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Date : 24/06/13
Les jets d'affaires à la reconquête de clients
Thierry Dubois (Agence de presse Objectif Une)
En renouantavec le luxe des débuts du transport aérien, l'aviation d'affaires veut réconcilier les
clients exigeants avec le voyage en avion. Et espère tourner résolument la page de la crise qui
a fortement affecté le marché depuis 2008.
Le Falcon 7X de Dassault est un des avions d'affaires vedette du Salon du Bourget 2013.
REUTERS/Pascal Rossignol
Porté par l'apparition de compagnies à bas prix, le transport aérien s'est démocratisé devenant
un moyen de déplacement de masse. Revers de la médaille, le passager n'est plus qu'une
particule dans un flux plus ou moins bien géré. Longues marches à travers des dédales de
couloirs, contrôles de sécurité, files d'attente, on est loin du temps où un personnel attentif
assurait un service personnalisé à des voyageurs forcément fortunés. Pour ceux qui en ont les
moyens, l'aviation d'affaires s'impose aujourd'hui comme le nec plus ultra. Aérogares privées,
hôtesses aux petits soins, avions (souvent) très confortables avec la possibilité de choisir
l'horaire et la destination finale.
" Notre moyen de transport s'adapte à l'entreprise cliente et à son emploi du temps ", insiste
Marie-Antoinette Dain, présidente de Jet Services. Le groupe, connu sous le nom de ses
sociétés Aerovision, Aero Jet, Advanced Air Support, Camo Air Support, BCA et Star Service
International, est basé sur les aéroports de Paris Le Bourget, Toulouse Blagnac et Lyon
Bron. La plateforme parisienne est la première du secteur en Europe. Les chefs d'entreprise
représentent 90 % de la clientèle de Jet Services. Des fleurons du CAC 40 ? " Pas seulement,
Évaluation du site
Site du magazine papier économique L'Expansion. Outre une reprise d'articles issus du magazine, le
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Cible
Spécialisée
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Dynamisme* : 163
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poursuit Marie-Antoinette Dain. Les dirigeants des PME reconnaissent aussi l'efficacité de notre
produit. " Car les premiers tarifs sont " abordables ". À titre d'exemple, un biturbopropulseur
Beechcraft King Air 90 coûte environ 1 300 € l'heure de vol et peut embarquer jusqu'à six
passagers. Et pour ce prix, le client peut décider de l'heure du décollage, réserver son vol
quelques jours voire quelques heures à l'avance et arriver à l'aéroport quelques minutes avant
le départ. De toute façon, l'avion attendra.
Un temps de vol productif
Aujourd'hui, le choix de destinations est quasi illimité, les petits terrains étant accessibles. Ainsi,
avec un biréacteur léger, il est possible de se poser sur 1 200 aéroports en Europe, contre
300 pour l'aviation régulière. Autre avantage, dans les grandes agglomérations, les aéroports
d'affaires sont souvent mieux situés comme à Lyon, où l'aéroport de Bron est plus proche du
centre-ville que celui de Lyon Saint-Exupéry. À bord, un dirigeant et ses collaborateurs peuvent
préparer une réunion dans de bien meilleures conditions que dans un avion de ligne : leurs
conversations ne risquent pas d'être entendues par des oreilles non autorisées et les appareils
moyen et haut de gamme disposent de tables et de sièges en vis-à-vis.
Au bilan, le voyage n'est plus du temps perdu : il est productif. C'est surtout du temps gagné,
revendiquent les promoteurs de l'aviation d'affaires. " L'heure de travail des hommes-clés d'une
entreprise a une grande valeur. Il est bien plus rentable de visiter trois sites en un jour avec un
avion d'affaires, plutôt que d'y consacrer deux, voire trois jours, en utilisant les lignes régulières
", souligne encore la présidente de Jet Services.
Un service sur-mesure
Son groupe mise sur une gamme complète d'avions, du King Air au Dassault Falcon 900EX
(6000 € l'heure de vol en moyenne pour quatorze passagers), permettant au client de choisir
une taille de cabine adaptée au type de voyage. Au rayon des prestations annexes, on trouve
des aérogares privées, l'assistance aéroportuaire (avitaillement en carburant, parking, etc.) et
une maintenance sur-mesure. Au Bourget, " nous proposons à nos clients des salons privés
avec éventuellement une salle de bain attenante, une salle de prière et une salle de réunion",
indique Marie-Antoinette Dain. Dans l'activité d'assistance, les avions d'affaires de la catégorie
supérieure, de la taille d'un Airbus A318 et au-delà, notamment en provenance du Golfe arabopersique, représentent une part non négligeable du marché. Enfin, Jet Services se targue de
proposer des services ultra-personnalisés.
Le sens du détail va jusqu'à anticiper les habitudes du client : mets et boissons préférés, journal
habituel... " Nous écartons de notre politique les promotions et rabais : ils nuiraient à l'image que
nous souhaitons donner ", affirme Marie-Antoinette Dain.
À l'inverse, d'autres acteurs de l'aviation d'affaires fondent leur activité sur des offres
commerciales agressives. C'est le cas de NetJets, le géant de la propriété partagée et des
cartes d'abonnement. Filiale du groupe Berkshire Hathaway, de l'investisseur américain Warren
Buffet, l'entreprise dispose depuis longtemps d'un outil pointu en matière d'optimisation de
l'utilisation de sa flotte. Aujourd'hui, alors que la demande continue de chuter pour les avions
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d'affaires des catégories inférieures, NetJets prend livraison de ses premiers Global 6000,
le fleuron des usines Bombardier au Canada. Car chez NetJets Europe, la demande semble
se concentrer sur le haut de gamme. D'où le choix du Global 6000 pour sa cabine passager
d'une surface de 37 m2, permettant d'aménager une chambre séparée et même d'installer une
douche, option que NetJets n'a pas retenue, l'emport en eau étant jugé trop lourd.
À l'autre extrémité du spectre de l'aviation d'affaires, la jeune compagnie Wijet mise sur un
modèle différent. Le prix est fixe, 2 200 € l'heure de vol, alors que la plupart des compagnies
traditionnelles font des devis sur mesure dont l'inconvénient est la variabilité. Wijet se réserve
tout de même la possibilité d'offrir des tarifs dégressifs... mais aussi de facturer certains
suppléments, pour des vols à vide, par exemple.
Autre particularité, Wijet a choisi d'exploiter un seul modèle d'avion : le Citation Mustang de
Cessna, un petit biréacteur de conception récente. Il vole à 650 km/h, soit un peu moins vite
que la moyenne. Il peut embarquer quatre passagers et franchir 2 200 km d'une traite. " Nous
couvrons plus de 80 % des besoins en Europe ", revendiquent les fondateurs de Wijet . Ils
proposent leurs services au départ de Paris Le Bourget, Bordeaux et Lyon Bron. Et, à l'instar
des compagnies à bas tarifs de l'aviation régulière, ils visent des gains de productivité.
Un modèle économique fragile
Corentin Denoeud, le PDG, souligne la forte croissance du chiffre d'affaires: 37 % de hausse
prévue en 2013. Il veut "casser l'image élitiste, opaque et un peu poussiéreuse" de l'aviation
d'affaires et revendique une clientèle composée aux deux tiers d'entreprises, le tiers restant
étant constitué de passagers " loisirs ". Ces derniers ne sont autres que les jet-setteurs que
l'aviation d'affaires cherche souvent à cacher. Car, pour de nombreuses entreprises, ce moyen
de transport est perçu comme un outil de travail. En Europe, des pics d'activité sont enregistrés
d'une part lors des vacances d'hiver vers les Alpes et d'autre part lors des week-ends prolongés
de mai, vers la Côte d'Azur.
Même aux États-Unis, où la business aviation pensait être définitivement acceptée, elle est
à nouveau montrée du doigt. Depuis le début de la crise financière, en 2008, les médias et
même le président Obama ont pointé ses excès. Un procès injuste, clame la National Business
Aviation Association, le lobby des utilisateurs de " bizjets ". Et de relancer une campagne de
communication sur les retombées économiques du secteur. En France et en Europe, il semble
difficile de gagner de l'argent quand on est transporteur d'affaires. Ni Wijet ni Jet Services
ne sont bénéficiaires. Ces deux sociétés espèrent atteindre la rentabilité à court terme, mais
sont, pour l'heure, portées à bout de bras par leurs actionnaires. Quant à NetJets Europe, elle
a longtemps été déficitaire. Sa situation financière actuelle est inconnue, toutefois elle a dû
récemment réduire ses effectifs.
C'est tout le paradoxe de l'aviation d'affaires. Il existe bel et bien une place pour ce mode de
transport, mais les compagnies peinent à atteindre l'équilibre. Peu d'entre elles possèdent
leurs propres avions et beaucoup d'aéronefs restent la propriété d'acheteurs - entreprises ou
particuliers - désireux de les rentabiliser, en les louant à l'heure de vol. Pourtant, un avenir
radieux s'offre au secteur, si l'on en croit Richard Aboulafia, analyste réputé du Teal Group,
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cabinet américain spécialisé dans l'aéronautique, la défense et le spatial. " Les tendances
sont favorables ", estime-t-il. Et de lister la croissance mondiale, l'augmentation du nombre de
millionnaires, dans les pays émergents notamment, la santé des entreprises multinationales, la
libéralisation économique et l'ouverture des espaces aériens. De quoi redonner le sourire aux
principaux constructeurs : le canadien Bombardier, leader du marché, le français Dassault, qui
fête cette année les 50 ans de son premier Falcon, et le brésilien Embraer qui vient de lancer le
Legacy 500. Selon Teal Group, les ventes d'avions d'affaires devraient afficher une croissance
de 11% en 2013 et enchaîner sur quatre années de hausse à 12% en moyenne. Mais les "
bizjets " sont gourmands en carburant : quid, alors, de l'augmentation prévisible du prix du
pétrole ? " Les marchés riches en ressources énergétiques achètent davantage de jets d'affaires
", répond Richard Aboulafia. Pour le long terme, les étoiles semblent décidément s'aligner.
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