La Connerie en "no limit"

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La Connerie en "no limit"
La Connerie en "no limit"
aurait empêché son retour en surface. Le
temps de la remonter, elle était décédée.
Il y a quelques jours disparaissait Audrey
Mestre, française d’une trentaine d’années,
d’une façon peu commune : elle tentait
d’établir le record du monde en apnée
catégorie no-limit en atteignant… -171
mètres !
Chiffre prodigieux, si on se rappelle qu’il y
a à peine plus de 20 ans Jacques Mayol
dépassait pour la première fois la barre
mythique des -100 m, plongée déjà
incroyable, et que le record masculin est
actuellement de -162 m…
En faisant la synthèse des articles et des
médias qui n’ont pas manqué de faire peur
aux gens en racontant n’importe quoi sur
les dangers de la plongée, on croit
comprendre qu’elle avait atteint –171 m à
l’entraînement, la veille, et que pour le
record "officiel" (filmé, avec le sponsor en
gros plan), un changement de matériel
Audrey, avait rencontré le recordman
d’apnée cubin "Pipin" il y a quelques
années, et il l’avait entraînée à l’apnée
profonde ; depuis 3 ou 4 ans, la jeune
française dominait l’apnée féminine en
repoussant les records de plus en plus
profond. A tel point qu’elle a décidé de
s’attaquer au record absolu : la plongée la
plus profonde en "no-limit", c’est à dire :
peu importe les moyens, pourvu qu’on
puisse descendre le plus bas possible… En
gros, le plongeur descend le long d’un
câble entraîné à toute allure vers les
abysses (en équilibrant ses sinus en béton à
pour ne pas se péter un tympan…), puis
une fois le fond atteint, remonte à fond la
caisse vers la surface en gonflant un
ballon, et hop, un nouveau record.
En Tandem
Avec Pipin
Mais quel record ? Depuis plus de 20 ans,
la Confédération Mondiale des Activités
Subaquatiques (CMAS), qui gère les
disciplines sportives sous-marines, a
décidé de ne plus homologuer les records
d’apnée profonde "no-limit", notamment
pour éviter des accidents mortels. Donc si
record il y a, il n’est pas reconnu, tout juste
par le commercial Guinness Book, entre la
plus grosse pizza et le zizi le plus petit du
monde. Passionnant, fini la noblesse du
Grand Bleu…
Cette course aux records a commencé dans
les années 60, lorsque quelques plongeurs
commencent à aller jusqu’à 60 mètres,
quasiment à la limite de la résistance
théorique de l’organisme. Mais dans les
années 70, notamment grâce à Jacques
Mayol et à son approche différente de
l’apnée par le Yoga et le Pranayama, les
plongeurs arrivent à tutoyer les -100 m, et
les physiologistes mettent en évidence
certains aspects du corps humain
complètement inconnus alors. En 1983,
Mayol atteint les -105 m, en 1988, Angela
Bandini passe les –107 m. Puis dans les
années 90, alors que tout le monde pense la
limite atteinte, une nouvelle génération
d’apnéiste pulvérise records sur records.
Umberto Pelizzari et Pipin, puis Loïc
Leferme descendent couramment jusqu’à –
150 m. De nouveau, la limite semble
atteinte.
Une limite en tous les cas est atteinte pour
les plongeurs qui encadrent la tentative,
disposés tous les 20 ou 30 m, et dont le
dernier reste 4 minutes au trimix à –170 m
à attendre, et qui finalement a plus de
chance d’y laisser sa santé que son copain
apnéiste. C’est notamment pour cette
raison que Pelizzari ne tente plus que très
rarement des records.
Mais quel intérêt finalement ? Lors de la
progression des records de 70 m à 150 m,
la compréhension des phénomènes
physiologiques a été considérable. On sait
maintenant qu’on peut descendre à des
profondeurs où l’organisme devrait être
complètement détruit. Est ce que 10 ou 20
m de plus vont changer quelque chose ? Il
est probable qu’un jour, pas si lointain, un
plongeur atteigne les 200 m, mais cela
n’aura qu’un intérêt limité comparé au
fantastique bon réalisé entre les années 60
et 90. Comme dans beaucoup de
disciplines, l’époque glorieuse semble
révolue… Tout ce qui reste à faire est
d’aligner les chiffres.
Enfin, comment garantir la sécurité des
apnéistes ?
Même
les
plongeurs
d’assistance ne peuvent rien. Si un
plongeur porte assistance à l’apnéiste, il
doit, pour remonter, effectuer des paliers,
et il n’aura pas assez d’air pour deux. Dans
le pire des cas, lors d’une syncope, il est
impossible d’intervenir sous l’eau.
L’apnéiste est donc seul, contrairement aux
apparences, et c’est ce qui a coûté la vie à
Audrey.
Bien sûr, il y a le côté dépassement de soi,
tangenter ses limites, aller au bout de soir
même, se taper un trip, comme rouler à
200 sur le périph, ou foncer avec un
trimaran dans les 50e hurlants en espérant
juste "que ça passe" ; c’est beau, mais si
con…
Fred.