HOMELIE DU Père Michel VIOT Pour la messe, en mémoire du Roi

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HOMELIE DU Père Michel VIOT Pour la messe, en mémoire du Roi
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HOMELIE DU Père Michel VIOT
Pour la messe, en mémoire du Roi LOUIS XVI
Saint Jean 5, 25-29.
Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Ce passage de l’Evangile selon Saint Jean peut être compris de deux
manières que bien souvent dans les temps modernes on a opposé. Pour
m’expliquer, je partirai d’une question : « Qui sont les morts qui entendent
la voix du Fils de Dieu ? » S’agit il de ceux qui gisent dans les tombeaux et
ce au sens littéral ? Ou bien cela concerne t il les morts au sens spirituel,
c’est à dire des gens coupés de Dieu parce qu’ils refusent de croire en Jésus
Christ son Fils ? Leurs tombeaux ne seraient plus alors que leur vie en ce
monde, une vie sans foi.
Ce serait mal comprendre la méthode du 4ème Evangile que de choisir entre
ces deux interprétations. Saint Jean, quelques chapitres plus loin, au
chapitre 9, parlera d’aveugles, à propos de la guérison de l’aveugle-né. Et il
sera autant question dans tout ce récit d’aveugles privés de la lumière
physique, que d’aveugles n’ayant pas accès à la lumière spirituelle. Il en va
de même ici, les morts se trouvent autant dans les tombes de nos cimetières
que dans nos villes et nos campagnes parmi ceux qui vivent sans Dieu. A
toutes les époques de l’histoire de ce monde, pareille affirmation a pu être
vérifiée. Cela dit, force est d’admettre pour qui est lucide et ne se laisse pas
abuser par des mythes fondateurs, fussent-ils ceux d’une société, que depuis
deux siècles ce que JEAN-PAUL II après PAUL VI appelait la culture de
mort s’est considérablement développée marquant la société de son
empreinte.
Ce qui s’est passé le 21 Janvier 1793 n’en constitue pas la moindre de ces
manifestations, bien au contraire. La mort du Roi LOUIS XVI sur
l’échafaud n’est pas seulement la mort d’un homme condamné d’une
manière inique. Ce n’est pas non plus seulement la mort d’un martyr pour
la foi catholique et je reviendrai sur cette question. Et c’est encore moins le
dérapage d’un mouvement qui se serait voulu réformateur à son départ et
qui aurait ensuite mal tourné. Non, il s’agit, comme l’un des historiens de
cette période l’a brillamment écrit de la fin d’un monde, d’un monde qui
certes n’était pas parfait mais dans lequel Dieu avait toute sa place. Et cette
fin n’a pas commencé à cette date sinistre, son mécanisme était déjà
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enclenché pour ce qui concerne l’aspect politique dès 1789 et pour le
spirituel depuis plus d’un siècle.
Mieux que beaucoup d’historiens spécialistes du 18ème siècle, notre Saint
Père le Pape BENOIT XVI a compris cela et le montre très clairement dans
sa dernière Encyclique SPE SALVI, « Sauvés dans l’Espérance ». Certes il
ne dit pas un mot de LOUIS XVI et n’évoque la Révolution Française qu’en
quelques lignes. En revanche, il détaille avec précision la doctrine du
philosophe anglais Francis BACON dont l’influence a commencé à
s’exercer au début du 17ème siècle. Son rationalisme, son messianisme
scientifique devant conduire à une Société d’autant plus parfaite qui niait le
péché originel, sa réduction du christianisme a une sagesse humaine
préparèrent à la philosophie française des Lumières cause de la Révolution
dont le but principal était la destruction du christianisme, condition
essentielle pour provoquer d’autres destructions.
Joseph de MAISTRE avait bien jugé cette période. Dans son essai sur le
principe générateur des constitutions politiques, il écrit : « Il ne peut y avoir
de véritable impiété qu’au sein de la véritable religion ; et, par une
conséquence nécessaire, jamais l’impiété n’a pu produire dans les temps
passés les maux qu’elle a produit de nos jours, car elle est toujours coupable
en raison des lumières qui l’environnent. C’est sur cette règle qu’il faut
juger le 18ème siècle… Or, quoi qu’il y ait toujours eu des impies, jamais il
n’y avait eu, avant le 18ème siècle et au sein du christianisme une
insurrection contre Dieu »(*1).
Certes la majorité de la France demeurait chrétienne avec dans l’ensemble
un bon clergé, comptant bien sûr quelques mauvais sujets. Mais ce que
Jean-Jacques ROUSSEAU appelait lui-même « la secte philosophique »
régnait sur les esprits dits éclairés et dès 1776 il constatait que celle-ci :
« Depuis qu’elle s’est réunie dans un corps sous des chefs, ces chefs par l’art
de l’intrigue auquel ils se sont appliqués, devenus les arbitres de l’opinion
publique, le sont par elle de la réputation, même de la doctrine des
particuliers, et par eux de celle de l’Etat » (*2). Si l’on rapproche cela
d’autres paroles du même ROUSSEAU dans le contrat social : « Rien n’est
plus contraire que le christianisme à l’esprit social … une société de
chrétiens ne serait plus une société d’hommes » (*3), et je résume le
raisonnement qui suit cette affirmation située au chapitre 17 du Contrat
Social : cette société serait trop parfaite ne s’occupant plus des choses de la
terre mais du ciel exclusivement, elle ne saurait même plus discerner le mal
et encore moins le combattre. Bien évidemment cela ne correspond pas à
une vision juste d’une société chrétienne (voir Saint AUGUSTIN). Et cela
montre aussi que les révolutionnaires français n’ont pas été aussi fidèles
disciples de Jean-Jacques ROUSSEAU comme on le croit souvent puisqu’ils
ont déformé sa pensée sur le christianisme. C’est pourquoi la Révolution
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française a été le fait d’un groupe d’individus farouchement opposés à la
foi chrétienne, allant
bien au-delà des pensées de Jean-Jacques
ROUSSEAU qui n’aurait jamais sans doute cautionné la Terreur. Quand
au Roi, car elle a envisagé de le maintenir, il ne pouvait régner qu’en
renonçant à son titre et à son rôle de « Très chrétien », en même temps qu’à
une partie de ses pouvoirs. Cette secte philosophique voulait faire taire la
voix du Fils de Dieu et enfoncer plus profondément encore dans leurs
tombes, les morts, ne serait-ce qu’en en fabriquant d’autres, des deux
espèces dont j’ai parlé à propos de l’Evangile de ce jour, morts physiques et
morts spirituels. Et elle ne s’en priva pas ! Car les morts causés par la
Révolution ne se limitèrent pas au sens physique à l’usage des Guillotines,
fusillades et noyades, il faut aussi les compter parmi les victimes des
batailles Napoléoniennes et de toutes celles qu’engendrèrent les guerres des
nationalités jusqu’au 20ème siècle. Quand aux morts spirituels, aux hommes
et aux femmes qui n’entendent plus la voix du Fils de Dieu donnant l’accès
à la grande Espérance du Royaume de la vie éternelle, ils sont maintenant
de plus en plus nombreux tant en France que dans les pays dits de
chrétienté. En très grande partie, la Révolution est donc arrivée à ses fins.
En disant il y a quelques instants que les révolutionnaires avaient envisagé
de conserver le Roi sous certaines conditions, j’ai dû surprendre plus d’un
d’entre vous, et je veux revenir sur ce point, parce qu’il va du même coup
concentrer notre pensée sur celui dont nous honorons aujourd’hui la
mémoire : le Roi LOUIS XVI. En 1789, la majorité des révolutionnaires
souhaitait garder la royauté. Mais encore fallait il que le Roi servît la
Révolution, qu’il acceptât de combattre l’Eglise catholique, qu’il laissât son
pays se déchristianiser et ce afin de ruiner toute morale judéo-chrétienne
permettant à la bourgeoisie d’imposer le règne de l’argent et d’accélérer
l’établissement d’un capitalisme ultra-libéral.
On avait d’ailleurs commencé par rendre impossible toute opposition de ce
qui serait le futur prolétariat par la loi Le CHAPELIER en interdisant les
corporations, en même qu’on prenait la réalité du pouvoir. S’échafauda
alors l’inapplicable constitution de 1791 concentrant l’essentiel de l’autorité
politique sur une assemblée. Mais il était nécessaire cependant de conserver
un Roi ou tout du moins son masque pour pouvoir faire avaler au peuple les
pilules amères de la Révolution et surtout la plus contraignante : la
domination d’une classe de la société sur toutes les autres. Ce qui était
impossible avec l’ancien régime puisque le Roi devait être avant tout un
arbitre entre les différentes classes sociales.
LOUIS XVI, parce qu’il haïssait la violence, partageant en partie
l’optimiste de son temps et aussi parce qu’il voulait de profondes réformes
donna l’impression aux partisans du changement qu’il pouvait devenir le
Roi de la Révolution. Il n’avait pas réprimé l’émeute du 14 Juillet 1789, il
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avait accepté le coup d’état des Etats généraux se transformant en
Assemblée Nationale ainsi que la déclaration des Droits de l’homme qui
visaient à diminuer son pouvoir au profit de la Nation et préparait
l’asservissement de l’Eglise à celle-ci.
Les ultra-conservateurs, partisans de l’ancien régime, partagèrent les
sentiments de leurs adversaires, mais avec des conséquences toutes autres.
Ils furent certainement les premiers à souhaiter la mort de ce Roi là.
En fait, on le sait maintenant, LOUIS XVI agissait en diplomate, ce qui était
sa façon de faire tant en politique extérieure, et cela est reconnu, qu’en
politique intérieure, ce qui certes l’est moins. Il voulait effectivement
prendre la tête de la Révolution, mais pour mieux la contenir et éviter des
excès qu’il ne prévoyait que trop bien. C’est dans cet esprit qu’il signa la
Constitution Civile du Clergé, avec l’accord de ses évêques les plus fidèles à
Rome et le silence compréhensif du Nonce Apostolique. Dès ce moment
augmenta contre lui, la haine du parti ultra-aristocratique et la méfiance
des jacobins qui ne l’avaient sans doute pas cru si habile calculateur. Ce
pourquoi, comprenant leur erreur de jugement il commencèrent à préparer
l’abolition de la royauté. Ils ne constituaient cependant en 1791 qu’une
minorité parmi les révolutionnaires. Mais, par une de ces diableries dont
l’histoire a le secret ils se retrouvèrent les alliés objectifs de ceux qui parmi
les ultra-conservateurs voulaient la mort d’un Roi jugé trop mou. Je n’ai
guère le temps ici de développer les conséquences de cette « alliance
objective, source de beaucoup de mystères entourant la chute de la
monarchie et les évènements de la grande terreur ». Je dirai simplement
que l’anti-christianisme continua à se déchaîner jusqu’à faire voter une loi
par l’Assemblée Législative condamnant à la déportation et sans jugement
les prêtres réfractaires. Comme catholique, mais aussi comme chef d’état
garant de l’application de la Déclaration des droits de l’homme, LOUIS
XVI y apposa son veto. Il en savait toutes les conséquences. La veille du 10
Août 1792, il écrivait à son confesseur le Père HEBERT, qui sera massacré
en Septembre avec 223 autres prêtres : « Je n’attends plus rien des
hommes, apportez-moi les consolations célestes ».
Tous ceux qui virent de près la mort du Roi, ce 21 Janvier 1793 furent
frappés par son courage et sa tranquillité même HEBERT, représentant de
la commune de Paris, un de ses pires ennemis, s’opposa bruyamment à la
publication d’un rapport circonstancié sur l’événement car cela « mettrait
sous les yeux du peuple l’espèce de fermeté que LOUIS a porté sur
l’échafaud ». En effet, il avait même manifesté l’espace d’un instant son
autorité royale en faisant taire les tambours d’un seul regard et en criant
d’une voix forte : « Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’importe.
Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous
allez répandre ne retombe jamais sur la France ».
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Le sang d’un martyr peut certes édifier les consciences et affermir l’Eglise,
mais encore faut-il qu’il soit reconnu comme tel ! Enfin, le sang d’un
martyr ne peut absoudre que lui-même, pas les autres, et là je songe à la
France d’hier, d’aujourd’hui et de demain, tachée de ce sang là. En ôtant la
vie au défenseur séculaire de la foi chrétienne, à celui qui avait reçu
l’onction pour accomplir ce premier devoir en même temps que pour
garantir l’unité de la Patrie, la France porte une lourde responsabilité, car
aucun des pouvoirs politiques qui a succédé à LOUIS XVI, et ce, jusqu’à ce
jour, n’a osé dire toute la vérité sur ce qui amena l’exécution du 21 Janvier
1793, symbole de tous les crimes de la Révolution. Pour cacher tout cela on
n’a pas hésité à truquer l’histoire, voir Jules MICHELET entre autre, ce
qui a permis de laisser se poursuivre la déchristianisation.
Aussi n’hésiterai-je pas à comparer la France à la Lady MACBETH de
SHAESKPEARE, perdue dans une folie somnambule à cause de son crime.
Elle erre la nuit dans son château en essayant d’effacer de ses mains une
tâche de sang que nul ne voit sinon elle : « Va-t-en tâche damnée, va-t-en
dis-je… quoi, ces mains là ne seront jamais propres… il y a toujours
l’odeur du sang… tous les parfums d’Arabie ne rendraient pas suaves ces
petites mains ! » Et dans ce tombeau cauchemar Lady MACBETH est
restée enfermée.
Puisse un jour la France, quel que soit son régime politique, et j’insiste sur
ce point, se réveiller de son sommeil de mort et par la grâce de son baptême
voir la tâche de sang effacée. Ce sera le signe qu’elle entend de nouveau la
voix du Fils de Dieu. Alors elle pourra revivre comme fille aînée de l’Eglise
et, en rétablissant l’unité de ses enfants, parler légitimement de sa vocation
particulière en ce monde.
Ainsi soit-il.
Notes.
(*1) Essai sur le principe générateur des constitutions politiques de Joseph
de MAISTRE. Editions complexes, pages 271-272.
(*2) L’Eglise à l’épreuve de la Révolution. Editions Tequi. Page 48.
(*3) Ibid. page 53.