3 000 sites de santé et déjà 6 millions de Français
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3 000 sites de santé et déjà 6 millions de Français
MÉDIAS ET SANTÉ 3 LE RÉSEAU 3000 sites de santé et déjà 6millions de Français accros A Marseille, l’innovation passe par la Belle-de-Mai Grippe, boutons ou cancer, nous surfons pour savoir. Mais sommes-nous bien armés ? U n internaute sur cinq consulte un site santé. A la recherche d’informations médicales, de conseils ou d’échanges, les Français se prennent au jeu de la médecine sur Internet. Avec 33,6 millions d'utilisateurs en France selon Médiamétrie, Internet est un outil de la vie quotidienne. Et il était inévitable que la santé fasse chauffer les connexions. 3 000 sites sont répertoriés. Apparemment, les internautes s’y rendent pour se renseigner et non pour se soigner. Le docteur Loïc Étienne, fondateur de docteurclic.com, précise que sur son site «1/3 tiers des patients recherchent des informations avant de consulter un médecin et 2/3 après ». L’objectif est de trouver et partager des informations, d’obtenir des conseils sur les maladies, les traitements, les symptômes. Généralement fondés, rédigés et contrôlés par des médecins, les contenus des grands sites ont gagné la confiance des patients. Toutefois, la Toile offrant une diversité qui confine souvent à la jun- La fréquentation des sites de santé a explosé en France. Mais il reste difficile de faire le tri entre l’info certifiée et les charlatans. gle, l’internaute doit faire un choix selon le type d’information recherché. Les sites santé/bien-être sont ceux qui attirent la foule. Plus spécialisés, les sites d’associations de patients soutiennent ces derniers dans leur combat contre la maladie. Les internautes sont aussi friands de forums où ils peuvent s’exprimer et échanger. Internet voit également se développer des sites porteurs d’innovation. Structure unique en France, l’incubateur multimédia de la Belle-de-Mai à Marseille fêtera ses dix ans le 2 décembre. Il aide les porteurs de projets innovants dans le domaine des technologies de l’information et de la communication à créer leur entreprise. Selon Jean-Michel Brocard, son directeur, «l’incubateur a permis la création de 75 entreprises dont 10 % dans le secteur de la santé». La première est un site d’information sur la médecine par les plantes créé en 2002 : hippocratus.com. Quatre autres projets liés à la santé sont dans les tuyaux. Cet engouement pour les sites santé est une raison pour laquelle l’Université de la Méditerranée a choisi comme thème du colloque qui se tiendra le 10 décembre à la Timone - «la Netsanté ». Lionel Fleury, directeur de l’École de journalisme et de communication de Marseille, coordinateur du projet, précise: «Le Net, visiblement, préoccupe les professionnels de santé. Heureusement, beaucoup d’entre eux le considèrent non pas comme une remise en question mais comme un progrès. Il s’agit alors de l’exploiter et de le maîtriser.» PSYCHOSE Grippe A: l’épidémie a surtout contaminé la Toile La fiabilité de nombreux sites d'information sur la Grippe A (H1N1) est remise en cause. C ’est sur les pages web que le virus se propage le plus rapidement. Le 31 août, le site Info pandémie grippale géré par le Service d’Information du Gouvernement (SIG) a connu son pic de fréquentation avec 62 000 visites sur la journée. Créé en 2005 pour informer sur la grippe aviaire, c'est le portail d’information officiel sur les menaces de pandémies grippales et en particulier sur la grippe A. Bulletins épidémiologiques, gestes de prévention et conseils d’organisation, le site Internet s’adresse à tous et à des publics ciblés comme les entreprises et les organismes pu- blics. Mais n’est-il pas anxiogène de mettre en ligne autant d’informations ? "Non, répond le SIG, l’État a un devoir de communiquer sur les risques auxquels la population est confrontée». Si le SIG «se tient informé de ce qui se dit ailleurs», il admet n’avoir aucun contrôle sur les sites indépendants qui font leur commerce de la grippe A. Polémiques en ligne Cette prolifération autorise intox et rumeurs. Sur les forums, les réactions fusent. Ils représentent un moyen d’expression voire de propagande pour les lobbies anti-vaccinaux qui dénoncent la toxicité du vaccin. Déstabilisé, le quidam ne sait plus à qui se vouer. Pour le professeur Fabrice Simon, chef de service des pathologies infectieuses et Même durant la vaccination, la polémique sur la grippe A continue d’enflammer la Toile. tropicales à l’hôpital militaire Laveran, «les lobbies anti-vaccinaux font de la propagande sur la Toile mais aucun de ses membres ne viendra tenir la main d’un mourant ! La vaccination est une opportunité à saisir sans délais». Autre sujet de polémique, les énormes sommes engagées par le ministère pour une maladie qui ne semble pas plus méchante qu’une grippe saisonnière. «La diffusion de la pandémie est une réalité incontestable, lance le Pr Simon. Si le gouvernement n’avait pas été assez réactif, on le lui aurait reproché. De plus, pour un malade de la grippe A, une semaine d’hospitalisation coûte 4 200 euros alors que le vaccin est gratuit. Les controverses autour de la maladie font couler beaucoup d’encre alors qu’on ne parle pas des malades ». MÉDIAS ET SANTÉ 4 TÉMOIGNAGES Comment les Provençaux se D ’après l’INSEE, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, 31% de la population déclarent que leur état de santé est moyen, mauvais ou très mauvais. Cette proportion est supérieure d’un quart à celle de la France. Nous sommes aussi, dans notre région, plus nombreux à consulter des médecins spécialistes. Sans doute parce que ces derniers y sont plus nombreux : en 2003, on en comptait 135 pour 100 000 habitants, contre 88 pour le reste de la France. De là à en déduire que, plus on voit le médecin, plus on se sent malade... Plus sérieusement, il faut sans doute regarder du côté des inégalités sociales, très fortes. Le coût des traitements médicaux, par exemple, peut dissuader certaines personnes de faire reconnaître leur maladie. On sait que les Provençaux de moins de 40 ans ont, plus souvent, un faible revenu, et que, par conséquent, les plus jeunes rencontrent des difficultés pour accéder au système de soins, contrairement à leurs aînés. Alors, Internet, peut-il réduire ces inégalités, grâce aux informations qu’il diffuse ? Qu’on soit professionnels de la santé ou non, utilisons-nous ce média pour obtenir des renseignements médicaux ? Est-t-il adapté à cette demande ? Et quelles réponses y trouvons-nous ? Enquête. "Le malade pense tout de suite au cancer" Odile Triponney-Baudoin, médecin généraliste à Marseille, constate que la fréquentation des sites contribue souvent à l’angoisse des patients. Odile Triponney-Baudoin est une adepte du Web, mais hors consultation. «Internet, je m’en sers pour les vaccins obligatoires, les maladies en cours dans le monde quand mes patients voyagent. Il m’arrive aussi d’aller sur le site de la faculté de Rennes, et celui de l’INPES.» Certains de ses patients font de même. "Cela se traduit par un coup de téléphone dans l’heure qui suit la consultation. Je pense qu’ils tapent directement leur pathologie sur des moteurs de recherche. Mais bien souvent, l’information est trop compliquée et cela génère une grosse inquiétude. Après, ils vont dans les forums et là, c’est encore pire". "Le fait d’avoir une culture médicale permet de savoir ce qu’on cherche, comment on le recherche. En matière de médecine, il ne faut pas prendre les symptômes au premier degré. Par exemple, lors d’une anomalie biologique ou inflammatoire, la référence des gens, c’est d’emblée le cancer !" Aussi Internet ne remplacera jamais le médecin. "L’examen clinique est nécessaire, car on a quelque chose au bout des doigts. On a besoin de regarder : une gorge rouge ce n’est pas la même gorge rouge qu’une autre. Quand un jeune homme de 17 ans vient nous voir pour des angines à répétition, on se dit que, vu son âge, ce n’est pas normal. Après deux ou trois consultations, il se met à parler d’autre chose, et là, on l’a enfin soigné." Le médecin reconnaît cependant des aspects très positifs à Internet via "les sites des associations, par exemple celles des gens atteints de la maladie de Parkinson ou de sclérose en plaques. Ces sites sont extraordinaires pour leur moral, et pour les infos pratiques utiles dans la vie courante. Même pour le cancer, maintenant, il y a des choses très positives." Catherine 59 ans, éducatrice de jeunes enfants Ollioules "Je vais sur le Web dès que je me pose une question, par exemple au sujet d’une prise de sang, ou dans le cadre de mon travail, quand des enfants sont malades. Mais une fois, j’étais pliée en deux, j’ai vu que ça pouvait être une péritonite, j’ai appelé SOS Médecins et quand ils sont venus, ma douleur est partie : c’était nerveux. Mais ça, ce n’était pas marqué sur Internet !" Laurence 53 ans, assistante sociale Toulon "L’information sur Internet est plus actualisée que celle des livres. J’y suis allée pour regarder des choses sur le lymphome et sur mes problèmes de vue. Je me suis renseignée sur des sites médicaux, pas sur des forums. J’ai tapé mes problèmes de santé dans la barre de recherche Google, et j’ai obtenu une liste de sites. J’ai regardé ce qui était simple mais sur des sites sérieux." Bruno 44 ans, cadre de santé Marseille "Je ne connais pas vraiment les sites. J'ai souvent regardé les rubriques "imagerie médicale" car c'est en lien direct avec mon métier. Je trouve ces rubriques souvent incomplètes. Je n'ai pas du tout le réflexe de me connecter au Net quand mes enfants ou moi sommes malades; j'appelle plutôt un médecin, même si je n'ai besoin que d'un simple conseil." Docteur Odile Triponney-Baudoin. La consultation d’Internet par ses patients suscite une angoisse supplémentaire, faute de recul suffisant. VOTRE AVIS Lucette 75 ans, pharmacienne à la retraite Marseille "Je ne vais pas sur Internet, je n'ai pas de connexion. Par contre, je regarde le Journal de la Santé sur France 5. Mon fils, lui, a Internet mais il va voir des professionnels lorsqu'il a un problème de santé. Une fois, un ami lui a conseillé de commander sur Internet une tisane qui lui permettrait de mieux dormir. Résultat, ça lui a coûté 8,50 ¤ et il dort toujours aussi mal !" MÉDIAS ET SANTÉ 5 soignent-ils sur Internet? "Voir les blogs, pour mieux "Internet ne remplacera comprendre les patients" jamais un médecin" Claire Alberto, 48 ans, est infirmière en cardiologie. Sa fille, Élise, 22 ans, est également infirmière. Elles pointent les avantages du Net. Olivier Burési, pharmacien rue d’Endoume à Marseille, donne sa vision de la Santé sur Internet. "Ce sont plus les médecins que les infirmières qui reçoivent des patients s’étant documentés sur Internet, note Claire Alberto, 48 ans. Dans mon service, je n’ai jamais de patients qui me parlent de ce qu’ils y ont lu. Ce sont essentiellement des personnes âgées qui n’utilisent pas cet outil. Mais je pense qu’Internet peut être un atout pour les patients, surtout quand les médecins sont débordés. Cela permet aussi d’avoir plus d’informations après le diagnostic. Le problème est qu’il y a beaucoup d’informations inquiétantes alors que la réalité est souvent moins effrayante. Internet complète mais ne remplace pas le dialogue avec un spécialiste." "Internet est surtout utilisé dans le cadre de la recherche médicale, précise sa fille Elise, également infirmière. Les malades peuvent se renseigner sur des essais thérapeutiques. Le patient de- vient alors acteur de son traitement en proposant aux médecins d’intégrer un essai. Mais il y a aussi des risques liés aux forums où les réponses sont parfois erronées. Elles sont faites par des personnes qui n’appartiennent pas au corps médical. Les blogs créés par les patients peuvent aussi être surprenants. Ils permettent aux personnels soignants de comprendre ce que pensent les patients et aident à se remettre en question". Lorsque l’on évoque les pratiques qui se développent autour de la santé sur Internet (achat de médicaments et consultation en ligne, forums…), Olivier Burési se fait tranchant : "Internet ne remplacera jamais un médecin". Pour ce pharmacien qui reçoit une clientèle aussi bien populaire que plus chic, les personnes qui utilisent Internet comme un substitut de médecin prennent le risque de "trop s’inquiéter ou au contraire, de trop se rassurer et d’éviter un rendez-vous chez le docteur. Le risque est de faire un mauvais diagnostic". Avant d’ajouter : "Notre profession a un capital confiance fort auprès des patients, les gens savent à qui il faut s’adresser. Alors que seuls, livrés à eux-mêmes face à un écran d’ordinateur, il leur est difficile de décider s’il faut prendre tel ou tel produit." La santé est "trop importante pour se soigner derrière un écran" lâche le jeune praticien. Et les pharmaciens, vont-ils eux aussi chercher des réponses sur Internet ? "Non ! Je ne suis pas un fan d’Internet. Quand on voit ce qu’on peut y trouver, je n'ai qu’une envie, vite fermer la page !" Voilà donc un pharmacien qui préfère le contact direct aux échanges virtuels. Il est vrai également que l’intérêt des professionnels de santé n’est sûrement pas de favoriser l’achat en ligne. Stéphanie 31 ans, agent territorial des écoles maternelles Rognac "Je pense que la santé sur Internet informe bien. Mais il faut que les sites soient contrôlés. Dans le cadre de mon travail, il y a un site très bien fait, "eduscol", il traite de l’obésité, de la nutrition chez les enfants. Je me rends aussi sur le site de l’Organisation mondiale de la Santé dans le cadre de ma formation d’auxiliaire de puériculture." Priscilla 27 ans, secrétaire dans un centre social Marseille "Je ne vais pas trop sur Internet au sujet de la santé, sauf pour ce qui concerne la nutrition. Mais je n’achète jamais car je n’ai pas confiance. Personnellement, je ne vais pas forcément sur les forums, car on est déjà informé par la télévision, notamment avec "Plus belle la vie" qui a parlé des dépistages, et par le biais de mon travail, aussi, car on fait des ateliers santé." Mathieu 20 ans, étudiant 1ere année à l’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie Marseille "Je suis tombé sur ce genre de site en faisant des recherches pour mes études. J'ai utilisé le Net une fois pour un problème de santé. Je ne suis quand même pas persuadé de l'exactitude des informations. De toute façon, sur le Net, il y a beaucoup de renseignements, mais tout n'est pas fiable. Je préfère m'en référer à l'avis d'un médecin." Jessica 15 ans, lycéenne Lançon-de-Provence "Je suis contre les sites santé parce que je pense que les informations sont fausses. L’objectif est de vendre des produits inutiles. Dès que j’ouvre une page web, je tombe sur une pub pour des produits amaigrissants ou des vitamines. Je n’ai jamais recherché d’informations sur Internet. Je préfère m’adresser à quelqu’un de réel : mes parents, des amis ou des docteurs." Mère et fille, ces deux infirmières de Rognac constatent les apports d’Internet. Olivier Burési met en garde ses clients contre les infos délivrées sur le Web. MÉDIAS ET SANTÉ 7 CONTRÔLE Le gendarme de la santé veille à la conformité des sites La Haute Autorité de Santé fait confiance à Health On the Net pour valider l’info en ligne. E n France, un patient sur cinq consulte un site de santé. Mais qu’est-ce qui permet de certifier le sérieux de ces sites Internet ? Etienne Caniard, membre du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), président de la commission qualité et diffusion de l’information, explique la démarche de l’HAS qui est une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Elle possède une mission de veille et d’évaluation de la qualité du système médical. Sur la Toile, sa démarche de certification de sites a pour but d’éclairer l’internaute dans sa recherche d’informations, et en aucun cas de lui imposer une vision de la médecine sur Internet. Pour M. Caniard, l’internaute est "responsable" et toute information permettant d’accroître sa connais- Étienne Caniard révèle que la Haute Autorité de Santé se réfère au / PHOTO DR HONcode, élaboré par une organisation helvétique. sance dans le domaine de la santé est "un élément positif". Cependant, le problème vient de "l’abondance d’informations". Aussi la HAS a mis en place une procédure de standardisation des sites médicaux français en partenariat avec l’association Health On the Net (HON). Cette collaboration a pour finalité d’attester de la fiabilité et la SUCCESS STORY Doctissimo, les femmes l’adorent! Avec 1 million de connexions/jour c’est le site le plus consulté. sents sur le site sont écrits par des journalistes et des professionnels de la santé. Le contenu du site est supervisé par le Dr Jean-Philippe Rivière et David Bême, directeur médical et rédacteur en chef. En moyenne, les internautes naviguent 12 minutes, essentiellement sur le forum. A vec 1 million de connexions par jour, Doctissimo est le site santé-bien-être le plus consulté en France. Fondé en 2000 et en cours de labellisation par la Haute Autorité de Santé, il est aussi considéré comme le premier site féminin. En effet, 80% des personnes qui le visitent sont des femmes. Il comporte une partie information avec une rédaction et une partie communautaire avec forums, chats et blogs. Les différentes rubriques balaient l’ensemble de la vie quotidienne. Y sont notamment abordés la santé, les médicaments, la grossesse, la psychologie, la nutrition et même la beauté et l’environnement. Ce n’est pas un site médical, car il ne se donne pas comme La grossesse en tête Valérie Brouchoud sera à Marseille le 10 décembre. but de soigner. D’ailleurs, selon Valérie Brouchoud, directrice de Doctissimo (lire son interview ci-contre) "les internautes qui consultent ce genre de sites n’ont pas tendance à pratiquer l’automédication et donc à vouloir remplacer leur médecin." Les articles pré- Sur ces forums, environ 150 000 messages sont postés chaque jour. C’est celui de la grossesse qui est le plus consulté. Les forums sont surveillés par des modérateurs employés par Doctissimo. Dans un souci de législation, ils vérifient qu’il n’y ait pas de vente de médicaments ou de publicité pour des produits. Ce système de contrôle se fait donc a posteriori. Évidemment, tous les messages ne peuvent être contrôlés. Mais chaque internaute peut activer une alerte. crédibilité des sites de santé. Ce n’est pas leur qualité qui est jugée, mais plutôt les efforts de "transparence afin que les visiteurs puissent avoir tous les éléments qui leurs permettent d'évaluer s'ils peuvent faire confiance ou non à l'information proposée" (auteurs, origine de l’information, protection des données personnelles…). La HAS incite par conséquent à se référer au code de conduite en huit points élaboré par HON. Toutefois, moins de 4 internautes sur 10 vérifient l’origine de l’information. C’est à cause de ce manque d’esprit critique vis-à-vis d’Internet qu’il a fallu développer une "certification protectrice". C’est là qu’intervient l’association Health On the Net basée en Suisse. On s’y réfère en matière de "promotion et de mise à disposition de l'information en ligne sur la santé et la médecine, ainsi que de son utilisation appropriée et efficace". Le HONcode a été traduit en 34 langues, et est présent dans plus de 96 pays. "On devient ainsi acteur de sa santé" ❚ Qui est à l’origine du site Doctissimo ? Valérie Brouchoud : "Laurent Alexandre, chirurgien neurologue, Claude Malhuret, médecin au parcours politique, et Cédric Tournay se sont inspirés des sites santé américains. Doctissimo a été lancé en 2000. Le besoin de s'informer des internautes n'était pas satisfait. Des sites comme médicit existaient, mais l’éclatement de la bulle spéculative est passé par là et en a laissé beaucoup sur le bord de la route. ❚ Comment le site a-t-il évolué ? V.B. : "L’idée d’origine était de rendre les gens acteurs de leur santé, de leur donner les informations pour prendre leur santé en main. Mais nous n’avons pas la volonté de remplacer le médecin. Avant, après, autour de la consultation, il y a tout un volet d’informations qui ne sont pas données par les médecins. Nous voulons accompagner les internautes dans les moments importants de leur vie. Mieux on comprend, plus on est à même de changer de comportement, ce qui est indispensable par rapport à certaines pathologies comme l’obésité. Doctissimo est aussi devenu un lieu de vie grâce aux forums. Il y a des femmes qui viennent échanger des photos, se font des amies. Ou encore les forums médicaux jouent un rôle de soutien, accompagnent les personnes malades." 8 MÉDIAS ET SANTÉ PSYCHOLOGIE Et voici le divan virtuel discret et moins cher Des psychologues consultent en ligne. Plus distants, mais les échanges sont bien réels. B obos, toux, fièvre, le moindre symptôme est l’occasion pour l’internaute de disséquer les informations fournies par le Net et de devenir un "expert" de sa maladie. Selon une étude de l’Inserm en 2008, 70 % des Français auraient fait une recherche sur Internet pour trouver une information liée à la santé. Les médecins ne sont pas en reste et l’interactivité médecin-patient devient une réalité. Cette nouvelle pratique dans l’approche de la santé bouleverse les mentalités. La psychologue Isabelle Poggioli est confrontée à un véritable engouement pour les nouvelles technologies. "Certaines personnes ont besoin d’une écoute exclusive, ce qu’un forum ne pourra pas leur apporter". D’autres facteurs entrent en ligne de compte, comme le manque de temps ou l’esprit casanier. Beaucoup de personnes cherchent des réponses rapides et refusent d’attendre des semaines avant un rendez-vous. En outre, "Parler au patient" Brigitte Chabrol est professeur de neurologie pédiatrique, Centre de référence des maladies rares à La Timone. 1 En quoi Internet modifie-t-il la relation patient/médecin ? Ce type d’information reste souvent global, non personnalisé, et ne remplacera jamais une consultation avec un médecin qui transmettra l’information en utilisant les termes appropriés, en tenant compte de la compréhension et de la perception par le patient des explications données. 2 Dans votre pratique, qu’a changé l’outil Internet ? On se doit de tenir compte des informations que les patients obtiennent et qui seront commentées, expliquées, discutées lors des consultations. Les en- On peut consulter un psy sans sortir de chez soi. Mais cette formule est-elle bien adaptée aux cas délicats ? Internet assure une certaine clandestinité, notamment "dans les petites villes où tout le monde se connaît". Enfin, il y aurait un intérêt financier à consulter sur le Net car les frais sont réduits, malgré le non remboursement des consultations d’un psychologue en ligne. Sur son site, qui affiche 22 634 visites, Isabelle Poggioli met en avant son diplôme. Cette volonté de transparence "permet aux personnes de savoir à qui elles ont affaire, ça les rassure. Il y a un visage derrière l’écran. Les consultations en ligne sont bien réelles. Elles permettent d’aider les personnes dans une première démarche thérapeutique qu’elles n’auraient peut être pas entreprise auparavant". Selon le Pr Chabrol, l’annonce du diagnostic est modifiée. LES RÉGIMES Quand la souris grignote les kilos Les régimes en ligne font un tabac. Ils ne sont efficaces que pour les plus motivées. L es régimes, vous connaissez. Internet, lui aussi, n'a plus de secret pour vous. Mais est-il possible de combiner les deux ? Perdre du poids en un clic de souris vous paraît-il plausible ? Des dizaines de sites de régimes en ligne ont récemment fleuri sur la Toile. Sont-ils efficaces et sans risques ? Minciligne.com, Regime-savoir-maigrir.fr, Weightwatchers.fr… Ces sites sont bien sûr payants. Mais un diététicien ou un nutritionniste, c'est également coûteux, voire plus cher. Comptez de 30 à 45 euros la séance avec une diététicienne - certaines séances sont remboursables dans le cadre Sur la balance, l’impact des régimes Web semble limité. d'une maladie - contre 15 à 25 euros par mois pour un régime en ligne. Certes, tout n'est pas bon à prendre sur le Net mais les sites sont gé- néralement gérés par des professionnels. Et rien ne vous empêche de les contacter (rubrique "Contacts") pour leur demander des certificats ou le label sous lequel ils exercent. Si vous n'êtes pas motivée à 100 %, oubliez les régimes en ligne. Le fait de ne pas avoir en face de "vraies" personnes n'aidera en aucun cas les dilettantes. Les secrets de ces régimes résident dans leur communication très personnalisée : envois de mails, de vidéos, de listes de courses, forums pour échanger avec d'autres participantes... Une interactivité évidente et efficace. Le sérieux - et le succès - de ces sites réside aussi dans la prise en compte de vos habitudes alimentaires. Si vous détestez le chou-fleur, on vous servira des haricots. fants et les adolescents s’approprient également ce type de recherche, il ne faudra pas oublier d’en parler avec eux. Ceci est particulièrement important dans les maladies chroniques. Lors de l’annonce d’un diagnostic de maladie grave, il était préconisé de ne pas donner toute l’information d’emblée, mais de la délivrer au fil du temps. Cette dimension temporelle n’est plus la même en raison de l’accessibilité immédiate du patient à toute l’information. 3 Que vous apporte Internet en tant que médecin ? C’est un outil fantastique. Nous avons accès à la littérature scientifique internationale, à des méthodes d’analyse des données pouvant nous aider dans certains cas de syndromes rares, à des collaborations nationales et internationales. MÉDIAS ET SANTÉ 10 ❚❚❚❚❚ CE QUI FAIT LE BUZZ Grippe A H1N1 : la pandémie s’étend La pandémie fait la une des sujets de santé. Elle gagne peu à peu du terrain en France. La campagne de vaccination, réservée dans un premier temps aux personnels de santé et aux populations fragiles, a débuté en octobre. Et, maintenant que l’Europe est concernée, on ne parle bizarrement plus de "grippe porcine". Quelques articles, sur le Web, font état de deux versions du vaccin, avec ou sans adjuvant. PLAN CANCER Le Président annonce de nouvelles mesures Nicolas Sarkozy, en visite à Marseille le 2 novembre, dévoile le nouveau plan Cancer 2009-1013. Les grands axes de ce plan concernent la réduction de la consommation de tabac et d'alcool, la prévention des cancers du sein et du colon ou la réduction des inégalités des classes sociales face à la maladie. Les sites de Net-Santé décrivent en détail ces nouvelles orientations. STRESS AU TRAVAIL Les suicides chez France Télécom relancent le débat La vague de suicides chez les salariés de France Télécom est très médiatisée. Mais ils ne sont pas les seuls. Les journaux en ligne rapportent que les responsables d'autres entreprises françaises se penchent sur le problème du stress au travail. Certains ont remarqué une augmentation de consommation d'antidépresseurs parmi les employés. ASSEMBLÉE Les génériques bientôt obligatoires Également sur la Net-Santé, le vote, à l'Assemblée, d'un amendement obligeant les médecins à prescrire des médicaments génériques. A condition que l'alternative générique à un médicament existe. ÉCONOMIE La vitrine du Web pousse à l’automédication Prix réduit, achat de nouvelles molécules sont tentants. Mais gare aux contrefaçons ! I l était déjà facile d’aller chez le pharmacien du coin sans passer par la case médecin parce que votre bambin faisait une poussée de fièvre. Désormais, nombreux sont les patients qui n’hésitent plus à commander leurs traitements directement sur le Net, à moindre coût et livrables dans les 48 heures. Et les nouvelles technologies leur facilitent bien les choses : on consulte sur Internet comme on consulte son médecin. En quelques clics, on accède à une véritable « encyclopédie médicale » qui répond à toutes les questions. "Ces médicaments achetés sur le Net sont un véritable danger, on ne sait pas de quoi ils sont faits et la plupart du temps ils sont inefficaces" prévient Fatiha Ameziane, médecin généraliste à Marseille. Certes, mais Internet c’est aussi l’accès à des molécules qui restent chères en officine, que l’on peut commander sans avis médical mais qui n’ont pas toujours l’autorisation de mise sur le marché. Toutefois, d’autres sites revendi- La tentation est grande de se procurer des médicaments moins chers. Mais beaucoup n’ont pas reçu l’autorisation de mise sur le marché. quent un grand sérieux mais aucune validation officielle n’existe à ce jour. Matthias, étudiant, a ainsi hésité à acheter en ligne un traitement contre le paludisme. Il était moins cher de 30 % mais le jeune homme a eu soudain des doutes sur sa provenance. "Plutôt que de prendre des risques avec ma santé, j’ai préféré l’acheter en pharmacie, y mettre le prix et être sûr de la qualité du produit". Gélules amaigrissantes, pilules pour traiter les troubles de l’érection, compléments alimentaires, traitements pour combattre la calvitie ou l’obésité, la liste est longue sur la Toile et les contrefaçons existent. LE MARCHÉ DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES Sur le Net, des plantes en or massif C’est encore l’argument économique qui fait le succès des sites spécialisés. U n marché estimé à plus d’1 milliard d’euros. Un complément alimentaire est une source concentrée de nutriments ou de plantes ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Les principales raisons qui poussent les consommateurs à acheter en ligne sont "le dosage plus fort, la quantité plus importante de gélules par boîte, une gamme large et bien sûr, le prix", selon Laurence H., professeur de biologie et consommatrice. En France, 210 millions de boîtes de suppléments alimentaires ont été écoulées en 2006 avec une Plus de 200 millions de boîtes sont vendues en France dont déjà 12 % sur Internet. part grandissante sur Internet. Si le consommateur français a acheté environ 15¤ de compléments alimentaires en 2008, il reste loin derrière son voisin allemand qui en a dépensé 45¤. Le marché est immense : 37% des Français consommeraient des compléments alimentaires. Si les pharmacies détiennent le monopole en terme de distribution, une nouvelle tendance apparaît sur le Web. La vente par correspondance et le e-commerce raflent 12,5% du marché. Avec une croissance prévue de 3% en 2010 en France et un cadre européen mieux réglementé, de nouvelles structures francophones se lancent dans la création de boutiques en ligne. Cependant de nombreux produits, assimilés à des compléments alimentaires aux États-Unis, ne disposent pas de ce statut en Europe et il n’est pas rare de voir acheter sur Internet des « pilules » interdites en France. MÉDIAS ET SANTÉ ❚❚❚❚❚ LE PHÉNOMÈNE Le grand bazar masculin des stimulants sexuels Internet est un grand supermarché pour les Viagra "génériques". Méfiance. C ’est la petite pilule bleue du bonheur qui a changé la vie de millions d’hommes... et redonné du piment aux nuits de millions de couples ! Commercialisé en France depuis 1998, le Viagra est un médicament utilisé pour traiter les troubles de l’érection. Et redonner vigueur à ceux qui en manquaient au moment crucial. A ce jour, plus de quinze millions de pilules ont été prescrites dans notre pays. Les andrologues (spécialistes de l’appareil génital de l’homme) estiment qu’un homme sur cinq présenterait des problèmes d’érection. Cette tendance devrait d’ailleurs s’accentuer dans les années à venir, compte tenu de la corrélation entre problèmes érectiles et vieillissement des populations. Mais depuis quelques années, le triomphe du Viagra rencontre quelques écueils. En effet, ce succès sans précédent a fait exploser les créations de sites Internet marchands. Quel homme, jeune ou plus âgé, n’a jamais reçu un courriel lui garantissant une érection de longue durée moyennant 4,99 dollars ? Viagra "aux herbes" Les sites proposent à prix réduits des médicaments qui auraient le même effet que le célèbre comprimé miracle. Certains se décarcassent vraiment en offrant du "Viagra aux herbes", "Gé- Parfois rassurants, Internet et ses multiples forums santé représentent un lieu d’échange, de soutien et de partage d'expériences. Pour Mireille Bonierbale, psychiatre et sexologue à l’hôpital Sainte-Marguerite (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille), "un forum de discussion ne remplace pas une prise en VIAGRA Un business comme un autre Les comprimés existent sous différentes doses (25, 50 ou 100mg) et sont présentés en plaquettes de 2, 4, 8 comprimés vendus entre 6 et 7 euros l’unité. Un business qui ne connaît pas de coup de mou puisque, rien qu’en France, plus de quinze millions de pilules auraient été prescrites par des médecins. Il est en effet indispensable d’obtenir un avis autorisé afin d’éviter de possibles effets secondaires fâcheux, voire catastrophiques. Le Viagra pour femme n’existe pas Contrairement à un flot de rumeurs circulant sur la Toile et alimenté par des charlatans prompts à exploiter la détresse humaine, le Viagra pour dames Le Viagra est commercialisé uniquement sous trois marques. Sur Internet, des trafiquants de drogues ont détourné le produit. nérique Viagra" ou encore "Tonus Viagra", sous des appellations diverses et variées, ces offres alléchantes oscillent entre duperie et arnaque. Aujourd’hui, il n’existe pas de générique du Viagra. Le brevet du médicament, fabriqué par les laboratoires Pfizer, tombera dans le domaine public en 2013. Date à partir de laquelle le générique entrera officiellement sur le marché. Force est de constater que ce qui est commercialisé sous l’appellation "générique" n’est que contrefaçon, souligne-t-on chez Pfizer. La molécule présente dans le Viagra est ainsi copiée, et d’autres substances plus ou moins toxiques peuvent y être ajoutées. "Le prix, et la gêne ressentie par les hommes souffrant de troubles de l’érection, les poussent à acheter du Viagra sur Internet dans l'espoir de conserver leur anonymat, témoigne le docteur Jean-François Renucci, spécialiste en médecine vasculaire à l’hôpital de La Timone. Mais les contrefaçons peuvent contenir des actifs sous dosés, mal purifiés ou même toxiques qui entraînent des maladies cardio-vasculaires. De plus, l’interaction avec d’autres médicaments est dangereuse, les risques pouvant aller jusqu’à l’infarctus". En outre, le commerce de Viagra contrefait dépasse le contrôle des autorités juridiques. Souvent originaires d’Inde ou du Pakistan, ces sites sont parfois dirigés par des trafiquants de drogues dures. Seuls les laboratoires Pfizer, Cialis et Levitra garantissent la qualité et l’efficacité du produit. Sexologie: les effets limités des forums Des forums de discussion tentent de se substituer aux médecins. Avantage : ils sont anonymes. Mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. 11 charge adaptée par un sexologue. Dans une société où règne l’incommunicabilité, la solitude de l’homme le pousse à entretenir un échange artificiel avec une communauté qui souffre du même mal. Or, ces interlocuteurs peuvent échanger leurs souffrances mais ne remplacent pas un médecin." Prendre un médicament sans suivi médical peut apparaître comme une réponse facile et immédiate. Mais l’automédication appauvrit la sexualité du patient qui se trouve dépendant du médicament. Pour le docteur Bonierbale, "il faut apprendre à se poser les bonnes questions afin d’identifier l’origine du trouble à l’aide d’un spécialiste." Le médecin prévient que "les difficultés de l’érection sont rarement d’origine organique, il s’agit souvent de problèmes psychologiques. Le manque de confiance en soi, les difficultés de communication dans le couple ou encore l’anxiété liée à la performance sont davantage à l’origine du comportement sexuel déficient". n’existe pas ! La notice du produit, fournie par les laboratoires dûment autorisés à le commercialiser, indique même très clairement la mention « vous ne devez pas prendre Viagra® si vous êtes une femme ». D’autres bruits, souvent amplifiés par des forums, laissent penser que le produit protège des maladies, ce qui évidemment est faux ! Il n'assure aucune protection contre les infections sexuellement transmissibles. Seul le préservatif présente cette garantie. Aussi préservatif et Viagra sont parfaitement compatibles ! Un stimulant à ne pas prendre à la légère ! Il faut bien garder en mémoire que le Viagra reste un médicament délivré uniquement sur ordonnance, donc en pharmacie. Il ne doit en aucun cas être proposé à quelqu’un d’autre fut-ce votre meilleur ami, Messieurs ! - même s’il présente des symptômes similaires. MÉDIAS ET SANTÉ 12 CONSULTATIONS Médecins-internautes: le nouveau bras de fer ? Les patients sont mieux informés et osent argumenter, voire contredire le médecin. G râce à la médecine en ligne, chacun d'entre nous peut évaluer son état de santé et discuter, voire contredire un diagnostic ou une thérapie. Les médecins généralistes, souvent confrontés à ce genre de problème, pourraient voir leur statut fragilisé. Installé dans les quartiers Nord de Marseille, le docteur Olivier Paul est l'archétype du médecin de famille, qui a établi une relation de confiance avec ses patients. Mais depuis quelque temps, la famille a un "chef médical" dont le rôle est de discuter les diagnostics parce qu'il a trouvé une meilleure information sur Internet. "Mon cabinet devient souvent un lieu de négociation. Je dois faire beaucoup d'efforts pour convaincre du bienfait d'un vaccin ou d'un traitement !" Heureusement, le virus de la "Net-santé" agit également comme une préparation à la consultation. Le docteur Paul consulte lui-même ces sites, pour s'assurer de leur fiabilité et adapter son discours. Des informations validées et bien comprises Fiabilité et compréhension sont des notions qui reviennent souvent dans le discours médical, notamment chez les spécialistes, Le Dr Abdou Sbihi (hôpital Saint Joseph) souhaite une certification des sites par la haute Autorité de Santé. peu soumis à la contradiction. Le Dr Olivier Monnet, radiologue hospitalier, se félicite que certains sites des sociétés savantes en imagerie soient accessibles au grand public. Le dialogue avec un patient averti est, pour lui, plus facile. "Mais il faut s'assurer de la bonne compréhension des données recueillies par le patient et de l'absence de confusion, pour gagner en efficacité et en qualité." Quant aux sites destinés au grand public, il est nécessaire, se- lon lui, qu'ils fassent l'objet d'un contrôle afin de valider les informations qu'ils contiennent. Certains sont d'ailleurs certifiés par la Haute Autorité de Santé. Pour le Dr Abdou Sbihi, chirurgien orthopédiste à l'hôpital Saint Joseph de Marseille, la certification des sites devrait être généralisée. Fondateur d'un site grand public, il est très attaché au contrôle et à la validation des informations par la communauté médicale. En effet, "si le message est imprécis au départ, dit-il, il est très difficile de resituer le débat et d'orienter le patient vers un traitement adapté à son cas." La médecine ne serait donc pas menacée par le surf sur le Net, qui ne peut remplacer le contact d'un patient avec son médecin. On peut même avancer qu'elle est renforcée, dès lors que les données recueillies sur le Web sont fidèles aux recommandations scientifiques, le malade devenant alors acteur de sa santé. Ces toubibs qui ont pris le Web à bras-le-corps De plus en plus de praticiens fréquentent les sites de santé afin de mieux comprendre leurs patients. Et quelques-uns s’y investissent carrément. Internet, ce n’est pas uniquement destiné aux patients inquiets pour leur santé ou non satisfaits du diagnostic établi par leur médecin. Pour les professionnels de la santé, c'est la découverte d'un nouveau métier et un moyen d’être à la pointe de la connaissance. Nouvelles relations, nouvelles pratiques, Internet est au cœur de l’évolution de la médecine. Il s’immisce dans la relation patient/docteur et modifie les rôles de chacun. Beaucoup plus informés, les patients "devancent les traitements. Certains souhaitent intégrer des essais thérapeutiques qu’ils ont trouvés sur Internet et que ne je ne connais pas, explique avec satisfaction Marjorie Rares sont les médecins à ne pas consulter Internet pour se tenir informés. Et certains animent même des sites. Baciuchka-Palmaro, oncologue à l’hôpital Nord de Marseille. C’est aussi une source d’information rapide pour les professionnels". Internet devient donc indispensable dans le domaine de la santé. C’est d’ailleurs une nouvelle approche de la médecine pour des praticiens qui choisissent de conseiller sur la Toile. En donnant la parole aux patients, le site docteurclic.com s’est donné l’objectif de faire de la prévention, de la régulation et d’apporter des informations. Le docteur Loïc Étienne, qui en est le fondateur, "essaie de faire la différence entre le symptôme qui est gérable par le patient et la maladie qui ne l’est pas" en incitant même à l’automédication. "La parole du patient va permettre de dépister des maladies plus tôt", assure-t-il. Le Net apparaît ainsi comme une étape nécessaire aux progrès en matière de médecine. MÉDIAS ET SANTÉ 14 DROIT Gare au viol du secret médical Transmettre des données via Internet aide au suivi du patient. A certaines conditions. B anquiers, assureurs, employeurs peuvent-ils avoir accès aux informations médicales? C'est une inquiétude que soulèvent les professionnels de santé, notamment à travers un livre blanc publié par le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) ou encore l'avis 104 du Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Pourtant, selon un sondage TNS Sofres pour le CNOM sur l'informatisation de la santé, 68% des médecins jugent la mise en place d’un dossier médical personnel informatisé et accessible par Internet utile dans le cadre de leur pratique quotidienne. Du côté des patients, 91% des personnes interrogées estiment que l’utilisation des outils informatiques est une bonne chose pour leur suivi médical. Cependant, le risque de violation du secret médical est réel. Mais pour Walter Vorhauer, secrétaire général du CNOM, ce n'est pas nouveau: "Le respect du secret reçoit des coups de canif ces dernières années, qu'on communique par Maître Fiorentini-Gatti exhorte les médecins communiquant par Internet à prendre leurs précautions en informant leurs patients. / PH. C.S. télécopie ou même au sein d'un secrétariat partagé. Internet n'est qu'un problème supplémentaire". Le patient peut refuser Et c'est parce qu'il permet une diffusion plus large des informations que le Web remet la question du secret médical au centre des pré- occupations. Ainsi, les praticiens peuvent échanger avec leurs patients par mail ou par forum interposé, sans se soucier de l'utilisation qui pourrait être faîte de ces données personnelles. "Légalement, la responsabilité du médecin est engagée pour violation du secret médical s'il divulgue des informa- tions sur la santé de la personne à son insu, explique Sandra Fiorentini-Gatti, avocate au barreau de Marseille. Ce qui, en pratique, n’a pas lieu d’être, le médecin étant, par principe déontologique, le garant du secret médical. Par conséquent, si le patient est informé des risques de fuites dus à l'utilisation d'Internet, le secret médical n'est plus violé. Le médecin, pour se prémunir de toute action en responsabilité, doit agir de manière diligente en informant son patient qu’il utilise l’outil Internet." Pourtant, d'un point de vue déontologique, Walter Vorhauer considère que les échanges sur Internet, même cachés derrière un pseudonyme, sont à éviter. "La règle du secret médical est très simple: le praticien détenteur d'une information est tenu au secret, quels que soient les modes d'expressions". Alors, pour être sûr que les données médicales sont protégées, Me Fiorentini-Gatti insiste sur le fait que "le médecin doit se munir de systèmes de protection informatique pure (cryptage, antivirus, authentification sécurisée, etc.). Et surtout, il doit informer le patient qu'il utilise le Web, ce dernier ayant le droit de refuser la transmission des données le concernant." ENTRETIEN La mise en garde d’Alain-Gérard Slama Entretien avec Alain-Gérard Slama, universitaire, journaliste et membre du comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé. médicales comporte des risques? Sur ce point, je fais confiance à la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour mettre en cause les institutions, hôpitaux ou médecins, qui laisseraient filer des informations sur leurs patients. Il est important que le secret médical soit protégé et que l'hôpital reste un sanctuaire symbolique. Pour ma part, je considère que le dossier médical personnalisé est un progrès car il facilite la circulation de l'information. Il évite qu'on vous refasse les mêmes analyses inutilement par exemple. Mais cette méfiance à l'égard du corps médical est révélatrice. C'est parce qu'il y a de moins en moins de relations entre médecins et patients qu'il y a de plus en plus de méfiance. ❚ En quoi le développement du médical sur Internet peut-il poser des problèmes éthiques ? J'ai immédiatement en tête la question des tests de paternité. Le CCNE s'est penché récemment sur cette question avant les états généraux de la bioéthique. Aujourd'hui, on peut faire analyser les cellules de quelqu'un à son insu via des sites qui proposent ce service. Dans le cas des tests de paternité, il y a un véritable conflit de valeur : d'un côté il y a le respect de l'anonymat et de l'autre la nécessité de connaître ses origines. Notre société semble prendre une nouvelle direction: dans la balance, le besoin des personnes a tendance à peser davantage. Il faut cependant encadrer ces pratiques autour d'un principe éthique fondamental, celui de la non-commercialisation du corps humain. ❚ Le CCNE a également rendu un avis sur l'informatisation des dossiers médicaux. Pensez-vous que la numérisation des informations Alain-Gérard Slama est membre du Comité consultatif national d’éthique. ❚ Les sites et forums qui abordent des questions de santé se multiplient sur Internet. Quel regard portez-vous sur ce phénomène? Je pense que tout cela ne fait pas progresser la connaissance médicale. Chacun arrive avec ses convictions alors que le médecin, lui, a des connaissances. Une chose est sûre, l'expérience clinique que possède un professionnel de la santé ne s'acquiert pas sur Internet. MÉDIAS ET SANTÉ 16 INNOVATION Orange numérise la santé L'opérateur propose des services innovants. Mais le business a du mal à décoller. O range Healthcare, la division santé de l’entreprise de téléphonie, propose depuis 2007 une panoplie de nouvelles technologies pour simplifier la vie du patient et le travail du corps médical. Dans certains hôpitaux un service fait son apparition, Connected Hospital, comprenez littéralement "l’hôpital connecté". Connecté à quoi ? A sa famille et ses amis via le Web et le téléphone, et à des activités de loisirs telles que la télévision ou des livres électroniques. Tout cela depuis son lit grâce à un unique terminal. Connected Hospital at Home est la solution pour les allergiques à l’hôpital. Le patient reste dans son canapé, l’équipe médicale vient à lui. Un terminal permet à chaque intervenant au domicile du patient de consulter son dossier médical sur un réseau Internet sécurisé. Ce système réduirait bon nombre d’hospitalisations de plus en plus coûteuses. Voici un terminal tel qu’Orange commence à en installer dans les hôpitaux. Le système de santé français est-il prêt à payer ? Trouver sur Internet l’agenda de son médecin traitant c’est possible, si ce dernier a souscrit à l’offre rendez-vous santé d’Orange. Le patient sélectionne sa plage horaire et peut même demander à recevoir un SMS de rappel la veille du rendez-vous. Toujours sur la Toile, il peut trouver ses vaccinations. Elles sont mémorisées et sécurisées dans une carte à puce personnelle disponible auprès de la Mutuelle Générale associée à Orange ou sur le site www.tendance-santé.fr. Le médecin l’actualise depuis le même terminal que la Carte Vitale et sait à tout moment si un rappel est nécessaire. Orange offre au système de santé la possibilité de prendre des assistants numériques personnels, sous la forme de plate-forme Internet ou de terminaux à tout faire. Chez Orange on admet que les services tels que Connected Hospital "mettent du temps à se mettre en place", ce qui explique pourquoi aucun n'est disponible en PACA. Reste à savoir si ces assistants sauront convaincre les praticiens et les patients pour s’imposer dans le paysage médical du futur. SÉRIES Les fans du Dr House confondent télé et réalité Les séries télé évoquant la thématique de la santé font exploser l’audimat. Un succès qui commence à influencer les patients. D Docteur House, une caricature des urgences que certains prennent au pied de la lettre. octeur House et ses collègues en blouse blanche de Grey’s Anatomy ou Urgence cartonnent au box-office sur l’ensemble de la planète. A tel point que la fiction rattrape parfois la réalité. Subjugués par les prouesses médicales qu’on leur donne à voir à la télévision, les "vrais" patients en viendraient presque à oublier qu’il ne s’agit là que d’une série. Le docteur Philippe Jean, chef du service des urgences à l’hôpital Nord (Assistance Publique), explique que "les patients sont influencés car ils ont désormais une meilleure maîtrise du langage technique qui leur permet de revendiquer des examens précis comme un scanner ou une IRM". Avant de préciser "qu’il est difficile de savoir si ces connaissances viennent des séries télés ou d’Internet, beaucoup de patients se renseignant sur le Net". Les maladies, souvent très rares, qui touchent les acteurs de ces séries ne reflètent pas vraiment la réalité. Selon le docteur Jean "la réalité est biaisée par le facteur temps. En un épisode il se passe les péripéties de trois mois de vie réelle. Il y a un concentré d’extrêmes. Les maladies graves se traitent suite à une longue réflexion. Même aux urgences, il faut un minimum de temps pour prendre du recul". D’ailleurs, il précise que la fiction montrée dans le petit écran traduit "avant tout le système américain, bien différent du système d’urgence français". Autre point critiquable, le personnage de Grégory House, qui "a un comportement odieux et qui manque d’empathie envers les patients". Puis, comme l’avoue le docteur Jean, "il y a bien moins d’histoires sentimentales aux urgences, les docteurs ont suffisamment de travail pour être bien occupés". Grey’s Anatomy : "Il y a ici beaucoup moins d’histoires d’amour !" assure le Dr Jean. MÉDIAS ET SANTÉ 20 RENCONTRE Laurent Lantiéri, l’homme qui greffe les visages P ionnier de la transplantation faciale, le Pr Laurent Lantiéri sera l’invité d’honneur de la conférence publique "Communication et progrès médical » organisée en clôture du colloque "Netsanté" (lire en page 18 pour savoir comment y participer). Chef du service de chirurgie plastique et reconstructive à l’hôpital Henri Mondor à Créteil, il est à 46 ans reconnu comme l’un des plus grands spécialistes de la transplantation faciale. Un domaine sur lequel le chirurgien a commencé à travailler à la fin des années 90, en termes de faisabilité médicale mais aussi d’un point de vue déontologique en saisissant sur cette question en 2002 le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE). Il a dirigé quatre des neuf greffes de la face effectuées à ce jour dans le monde. Le 4 avril dernier avait ainsi donné lieu à une nouvelle "pre- mière". Le patient, grièvement brûlé lors d’un accident, subissait simultanément une transplantation faciale et des deux mains. L’homme devait cependant décéder deux mois plus tard des suites d’une infection. Bien que profondément affecté par cet échec, le Pr Lantiéri reste convaincu que de grands progrès sont à venir. Sa dernière greffe du visage, c’était le 19 août et le patient se porte bien… "Les greffés s’approprient leur visage immédiatement" ❚ En tant que pionnier de la greffe de visage, comment analysez-vous l’hypermédiatisation autour de la chirurgie de transplantation faciale ? Que ces événements soient médiatisés n'est pas choquant en soi. L'information du public est importante. Par contre il ne faut pas en faire une " hypermédiatisation". Il ne s'agit que d'étapes dans la longue marche de la médecine et de la science pour améliorer la vie des patients. ❚ Face à l’épreuve psychologique que représente le changement de visage, comment vos patients greffés sont-ils accompagnés dans ce passage à une nouvelle vie ? Les patients qui ont choisi de rentrer dans ce protocole sont tellement défigurés que l'appropriation de leur nouveau visage est immédiate. Il est faux de croire que le problème de changement de visage est un problème pour ces patients. Il le serait si ces patients avaient un visage normal et qu'on leur changeait comme dans "Volte Face", ce film américain où Nicolas Cage et John Travolta se retrouvent avec le visage de l’autre, mais il s'agit là plutôt d'un fantasme. Par contre, comme pour toute intervention lourde et innovante, un soutien psychologique est indispensable pour éviter des dépressions réactionnelles et pour accompagner dans une nouvelle vie. ❚ Quelle ligne de conduite vous êtes-vous fixée pour protéger vos patients de la pression médiatique et d’une dérive parfois sensationnaliste ? Il y a une relation de confiance entre mon équipe et les patients, indispensable pour une bonne prise contre est libre de donner des informations à qui il veut ou de m'autoriser à en donner. C'est aussi vrai pour les images de ces greffes qui relèvent pour moi aussi du dossier médical du patient. ❚ Selon quels critères se fait le choix des futurs greffés ? L’enjeu scientifique entre-t-il en ligne de compte ? Nous sommes encore dans une phase de recherche clinique, c'est-à-dire que comme pour un nouveau médicament ou une nouvelle thérapeutique nous sommes encore dans une phase d'évaluation. Les critères de choix pour ces patients sont anatomiques, cliniques immunologiques et psychologiques. Le but est de voir quel est le réel équilibre entre les risques immédiats et futurs de ces transplantations et le bénéfice en termes d'amélioration de qualité de vie que nous apportons aux patients. Pr Lantiéri, 46 ans : "Il est fort probable que de nouvelles greffes de visage aient lieu avant la fin de l’année, des patients en ont besoin." en charge à long terme. Nous discutons avec eux de ce qu'ils souhaitent faire en termes d'exposition médiatique et je me fais leur intermédiaire auprès des médias. J'essaie aussi pour ma part d'établir des relations de confiance avec les journalistes qui doivent comprendre les enjeux de ce type de greffe et les dangers que peuvent faire courir au patient et à la greffe en général un sensationnalisme qui n'a pas lieu d'être. ❚ Dans quelle mesure toute cette médiatisation sert-elle la chirurgie en transplantation ? A chaque interview que je donne, j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas de greffe sans don. Les médecins qui effectuent ces actes ne le peuvent que grâce à la générosité des autres. ❚ Comment communiquer sans contrevenir au respect du secret médical ? Où se situe la limite ? Le secret médical est un absolu. Même la mort ne nous délivre pas du secret médical. Le patient par "Il n’y a pas de greffe de visage sans don, sans générosité." ❚ Combien de vos patients sont aujourd’hui dans l’attente d’un « nouveau » visage ? Une nouvelle transplantation faciale pourrait-elle avoir lieu avant la fin de cette année ? Nous sommes dans une nouvelle phase d'évaluation de patients. Il est très probable que de nouvelles greffes aient lieu avant la fin de l'année par moi ou par d'autres équipes. C'est mon souhait que cette technique se développe le plus possible car des patients en ont besoin. MÉDIAS ET SANTÉ 22 PORTRAIT Michel Cymes, le docteur cathodique de la France O to-rhino-laryngologiste, Michel Cymes est surtout connu comme "docteur cathodique". Officiant à France Télévisions, le toubib le plus couru de France débarque à Marseille le 10 décembre pour jouer les modérateurs au colloque Médias-Santé à la Timone. Rendant quotidiennement son diagnostic sur France 5, c’est par millions que ses patients se donnent rendez-vous devant "Le Ma- gazine de la santé". Son parcours est atypique. "Alors que je rate mon Bac, mon meilleur ami s’inscrit en médecine. L’année suivante, je deviens le premier Cymes bachelier. Ensuite ? La médecine m’a toujours intéressé, et avec mon copain comme locomotive, j’ai réussi mon internat. Puis pour jouer au docteur avec les filles, il fallait bien devenir médecin !" Doté d’un humour ravageur et d’un charme à toute épreuve, ce médecin "empathique et pédagogue" va croiser la route de journalistes. Sa carrière prendra alors un tournant déterminant. France Info, "Comment ça va, bien merci" sur Europe 1, "Le Magazine de la santé" et "Allô docteur" sur France 5, le site Web Bonjour Docteur, ces émissions ont fait de Michel Cymes une référence dans le monde de la santé et des médias. Les hypocondriaques piégés dans la Toile L’accès débridé à l’info santé renforce l’angoisse des personnes constamment certaines d’être malades. Alors que le monde entier retient sa respiration face à une pandémie grippale, difficile de ne pas céder à la panique lorsque retentit le souffle d’un éternuement. Michel Cymes est directement confronté à l’angoisse des téléspectateurs. Et dans son cabinet médical, ce n’est pas plus simple. Il est face à une nouvelle catégorie de patients surinformés, qui peuvent se laisser submerger par l’anxiété. "J’aime les patients avertis avec lesquels je peux discuter, mais je n’aime pas les patients qui se pensent médecins." Cette appréhension poussée à l’extrême, se nomme hypocondrie. "Si on est un peu angoissé, explique Michel Cymes, et que les médias nous confrontent à tant de maladies, on est susceptible de finir hypocondriaque". Rien de bien nouveau, ce mal était déjà connu du temps d’Hippocrate. Molière en a même fait une pièce de théâtre, Le Malade imaginaire. Alors en quoi ce syndrome se renouvelle-t-il ? "Radio, presse, télévision, Internet, nos connaissances médicales deviennent de plus en plus poussées" écrit Michel Cymes dans son ouvrage "Hypocondriaques, je vous ai compris." " Ce qui peut être considéré comme une avancée considérable en matière de prévention, peut aboutir, chez certains, à une écoute trop vigilante de leurs corps". La convergence des médias aurait-elle un effet pernicieux sur la santé mentale du public ? "Non ! tranche le médecin de France 5, car cela permet de sensibiliser les gens. Ainsi neuf fois sur dix, les inquiétudes seront vaines, mais la dixième fois, ce sera pour quelque chose." La compil’ de nos petits symptômes Michel Cymes à la télé, à la radio, sur Internet et en librairie. Il animera aussi la conférence publique du 10 décembre à 18h à La Timone. L’hypocondrie, mal de la génération Internet ? "La difficulté avec les hypocondriaques, c’est de leur faire comprendre qu’ils sont hypocondriaques. L’hypocondrie est la seule maladie qu’ils ne pensent pas avoir ! " Quand l’entourage de ces valétudinaires se lasse de cet état neurasthénique permanent, lorsque le médecin demeure un éternel incompétent qui ne sait pas diagnostiquer le mal qui les ronge, les hypocondriaques se tournent alors vers des cyberforums consacrés à la santé, en quête de compagnons d’infortune. C’est là que le bât blesse : " Surfer nécessite pas mal de discernement, il faut faire très attention aux forums sur lesquels on peut lire d’innombrables inepties ! " Cette tendance a eu le mérite d’inquiéter les médecins de l’équipe du "Magazine de la santé", qui ont ainsi développé un site Web www.bonjour-docteur.com. L’originalité réside dans le support : " Notre site propose des réponses vidéos . Mais le plus important, c’est que notre forum est modéré par des étudiants en 4e année de médecine." "Dieu est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien…" C’est par un Woody Allen hypocondriaque que Michel Cymes amorce son manuel à l’usage de ceux qui se croient foutus, "Hypocondriaques, je vous ai compris". Présomptueux d’imaginer comprendre de pathologiques incompris ? Ce qui est sûr, c’est que celui "qui a su montrer qu’on pouvait parler médecine en souriant" est un docteur empathique. Michel Cymes confesse sa prédisposition à l’anxiété. Il n’est pas là pour rassurer les hypocondriaques : ils ont raison de l’être ! D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls. Patrice Laffont organise des concours de tension artérielle et Christophe Dechavanne part en vacances avec son nécessaire d’amputation, au cas où… Recueil de perles en préambule, Michel Cymes compile, en écrivant à la première personne, tous les symptômes auxquels on peut être confronté au cours d’une vie. "Mes symptômes et mes angoisses de la tête aux pieds", explicités en jargon médical, puis développés clairement avec une pointe d’humour propre à Michel Cymes. Mais ce manuel n’est pas destiné à inquiéter davantage les hypocondriaques, il leur est dédié. Le médecin remercie ces patients pas comme les autres, qui lui ont appris l’humilité, l’humour, mais aussi une souffrance réelle qu’il n’a jamais pu guérir. A défaut, Michel Cymes a appris à la soulager. Alors oui, il insiste, "soyons légèrement hypocondriaques car tout homme bien portant est un malade qui s’ignore". MÉDIAS ET SANTÉ 23 AIX-MARSEILLE II/LA MÉDITERRANÉE Cette université est au service de la santé des Provençaux Elle forme tous nos soignants dans ses facultés de santé et des sciences. 1 1 000 étudiants dans les facultés de santé marseillaises (Médecine, Pharmacie et Odontologie), 5 000 autres sur le campus scientifique de Luminy, soit les deux tiers des effectifs de l’Université de la Méditerranée travaillant de près ou de loin sur la santé. Et ces effectifs ne sont pas près de fondre tant la demande de la société et les progrès dans la prise en charge des malades sont colossaux. Toutefois, on sait qu’il ne suffit pas de polir des têtes bien pleines. Il s’agit également qu’elles soient bien faites. Cette université s’y emploie en favorisant la pluridisciplinarité. Éthique, philosophie, économie de la santé, considérations juridiques et nouvelles technologies ont ainsi innervé les études médicales. Le colloque Médias et Santé dont le président de l’université, Yvon Berland, est à l’origine, en partenariat avec celui de La Provence, Didier Pillet - incarne cette nécessaire convergence des compétences. L’accélération des techniques, aussi grisante soit-elle, ne doit pas enterrer la question du sens. C’est l’honneur de l’université française Lionel Fleury, directeur de l’École de journalisme et de communication de Marseille, coordonne l’organisation du colloque Médias et Santé sous la houlette d’Yvon Berland, président de l’Université de la Méditerranée. et des médias populaires et de qualité d’aiguillonner les consciences. Ce colloque, pour lequel s’est investie une autre composante de l’université, l’École de journalisme et de communication, montrera que le médecin de l’an 2010 est un pivot toujours plus sollicité de la société. La pandémie de grippe A et la psychose qui l’accompagne illustrent à l’envi ce besoin d’un référent mêlant une fine technicité et un humanisme absolu. Aucun sondage ne mesure l’affection que les Français portent à leurs médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Dommage, la surprise serait belle. UN JURY AU TOP Voici le jury présidé par Yvon Berland et Didier Pillet : Pierre Le Coz, Jean-Noël Argenson, Léon Boubli, Olivier Blin, Florence Duffaud, Gilbert Habib, Olivier Dutour, Jean-Robert Harlé, Jean-Paul Bernard, Charles Oliver, Pascal Thomas, Jean-Pierre Brocart, Mathieu Ceccaldi, Patrice Vanelle, Brigitte Chabrol, Fabrice Barlési, Julie Beaudet, Denis Burgarella, Sidonie Lascols, Karine Yessad, Michel Tsimaratos, Lionel Fleury, Alain Gargani, Philippe Schmit. Rares sont les manifestations capables de réunir un jury aussi prestigieux. C’est en effet la crème de l’Université de la Méditerranée et des hôpitaux marseillais qui a procédé à l’élection de 6 des 7 lauréats des Trophées de la Santé, qui seront remis le 10 décembre à 18h dans le grand amphi de la faculté de médecine (entrée libre sur réservation au 04 91 84 45 36 et sur [email protected]). 32 dossiers ont été présentés au jury composé des professeurs de médecine les plus réputés, des directions de l’Assistance Publique et de l’Hôpital Saint Joseph, de la rédaction de La Provence, du directeur de l’École de journalisme et du directeur de l’incubateur multimédia de la Belle-de-Mai.