Magazine Faire Face
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Faire Face, mai 2001 Ostéomes : gare au surhandicap Par Carole Bourgeois Fréquents chez les blessés médullaires et traumatisés crâniens, les ostéomes sont des excroissances osseuses qui freinent la mobilité des articulations. Un handicap supplémentaire, dont le seul traitement, la chirurgie, a mauvaise réputation. Démystification. Les ostéomes (1) sont des excroissances osseuses qui grossissent au niveau des articulations. Ces tumeurs bénignes sont observées chez 20 à 25% des blessés médullaires et traumatisés crâniens, selon les observations faites par l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches (Hauts-deSeine). Chez ces derniers, elles apparaissent immédiatement après le traumatisme, au niveau de la hanche dans le tiers des cas, puis, par ordre de fréquence décroissante, au niveau du coude, du genou et de l’épaule. Chez les blessés médullaires, les ostéomes se localisent sous la lésion et apparaissent dans les semaines ou les mois qui suivent le traumatisme initial, souvent pendant la période d’hospitalisation. «Sept à huit mois après mon accident, j’ai senti que j’avais du mal à plier les jambes, ainsi qu’à me pencher», décrit Bruno, 38 ans, paraplégique suite à un accident de la route en novembre 1993. «Pour finir, je n’arrivais plus à m’habiller tout seul. C’était un handicap sur mon handicap, invisible et sans douleur dans mon cas». Si l’atteinte des articulations par les ostéomes se traduit, en quelques semaines, par un blocage partiel puis total de l’articulation, d’autres symptômes sont révélateurs : le signe le plus constant est l’inflammation locale de l’articulation, avec une augmentation de chaleur. Un œdème peut aussi apparaître, ou encore, surtout au niveau du genou, une augmentation de température ou une hydarthrose (accumulation de liquide dans une articulation), qui peut faire penser à une thrombophlébite. «Beaucoup de personnes concernées pensent que l’on ne peut rien faire et ne consultent pas», signale le docteur Philippe Denormandie, rattaché au service de chirurgie orthopédique et traumatologique à l’hôpital Raymond Poincaré. «Mais c’est à leur désavantage. Dans de nombreux cas, la vie quotidienne s’en voit modifiée : l’acquisition de l’autonomie est diminuée, tant dans les gestes, que dans la verticalisation, la marche, ou l’utilisation du fauteuil. Et les phénomènes de compensation par le dos, dans le cas des ostéomes de hanche, déclencheront ultérieurement d’autres problèmes. Par ailleurs, l’immobilité de l’articulation, provoquée par la présence de l’ostéome, endommage l’os, et une opération dont l’échéance est retardée devient plus compliquée, car il faut éventuellement y associer une prothèse». Les traitements préventifs ou pharmacologiques ne permettent pas encore d’éviter l’apparition ou la récidive de l’ostéome. Toutefois, ils limitent parfois la gêne fonctionnelle : soit la personne retrouve la mobilité de son articulation, soit celle-ci est bloquée dans la position la moins inconfortable et/ou la plus utile. Seul le traitement chirurgical, associé à une prise en charge post-opératoire rigoureuse, permet un réel traitement. «Cela fait cinq ans que je me suis fait opérer pour un ostéome sur chaque hanche», se souvient Bruno. «Depuis, j’ai retrouvé toute l’autonomie de mon bassin : je peux pivoter, me pencher, m’habiller seul. Mais depuis quelques mois, je sens que ma hanche gauche se bloque un peu, même si elle se décoince aussitôt. Les radios l’ont confirmé : l’ostéome gauche, le plus gros des deux, a partiellement repoussé. Tant que ça ne me gêne pas trop, les médecins n’interviennent pas». En effet, le pourcentage de récidive existe, mais il demeure faible, inférieur à 5 %. Encouragé par les résultats de sa première opération, Bruno envisage la seconde avec sérénité. Cependant, son optimisme contraste avec la crainte de nombreux patients : «Oui, l’opération des ostéomes a encore mauvaise réputation et certains patients l’évitent», reconnaît le Docteur Denormandie. «Afin de rassurer les personnes concernées, il faut savoir que la décision d’opérer est prise entre le patient, le chirurgien et les médecins de rééducation, comme cela se pratique au sein de l’équipe pluridisciplinaire de Garches. D’autre part, seuls les ostéomes qui occasionnent une gêne fonctionnelle sont opérés. Enfin, le risque d’hémorragie, redouté par tant de patients, est nettement mieux géré qu’autrefois, en particulier grâce au scanner à trois dimensions qui permet une chirurgie de haute précision. Nous prévenons aussi le risque d’infection en opérant les patients dont les infections urinaires ou cutanées sont soignées». Immédiatement après l’opération débute la rééducation, une rééducation d’autant plus facile que le patient ne ressent pas de douleur post-opératoire. «Mon opération s’est très bien passée», explique Michel, 40 ans, paraplégique. «Après quelques jours au lit, sous surveillance médicale pour éviter tout risque d’infection, j’ai pratiqué un peu de rééducation et tout est rentré dans l’ordre. Aujourd’hui, je pratique sans problème mon sport favori : le basket !» Fort des résultats de son service, le docteur Denormandie est tout aussi optimiste quant aux progrès de la recherche sur les ostéomes : «De récentes études permettent d’espérer qu’à l’avenir, nous éviterons la constitution des ostéomes grâce à des traitements médicamenteux». L’origine des ostéomes Par le docteur Philippe Denormandie, service de chirurgie orthopédique et traumatologique à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches (92). L’explication de l’apparition des ostéomes n’est pas encore totalement connue. De nombreux facteurs ont été identifiés, sans que l’on puisse, de manière exacte, faire la part de chacun : l’hyperthermie (la fièvre), l’hypoprotidémie (le manque de protéines), l’immobilisation, la spasticité, les microtraumatismes pendant les exercices de mobilisation, les troubles circulatoires et les troubles graves d’oxygénation. Des hypothèses de recherche insistent sur les modifications de facteurs biologiques et cellulaires liées à une réanimation prolongée et/ou une lésion du système nerveux central.