à flipper grassement dans son froc ! c'est
clair !
D'ailleurs, l'espace d'un instant je me suis vu en train
de me faire
fouetter le cul à grands coups de Nem Royal par une
bande d'ouvriers_libéraux
Asiatiques : « Méchant petit français, on va t'en donner
du Capitalisme dans
ton p'tit cul biactolé, NiiiiAAA ! » .
En fait, tu vois, moi hier, je me suis laissé aller
fragilement à mater un
reportage sur M6 (les condescendants thermomètres
sociaux du PAF). Un de ces
reportages « qui te fait aimer l'espace d'un instant, ton
canapé pourri que
t'hésite parfois à changer, par effet de mode ».
On y voyait en 16/9 et en stéréo les effets pervers de
la précarité dans
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notre pays. C'était un truc sur le « peuple/décharge»
vivant aux abords du
périphérique parisien. Dégueulasse et émouvant.
_ Et bien je me suis dit l'espace d'une minute, que c'est
pas qu'un mythe «
la merde »_
Et ça pend au nez d'un paquet de gonze, si tu fais pas
un peu gaffe à tes
réelles capacités d'adaptation à l'ambiance capitaliste
exfoliante. Pour si
peu qu'en plus tu ais un penchant pour le laisser-aller
anisé, et la
mélancolie, tu peux finir en moins de deux à dormir
dans des sacs en
plastique, le cul et la gueule défoncés par l'indifférence
et la dalle (quand
c'est pas par tes nouveaux potes aux mains gonflés par
le froid).
J'ai frémi à l'idée que ma femme pourrait, un jour, me
foutre à la porte pour
une vulgaire histoire d'adultère (ben quoi, j'y peux rien
si elle a insisté
pour me sucer la stagiaire merde, je sais pas dire non
moi, tu le sais comme
je suis faible toi putain!).
37
J'aurais l'air de quoi moi et mon sac de fringue, comme
un con sur le
trottoir, une photo de ma fille dans la poche, ma CB et
mes 300 euro
d'économie qui partirai aussi sec dans l'alcool et la
défonce, mon portable
et ma liste vide d'amis. Saurais-je me démerder ? Je ne
crois pas trop.
Juste le temps de 300 euro, quoi !
Bref, cette projection de schéma (tellement palpable),
m'a laissé
légèrement anxieux quand à la modification
pernicieuse de la sphère
capitalistique et de ses conséquences sur ma vie, mon
confort et ma tronche
de pucelle laiteuse (on pense toujours à sa gueule
quand on flippe, c'est
très con).
Mais que veux-tu, comme tu le dis, y a plus rien à dire,
on l'a eu notre
part du gâteau (en même temps on était peu nombreux
à avoir la recette). On
a rien anticipé. Que dalle ! On n'a fait que tourner
autour de son propre
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cul, sans se méfier de « l'émergence »_ et du tonnerre «
marchand » qui
grondait a des milliers de miles de son petit quotidien
de baltringue.
Comme des gros cons, on a bien consommé, on a bien
bouffé, on s'est bien
défoncé, on a bien baisé sans capote, on a bien gueulé
pour bosser moins,
on a bien pleuré dans la rue pour gagner plus, on a
bien branlé sur les
bancs de l'école, on a bien paressé, bien philosophé,
bien sucé notre
histoire « la putain de fierté hypocrite », parallèlement
on a bien fait
les enculés de puissances dominantes, sans analyser
une seule seconde «
l'effet papillon » et le revers « smashé » de nos actes
aveuglés.
Bref, moi j'ai pas été éduqué à anticiper (je crois qu'on
a le même age
vieux, il me semble, et on a du être impacter
grosso_modo par les mêmes
valeurs, peut-être _ le genre « j'avance, je prends, je
suis pas un enculé,
mais je me fais plaisir, j'aime pas tout le monde, mais le
39
monde est petit,
je suis un peu révolté, mais c'est normal, je suis un
Occidental, j'aime pas
trop les normes mais je fais pas trop avancer les
choses_ etc. ! ? »).
Alors ouais je suis mal ! Je suis mal parce que je sens
bien que les choses
partent en couille, que ça va bientôt être fini le temps à
papa, les acquis
sociaux, la gauche, les allocations, le gratuit, la pseudosolidarité
sociale, la pseudo-tranquillité dans son studio
subventionné.
Je suis mal parce que je prends conscience de manière
violente, que je
risque de pas suivre, et je commence à flipper parce
que je me rends compte que
j'ai pas la culture de la gagne, que j'ai pas les bons
diplômes, que j'ai
pas trop de pognon pour spéculer et surfer sur le
putain de CAPITAL, que
j'ai pas les armes pour m'expatrier et sucer la bite aux
nouveaux noyaux durs
de l'économie, que j'ai pas la trempe de faire partie de
l'intelligentsia
40
marchande, que j'ai pas la foi dans le pognon, que j'ai
pas l'énergie, ni
l'insouciance, ni l'adaptabilité d'un mec de 20 piges,
que j'ai plus le goût
à l'effort et la remise en question.
Et je me réfugie dans le cynisme, la crainte,
l'évidence_ et j'attends la
sentence. Et j'attends que tout ça se termine vite, sans
souffrir .Putain !
C'est pathétique, je me sens pathétique, parce que
faible et spectateur.
Alors que le spectacle c'est moi. J'aurais du, j'aurais pu
et j'ai gâché,
paresseusement, indifférent et débonnaire, un pseudo
potentiel qui m'aurait
permis d'anticiper. Au contraire, j'en suis à me chier
dessus, en matant la
TV.
Fais chier, en plus je crée rien d'autre, qu'un misérable
petit profit pour
l'entreprise qui m'emploie. J'ai plus envie de bosser
pour des chiffres et
des valeurs boursières, j'ai plus envie de cette
41
prostration/sidération, et
je me perd en nostalgie et divagations, j'ai commis un
enfant, déboussolé,
comme pour détourner mon attention, Obscène, c'est
terrifiant_ j'ai créé une
douleur de plus, la sienne à venir et la mienne à
contenir. J'ai en plus
mal pour une chair autre que moi !
Une chair à capitaliser _ouais..Mon amour
HH
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Ces textes (à l’exception de celui de HH) ont été
publiés sur le site Internet de DI2 et de Franca
Maï :
http://www.e-torpedo.net
Ainsi que sur le site des éditions du Mort-QuiTrompe :
http://le-mort-qui-trompe.fr
Ensemble des textes Andy Verol et HH:
http://andy-verol.blogg.org
Textes format papier :
Baise de Rue (Ecrit avec Arturo B, Lucie Ferraille,
fol lol, Verge et Vidal)
Mon Usine
Roman en pdf (participation financière libre) :
Steady Bicycle Of France, l’histoire des derniers
Cowboys français…
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