Interview d`Abdou Amani, directeur régional de l`éducation primaire

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Interview d`Abdou Amani, directeur régional de l`éducation primaire
Education Interview février 2014
«Notre école n’est pas encore une école de qualité»
Selon le Rapport mondial sur l’Education 2013/2014, il est urgent d’améliorer la formation des
enseignants pour lutter contre l’analphabétisme et renforcer la qualité des apprentissages.
Témoignage d’Abdou Amani, directeur régional de l’éducation primaire dans la région de
Dosso, au sud-ouest du Niger, un pays prioritaire de la DDC.
L’édition 2013/14 du Rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous souligne le rôle clé des
enseignants dans l’acquisition des savoirs.
Le rapport détaille notamment la situation du Niger où près de quatre enseignants sur cinq ne
possèdent que des contrats précaires. La DDC soutient la formation et la gestion du personnel
enseignant au Niger et incite à la consolidation de leurs conditions de travail. Les défis y sont
nombreux, comme en témoigne Abdou Amani, directeur régional de l’éducation primaire dans la
région de Dosso, au sud-ouest du pays.
Légende : Abdou Amani rend régulièrement visite aux écoles primaires de Dosso. © DDC
Descriptif : Abdou Amani entouré de onze élèves dans une école primaire de Dosso
Quelles sont vos fonctions en tant que directeur régional de l’éducation primaire?
Ma mission est d’assurer l’administration, la gestion et la planification des ressources allouées à
l’éducation dans la région de Dosso. J’assure la coordination des interventions des bailleurs, dont
celles de la coopération suisse qui est un acteur majeur dans notre recherche de qualité dans les
enseignements et les apprentissages. Je supervise également les ateliers de formation des
enseignants financés par l’Etat et la DDC.
De plus, je coordonne plus de 10'000 employés afin de gérer les ressources humaines selon les
besoins, les filières et les langues d’enseignement.
Autrement dit, je joue le rôle du conseiller technique en éducation auprès du gouverneur de la région.
Je veille ainsi à l’application de la politique nationale en matière d’enseignement.
Quels sont les défis auxquels vous faites face dans le domaine de la formation des
enseignants?
Le personnel enseignant contractuel (en possession d’un contrat hors fonction publique, ndlr.)
représente environ 80% des salariés. Les enseignants abandonnent ainsi souvent leur poste à la
recherche d’autres sources de revenu. Pour aller toucher son pécule, un maître peut abandonner ses
élèves jusqu’à dix jours par mois. Tout cela désorganise complètement le système. Les élèves
«chôment» durant des semaines. Dans ces conditions, comment prôner une éducation de qualité?
Comment gagner la confiance des parents et des enfants?
Les chantiers sont innombrables, les défis à relever importants. Notre école n’est pas encore une
école de qualité. Trop d’enfants sont en situation de décrochage, trop d’enseignants insuffisamment
formés et accompagnés. La population est encore largement analphabète. Cependant, nous sommes
optimistes.
Quels sont les changements observés depuis 2011, année du début du programme d’éducation
soutenu par la DDC?
De bonnes pratiques se développent et un climat de confiance est installé. Depuis trois ans, avec
l’appui de la coopération suisse, des résultats tangibles sont enregistrés. Nous avons par exemple eu
peu de grèves et bénéficions d’un dialogue soutenu est entretenu avec les parents, les syndicats, la
société civile, les chefs traditionnels et religieux.
La Direction régionale de l’éducation primaire appuie la formation à distance des directeurs d’école, la
formation continue du personnel enseignant et bien d’autres initiatives. Nos écoles améliorent ainsi les
performances des enfants. Elles travaillent également avec les parents pour garantir l’accès et le
maintien des filles à l’école.
Quelles mesures faut-il mettre en place pour améliorer la qualité de l’enseignement?
L’enjeu majeur est d’améliorer la qualité de l’enseignement et des prestations du personnel
enseignant et de responsabiliser les communautés. A cet effet, le personnel enseignant doit
progressivement rentrer dans la fonction publique, peut-être en ayant recours à un dispositif de
validation des acquis.
Une fois l’enseignant en poste, nous devons instaurer un système d’accompagnement, de suivi et
d’évaluation régulier. L’Etat doit aussi introduire plus de rigueur et de transparence dans le respect
des contrats par les enseignants. Il faut renforcer les capacités à tous les niveaux, améliorer l’accès à
la documentation, créer un environnement de travail favorable pour les maîtres comme pour les
élèves et impliquer la communauté dans la gestion de l’école. Les coopérations suisse et
luxembourgeoise nous appuient dans nos efforts.
La qualité pour tous
Le Rapport mondial de suivi sur l’Education Pour Tous (EPT) est une publication indépendante de
l’UNESCO. Il dresse le bilan des six objectifs de l’Education pour tous fixés par la communauté
internationale d’ici à 2015. Ceux-ci visent à promouvoir la petite enfance et scolariser les enfants
les plus défavorisés, atteindre un enseignement primaire universel, assurer l’égalité des sexes,
délivrer un enseignement de qualité, valoriser l’enseignement secondaire et alphabétiser les jeunes
et les adultes.
Dans son édition de 2013/14, le Rapport mondial souligne l’urgence d’accorder de l’importance à la
qualité de l’enseignement. Actuellement, un tiers des enfants ayant fréquenté le premier cycle en
sortent en ne sachant ni lire, ni écrire, ni calculer. Pour corriger le tir, il convient donc de mieux
encadrer les enseignants, souligne le Rapport. Il définit quatre stratégies pour y parvenir:
 Sélectionner les enseignants dans un cadre approprié qui tient compte de la diversité
(linguistique, ethnique, socio-économique, etc.) des élèves;
 Garantir une formation qui apporte du soutien aux élèves les plus faibles;
 Nommer les meilleurs enseignants dans les régions les plus difficiles pour éviter les
inégalités;
 Mettre en place des mesures incitatives, tels que des salaires attractifs et de bonnes
conditions de travail, pour encourager les enseignants à rester dans la profession et pour
scolariser tous ses enfants.