Probability, Random Events, and the Mathematics of Gambling
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Probability, Random Events, and the Mathematics of Gambling
Probabilité, événements aléatoires et mathématiques des jeux de hasard Introduction…………………………………………………………….p. 2 Pensées erronées……………………………………………………....p. 5 Probabilité, cote et hasard………………………………......................p. 6 Définition de la probabilité…………………………………......p. 6 La loi de la moyenne et la loi des grands nombres………..........p. 10 Événements aléatoires………………………………………………….p. 15 Générer des événements aléatoires…………………………………….p. 17 Événements aléatoires générés par ordinateur ………………..p. 20 Les jeux en tant que systèmes complexes …………………….p. 21 Pourquoi voyons-nous des schémas dans des séquences d’événements aléatoires ?………………............................................p. 22 Résumé………………………………………………………………...p. 26 Bibliographie……………………………………………………………p. 26 Remarque : Les termes de genre masculin utilisés pour désigner des personnes englobent à la fois les femmes et les hommes. L'usage exclusif du masculin ne vise qu'à alléger le texte. Probabilité, événements aléatoires et mathématiques des jeux de hasard Nigel Turner, Centre de toxicomanie et de santé mentale James Powel, Siemens (Peterborough) La théorie des probabilités doit son origine à un sujet on ne peut plus concret—les jeux de hasard. Tous les adeptes de jeux de hasard ont l’instinct de « la cote » et sont convaincus que le hasard s’exprime en schémas réguliers—quoique leurs convictions ne résistent pas toutes à une analyse mathématique. (Stewart, 1989, p. 44) Introduction Quiconque a travaillé auprès de personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard s’est rendu compte que ces dernières entretiennent souvent un certain nombre de pensées et d’attitudes erronées quant aux notions de contrôle, de chance, de prédiction et de hasard. L’objectif principal du présent chapitre est d’établir un lien entre les croyances folkloriques de ces personnes et la réalité du monde physique qui les entoure, d’illustrer où elles se trompent dans leur raisonnement et d’explorer les origines de leurs idées fausses. Problème de base : les personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard croient souvent qu’elles peuvent battre la cote et gagner. Même celles qui connaissent la cote persistent parfois à croire qu’elles peuvent gagner. Selon Turner (2000), ce phénomène découle en grande partie des expériences du hasard : les événement aléatoires sont trompeurs et font croire qu’il est possible de prédire leurs résultats aléatoires. Autre problème : le cerveau humain est prédisposé à repérer des schémas, et il le fait avec beaucoup d’efficience. Par exemple, certaines formations naturelles qui évoquent des traits humains, comme le « visage » de la région de Cydonia Mensae de la planète Mars, ou encore la péninsule du « géant endormi » de la rive du lac Supérieur, dans le Nord de l’Ontario, sont interprétées par le cerveau comme étant des représentations d’êtres humains. De plus, les déviations par rapport aux résultats escomptés, par exemple des suites de gains ou de pertes au jeu, sont souvent perçues comme étant trop peu probables pour n’être que des coïncidences. Comme exemple de notre volonté de repérer des schémas, citons l’ouvrage de Eric Von Daniken (1969), dans lequel l’auteur prétend avoir trouvé des preuves de l’influence d’êtres extraterrestres sur l’histoire humaine. Ses « preuves » sont pour la plupart fondées sur une similarité visuelle fortuite entre, par exemple, un certain pétroglyphe trouvé dans le 2 Sahara et une combinaison spatiale d’astronaute moderne. Son ouvrage, vendu à 7 millions d’exemplaires, est signe de l’aise avec laquelle les gens peuvent se laisser influencer par l’argument que les schémas ne sont pas le produit du hasard. Certaines personnes croient que les événements « aléatoires » n’ont aucune cause et qu’ils relèvent donc du mystère. Par conséquent ils peuvent croire qu’il y a davantage de chances d’exercer une influence sur des résultats aléatoires en ayant recours à la prière ou à d’autres moyens semblables. Dans le passé, certaines religions ont eu recours aux dés pour deviner la volonté des dieux (Gabriel, 2003), pratique à laquelle s’apparente la notion qu’il y a une raison pour tout événement et donc que les résultats aléatoires doivent forcément contenir un message. Certains adeptes des jeux de hasard croient qu’il n’existe pas d’événements aléatoires et qu’ils peuvent donc trouver un moyen de gagner. En un sens, ils ont raison de penser que tous les événements aléatoires sont le résultat de forces physiques ou d’algorithmes mathématiques. Dans la pratique, ils ont toutefois complètement tort. Un événement aléatoire survient lorsqu’un problème difficile (p.ex., contrôler la vitesse, la hauteur et le mouvement exacts d’un lancer de dé) se combine à un processus complexe (p. ex., le dé roule jusqu’à ce qu’il rencontre un obstacle qui se trouve à l’autre bord de la table). Une telle combinaison d’éléments entraîne une incertitude totale quant à prédire la trajectoire du dé. L’aléatoire est un concept mathématique qui sert à modéliser le monde réel. Le fait que des événements aléatoires puissent être décrits mathématiquement ne veut pas dire qu’ils sont de nature déterministes, ni qu’ils sont de nature non déterministes—leur prévisibilité est sans rapport. Qualifier quelque chose d’aléatoire, c’est simplement dire que l’observateur en ignore le résultat (De Finetti, 1990). La plupart des événements que l’ont pense être aléatoires sont en fait de nature déterministe, mais ils sont si complexes qu’il est impossible de les prédire. Par exemple, l’endroit où tombe une bille sur un plateau de roulette est directement lié à la force qu’exerce le croupier en jetant la bille et à la vitesse à laquelle tourne la roue. En pratique, il est toutefois impossible de prédire où la bille tombera. Les probabilités de différents événements aléatoires ne sont pas égales ; certains événements ont de meilleures chances de survenir que d’autres. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit des probabilités d’événements communs (p. ex., trois symboles gagnants alignés sur une machine à sous) ou d’un seul événement comparativement à tous les autres événements (p. ex., détenir un billet de loterie gagnant ; détenir un billet de loterie perdant). Toutefois, les pourcentages de probabilité pour l’ensemble des événements possibles doivent totaliser 100%, chacun des points de pourcentage étant de probabilité égale. Malheureusement, beaucoup de gens entretiennent des pensées erronées sur la nature du hasard. La meilleure façon de comprendre ce qui est à la base de ces idées fausses est 3 d’explorer les deux concepts fondamentaux et interreliés desquels dépendent la plupart des jeux de hasard : la probabilité et l’aléatoire. L’objectif du présent chapitre est d’aider le lecteur à comprendre le concept de probabilité assez bien pour pouvoir ensuite repérer les erreurs de raisonnement chez les personnes ayant un problème de jeu, ainsi que d’aider les thérapeutes à communiquer avec ces personnes. Certes, mal comprendre le concept de probabilité peut ne pas être la cause principale du problème de jeu d’une personne. Turner, Littman-Sharp et Zangeneh, (2006) ont découvert que le jeu problématique était davantage lié à la dépression, aux expériences stressantes et au recours à la fuite pour composer avec le stress, qu’à la présence de croyances erronées. Toutefois, corriger les idées fausses peut s’avérer une importante composante des programmes de prévention de la rechute. Si un client croit réellement qu’il est possible de battre la cote d’un jeu, il y a de fortes chances qu’il essaie de la battre. De plus, l’utilisation de stratégies de fuite pour composer avec le stress a un rapport significatif avec les croyances erronées, ce qui donne à penser que le recours au jeu pour échapper aux humeurs négatives peut être directement lié à la croyance que l’on peut gagner contre toute attente (Turner et coll., 2002). En outre, certains émettent l’argument que la prévention exige la dissémination de renseignements exacts sur la réalité des jeux de hasard et sur les façons dont ces jeux font croire aux gens qu’ils peuvent gagner. Le deuxième objectif du présent chapitre est de démystifier les événements aléatoires. Le présent chapitre : • fournit une liste des idées fausses les plus courantes sur la nature du hasard qu’entretiennent les adeptes des jeux de hasard ; • fournit des définitions et des exemples de probabilité, de cote et d’autres concepts clés liés au hasard ; • examine, d’un point de vue théorique, comment un univers mécaniste rempli de relations cause-effet peut produire des événements aléatoires ; • décrit comment des types de jeux particuliers produisent des événements aléatoires, y compris comment les machines à sous fonctionnement ; • aborde les origines de certaines pensées erronées. Pensées erronées Les gens ont un certain nombre d’idées fausses sur les événements aléatoires, dont beaucoup sont dues à la nature même de ces événements et à une mauvaise compréhension des termes qui servent à les décrire. Le Tableau 1 résume ces idées fausses en fournissant dans la première colonne une liste de « conceptions naïves » des événements aléatoires, courantes parmi les personnes aux prises avec un problème de jeu. La deuxième colonne fournit une 4 série d’énoncés sur la nature réelle des événements aléatoires. Les pages qui suivent donnent des renseignements, à titre de ressource, sur les concepts de probabilité, de cote et d’aléatoire dans le but d’aider les thérapeutes à comprendre la différence entre une conception naïve de l’aléatoire et la nature réelle de ces phénomènes. Tableau 1. Événements aléatoires : conception naïve et nature réelle Conception naïve des événements aléatoires Nature réelle des événements aléatoires Les événements aléatoires sont « irréguliers, de façon constante ». Les événements aléatoires sont tout simplement irréguliers (incertitude fondamentale). On dit souvent des événements aléatoires qu’ils surviennent en groupes, p. ex., un groupe de gains ou de pertes. Les événements aléatoires s’égalisent. Les événements aléatoires ne s’égalisent pas inéluctablement, mais ils semblent parfois le faire, à mesure que s’accumulent les observations d’événements (loi des grands nombres). Un nombre qui n’est pas encore sorti est « en passe de sortir ». Si un tirage à pile ou face produit trop de faces, c’est que pile est « en passe de sortir ». Un nombre qui n’est pas encore sorti n’est jamais « en passe de sortir ». Les pièces de monnaie et les dés n’ont aucune mémoire (indépendance des événements). Après plusieurs pertes, un joueur est « en passe de gagner ». Un joueur n’est jamais « en passe de gagner » (ou de perdre). Dans la plupart des jeux, le passé ne nous apprend rien sur l’avenir (indépendance des événements). L’aléatoire présente des schémas. Les événements aléatoires semblent parfois présenter des schémas. Des coïncidences peuvent effectivement se produire (incertitude fondamentale). S’il semble y avoir des schémas, c’est que les événements ne sont pas aléatoires et sont donc prévisibles. Bien que des schémas apparents puissent se produire, ils ne prédisent pas des événements futurs. Les schémas qui se produisent dans les numéros passés de loterie ou de Roulette ne se reproduiront probablement pas (incertitude fondamentale). Si un système de pari, un porte-bonheur ou une superstition semblent fonctionner, c’est qu’ils fonctionnent réellement. Par le biais du hasard, les systèmes de pari, les porte-bonheur et les superstitions peuvent parfois donner l’impression de fonctionner, ce qui ne se reproduira probablement pas (incertitude fondamentale). Les événements aléatoires s’autocorrigent. Les événements aléatoires ne s’autocorrigent pas. Une longue suite de gains ou de pertes peut donner lieu à des résultats ordinaires, si bien que l’impact de cette suite diminue à mesure que s’accumulent les événements (loi des grands nombres ; régression vers la moyenne), mais il n’existe aucune force qui contraint les 5 nombres à s’égaliser. Si un nombre sort trop souvent, c’est qu’il y a un biais. Les biais véritables se produisent parfois (p. ex., équipement défectueux, dés pipés), mais le plus souvent un biais apparent n’est en réalité qu’un coup de hasard qui ne permet pas de prédire les événements futurs (incertitude fondamentale ; indépendance des événements). Un joueur peut obtenir un avantage en Rien n’est certain ; rien n’est « en passe de se cherchant ce qui est « en passe de se produire ». produire » (indépendance des événements). Probabilité, cote et hasard Définition de la probabilité Le terme probabilité désigne les chances que quelque chose se produise ; il s’agit d’une estimation de la fréquence moyenne relative d’un événement lors d’essais indépendants répétés. La fréquence relative se situe toujours entre 0% (l’événement ne se produit jamais) et 100% (l’événement se produit toujours). La probabilité est un outil qui permet de prédire la fréquence d’un événement mais non le moment exact où il se produira. La probabilité peut également être utilisée pour déterminer les conditions nécessaires à l’obtention de certains résultats ou les perspectives financières à long terme d’un jeu particulier et pour savoir s’il vaut la peine de participer à un jeu quelconque. La probabilité est souvent exprimée sous forme de cote, de fraction ou de fraction décimale (ou proportion). La probabilité et la cote sont des façons légèrement différentes de décrire les chances qu’a un joueur de gagner son pari. Probabilité La probabilité est une estimation des chances de gagner, divisée par le nombre total des chances (possibilités). Elle s’exprime par une fraction ordinaire (p. ex., ¼) un pourcentage (p. ex., 25%) ou une proportion entre 0 et 1 (p. ex., p = 0,25). Si un tirage comporte quatre billets et qu’un joueur possède un de ces billets, les probabilités qu’il gagne sont de 1 sur 4, ou ¼, ou 25%, ou encore p = 0,25. Cote La cote est le rapport entre les chances qu’a un joueur de perdre et ses chances de gagner, ou encore le rapport entre la fréquence moyenne des pertes et la fréquence moyenne des gains. Si un joueur possède 1 des 4 billets, la probabilité d’un gain est de 1 sur 4 mais la cote est de 6 3 à 1. Cela veut dire que le joueur a 3 chances de perdre et seulement 1 chance de gagner. Pour convertir la cote en une mesure de probabilité, on prend le nombre des chances de gagner comme numérateur et on le divise par le nombre total des chances (de gagner et de perdre). Par exemple, si la cote est de 4 à 1, la probabilité est de 1 / (1 + 4) = 1/5 ou 20%. Une cote de 1 à 1 (50%) s’appelle evens en anglais ; un gain de 1 pour 1 s’appelle even money (le montant du gain est égal au montant de l’enjeu). Les épidémiologistes se servent eux aussi de rapports de cotes pour décrire les risques de contracter une maladie (p. ex., un groupe de personnes peut avoir 2,5 fois plus de chances de contracter un cancer que le reste de la population). Dans les jeux de hasard, cote ne désigne que rarement les chances véritables de gagner. La plupart du temps, cote désigne une estimation subjective de la cote véritable plutôt qu’un calcul mathématique précis. En outre, la cote affichée par un hippodrome ou par un bookmaker n’est pas la cote véritable, mais bien la cote des gains. La cote véritable désigne les chances réelles de gagner, tandis que la cote des gains désigne le rapport des gains pour chaque pari. Un favori peut être coté à 2 contre 1 ; mathématiquement cela représente une probabilité de 33,3%, mais pratiquement parlant cela signifie que l’hippodrome estime que pour chaque pari de 1 $, un parieur gagnant recevra un paiement de 2 $. Un cheval médiocre (qui a de faibles chances de gagner) peut être coté à 18 contre 1 (une probabilité mathématique de 5,3%), mais cette cote ne reflète pas la probabilité que ce cheval gagne, elle signifie seulement que si le parieur gagne, on lui paiera 18 $ pour chaque tranche de 1 $. Lorsqu’un turfiste dit que « la cote est bonne », il veut dire essentiellement que la cote des gains compense la cote véritable (la probabilité que le cheval ne gagnera pas). La cote véritable d’un cheval est en fait une variable inconnue, mais le plus souvent, elle est plus forte (les chances de gagner sont plus faibles) que la cote des gains (p. ex., cote des gains = 3 à 1 ; cote véritable = 5 à 1). La cote affichée d’un cheval est en fait une surestimation de ses chances de gagner, ce qui permet à l’hippodrome de s’assurer qu’un parieur gagnant sera sous-payé. Résultats équiprobables La notion de résultats équiprobables est au centre du concept de probabilité (Stewart, 1989). Les probabilités pour chaque face d’un dé ou d’une pièce de monnaie sont égales. Le concept de probabilité ne semble toutefois pas toujours se rattacher uniquement à des événements équiprobables. Par exemple, une machine à sous peut donner des probabilités de 25% pour le symbole des barres et de 2% pour celui du double-diamant, ce qui, en fait, ne contredit pas l’idée de résultats équiprobables. Il faut plutôt comprendre les 25% comme signifiant 25 chances et les 2% comme signifiant 2 chances, pour un total de 27 chances sur 100. 7 Chacune de ces 27 chances est équiprobable. Autre exemple : lancer deux dés peut donner 36 résultats possibles : (1,1), (1,2), (1,3), (1,4), (1,5), (1,6), (2,1) . . . (6,6) ; chacune de ces combinaisons est équiprobable. Cependant, un joueur qui lance deux dés obtiendra très probablement un total de 7 parce qu’à partir de deux dés, il existe six combinaisons de chiffres qui font 7 : (1,6), (2,5), (3,4), (4,3), (5,2) et (6,1). Un joueur qui lance deux dés a le moins de chances d’obtenir un total de 2 ou de 12 parce qu’il n’existe qu’une seule combinaison de chiffres donnant 2 (1,1) et une seule combinaison donnant 12 (6,6). Indépendance des événements Une des hypothèses de base de la théorie des probabilités est que chaque événement est indépendant des autres événements. Autrement dit, les tirages précédents n’influent pas sur le tirage suivant. D’où l’adage populaire : « les dés n’ont pas de mémoire ». Un dé ou une bille de roulette ne peut pas « se rappeler » que le 6 est en passe de sortir, par exemple. Comment une pièce de monnaie peut-elle savoir qu’il est temps de tomber sur face après être tombée 20 fois sur pile ? Chaque événement étant indépendant, le joueur ne peut jamais prédire ce qui se passera. Si, sur cinq lancers, une pièce de monnaie tombe cinq fois sur face, au prochain lancer elle tombera soit sur face, soit sur pile. Qu’elle ait produit cinq faces n’affecte en rien le résultat du prochain tirage. Il faut prendre garde de ne pas confondre événement peu probable et événement impossible (consulter Turner, 1998, et « Stratégies de paris cumulatifs », Section 3.5 de Jeux et systèmes). En fait, si le résultat d’un tirage à pile ou face est vraiment aléatoire, il doit être possible que « face » sorte 1 million de fois de suite. Quoique extrêmement improbable (p = 1/21 000 000), un tel événement est possible. Et il est tout aussi probable, après 1 million de faces, que face sorte au tirage suivant. Beaucoup de gens croient néanmoins qu’une pièce de monnaie s’autocorrige ; si face sort « trop souvent », ils en déduisent que pile est en passe de sortir. Cependant, dans certains cas les événements aléatoires ne sont pas complètement indépendants, ce qui complique les choses. Par exemple, la composition d’un jeu de cartes change à mesure que certaines cartes sont tirées du jeu, avec pour résultat que la valeur des cartes suivantes est fonction de celles qui les ont précédées. Néanmoins, toutes les cartes qui restent dans le jeu demeurent équiprobables. Comme exemple, supposons qu’il reste six cartes dans un jeu : quatre 7 et deux 8. Il est deux fois plus probable qu’un 7 sorte qu’un 8, mais la probabilité d’une carte particulière, disons le 7 de pique, est égale à celle du 8 de carreau, par exemple. Abondance d’occasions Un autre aspect clé du calcul des probabilités est la prise en compte du nombre d’occasions d’un événement. Plus il y a d’occasions, plus il est probable qu’un événement se produise. 8 Plus un joueur de loterie achète de billets ou plus il le fait souvent, plus il a de chances de gagner. Par contre, plus on achète de billets, plus la perte attendue moyenne augmente. Si une personne achetait mille billets à la Lotto 6/49, elle aurait mille occasions de gagner, donc 1 chance sur 14 000 plutôt que 1 sur 14 millions. Le gain attendu étant toutefois presque toujours négatif, en moyenne un joueur perdra toujours de l’argent, peu importe le nombre de billets qu’il achète (consulter « Mains, billets ou paris multiples », Section 1.5 de Jeux et systèmes). Cela reste vrai, qu’un joueur achète plusieurs billets pour le même tirage ou qu’il achète un seul billet à chaque tirage. Augmenter le nombre d’occasions (p. ex., acheter davantage de billets de loterie ou de cartes de bingo, ou essayer davantage de machines à sous) a pour effet d’augmenter les chances de gagner du joueur, sans toutefois lui permettre de battre la cote. Combinaisons Nous abordons ici un dernier aspect de la probabilité : les chances que deux événements se produisent en même temps sont toujours inférieures aux chances qu’ils se produisent séparément. Un vendredi survient tous les 7 jours (1/7), et le 13e jour du mois survient une fois par mois (environ 1/30 en moyenne). Un vendredi 13 ne survient toutefois qu’environ une fois tous les 210 jours (7 x 30), soit une ou deux fois par an. Pour calculer la probabilité jointe de deux événements, il suffit de multiplier les probabilités de chacun des événements. Par exemple, les chances d’obtenir un 4 avec un seul dé sont de 1/6, ou 16,7%. Les chances d’obtenir un 4 deux fois de suite sont : 1/6 x 1/6 = 1/36 (2,78%). Les chances d’obtenir un 4 trois fois de suite sont : 1/6 x 1/6 x 1/6 = 1/216 (0,46%). Il est important de préciser, cependant, que la probabilité jointe de deux événements ne s’applique qu’aux événements qui ne se sont pas encore produits. Un événement qui s’est déjà produit a une probabilité de 100% puisqu’il est déjà survenu. Si le 4 sort aux deux derniers lancers, les chances de faire un autre 4 sont de 1/6, et non pas de 1/216, parce que la nouvelle formule est la suivante : 1 x 1 x 1/6, et non pas 1/6 x 1/6 x 1/6. Chaque événement est indépendant des autres. De plus, les chances que n’importe quel nombre sorte deux fois de suite sont de 1/6, et non pas de 1/36. Cela s’explique par le fait qu’il y a six façons possibles (occasions) d’obtenir le même numéro deux fois de suite : (1/6 x 1/6) x 6 = 6/36 = 1/6. Ce sont les aspects cumulatif et multiplicatif de la probabilité qui amènent les gens à surestimer leurs chances de gagner. Ils ont tendance à sous-estimer leurs chances d’obtenir un ou deux des mêmes symboles en jouant avec une machine à sous parce qu’ils ne prennent pas en compte le nombre d’occasions. Un certain nombre d’études ont révélé que les gens peuvent, avec l’expérience, apprendre inconsciemment ce qu’est la probabilité (Reber, 1993). Supposons qu’il y a 1 chance sur 32 d’obtenir un diamant pour chacune des trois bobines de 9 la machine. Les chances d’obtenir au moins un diamant sont de 3 (le nombre de bobines) x 1/32 = 9,4%. Autrement dit, le joueur tombera sur un diamant environ une fois tous les 10,6 tours. Mais ses chances d’avoir trois diamants sont de 1/32 x 1/32 x 1/32 = 1/ 32 768 = 0,003%. Comme un joueur voit de temps en temps un (9,4%) ou deux (0,3%) symboles gagnants sur la ligne de paie, il peut surestimer ses chances d’obtenir trois symboles « à gros gain ». Il est également probable qu’un joueur surestime encore plus ses chances de gagner parce qu’il voit défiler des symboles « à gros gain » à chaque tour des bobines ou qu’il les aperçoit juste au-dessus ou en dessous de la ligne de paie, ou parce que le mappage des bobines virtuelles entraîne une distorsion des chances apparentes, ou encore parce que les symboles « à gros gain » sont plus nombreux sur les deux premières bobines (voir Turner et Horbay, 2004). La loi de la moyenne et la loi des grands nombres Parmi les personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard, la croyance enracinée qu’il existe des schémas dans le hasard s’explique peut-être en partie par une mauvaise compréhension de deux « lois » statistiques apparentées : la loi de la moyenne et la loi des grands nombres. La première est une théorie statistique populaire et informelle ; la seconde est une loi statistique. Résumons ces deux lois comme suit : Loi de la moyenne : les événements s’égalisent avec le temps. Loi des grands nombres : à mesure qu’augmente la taille d’un échantillon, la moyenne des résultats se rapproche de la probabilité mathématique. La loi des grands nombres est une façon utile de comprendre les résultats de paris. En moyenne, une pièce de monnaie tombera sur face 50% du temps. Elle peut néanmoins tomber sur face 100% ou 0% du temps. Dans une petite série d’essais, une pièce peut facilement tomber sur face à chaque tirage. Toutefois, plus le nombre de tirages augmente, plus la moyenne se rapproche de 50%. Approximation informelle de la loi des grands nombres, la loi de la moyenne est problématique car elle amène souvent les gens à présumer que si un événement ne s’est pas encore produit, il est en passe de le faire. Par exemple, si une pièce de monnaie tombe sur face 10 fois de suite, un adepte des jeux de hasard pourrait s’attendre à ce que pile soit plus probable au prochain tirage puisque que les tirages doivent s’égaliser à 50%. Beaucoup de gens croient que toute déviation par rapport aux probabilités subit forcément une correction au gré des événements ultérieurs, et ils invoquent la loi de la moyenne pour justifier leur croyance. Turner, Wiebe, Falkowski-Ham, Kelly et Skinner (2005) ont constaté que 36% de la population générale pense qu’après 5 faces de suite, il est plus probable que pile sorte au 10 prochain tirage. La loi des grands nombres, par contre, indique seulement que la moyenne des résultats se rapproche de la moyenne vraie à mesure que croît le nombre d’observations. La moyenne ne subit pas de « correction » qui lui permettrait de refléter la moyenne attendue. La différence clé est l’attente. Après une série de 10 faces de suite, la loi de la moyenne prévoit que davantage de piles devraient survenir pour que la moyenne s’égalise. La loi des grands nombres, quant à elle, indique seulement qu’après un nombre d’essais suffisamment grand, une série de 10 faces est sans rapport statistiquement et que la moyenne se rapproche de la probabilité mathématique. Certaines personnes acceptent l’idée que la moyenne mesurée reflétera, à long terme, le pourcentage de probabilité ; mais après une série de tirages à pile ou face qui commencent par une suite ininterrompue de faces, elles s’attendent toujours à ce que, par la suite, pile sorte plus souvent au cours d’un million de tirages pour que la moyenne mesurée se rapproche de 50%. Une certaine personne a maintenu qu’il devait y avoir un « biais » en faveur de pile pour que la moyenne revienne à 50%. C’est faux. Selon la loi des grands nombres, ce n’est pas le nombre de lancers qui fait que la moyenne se rapproche du pourcentage de probabilité, mais bien le nombre moyen de lancers. Supposons qu’après avoir obtenu 10 faces de suite, nous effectuons 1 million de tirages de plus. L’écart de 10 disparaît-il ? Non. En fait, après 1 million de tirages, il peut y avoir un écart aussi grand que 1 000 ou 2 000 entre le nombre de piles et le nombre de faces. Même un écart de 9 000 s’égaliserait à 50% après 1 million de tirages. Par conséquent, une personne ne peut pas obtenir un avantage au jeu en se servant de déviations par rapport à la moyenne attendue. Il est important de comprendre que cette « loi » n’est en réalité qu’un résumé de ce qui, la plupart du temps, est observé dans de grandes séries (en théorie, des séries infinies) d’événements. Cette « loi » ne prédit absolument pas ce qui se passera ensuite ou ce qui se passera en toute probabilité. Supposons que dans un jeu de pile ou face, les 10 premiers tirages donnent les résultats suivants : P, F, F, F, P, F, P, F, F, F (20% pile, 80% face). Si les 40 prochains tirages donnent 19 piles et 21 faces (47,5% pile et 52,5% face), après 50 tirages le pourcentage cumulatif de piles aura augmenté de 20% à 42%—et ce, en dépit du nombre toujours supérieur de faces. Soit dit en passant, un joueur ayant parié 1 $ sur pile à chacun des 40 tirages en pensant que pile était « en passe de sortir » aurait perdu 2 $. La moyenne des résultats se rapproche de la moyenne attendue, mais ne se corrige pas. Illustrons en comparant les Schémas 1 et 2. Le Schéma 1 montre le pourcentage de piles et de faces sur de nombreux tirages à pile ou face, tandis que le Schéma 2 montre le nombre de piles et de faces. Dans le Schéma 1, il est clair que le rapport de piles à faces se rapproche d’une moyenne de 50% à mesure qu’augmente le nombre de tirages. Cependant, le Schéma 2 11 indique que le nombre même de piles et de faces ne converge pas ; en fait, plus il y a de tirages, plus la ligne qui représente l’équilibre entre pile et face dévie par rapport à 0. Parfois, la ligne monte (davantage de « faces »), parfois elle tombe (davantage de « piles »). Beaucoup de personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard saisissent l’idée que la moyenne se rapproche de 50% (Schéma 1), mais croient à tort que le nombre de piles et de faces se rapproche, lui aussi, de la moyenne. La ligne grasse dans les deux schémas représente une pièce de monnaie qui, au début, tombe davantage sur face que sur pile. Remarquez que même si la moyenne se rapproche de 50% (Schéma 1), la ligne qui représente l’équilibre face-pile continue à dévier vers le haut, s’éloignant de la moyenne (Schéma 2). Schéma 1. Pourcentage de piles et de faces sur un nombre croissant de tirages à « pile ou face ». Le pourcentage de piles et de faces converge sur la moyenne. All heads = 100% faces All tails = 100% piles 12 Increasing number of coin tosses = Nombre croissant de tirages 13 Schéma 2. Répartition pile-face sur un nombre croissant de tirages à « pile ou face ». Le nombre de piles et le nombre de faces ne convergent pas sur la moyenne mais s’en écarte. Maximum possible number of heads = Nombre possible maximal de faces Maximum possible number of tails = Nombre possible maximal de piles Increasing number of coin tosses = Nombre croissant de tirages 14 Événements aléatoires Les jeux de hasard se composent de séries d’événements impossibles à prédire. Dans un jeu de pile ou face non biaisé, la pièce tombera soit sur pile, soit sur face, et les deux résultats seront de probabilité égale ; on ne peut guère prédire mieux. Un grand nombre de croyances et « systèmes » entretenus par les adeptes des jeux de hasard se fondent sur une fausse conception de la nature des événements aléatoires. Il est donc utile d’examiner plus en détail ce que l’on entend essentiellement par « événement aléatoire ». L’aléatoire est difficile à définir. Les événements aléatoires sont imprévisibles, changeants, imprévus et indépendants l’un de l’autre. Toutefois, ils semblent parfois former des schémas ou avoir une fonction. Par exemple, il existe certaines régions du ciel, la nuit, comme le Baudrier d'Orion, où les étoiles donnent l’impression de former une ligne droite. Si suffisamment d’occasions se présentent, n’importe quel schéma peut se former par le seul jeu du hasard. Par exemple, un nombre infini de singes peuvent fort bien, en jouant avec des machines à écrire, produire les oeuvres complètes de Shakespeare. Bien que les événements aléatoires semblent se produire sans règle ou cause précise, ils sont en fait le résultat d’une cause matérielle (p. ex., la pesanteur et la friction). Or, il est peut-être impossible de savoir avec précision quelles sont les forces qui agissent sur un générateur de nombres aléatoires (p. ex., un dé). Il arrive qu’un client pense que le hasard n’existe pas et donc qu’il est possible de prédire le résultat d’un jeu. D’autres personnes croient que les événements aléatoires surviennent tout simplement, sans cause. Une telle croyance peut conférer aux événements aléatoires un aspect plutôt mystérieux. Chose intéressante, de nombreuses religions se sont servi d’événements aléatoires dans le cadre de leurs rites pour deviner la volonté des dieux (Gabriel, 2003). Les événements aléatoires n’ont rien de mystérieux. Tout événement physique est déterminé ou causé par quelque chose. Les générateurs d'aléas, comme les boules de bingo, les plateaux de roulette et les dés, utilisent les lois physiques pour maximiser le degré d’incertitude. Les événements pseudo-aléatoires se basent tous sur la combinaison de deux éléments : l’incertitude initiale et les relations complexes ou non linéaires. L’incertitude est tout simplement le fait de ne pas connaître avec une précision absolue la valeur de certaines variables. L’incertitude fait partie intégrale du mesurage ; rien n’est jamais certain à 100%. La vitesse d’une voiture roulant à 70 kilomètres par heure avec régulateur de vitesse variera de 1 à 2 kilomètres par heure (ou plus sur une route vallonnée). Il y a donc un certain degré d’incertitude quant à la vitesse exacte de la voiture à un moment donné. Orkin (2000) illustre ce problème en posant la question suivante : « Combien de poissons ont une 15 taille exacte de 12 pouces ? » Supposons que les poissons d’une certaine espèce mesurent d’habitude 12 pouces. Cette mesure n’est qu’une approximation pour l’espèce entière. Si un certain poisson de cette espèce mesure 12,000001 pouces, il ne fait pas exactement 12 pouces. Il est impossible de mesurer quelque chose avec une précision telle qu’on puisse éliminer l’incertitude. Dans une relation complexe ou non linéaire, un léger changement dans une variable d'entrée entraîne un changement imprévisible, parfois grand, parfois léger, dans le résultat. Par exemple, il existe une relation non linéaire entre la caféine et le rendement. Une quantité trop faible de caféine peut ne pas aider une personne à rester éveillée ; une quantité trop forte peut la rendre agitée et incapable de se concentrer sur sa tâche. Supposons qu’un chercheur veut connaître l’effet de la caféine sur le rendement d’une personne pour une tâche particulière. Dans ce cas, les facteurs d’incertitude initiale seraient, par exemple, le nombre d’heures de sommeil qu’a eues la personne la veille de l’étude, le nombre de tasses de café qu’elle a bues le matin de l’étude et la quantité de café qu’elle consomme normalement par jour (son niveau de tolérance). Si le chercheur ne fait aucun effort pour prendre en compte ces facteurs, l’incertitude combinée à l’effet non linéaire de la caféine peut produire des résultats de tests chaotiques. Au cours des 30 dernières années, les physiciens et les mathématiciens se sont rendu compte que « des différences minuscules dans les variables d'entrée peuvent se transformer rapidement en différences énormes dans les variables de sortie » (Gleick, 1987, p. 8). Le terme chaos décrit les effets imprévisibles liés à de petits changements qui se produisent dans un système complexe (Gleick, 1987). Par exemple, étant donné des conditions météorologiques identiques, le battement des ailes d’un papillon peut faire la différence, une semaine plus tard, entre un orage et une journée ensoleillée. Il s’agit là d’une exagération quelque peu romantique du concept de chaos, car il est peu probable qu’un papillon puisse avoir un effet si total. Cependant, lorsqu’à la complexité s’ajoute l’incertitude, les résultats peuvent être complètement imprévisibles. Bien que cela puisse sembler improbable, les physiciens ont découvert que de petits changements apportés aux conditions initiales de certains modèles climatiques se répercutent de façon imprévisible à cause de la complexité du système. Les événements aléatoires véritables résultent du chaos, mais un grand nombre de schémas chaotiques ne sont pas suffisamment aléatoires pour être utilisés dans un jeu de casino. Du point de vue d’un joueur, le problème est que le degré de précision dont il aurait besoin pour déterminer les conditions initiales d’un jeu et lui permettre d’en prédire les résultats dépasse ses capacités. Autrement dit, à moins que le joueur puisse régler ou mesurer la vitesse 16 de la bille de roulette et du plateau où roule la bille, il ne peut prédire exactement où tombera cette dernière (Stewart, 1989). Vers la fin des années 1970, un groupe d’étudiants en ingénierie et en informatique de l’Université Stanford ont tenté de battre une roulette en utilisant un ordinateur dissimulé (Bass, 1985). Bien que possible en théorie, leur plan a finalement échoué à cause des difficultés pratiques et juridiques et des problèmes de sécurité que posait la dissimulation d’un ordinateur à l’intérieur d’une chaussure. Il est illégal d’utiliser un ordinateur dissimulé pour prédire le résultat d’un jeu de casino. En résumé, les événements aléatoires résultent de l’interaction chaotique de l’incertitude et de la complexité. D’où la question : « Existe-t-il réellement des événements aléatoires ? » Si la réponse est négative, il devrait sûrement être possible de prédire le résultat d’événements soi-disant aléatoires ! Au contraire, il faut reconnaître que le chaos déterministe arrive très bien à engendrer des événements aléatoires. La quantité d’information dont un joueur aurait besoin pour obtenir un avantage aux jeux de hasard est souvent très large. Par exemple, aucun dé n’est parfaitement cubique, ce qui entraîne un léger biais. Or, le biais introduit par une paire de dés de casino peut ne pas se manifester avant que plusieurs milliers de paris aient été placés, et, de toute façon, ce biais serait probablement trop petit pour permettre à un joueur de gagner. Donc, bien qu’en théorie rien ne soit complètement aléatoire, en pratique un grand nombre de jeux produisent des événements indifférenciables de l’aléatoire pur. Générer des événements aléatoires La question « Qu’est-ce qui est aléatoire ? » passe du théorique au pratique lorsqu’il s’agit de savoir comment se produisent les événements qui sous-tendent la plupart des jeux de hasard. L’aléatoire devrait être vu comme un idéal qui n’existe jamais vraiment en pratique. Cependant, les dispositifs de jeu qu’utilisent les casinos exploitent au maximum le facteur de l’incertitude, et leurs résultats se rapprochent suffisamment de phénomènes réellement aléatoires pour qu’on puisse les qualifier comme tels. Roulette La roulette est une « machine à hasard » très efficace. La non-linéarité est assurée en combinant friction, pesanteur, mouvement centrifuge, protubérances et obstacles. Ce degré de complexité est amplifié de beaucoup par le fait que la roue intérieure tourne en sens inverse de la bille lancée par le croupier. Un degré d’incertitude initiale est introduit dans le jeu par la vitesse de la roue au départ, la vitesse de la bille, la position exacte de la bille par rapport à la roue, le poids et l’élasticité de la bille, ainsi que la pression atmosphérique et l’humidité. Le résultat d’un tour de roulette serait entièrement prévisible si le croupier lançait chaque fois la bille avec la même force, à partir de la même position, et si la vitesse de la roue ainsi que 17 toute autre condition environnementale étaient absolument constantes. En pratique, cela est impossible ; toutefois, certains croupiers peuvent apparemment lancer la bille avec suffisamment de précision pour qu’elle tombe sur une section particulière de la roue (Bass, 1985). Par conséquent, certains casinos exigent que le croupier détourne son regard de la roue lorsqu’il lance la bille. Dés La clé du caractère aléatoire des jeux de dés est la combinaison de surfaces plates et de rebords aigus, auxquels s’ajoute le roulement même des dés, ce qui rend difficile une prédiction des résultats d’un lancer. De plus, suivant les règles de jeux de dés des maisons de jeux, pour qu’un lancer soit valable, les dés doivent se heurter à un obstacle sur le rebord opposé de la table de jeu, ce qui rend impossible une manipulation du résultat du lancer. Les dés dont on se sert dans les jeux de société sont souvent percés de petits trous pour marquer les numéros. La face du dé qui porte le numéro 6 est donc plus légère que la face opposée, le numéro 1, qui n’a qu’un seul trou. D’où le léger biais (de 1 à 2%) qui fait que le 6 et le 5 sortiront un peu plus souvent que les numéros des faces opposées (le 1 et le 2, respectivement). De plus, les dés de certains jeux de société qu’ont examinés les auteurs du présent ouvrage ne sont pas parfaitement carrés et comportent donc d’autres biais. Cependant, les dés de casinos ont des faces plates, démunies de trous, sont fabriqués de manière à s’assurer qu’ils sont exactement carrés et subissent également des tests réguliers d’équilibre dans les casinos. Le biais présenté par les dés dont se servent les gens chez eux peut être à l’origine de la croyance qui veut que lancer les dés énergiquement donne de meilleurs résultats, parce qu’un biais apparaîtra plus souvent lorsque les dés sont jetés avec beaucoup de vigueur. Bingo et loteries Pour que les résultats de bingo et de loterie restent aléatoires, les boules sont contenues dans un espace clos et sont mises en mouvement par l’air ou par le roulement des bouliers. On peut faire rebondir les boules encore davantage à l’aide d’un ressort placé au fond du boulier de bingo. Le boulier peut être en plastique ou en forme de grillage, sa nature assurant davantage de variation et augmentant le caractère aléatoire du jeu. Le numéro de chaque boule de bingo étant encastré dans la boule même, il n’existe ni poids différentiel ni traînée différentielle, ce qui empêche qu’une boule particulière ait plus de chances de sortir qu’une autre. Bien que les boules puissent être insérées dans le même ordre, leur mouvement aléatoire est assuré par des variations minuscules dans leur position initiale, la pression atmosphérique, la présence de poussières ou de fumée ambiantes, l’humidité, ainsi que dans le minutage du processus de 18 sélection des boules. On peut obtenir, en outre, un degré considérable de complexité grâce à l’agitation provenant d’un jet d’air ou à un effet de roulement. Cartes Il se peut que les cartes soient la « machine à hasard » la moins efficace parmi celles qui existent actuellement. Donner un caractère aléatoire à un jeu de cartes est un processus en deux étapes : battre les cartes, ce qui les mélange (complexité), puis couper le jeu en deux, ce qui assure un degré d’incertitude quant au mélange des cartes. On utilise également la technique qui consiste à étaler les cartes sur la table, faces cachées, puis à les mélanger pour augmenter le caractère aléatoire. Pour la plupart des « machines à hasard », les résultats passés ne peuvent pas affecter le résultat du prochain tirage. Cependant, parce que les cartes sont tirées à partir d’un jeu limité, chaque tirage influe sur les probabilités de la carte suivante. Par exemple, si 3 as sur 4 sont déjà sortis du jeu, les chances qu’un as sorte au prochain tirage sont très faibles. Par conséquent, un joueur de Blackjack habile peut gagner en comptant les cartes (Thorpe, 1966). La majorité des gens se sont initiés aux jeux de cartes chez eux, d’où, peut-être, la croyance très répandue que les événements aléatoires s’autocorrigent, puisque dans un jeu de cartes, dans une certaine mesure, il est vrai que les cartes s’autocorrigent. Il faut environ sept battages complets des cartes pour assurer le caractère aléatoire d’un jeu (Patterson, 1990), mais étant donné que certains jeux comme le Blackjack et le Baccara impliquent souvent l’utilisation simultanée de six jeux de cartes ou plus, la plupart des casinos n’ont pas le temps de rendre leurs jeux de cartes complètement aléatoires. D’où l’apparition du système de « suivi du battage de cartes » (shuffle tracking), variante du comptage de cartes (Patterson, 1990). Des progrès récents en informatique ont permis la création de batteurs de cartes automatisés qui se servent d’un générateur de nombres aléatoires pour déterminer comment couper et arranger un jeu de cartes. Par exemple, après chaque tour au Blackjack, un dispositif géré par ordinateur réinsère « au hasard » chaque carte tirée dans la pile des cartes inutilisées pour que le croupier n’ait pas à battre les cartes. Événements aléatoires générés par ordinateur Les jeux sur ordinateur comme les jeux vidéo, les machines à sous électroniques et les appareils de loterie vidéo (ALV) utilisent une formule mathématique complexe, une itération de congruence linéaire, pour produire des événements pseudo-aléatoires. Cette formule utilise à maintes reprises trois nombres très grands, A, B et M, ainsi qu’une « graine » (seed en anglais, un nombre employé pour produire une suite pseudo-aléatoire) dont la valeur change 19 avec le temps. La formule fournit un degré de complexité, tandis que la graine fournit un degré d’incertitude. Ce système fonctionne en six étapes : 1. On obtient généralement la « graine » à l’aide de l’horloge d’un ordinateur. 2. La graine est multipliée par un nombre très grand (A). 3. Le résultat de l’étape 2 est ajouté à un autre nombre très grand (B). 4. Le résultat de l’étape 2 est ensuite divisé par un troisième nombre premier très grand (M). 5. Ce qui « reste » après l’étape 4 est le premier nombre pseudo-aléatoire de la série, que l’on convertit ensuite en échelle selon le programme en question, p. ex., un numéro entre 1 et 32 (ce qui correspond au nombre de symboles sur une machine à sous). Ce « reste » sert également de graine au prochain cycle. 6. Le cycle se répète au besoin. Parce que ces nombres sont générés par une formule, ils ne peuvent être considérés comme des nombres aléatoires et sont donc appelés « pseudo-aléatoires ». Une série de nombres pseudo-aléatoires se distingue toutefois difficilement d’une série de nombres résultant du hasard pur. Comme les « machines à hasard » mécaniques, la plupart des générateurs de nombres aléatoires électroniques sont adéquats pour les besoins pratiques. Une série de nombres générés par l’algorithme est fonction de la valeur de M. Si M égale 4,1 milliards, après la production de 4,1 milliards de nombres, la série se répétera exactement dans le même ordre. À raison de 25 cents le tour et d’un pourcentage de gain de 90%, il faudrait jusqu’à 36 millions de dollars de paris pour pouvoir suivre la série entière. Comme nous l’avons dit plus haut, pour avoir un caractère aléatoire, un système doit comporter non seulement la non-linéarité mais aussi l’incertitude. Une machine à sous fournit un degré d’incertitude de deux façons : premièrement, la « graine » introduit une fonction temporelle dans la séquence de nombres, si bien que cette dernière diffère selon l’heure à laquelle un joueur active l’ordinateur de la machine. Deuxièmement, le générateur de nombres aléatoires d’une machine à sous fonctionne sans arrêt mais la formule ne génère de nombre que lorsque le joueur appuie sur le bouton ou levier de jeu (spin button). Donc, les nombres générés dépendent de la milliseconde exacte à laquelle le joueur appuie sur le bouton de jeu. Une milliseconde de plus, et le résultat serait différent. Ainsi, les résultats de la machine à sous sont aléatoires et il est impossible d’attendre qu’un cycle se répète. Les jeux en tant que systèmes complexes Il peut être difficile de concevoir les sports comme des processus aléatoires, mais tout comme les jeux de dés, les tirages à pile ou face et les programmes d’ordinateur, les sports sont en grande partie régis par les règles du hasard. Comment une personne peut-elle devenir un 20 élément d’un système de génération de nombres aléatoires ? D’abord, tout sport est un système complexe. Pour être bon dans un sport particulier, il faut cumuler un grand nombre d’actions physiques qui, combinées, entraînent un degré considérable de complexité. Deuxièmement, de nombreux éléments d’un sport impliquent des résultats aléatoires. Un joueur de baseball très habile peut ne frapper la balle que 30% du temps ou peut ne capter de balle frappée en chandelle (fly-ball) que 80% du temps. Troisièmement, le degré d’incertitude du système s’accroît avec la présence des facteurs suivants : blessures, santé et niveau de stress des joueurs ; assortiment des équipes ; conditions météorologiques ; heure ; cris des supporteurs dans les tribunes ; et même, oiseaux qui peuvent se poser sur le terrain de baseball. Quatrièmement, dans la plupart des cas, la différence entre les équipes professionnelles est en fait très petite : même la pire équipe de baseball des ligues majeures arrive, à l’occasion, à vaincre la meilleure équipe. Pourtant, un sport n’en reste pas moins un processus partiellement aléatoire. Si une personne qui s’adonne aux jeux de hasard n’avait qu’à choisir la meilleure équipe pour gagner, la plupart du temps elle gagnerait simplement en pariant sur l’équipe favorite. Malheureusement, cette perspective est éliminée par la façon dont les hippodromes et les bookmakers travaillent. Aux courses de chevaux, l’hippodrome prélève un montant (17%) sur le pool des paris, puis distribue le reste aux parieurs gagnants. Le processus chaotique d’un pool élimine essentiellement la capacité différentielle des chevaux. Un cheval qui a de meilleures chances de gagner attire davantage de paris, ce qui réduit le montant qui reviendrait à chaque personne qui a parié sur ce cheval. Dans les paris sportifs, le bookmaker estime l’écart de points entre l’équipe gagnante et les autres équipes. Un parieur ne gagne que si l’équipe qu’il a choisie « couvre l’écart de points ». Les lignes d’argent et les cotes, produits d’estimations subjectives, éliminent pratiquement le rôle d’une équipe ou la capacité d’un cheval dans le résultat d’un pari (pour de plus amples renseignements sur les paris sportifs et les paris sur jeux d’adresse, consulter « Jeux de probabilité subjective », Section 7 de Jeux et systèmes) Pourquoi voyons-nous des schémas dans les séquences d’événements aléatoires ? Nous avons entamé le présent chapitre avec un tableau illustrant le contraste entre ce que pensent les gens des événements aléatoires et ce que sont en réalité les événements aléatoires. Nous abordons à présent certaines des raisons pour lesquelles les gens entretiennent ces idées fausses. De nombreuses recherches tendent à prouver que la plupart des gens, même ceux qui comprennent que tout résultat d’une série de tirages à pile ou face non-biaisés est une séquence aléatoire, font des erreurs de jugement en ce qui concerne les séquences aléatoires. 21 La présente section fournit quelques explications possibles de cette tendance. Nous mettons l’accent non pas sur les croyances superstitieuses, mais sur certains processus cognitifs et certaines expériences qui peuvent amener une personne à entretenir ces idées fausses. Pour une étude plus approfondie des idées fausses sur les jeux de hasard, consulter Wagenaar (1988), Ladouceur et Walker (1996), Kahneman et Tversky (1982), Toneatto (1999), ainsi que Toneatto, Blitz-Miller, Calderwood, Dragonetti et Tsanos (1997). On pense souvent qu’une séquence de tirages à pile ou face comme F, F, F, F, F, F est moins aléatoire que la séquence F, P, F, F, P, F, même si la probabilité de chacune est identique : 1/2 x 1/2 x 1/2 x 1/2 x 1/2 x 1/2 = 0,015625. Remarquez qu’il s’agit bien de la probabilité d’une séquence particulière, et non pas de la probabilité d’une deuxième séquence identique. Kahneman et Tversky (1982) appellent cette tendance de pensée l’heuristique de représentativité. Les gens qui pensent à tort que cette première séquence est moins aléatoire calculent souvent la probabilité de six « faces » consécutives comparativement à toutes les séquences possibles. La plupart des séquences aléatoires de pile et face ne comportent pas de schéma facilement reconnaissable, ce qui tend à renforcer la croyance qu’une série de six faces est moins probable. Or, n’importe quelle combinaison arbitraire de pile et de face a exactement les mêmes chances de se produire que tout autre combinaison. Autre facteur qui contribue à cette erreur de pensée : il n’y a qu’un seul moyen possible d’obtenir 6 faces et un seul moyen possible d’obtenir 6 piles, tandis qu’il y a 64 résultats possibles pour six lancers d’une pièce de monnaie, dont 20 qui donnent exactement 50% de face (p. ex., F, P, P, P, F, F ou F, P, F, F, P, P). D’où l’illusion que les combinaisons qui « semblent aléatoires » sont plus probables que d’autres. En réalité, toute combinaison particulière (p. ex., F, P, P, P, F, F) est aussi probable que F, F, F, F, F, F. La deuxième raison pour laquelle les gens comprennent mal l’aléatoire est la confusion qui subsiste entre la façon dont on utilise le mot « aléatoire » dans la conversation courante et la façon dont on l’utilise en statistique et en mathématique. Selon le dictionnaire en ligne Merriam-Webster (http://www.m-w.com/cgi-bin/dictionary), la signification la plus courante de l’adjectif anglais random (aléatoire) est « sans plan, but ou schéma précis ». Le MerriamWebster inclut le mot haphazard comme synonyme de random. Si l’on se fie uniquement à l’apparence, une séquence de 6 faces de suite peut donner l’impression de fonctionner selon un schéma. La théorie des probabilités porte toutefois sur la façon dont se produisent les événements d’une séquence, et non pas sur leur apparence, une fois produits. La troisième raison d’une mauvaise compréhension de l’aléatoire est la tendance du cerveau humain à « signaler sélectivement » certains événements comme étant significatifs, tout en laissant de côté d’autres événements, voisins, qui peuvent fournir un contexte aux événements 22 choisis et aider à évaluer la probabilité d’un schéma perçu. Les événements frappants ou de grande envergure sont plus faciles à se remémorer. Par exemple, nous nous souvenons des accidents d’avion parce que les médias en parlent beaucoup, mais nous ne tenons pas compte des vols sans incidents. À cause des accidents d’avion occasionnels dont les médias ont beaucoup parlé, de nombreuses personnes ont peur de prendre l’avion, en dépit du fait que les accidents d’avion sont beaucoup plus rares que les accidents de voiture. Kahneman et Tversky (1982) appellent cette tendance de pensée l’heuristique de représentativité. Il existe également une tendance connexe selon laquelle les gens sous-estiment les chances que des nombres, des séquences ou des événements rares répétés se produisent par hasard pur. Le problème de base est que, ne tenant pas compte du nombre d’occasions qu’a un événement de se produire, les gens sont souvent surpris lorsque le hasard produit des coïncidences. Par exemple, dans une classe de 35 étudiants, on peut supposer que les chances que deux personnes aient le même anniversaire soient très petites, disons 1 sur 365, ou peut-être 35 sur 365 (Arnold, 1978). La probabilité réelle qu’au moins deux personnes aient la même date d’anniversaire se rapproche de 100% parce qu’il existe (35 x 34) / 2 = 595 combinaisons possibles de personnes dans cette classe. Les combinaisons possibles de personnes étant plus nombreuses (595) que le nombre de jours dans l’année (365), les chances qu’au moins deux d’entre elles aient le même anniversaire sont curieusement élevées. Le cerveau humain est prédisposé à repérer des schémas, et non pas à ne pas en tenir compte. Certains ont avancé l’argument que les êtres humains ont développé cette capacité de repérer des schémas parce que leur survie, jadis, en dépendait souvent. Par exemple, une personne qui est perdue dans la jungle et qui distingue tout à coup, dans l’ombre des arbres, des rayures claires et sombres ferait bien de présumer qu’il s’agit d’un tigre et d’agir en conséquence. Les conséquences de présumer à tort qu’il ne s’agit pas d’un tigre l’emportent de loin sur les conséquences de présumer à tort qu’il s’agit d’un tigre. Mais lorsqu’elle est appliquée à des événements aléatoires, cette compétence de survie peut induire en erreur. Certaines erreurs peuvent résulter de la façon dont les statistiques sont disséminées. Universitaires, journalistes, annonceurs et autres énoncent souvent les statistiques à l’aide d’expressions comme « 1 sur 10 » ou « 1 mort toutes les 25 secondes ». Ces énoncés peuvent donner l’impression que les événements en question se produisent de façon régulière. En nous basant sur notre expérience, nous concevons logiquement des règles générales. Si notre expérience est limitée, il peut nous arriver de concevoir la mauvaise règle. Un événement fortuit peut nous amener à nourrir de fausses attentes. En conséquence, un gain de débutant ou un gain survenu à la suite d’un événement sans rapport peut encourager une personne à formuler une règle générale erronée. Par exemple, une joueuse de bingo nous a 23 signalé qu’elle s’apprêtait un jour à acheter son livret de bingo quand quelque chose l’a interrompue. Plus tard, elle est revenue acheter son livret et, par la suite, elle a gagné. Désormais, elle suit un rituel selon lequel elle retourne à l’arrière de la file si elle sent que ses numéros ne sont pas « bons », et elle signale que son système a fonctionné à au moins une reprise. Notre raisonnement humain naturel a tendance à présumer qu’une hypothèse est réversible. En d’autres termes, si l’on pose en principe que tous les X égalent Y et que tous les Y égalent Z, la conclusion correcte est que tous les X égalent Z. Cependant, les gens ont tendance à présumer que tous les Z doivent donc égaler X. C’est en fait faux. Tout ce dont on peut être certain, c’est que certains Z égalent X, mais que de nombreux Z peuvent ne pas égaler X. Cette « erreur de conversion » est courante et crée toutes sortes de problèmes (Johnson-Laird, 1983). Même les personnes très instruites font souvent des erreurs de conversion. La faille principale dans la loi de la moyenne est la conversion de la prémisse correcte « les nombres de piles et les nombres de faces s’égalisent à long terme » en la fausse conclusion : « puisque les nombres de piles et les nombres de faces s’égalisent à long terme, je devrais gagner si je parie sur pile ». Les personnes qui s’adonnent aux jeux de hasard croient souvent que les événements aléatoires s’autocorrigent, peut-être parce que leurs expériences semblent confirmer leurs croyances. Le phénomène de la « régression vers la moyenne », étroitement lié à la loi des grands nombres, veut que les résultats exceptionnels (p. ex., des scores très élevés ou très bas) soient très probablement suivis de scores qui se rapprochent de la moyenne. Exemple : un homme très grand aura probablement un fils plus petit que lui, et non pas plus grand. Certes, il est vrai qu’un homme de grande taille a davantage de chances d’avoir un fils de grande taille que d’en avoir un de petite taille, parce que la taille est en partie fonction des gènes. Mais les facteurs aléatoires qui influent sur la taille (recombinaison des gènes des deux parents, nutrition, accidents, maladies, etc.) auront tendance à réduire l’écart entre la taille du fils et la taille moyenne de la population générale. La vérité est que, par pur hasard, il est plus facile de se rapprocher de la moyenne que de s’en éloigner. Prenons un exemple dans le monde des jeux de hasard. Supposons qu’après avoir lancé une pièce de monnaie 100 fois, nous obtenons face 80% du temps. Après 100 autres tirages, le résultat net se rapprochera probablement de 50% de face, plutôt que de rester à 80% ou d’augmenter à 90%. Mais il est important de comprendre qu’une régression vers la moyenne n’est pas inéluctable : dans notre premier exemple, le fils peut bien être plus grand que le père ; et les 100 prochains tirages à pile ou face peuvent tous donner face. Mais il est plus probable que la taille du fils ou que le nombre de piles et de faces se rapprochent de la 24 moyenne, parce que la moyenne est le résultat le plus probable. Dans le contexte des jeux de hasard, une régression vers la moyenne peut produire l’illusion que les événements aléatoires « s’égalisent ». Les événements inhabituels (de longues séries de pertes ou de gains) semblent subir une correction avec le temps. En fait, ils ne subissent aucune correction ; ils se diluent. La moyenne des résultats se rapproche d’elle-même de la moyenne vraie ; elle n’y est aucunement « poussée ». L’expérience, d’événement en événement, donne toutefois l’illusion que la moyenne est poussée par une force quelconque. Augmenter une mise aide également à convaincre certains joueurs que les événements aléatoires s’autocorrigent car la stratégie de « courir après ses pertes » fonctionne. En effet, doubler une mise après une perte augmente curieusement les chances de gagner. Mais, une fois de plus, le fondement de cette stratégie est la loi de la moyenne. Comme les gens s’attendent à ce que les événements aléatoires s’autocorrigent, doubler une mise après une perte peut leur sembler une bonne stratégie d’investissement. Les stratégies de paris cumulatifs donnent l’impression de « bousculer » les événements aléatoires, si bien que ces derniers ne semblent plus aléatoires (Turner et Horbay, 2003). Turner (1998) a démontré que la stratégie de doubler une mise donnerait de bons résultats si les événements aléatoires s’autocorrigaient. Le chapitre Jeux et systèmes aborde en détail ce système de pari et ses failles. Il convient de noter ici que la plupart du temps, doubler une mise semble fonctionner, ce qui renforce l’idée selon laquelle les événements aléatoires s’autocorrigent. Ce système entraîne généralement une très lente accumulation d’argent. En fin de compte, un joueur se heurte toutefois à de désastreuses séries de pertes. En terminant, une autre raison pour laquelle les gens font des erreurs de jugement quant aux événements aléatoires est que le cerveau a tendance à segmenter les événements de façon à les faire correspondre aux attentes. Dans un tirage à pile ou face qui donne la séquence F, F, F, F, P, F, F, F, P, P, P, P, F, une personne aura probablement tendance à diviser cette séquence en deux : un segment dans lequel F domine (F, F, F, F, P, F, F, F) et un autre segment dans lequel P domine (P, P, P, P, F). Les commentateurs de sports utilisent très souvent ce genre de processus de segmentation (p. ex., « Les Blue Jays ont remporté 5 de leurs 6 derniers matchs » ou « Ce joueur s’est fait retirer 11 fois sur 15 présences au bâton »). En segmentant la séquence de piles et faces de cette manière, il est très facile de se convaincre soi-même que pile est survenu plus souvent pour corriger le nombre excessif de faces. Comme nous l’avons noté plus haut, notre cerveau est prédisposé à repérer des schémas, et non pas à ne pas en tenir compte. 25 Résumé Les expériences d’une personne qui s’adonne aux jeux de hasard recèlent d’importants indices sur ses fausses croyances. Bien qu’aborder les fausses croyances ne suffise probablement pas en soi comme traitement, explorer ces croyances peut s’avérer un outil important pour aider le client à comprendre ses expériences de jeu—tant ses gains que ses pertes. Corriger ces croyances peut également aider à prévenir les rechutes. Si une personne atteinte d’un problème de jeu persiste à croire qu’elle peut battre la cote, il y a de fortes chances qu’elle essaiera de nouveau de le faire. Bibliographie ARNOLD, P. The encyclopedia of gambling: The games, the odds, the techniques, the people and places, the myths and history, Glasgow, Collins Publishers, 1978. BASS, T.A. The Eudaemonic Pie, Boston, Houghton Mifflin Company, 1985. DE FINETTI, B. Theory of probability: A critical introductory treatment (vol. 1), traduit par A. Machi et A. Smith, Chichester, Wiley, 1990. GABRIEL, K. « Playing the gods. Gambling and spirituality: A new anthropological perspective », dans G. Reith, éd., Gambling: Who wins? 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