Le 4 mats Blanche
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Le 4 mats Blanche
Le 4 mâts « Blanche » Lancé aux chantiers du Havre, à Graville, (Forges et Chantiers de la Méditerranée) le 29 Novembre 1898 pour l’armement Brown et Corblet, spécialisé dans l’importation de nickel de Nouvelle Calédonie. Baptisé EMILIE SIEGFRIED. Quatre-mâts barque identique à l’EMILE RENOUF et à l’ERNEST SIEGFRIED, c’était un navire à très longue dunette. Caractéristiques 3700 tpl 3104 tx JB 2754 tx JN Longueur 95,20 m Largeur 13,80 m Creux 7,50m 3500 m2 de voilure Voici l’EMILIE SIEGFRIED dans le port du Havre, où se situait le siège de la maison Corblet. Le premier voyage du quatre-mâts, confié au capitaine Jasseau, fut extrêmement difficile en raison d’une mutinerie de l’équipage entrainé par le lieutenant. Seul le second capitaine et quelques marins demeurèrent fidèles au commandant. Des actes de sabotage furent commis à bord et quatorze matelots ainsi que le lieutenant furent arrêtés à l’arrivée en Nouvelle Calédonie. De tels agissements demeuraient toutefois rarissimes sur les grands voiliers. Ce voilier était un excellent marcheur, atteignant facilement les quatorze nœuds. Il réussit une traversée GlasgowThio (Calédonie) en 74 jours avec retour sur Le Havre par le Horn en 95 jours. En 1907, il fut vendu à la Compagnie Navale de l’Océanie qui le rebaptisa SAINTE MARGUERITE. En 1912, il était repris par l’armement Bordes qui lui donnait le nom de BLANCHE (3e du nom). Blanche était le prénom de la fille de l’armateur A.D. Bordes, devenue par la suite Madame Prom. La perte du BLANCHE Depuis 1916, le capitaine du BLANCHE était Louis BAILLIEUX, né le 09/04/1877 à Saint Léonard de Noblat et inscrit à Bordeaux. Le second était Jean OLLIVIER, né le 4 Octobre 1888 à Tréguier et inscrit à Tréguier. Le navire quitta La Pallice pour l’Australie le 12 Septembre 1917. Voici le récit du second capitaine Ollivier. « Quitté la rade à la remorque de l’ENTREPRISE qui nous laissa à l’entrée du pertuis d’Antioche, escorté par une canonnière, deux torpilleurs et un patrouilleur. Nous faisions partie d’un convoi de trois voiliers, le second étant le 4mâts HELENE, capitaine Le Layec, et le troisième l’ASIE, capitaine Berthoud, qui faisaient route vers le Chili. Le 19, à 300 milles des côtes, sommes attaqués par un sous-marin. Après un combat qui dura deux heures trente, au cours duquel nous tirâmes cent quatre vingt coups de canon, le sous-marin cessa le feu et nous contourna par bâbord. Nous nous rendîmes compte qu’il se plaçait sur notre avant, à grande distance, pour éviter le feu de nos pièces. Nous approchions du plus près tribord amures, et l’une après l’autre, nos pièces, masquées, ne pouvaient plus atteindre l’ennemi. Le capitaine décida alors de cesser le feu. Il fit appeler tout l’équipage sur la dunette où il était resté pendant tout le combat et prit l’avis de tous. A l’unanimité il fut décidé d’amener le pavillon pour éviter des pertes de vies inutiles et certaines si nous continuions à combattre un ennemi que nous ne pouvions atteindre. Nos pièces ne protégeaient pas l’avant du navire. Amené le pavillon à mi-drisse et mis à l’eau deux baleinières en les laissant le long du bord amarrées avec une longue bosse, armée chacune par quatre hommes, prêtes à recevoir l’équipage lorsque l’ordre d’évacuation serait donné. Envoyé un message TSF pour prévenir le sous-marin, mais celui-ci plonge et disparaît. L’équipage se trouvait au complet sur la dunette avec le capitaine. Sur ordre du capitaine, j’ai quitté mon poste un instant pour aller détruire le journal de bord et me trouvais dans la machine lorsque j’entendis des cris : « une torpille, une torpille !» A peine avais-je mis les pieds hors du compartiment machine qu’une explosion formidable se produisit. La torpille avait coupé le navire en deux entre le grand mât et le mât d’artimon. Je me précipitai sur le gaillard et me jetai à l’eau, atteignant la baleinière au moment où le navire disparaissait dans les flots. La baleinière de bâbord avait disparu sous les débris du gréement avec tous les hommes qui tentaient d’y prendre place. Je m’occupai à recueillir ceux qui surnageaient et se débattaient parmi les débris flottants. Je pus ainsi en sauver dix, ce qui faisait 15 rescapés en me comptant moi-même et les quatre hommes qui armaient l’embarcation. Malgré toutes mes recherches, je ne vis aucun cadavre de nos malheureux compagnons, déchiquetés et engloutis au moment de l’explosion. Il était environ 15h00. Nous avions trois blessés. Le sous-marin fit surface, mais ne s’attarda pas car le trois-mâts nantais MARTHE MARGUERITE était en vue. Il fit route sur lui pour le couler. (Nota : il s’agissait d’un petit-trois-mâts des Antilles, de 588 tx, appartenant à l’armement Fleuriot). Nous fîmes route vers les côtes de France. Le 20 apparut un thonier, mais qui s’écarta aussitôt, craignant un piège. Le 23, sans vivres, épuisés par quatre jours de nage, nous rencontrâmes la canonnière AUDACIEUSE qui nous recueillit et nous donna tous les soins que nécessitait notre état. Le 24, elle nous débarquait à La Pallice, où je présentai le jour-même tous les hommes aux autorités maritimes. Je dois déclarer la belle conduite de notre capitaine, Monsieur Baillieux, qui dès le début du combat se porta sur la chambre de veille, à l’endroit le plus exposé, mais aussi le mieux placé pour diriger la manœuvre et régler le tir. Il a donné ses ordres méthodiquement et avec sang-froid jusqu’au dernier moment, où il fut jugé nécessaire de faire cesser le feu. » Voici la liste des marins du BLANCHE disparus dans le naufrage BAILLIEUX Louis Capitaine 09/04/1877 Saint Léonard Bordeaux LE NOCH Armand Lieutenant 04/10/1876 Paimpol Paimpol RIBOULET Emile Maître 18/05/1878 Saint Briac Saint Malo CHARRIER Augustin Matelot 31/12/1878 Ile d’Yeu Ile d’YEU THINEVEZ Michel Matelot 17/11/1898 Dunkerque Brest KERVILES Jean Matelot 04/01/1880 Kervillac Brest FRANCOIS Jules Matelot 02/02/1879 Pléneuf Saint Brieuc GUEGUAN Joseph Matelot 16/10/1872 Belle Ile Belle Ile CASTEL Jean Matelot 06/12/1871 Pabu Saint Brieuc OLLIVIER Guillaume Matelot 28/06/1877 Penvénan Tréguier GALLAIS Désiré Mlot léger 11/03/1899 Cardroc Nantes ROUBICHON Jean Novice 11/03/1900 Abbeville Saint Nazaire FICHOU Marcel Mousse 08/08/1901 Plouha Paimpol LE PORT Pierre QM Canon16/10/1886 Arcachon Vannes BARREAU Pierre Canonnier 18/05/1885 Odanges Arcachon MOREAU Albert Canonnier 31/08/1895 Ste Radegonde 4e dépôt ALEES Ferdinand Canonnier Lorient GIRERD Armand Télégraph. 01/04/1894 Rochefort 4e dépôt Le sous-marin attaquant C’était l’U 151 du Kapitänleutnant Waldemar KOPHAMEL. La position donnée est 47°00 N 10°30 W Pourquoi le capitaine de corvette Kophamel a-t-il lancé une torpille en plongée, alors qu’apparemment le BLANCHE avait annoncé qu’il se rendait. La réponse à cette question fut apportée quelques semaines plus tard par le capitaine Joseph Ollivier, dont le quatre-mâts TIJUCA venait d’être coulé par le même sous-marin. Le commandant Kophamel lui déclara que le BLANCHE avait été torpillé car, après avoir dit qu’il se rendait, l’équipage était revenu près des canons. Il faut noter que pour le TIJUCA, malgré un violent combat, le commandant Kophamel garda les marins prisonniers sur son sous-marin, puis sur un cargo capturé, avant de les laisser repartir vers Madère, dans les baleinières En fait, les Allemands ne faisaient plus confiance à aucun navire marchand, qu’il appartienne ou non à un pays neutre. Autant ils se montraient courtois si tout se passait comme ils le voulaient, autant ils employaient les grands moyens dès qu’ils avaient le plus petit soupçon sur « l’honnêteté » de leurs adversaires. Le BLANCHE en fit l’amère expérience. En ce qui concerne le MARTHE MARGUERITE, ce n’est d’ailleurs pas l’U 151 qui le coula ce 19 Septembre, mais l’U 54 du KL Kurt HEESELER. N’ayant ni la position, ni (du moins pas encore) le rôle de désarmement, je ne peux confirmer qu’il se trouvait à proximité du BLANCHE ce jour-là. Conclusion Sur la plupart des grands voiliers, les capitaines se plaignirent des mauvaises conditions dans lesquelles étaient installés les canons. Tout d’abord, ils n’étaient jamais consultés par l’autorité militaire et bien souvent, le champ de tir se trouvait bêtement diminué par la présence des haubans, des dunettes ou d’autres obstacles. De plus, maladie typiquement française même sur les navires de guerre, la portée était systématiquement moindre que celle de l’adversaire. 9000 mètres en général, alors que le moindre canon allemand portait à 11000 mètres. Enfin, cette artillerie, récupérée de bric et de broc était souvent peu sûre. Le matériel s’enrayait facilement et personne ne savait le dépanner. L’entrainement des équipages était des plus succincts. Mais les commissions d’enquête n’en avait cure. En ce qui concerne le BLANCHE, un obscur contre-amiral de la direction générale de la guerre sous-marine, bien installé derrière son bureau, rédigea la note suivante sur le capitaine Louis Baillieux : « Il ne peut être accordé de récompense au capitaine du voilier BLANCHE. L’enquête fait ressortir que le navire a été trop vite abandonné. C’est au cours de l’abandon que le sous-marin s’est approché en plongée et a envoyé une torpille qui a causé la mort des 18 marins, dont le capitaine. La famille de Monsieur Baillieux recevra le diplôme d’honneur des morts pour la France. Il lui sera remis par l’intermédiaire du maire de sa résidence lorsque les décès des disparus auront été reconnus constants ». Autrement dit, le capitaine aurait dû attendre que le sang coule avant d’amener son pavillon. Peu importe qu’il soit dans l’impossibilité d’atteindre le sous-marin et que le voilier ne soit pas manoeuvrant ; plusieurs heures de combat, 180 coups de canon tirés, tout cela était balayé d’un revers de main. Pas de cérémonial. Les 18 hommes morts au combat n’avaient même pas droit à son respect. Navire trop vite abandonné…