Essais d`utilisation de parasitoïdes pour lutter contre les pucerons

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Essais d`utilisation de parasitoïdes pour lutter contre les pucerons
Protection des cultures
Essais d'utilisation de parasitoïdes
pour lutter contre les pucerons en culture de fraises
par Nicolas de Menten – Viridaxis sa
Créée en 2004, Viridaxis est une spin-off de l'UCL installée à Gilly
depuis 2005. C'est une société spécialisée dans la production en
masse de parasitoïdes de pucerons. Elle produit plusieurs
espèces de parasitoïdes déjà commercialisées (Aphidius colemani
depuis 2005 et Aphidius ervi depuis 2008) et, depuis peu, est en
mesure de produire d'autres espèces indigènes qui ne sont pas
encore commercialisées. Les produits de Viridaxis sont réputés
sur le marché pour leur qualité et leur grande homogénéité. La
société ne vend pas elle-même ses produits mais on peut se les
procurer via différents distributeurs.
L'objectif est de mettre au point un mélange de différentes
espèces de parasitoïdes capables de contrôler toutes les
espèces de pucerons susceptibles de s'attaquer au fraisier
(plus d'une quinzaine). En effet, les parasitoïdes sont des
auxiliaires très sélectifs qui n'attaquent chacun qu'un nombre
réduit d'espèces de pucerons. Utiliser le bon parasitoïde
demanderait une identification précise de l'espèce de
puceron présente, ce qui est assez laborieux et demande
généralement l'aide d'un spécialiste. Un cocktail de
parasitoïdes présente l'avantage de contrôler tous les
pucerons, quels qu'ils soient, sans identification préalable.
Introduction
L'avantage des parasitoïdes sur les prédateurs (coccinelles,
punaises, chrysopes…) est leur action à plus long terme et
leur capacité de détection très élevée. Les parasitoïdes sont
capables de détecter de très petites colonies de pucerons,
voire des pucerons isolés venant à peine d'entrer dans la
serre. Les prédateurs, quant à eux, sont plus efficaces quand
des foyers déjà relativement importants de pucerons sont
présents. Dès que les populations sont considérées comme
trop basses, les prédateurs ont tendance à se déplacer et à
quitter la serre.
Les parasitoïdes sont des microhyménoptères, des petites
guêpes noires avec de longues antennes ; leur taille moyenne
est de 2 à 3 mm. La femelle parasitoïde pond ses œufs dans le
puceron (photos 1 et 2). L’œuf éclot et la larve se développe à
l’intérieur du puceron en le mangeant de l’intérieur en
commençant par les parties non vitales. Dix jours après le
début du parasitisme, la larve fixe le puceron sur la feuille et
tisse un cocon dans le puceron (ou sous le puceron, en
fonction de l'espèce de parasitoïde). On parle alors d’une
momie (photos 3 et 4). Le parasitoïde adulte quitte la momie
par un trou rond une semaine plus tard. Il part à la recherche
d’autres pucerons à attaquer.
Dans une culture sous serre, les auxiliaires ont tendance à
arriver trop tard par rapport au développement des
ravageurs. Ce retard s'explique par le fait que les pucerons,
soit sont déjà sur la plante au moment de la plantation mais
ne sont pas observés (très petites colonies, sous forme
d'œufs…), soit y arrivent peu de temps après ou y entrent
très tôt après la montée des tunnels. Les ravageurs se
retrouvent donc en milieu protégé et dans des conditions
climatiques idéales leur permettant un développement très
rapide. Les auxiliaires, quant à eux, sont très rarement
présents sur les plants des pépiniéristes au moment de la
plantation, les conditions extérieures ne leur sont pas
favorables et, généralement, ils sont déjà en train de
s'installer dans des coins bien protégés pour passer l'hiver.
Au début du printemps, ils se mettent en mouvement environ
un mois après la montée des tunnels, soit plus ou moins un
mois après l'installation des pucerons…
Depuis 2007, l'équipe de Viridaxis travaille à la mise en œuvre
d'un cocktail unique pour lutter contre les pucerons du
fraisier (photo 5).
Revue de la Fédération Wallonne Horticole – n°59 – Janvier-Février 2010
Protection des cultures
Imaginons que 10 pucerons soient présents dans une serre de
500 m2 et qu'ils se multiplient durant un mois, dans les
meilleures conditions, avant l'entrée du premier parasitoïde.
Quand celui-ci rentrera dans la serre, il sera face à environ
300.000 pucerons en pleine forme et pondant 2 larves par
jour. Il aura beau être très efficace et pondre 100 œufs par
jour, il n'arrivera pas au bout de l'attaque. Dans la réalité, si
les pucerons s'installent, un traitement est nécessaire. Deux à
trois semaines plus tard, les pucerons sont plus ou moins
éliminés, le parasitoïde "naturel" arrive et, soit ne trouve plus
rien et continue son chemin, soit s'empoisonne avec les
résidus du traitement, soit parasite des pucerons vivants mais
affaiblis par le traitement. Dans ce dernier cas, le puceron
meurt mais la descendance du parasitoïde également. Aucun
contrôle ne se met en place et un autre traitement est
nécessaire quelques semaines plus tard suite à un autre vol
de pucerons… On arrive dans un cercle vicieux de
traitements répétés, d'apparitions de résistance, d'utilisations
de plus en plus répétées de produits à des doses toujours
plus élevées, de pollutions des sols et de la production, de
dépenses de plus en plus élevées pour des rendements de
plus en plus faibles, etc.
L'introduction de parasitoïdes, s'ils sont placés au bon
moment, permet un équilibre entre ravageurs et auxiliaires.
Cet équilibre se met en place dès l'apparition des premiers
pucerons. Ceux-ci se font généralement parasiter mais ont le
temps de pondre quelques larves. La descendance des
parasitoïdes parasite ces larves et, petit à petit, un équilibre
s'installe entre pucerons et parasitoïdes. Il y aura en
permanence des pucerons présents sur les plantes mais
toujours en quantité trop réduite pour causer des dégâts. De
plus, l'absence de pesticides facilitera l'installation d'autres
auxiliaires (prédateurs, butineurs, etc.). Par contre, d'autres
ravageurs peuvent également s'installer et se développer
hors de tout contrôle si les conditions leur sont favorables.
Travailler de cette façon exige d'être bien attentif à ce qui se
passe dans la serre, de bien suivre les évolutions des
différentes espèces présentes (auxiliaires et ravageurs) et de
travailler avec des produits compatibles (soit d'autres
auxiliaires, soit des phytosanitaires sélectifs) afin de ne pas
rompre l'équilibre.
Les essais réalisés en 2009
Des essais réalisés en 2007 et 2008 ont montré des résultats
encourageants. C'est pourquoi, pour la saison 2009, nous
avons contacté le Groupement des Fraisiéristes Wallons et
mis en place des essais chez 16 producteurs disséminés à
travers toute la Wallonie, pour un total de 40 serres.
Le cocktail de parasitoïdes a été introduit très tôt (dès la
reprise des plants, fin février-début mars). Différents
prototypes de points de lâcher ont été utilisés (photos 6 à 8)
et différentes fréquences et densités de lâchers ont été
testées.
Dans 25% des cas, aucun puceron n'a été localisé, ni dans les
serres où nous étions, ni dans les autres serres de
l'exploitation (les témoins). Nous n'avons évidemment pas
tenu compte de ces serres dans l'exploitation des résultats.
Par contre, dans 75% des cas, des pucerons ont été localisés
soit dans les serres où nous étions, soit dans d'autres serres
de l'exploitation.
Les essais ont été réalisés sur différents types de culture
(tunnels traditionnels à 2, 3, 4 et 5 lignes, hors sol, avec ou
sans couverture d'Agryl…) et avec différentes variétés de
fraises (Darselect, Elsanta, Lambada, Candiss, Ciflorette,
Charlotte, Darselect Bright et Manille).
Parmi les conditions qui nous ont permis d'obtenir de bons
résultats, on peut citer :
- la précocité de l'introduction
- l'apport de nourriture (miel) aux parasitoïdes jusqu'à
l'apparition des fleurs
- l'ajustement des fréquences et des doses de lâcher
- les points de lâcher répartis de manière homogène
- le suivi permanent de l'essai afin de pouvoir réagir
immédiatement en cas de perte de contrôle.
Les principales observations réalisées tout au long de l'essai
nous ont permis d'ajuster le produit (principalement en
termes de facilité d'emploi, de doses, de fréquences de
lâcher, de nombre de points de lâcher, …) pour en faire une
alternative fiable aux produits phytosanitaires classiques. De
plus, nous avons pu observer les qualités de nos parasitoïdes
sur le terrain (très longue durée de vie, émergence étalée
assurant des envols quasi journaliers d'individus frais,
dispersion aisée dans toute la serre, passage dans les serres
voisines et sur les plants à l'extérieur également).
Revue de la Fédération Wallonne Horticole – n°59 – Janvier-Février 2010
Protection des cultures
Résultats
Les résultats obtenus sont très encourageants et montrent
l'efficacité du cocktail. Dans toutes les serres dans lesquelles
des pucerons ont été observés, des momies ont été repérées
très rapidement et fréquemment. Les parasitoïdes ont assuré
un contrôle permanent et suffisant jusqu'à la fin de la culture.
Aucun dégât causé par les pucerons n'a été observé et aucun
traitement de substitution ou complémentaire n'a dû être
effectué dans les serres où se déroulaient les essais. Plusieurs
serres témoins (sans parasitoïde) ont dû être traitées pour
éviter la prolifération des pucerons. Les photos 9 à 14
illustrent les observations faites sur le terrain.
Les parasitoïdes se sont installés dans toutes les serres,
assurant un contrôle continu des pucerons présents. De
nombreuses momies ont pu être observées et ce, même dans
des serres où les pucerons n'ont pas été observés. Ces
momies sont bien souvent les premiers pucerons qui sont
entrés dans les serres mais qui n'ont pas su établir de
colonies, les parasitoïdes ayant bien joué leur rôle de
prévention. A divers endroits, des traces de foyers ont pu être
observés (feuilles ou tiges légèrement collantes, mues de
pucerons…) mais pas de colonies de pucerons observables
(les parasitoïdes tuent un certain nombre de pucerons
également lors de la ponte).
Certaines des espèces de pucerons les plus couramment
présentes sont d'excellents réservoirs de population pour les
parasitoïdes et d'autres espèces d'auxiliaires se sont installés
dans les serres traitées (photos 15 à 17).
Conclusions
Les tests réalisés démontrent plusieurs choses :
• le cocktail de parasitoïdes est un produit efficace pour la
lutte contre les pucerons
• tous les fraisiéristes ayant participé aux essais ont été
enthousiasmés par la facilité d'usage et l'efficacité du produit
• les moyens de lutte alternatifs constituent une solution efficace
face à l'interdiction de certains produits phytosanitaires ou de
l'apparition de résistances chez les ravageurs
• les méthodes biologiques permettent aux producteurs de
protéger leurs cultures tout en répondant aux
préoccupations environnementales des consommateurs et
des autorités publiques
• il reste à établir une liste des produits compatibles afin de
l'intégrer à un schéma de protection annuel.
La commercialisation du cocktail de parasitoïdes, dénommé
FresaProtect, débutera en février 2010. Pour tout complément
d'information, vous pouvez contacter le GFW (081/62 73 79)
ou Viridaxis directement (Nicolas de Menten - 0474/97 80 39 –
Email : [email protected]).
Revue de la Fédération Wallonne Horticole – n°59 – Janvier-Février 2010

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