La difficile professionnalisation des emplois dans les services à la

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La difficile professionnalisation des emplois dans les services à la
Numéro spécial de Sociologia del Lavoro
La difficile professionnalisation des emplois dans les services à la personne
Michel Abhervé et Pierre Dubois
Professeurs à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée
Responsables de la licence professionnelle
Management des organisations de l’économie sociale
http://www.univ-mlv.fr/ecosoc
[email protected], [email protected]
Mars 2008
Par services à la personne, on entend des services qui sont rendus par des salariés au domicile de
particuliers1 ; ils sont encadrés par des organisations de l’économie sociale (des associations), mais
également par des entreprises privées à but lucratif, ou résultent d’une relation de gré à gré entre un
employeur particulier et un salarie. Ils ont déjà une longue histoire (Dussuet, 2007) et sont classés
aujourd’hui en deux grands types : soins aux personnes souffrant de maladie, de handicap, de
dépendance, de mobilité réduite due, en particulier, à leur âge, aides au domicile (ménage, repassage,
portage de repas, bricolage, jardinage, aide informatique…) offertes à ces mêmes personnes mais aussi
à des particuliers valides. La représentation sociale traditionnelle est que les soins au domicile exigent
des qualifications spécifiques, plus élevées que celles nécessitées pour les aides au domicile.
Par professionnalisation, on entend tout d’abord un processus par lequel des salariés acquièrent des
connaissances et des savoir-faire qui vont leur permettre d’exercer des activités professionnelles avec
efficience et efficacité, i.e. en atteignant de bons résultats avec un usage optimal des moyens
mobilisés. On entend aussi et traditionnellement par professionnalisation le résultat du processus : au
terme des apprentissages, les salariés qui ont acquis les compétences cibles se voient attribuer, en
principe, une qualification ou se voient délivrer un titre qui reconnaît leur capacité à exercer les
tâches ; la professionnalisation forme des professionnels. Bien évidemment, le titre est parfois une
condition nécessaire mais il n’est pas suffisant pour exercer les activités ; les professionnels ne le sont
que dans des emplois, doivent passer par un processus de recrutement pour des emplois disponibles.
Traiter de la question de la professionnalisation dans un secteur d’activités en plein développement celui des services à la personne - se doit de mobiliser des approches sociologiques conjuguées, issues
de la sociologie des professions, des organisations, du travail, des marchés du travail, de la formation
professionnelle, des politiques publiques. Des questions traditionnelles en sociologie (production et
emploi, politiques publiques et emploi, emploi et formation, travail et qualification) se posent
apparemment dans des termes habituels dans les services à la personne : le développement d’une
demande solvable (ou dans la situation française une solvabilisation accrue par des mécanismes de
déductions fiscales importantes pour les sommes consacrées à rémunérer les salariés travaillant au
domicile des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu) entraîne le développement de l’activité
qui lui-même crée de l’emploi et permet l’émergence de nouveaux employeurs et de nouvelles
structures ; l’évolution des besoins et des exigences des clients fait monter en puissance les
qualifications nécessaires pour pouvoir rendre un service de qualité ; la progression des effectifs
salariés dans certaines structures, elle-même due à la progression de l’activité, à des processus de
fusion ou de mise en réseau, permet de diviser et d’organiser le travail autrement, de déqualifier
certains postes de travail et d’en qualifier d’autres, permet d’organiser des trajectoires professionnelles
en s’appuyant sur la formation. Ce sont là des problématiques traditionnelles en sociologie ; elles
peuvent servir de fils conducteurs pour l’analyse. Selon cette problématique générale, l’argument de
cet article devrait être : la professionnalisation est un processus en cours dans les services à la
personne… pour certains ; elle concerne en particulier les fonctions intermédiaires, les postes des
services fonctionnels, les fonctions d’encadrement.
1
. La réalité est plus complexe que la définition donnée. Les services d’aides et de soins sont aussi organisés par des
institutions collectives et au sein de celles-ci ; certaines fournissent également des services au domicile. Deux autres
situations se rapprochent davantage du service au domicile. Une loi de 2007 reconnaît le statut de salarié des accueillants
familiaux ; ceux-ci accueillent à leur domicile et à titre onéreux des personnes qui ont besoin d’aides ; leur employeur est une
entreprise privée ou une association ; la loi précise la responsabilité, le contrat de travail, les revenus (dont des indemnités), la
durée du travail, les congés, la formation… Les aidants familiaux sont des personnes qui aident bénévolement quelqu’un de
leur famille ; leur statut n’a fait que peu de progrès dans les années récentes (périodes de respiration : l’aidant familial se fait
remplacer par quelqu’un durant certaines heures de la journée ou pendant les congés).
2
Pourquoi alors une professionnalisation difficile ? L’évolution récente observée dans les services à la
personne fait apparaître plusieurs situations inédites, opportunités et/ou freins pour la
professionnalisation. Celle tout d’abord de la pluralité des acteurs employeurs dans un champ
historiquement dominé par les organisations non lucratives de l’économie sociale. Deuxième situation
inédite : celle de la coexistence dans la même entreprise de métiers qui exigent un titre réglementé
pour exercer l’activité (soins au domicile) et de postes de travail sans qualification reconnue (aides au
domicile). Troisième situation : le développement de l’activité engendre des créations d’emploi. Les
offres d’emploi sont quelquefois localement plus nombreuses que les demandes ; le marché du travail
est tendu. D’où l’idée d’aller puiser de la ressource dans le réservoir de main-d’œuvre que constituent
les publics les plus éloignés de l’emploi, publics sans qualification. Quatrième situation inédite : le
secteur associatif, majoritairement dominant dans ces services, possède un système de décision
spécifique : les décisions sont prises par un conseil d’administration constitué essentiellement de
bénévoles et exécutées par un directeur salarié ; ils n’ont pas forcément les mêmes conceptions de la
professionnalisation. Enfin, cinquième situation inédite : les services à la personne commencent à se
structurer dans des grands réseaux, coordonnés par des enseignes nationales (sous l’impulsion des
pouvoirs publics, en particulier dans le plan dit « Borloo » du nom du Ministre qui a impulsé une
vigoureuse politique de développement du secteur, dans un objectif de réduction du chômage), alliant
opérateurs, banques et mutuelles. Ces enseignes ont un rôle logistique (facilitation de la mise en
relation de l’offre et de la demande) et communicationnel (faire connaître les services à la personne en
vue de les développer) ; elles portent la question de la professionnalisation, mais suffit-il de la porter
pour qu’elle soit mise en œuvre dans les structures de proximité ? Et dernière situation inédite, si la
professionnalisation est avant tout de la responsabilité des partenaires sociaux, employeurs et salariés,
l’Etat intervient à travers l’Agence Nationale des Services à la Personne (A.N.S.P.) crée pour
développer et professionnaliser ce secteur.
Cet article comprend deux parties. La première établit des états des lieux : activités exercées par les
salariés travaillant dans les services à la personne ; regroupements de ces activités dans des métiers
structurés par des conventions collectives ; caractéristiques des salariés. C’est dans cette première
partie qu’on présentera, dans des encadrés, quelques éléments de contexte : évolution des politiques
publiques, des réglementations, des incitations fiscales, de l’emploi. La seconde partie est consacrée à
la question de la difficile professionnalisation des emplois : la population travaillant dans les services
est majoritairement peu qualifiée du fait même des activités. Le défi de la professionnalisation est
donc réel. Cette seconde partie questionne la relation formation - emploi (quelles formations pour
quels métiers ?) et analyse les opportunités et les obstacles à la professionnalisation par la formation.
Pour un état des lieux très complet et récent, le lecteur lira avec profit le rapport du Conseil Emploi
Revenus Cohésion (CERC) sur les Services à la personne (Cahier n°8, février 2008).
1. Services, tâches, métiers et emplois dans les services à la personne
Développement des activités de service à la personne et progression de l’emploi
« Les métiers des services à la personne réunissent l’ensemble des activités contribuant à simplifier
votre vie quotidienne. Ils peuvent vous aider à assurer un équilibre sur mesure entre votre vie de
famille et votre vie professionnelle, à déléguer certaines tâches récurrentes de votre quotidien, à
accompagner vos proches, enfants en bas âge et personnes âgées ou handicapées » (ANSP). L’agence
3
nationale des services à la personne distingue 3 grands types d’activité2. Les services à la famille :
garde d'enfants à domicile ou hors du domicile, accompagnement d'enfants, soutien scolaire, cours à
domicile, assistance informatique, assistance administrative. 2. Les services de la vie quotidienne :
travaux ménagers, entretien du linge, jardinage, bricolage, gardiennage et surveillance, préparation de
repas, livraison de repas ou de courses, intermédiation. 3. Les services aux personnes dépendantes :
garde-malade, assistance aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, aide à la mobilité et
transport - accompagnement de personnes âgées ou handicapées, conduite du véhicule personnel, soins
esthétiques, promenade d'animaux de compagnie, téléassistance et visioassistance. L’ANSP ne
mentionne pas les soins infirmiers au domicile. De même des activités qui relèvent sans équivoque du
champ des services à domicile, comme la coiffure réalisée au domicile, n’ont pas été prises en compte
dans la liste des activités pouvant bénéficier d’une incitation fiscale, en raison de l’opposition farouche
des organisations de coiffeurs, craignant la concurrence dans un service qu’ils ont organisé depuis
longtemps.
Des opérateurs, comme UNA Paris, développent des services supplémentaires : téléalarme,
hébergement temporaire, animation (ateliers mémoires), garde itinérante de nuit, accès à un
appartement de coordination thérapeutique.
Le marché des services à la personne se développe, l’activité progresse et engendre la progression des
temps de travail, des créations d’emplois (Chol, 2007) : 680 millions d’heures travaillées au domicile
de particuliers en 2005 (+ 5% en un an), 75 % des heures réalisées par des salariés auprès de près d’1,8
million de particuliers employeurs ; c’est cependant l’activité des salariés des organisations
prestataires agréées qui croît le plus (+ 15% en un an) ; 1,1 million de salariés travaillent au domicile
de particuliers.
L’emploi dans les services à la personne : en progression mais de combien ?
L’emploi croît dans les services à la personne. Personne ne le conteste, mais de combien par an ? La difficulté du
dénombrement vient de l’importance du nombre de salariés à temps partiel. Soit on compte les personnes
physiques et la progression est importante d’une année sur l’autre ; soit on compte les emplois en Equivalent
Temps Plein (ETP) et la progression est alors moindre. Dans les services à la personne, le décompte se fait aussi
en nombre d’heures travaillées ; c’est un indicateur de l’évolution de l’activité, ce ne peut être un indicateur de
l’évolution de l’emploi. Autre manière de s’embrouiller ou d’embrouiller : on parle aussi de création d’emplois
dans l’année, sans dire s’il s’agit de créations brutes (nombre d’embauches) ou de créations nettes (embauches
moins démissions, fins de contrats et licenciements). Enfin, il y a le piège de doubles comptes possibles. Et le
chiffre n’est pas neutre, il a une portée politique puisqu’il est l’indicateur de la réussite ou de l’échec de la
politique impulsée par le gouvernement
Alors quels sont les chiffres ? L’article de Claire Guéraud dans Le Monde du 22 février 2008 comporte des
contradictions. Le nombre total : près d’1,9 million de personnes en 2007, pour un temps de travail moyen de 15
heures par semaine ou plus d’1,9 million ? L’article affirme les 2 à quelques lignes de distance. Les créations
d’emploi : elles ont doublé depuis le plan Borloo… ; en 2006, 116.000 emplois ont été créés, soit 43.000 ETP ;
en 2007, l’Agence nationale des services à la personne prévoyait 120 à 170.000 emplois nouveaux… 580
millions d’heures déclarées et rémunérées soit une progression de 3,1% en moyenne annuelle. Comment peut-on
avoir une progression de l’ordre de 3 % par an et envisager sérieusement que la création d’emploi peut passer
d’une année sur l’autre de 116 à 170.000 ? A moins que la progression des heures travaillées ne soit partagée
entre un nombre croissant de salariés et se traduise donc par une baisse du nombre d’heures de travail de chacun
d’entre eux ?
2
. http://www.servicesalapersonne.gouv.fr/tous-les-services-(1399).cml?
4
Le même article tombe-t-il dans le piège de possibles doubles comptes ? « 1.900.000 particuliers employeurs
(voir infra ce qu’il en est dans l’encadré sur les employeurs) emploient plus d’1,5 million de personnes ». Or, des
particuliers employeurs recourent aux services d’entreprises mandataires qui leur assurent des services
(recrutement, paie). Les salariés qui travaillent dans des entreprises au service de particuliers employeurs
seraient-ils décomptés une seconde fois par les entreprises mandataires ?3
Plusieurs facteurs expliquent le développement des services à la personne : la progression de la
demande, liée au vieillissement de la population et au développement du travail féminin, a été dopée
par la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques (réglementations et politiques financières
incitatives). La solvabilité, la capacité de payer le service rendu progressent globalement.
Les facteurs de développement des services à la personne : la progression de la demande
Les services à la personne rendus au domicile font l’objet d’une demande accrue à cause de l’évolution de la
structure de la population (davantage de personnes âges et de femmes qui travaillent). La progression du nombre
de personnes âgées ou très âgées est elle-même due à l’augmentation de l’espérance de vie, elle-même liée aux
progrès médicaux, aux politiques de prévention pour une meilleure hygiène de vie, et à une politique publique
conduite depuis de nombreuses années de privilégier le maintien à domicile au détriment du placement en
équipement spécialisé. Une part significative des personnes âgées ou très âgées recourent aux deux services :
soins et aides au domicile, sans que dans la plupart des cas ceux-ci soient réellement coordonnnés.
Les personnes âgées d’aujourd’hui, tout au moins les hommes ou les couples dont les deux membres ont été
actifs toute leur vie, appartiennent à une génération qui a cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d’une
retraite à taux plein : elles sont solvables. Il ne faut cependant pas oublier que toutes les personnes âgées ou très
âgées ne sont pas solvables : les femmes devenues veuves et qui ont travaillé peu de temps au cours de leur vie
active ne bénéficient que du minimum vieillesse ; elles n’ont pas accès aux services, sauf si elles rentrent dans
les critères des aides publiques. Et l’avenir ne peut qu’inquiéter : les personnes, de plus en plus nombreuses, qui
auront traversé une vie professionnelle chaotique, multiplié les « petits boulots », auront de plus en plus de mal à
se constituer des droits suffisants à une retraite permettant de faire face aux besoins : la tendance au retour à l’ère
des retraités pauvres s’esquisse.
La progression de la demande est également liée à l’évolution des modes de vie familiaux. Les personnes âgées
ne vivent plus chez leurs enfants, à même de leur rendre des services gratuits. De même, les jeunes générations
sont de plus en plus mobiles géographiquement : elles n’habitent plus guère à proximité de leurs parents et ne
peuvent que difficilement leur rendre des services en tant qu’aidants familiaux. Ces jeunes générations, un peu
culpabilisées ( !), admettent que leurs parents âgés préfèrent une vie au domicile plutôt qu’en établissement.
La demande de services à la personne au domicile est également liée au développement du travail féminin,
observé depuis les années 60. Quand la femme vit en couple, elle apporte un second revenu au ménage et, si elle
est cadre ou technicienne, le second revenu permet de recourir à des aides externes pour le ménage, le repassage,
la garde des enfants…
La demande devrait encore régulièrement croître dans les années qui viennent. L’Agence Nationale des Services
à la Personne identifie des gisements de valeur4.
3
. Une partie de la progression de l’emploi peut être issue du passage du travail au noir au travail déclaré. Selon l’ANSP, il y
a 200 000 emplois au noir évalués en France pour les seuls services d’entretien de la maison à destination des particuliers
(étude de la Commission européenne).
4
. « 1 million d’emplois créés directement si chaque ménage français utilise 2 heures de services par semaine. Moins de 2%
des salariés bénéficient en France d’un programme de services à la personne grâce à leur entreprise ; le pourcentage s’élève à
20% dans certains pays d’Europe et à 60% aux Etats-Unis. Plus de 2,7 millions de familles monoparentales ; 1 enfant sur 5
vit dans une famille monoparentale. 47 % des Français disposent d’un ordinateur à domicile. 16 millions de ménages
entretiennent un jardin ».
5
Les facteurs de développement des services à la personne : l’intervention du législateur
Plusieurs lois ont permis le développement des aides et des soins fournis au domicile, en intervenant sur le
renforcement de la solvabilité de la demande (versement d’allocations ou déductions fiscales), sur la
structuration du secteur (en le rendant plus visible par une politique de communication), sur l’offre de travail.
La loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées introduit le
versement à compter du 1 janvier 2002 par les conseils généraux de l'allocation personnalisée d'autonomie5. Pour
bénéficier de l'APA, il faut être âgé de 60 ans ou plus, être en situation de perte d'autonomie, nécessitant une aide
pour les actes essentiels de la vie, et résider de façon stable et régulière en France. Le montant de l’allocation est
fonction des ressources et du degré de perte d’autonomie. En 2003, le législateur en a rendu plus difficile le
versement en réduisant les conditions d’exonération du ticket modérateur.
La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées prévoit en particulier le droit à compensation du handicap. L’octroi d’une prestation de
compensation prend la forme de ressources financières suffisantes, d’une aide humaine, technique ou animalière,
en fonction du « projet de vie » formulé. La loi prévoit également l’augmentation de l’allocation d’adulte
handicapé (AAH).
La loi du 26 juillet 2005 (dite loi Borloo), la loi la plus importante pour ce qui concerne les services à la
personne, vise à solvabiliser la demande de services afin de promouvoir un accès universel à des services de
qualité, à simplifier l'accès aux services, notamment par la création du Chèque emploi service universel (CESU),
à professionnaliser le secteur et à garantir la qualité des prestations. Le décret du 3 novembre 2005 crée le
CESU ; l’arrêté du 24 novembre 2005 fixe le cahier des charges relatif à l'agrément Qualité. Le CESU est un
mode de paiement simplifié (le dispositif inclut le versement des charges sociales à l’organisme de collecte) ;
quand il s’agit d’un CESU pré financé par l’entreprise, il réduit le coût d’accès au service. Par ailleurs, le recours
aux services à la personne fait l’objet de déductions fiscales sur l’impôt sur le revenu.
La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi TEPA d’août 2007, entrée en vigueur au 1er
octobre) crée à titre expérimental le revenu de solidarité active (RSA). Ce revenu concerne des populations
exclues de l’emploi et bénéficiant de certains des minima sociaux (RMI, API). Le RSA vise à ce que toute heure
travaillée s’ajoute au revenu d’assistance, à ce que le cumul d’heures travaillées permette au maximum des
personnes concernées de dépasser le seuil de pauvreté (812 euros par mois). Ces heures travaillées pourraient
l’être dans les services à la personne dans lesquels il est facile d’entrer en période de tension sur le marché du
travail (mais pas forcément d’y rester).
Ces lois se croisent avec un ensemble de lois organisant la décentralisation de certaines politiques publiques en
direction d’assemblées élues, tout particulièrement la loi (dite loi Raffarin) du 13 Août 2004. Dans ce domaine la
décentralisation s’opère en direction des départements : les conseils généraux se sont vus confier la
responsabilité de gérer de nombreuses politiques sociales, dont celles vis-à-vis des personnes âgées et des
personnes handicapées. Ces mêmes lois vont par contre confier à un autre niveau de collectivités, les régions, la
responsabilité de la formation des professionnels du secteur sanitaire et social !
Les services à la personne se développent car tout le monde - les pouvoirs publics, les opérateurs de
services à la personne, les personnes concernées et leurs familles - semble être d’accord, pour les
personnes en situation de dépendance, pour valoriser la vie au domicile plutôt qu’en institution. Vivre
et même mourir au domicile : exemple du développement des soins palliatifs à domicile. L’UNA
milite « pour un droit fondamental de vivre au domicile » et son manifeste demande ainsi une refonte
du financement de l’aide à domicile. Les arguments conjuguent le respect de la volonté des personnes
5
. Des monographies réalisées dans 4 départements en 2004 (Rivard, 2006) démontrent l’impact de la nouvelle allocation
APA : création de plates-formes de services au niveau départemental, croissance des activités prestataires (centres
communaux et associations), augmentation du temps de travail des salariés (premières mensualisations), régulation de la
concurrence au plan local par la sectorisation ou la spécialisation des structures dans certains services, croissance des besoins
de formation.
6
concernées et le coût (une journée de prise en charge de soins au domicile est moins coûteuse qu’une
journée en institution). Ce consensus sur la vie au domicile peut exacerber la concurrence entre le
secteur sanitaire et social (lucratif et non lucratif) et celui des services à la personne : le sanitaire et
social se développe dans les soins au domicile, les services à la personne investissent quelquefois dans
la création d’institutions (car le respect de la personne autonome oblige le choix qu’elle peut faire, à
un moment ou à un autre et ce de manière temporaire ou définitive, d’entrer dans une institution).
D’ailleurs la difficulté à établir une limite précise entre le secteur sanitaire et social et le secteur de
l’aide à domicile va entraîner plusieurs années de contentieux entre les deux secteurs, se focalisant en
matière de formation professionnelle sur la détermination de l’Organismes Paritaire Collecteur Agréé,
UNIFAF d’un côté, Uniformation de l’autre. Un accord entre les deux parties privilégiant l’organisme
de rattachement sur la nature d’activité va permettre de clore le conflit, tout en introduisant une
distorsion de statut pour des salariés qui vont exercer la même activité.
Développement de la demande pour des raisons démographiques et de modes de vie et solvabilisation
de la demande par l’intervention publique sont confortés par des politiques de communication, de
marketing (faire connaître les services à la personne), de mise en relation de l’offre et de la demande,
de qualification de l’offre (certification qualité qui doit renforcer la confiance des usagers et clients).
C’est ici qu’interviennent de nouvelles structures : l’ANSP (Agence nationale des services à la
personne), les enseignes.
Le décret du 14 octobre 2005 crée l’Agence nationale des services à la personne (ANSP),
établissement public administratif chargé de définir les orientations prioritaires du secteur, de
promouvoir le développement et la qualité du secteur en définissant les prescriptions du cahier des
charges pour l’agrément qualité, d’autoriser l’émission de CESU. L’ANSP emploie une quinzaine de
salariés au siège, est représentée dans chaque département par des délégués territoriaux, par ailleurs
fonctionnaires de l’Etat exerçant d’autres missions, possède un site d’information fort bien documenté
(nouvelle version en mars 2008, www.servicesalapersonne.gouv.fr), une lettre d’information
mensuelle. Elle lance régulièrement des appels à projets (appel à projets 2008 : Innover pour
développer l’offre de service dans les services à la personne6). Enfin l’ANSP habilite les enseignes
nationales : celles-ci jouent un rôle de structuration et de visibilité du secteur.
L’enseigne nationale contribue à structurer le secteur des services à la personne de manière significative. Il y en
a 17 dont 9 regroupent des partenaires du secteur privé lucratif.
Selon le site de l’ANSP, l’enseigne a vocation à distribuer l’offre de services à la personne sur l’ensemble du
territoire national. S’appuyant sur des partenariats conclus entre réseaux complémentaires (fédérations,
producteurs, prescripteurs…), elle allie un puissant maillage territorial et un développement d’offre couvrant
l’ensemble des services entrant dans le champ de l’article D129-35 du code du travail. L’enseigne nationale
distribue et coordonne l’offre de ses réseaux partenaires.
Attestant d’un engagement dans une démarche qualité, elle contribue de manière tangible à développer la
création d’emplois qualifiés et pérennes. Elle offre un service d’information et d’intermédiation par une
plateforme de services, un site Internet et un réseau de points d’accueil.
Un exemple d’enseigne. France Domicile réunit 3 partenaires : la Mutualité française, UNA, l’Union nationale
des Centres communaux d’action sociale. Sur le site de France Domicile : « vous pouvez passer commande sur
le site, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Un message de confirmation s’affiche avec les références de votre
commande. Vos réponses au questionnaire sont analysées ; votre demande qualifiée est transmise aux
6
. http://www.industrie.gouv.fr/portail/une/index_appe_cours.html
7
prestataires adaptés à vos besoins. Sous 24 heures maxima, vous recevez par mail la réponse de France
Domicile. Vous acceptez le devis par simple clic ! Avant la première intervention, notre partenaire vous joint par
téléphone pour un premier contact » http://www.francedomicile.fr/web/fdo/home.
Sans qu’un bilan précis ait pu être effectué à ce jour, il semble toutefois que ces enseignes sont loin d’avoir
atteint leurs objectifs sur l’ensemble du territoire. Probablement trop nombreuses, elles ne peuvent pas permettre
une mise en relation efficiente entre l’offre et la demande, et ne permettent pas d’offrir, en dehors des très
grandes villes, au client potentiel qui s’adresse à elles une possibilité d’intervention réactive et de qualité.
Des métiers réglementés et des métiers ouverts
La personne ou la famille aidée peut recourir évidemment à plusieurs services proposés par une seule
organisation ou par plusieurs organisations. Elle a d’ailleurs rarement le choix et dépend de la
configuration qui s’est construite localement, et de la répartition des fonctions entre les différentes
structures qui en est issue. Des métiers de soins au domicile et des postes d’aides au domicile exercent
donc parfois leurs activités pour la même personne ou famille, d’où des problèmes de coordination et
de coopération, d’établissement de frontières entre ce que peuvent ou doivent faire les uns et les
autres : un seul et même salarié peut-il rendre les deux types de services ? Comment gérer au domicile
la présence éventuelle ou à proximité d’intervenants bénévoles et en particulier de ceux qu’on appelle
les aidants familiaux ? Les postes non qualifiés de l’aide pourraient-ils évoluer vers certains des
métiers réglementés ? Des mécontentements existent.
Les insuffisances des soins à domicile. Un lecteur du journal le Monde (12 novembre 2007) se dit très mécontent
des prestations de soins et d’aide ménagère : mauvaise coopération entre les infirmiers (partie techniques des
soins) et les aides-soignants (toilette et soins annexes) ; erreurs commises par les aides-soignants, maladresses,
brusqueries, négligences (porte du pavillon laissée ouverte la nuit) ; succession d’intervenants (jusqu’à 30),
horaires fantaisistes. Le service concerné se défend en mettant en avant le stress des personnels et les absences
imprévues, définit précisément les règles de la toilette, indique que toutes les personnes aidées ne peuvent avoir
de bons horaires (une aide-soignante s’occupe de 6 à 7 patients) ; il indique également l’instabilité des patients
qui passent des services associatifs aux services d’un cabinet d’infirmières libérales.
Se pose la question de la limite entre ce qui relève du soin et ce qui n’en relève pas : mettre les médicaments
d’une personne âgée qui perd un peu la tête dans un semainier est du domaine du soin et ne peut être réalisé que
par un infirmier et absolument pas par une aide à domicile. Par contre celle-ci peut veiller à ce que les dits
médicaments soient bien pris aux bonnes périodes. Responsabilité : sûrement ? Corporatisme : sans doute un
peu !
Quels sont les métiers de ces deux types de services ? Sont-ils régulés ? Qui fait quoi ? Qui peut faire
quoi ? La définition des métiers est l’objet de négociations entre les employeurs et les représentants
des salariés : elles donnent lieu à des conventions collectives, à des grilles de classification, à des
fiches de postes.
Qui sont les employeurs dans les services à la personne ? La complexité de l’entrepreneuriat
Le particulier qui recourt au service peut lui-même être employeur de la personne qui travaille pour lui (il est
alors particulier employeur).
Parmi les employeurs au sens traditionnel du terme (ceux qui sont à la tête d’entreprises), il faut distinguer
plusieurs types :
-
les employeurs d’entreprises à but non lucratif. Il s’agit le plus souvent des associations du secteur de
l’économie sociale. Les sociétés coopératives de production sont encore l’exception. Domiance est la
8
première coopérative créée en 2007 dans les services à la personne : http://www.domiance.fr/domianceparis-ile-de-france
-
les services de soins à domicile (SSIAD) sont assurés par des infirmiers et des aides soignants, sur
prescription du médecin traitant.
-
les centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) et les établissements
publics de coopération intercommunale (SIVOM…). Ces établissements publics peuvent poursuivre ou
développer une activité de services à la personne dans une logique de complémentarité avec leur
vocation première. Il faut noter que dans ce cas les salariés ont un statut de droit public
-
les employeurs à but lucratif, quelquefois de très grands groupes à l’affût de profits dans un secteur qui
se développe. Présents dans les enseignes nationales, ils mobilisent des compétences acquises dans
d’autres services (la restauration, l’hôtellerie, le secteur sanitaire et social privé lucratif) ; leur stratégie
de développement repose sur des antennes franchisées.
-
les créateurs d’entreprises nouvelles, unipersonnelles dans un premier temps. Le secteur des services à
la personne voit, depuis peu, se créer un grand nombre de nouvelles entreprises chaque année.
-
les professions organisés en cabinets libéraux (cabinets d’infirmiers par exemple)
Un même employeur peut délivrer les services de soins et les services d’aides. Les SPASSAD (services
polyvalents de soins et d’aide à domicile) assurent l’aide à la personne et les SSIAD. Les SPASSAD sont peu
nombreux. Par contre, il existe plus de 2.000 SSIAD mais ils ont le plus souvent un monopole de fait sur leur
territoire. C’est la DDASS, service de l’Etat, qui attribue la dotation en fonction du nombre de patients.
L’UNA, réseau n°1 des aides, des soins et des services à domicile, classe les métiers selon les deux
grands types d’activité (l’intervention à domicile, les soins à domicile) (tableaux ci-dessous). Ils sont
présentés selon une progression de la qualification, des compétences professionnelles exigées. Les
métiers de soins exigent des titres pour être exercés. On observe un nombre de niveaux hiérarchiques
restreint (directeur, coordinateur ou responsable de secteur, salarié d’exécution), des rapports
hiérarchiques informels (entre l’infirmier et l’aide soignant), des chevauchements possibles de tâches
(si sont présents chez la même personne un employé à domicile et un auxiliaire de vie sociale par
exemple). Enfin les métiers non spécifiques du secteur ne sont pas inclus dans les tableaux :
secrétariat, ressources humaines, finances et comptabilité, communication, qualité…
Deux réseaux principaux regroupent au plan national les structures de l’aide à domicile : l’UNA (ex
UNASSAD), et l’UNADMR regroupant les associations intervenant de façon dominante en milieu rural. En
effet, en France, il est fréquent que les organisations collectives aient pris en milieu rural une forme
particulière (la Sécurité Sociale est gérée par la Mutualité Sociale Agricole), et ces structures tentent de survivre
dans une société de moins en moins rurale. Les réseaux ne sont pas étanches et il arrive que des ADMR
rejoignent l’UNA dans certains départements. Trois autres structures nationales existent, A Domicile, avec une
origine catholique et 150 associations adhérentes, la Fédération des Associations de l’Aide Familiale Populaire /
Confédération Syndicale des Familles, d’origine laïque, et l’ADESSA (250 associations affiliées). La question
d’une structuration de ces réseaux dans une organisation en phase avec les enjeux du développement du secteur
leur est posée.
L’intervention à domicile
L’agent à domicile assure des activités domestiques et administratives simples. Pour réussir dans ce poste, outre
une capacité aux travaux domestiques, il doit faire preuve de grandes qualités relationnelles et doit savoir
s’organiser.
9
L’employé à domicile, présent aux côtés des personnes qui ne peuvent plus réaliser seules les actes ordinaires de
la vie courante, les assiste et les soulage par son aide dans les activités quotidiennes, que ce soit des activités
domestiques ou administratives. Qualités relationnelles, organisation et capacité d’adaptation sont ses atouts.
L’auxiliaire de vie sociale, travaillant en équipe, fort de grandes qualité relationnelles, d’une disponibilité réelle
(écoute, discrétion, respect, prise de distance…) et de fortes connaissances techniques, aide à domicile les
familles, les personnes âgées, les personnes handicapées. Il aide à faire en stimulant accompagnant, ou il fait à la
place de la personne qui se trouve dans l’incapacité provisoire ou durable de faire seule les activités et les tâches
quotidiennes. L’auxiliaire assure ainsi un accompagnement et une aide aux personnes. L’auxiliaire de vie sociale
fait également le lien avec tous les autres professionnels intervenants ou la famille. Il est en principe titulaire
d’un diplôme de niveau V .Mais de nombreux auxiliaires relèvent d’un statut de « faisant fonction » exerçant le
métier sans être titulaire du diplôme et sont donc moins rémunérés
Le technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF) intègre la dimension familiale et sociale de l'individu.
Il intervient auprès des publics fragilisés, en apportant un soutien éducatif, technique et psychologique. Il doit
ainsi assurer à domicile, ou à partir du domicile, des activités ménagères et familiales, contribuer à maintenir ou
rétablir l’équilibre des familles, exercer une action sociale préventive et éducative à partir des tâches concrètes
de la vie quotidienne des familles. Dans la logique de cette prise en charge plus globale, il se voit également
confier un rôle d'accompagnement dans les fonctions parentales, sociales, éducatives auprès des familles. Ce
métier nécessite une grande capacité d’adaptation aux situations, le sens du dialogue, des capacités
d’observation, d’analyse et de rédaction, et un bon niveau relationnel. Un bon équilibre psychologique est
également indispensable. Il est titulaire d’un diplôme de niveau IV
Source UNA. http://www.una.fr/sommaire-les-metiers-1578.html
L’aide médico-psychologique
L’aide soignant intervient dans le cadre des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Exerçant au
quotidien au sein d’une équipe et sous la responsabilité d’un infirmier, il assure l’hygiène et le confort du
malade, et contribue à compenser partiellement ou totalement le manque ou la diminution de l’autonomie de la
personne aidée. Proche du malade, il peut donner aux infirmiers et au médecin des informations précises sur son
état physique et mental. Ce métier exige de la disponibilité et, au-delà, des qualités humaines importantes. Il
nécessite aussi une bonne résistance physique et un solide équilibre psychologique. Il est titulaire d’un diplôme
de niveau V
L’infirmier réalise des soins techniques et se charge d’une partie de la prévention et de l’éducation sanitaire. Il
établit un planning de soins, en fonction des prescriptions du médecin. Il encadre également une équipe d’aides
soignants. Outre les compétences liées aux soins, l’infirmier travaillant dans ce cadre doit faire preuve d’une
bonne pratique de l’animation d’équipe, de sens de l’organisation et de compétences relationnelles importantes.
Il est titulaire d’un diplôme de niveau Bac +3 considéré comme étant de niveau III
Source UNA. http://www.una.fr/sommaire-les-metiers-1578.html
Les métiers de l’encadrement
Le responsable de secteur, premier niveau d’encadrement dans les services d’aide, se situe entre l'intervenant à
domicile et le directeur. Il est aussi l’interface entre l’intervenant et l’usager et garantit les valeurs qui fondent la
relation d’aide. Il doit organiser la prestation à domicile, évaluer les besoins de la personne et veiller au bon
déroulement du plan d’aide. Il encadre une équipe de personnels intervenants et assure le suivi de l’activité. Le
responsable de secteur doit posséder le sens des contacts humains, de l’écoute, une grande disponibilité, des
capacités d’adaptation et d’ouverture d’esprit. Il doit manifester de l’intérêt pour les problèmes économiques et
sociaux, et pour les aspects techniques et pratiques de la vie quotidienne. Il doit également savoir manager une
équipe d’intervenants à domicile et connaître l’essentiel de la législation sociale.
Le coordinateur de service de soins, travaillant au sein de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD),
assure la responsabilité du service de soins. Il doit donc disposer de compétences à la fois de soignant et de
gestionnaire. Il assure l’organisation des soins (évaluation de la situation, diagnostic infirmier, plan d’aide
10
personnalisé), la gestion de l’équipe, la gestion administrative et financière, l’encadrement des aides soignants et
du personnel, les relations avec la famille et les partenaires locaux, le développement de la formation des
intervenants. Il doit être un soignant confirmé, à l’écoute des malades. Il doit posséder des compétences pour
encadrer une équipe. Technicien de la santé, il est au courant des évolutions.
Le directeur de structure, à la tête d’une structure assurant des services d’aide ou de soins à domicile, a pour
mission de définir et de conduire l’intervention sociale, de conduire le projet de la structure, d’assurer le
management des ressources humaines, la gestion financière, technique et logistique. Il doit faire preuve
d’inventivité dans la mise en place de services innovants et savoir s’adapter à l’évolution de l’environnement
juridique et financier du secteur. Ce métier requiert des compétences d’analyse, d’organisation et d’anticipation.
Source UNA. http://www.una.fr/sommaire-les-metiers-1578.html
Des conditions de travail et d’emploi difficiles pour les salariés d’exécution
Comment caractériser la main-d’œuvre salariée dans les services à la personne quand les activités vont
de l’aide informatique au domicile en passant par le ménage, le bricolage et la garde d’enfants pour
arriver aux soins infirmiers et à l’auxiliariat de vie sociale ? Dans les services d’aides au domicile les
plus simples - entretien du domicile -, la population est constituée de femmes, de femmes seules pour
un nombre non négligeable. Autre caractéristique : une représentation significative d’étrangères et de
françaises d’origine étrangère. Ce sont aussi des femmes actives d’âge moyen, avec peu ou pas de
diplômes, de qualification, s’étant formées sur le tas. Parmi les plus âgées, qui approchent aujourd’hui
de l’age de la retraite, une grande partie est entrée dans le métier, dans une optique de faire bénéficier
la famille d’un revenu d’appoint, après avoir élevé ses enfants, en réinvestissant les savoir-faire acquis
empiriquement à son propre domicile
Les contrats de travail sont majoritairement à temps partiel subi (Pouliquen, 2007). Le service est
donné le plus souvent pour plusieurs usagers, ce qui implique des déplacements dans la journée de
travail, des horaires fractionnés avec des « trous » plus ou moins importants (8 heures à midi et 16
heures à 20 heures par exemple). Les services aux personnes dépendantes impliquent aussi le travail le
week-end et la nuit, le travail en astreinte (pouvoir répondre à des situations d’urgence). Ils impliquent
la continuité du service et donc l’organisation d’un système de remplacements pour faire face aux
absences planifiées (congés payés) et non planifiées (congés maladie) ; toutes les personnes n’aiment
pas le statut de « remplaçant » (dans les aides au domicile, ce sont les nouveaux qui effectuent les
remplacements). La principale difficulté réside dans le fait que les personnes ont, pour beaucoup
d’entre elles, besoin d’aide aux mêmes heures : le lever, les repas, le coucher, et que les salariés
doivent donc décaler leurs horaires d’intervention et se montrer moins disponibles qu’il ne serait
souhaitable
Les conditions de travail ne sont pas faciles ; les risques de maladies professionnelles (troubles
musculo-squelettiques) existent ; vieillir au travail pose des problèmes (CORIF, 2006). Les
déplacements entre les interventions nécessitent en milieu rural l’usage d’un véhicule personnel, et en
ville l’usage des moyens de transport en commun n’est pas toujours fonctionnel. Quand le coût du
logement a obligé les salariés à être logées loin du centre ville, il faut partir tôt et rentrer tard, et il
devient difficile de s’occuper de ses propres enfants. Enfin, les salaires sont bas et le sont d’autant plus
que les contrats de travail sont majoritairement à temps partiel. Une partie des salariés dans les
services à la personne sont des « travailleurs pauvres », gagnant moins que le seuil de pauvreté. Les
tensions observées sur le marché du travail peuvent amener à des actions orientées vers les publics
éloignés de l’emploi : les risques d’instabilité dans l’emploi s’accroissent alors, ce qui renforce
11
l’important turn-over observé dans le secteur (celui-ci peut atteindre plus de 50% pour les personnes
nouvellement arrivées dans l’aide au domicile - chiffres UNA 77).
Les caractéristiques décrites précédemment ne concernent évidemment pas tous les salariés de l’aide
au domicile. Celle-ci est aussi assurée par des personnels qualifiés (assistants sociaux, conseillers
d’éducation sociale et familiale, techniciens de l’intervention sociale et familiale,…). Le
développement de l’activité et des effectifs dans certaines structures a également permis de développer
des fonctions confiées à des techniciens ou des cadres (coordinateur de secteur, chargé de ressources
humaines, de communication, de qualité…) ; on observe dans ces fonctions des personnels plus jeunes
et plus diplômés. Il en va de même dans les services de soins au domicile : les infirmiers sont des
personnels qualifiés.
2. La difficile professionnalisation des emplois
La professionnalisation difficile dans les services à la personne ? Il faudrait d’abord affirmer
l’inverse : elle devrait être a priori facile car elle s’appuie sur des éléments forts de discours : un
discours consensuel porté par la puissance publique, les réseaux nationaux des services à la personne,
les syndicats d’employeurs et de salariés ; un discours moderniste faisant la part belle au marché : les
usagers ou les clients des services à la personne exigent de plus en plus des services de qualité ; ceuxci ne peuvent être rendus que par des professionnels ; un discours progressiste et idéologique, porté en
particulier par l’économie sociale et solidaire : il faut offrir à tous les salariés de base des possibilités
de trajectoire professionnelle ascendante ; il faut que les salariés soient satisfaits de et dans leur travail.
La professionnalisation est un processus qui conduit les salariés à acquérir plus de compétences
professionnelles. Elle se réalise par des actions de formation de divers types. Elle conduit les
personnes concernées à une trajectoire professionnelle ascendante, à accéder à un métier plus élevé
dans la hiérarchie, à gagner plus. La professionnalisation se heurte à plusieurs freins mais elle est
rendue possible par des demandes des salariés, des volontés politiques, des mobilisations de ressources
financières, des actions de formation. La professionnalisation s’exerce dans un contexte d’exigence de
renforcement de la qualité du service délivré.
La certification qualité au service de la professionnalisation ?
La préoccupation de la qualité est certaine dans les services à la personne : elle est évidente et
ancienne dans les services de soins ; elle s’étend désormais aux services d’aides au domicile. Plusieurs
niveaux de qualité sont définis par l’ANSP : l’agrément simple donne confiance à l’usager, l’agrément
qualité est quant à lui obligatoire pour les structures qui s’adressent aux publics fragiles, tels que les
enfants de moins de 3 ans, les personnes âgées de 60 ans et plus et les personnes handicapées.
L’agrément simple
« Facultatif mais gage de sérieux, l’agrément simple peut être demandé par les organismes proposant des
services à domicile compris dans la liste qui suit : entretien de la maison et travaux ménagers, petits travaux de
jardinage, prestations de petit bricolage dites “ hommes toutes mains ”, soutien scolaire, ou cours à domicile,
assistance informatique et Internet à domicile, préparation des repas à domicile, y compris le temps passé aux
commissions, livraison de repas à domicile, collecte et livraison à domicile de linge repassé, livraison de courses
à domicile, soins et promenades d’animaux domestiques, pour les personnes dépendantes, maintenance, entretien
et vigilance temporaires à domicile, de la résidence principale et secondaire, accompagnement d’enfants de plus
12
de trois ans dans leurs déplacements, assistance administrative à domicile, activités qui concourent directement
et exclusivement à coordonner et délivrer les services à la personne ».
L’agrément qualité
« C’est un agrément plus exigeant, obligatoire pour les structures qui s’adressent aux publics fragiles, tels que les
enfants de moins de 3 ans, les personnes âgées de 60 ans et plus et les personnes handicapées. L’agrément
qualité concerne les services suivants : garde d’enfants à domicile de moins de 3 ans, assistance aux personnes
âgées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile, à l’exception d‘actes de
soins relevant d’actes médicaux, assistance aux personnes handicapées y compris les activités d’interprète en
langue des signes de techniciens de l’écrit et de codeur en langage parlé complété, garde malade à l’exclusion
des soins, aide à la mobilité et transports de personnes ayant des difficultés de déplacement lorsque cette activité
est incluse dans une offre de service, prestation de conduite du véhicule personnel des personnes dépendantes, du
domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives, accompagnement des enfants de
moins de 3 ans dans leurs déplacements, des personnes âgées ou handicapées en dehors de leur domicile
(promenades, transports, actes de la vie courante), soins d’esthétique à domicile pour les personnes
dépendantes ».
ANSP7. http://www.servicesalapersonne.gouv.fr/agrement-simple-agrement-qualite-(1550).cml
Les réseaux d’opérateurs dans les services à la personne se lancent donc dans une course de longue
haleine pour faire certifier leurs structures de proximité. L’UNA accompagne ses associations vers la
certification NF X50-056 : respect de la déontologie du secteur, analyse de la demande, intervention
individualisée, intervention de qualité pour sécuriser l’usager et établir une relation de confiance,
contrôle et amélioration des prestations. Elle signe en mars 2008 un protocole de coopération avec le
Secrétariat d’Etat à la Solidarité et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) pour la
professionnalisation des services à domicile, protocole qui comprend un volet certification qualité
important8. Le réseau comprend 1200 associations de proximité ; une cinquantaine est déjà certifiée ;
les autres devraient l’être dans les 10 ans à venir. L’UNA Paris, fédération départementale, est aidée
financièrement dans cette démarche qualité par la ville de Paris et par la CNSA.
La certification qualité constituerait-elle, aussi et en certains cas, un frein à la professionnalisation des
emplois ? Les auditeurs qualité contrôlent régulièrement les organisations certifiées et s’assurent que
la qualité des services rendus est bien au rendez-vous. Ils s’appuient sur des enquêtes de satisfaction
des clients et sur les rapports d’activité mentionnés dans la note 7. Le contrôle de la qualité délivrée
s’appuie donc sur les résultats et non directement sur les moyens mobilisés. Or la professionnalisation
est un moyen et non un résultat (sauf évidemment pour les salariés). La certification peut conduire à
des processus formalisés, simplifiés et même prescrits. Elle freine plutôt la polyvalence, première
étape de l’accès à des fonctions plus qualifiées, ou la création de nouvelles fonctions plus complexes
(sauf à s’assurer que celles-ci conduisent à de meilleurs résultats). Elle est neutre par rapport à
l’acquisition de qualifications certifiées (un service de qualité peut être rendu par la personne qui a les
compétences professionnelles mais pas les titres). Il faut rappeler que la certification, qui a demandé
7
. L’agrément qualité est à portée départementale. Il est donné par le préfet de département, après avis du président du
Conseil général. Cet avis « porte sur la capacité de l’organisme demandeur à assurer une prestation de qualité correspondant
au cahier des charges prescrit par l’ANSP, ainsi que sur l’affectation des moyens humains, matériels et financiers
proportionnés à cette exigence ». L’agrément qualité oblige à rendre des comptes : état mensuel d’activité, tableau statistique
annuel (effectifs à temps plein ou à temps partiel, nombre d’heures payées par type d’activité par mode d’intervention
(prestataire, mandataire), bilan annuel d’activité…
8
. Communiqué de presse http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/CP_vl-una.pdf.
Texte du protocole http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/12_03_08_PROTOCOLE_COOPERATION_UNA.pdf
13
tant d’efforts, peut conduire à la paralysie organisationnelle, à la faible performance quand le respect
des procédures devient un but en soi et non plus un moyen.
La formation pour la professionnalisation
La professionnalisation par la formation est à l’ordre du jour dans les services à la personne : pas un
seul discours politique, pas un seul rapport d’orientation des têtes de réseaux nationaux ne manquent
de le rappeler. Ces discours et orientations sont en acte. La professionnalisation s’appuie sur les
dispositifs réglementaires existants et incitatifs (la formation tout au long de la vie)9, sur l’existence de
structures relativement solides de formation (y compris de structures de formation de l’économie
sociale et solidaire), sur des possibilités financières réelles (financement par la puissance publique,
marge de manœuvre financière au sein des entreprises, issue du fait que les clients privés acceptent de
payer un prix relativement élevé car ce n’est qu’un prix apparent pour eux ; c’est en effet un prix avant
déductions fiscales). La professionnalisation s’appuie aussi sur des politiques affichées de ressources
humaines des têtes de réseaux nationaux de services à la personne. Ces politiques affichées essaient de
mettre en œuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences digne de ce nom.
Mais de multiples questions se posent. Celle du mode d’acquisition des compétences : par la formation
dans un organisme de formation ? Par la formation initiale ou continue ? Sur le tas en faisant le
travail ou en étant accompagné pour apprendre le travail (tutorat) ? Celles du financement, du lieu
d’organisation des formations, des objectifs (formation qualifiante, d’adaptation). Quels sont les
besoins de formation et comment les recenser ? Comment mutualiser les actions de formation et faire
cependant qu’elles soient organisées à proximité ? Quelles sont les formations que les centres de
formation des réseaux nationaux ou départementaux prennent en charge et quelles sont celles qui sont
sous-traitées à des centres de formation externes ? Comment et auprès de qui rechercher les
financements pour telle ou telle action de formation (fonds de modernisation approvisionné par la
DASS, CNSA, Conseil régional, Conseil général) ? Quelles sont les conditions d’effectifs minimaux
pour optimiser les coûts ? Comment éviter que l’offre de formation pilote par trop la demande, et en
particulier induise des pratiques construites dans le secteur sanitaire et social à celui de l’aide à
domicile ?
Répondre à ces questions n’est pas simple pour les structures de services à la personne. Il y a là le
problème bien identifié de la structuration pyramidale des réseaux de l’économie sociale ; il s’agit en
fait d’une fausse structuration pyramidale car la base de la pyramide (l’association de proximité) a une
forte autonomie de décision en matière de choix de services à la personne, de développement du
marché, de recrutement des salariés, de formation qualifiante. Les fédérations départementales (elles
peuvent regrouper plus d’une cinquantaine d’associations de base) pensent GPEC, cherchent à
homogénéiser les procédures de recrutement, à collecter les besoins de formation pour organiser des
9
. Septembre 2006. Premier accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie applicable à l’ensemble de
l'économie sociale. Cet accord prévoit d’harmoniser les taux de contribution à hauteur de 1,60% de la masse salariale,
quelque soit la taille de la structure. Il prévoit également l’ouverture de négociations sur la transférabilité du droit individuel à
la formation, la sécurisation des parcours professionnels et notamment ceux des publics les plus fragiles, la formation
entrepreneuriale des dirigeants bénévoles. Le ministère refusera cependant d’agréer l’extension de cet accord, Texte de
l’accord : http://www.univ-mlv.fr/ecosoc/index.php?rub=fcpro&sousrub=regle
Rappelons que l’effort financier en matière de formation professionnelle des structures de l’aide à domicile de l’économie
sociale est nettement supérieur à l’obligation légale puisqu’il est fixé à 2,1 % de la masse salariale. Et expliquons que les
accords des partenaires sociaux dans les secteurs du sanitaire et social comme de l’aide à domicile sont soumis à agrément
des pouvoirs publics, en raison des conséquences sur les finances publiques et sociales.
14
sessions de formation qui aient l’effectif suffisant, mais c’est souvent au prix de coûts de coordination
élevés (création de commissions, nombreuses réunions, gestion des informations descendantes et
ascendantes). Leurs associations membres ne sont pas des antennes ; ce sont des structures autonomes.
Quant à la tête de réseau nationale, le « groupe », c’est évidemment le lieu idéal de la conception, de la
mise en œuvre d’une GPEC, de son financement (négociation d’accords de développement de la
formation avec l’Etat), mais là encore le « Siège » n’est pas à même d’imposer sa politique aux
fédérations départementales et encore moins aux associations de base ; il ne peut que persuader qu’il a
les bonnes solutions. Il peut élaborer des catalogues de formations, de stages, de prestataires ; il ne
peut empêcher une association de base de négocier directement avec des prestataires de formation
locaux.
L’exemple de la répartition des formations au sein du réseau UNA est une esquisse de solution. Le
service de formation du siège organise les formations pour les salariés qui ont des responsabilités de
direction et des responsabilités transversales. Une fédération départementale organise des formations
pour les métiers de base et expérimente des formations innovantes (sur les risques professionnels par
exemple).
Formations organisées en 2008 par le service de formation de l’UNA (siège)
Responsable de secteur
Communication
Expertise technique
De l’évaluation individualisée au projet d’intervention
Management d’équipe
Management général
Organisation, gestion et optimisation de l’intervention
Promotion de l’offre de service
Mise en place de la modulation du temps de travail
Source UNA. http://www.una.fr/sommaire.do?&id=3669
Formations d’une fédération départementale du réseau UNA
UNA 77 coordonne une soixantaine de structures adhérentes spécialisées dans les soins et aides au domicile. Elle
crée un Pôle Emploi Formation en 2007, en vue de construire un lieu unique de coordination et de prise en
charge du recrutement, de la formation et de la communication sur les métiers de l’aide à domicile encore mal
connus et sur les parcours structurés possibles.
Jusqu’en 2006, la fédération imaginait les besoins de formation, cherchait les financements, recherchait les
centres de formation, tout en cherchant à éviter que les adhérents n’organisent leurs propres actions de formation
(ceux-ci demandaient cependant de connaître suffisamment tôt les dates des sessions de formation). En octobre
2006, la Fédération crée son propre centre de formation. Le budget prévisionnel 2007 prévoit des produits de
formation (70.000 euros). Bilan des formations 2006 : 41 services et 433 salariés concernés.
Besoins de formation formulés par les structures adhérentes. Plus de 20 salariés potentiellement intéressés par
l’une ou l’autre des formations suivantes : accompagnement des personnes en fin de vie, comprendre et
accompagner une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose en plaques et
maladies inflammatoires du système nerveux, prévenir les situations de maltraitance, manutentions des
personnes dépendantes (gestes et postures), les limites entre les aides et les soins (exemple : les aides à domicile
peuvent-elles vider les poches urinaires ?), la relation d’aide professionnelle, découvrir le champ du handicap,
prévention, dépistage et prise en charge de la dénutrition pour les personnes âgées, prévention des accidents
domestiques, cuisine avec orientation diététique, cahier de liaison, l’épuisement professionnel, attestation de
formation aux premiers secours.
15
Formation d’une journée pour les nouvelles embauchées : rôle de l’aide à domicile, gestes et postures, prendre
soin.
Maltraitance. Former 85 personnes en partenariat avec une association spécialisée dans la lutte contre la
maltraitance ; deux groupes de 16 personnes déjà formées.
Utilisation du cahier de liaison entre l’aide à domicile et les soins infirmiers, cahier disponible au domicile de la
personne aidée et souvent mal utilisé. Formation pour 2 groupes de 15.
Groupes de prise de parole. 22 responsables de secteurs ont participé à ces groupes. Il faut prendre du temps
pour réfléchir à l’évolution de ce métier. Le risque que les responsables de secteur soient vite usés par le métier
existe.
Risques professionnels après des enquêtes auprès des salariés et des directeurs sur la perception des risques
professionnels ; elles seraient à la base de fiches de prévention des risques.
10 personnes ont fait la phase Passerelle vers l’emploi (financement du conseil régional) ; 9 ont obtenu le
diplôme d’assistant de vie (niveau V, mais inférieur au DEAVS). Toutes ont un emploi dans l’aide à domicile ou
en maison de retraite.
Source. Michel Abhervé et Pierre Dubois. Expertises DIIESES
La formation diplômante et la question des bas salaires
Les formations décrites dans le point précédent peuvent être des formations qualifiantes, en ce sens
qu’elles permettent l’accès à des métiers qualifiés répertoriés dans les conventions collectives du
secteur des services à la personne, métiers qui bénéficient ainsi d’un salaire minimum garanti. L’idée
de la professionnalisation est de rendre le secteur attractif par l’organisation de carrières minimales
dans un contexte où les salaires sont bas, en particulier à cause de l’importance du nombre des contrats
à temps partiel subi. Une première perspective de carrière pour les entrants dans la branche de l’aide à
domicile est la stabilisation dans l’emploi (passage du statut de remplaçant chez de nombreux usagersclients au statut de travail stable chez les mêmes personnes), puis l’augmentation du nombre d’heures
de travail (passage du temps partiel au temps complet).
Progressions de carrière possibles
L’UNA 77 cite quelques carrières : d’agent à domicile (938 euros nets en début de carrière) vers employé à
domicile, d’employé à domicile vers auxiliaire de vie sociale, vers aide médico-psychologique ou vers aidesoignant, d’auxiliaire de vie sociale vers technicien de l’intervention sociale et familiale (1 340 euros nets avec 5
ans d’ancienneté).
Source UNA 77. Abhervé et Dubois, déjà cité)
Il y a toujours un coût du service rendu10. Le coût des soins au domicile et de certains types d’aides est
encadré par les directions des affaires sanitaires et sociales et par les conseils généraux (en charge des
prestations pour les personnes âgées dépendantes, pour les handicapés). La progression salariale,
logiquement engendrée par une amélioration des perspectives de carrière et par la qualification
accentuée des postes du bas de la hiérarchie, se heurte ainsi à ces coûts encadrés. Conseils généraux et
10
. Les services à la personne ne se sont pas toujours situés dans l’économie marchande et une partie d’entre eux demeure
hors économie marchande (les services rendus par les aidants familiaux). Il faut ici rappeler le rôle historique joué par les
institutions caritatives, souvent religieuses, dans les visites aux personnes, la création d’institutions pour la petite enfance, les
personnes âgées ou malades. Le coût du service était assuré par les dons caritatifs. Il demeure dans les mentalités que les
services aux personnes fragiles ne sont pas vraiment ou totalement des services marchands. De plus, une partie des clients
individuels des services à la personne préfère verser le salaire de la main à la main (au noir), ne veut pas forcément prendre le
statut de particulier-employeur.
16
DDASS sont favorables à la professionnalisation mais ne voient pas toujours d’un bon œil les coûts
qu’elle induit.
Les Conseils Généraux sont des financeurs importants des services d’aides et de soins à domicile, en
particulier dans le cadre de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (A.P.A.). Nombre d’entre eux ont
un budget de plus en plus contraint, principalement en raison de très importants transferts de
responsabilités de la part de l’Etat, incomplètement compensés par le transfert des moyens
correspondants, pratiques qui alimentent de très forts contentieux en particulier autour du Revenu
Minimum d’Insertion. Et ils sont dons enclins à ne pas suivre l’accroissement du coût que représente
le fait pour une structure de bénéficier d’un personnel diplômé, et donc (légèrement) mieux payé.
Paradoxalement, certaines associations qui avaient fait le plus d’efforts pour augmenter la proportion
de leurs salariés diplômés, dans une optique de qualité de la prestation, se sont trouvées en grande
difficulté, car leur financeur public n’a pas suivi dans son conventionnement l’évolution des
qualifications et donc des rémunérations. Cette analyse s’applique aussi à certaines Caisses
d’Allocations Familiales, financeurs des services aux familles.
Dans le champ d’activités des services à la personne, en particulier pour ce qui concerne les soins au
domicile, il existe des métiers réglementés : seuls ceux qui ont obtenu le diplôme ad hoc peuvent
exercer le métier. Cette protection des métiers est à la fois un gage de professionnalisation du secteur
et un frein à cette même professionnalisation.
Le système d’adéquation formation - emploi est en même temps classique et très complexe. Il est
classique en ce que les titres sont rangés par niveaux de formation : niveau V (CAP ou BEP), niveau
IV (baccalauréat), niveau III (bac + 2 ou 3). Il est complexe parce que les formations organisées et les
titres délivrés le sont par différents acteurs : les ministères divers (tableau ci-dessous : les
qualifications diplômantes d’Etat, l’Association pour la Formation Professionnelles des Adultes
(AFPA) pour les diplômes homologués, les branches professionnelles (certificats de qualification). Il
est complexe parce que ce sont les régions (et non l’Etat) qui sont devenues, depuis la loi du 13 Août
2004, responsables de la formation professionnelle initiale et continue11. Il est complexe parce que les
financeurs sont divers (les employeurs au titre de l’apprentissage et de la formation tout au long de la
vie ou encore du CESU, les collectivités territoriales comme le Conseil général en charge des
prestations liées au handicap et à la dépendance). Il est complexe parce que les titres délivrés donnent
accès à des métiers qui portent des noms différents selon les catégories de structures qui les mettent en
œuvre12 et donc selon les conventions collectives en vigueur. Il faut rappeler l’existence de plusieurs
types d’employeurs, la concurrence qui s’accroît entre le secteur associatif et le secteur privé lucratif13.
En avril 2006, est créée la Fédération des Entreprises de Services à la Personne ; c’est une association
Loi 1901, membre du MEDEF, qui rassemble l’ensemble des acteurs privés du secteur des Services à
11
. Le 12 février 2008, Valérie Létard, secrétaire d’Etat en charge de la solidarité annonce la mise en place de plans régionaux
pour les métiers au service des personnes handicapées et des personnes dépendantes. Le plan des métiers du handicap (prévu
par la loi du 11 février 2005) prend une forme qui tient compte des compétences des régions dans le domaine des formations
sanitaires et sociales et élargit son champ d’application au secteur des personnes âgées.
12
. Classifications des métiers de l’aide dans les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) : fonctionnaires territoriaux
de catégorie C (filière médico-sociale) : agent social, agent social qualifié 2ème classe, agent social 1ère classe.
13
. Pour les conventions collectives applicables dans le secteur des services à la personne, voir
mlv.fr/ecosoc/index.php?rub=eco_sociale&sousrub=conventions
http://www.univ-
17
la personne ; en octobre 2007, est signée la première étape vers une convention collective pour les
100.000 salariés des entreprises privées de services à la personne (ce chiffre résulte d’une déclaration
du patronat et est soumis à interrogation, comme nous l’avons évoqué précédemment), la délimitation
de son futur champ d’application. Les discussions entre les employeurs et quatre organisations
syndicales sont en cours, mais en attendant l’aboutissement de celles-ci, ce secteur en pleine extension
n’est couvert par aucune obligation conventionnelle améliorant la situation des salariés par rapport à la
simple application du droit du travail, ce qui crée une distorsion de concurrence entre le secteur privé
et le secteur de l’économie sociale, au détriment de celui-ci14.
Les qualifications diplômantes d’État
Ministère de l’Éducation nationale
Les formations de base de niveau 5 les plus courantes sont :
• BEP carrières sanitaires et sociales (avec une mention complémentaire aide à domicile)
• CAP petite enfance
Ministère de l’Agriculture
Les formations de base de niveau 5 les plus souvent rencontrées sont :
• BEPA option services, spécialité service aux personnes ou option économie familiale et rurale
• CAP agricole, option économie familiale et rurale ou option employé familial
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité
Les deux diplômes de référence pour l’intervention à domicile sont :
• Au niveau 5, le DEAVS, diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale. Pour la filière soins, il s’agit, au niveau 5,
du diplôme professionnel d’aide soignant, le DPAS.
• Au niveau 4, le DETISF (diplôme d’État de technicien d’intervention sociale et familiale).
En plus de ces diplômes, l’État, via le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, homologue des titres. C’est le cas
du titre Assistant de vie. Il s’agit d’un titre à finalité professionnelle, basé sur les gestes techniques. Il a été
proposé par l’AFPA et homologué en 2000 par le ministère. Ce titre est reconnu au sein de la branche de l’aide à
domicile comme étant un premier niveau de qualification (métier d’employé à domicile) ; il n’est pas équivalent
au diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (il lui est inférieur, mais les modules acquis dans le titre assistant de
vie sont pris en compte pour l’obtention du DEAVS).
Source UNA. http://www.una.fr/sommaire-formation-initiale-1580.html
Pour certains métiers, de niveau III en particulier, la professionnalisation peut se heurter à
l’autodéfense des professionnels patentés : problème de résistance à l’ouverture des métiers jusque là
protégés par un titre, le plus souvent acquis en formation initiale ; l’ouverture de ces métiers par la
VAE ou la création d’un plus grand nombre de places dans ces métiers fait peser la crainte d’une
banalisation, d’une dévalorisation source d’une perte de prestige et même d’une chute relative des
rémunérations. Tous les métiers des niveaux de formation les plus élevés (III, II et I) ne sont pas
réglementés : c’est le cas des fonctions transversales, en soi non spécifiques aux organisations des
services à la personne. Elles ont été assurées traditionnellement par des bénévoles (ceux qui avaient
créé les associations de soins et/ou d’aides)15. Elles le sont de plus par des diplômés du supérieur. Des
14
. Quatre syndicats de salariés signent l’accord de délimitation du champ. La CGT refuse d’apposer sa signature : la nouvelle
convention contribuerait, selon elle, à un émiettement conventionnel particulièrement préjudiciable pour les salariés dans un
champ d’activités déjà largement couvert par des conventions collectives, aussi bien dans le secteur lucratif que dans le
secteur associatif… La CGT souhaite la négociation d’une convention collective unique porteuse de garanties collectives
fortes pour les salariés en termes de salaires, conditions de travail, formation, reconnaissance des qualifications, perspectives
de déroulement de carrière.
15
. Cette évolution pose la question du rôle des bénévoles, amené à évoluer. Les fonctions de gestion des emplois du temps,
souvent traditionnellement assurées par des bénévoles deviennent progressivement des fonctions assurées par de
18
diplômés de la licence professionnelle dont sont responsables les deux auteurs exercent ainsi des
fonctions d’assistant dans des associations de réseaux nationaux (responsables de secteur, assistants
qualité, chargés de formation) ; les stages et les contrats en alternance ont concerné plusieurs
étudiantes des premières promotions ; les mémoires sont en ligne sur le site de la licence.
Les études menées par l’Observatoire des métiers en Région Provence Alpes Côte d’Azur (PACA)
mettent le doigt sur certains problèmes dans le sanitaire et social : relation très étroite entre la
formation initiale et le métier exercé ensuite, fixation du nombre de places de formation dans les
différents niveaux et diplômes, organisation difficile de la Validation des Acquis de l’Expérience
(VAE), tutorat des stages.
La Validation des Acquis de l’Expérience VAE a été mise en place par la loi en 2002. Elle s’est avère
particulièrement adaptée aux salariés de l’aide à domicile dont beaucoup exerçaient le métier depuis de longues
années sans aucun diplôme. De nombreuses initiatives ont vu le jour pour faire valider les acquis et ont abouti à
une proportion importante, et inattendue, de validations totales. Le DEAVS est devenu le diplôme le plus obtenu
dans le pays par la voie de la V.A.E., malgré d’importantes difficultés d’organisation, et tout particulièrement le
goulot d’étranglement que constitue la constitution des jurys. Mais la difficulté à faire prendre en compte dans le
financement des structures les nouvelles qualifications acquises a considérablement ralenti le développement
d’une démarche pourtant bien engagée.
Observatoire régional des métiers de PACA : le sanitaire et social
Les métiers de niveau V (aide-soignant, auxiliaire de puériculture, auxiliaire de vie sociale, aide médicopsychologique) occupent les volumes d’actifs les plus nombreux. 3 métiers concentrent 40 % de l’emploi :
infirmier, sage-femme, aide soignant.
Les changements de qualification sont freinés voire empêchés par une relation très étroite entre la formation
suivie et le métier exercé ensuite.
Les moyens de faire progresser les qualifications ? Faire poursuivre les études en formation initiale (davantage
de formés au niveau IV et III), ouvrir davantage de places de formation dans les niveaux IV et III, privilégier la
Validation des Acquis de l’Expérience pour délivrer les diplômes des niveaux plus élevés.
Ouvrir davantage de places en formation initiale signifie offrir davantage de places de stage dans les entreprises
d’accueil pour la formation par la pratique. Mais se pose alors un problème de tutorat ; il faut que les cadres
obtiennent les formations nécessaires pour assurer le tutorat.
Autres obstacles à la progression de la formation diplômante : des locaux de formation non fonctionnels,
obligation de moyens de transport, formations concentrées dans les grands pôles urbains.
Des problèmes comparables existent dans l’aide à domicile, comme l’indique la directrice d’une union
départementale.
Dans l’aide à domicile, il n’y a pas de métiers nettement identifiés. Toutes les intervenantes sont polyvalentes. Il
n’y a pas encore de spécialisations. Certaines sont diplômées (diplôme d’auxiliaire de vie sociale, niveau V),
d’autres non (agent à domicile, employé à domicile) ; certaines ont une spécialisation « handicap ». Il y a
beaucoup de demandes de VAE, totales ou partielles : il y a quand même un certain épuisement des demandes,
faute de niveau suffisant ou faute d’envie.
Source UNA 77. Abhervé et Dubois, déjà cité.
professionnels compétents, et les bénévoles sont sollicités pour définir des politiques, proposer des orientations, des axes de
diversification… Il n’est pas certains que ce soient les mêmes bénévoles qui soient en mesure de le faire !
19
Le défi de la professionnalisation pour les personnes éloignées de l’emploi
Dans un contexte économique et politique national, préoccupé par le nombre de chômeurs et par le
taux de chômage, l’ouverture du marché du travail des services d’aides au domicile à des personnes
éloignées de l’emploi semble être une aubaine. C’est en fait une nécessité en situation de pénurie de
main-d’œuvre (les besoins se développent plus vite que la demande d’emploi). A priori, le secteur des
services à la personne est un secteur facile d’accès pour ces personnes éloignées de l’emploi : faire le
ménage chez des particuliers semble être à la portée de tous, accéder au métier d’agent ou d’employé
à domicile semble possible. Cette analyse néglige pourtant deux facteurs essentiels dans le
développement des services d’aide à domicile : la nécessaire confiance envers celui qui va entrer dans
votre intimité et une maîtrise indispensable de compétences relationnelles que n’ont pas toujours des
personnes en insertion.
Depuis 2008, il existe de plus une opportunité politique et financière pour tenter l’entrée des exclus de
l’emploi dans les services à la personne : il s’agit du lancement à titre expérimental du RSA (Revenu
de Solidarité Active)16, qui a comme objectif d’éviter que la reprise d’emplois se traduise par une
baisse du revenu disponible. Si les expérimentations en cours semblent confirmer le bien fondé de la
démarche, il n’en demeure pas moins de nombreux problèmes à régler avant sa généralisation, le
moindre n’étant pas le financement et une nouvelle sollicitation auprès des Conseils Généraux pour un
dispositif que conçoit et pilote l’Etat dans un champ de responsabilité confié complètement depuis
2004 aux départements.
Chance pour les exclus du marché du travail et en même temps renforcement des difficultés de la
professionnalisation ? Le processus de professionnalisation demande du temps or ces personnes ont
des difficultés à inscrire leurs projets dans la durée. Les entreprises du secteur disent les difficultés du
recrutement de telles personnes : ce n’est qu’une partie de celles envoyées par les intermédiaires de
l’emploi et venues aux réunions d’information qui confirment leur souhait d’être embauchées ; une
partie des embauchées abandonne rapidement l’emploi (taux de turn-over élevé) ; une partie de celles
qui émettent des vœux de formation ne confirme pas leurs intentions, ne vient pas aux sessions de
formation dans lesquelles elles se sont inscrites, abandonne une formation commencée. Le Centre de
Ressources du Val de Marne regroupant l’ensemble des acteurs publics et privés du secteur a mis en
place un parcours permettant d’encadrer la démarche des salariés, de les infirmer au préalable sur les
réelles contraintes du métier, et donc de limiter les déperditions (Source Centre de Ressources du Val de
Marne. Abhervé et Dubois, déjà cité)
La fédération UNA 77 utilise des logiciels de formation : forma@domi et forma@dom
Ces logiciels d’autoformation sur CDRom sont d’une durée de 60 heures. Ils ont été mis au point par l’IDAP,
institut de formation. Forma@domi est le résultat d’une action menée sur l’incitation du PLIE de Melun pour les
publics éloignés de l’emploi. Il s’agit d’une sorte de phase de pré qualification, de travail sur le projet
professionnel, de validation de celui-ci, d’organisation d’une passerelle vers l’emploi. Le GRETA Sud, après une
présentation de deux heures des métiers de l’aide à domicile, a fait la formation à forma@domi en 2 groupes (en
tout 23 personnes).
La question de la professionnalisation se pose ici dans des termes spécifiques. Il s’agit de faire
acquérir, certes, des compétences professionnelles de base, mais surtout les compétences
16
. Revenu de solidarité active : http://www.premierministre.gouv.fr/information/questions_reponses_484/est_revenu_solidarite_active_56861.html
20
comportementales indispensables qui vont permettre la stabilisation dans le métier : se rendre au
travail, ne pas être absent, être à l’heure, faire ses heures, être poli et propre, obéir au particulier ou au
responsable de secteur qui prescrit le travail à faire.
Pour avoir des professionnels ou davantage de professionnels, il faut que le processus de
professionnalisation ait réussi. Toutes les enquêtes sur la formation tout au long de la vie démontrent
que ce sont les professionnels qui se forment le plus ; la formation va aux formés. A quels problèmes
se heurte donc la formation des personnes des plus bas niveaux de qualification dans la partie « aide au
domicile » des services à la personne ? Il faut que ces salariés en aient l’envie, l’opportunité et
l’intérêt. Ceux-ci n’existent a priori pas au vu de leurs caractéristiques : ce sont majoritairement des
femmes non diplômées pour qui l’école a représenté un échec, des femmes seules avec enfants en
nombre non négligeable ou des femmes relativement âgées pour qui l’objectif principal est d’obtenir
une durée du travail suffisante pour faire face aux fins de mois alors que la plupart d’entre elles sont à
temps partiel. La formation, même quand elle a lieu au moins partiellement sur le temps de travail,
exige un changement des routines, (et la moindre des routines n’est pas l’exigence du client qui n’aime
guère que les salriés qui interviennent chez lui changent), des déplacements inhabituels (car il n’est
pas toujours possible d’organiser des formations de proximité pour des raisons d’économie d’échelle).
La formation n’est pas immédiatement rentable ; elle est l’espoir d’une rémunération plus élevée à
terme mais elle n’apporte aucun gain immédiat.
La question des acteurs de la professionnalisation se pose dès lors une nouvelle fois. Cette formation
pour l’acquisition de comportements standards et de compétences professionnelles minimales est-elle
faite, doit-elle être faite par les entreprises des services à la personne ou doit-elle l’être par les
organisations de l’insertion par l’activité économique dont c’est une partie du métier et du savoir
faire ? On a là une situation de concurrence larvée entre structures de l’économie sociale : les
entreprises de l’IAE se développent en recherchant des marchés « normaux » dans les services à la
personne ; les entreprises de services à la personne développent pour les nouveaux embauchés les plus
éloignés de l’emploi un chantier d’insertion, une association intermédiaire, ou une entreprise
d’insertion. On peut certes penser à des fusions de structures IAE et de services à la personne situées
sur le même territoire ou à la mise en œuvre de partenariats non concurrentiels : il ne semble pas que
de tels fusions ou partenariats se soient déjà opérés.
Au contraire, on peut constater que des Associations Intermédiaires, créées pour faciliter l’accès à des
emplois ponctuels à des personnes éloignées de l’emploi ont du, pour s’installer durablement dans le
secteur des services au domicile, professionnaliser leurs pratiques, à travers en particulier la démarche
des « Proxim’Services » qui appliquent la convention collective du secteur, et sont de fait devenues de
nouveaux acteurs, ayant pour une part de leur activité du entrer en concurrence avec d’autres acteurs
du territoire, même si leur action a aussi contribué à accroître le marché.
L’exemple de Tremplin 2000 est intéressant non seulement parce qu’il concerne une association de 14
salariés qui fait de l’assistance informatique à domicile pour des personnes exclues habituellement de
l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (personnes âgées,
chômeurs, titulaires du RMI), mais encore parce que l’association mène des actions de formation
informatique et aide à l’insertion de publics en difficulté, en les intégrant temporairement dans des
chantiers d’insertion (Abhervé et Dubois, 2007). Il s’agit là d’une formation qualifiante, mais pas
encore diplômante. Une fois formées dans le chantier d’insertion, que peuvent devenir les
21
bénéficiaires? Réseau 2000 ne peut évidemment tous les embaucher : la structure progresserait trop
vite par rapport à son marché (5 à 6.000 parisiens bénéficient de ses assistances informatiques).
A l’issue de la formation, les bénéficiaires sont à même de proposer des prestations de bonne qualité,
mais ils se heurtent à un certain nombre de difficultés. Sous quel statut juridique proposer une
assistance informatique à domicile ? Créer son entreprise individuelle ? Comment donner confiance
aux clients alors que la formation n’est pas diplômante ? Comment d’ailleurs constituer ce réseau de
clients ? Pour éviter que les bénéficiaires, une fois formés, ne retombent dans les travers du travail au
noir (travail non déclaré), Réseau 2000 a créé une entreprise d’insertion pour ceux qui ont acquis le
minimum de compétences nécessaires grâce au chantier d’insertion : les clients - particuliers et
entreprises - paient les interventions à l’entreprise d’insertion prestataire et celle-ci rémunère ses
intervenants par des chèques emploi service universel (CESU). Tremplin 2000 se lance également
dans des formations certifiantes, reconnues sur le marché. La solution de la création d’une coopérative
d’activité et d’emploi au lieu d’une entreprise n’a pas été apparemment recherchée : les intervenants
au domicile auraient acquis dans ce cas un statut d’employeur - salarié. Mais c’est dans cette partie des
services à domicile que la concurrence est la plus vive avec les services marchands développée par de
grandes firmes comme la FNAC ou Darty
Conclusion. Relever les défis de la concurrence des entreprises privées lucratives
Jusqu’en 2005, avant la loi Borloo (plan de développement des services à la personne, création de
l’Agence Nationale des Services à la Personne, des enseignes nationales), le secteur privé lucratif n’est
présent que marginalement dans les services à la personne, mais déjà sa croissance est rapide : + 56%
de croissance en 2005, mais seulement 3% des heures facturées aux particuliers (Chol, 2007). La
donne change rapidement à partir de 2005. L’enquête du CREDOC de mars 2007 auprès d’un
échantillon d’entreprises du secteur (Pouliquen, 2007) révèle la stratégie offensive du secteur privé.
Un prestataire agréé sur trois est désormais une entreprise ; 3 prestataires privés sur 4 ont commencé
leur activité depuis moins de 3 ans ; les petites ou très petites entreprises sont très nombreuses ; seule
une entreprise sur 7 est franchisée d’un groupe national mais plus nombreuses sont les entreprises
privées référencées auprès d’une enseigne nationale. Les entreprises privées représenteraient 31% du
chiffre d’affaires et 17% de l’emploi salarié. Le privé ne s’attaque guère frontalement aux prestataires
historiques du secteur (associations et établissements publics - CCAS et services municipaux) dans
leur cœur de métier (soins et aides aux personnes dépendantes). Il prend pied, surtout dans les grands
centres urbains, dans l’entretien de la maison, les travaux ménagers, le bricolage et le jardinage, l’aide
informatique, le soutien scolaire, la collecte et l’entretien du linge, la surveillance à domicile, bref le
privé prend pied dans des niches rentables et, pour celles-ci, il fait payer davantage les clients que ne
le font les associations et les établissements publics.
Les entreprises privées lucratives ne viseraient-elles, en se développant rapidement dans les services à
la personne, qu’une rentabilité forte et immédiate du capital investi et ce au détriment de leurs salariés
alors que le secteur associatif, un des fleurons de l’économie sociale, serait le seul à prendre en compte
les besoins des salariés en termes de temps et de conditions de travail, de formation, de qualification et
de salaires ? Au vu des premières enquêtes, la réponse à la question est négative (Pouliquen, 2007). Il
y a davantage de salariés à temps complet dans les entreprises privées lucratives ; la structure des
qualifications y est plus élevée : près de 30% des salariés du privé possèdent un diplôme supérieur au
bac (environ 5% dans les associations et proportion infinitésimale dans les établissements publics).
22
Certes, cette structure des qualifications s’explique par le choix de niches de développement (aide
informatique, soutien scolaire) mais elle s’explique aussi par la création de fonctions transversales
(ressources humaines, qualité, communication, développement de projets). Les associations ont senti
le danger : alors que les entreprises privées préfèrent embaucher des personnels déjà qualifiés (évitant
ainsi la prise en charge de formations internes), les associations professionnalisent en développant de
très nombreuses formations internes.
Et enfin, nous relèverons un élément différentiant des volontés politiques, mais également fondateur
de distorsions de concurrence entre lé gré à gré et le secteur de l’économie sociale, au détriment de
celle-ci. Le secteur de l’économie sociale a décidé de consacrer 2,1% de la masse salariale à la
formation de ses salariés, soit plus que l’obligation légale. Le gré à gré prévoit, pour sa part dans la
convention collective des salariés du particulier employeur17, géré du côté employeur par la Fédération
Nationale des Particuliers Employeurs (FEPEM) d’y affecter seulement 0,15% de la masse salariale,
effort vraiment minimum dans une branche professionnelle, qui, par un curieux oubli, n’entre pas dans
le champ, pourtant très large, d’obligation légale du financement de la formation professionnelle.
La concurrence entre gré à gré, entreprises privées lucratives, associations et établissements publics
s’est donc installée… en moins de 5 années. Elle se fonde sur un marché en plein développement,
impulsé par une croissance de la demande, elle-même impulsée par les politiques publiques et les
incitations financières. La concurrence s’est installée de manière durable, même si évidemment toutes
les nouvelles petites entreprises privées ne vont pas survivre (forte mortalité des entreprises nouvelles,
et illusions crées par des campagnes d’incitation menées sans discernement). Le défi est énorme pour
les entreprises associatives. Elles doivent se structurer sur les territoires de proximité, oser prendre
position dans les services nouveaux (aides informatiques au domicile, surveillance du domicile…),
oser recourir à de nouvelles structures juridiques (accueillir de jeunes diplômés dynamiques dans des
coopératives d’activité et d’emploi18), lutter contre l’isolement qui guette ceux qui souhaitent
s’engager dans ce secteur, renforcer la qualité des services rendus aux personnes, renforcer la qualité
du travail de leurs salariés par la professionnalisation, le développement de qualifications et de salaires
plus élevés, l’organisation de trajectoires professionnelles ascendantes. Bref, les organisations de
l’économie sociale doivent démontrer que, plus que le secteur privé lucratif, et que le gré à gré, elles
mettent la personne humaine - le client et le salarié - au centre de leurs projets, de leur dynamique de
développement.
Bibliographie. Webographie
La plupart des références de cet article sont consultables en ligne sur le site de la licence professionnelle
Management des organisations de l’économie sociale (MOES)
http://www.univ-mlv.fr/ecosoc/?rub=secteurs_activites&sousrub=aide_dom
Sur ce même site, un répertoire des adresses Internet des organisations du secteur de l’aide à domicile constitué
par Cynthia Rambinaising, diplômée de la licence MOES
17
. Texte de la convention collective des salariés du particulier employeur, et de ses annexes 4 et 5 sur la formation
professionnelle consultable sur http://www.fepem.fr/fr2/version_1.1/non_securise/page_01_1_7_1.html
18
. Les coopératives d’activité et d’emploi : http://www.univ-mlv.fr/ecosoc/?rub=structures&sousrub=secteur_coop
23
http://www.univ-mlv.fr/ecosoc/secteurs_activites/aide_dom/Rambinaising_Aide_domicile.pdf
ABHERVE Michel, DEFALVARD Hervé, DUBOIS Pierre, GRUNFELD Matthieu
Innovations et expérimentations sociales. Evaluation de 13 projets franciliens
DIIESES, Préfecture de région, Rapport final, novembre 2007
Agence Nationale des Services à la Personne (ANSP)
Rapport d'activité 2006
Juin 2007
Alpes solidaires
Services à la personne : la plus-value des structures de l’ESS
Novembre 2006
AVISE
Les services à la petite enfance
Cahier n°2, octobre 2006
Axiome C et IDAP
Guide pratique de certification des services à la personne
Editions AFNOR, décembre 2006
Conseil Emploi Revenus Cohésion (CERC)
Services à la personne
Cahier n°8, février 2008
CHOL Alexandra
Les services à la personne en 2005. Poussée des entreprises privées
DARES, Premières Synthèses, n°20-1, mai 2007
CORIF
Vieillir au travail. Le cas des femmes aides à domicile
Novembre 2006
Crédit Coopératif
Coopératives de services à la personne
Novembre 2006
Conseil Economique et Social de Lorraine
Les services aux personnes à domicile : emplois et services de qualité pour une Lorraine innovante
Janvier 2007
DREES
Les bénéficiaires de l’aide sociale départementale en 2005
Août 2006
DTTEFP
Les services à la personne en Seine Saint-Denis
Janvier 2007
DUSSUET Anne, LOISEAU Dominique
Les services aux familles offerts par les associations : un modèle de service entre formel et informel
24
In DUSSUET Anne, LAUZANAS Jean-Marc
L’économie sociale entre informel et formel. Paradoxes et innovations
Presses Universitaires de Rennes, Economie et Société, 2007
POULIQUEN Erwan
Services à la personne : l’arrivée des entreprises modifie-t-elle la donne ?
DCASPL, n°26, octobre 2007
RIVARD Thierry
Les services d’aide à domicile dans le contexte de l’Allocation personnalisée d’autonomie
DREES, n°460, janvier 2006
VEROLLET Yves
Le développement des services à la personne
Conseil Economique et Social, rapport et avis, janvier 2007
25