Quand les chevaux murmurent à nos oreilles
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Quand les chevaux murmurent à nos oreilles
Psycho Quand les chevaux murmurent à nos oreilles… L’animal peut être un remède à bien des maux. La preuve avec Eponaquest, une nouvelle thérapie qui se développe dans le monde équin. Avis aux cavaliers… et à tous les autres! ouvelle prise de conscience oblige, le statut des animaux progresse beaucoup ces derniers temps. En 2015, le Parlement a adopté un projet de loi les reconnaissant enfin comme des êtres vivants doués de sensibilité, alors qu’auparavant, selon l’article 528 du Code civil, ils n’étaient que des meubles ! De concert, des voix fortes s’élèvent pour défendre nos amies les bêtes. L’écrivain-journaliste Aymeric Caron, avec son livre Antispéciste (Don Quichotte, 2016), annonce une révolution éthique pour penser un destin commun entre les hommes et les animaux. Pour l’homme de presse Franz-Olivier Giesbert, L’animal est une personne (Fayard, 2014). Quant au moine bouddhiste Matthieu Ricard, son Plaidoyer pour les animaux (Allary, 2014) est un vibrant hommage à ces êtres emplis de compassion et de sagesse. Le cas du cheval est particulier, car son sort est lié au nôtre depuis la nuit des temps. Sans lui, l’homme n’aurait jamais pu conquérir de nouveaux territoires, remporter des guerres, cultiver ses champs ni gagner (ou perdre !) beaucoup d’argent aux courses… Rien d’étonnant à ce que l’on voie aujourd’hui se développer de plus en plus d’initiatives qui ennoblissent « la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite » (Buffon). C’est le cas de la méthode Eponaquest, créée par l’Américaine Linda Kohanov, spécialiste en formation et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet, qui pose cet animal au centre d’un apprentissage global. Sa pratique subtile, de plus en plus proposée en France, vise un large public, tant pour améliorer les relations entre humains et chevaux que pour aider les personnes à trouver leur équilibre, à se reconnecter avec leur vraie nature ou encore à évoluer sur le plan professionnel. N 94 version femina Comment se déroule une séance ? Avant de pénétrer dans le manège, on commence par effectuer un body scan, autrement dit un passage en revue complet de son corps. On se tient debout et, guidé par l’instructeur, on se détaille mentalement de la tête aux pieds. Cela permet de mobiliser son attention sur le moment présent, puis de se préparer à la relation au cheval qui nécessite idéalement d’être recentré sur soi, et non tiraillé à droite et à gauche par divers problèmes du quotidien. Deuxième étape, on fait son entrée dans le manège où le cheval évolue en liberté, sans s • Tous les instructeurs Eponaquest sont répertoriés sur eponaquest.fr. • Accessible aussi aux enfants et aux adolescents. • Le prix A partir de 60 € l’heure. • A Lire Comme les chevaux… ensemble et puissants, de Linda Kohanov, Le Courrier du Livre. Lindsay Upson/Getty Images En pratiquE Psycho attache ni selle. Dans la majorité des cas, personne ne monte sur son dos. Seuls les cavaliers venus pour une problématique particulière peuvent être amenés à le faire. En général, l’instructeur reste à l’extérieur et guide la personne de la voix, excepté quand elle manifeste une appréhension telle qu’une plus grande proximité se révèle nécessaire. Que se passe-t-il entre le cheval et la personne ? Le travail est orchestré selon le problème, mais il faut avant tout que la connexion s’établisse entre les deux partenaires, ce qui peut prendre un certain temps si la personne n’est pas centrée et que son attitude délivre un message confus. Le cheval le ressent et ne s’approche pas, ou bien il l’ignore. En revanche, une fois la connexion réalisée, il va s’approcher doucement, comme prêt à communiquer. C’est alors que plusieurs exercices sont proposés, qui visent à se faire comprendre de l’animal pour lui indiquer une direction, l’amener à trotter ou à galoper, le maintenir à distance ou encore à lui imposer une limite. a quoi ça sert ? A surmonter sa peur – de l’animal, mais aussi d’une personne ou d’une situation – ou son incapacité à gérer certaines difficultés du quotidien. « Il y avait deux enjeux pour moi. D’une part, j’avais très peur des chevaux ; d’autre part, j’étais dans un fort état de tension intérieure à cause de quelqu’un de proche, raconte ainsi Martine, 58 ans. Il fallait donc que je gagne en assurance et que j’apprenne à poser des limites, car j’avais l’impression d’être manipulée. Concrètement, je devais indiquer au cheval ce que j’attendais de lui sans le toucher, juste à l’aide d’une chambrière [un petit bâton avec une ficelle au bout]. imaginaire ? Par exemple, on a une conférence à tenir en public et le trac s’installe. Pourtant, on ne risque rien face à un public… Mais, dans les deux cas, on se retrouve dans un état de vulnérabilité qu’il s’agit de modifier. » C’est là que le cheval intervient, car il va permettre de se confronter physiquement à sa peur, dans un cadre sécurisé, et de la surmonter grâce aux conseils de l’instructeur. Une victoire qui va être mémorisée par le corps, mais aussi par le cerveau, tant il est vrai que l’apprentissage permet de reprogrammer les chemins neuronaux. a qui cela s’adresse ? A tous ceux qui sont à la recherche d’un équilibre et/ou d’un développement personnel. En effet, l’approche humaniste Eponaquest met la nature sensible et pensante des chevaux, leur faculté à comprendre les humains et leur statut d’aidants au service de ceux qui souhaitent en finir avec leur mal-être. Le but ? Etre plus heureux, reprendre confiance en soi, faire des choix et oser emprunter sa propre voie. Quel est le rôle du cheval ? Il agit comme un collaborateur à l’écoute, mais aussi comme un miroir, c’est-à-dire qu’il va immédiatement détecter si l’action et l’attitude de la personne en face de lui ne sont pas en accord avec ce qu’elle veut vraiment. Par exemple, si elle gesticule ou si elle parle fort face au cheval sans avoir d’intention claire en elle, celui-ci n’approchera pas et ne communiquera pas avec elle. Un feed-back immédiat qui imposera à la personne d’effectuer un travail intérieur pour être honnête et cohérente avec ellemême. En somme, le cheval oblige à devenir soimême, mais toujours en douceur ! Et, bien souvent, la magie opère car, aussitôt que l’on est dans l’authentique, l’équidé va rechercher la présence de la personne, marcher avec elle et être prêt pour échanger. Ce travail peut aussi être complémentaire d’une thérapie pour dépasser certains blocages. Il équivaut alors à une mise en pratique avec le corps, après le travail psychique. Alain Nessim, psychothérapeute spécialisé dans le traitement des traumatismes par les thérapies brèves, « collabore » ainsi avec les chevaux depuis deux ans. « C’est à la suite d’un stage pratiqué à titre personnel et très concluant que j’ai décidé d’envoyer certains de mes patients chez Eva Reifler, l’instructrice et formatrice qui officie au centre Visionpure. Quel que soit le blocage qu’il faut dépasser, l’expérience donne toujours de bons résultats, même s’ils ne sont pas immédiats, car la force de la relation avec le cheval fait toute la différence. » Eva Reifler parle plus précisément du lâcher-prise et du deuil d’un état qui doit se transformer. « Ce travail montre aux personnes que l’important, c’est d’être dans le moment présent, et le cheval, toujours authentique, peut montrer le chemin de cette réalité-là. » Se confronter physiquement à sa peur, dans un cadre sécurisé, et la surmonter Ensuite, il a fallu que je m’approche de lui pour prendre sa place dans le manège, ce qui était pour moi mission impossible tant j’avais peur ! Mes jambes devenaient comme du chewing-gum. Je n’analysais plus rien. Et, à un moment, j’ai senti que le cheval m’aidait et j’ai réussi à marcher jusqu’à lui pour occuper son espace. Par la suite, j’ai vraiment ressenti dans mon corps qu’un changement avait eu lieu. Je me sentais plus ancrée, plus centrée. Physiquement, les tensions que je ressentais dans les cuisses se sont relâchées et j’ai pu, de retour chez moi, poser des limites sans que cela vire au drame ! » Explication de l’instructrice Carole Thomas : « Pour toutes les personnes qui subissent la peur régulièrement, émotion qui passe par un état tourmenté, il s’agit de reconnaître quel genre de peur les assaille. Est-elle réelle ? Auquel cas il faut se mettre en sécurité. Ou est-elle 96 version femina aussi unE aidE profEssionnEllE La méthode Eponaquest propose aux chefs d’entreprise et à leurs équipes des stages Visions for Leaders. Plus de 200 entreprises sont ainsi passées par le centre Visionpure, à Frémécourt (95). « Nous avons opté pour le travail avec les chevaux dans le cadre de notre programme de développement des compétences managériales, explique Hervé Schwenck, directeur adjoint de La Poste pour le Val-d’Oise. Toutes ces expériences ont toujours été positives et enrichissantes, voire, dans certains cas, exceptionnelles. On travaille la gestion des émotions ou encore la confiance en soi qui sont fondamentales pour conduire les équipes. Le face-à-face avec le cheval permet de prendre conscience des compétences de chacun : diriger un animal en liberté nécessite de s’affirmer. Si on se confronte à un refus, il faut trouver en soi les ressources pour être plus clair et plus volontaire. En parallèle, les managers apprennent aussi à être moins directifs et plus souples, pour changer de positionnement si nécessaire. Le but est, bien sûr, de mieux travailler ensemble en intégrant les qualités spécifiques de chaque collaborateur. » par nathalie Giraud