Analyse critique des régimes riches en protéines

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Analyse critique des régimes riches en protéines
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Dossier thématique
Les régimes
Analyse critique des régimes riches
en protéines pour le traitement de l’obésité
Critical analysis of high-protein diets for obesity management
O. Ziegler, A. Chèvremont,
P. Corbonnois, P. Böhme,
T. Langard, D. Quilliot
Service de diabétologie, maladies métaboliques
et nutrition, CHU de Nancy-Brabois,
Vandœuvre-les-Nancy.
Résumé
La composition optimale d’un régime hypocalorique est débattue. Les régimes riches
en protéines et modérément hypoglucidiques et hypolipidiques suscitent un intérêt
croissant. Proposés ad libitum, ils paraissent efficaces à court terme. Ces bons résultats sont attribués aux effets des protéines sur la satiété. Cependant, dans les études
à long terme (1-2 ans), la proportion des macronutriments de l’alimentation est d’une
importance mineure, la perte de poids n’étant que partiellement maintenue au-delà
de 6 mois ou 1 an. En situation de restriction énergétique, l’apport protéique influence
modestement la perte de poids et la stabilisation pondérale, car les protéines ont des
effets favorables sur la satiété, mais également sur la thermogenèse et la composition corporelle (réduction de la masse grasse et préservation de la masse maigre). La
prévention de la reprise de poids est cruciale. Le respect des prescriptions diététiques
et d’autres consignes (pour augmenter l’activité physique par exemple) est considéré
comme très important pour le succès du traitement de toute maladie chronique. Or,
l’observance chute dans les premiers mois dans les essais thérapeutiques. Pour faire
face à ce problème, le traitement diététique devrait être adapté à chaque patient,
en fonction de ses préférences personnelles et de son contexte socio-culturel. Une
petite augmentation de la teneur en protéines et une réduction modeste de l’index
glycémique et de l’apport lipidique semblent favorables pour l’observance des patients
et la stabilisation pondérale, en particulier dans le cas d’une perte de poids initiale
importante. Afin de favoriser le maintien du poids en plateau, il est essentiel de prévenir
la perte de masse maigre et la réduction du métabolisme par unité de masse maigre
(adaptation). Il faut alors considérer l’apport de protéines en valeur absolue, et non
la proportion de protéines dans le régime. Exprimée en grammes par jour, la teneur
en protéines doit être normale. L’activité physique est le deuxième facteur clé pour
le maintien du poids. Enfin, l’éducation thérapeutique du patient pourrait améliorer
les résultats du traitement, y compris la qualité de vie, en raison de son impact possible sur l’observance et la relation soignant-soigné. La prise en charge de l’obésité
implique une approche personnalisée, qui tienne compte des besoins des patients
et de leurs attentes.
Mots-clés : Obésité – protéines alimentaires – perte de poids – maintien
de la perte de poids – observance.
Correspondance :
Olivier Ziegler
Service de diabétologie, maladies métaboliques
et nutrition
CHRU de Nancy
Hôpital Brabois Adultes
Rue du Morvan
54500 Vandœuvre-Lès-Nancy
[email protected]
© 2013 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.
Summary
The importance of the composition of a diet for obesity management is debated. There
is increasing interest in the efficacy of diets that have a high protein content with a
moderate carbohydrate and fat content. Ad libitum consumption of a low-carbohydrate,
high-protein diet, results in short-term weight loss. However, in long-term studies
(1-2 years), the specific macronutrient content is of minor importance, the weight loss
is generally not sustained beyond 6 months or 1 year. Greater weight loss with lowcarbohydrate high-protein diets under conditions of ad libitum diet as compared with
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
isoenergetic diets may be ascribed to the satiating effects of high protein content.
When energy is reduced, protein influences modestly body weight loss and weight
maintenance via its effects on satiety, thermogenesis and body composition (reduction
of fat mass and preservation of lean mass). The prevention of weight regain is crucial.
Adherence to dietary prescriptions and other behavioral prescriptions (e.g. instructions
to increase physical activity) is considered to be very important for successful medical
management of any chronic disease states. Substantially diminished adherence after the
first few months is typical in weight-loss trials. So diets have to be tailored to individual
patients on the basis of their personal and cultural preferences. A modest increase in
protein content, a modest reduction in the glycemic index and in fat, have been shown
to improve study completion and maintenance of weight loss, especially in patients who
have a good initial weight loss. As far as weight maintenance is concerned, it is critical
to prevent the decline in the size of lean mass and a lowering of the rate of metabolism
per mass unit of tissues and organs (i.e. adaptation). Absolute protein intake seems to
be more important than is the proportion of proteins in the diet. Expressed in grams/
day the protein content should be normal. Sustained physical activity is a second key
factor for weight maintenance. Finally, therapeutic patient education could improve
health outcomes, including quality of life, due to its possible impact on patient adherence and the patient-physician relationship. Obesity management needs to develop
individualized approach that is sensitive to patient’s needs and hopes.
Key-words: Obesity – dietary protein – weight loss – weight maintenance –
adherence.
Introduction
Qui ose encore parler de régimes
de l’obésité, tant leur réputation est
médiocre, à tort parfois, à raison le plus
souvent ? Les gourous du Net ont porté
les coups les plus sévères à la « nutrition
académique », car leur visibilité dans le
paysage nutritionnel français est le fait
d’un puissant marketing, les réseaux
sociaux ayant remplacé le bouche à
oreille d’antan. Nous voulons décrire
ici la place des protéines dans la diététique thérapeutique, sans défendre outre
mesure les régimes hyperprotéiques
(ou hyperprotéinés), qui ne sont qu’un
élément, parmi d’autres, de la prise en
charge d’un patient, laquelle est encore
sujette à débat. Il nous a donc semblé
opportun de rappeler quelques notions
physiologiques de base sur lesquelles
le raisonnement doit inévitablement
s’appuyer.
L’éducation thérapeutique est devenue le mot clé, il faut donc profiter de
cette inflexion de la médecine vers les
sciences humaines. Abandonnons,
enfin, les tristes mesures « hygiéno-diététiques », au profit des « modifications
thérapeutiques du mode de vie »
(MTMV), conçues et décrites initialement
pour les programmes de prévention du
diabète de type 2. Le concept pourrait se
décliner à la française dans le cadre des
réseaux de proximité, sous la houlette du
médecin traitant.
Nous nous appuierons sur des études
d’excellente qualité récemment publiées.
Trois critères permettent une interprétation sereine des résultats :
− une durée de suivi d’au moins un an ;
− l’évaluation de l’observance par des
marqueurs biologiques ;
− le nombre limité de sorties d’étude
(80 % au moins de completers).
L’extrapolation des résultats expérimentaux à la vraie vie reste cependant une
étape délicate : la faisabilité de telle ou
telle pratique, ou procédure, reste souvent à démontrer dans le système de
santé français.
L’enjeu majeur est la stabilisation pondérale après amaigrissement. Nous
verrons que l’activité physique et les
protéines alimentaires, comme d’autres
nutriments, peuvent avoir un impact
intéressant sur les trois conditions du
maintien de la perte de poids [1, 2] :
− l’impact sur la satiété en dépit d’un
bilan énergétique négatif ;
− le maintien de la dépense énergétique
de repos (DER) malgré la perte de poids ;
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
− la préservation de la masse maigre
(MM), qui est le principal déterminant
de la DER.
Problématique des régimes
La mauvaise « image de marque » des
régimes est d’abord le fait d’erreurs
stratégiques majeures ou de protocoles
héroïques, dont l’efficacité à long terme
aurait été miraculeuse ! Les régimes
marchent…, au moins dans une certaine mesure, à condition de respecter
certains principes [3, 4].
Les trois phases de traitement
• La phase dite « pré-thérapeutique »
est cruciale. Comprendre les facteurs
étiopathogéniques et l’histoire de la
prise de poids, puis appréhender le
risque de co-morbidités sont un préalable indispensable à toute prise en
charge [3, 4].
• Il convient ensuite de bien distinguer
la perte de poids de la stabilisation pondérale, car ces deux phases obéissent,
à tout point de vue, à des logiques différentes. La perte de poids initiale dépend
avant tout du déficit énergétique imposé
(ou facilité par l’option diététique). Une
fois l’amaigrissement obtenu, la composition en macronutriments du régime
prend toute son importance, ainsi que
les mesures associées (activité physique adaptée, ou APA, et coaching),
pour le maintien du poids en plateau.
• Le poids, la masse grasse (MG) et,
dans une certaine proportion, la MM,
diminuent tant que le bilan énergétique est négatif. Le résultat dépend
avant tout de l’importance du déficit
énergétique et de l’observance, qui
diminue progressivement avec le temps.
L’expérience montre que le nadir pondéral est atteint en 5 à 7 mois, la courbe
pondérale décrivant un plateau relativement stable pendant quelques mois,
avant de remonter plus ou moins lentement vers la valeur de départ. Lorsque
la restriction alimentaire est modérée,
la perte de poids est modeste, environ
6 kg (4 à 12 kg) ou 2 à 5 % du poids
initial, chez la plupart des patients [3, 4].
Nous verrons que toutes les approches
diététiques se valent au cours des premiers mois.
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Dossier thématique
Les régimes
• Passée cette première phase, la
reprise de poids est donc le vrai problème : elle est prévisible, attendue et
redoutée par le patient [3, 4]. Pourtant,
ce risque est souvent ignoré par le
soignant. Il est maintenant acquis que
des facteurs de résistance à la perte de
poids expliquent cette tendance naturelle, quasi physiologique. La plupart
des études décrivent une reprise de
poids, correspondant à 30 ou 40 % du
poids perdu, dans un délai de 1 à 2 ans.
Adaptation à la restriction
alimentaire et à la perte de poids
• La restriction alimentaire et la perte de
poids qui en découle sont responsables
d’une double adaptation, énergétique
et comportementale. Pour résumer,
le sujet obèse qui a maigri dépense
moins d’énergie que ne le voudraient
les variations de sa composition corporelle. L’équipe de Ravussin [5] a
analysé récemment les mécanismes
impliqués, en utilisant les outils les plus
appropriés (eau doublement marquée,
calorimétrie indirecte…). Tous les postes
de la dépense énergétique (DE) sont
concernés :
− la DE de repos (DER) ajustée sur la
MM ;
− l’activité physique spontanée et
volontaire ;
− la thermogenèse post-prandiale (TPP).
Cette réduction est beaucoup plus
« nette » à 3 mois qu’à 6 mois, la différence
n’étant plus significative, mais, dans ce
travail, le nombre de sujets était probablement insuffisant. Le débat devrait porter
sur la durée limitée ou non de cette adaptation et sur les facteurs qui pourraient
expliquer la variabilité interindividuelle.
• Les mécanismes hormonaux du
contrôle du comportement alimentaire
sont également impliqués, à 10 semaines,
mais également à 62 semaines [6]. Perdre
du poids donne faim ! En période postprandiale, la ghréline remonte à un
niveau plus élevé qu’avant l’amaigrissement, et les peptides anorexigènes
restent plus bas (peptide YY, amyline et
cholécystokinine) [6].
Rôle de l’activité physique et
des mesures d’accompagnement
Nous avons déjà souligné l’intérêt d’une
approche globale, désignée sous le terme
de MTVM. Le patient qui a maigri doit
accepter d’adapter durablement sa façon
de vivre, c’est-à-dire non seulement ses
habitudes alimentaires et son activité
physique, mais également sa façon de
gérer les liens familiaux et sociaux susceptibles de soutenir sa démarche de
changement (voir le paragraphe relatif à
l’éducation thérapeutique).
• L’activité physique est assurément
le facteur le plus important, et pourtant l’un des moins pris en compte par
notre système de santé. Dans l’étude
déjà citée, Randman et al. [5] ont fait la
démonstration que l’exercice physique
était un élément protecteur vis-à-vis de
l’adaptation des DE après régime. En
effet, les patients pour lesquels le déficit
énergétique avait été obtenu pour moitié par le régime et pour moitié par une
augmentation de l’activité physique, ont
perdu moins de MM et maintenu leur
DER. Cette augmentation des DE de
12,5 % a été obtenue par cinq sessions
hebdomadaires d’exercice physique,
dont trois au moins dans le centre de
recherche. Le résultat a été conforme
aux prévisions : DE supplémentaires
de 403 ± 63 kcal par session d’une
durée moyenne de 53 ± 11 min pour les
femmes, et de 569 ± 118 kcal par session de 45 ± 14 min pour les hommes.
Ce déficit énergétique total (12,5 % par
le régime, et 12,5 % par l’exercice) a
permis une perte de poids d’environ
8 kg, dont les quatre-cinquièmes étaient
de la MG. La perte de MM a donc été
limitée et la DER a été maintenue.
L’activité physique permettrait donc
d’éviter la diminution de la DER (en kcal/
kg de MM) lors de l’amaigrissement. On
voit cependant que le prix à payer est
relativement élevé. De plus, les sujets
de cette étude étaient jeunes (38 ans,
en moyenne) et en surpoids (IMC de
27 à 28 kg/m2). L’extrapolation à des
sujets plus âgés et plus corpulents est,
par conséquent, hasardeuse !
• La prescription du régime ne suffit
pas [3]. De nombreuses actions éducatives sont nécessaires, en séances
individuelles ou de groupe, pour favoriser l’observance ; l’interaction avec
les pairs ayant un effet majeur. Les
troubles du comportement alimentaire devraient bénéficier de thérapies
cognitivo-comportementales (TCC).
• Les mesures d’accompagnement des
patients sont désormais multiples :
− rencontre en face-à-face avec un
coach ;
− session individuelle ou collective
avec un diététicien, un psychologue,
un kinésithérapeute ou professionnel
de l’activité physique adaptée (APA), un
éducateur sportif ;
− contact par Internet ;
− auto-mesure des choix alimentaires…
Intérêt des diètes
protéiques : remarques
méthodologiques
Avant d’analyser l’intérêt des protéines,
il est nécessaire de bien comprendre les
conditions de la prescription diététique.
Le régime est-il isocalorique (afin de stabiliser le poids) ou hypocalorique et, dans
ce cas, le déficit énergétique par rapport
aux besoins est-il modéré (25-30 %),
sévère (40 à 60 %) ou très sévère (apports
< 800 kcal/j) ? Pour les deux derniers,
on parle de Low Calorie Diet (LCD) et de
Very Low Calorie Diet (VLCD). La DER
peut être calculée ou, mieux, mesurée
par calorimétrie indirecte.
La phase de stabilisation pondérale n’est
pas décrite en tant que telle dans tous
les protocoles, mais on la voit clairement
dans les résultats publiés. Dans certaines
études [7], elle est la cible des manipulations diététiques. Un régime plus ou
moins sévère est alors utilisé pendant
quelques semaines, afin d’obtenir une
perte de poids suffisante, et l’étude
proprement dite commence ensuite, le
tirage au sort étant réservé aux sujets qui
ont atteint l’objectif pondéral.
Expression en valeur relative
ou absolue des apports
alimentaires
• Lorsque la part des protéines alimentaires augmente, celle des lipides et/ou
des glucides baisse, à niveau énergétique constant. En général, les protocoles
présentent l’apport protéique en valeur
relative, c’est-à-dire en pourcentage des
apports énergétiques totaux (% AET).
Cette convention peut aboutir à une
mauvaise interprétation. Effectivement,
l’effet biologique des macronutriments
dépend principalement de leurs apports
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Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
en valeur absolue [1, 2]. Ainsi, un régime
hypocalorique apportant 25-30 % des
AET sous forme de protéines correspond à un apport en valeur absolue de
0,8 à 1,2 g/kg de poids corporel et par
jour, identique à l’apport avant le régime.
Il ne s’agit donc que de maintenir l’apport protidique habituel (10 à 15 %
des AET), et non pas de l’augmenter
(tableau I) [1].
• Définir les besoins en protéines d’un
sujet obèse en fonction de sa corpulence
n’est pas aisé. Certains se réfèrent au
poids idéal selon la formule de Lorentz,
ou à la MM. D’autres adoptent le poids
réel, mais le débat est complexe car
il faut tenir compte d’un ensemble de
paramètres (âge, corpulence, MM, activité physique…). Nous proposons une
approche pour estimer les besoins en
protéines par sexe et classe d’IMC en les
indexant sur la MM, dans le cadre d’une
alimentation NormoP. Pour ce faire,
nous avons mesuré la MM moyenne
dans chaque classe d’IMC, par absorptiométrie biphotonique (DEXA), chez
1 963 patients obèses des deux sexes ;
les résultats sont exprimés en grammes
par kilogramme de poids réel ou idéal
(tableau II) (données personnelles, non
publiées). Cette approche reste à valider
dans différents contextes :
− régime iso- ou hypocalorique ;
− situation d’agression ;
− obésité sarcopénique…
• Par convention, nous adopterons ici
une description des apports en protéines (P), glucides (G) et lipides (L), en
utilisant les qualificatifs hyper-, hypo-,
normo-, qui correspondent, par définition, aux apports en valeur relative.
Tableau I. Présentation des apports protéiques en valeurs absolue et relative pour trois
types de régime [d’après 1 modifié].
Type de régime
Valeur relative
(en % des AET)
Quantité
de protéines
(en g/j)
Valeur absolue
(en MJ
ou kcal/j)
Régime isocalorique
(équilibre énergétique)
e.g. : 12 MJ/j (2 866 kcal/j)
Normoprotéique
10-15 % (OMS)
Hyperprotéique
18-30 %
Régime hypocalorique
sévère
e.g. : 2 MJ/j (478 kcal/j)
« Normoprotéique »
10-15 %
« Hyperprotéique »
47 % (VLCD)
1,2-1,8 MJ/j
(286-430 kcal/j)
2,2-3 MJ/j
(525-860 kcal/j)
0,2-0,3 MJ/j
(48-72 kcal/j)
0,9 MJ/j
(215 kcal/j)
67-100 g/j
120-200 g/j
11-17 g/j
52 g/j
Régime de stabilisation
e.g. : 8 MJ/j (1 910 kcal/j)
pondérale
0,8-1,2 MJ/j
« Normoprotéique »
10-15 %
(191-286 kcal/j)
1,4-2,2 MJ/j
« Hyperprotéique »
18-30 %
(334-525 kcal/j)
44-67 g/j
80-120 g/j
AET : apports énergétiques totaux quotidiens ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; VLCD :
Very Low Calorie Diet ou diète protéinée ; e.g. pour exempli gratia : par exemple.
Tableau II. Besoins moyens par kilogramme de poids réel ou de poids idéal suivant la classe
d’indice de masse corporelle (IMC) [données personnelles, non publiées].
Le poids idéal est calculé d’après la formule de Lorentz. Cette estimation des besoins tient compte
de la masse maigre moyenne, mesurée par absorptiométrie biphotonique (DEXA) dans chaque
classe d’IMC, chez 1 963 patients obèses des deux sexes. Elle permet de proposer des apports
protéiques adaptés dans le cadre d’une alimentation normoprotéique.
Besoin en protéines en g/kg de poids réel
Classes d’IMC
(kg/m2)
18,5-24,9
25-29,9
25-29,9
35-39,9
≥ 40
Homme
0,9 g/kg
0,8 g/kg
0,75 g/kg
0,7 g/kg
0,65 g/kg
Femme
0,8 g/kg
0,7 g/kg
0,6 g/kg
0,6 g/kg
0,55 g/kg
Besoin en protéines en g/kg de poids idéal
Classes d’IMC
(kg/m2)
18,5-24,9
25-29,9
30-34,9
35-39,9
> 40
Homme
1 g/kg
1 g/kg
1,1 g/kg
1,2 g/kg
1,3 g/kg
Femme
0,8 g/kg
0,8 g/kg
0,9 g/kg
1 g/kg
1,1 g/kg
Régime ad libitum
Il est important de distinguer deux
modalités de la prise en charge
diététique [1, 2].
• Le régime restrictif peut être prescrit,
c’est-à-dire imposé : le patient reçoit
alors des consignes précises pour limiter
ses AET et pour contrôler ses apports
en macronutriments. Nous verrons dans
ces conditions que tous les régimes sont
égaux, en conditions iso-énergétiques, au
moins pendant les 6 premiers mois.
• Lorsque le régime est donné ad
libitum, le patient doit respecter les
consignes qualitatives, mais il est maître
des quantités : « il mange à sa faim ». Le
régime HyperP prend ici tout son intérêt,
car les effets bénéfiques des protéines
sur la satiété peuvent expliquer la supériorité (relative) du régime HyperP par
rapport aux régimes HypoL, notamment.
L’absence de restriction imposée est également un argument pédagogique !
Origine animale ou végétale
des protéines
À long terme, un régime HyperP est
susceptible d’augmenter la DER en
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stimulant la synthèse protéique et le
renouvellement des protéines, dans
certaines conditions. Il faut pour cela
que le métabolisme soit orienté vers
l’anabolisme (bilan énergétique positif) et
que les acides aminés soient de bonne
qualité ; deux facteurs sont importants :
− l’indice chimique, qui dépend de la
composition des protéines en acides
aminés essentiels ;
− la digestibilité.
Par conséquent, les protéines végétales
sont moins efficaces que les protéines
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Dossier thématique
Les régimes
animales [1]. Lorsque les apports de
protéines dépassent les besoins de la
synthèse protéique post-prandiale, les
acides aminés peuvent servir de substrats pour l’oxydation. L’importance de
ce phénomène varie en fonction de la
vitesse de digestion des protéines et de
la nature de leurs acides aminés [1, 2].
Intérêt des protéines
alimentaires :
balance bénéfice-risque
Bénéfices
Les bénéfices des protéines alimentaires concernent la masse maigre, les
dépenses énergétiques ainsi que la
satiété.
Masse maigre
L’objectif est double :
− limiter la perte de MM pendant la
phase de perte de poids ;
− favoriser le maintien, voire l’augmentation, de la MM pendant la phase de
stabilisation pondérale.
De plus, dans l’hypothèse d’une reprise
de poids, hélas habituelle, il est alors
souhaitable que celle-ci ne se fasse pas
exclusivement au profit de la MG ! En
d’autres termes, le « kg repris », comme
le « kg perdu », devrait, au minimum,
correspondre à un rapport deux tiers de
MG et un tiers de MM. Les apports protéiques jouent ici un rôle majeur : selon
Westerterp-Plantenga et al. [1, 2], il faut
1,2 g de protéines par kilogramme de
poids corporel et par jour pour maintenir
ou augmenter la MM, alors que 0,8 g/kg/j
suffit pour la réduction de poids et de
MG.
Dépenses énergétiques
Une alimentation riche en protéines
permet d’augmenter les DE, principalement la TPP et la DE pendant le sommeil
(DES). La MM étant le principal déterminant de la DER, la préservation de la
MM est une condition essentielle pour
maintenir la DER.
• La TPP varie en fonction des macronutriments : 0 à 3 % pour les lipides,
5 à 10 % pour les glucides, 20 à 30 %
pour les protéines, et 10 à 30 % pour
l’alcool [1]. Cela a été vérifié en chambre
calorimétrique chez des femmes de
poids normal : deux régimes ont été
comparés en conditions iso-énergétiques quant à leurs effets sur la TPP. Le
régime HyperP-HyperG-HypoL (G/P/L :
60/30/10 en % AET) est associé à une
TPP de 309 kcal, significativement plus
élevée que celle du régime normoPHyperL-NormoP (G/P/L : 30/10/60)
de 222 kcal (p < 0,02) ; dans le premier cas, la TPP correspond à 14,6 %
des AET et, dans le deuxième cas, à
10,5 % [1]. Au bout de quelques jours,
la DER augmente modestement, car la
synthèse protéique et le renouvellement
des protéines sont stimulés [1].
• Le rendement bioénergétique
(quantité d’énergie libre récupérée sous
forme d’ATP) des protéines est le plus
faible des macronutriments (0,65 pour
le glucose, 0,62 pour l’acide palmitique
et 0,51 pour une protéine standard).
L’efficacité énergétique des protéines
est donc médiocre : pour créer un
kilogramme de masse corporelle comportant 60 % de MG et 40 % de MM,
il faut des apports alimentaires supplémentaires de 30 MJ (7 165 kcal), mais,
pour 1 kg de MM, il faut 50 à 70 MJ
(11 942 à 16 719 kcal) [1]. En résumé,
la MM coûte cher, « à l’achat comme à
l’entretien ».
• Les effets des différents types de
régimes sur l’oxydation des macronutriments sont complexes. En cas de
régime HyperP et HypoL, la quantité
de lipides oxydés dépasse celle des
apports alimentaires, d’où une balance
lipidique négative et une réduction de
la MG [1, 2]. Par ailleurs, lorsque les
apports de protéines dépassent les
besoins de la synthèse protéique postprandiale, les acides aminés peuvent
servir de substrats pour l’oxydation.
L’importance de ce phénomène varie
en fonction de la vitesse de digestion
des protéines et de la nature de leurs
acides aminés [1, 2].
• La néoglucogenèse augmente dans
les régimes HypoG sévères. WesterterpPlantenga et al. [1, 2] rapportent que
42 % de l’augmentation de la DER
induite par un régime HyperP sans
glucides revient à la stimulation de la
néoglucogenèse.
• Enfin, à long terme, un régime HyperP
peut augmenter la DER en stimulant la
synthèse protéique et le renouvellement
des protéines. Il faut pour cela que les
acides aminés soient de bonne qualité ;
par conséquent, les protéines végétales
sont moins efficaces que les protéines
animales.
Satiété
• L’effet des protéines sur la satiété
facilite l’adhésion au régime lorsque
celui-ci est proposé ad libitum. C’est
un argument pour préférer le régime
HyperP au régime HypoL. De plus,
certains régimes HyperP sont également très HypoG, donc cétogènes, au
moins pendant la phase d’attaque. Ces
régimes sévères, à moins de 5 % des
AET sous forme de glucides, entraînent
une augmentation de la production de
E-hydroxybutyrate qui est associée à
une réduction de l’appétit.
• En présence de glucides, l’on
constate une augmentation de la libération de glucagon-like peptide-1 (GLP-1),
lequel stimule la sécrétion d’insuline [1].
D’autres hormones gastro-intestinales
pourraient être impliquées, mais peu
d’études sont disponibles [1].
• Cet effet sur la satiété est associé à
l’effet thermogénique des protéines,
lequel s’accompagne d’une augmentation de la consommation d’oxygène et
de la température, d’où un manque relatif d’oxygène qui serait impliqué dans le
contrôle de la satiété [1].
Risques
des régimes hyperprotéiques
• Les régimes hyperprotéiques présentent-ils des risques spécifiques ?
La réponse nous paraît globalement
négative. Certes, il faut tenir compte
des effets propres de la restriction calorique [8], « dangereuse » lorsqu’elle est
sévère et prolongée, ou de la nature
et de la quantité des autres macronutriments. Il est probable qu’un régime
HyperP-HyperL ait des effets athérogènes à long terme. La discussion en
fonction de la nature des protéines est
plus difficile. Il semble qu’un excès de
viande rouge augmente le risque de
cancer, de maladies cardiovasculaires
et de diabète de type 2. Mais cela n’est
probablement vrai que dans le cadre
d’une alimentation hypercalorique et de
phénotypes particuliers (sujets obèses,
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Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
fumeurs et sédentaires). Ce risque
n’existerait pas pour d’autres sources
de protéines (volaille, noix, poisson, laitages maigres) [9].
• Le risque osseux est débattu. Il n’y a
pas d’argument suffisant, faute d’études,
pour impliquer les régimes HyperP en
dehors des effets de la restriction calorique et de la perte de poids [8].
• Pour le rein et le foie, les données
paraissent rassurantes [8]. La restriction
énergétique proprement dite ne semble
pas avoir de répercussions défavorables
sur la fonction rénale ou hépatique. Une
consommation élevée de protéines
augmente le taux de filtration glomérulaire, mais ne provoque pas d’altération
anatomo-pathologique. Néanmoins, la
prudence s’impose en cas d’atteinte
rénale préexistante, de néphropathie diabétique notamment. L’apport élevé de
protéines, parfois associé aux régimes
amaigrissants, ne présente pas de risque
avéré sur la fonction hépatique et ce, d’autant plus qu’en valeur absolue, il reste le
plus souvent inférieur à 1,2 g/kg/j [8].
Analyse
des études d’intervention
Il nous paraît pertinent de présenter
d’abord deux méta-analyses récentes
[10, 11], qui résument bien le problème,
d’évoquer ensuite l’étude pionnière
du groupe danois d’Astrup [12], avant
d’aborder quelques grandes études
qui permettent de répondre à bien des
questions.
Méta-analyses
• Les effets d’un régime restrictif
(≥ 1 000 kcal/j) sur la composition corporelle d’une alimentation plus ou moins
riche en protéines et en glucides ont été
étudiés dans une analyse regroupant
87 études [10]. Une alimentation comportant plus de 1,05 g/kg de protéines,
comparée à une alimentation HypoP
(< 1,05 g/kg), est associée à la conservation de 0,6 kg de MM. Lorsque le régime
est poursuivi plus de 12 semaines, le
gain est de 1,21 kg.
• La méta-analyse récente de Wycherley
et al. [11] (24 études regroupant
1 063 patients) a porté sur les
effets de la modification du rapport
glucides/protéines dans les conditions
précises d’un régime restrictif hypolipidique contrôlé. L’intérêt des régimes
HyperP-HypoG, comparés aux régimes
NormoP, est décrit comme modeste
pour la réduction du poids et de la MG
(effet significatif, mais de moins de
1 kg) ainsi que pour la triglycéridémie
(-0,23 mmol/l). La réduction de la MM
est décrite comme atténuée sous régime
HyperP (de 0,43 kg), comme celle de
de la DER (de 595 kJ/j ou 142 kcal/j).
La durée moyenne du suivi des études
citées est limitée (12,0 ± 9,3 semaines),
mais il n’y avait pas de différence entre
les études courtes et les études longues.
Aucune différence n’est rapportée pour
le cholestérol total, HDL ou LDL, pour la
pression artérielle, la glycémie et l’insulinémie. Une augmentation de la satiété
est observée dans trois études sur cinq.
Étude danoise ad libitum
Le protocole proposé par le groupe
d’Astrup [12] avait beaucoup d’atouts :
− régime ad libitum, alimentation fournie aux patients par un magasin installé
dans le centre de recherche, les patients
devant faire eux-mêmes leurs choix,
après avoir bénéficié de l’éducation
requise ;
− contrôle précis de la consommation
alimentaire à la source (code barre sur
les aliments, enregistré par un système
informatisé spécifique et validation des
choix par un diététicien) ;
− observance évaluée par le dosage de
l’azote urinaire (excellente corrélation
avec les données enregistrées dans le
logiciel du magasin) ;
− mesure de la composition corporelle
par DEXA ;
− excellente participation des sujets :
90 % de completers.
L’étude souffre cependant de deux
limites évidentes : un petit effectif
(65 patients en surpoids ou obèses,
IMC moyen de 28,5 à 30,5 kg/m2) et une
courte durée de l’intervention (6 mois).
• Le tirage au sort a permis de comparer les effets de deux régimes
NormoP-HypoL-HyperG ou HyperPHypoL-NormoG à l’absence de régime
(groupe témoin). La répartition des
macronutriments (G/P/L en % AET)
était de 58/12/30 pour le premier et de
45/25/30 pour le deuxième.
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
• Les résultats sont clairs (tableau III).
Le régime HyperP est nettement plus
efficace pour la perte de poids et de
masse grasse. Proposé ad libitum, il
conduit bien à une augmentation de la
consommation de protéines en valeur
absolue. À 6 mois, 35 % des sujets ont
perdu plus de 10 % de leur poids initial
dans le groupe HyperP versus 9 % dans
le groupe HyperG (p < 0,0001). Seuls les
taux plasmatiques des triglycérides et
des acides gras libres diminuent significativement dans le groupe HyperP.
• Une partie de l’effectif a été suivi pendant 2 ans, les sujets ne bénéficiant
plus d’un accès libre au magasin [13] !
À 1 an, les différences de perte de poids
ne sont plus significatives (6,2 kg versus 4,3 kg), car beaucoup de sujets ont
repris du poids (plus dans le groupe
HyperP !). Néanmoins, 17 % (4/23)
des sujets dans le groupe HyperP ont
perdu plus de 10 % de leur poids initial
versus 0 dans le groupe HyperG. Il y a
donc encore des bons répondeurs, en
proportion modeste, il est vrai. À 2 ans,
le poids s’était stabilisé en plateau, mais
plus de 50 % des patients étaient sortis
de l’étude. Les auteurs concluent que le
remplacement d’une partie de glucides
par des protéines (viande maigre et
produits laitiers) dans un régime hypolipidique ad libitum paraît intéressant [13].
Mais l’on voit bien que l’adhésion des
patients à cette mesure s’érode avec le
temps, dès lors qu’ils vivent dans leur
contexte habituel.
Étude de référence :
la POUNDS LOST Study
La Preventing Overweight Using Novel
Dietary Strategies (POUNDS LOST)
study est la plus grande (811 sujets randomisés) et la plus longue étude (2 ans)
sur le sujet [14-18] ; elle fait désormais
référence, tant ses qualités sont évidentes. Elle a été conçue pour comparer
quatre combinaisons de macronutriments (G/P/L en % des AET) et évaluer,
in fine, les effets d’un régime riche en
protéines ou pauvre en lipides :
− R1 : régime NormoP-HypoL-HyperG
(65/15/20) ;
− R2 : régime HyperP-HypoL-NormoG1
(55/25/20) ;
− R3 : régime NormoP-HyperL-NormoG2
(45/15/40) ;
125
126
Dossier thématique
Les régimes
Tableau III. Étude danoise comparant pendant 6 mois un régime hyperprotéiquenormoglucidique (HyperP) à un régime normoprotéique hyperglucidique (HyperG), les deux
étant hypolipidiques [12].
Les cibles diététiques ont été atteintes. Les apports alimentaires des 3 derniers mois ont été évalués
d’après les aliments fournis par le magasin du centre de recherche, identifiés par leur code barre.
Variations
à 6 mois
HyperG
N = 25
HyperP
N = 25
Différence
entre
les deux
groupes
p
Poids
(kg)
-5,0 kg
(-3,6 à -6,4 kg)
-8,7 kg
(-7,3 à -11,9 kg)
3,7 kg
(1,3 à 6,2 kg)
< 0,001
Masse grasse
(kg)
-4,3 kg
(-3,1 à -5,5 kg)
-7,6 kg
(-6,2 à -9,0 kg)
3,3 kg
(1,1 à 5,7 kg)
< 0,0001
Apports
alimentaires
Apports protéiques en valeur
relative (% AET)
À 6 mois
Évolution de la
consommation en protéines
en valeur absolue (moyenne)
De 0 à 6 mois
HyperG
N = 25
HyperP
N = 25
HyperG
N = 25
HyperP
N = 25
Protéines
12,2 ± 0,1 %
Cible : 12 %
24,1 ± 0,2 %
Cible : 25 %
Ð de 91,4
à 70,4 g/j
Ï de 91,4
à 107,8 g/j
Glucides
59,0 ± 0,2 %
Cible : 58 %
45,9 ± 0,2 %
Cible : 45 %
Non disponible
Lipides
28,8 ± 0,2 %
Cible : 30 %
29,1 ± 0,2 %
Cible : 30 %
Apports
énergétiques
totaux
Résultats relevés au cours des 3 derniers mois
kcal/j
(MJ/j)
2 675 ± 119 kcal/j
(11,2 ± 0,5 MJ/j)
Effet sur la composition corporelle
2 221 ± 96 kcal/j
(9,3 ± 0,4 MJ/j)
AET : apports énergétiques totaux quotidiens.
− R4 : régime HyperP-HyperL-HypoG
(35/25/40).
On voit que la part de glucides diminue
de R1 à R4. Un déficit de 750 kcal/j, calculé en fonction de la DER mesurée par
calorimétrie indirecte et de l’activité physique, a été prescrit à chaque sujet. Tous
les régimes étaient présentés comme
efficaces au départ, aucun patient n’a
donc eu l’impression, peu motivante,
d’entrer dans un groupe placebo. Par
ailleurs, tous les régimes ont été contrôlés pour leur teneur en fibre (> 20 g/j),
en acides gras saturés (< 8 % des AET)
et en cholestérol (< 150 mg/1 000 kcal).
Il a été demandé aux sujets de pratiquer 90 minutes d’activité physique
modérée par semaine, sans consigne
particulière, l’évaluation étant assurée
par interrogatoire, mais également par
auto-questionaire sur Internet.
L’information, l’éducation (approche
comportementale) et le suivi des patients
ont été d’une qualité impressionnante.
encore une fois, des résultats équivalents. Cependant, certains patients
particulièrement « observants » (23 %)
ont continué à perdre du poids du 6e
au 24e mois (en moyenne 3,6 ± 3,5 kg),
leur perte de poids finale étant de 9,3
± 8,2 kg. Si l’on considère une perte de
poids de 10 % par rapport au poids initial comme un indice de succès, 14 à
15 % des participants ont été de très
bons répondeurs.
Des séances collectives ont été proposées, de manière rapprochée pour
les 6 premiers mois (1 fois/semaine,
3 semaines sur 4), puis, de manière
plus espacée du 6e au 24e mois (1 fois/
semaine, 2 semaines sur 4). Un suivi
individuel a été mis en place tous les
2 mois pendant 2 ans, permettant des
rencontres en face à face. L’évaluation
diététique a été réalisée à partir de
carnets alimentaires, mais les patients
avaient également la possibilité de
contrôler eux-mêmes leurs régimes
grâce à une application sur le Net (web
based self-monitoring tool).
Effets sur le poids
La perte de poids a été modeste, en
moyenne de 6 kg (7 % du poids initial) à 6 mois, sans différence entre
les quatre régimes [14]. Les sujets ont
repris du poids au bout d’un an, et la
perte de poids finale à 2 ans était de
3 à 4 kg ; les quatre régimes donnant,
Les variations de la composition
corporelle ont été étudiées dans un
sous-groupe de patients (n = 424) par
DEXA [15]. Au nadir de la perte de
poids, à 6 mois, la MG avait diminué de
4,2 ± 0,3 kg (-12,4 %) et la MM de 2,1
± 0,3 kg (-3,5 %) (dans les deux cas,
p < 0,0001 versus valeurs de base), mais
il n’y a pas eu de différence significative
entre les régimes HyperP et NormoP
(25 % versus 15 %, respectivement ;
p ≥ 0,10), entre les régimes HyperL et
HypoL (40 % versus 20 %, respectivement ; (p ≥ 0,34), ni entre les régimes
hyperG ou HypoG (65 % versus 35 %,
respectivement ; p ≥ 0,27).
À 2 ans, les patients avaient regagné
40 % du poids perdu (perte de poids de
3,8 ± 0,4 kg [-4,1 %]), soit, pour la MG,
une réduction de 2,4 ± 0,3 kg (-6,8 %), et
pour la MM, une baisse de 1,4 ± 0,3 kg
(-2,3 % ; p < 0,0001 versus valeurs de
base) [15]. Pour les completers (à 2 ans ;
n = 226), la perte de MM à 6 mois était
un peu moins importante dans le groupe
HyperP que dans le groupe NormoP
(-2,2 ± 0,2 versus -2,9 ± 0,2, respectivement ; p < 0,01), mais la différence
avait disparu à 2 ans.
En résumé, dans cette étude dont
les résultats sont modestes, le régime
HyperP n’apporte pas de bénéfice
majeur vis-à-vis de la composition corporelle (un tiers de MM perdu, pour deux
tiers de MG). Comme nous le verrons,
l’adhésion des patients diminue avec le
temps, ce qui a pu limiter l’effet propre
des protéines sur la préservation de la
MM.
Effet sur la répartition
du tissu adipeux
La MG abdominale, viscérale ou souscutanée (sc) et la stéatose hépatique,
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
ont été évaluées par tomodensitométrie [15]. La MG abdominale a diminué de
2,3 ± 0,2 kg (-13,8 %), soit -1,5 ± 0,2 kg
(-13,6 %) pour le tissu adipeux sc abdominal et -0,9 ± 0,1 kg (-16,1 %) pour
le tissu adipeux viscéral (TAV). La stéatose hépatique a été réduite de 60 %
à 6 mois. Pour tous ces paramètres,
aucune différence significative n’a été
rapportée entre les régimes.
Il n’y a pas eu de perte préférentielle
de TAV, quel que soit le régime. En fait,
la réduction relative de TAV (rapport
' TAV/MG) est d’autant plus grande
que le rapport TAV/MG est élevé au
départ (analyse dans un sous-groupe
de patients qui avaient perdu au moins
5 kg). En d’autres termes, la réduction du
TAV dépend de son importance relative,
et non du type de régime.
Effet sur le métabolisme énergétique
La DER, mesurée par calorimétrie
indirecte chez 640 sujets, diminue
parallèlement avec la perte de poids
à 6 mois (-99,5 ± 8,0 kcal/j chez les
hommes ; -55,2 ± 10,6 kcal/j chez les
femmes), sans différences selon le type
de régime [16].
Une adaptation de la thermogenèse à
la restriction énergétique a pu effectivement être mise en évidence, mais
l’effet s’est révélé modeste : la réduction
étant de 18,2 ± 6,7 kcal/j par rapport à
la DER prédite en fonction de l’âge, du
poids et du sexe, ce phénomène disparaissant à 24 mois. Globalement, cette
adaptation de la DER est donc relativement faible (' DER [kcal/j] = -12,06 +
[11,9 x ' poids]) par rapport à ce qui avait
été rapporté dans la littérature (dans la
synthèse de Saltzman et Roberts [19],
par exemple) : ' DER (kcal/j) = -78,8 +
[11,9 x ' poids].
Les auteurs ont étudié l’influence des
macronutriments sur ce mécanisme
qui peut limiter la perte de poids [16].
La réduction relative de la DER n’a été
observée que dans les deux régimes
hypolipidiques (qui apportaient respectivement 65 % ou 55 % de l’énergie
sous forme de glucides) et ne l’a pas été
dans les deux régimes hyperlipidiques
(et plus ou moins hypoglucidiques). Ce
n’est donc pas l’apport en protéines
qui compte ! Curieusement, les auteurs
ne tiennent pas compte dans cette
publication des variations de la MM,
qu’ils avaient pourtant mesurées (affaire
à suivre…).
Intérêt des régimes
hyperprotidiques
dans le cadre d’une restriction
énergétique sévère
L’étude de Soenen et al. [20] met en
évidence un effet intéressant des protéines alimentaires dans ce contexte.
Elle est, en quelque sorte, l’image en
miroir de la POUNDS LOST Study [14].
Le déficit énergétique imposé pendant
la phase de perte de poids de 3 mois
est plus sévère (LCD couvrant 33 %
de la DET, la DER étant estimée par
l’équation de Harris-Benedict et la DET
en multipliant la DER par 1,5), puis les
AET sont augmentés à 67 % de la DET
estimée pendant 9 mois. Ce travail,
en dépit d’un effectif petit (n = 132),
est néanmoins de bonne qualité (sept
sorties d’étude seulement, mesure de
l’azote urinaire, suivi de 1 an…).
Après 3 mois de régime LCD, la perte
de poids est plus importante dans les
groupes HyperP (1,1 ± 0,2 g/kg/j) que dans
les groupes NormoP (0,7 ± 0,1 g/kg/j).
Fait important, la teneur en glucides
ou en lipides n’influence pas le résultat (figure 1). À 12 mois, les résultats
vont dans le même sens. En revanche,
le régime HyperP n’a aucun avantage
quant à une éventuelle préservation de la
MM, qui diminue dans tous les groupes.
L’amélioration de la composition corporelle est due à la réduction de la MG !
La teneur en lipides des quatre régimes
testés n’expliquent pas les variations de
composition corporelle ou de profil métabolique dans les analyses multivariées.
Intérêt des protéines
pour la stabilisation pondérale
Le programme européen Diet, Obesity
and Genes (DiOGenes) [7, 21], conçu
pour étudier spécifiquement l’intérêt
des protéines alimentaires et des index
glycémiques (IG) pendant la phase de
stabilisation pondérale, fait référence
par son ampleur (1 209 patients au
départ ; âge moyen : 42 ans ; IMC :
34 kg/m2) et ses qualités méthodologiques (étude de multiples marqueurs
plasmatiques et du transcriptome du
tissu adipeux [TA], analyse des interactions gènes-environnement...).
Figure 1. Intérêt d’un régime hyperprotidique (HyperP) dans le cadre d’une restriction énergétique
initiale (3 mois) sévère. Effet sur le poids et la masse grasse au cours d’un suivi de 12 mois [20].
Phase de perte de poids initiale de 3 mois :
• apports énergétiques fixés à 33 % des DET ;
• les apports en macronutriments (P/G/L) deviennent, dans les quatre groupes :
− 60/5/35 (% AET) pour le groupe HyperP-HypoG,
− 60/35/5 (% AET) pour le groupe HyperP-NormoG,
− 30/5/65 (% AET) pour le groupe NormoP-HypoG,
− 30/35/35 (% AET) pour le groupe NormoP-NormoG.
Phase de stabilisation pondérale de 9 mois :
• apports énergétiques fixés à 67 % des DET ;
• les apports en macronutriments deviennent, dans les quatre groupes :
− 30/25/45 (% AET) pour le groupe HyperP-HypoG,
− 30/45/25 (% AET) pour le groupe HyperP-NormoG,
− 15/25/60 (% AET) pour le groupe NormoP-HypoG,
− 15/45/40 (% AET) pour le groupe NormoP-NormoG.
AET : apports énergétiques totaux quotidiens ; DET : dépense énergétique totale ; P : protéines ; G :
glucides ; L : lipides ; NormoP : normoprotidique ; HypoG : hypoglucidique ; NormoG : normoglucidique.
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
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128
Dossier thématique
Les régimes
Les sujets devaient perdre au moins 8 %
de leurs poids initial (773 patients ont été
inclus, ayant perdu 11 kg en moyenne)
au cours d’une phase de 3 mois de
régime sévère (LCD : Modifast ®, soit
800-1 000 kcal/j), avant d’être tirés au
sort pour recevoir l’un des cinq régimes
suivants, donnés ad libitum pendant
6 mois :
− régime HypoP - IG bas ;
− régime HypoP - IG élevés ;
− régime HyperP - IG bas ;
− régime HyperP - IG bas ;
− régime témoin.
Dans tous les cas, le régime était relativement hypolipidique (28 à 30 % des
AET).
• Le régime HyperP (23-28 % des AET)
modéré a entraîné une moindre reprise
de poids, de 0,93 kg, versus le régime
NormoP, de même pour le régime
à IG bas (delta de 15 points) versus
le régime IG élevé (reprise de poids
moindre de 0,95 kg). Le moins bon
résultat a été observé dans le groupe
régime HypoP-IG élevés, avec une
reprise significative de +1,67 kg. Les
deux approches ont des effets additifs,
seul le régime HyperP-IG bas permet de
stabiliser le poids.
• Les variations du transcriptome du
TA ne sont pas influencées par le type
de régime, mais par l’évolution du
poids. Les gènes impliqués dans la
phosphorylation oxydative mitochondriale sont plus exprimés dans le TA
sous-cutané des patients qui continuent de perdre du poids pendant la
deuxième phase [22].
Discussion
Intérêt des régimes
hypocaloriques hyperprotéiques
vis-à-vis du risque métabolique
• La prise en charge des co-morbidités
métaboliques de l’obésité justifie-t-elle
des mesures diététiques particulières ?
Le choix du traitement optimal n’a pas
été « définitivement » tranché en termes
de macronutriments, pour le syndrome
métabolique comme pour le diabète
de type 2. La perte de poids per se a
un effet favorable sur le profil plasmatique, métabolique ou inflammatoire,
qui explique en général bien plus les
résultats que l’effet propre de tel ou tel
macronutriment [9].
• Les régimes hypoglucidiques sont
plus efficaces vis-à-vis des triglycérides
et du HDL-cholestérol que les régimes
hypolidiques, mais ces derniers ont
un effet supérieur sur la réduction du
LDL-cholestérol.
• L’un des inconvénients souvent cités
des régimes HyperP, HypoG et HyperL
est de favoriser l’augmentation du
LDL-cholestérol [9], ce qui limite leur
intérêt, même s’ils sont parfois plus
efficaces sur le poids que d’autres
régimes.
Compliance-observance
• L’étude POUNDS LOST a permis
d’analyser de façon relativement précise l’observance et ce, d’autant plus
que 20 % seulement des patients ont
été perdus de vue au cours du suivi de
2 ans [14, 17]. L’adhésion au protocole
a été évaluée par le nombre de participation aux séances éducatives. La
corrélation est excellente avec la perte
de poids, les sujets perdant en moyenne
200 g par session. Les personnes qui
ont participé aux deux tiers des séances
ont perdu 9 kg. Cela s’est révélé vrai
pour les quatre régimes étudiés, sans
différence en fonction de la qualité des
macronutriments.
L’analyse des biomarqueurs est riche
d’enseignement. La mesure de l’azote
urinaire indique que la différence de
consommation de protéines entre les
groupes HyperP et NormoP était de
10 g à 6 mois et de 5 g à 2 ans en ce
qui concerne les apports de protéines,
alors qu’une différence de 20 g était
attendue ! Ainsi, il n’est pas si facile de
suivre un régime HyperP ! Dans l’étude
de Soenen et al. [20], il a fallu fournir des
sachets de protéines à neuf sujets du
groupe HyperP pour atteindre le niveau
de protéines requis.
• L’équipe de Sachs [17] a étudié l’observance (adherence, ou compliance) au
cours des 6 premiers mois de la POUNDS
LOST study, en utilisant un système
informatique avec lequel les patients et
les soignants pouvaient communiquer
via Internet (plus de 99 % des patients
avaient un accès Internet). Les patients
devaient entrer leurs consommations
alimentaires au jour le jour et avaient, en
retour, une appréciation de leurs déviations par rapport à l’objectif pour les AET
et les trois macronutriments. L’analyse a
porté sur les 683 patients qui avaient saisi
leurs données alimentaires pour au moins
6 jours sur les 178 jours prévus. Huit
indicateurs avaient été définis pour une
analyse en composantes principales. La
participation aux sessions individuelles
(64,3 %) a été plus importante que celle
aux sessions en groupes (53,8 %) ; de
même, la restitution a été meilleure pour
les carnets alimentaires (57,8 %) que
pour les relevés concernant l’activité
physique (28,8 %). Les déviations vis-àvis du régime prescrit ont été relativement
mineures dans les quatre régimes, mais
l’on a constaté, dans tous les groupes,
une tendance nette à revenir à un apport
moyen, susceptible de gommer les différences entre les différentes stratégies.
• Deux facteurs expliquent 66 % de la
variance de l’observance [17] :
− l’adhésion dite comportementale,
laquelle est définie par la participation
aux sessions et la réalisation des saisies
via Internet des données sur l’alimentation et l’activité physique ;
− l’adhésion dite diététique, qui
évalue les déviations par rapport à la
prescription.
La première dimension n’est pas affectée par le type de régime ! En revanche,
l’engagement vis-à-vis des mesures diététiques est plus important dans les régimes
hyperlipidiques que dans les régimes
hypolipidiques ! On voit ici que les protéines alimentaires n’ont pas d’influence.
Les deux dimensions sont indépendantes.
Un sujet qui respecte le protocole ne suit
pas forcément le régime !
• Cependant, les auteurs avaient rapporté, dans la publication princeps [14],
un lien entre l’observance et les résultats pondéraux pour certains régimes.
Ainsi, pour les régimes HyperP (R2 et
R4), l’observance au traitement s’est
révélée associée à une perte de poids
plus importante ; celle-ci variait de -3
à -8 kg lorsque les apports protéiques
passaient de 15 à 25 % des ART. De
plus, la participation aux séances augmentait parallèlement de 41 à 59. La
même constatation a été faite pour le
régime HypoL, mais pas pour les deux
autres régimes.
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
Les points essentiels
• Les deux phases de traitement (perte de poids et stabilisation pondérale) méritent d’être clairement distinguées. Il est nécessaire
d’assurer un apport suffisant de protéines en valeur absolue, quelle que soit la phase de traitement.
• La préservation de la masse maigre est un objectif au moins aussi important que la réduction de la masse grasse. Pour ce faire, il
convient d’éviter les régimes restrictifs sévères trop longs, d’apporter au moins 60 à 70 g/j (voire beaucoup plus) de protéines de
bonne qualité nutritionnelle, et de mettre en place les moyens nécessaires pour amener le patient à avoir un niveau suffisant d’activité physique.
• Le régime modérément hypocalorique reste la règle : pas de Very Low Calorie Diet (VLCD) ou de Low Calorie Diet (LCD) sans un
programme thérapeutique à long terme (au moins 1 an, voire 2 ans ou plus).
• La participation du médecin traitant est nécessaire en première intention (initiation du traitement) ou en deuxième intention (suivi à
long terme).
• La prise en compte des croyances et des représentations du patient est capitale pour le succès.
• L’observance est le point clé, beaucoup plus important que le type de régime proposé. L’adhésion du patient aux mesures thérapeutiques, quelles qu’elles soient, diminue avec le temps ; c’est un phénomène naturel.
• Le plus simple reste de « négocier un troc des lipides alimentaires en excès » contre des protéines ou des glucides, dans le cadre
d’un régime hypocalorique raisonnable.
• Il paraît judicieux, dans l’état actuel des connaissances, de favoriser, pour la stabilisation pondérale, les aliments riches en protéines
ou en fibres, ainsi que les aliments à index glycémique bas.
• Tout prescripteur de régime devrait avoir en tête qu’un régime apportant moins de 1 200 kcal/j (voire 1 500 kcal) est carencé en
micronutriments et vitamines, et qu’une restriction énergétique sévère menace toujours le capital protéique. Veiller aux apports
protéiques est donc nécessaire, en particulier lorsque le régime est durablement restrictif. Le tableau IV indique les aliments et leurs
portions pouvant apporter 10 g de protéines selon le principe des équivalences.
Tableau IV. Équivalences pour choisir les aliments apportant 10 g de protéines.
Aliment
Portion
Protéines
Lipides
Glucides
Énergie (kcal)
Pain
140 g
(un peu plus d’une demi-baguette)
10
0
78
352
Viande maigre
50 g
(un demi-steak haché)
10
5
0
85
Viande grasse
50 g
10
7,5
0
107,5
Poisson
50 g
(un demi-stick surgelé)
10
2
0
58
Thon au naturel
40 g
10
1
0
49
Jambon blanc
50 g
(1 belle tranche)
10
1
0
49
Jambon cru
40 g
(2 fines tranches)
10
4
0
76
Œuf
80 g
(2 petits œufs)
10
8
0
112
Fromage à 45 %
de MG
50 g
(un cinquième de camembert)
10
12
0
148
Fromage blanc
à 0 % de MG
100 g
8
1
0
41
Fromage blanc
à 20 % de MG
100 g
8
4
0
68
Lait demi-écrémé
300 ml
(1 bol)
10
4,5
15
140,5
MG : matières grasses
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
129
130
Dossier thématique
Les régimes
• L’étude DiOGenes [7] a montré que
l’observance et la stabilisation pondérale
étaient meilleures lorsque les aliments
riches en protéines étaient fournis par un
magasin appartenant au centre clinique,
comme ce fut le cas dans deux des huit
centres.
• Au total, il est très difficile de maintenir à long terme une différence pour les
macronutriments [9]. L’adhésion à des
mesures spécifiques diminue avec le
temps, mais cela suffit, en moyenne, à
maintenir une baisse de la masse grasse.
Effets des régimes
hyperprotéiques en fonction
du terrain génétique
• Le gène FTO (pour fat mass and obesity-associated gene) est l’un des gènes
révélés par les études d’associations
« génome entier », qui semble jouer un
rôle dans le développement de l’obésité et, probablement, dans la réponse
à certains traitements. Il est exprimé
notamment dans l’hypothalamus et
semble, par conséquent, impliqué dans
le contrôle de l’appétit et des apports
énergétiques. Il manquait une étude
d’envergure pour le démontrer.
• L’étude POUND LOST apporte des
données récentes particulièrement
démonstratives [18]. L’allèle à risque A de
FTO (gène rs1558902) s’est révélé associé significativement avec une réduction
de poids plus importante de 1,51 kg à
2 ans dans le groupe HyperP (p = 0,010),
mais pas dans le groupe NormoP, pas
plus que dans l’ensemble de la population. Cet effet a également été observé à
2 ans, d’une part pour les mesures par
DEXA de la MG totale, de la MM totale ou
de la MG du tronc, et, d’autre part, pour
les mesures par scanner de la MG totale,
du TAV et du TA sc abdominal superficiel ou profond. Un effet opposé a été
observé pour les patients recevant un
régime pauvre en protéines. L’effet était
plus fort à 2 ans qu’à 6 mois. Cette étude
est en faveur d’une interaction entre ce
polymorphisme de FTO, le contenu en
protéines du régime et la réponse au
traitement [18].
Place des régimes HyperP
par rapport aux autres solutions
La stratégie dite des « conseils alimentaires » est l’approche recommandée par
la Haute Autorité de santé (HAS) [23]. En
première intention, il paraît sage d’éviter
les régimes « riches en… » ou « pauvres
en… », pour des raisons à la fois pédagogiques et pratiques.
En revanche, l’éducation thérapeutique du
patient (ETP) apporte un plus incontestable,
en dépit des innombrables difficultés qui
restent à résoudre pour mettre en pratique
les parcours éducatifs que les personnes
obèses sont en droit d’attendre (loi hôpital, patients, santé et territoires [HPST]). En
quelques mots, il s’agit de promouvoir une
médecine centrée sur la personne, et non
sur l’excès de poids et ses conséquences.
L’ETP amène également à une analyse fonctionnelle des comportements.
Il ne s’agit plus pour le médecin de
prescrire un régime, mais d’amener le
sujet à changer ses habitudes de vie en
tenant compte de multiples facteurs. La
dimension psychique ou émotionnelle
des comportements est la plus difficile à
appréhender. Les troubles des conduites
alimentaires (TCA) (grignotage, compulsions, voire accès de frénésie alimentaire
ou binge) ne sont plus vus comme des
faiblesses de la volonté, mais comme
l’équivalent de mécanismes de défenses
contre l’angoisse. L’obésité est pensée
d’abord comme une dysrégulation
du système de récompense, et non
comme un simple problème du contrôle
homéostasique de la prise alimentaire.
On voit bien ici le lien avec les TCC qui
sont d’un intérêt considérable en présence de TCA. Le patient apprend à
faire le lien entre ses émotions ou ses
affects et ses prises alimentaires, mais
également à ressentir plus clairement les
sensations physiologiques de la faim, du
rassasiement et de la satiété.
Conclusion
• L’observance est la clé du succès ! Tenir compte des préférences personnelles et du
contexte socio-culturel de chaque patient est nécessaire pour améliorer les chances
de succès à long terme.
• Il est essentiel de comprendre les mécanismes susceptibles de faciliter la stabilisation pondérale, qui est le problème majeur. Parmi ceux-ci, le maintien de la MM et la
limitation de la réduction de la DET secondaire à la perte de poids sont essentiels.
En pratique, il faut proposer des apports protéiques entre 0,8 et 1,3 g/kg de poids
idéal, c’est-à-dire à des valeurs relativement élevées par rapport à ce qui est fait
en pratique clinique. La réduction énergétique portera alors sur les lipides et/ou
les glucides. Les régimes à IG bas, modérément enrichis en fibres et en protéines,
paraissent susceptibles de favoriser la stabilité pondérale.
• Les régimes pauvres en protéines sont à déconseiller, car facteur d’échec à moyen
terme. Le succès relatif des régimes HypoG s’explique, en grande partie, par leur
caractère HyperP. Augmenter les apports protéiques favorise la perte de poids et la
réduction de la MG. L’intérêt d’un apport normoprotéique, en valeur absolue, pour
préserver l’intégrité de la MM, est évident. Ceci est particulièrement important pour
les LCD et les suites de la chirurgie bariatrique.
• Le régime hyperprotéique dans le cadre d’une restriction énergétique plus ou moins
sévère, garde un certain intérêt pour les prises en charge de recours, c’est-à-dire de
niveau 2 ou 3 dans la gradation des soins. En effet, sa mise en place n’est pas simple,
elle prend du temps et demande des compétences en diététique. L’intervention d’un
professionnel de santé, le diététicien, est alors vivement recommandée.
• La prescription d’un régime, aussi « evidence-based » soit-il, se saurait suffire ! Il faut
préférer le concept de modifications thérapeuthiques du mode de vie (MTMV), que
l’on mettra en place en fonction du contexte « biomédical » (histoire de l’obésité, stade
évolutif, phénotype anatomo-clinique, co-morbidités…) et du contexte « psycho-social »
(handicap fonctionnel, soutien social, qualité de vie…) d’une part, mais également des
moyens disponibles, d’autre part. Les réseaux de soins de proximité prennent ici toute
leur place, permettant l’intervention d’un diététicien en relai de l’action du médecin traitant ou de celle d’un médecin compétent en nutrition (DESC de nutrition, ou équivalent).
Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2013 - Vol. 7 - N°2
Analyse critique des régimes riches en protéines pour le traitement de l’obésité
Déclaration d’intérêt
Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit
d’intérêt en lien avec cet article.
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surpoids-et-obesite-de-l-adulte-prise-encharge-medicale-de-premier-recours
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