Sur les chemins de St Jacques de Compostelle

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Sur les chemins de St Jacques de Compostelle
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Conférence de Gérard Ecorcheville-Olsson
Président de l’Association Via Sanctae Birgittae à la Maison de l’Europe et des Relations
internationales de Montpellier le 25 Janvier 2010
Personnalités présentes : Madame Sarah El Atmani, Conseillère Municipale de la ville de Montpellier
et représentant de Madame la Maire de Montpellier,
Monsieur le Consul Général d’Espagne, Josep Maria Bosch,
Monsieur le Consul de Suède, Pierre Moulin,
Monsieur le Directeur de la Maison de l’Europe de Montpellier, Gérard Rousset.
Monsieur Jean-Claude Gégot, président de la Maison de l’Europe, souffrant, est excusé.
Chers Amis,
Laissez-moi tout d’abord vous remercier de m’avoir convié à cette manifestation et vous présenter,
puisqu’il en est encore temps, mes vœux de nouvelle année pour vous, pour vos familles et pour notre
Europe dans ce lieu qui s’y prête si bien.
Ce lieu, je crois, est très approprié alors que la Présidence espagnole de l’Union Européenne fait suite
à celle de la Suède, pour évoquer les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, Jacques le majeur, le
Patron tutélaire de l’Espagne et Sainte Brigitte, la Patronne de la Suède, tous deux patrons des
pèlerins, au début d’une année dite Sainte pour les jacquets - c’est ainsi qu’on appelle les pèlerins de
Compostelle-. En effet, en 2010, la fête de la Saint-Jacques est un dimanche : on ouvrira donc
symboliquement une porte habituellement toujours fermée de la Basilique de Santiago ; en outre le
nombre de pèlerins s’accroît considérablement par rapport à une année normale.
Rappelons la genèse du pèlerinage de Saint-Jacques
En l’an 33, un certain Jésus de Nazareth parmi ses dernières paroles dit à ses Apôtres :
« Allez porter la bonne nouvelle aux extrémités de la terre... »
Au sein des Apôtres, il y avait Jacques et son frère , Jean l’Evangéliste, tous deux surnommés par
Jésus Boanergès les fils du tonnerre, tant ils étaient fougueux à répandre la nouvelle parole. Ils étaient
pêcheurs de ce lac de Tibériade dont la ville est jumelée avec Montpellier et cela donne un lien
supplémentaire à cette petite communication. Comme extrêmité de la terre Jacques choisit la Galice au
Nord-Ouest de l’Espagne où, disait-on, il y avait des communautés juives qui seraient intéressées par
une nouvelle prédication avec un nouveau Prophète, variante très profonde qui restera jusque vers l’an
150 dans le giron du judaïsme.
Comme pour le Finistère dans notre Bretagne, il existe dans cette Galice un autre raz ou cap appelé
Fisterrae, c’est-à-dire en latin la fin de la terre connue de l’époque, et Jacques, par ce voyage
évangélisateur, suivait donc parfaitement, en y arrivant, les instructions de Jésus...
Cette évangélisation de la Galice fut plus difficile que prévue et Jacques le majeur était prêt à
retourner en Palestine, découragé, quand la Vierge Marie lui apparut sur un pilier, à Saragosse
d’Aragon, le 2 janvier 39 en le consolant et en lui disant que ce qu’íl avait semé allait bientôt germer.
Mais l’Apôtre rentra en Palestine où les persécutions avaient repris de plus belle. Il fut décapité sur
ordre du Roi Hérode Agrippa Ier. Ses restes furent ramenés par ses compagnons, en barque : il y a
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toujours en terre chrétienne la symbolique de la Barque. Ce fut un voyage « mortuaire » jusqu’en
Galice où le martyr fut enterré près des lieux de sa prédication, comme il l’avait souhaité.
Pendant huit siècles, sa tombe fut oubliée et redécouverte en 831 à l’occasion du songe d’un ermite
nommé Pélage qui fut guidé par les étoiles : c’est la raison pour laquelle la future ville s’appellera du
lieu de cette découverte Compostella du latin Campo Stelae ou champ d’étoiles. Très rapidement la
nouvelle se répandit et les pèlerins affluèrent. Cette affluence fut toutefois interrompue par le pillage
de la ville par l’arabo-andalou Ibn Abî Amir-El Mansour, le victorieux en arabe, en l’an 998, qui
emporta les cloches à « dos de chrétiens » jusqu’à Cordoue, en mettant la ville et la basilique à sac,
sans toutefois toucher à la tombe de l’Apôtre, paraît-il.
La consternation fut grande parmi les Chrétiens et un Pape d’origine bourguignonne, Calixte II, décida
de relancer le pèlerinage en ce début du IXe siècle. Les papes suivants poursuivirent l’action de Calixte
II en faisant venir de nombreux ordres religieux, comme Cluny, les Templiers, les Lazaristes
protecteurs des lépreux, et même, tout au long du chemin, de nouvelles populations comme les Francs.
À noter que, mille ans plus tard, Jean-Paul II, au début de son pontificat, donna une nouvelle
impulsion, , au pèlerinage en organisant à Compostelle les premières journées mondiales de la
jeunesse ; il y avait à l’origine seulement 2000 pèlerins pédestres par an, ils sont aujourd’hui cent fois
plus. C’est en plein Montpellier que passe ce Chemin de Saint-Jacques, un des cinq sentiers
principaux, celui de la via Tolosana appelée aussi Chemin d’Arles, et l’on reconnaît au sol de la ville
ancienne les belles coquilles en joli cuivre jaune.
On peut dire qu’à partir de cette date - dès les années mille- c’est l’apogée du chemin de Compostelle
et cela pendant quatre siècles. En fait, c’est l‘Europe qui se crée et qui marche sur ces chemins-là et
par la marche, tout au moins, c’est l’idée européenne qui se forge dans la fraternité des pèlerins qui
furent plus de 50 millions : on a estimé qu’à certaines périodes du XIIIe siècle, 10 % de la population
européenne marchait vers Compostelle : c’est considérable. 10 % mouraient de maladie, attaqués par
des ours, des loups ou des brigands, ou tout simplement de fatigue. De là se répandit le terme hôpital
pour accueillir, soigner les pèlerins, dont celui du Col de Roncevaux qui servait 30000 repas par an.
Goethe a dit que l’Europe est née en pèlerinage et, à mon sens, c’est une réalité tout à fait exacte,
bien plus enthousiasmante qu’une supposée naissance de l’Europe ou de son idée dans le sang des
croisades ou le sang de la lutte contre les Ottomans. Notre poète des lumières a raison, c’est sur le
chemin de Compostelle que se rencontraient les artistes, les tailleurs de pierre, les charpentiers, les
bâtisseurs des églises romanes et ils s’échangeaient des informations, des expériences, puis bâtirent
nos cathédrales gothiques.
Maître Mateo, ce moine bourguignon, n’a-t-il pas achevé son trésor architectural par l’incroyable
escalier à vis de l’Abbatiale de Saint-Gilles du Gard en région et que l’on peut toujours visiter ?
C’était avant que cet artiste ne dirige les sculpteurs qui feront des merveilles artistiques à
Compostelle : les œuvres du tympan de la Basilique dont témoigne, pour notre joie, le sourire du
prophète Daniel, la sculpture gothique d’emblée y atteint son sommet. Plus près de nous encore, SaintGuilhem-le-Désert haut lieu du Patrimoine chrétien par lequel tous les pèlerins se devaient de passer.
Permettez-moi, à ce propos, de saluer ici la présence de Jean-Claude Richard, un des éminents
conservateurs du patrimoine de Saint-Guilhem.
Ce n’est certainement pas uniquement une idée artistique et religieuse européenne qui se bâtit par les
chemins mais aussi ses prémisses politiques avec, par exemple, sa libre circulation ce véritable visa
Schengen avant l’heure ce sauf-conduit que l’on donnait au pèlerin, le crédencial, un véritable
passeport du pèlerin que l’on faisait composter (« !!! »), ou tamponner à chaque étape si vous préférez,
et qui vous permettait de circuler à travers toute l’Europe en évitant même les péages des autoroutes
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— pardon des routes et des ponts. À l’arrivée, on vous délivrait une Compostella, un certificat de
pèlerin, très utile devant Saint Pierre, un visa en somme pour le voyage plus lointain de l’au-delà. Ces
pièces existent toujours pour le pèlerin moderne. À Montpellier, les pèlerins se rassemblaient et
recevaient le passeport crédential en l’Eglise Saint-Jacques avant la bénédiction du départ.
Si j’ai dans ma famille – ou si vous avez vous-mêmes - des Leroi, ce n’est pas que nous avons des
attaches avec la famille royale Bourbon mais probablement parce qu’un ancêtre pèlerin avait gagné le
concours final du pèlerinage sur la butte -le Mont de la Joie, le Monte Gozo- à l’entrée de Compostelle
où il fallait être le premier tout en haut. Ainsi, il devenait le roi du pèlerinage et gardait le nom Leroi ;
il retournait chez lui avec comme preuve de son pèlerinage la coquille Saint-Jacques ramassée sur les
plages de Galice. Aujourd’hui, peut-être, hélas, on fait le contraire en s’accrochant à la ceinture, au
départ, parfois des coquilles de chez Picard !
Revenons à la Suède, notre Birgitta Birgittsdotter, la Brigitte Sainte, était issue d’une famille noble
du Nord-Est de Stockholm d’une région appelée Roslagen celle des Vikings qui fondèrent Novgorod
puis la Russie Kievienne, c’étaient des varègues, plutôt que des Vikings, Varègues vient du norrois
(langue scandinave de l’époque), vara marchandise les désignant comme des commerçants, ce qu’ils
furent avant de devenir guerriers parce que c’était plus rentable et facile, pragmatisme nordique oblige.
La violence plutôt que la palabre, que l’on n’aime toujours pas dans le nord et la violence évidemment
plus du tout maintenant, la Suède n’a fait de guerre à personne depuis deux cents ans.
Roslagen veut dire loi de la rame et pourrait avoir donné Rus puis Russie. Le mot viking vient du
latin comptoir ou vikus ce qui signifie aussi que les Vikings étaient commerçants de luxe en fourrure,
en ambre par exemple, des Bernard Arnault de l’époque, avec le sérieux de la marque Fjord plutôt
que Dior en somme, avec des produits légers et chers car leurs bateaux étaient petits mais leur tirant
d’eau faible leur permettait de remonter les rivières. Du reste, ils n’ont jamais appelé leurs navires
drakkar, terme venu de la littérature du XIXe mais plutôt skute; ils n’ont jamais eu des casques à
cornes et ils sont devenus violents « seulement » si l’on peut dire 150 ans environ, de l’an 800 à 950
environ. Mais, comme ils étaient peu nombreux, ils ne livraient jamais de batailles frontales, ils
pratiquaient le raid, la razzia.
La Scandinavie fut évangélisée tardivement par un moine bénédictin français de la Somme, plus
précisément de Corbie, du nom d’Anchaire. Il fut évêque de Brême, puis de Hambourg et appelé par
un roi danois pour évangéliser. C’est maintenant le Saint Patron du Danemark, on le connaît sous le
nom d’Ansgar. Pas un Suédois, pratiquement, ne sait qu’íl vient de chez nous.
La famille de la future Sainte Brigitte était très pieuse et avait parcouru depuis quatre générations les
chemins de Compostelle. Elle naît en 1303; à 10 ans, elle aura déjà des apparitions de la Vierge qui la
couronne ; puis à 12-13 ans c’est le mariage arrangé mais qui se transforme en mariage d’amour avec
Ulf Guldmarsson, un noble qui devient sénéchal, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
Huit exactement.
La région d’origine d’Ulf, son mari, était celle des Wisigoths ou Västergötaland en suédois, le saviezvous ? Vous les Languedociens ainsi que nos voisins ibériques, Monsieur le Consul d’Espagne, ont
des origines suédoises puisque les Wisigoths qui sont venus ici et en Espagne sont des Suédois et des
Danois, probablement des goths sages selon la racine norroise de wisi = en français sage, plutôt que
des goths de l’Ouest comme on l’a dit. Cette peuplade était partie de Scandinavie vers le IV e siècle
pour errer vers la Roumanie actuelle, et, par une alliance militaire, elle a protégé des autres barbares,
les frontières de l’Empire Romain, puis déçue des promesses non-tenues, elle ont saccagé Rome. Ces
Wisigoths avaient fondé un immense royaume ici, à son apogée étendu de Nice à Gibraltar et au Nord
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jusque vers Poitiers. Votre Archevêque Monseigneur Guy Thomazeau m’apprend dans une lettre
qu’il a des origines scandinaves mais plus récentes sans doute que les Wisigoths
Leurs capitales furent Toulouse puis Tolède avec une résidence des rois à Narbonne. Ils furent
chrétiens mais des adeptes de la théologie d’Arius qui consiste notamment à affirmer que Dieu est
supérieur au Dieu Fils, cette relative dissidence justifia l’attaque de notre Clovis, roi franc,
fraîchement converti à une forme plus conforme de la religion et qui réduisit substantiellement par sa
victoire à Vouillé, en Poitou, le royaume wisigoth.
L’heureuse histoire de Brigitte et d’Ulf aurait pu s’arrêter à leur bonheur marital s’ils n’avaient pas eu
une très profonde charité et foi chrétiennes ; leur maison était ouverte aux pauvres, aux malades, et
plus tard à Rome, Brigitte aidera les femmes perdues à se réinsérer.
À l’arrivée à la Cour de Suède de la petite-nièce de Saint-Louis, Blanche de Dampierre, en Belgique, on peut dire Blanche de Namur, c’est la même personne - le Roi de Suède et de Norvège, Magnus
Ericson demandera à Brigitte de devenir Première Dame de Cour pour enseigner à la future jeune
Reine Blanche les us et coutumes suédoises. Cette cour de Suède déplaisait à Brigitte et le couple qui
aura perdu un enfant fera à cette occasion un premier pèlerinage aux reliques du Roi Saint Olaf- un
Roi norvégien tué par un païen - , à Nidaros - l’actuelle Trondheim - très grand et difficile pèlerinage
scandinave presque au cercle polaire. Ainsi, ils quittèrent les ors de la Cour mais surtout ses mœurs
dépravées.
Avant de partir en 1341 vers Compostelle, Sainte Brigitte songeait déjà à fonder un ordre religieux car
aucun ordre n’était d’origine suédoise et elle voulait rendre grâce au Seigneur qui lui parlait déjà
directement par des Révélations...
Leur pèlerinage compostellan durera presque deux ans. Sur le continent, ils vinrent à Cologne ce haut
lieu où il y avait la châsse des rois Mages (subtilisée à Milan) très vénérée dans cette ville-sanctuaire
oú il y avait même un hôpital de pèlerins suédois et plus tard une église Sainte Brigitte. Riche en effet,
Brigitte distribuait aux pauvres de l’argent. Sa popularité était telle qu’on éleva des monuments à sa
gloire lorsqu’elle fut canonisée, 17 ans seulement après sa mort.
Le couple détourna son chemin logique pour Compostelle vers la Provence pour venir honorer les
reliques des Saints de Béthanie, ces compagnons du Christ qui avaient fui la Palestine pour débarquer
et évangéliser la Provence vers l’an 40, Sainte Marthe à Tarascon, Sainte Marie-Madeleine, à SaintMaximin et à la grotte de la Sainte-Baume. A signaler que jusqu’au Concile de la contre-Réforme,
Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée était aussi appelée l’Apôtre des Apôtres. Ensuite, ils
passèrent à Marseille où l’on vénérait les reliques de Saint-Lazare à la crypte de Saint-Victor et à la
cathédrale de la Major ; c’était le vrai Lazare, le ressuscité, premier évêque de Marseille puis assassiné
par les Romains place de Lenche dans la ville phocéenne.
En Provence, il y a au moins vingt chapelles, oratoires, monuments dédiés à Sainte Brigitte. A
Vidauban, outre les rues et chemins Sainte Brigitte, il y a la Colline Sainte Brigitte avec sa Chapelle,
la Cuvée Sainte Brigitte. Si vous en buvez trop allez à la pharmacie Sainte Brigitte et pour ne pas
reprendre la route dans cet état dormez à l’hôtel Sainte Brigitte ! Tout cela est absolument normal,
c’est la Patronne de la ville fêtée par des processions avec leurs bravades à coup de fusils pour faire
comme on dit du bruit pour Sainte Brigitte - ce qui sidère nos amis suédois - et aussi par des
représentations théâtrales....
Ensuite, après le pèlerinage en Arles par les Alyscamps pour vénérer Saint Trophime à sa cathédrale,
nos pèlerins scandinaves obliquèrent par la Camargue vers Aigues-Mortes, ville de Saint Louis dont
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des reliques étaient conservées à Stockholm. Pour commémorer ce passage, une rue Via Sanctae
Birgittae en latin, s’il vous plaît, a même été créée dans votre région Languedoc avec une nouvelle
chapelle Sainte Brigitte, sa statue venue de Suède, action positive dont quelques acteurs sont présents
ici dans la salle, Monica Benoit suédoise et Présidente des Amis de Sainte Brigitte et son mari le
Camarguais de toujours, Jean Benoît et conseiller municipal de ce gros village charmant de Saint Jean
Laurent d’Aigouze où les arènes jouxtent la nouvelle chapelle... Il y a aussi présente ici mon amie
Gunvor Houlez fondatrice de l’Association viking Scand’oc pour nous rappeler que beaucoup de
Scandinaves vivent ici chez vous.
Tout près de Montpellier et à côté de Saint-Guilhem-le-Désert, il y a, pratiquement sur le chemin de
Compostelle, à Saint-André-de-Sangonis, au Hameau de Sainte-Brigitte, une chapelle dédiée à la
Sainte du Nord où Monsieur le consul de Suède est venu plusieurs fois. Brigitte y est certainement
passée en 1341 et y aurait distribué des largesses. Il y a même des reliques parfaitement authentiques.
Chaque année, pour la fête de la Sainte, il y a une messe suivie d’un banquet de partage, l’année
dernière de 200 personnes. Nous avons une délégation importante de ce Hameau présente ici, dont
Marie Thé Gallibert, gardienne en chef du lieu avec son amie Rosette, outre le plaisir de les avoir ici
avec nous, il est à signaler que ce patrimoine est en danger et qu’une pétition circule pour sa
sauvegarde. Elle recueille plus de 1.000 signatures dont celle de notre PPDA national, pèlerin cette
fois, randonneur comme chaque année sur le chemin de St Jacques, ainsi que la députée suédoise,
Walburga Habsburg-Douglas, petite-fille du dernier Empereur d’Autriche, et surtout ancienne
secrétaire générale du mouvement Pan-Européen qui, à ce titre, fut l’heureux artisan, en août 1989, de
l’ouverture du Rideau de Fer par le fameux pique-nique de la frontière austro-hongroise. Le
Chancelier Kohl souligne toujours l’importance cruciale de cette action pour la chute du mur de Berlin
qui suivit à l’automne 1989. Des associations de pèlerins du monde entier se sont aussi joints à cette
initiative pétitionnaire pour la chapelle de la Patronne des Pèlerins qui pourrait devenir un petit
sanctuaire au milieu des vignes du Seigneur bien sûr ; il y a même une Association d’Argentine,
signataire que nous attendons fermement cette année, ici.
La Sainte qui marchait en cohorte par de très longues étapes jour et nuit - de 50 à 60 km - comme les
pèlerins du Moyen-Âge guidés par les étoiles, ce qui fait appeler ce chemin le chemin des étoiles,
probablement avec plus de 100 personnes dont des soldats à cause des brigands et des loups, est
arrivée par Toulouse, le Col du Somport, l’Aragon, la Navarre, la Rioja, la Castille, le Bierzo, en
Galice à Saint-Jacques de Compostelle où elle fut introduite au tombeau de l’Apôtre par des moinessoldats ; on n’est sûr que d’une chose, ce fut très important pour elle.
Au retour, on pense qu’elle rejoignit la Loire, il y a une grande chapelle près de Vézelay qui lui est
dédiée ; elle visita probablement toutes les grandes abbayes de la région et s’intéressa à la plupart des
ordres religieux pour ensuite créer le sien dont une Abbesse sera la supérieure sur les moines et les
moniales, un certain féminisme suédois oblige. À cet effet, signalons que Brigitte fut un temps l’icône
des suffragettes suédoises qui obtinrent le droit de vote au début du XX e siècle, bien avant nos femmes
de France.
À Arras, son mari tomba malade et fit vœu de devenir moine s’il était guéri ce qui se passa ; il devint
donc moine dans l’ordre cistercien d’une Abbaye fondée par des moines français, l’Abbaye
d’Alvastra, mais il mourut rapidement.
Brigitte devait absolument faire approuver son ordre religieux et elle partit donc pour Rome car elle ne
voulait pas, par principe, aller voir le Pape en Avignon, et comme elle avait essayé de faire cesser la
Guerre de Cent Ans, elle ne cessa de Rome, avec Catherine de Sienne, de faire pression pour le retour
des Papes sur le siège de Saint-Pierre. Elle vécut dans la pauvreté dans la ville éternelle en distribuant
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ses richesses avec les Pauvres Dames Clarisses comme on appelait cet ordre franciscain. Elle fit tous
les pèlerinages existant en Italie et alla aussi en Terre Sainte. Au retour de Jérusalem, affaiblie, elle fut
rappelée, à 70 ans, à Dieu un 23 juillet 1373, à seulement deux jours de la Saint Jacques. Son ordre fut
approuvé enfin, le Pape rentra à Rome, sa fille Catherine ramena les reliques principales de sa mère à
Vadstena en Suède où fut érigée une abbaye dont la très grande église, selon le vœu de Brigitte, fut
bâtie selon les dimensions du Temple de Salomon telles que citées par la Bible. Vadstena, au centre de
la Suède, est le principal lieu saint en Scandinavie et son grand centre de pèlerinage. Le Pape JeanPaul II s’y est rendu avant de proclamer Brigitte Co-patronne de l’Europe en 1999. Outre la grande
influence de la Sainte sur les arts comme par exemple sur l’inspiration du fabuleux retable
d’Issenheim de Mathias Grünewald à Colmar, et sur la pensée mystique par ses Révélations Célestes
- le grand best-seller du début de l’imprimerie dès 1480 -, indirectement, au moins, elle a contribué à
faire tomber le soviétisme puisque la paroisse de Sainte Brigitte de Gdansk était celle des ouvriers très
croyants de Solidarnosc et du Chantier Lénine qui puisaient certainement leur force dans cette église
avec son curé, confesseur de Lech Walesa , Ces ouvriers vinrent en Suède en salopette de travail pour
rendre hommage à cette sybille du Nord avec leur illustre compatriote Karol Wojtila.
Le Chemin de Sainte Brigitte - la Via Sanctae Birgittae -, le plus long chemin de Compostelle, est un
projet que nous portons et qui inclut sept pays européens et qui consiste à réhabiliter le chemin de
Saint-Jacques de Sainte Brigitte. Chacun pourra le pérégriner par petits bouts bien sûr - car il est long
de 4200 km représentant six mois de marche - et ainsi découvrir une grande variété d’Europe
différentes. Il est déjà balisé en Camargue près d’Aigues-Mortes. Le projet inclut à terme des actions
de participation au pèlerinage de personnes handicapées physiques ou mentales et des actions
d’insertion notamment en faveur de primo-délinquants qui, comme cela se fait en Belgique, auront à
effectuer une marche en substitution à leur peine avant d’apprendre un métier dans le domaine de la
restauration de monuments anciens, enseignés par des compagnons du devoir, ces descendants des
bâtisseurs de cathédrales.
Nous pensons que la marche, le pèlerinage, déjà découverte par les anciens Grecs comme thérapie, est
peut-être encore plus indispensable aujourd’hui, pour répondre au stress du monde moderne. C’est
aussi une invite culturelle, qui ne peut que nous enrichir, à explorer nos racines. Pour ceux qui le
désirent très nombreux bien sûr, c’est une affaire très spirituelle.
Cette aventure de la Via Sanctae Birgittae, chemin de Compostelle s’il en est, commence ici en
Languedoc, entre la Suède et l’extrême Nord-Ouest de la Galice espagnole, et nous pensons qu’elle
sera peut-être un petit apport à notre Europe que nous voulons généreuse et universelle comme
l’étaient l’Apôtre Jacques et Sainte Brigitte.
Merci pour votre attention.
A Montpellier, le 25 Janvier 2010, Maison des Relations Internationales (Maison de l’Europe) et en
présence des autorités consulaires suédoise et espagnole
Gérard Ecorcheville-Olsson
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