3 000 sites de santé et déjà 6 millions de Français

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3 000 sites de santé et déjà 6 millions de Français
MÉDIAS ET SANTÉ
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LE RÉSEAU
3000 sites de santé et déjà
6millions de Français accros
A Marseille, l’innovation
passe par la Belle-de-Mai
Grippe, boutons ou cancer,
nous surfons pour savoir. Mais
sommes-nous bien armés ?
U
n internaute sur cinq consulte un site santé. A la recherche d’informations médicales, de conseils ou d’échanges, les
Français se prennent au jeu de la
médecine sur Internet. Avec 33,6
millions d'utilisateurs en France selon Médiamétrie, Internet est un
outil de la vie quotidienne. Et il
était inévitable que la santé fasse
chauffer les connexions. 3 000 sites sont répertoriés.
Apparemment, les internautes
s’y rendent pour se renseigner et
non pour se soigner. Le docteur
Loïc Étienne, fondateur de docteurclic.com, précise que sur son site
«1/3 tiers des patients recherchent
des informations avant de consulter un médecin et 2/3 après ». L’objectif est de trouver et partager des
informations, d’obtenir des
conseils sur les maladies, les traitements, les symptômes. Généralement fondés, rédigés et contrôlés
par des médecins, les contenus des
grands sites ont gagné la confiance
des patients.
Toutefois, la Toile offrant une diversité qui confine souvent à la jun-
La fréquentation des sites de santé a explosé en France. Mais il reste
difficile de faire le tri entre l’info certifiée et les charlatans.
gle, l’internaute doit faire un choix
selon le type d’information recherché. Les sites santé/bien-être sont
ceux qui attirent la foule. Plus spécialisés, les sites d’associations de
patients soutiennent ces derniers
dans leur combat contre la maladie. Les internautes sont aussi
friands de forums où ils peuvent
s’exprimer et échanger. Internet
voit également se développer des
sites porteurs d’innovation.
Structure unique en France, l’incubateur multimédia de la Belle-de-Mai à Marseille fêtera ses dix
ans le 2 décembre. Il aide les porteurs de projets innovants dans le
domaine des technologies de l’information et de la communication
à créer leur entreprise. Selon
Jean-Michel Brocard, son directeur, «l’incubateur a permis la création de 75 entreprises dont 10 %
dans le secteur de la santé». La première est un site d’information sur
la médecine par les plantes créé en
2002 : hippocratus.com. Quatre
autres projets liés à la santé sont
dans les tuyaux.
Cet engouement pour les sites
santé est une raison pour laquelle
l’Université de la Méditerranée a
choisi comme thème du colloque qui se tiendra le 10 décembre à la
Timone - «la Netsanté ». Lionel
Fleury, directeur de l’École de journalisme et de communication de
Marseille, coordinateur du projet,
précise: «Le Net, visiblement, préoccupe les professionnels de santé.
Heureusement, beaucoup d’entre
eux le considèrent non pas comme
une remise en question mais comme un progrès. Il s’agit alors de l’exploiter et de le maîtriser.»
PSYCHOSE
Grippe A: l’épidémie a surtout contaminé la Toile
La fiabilité de nombreux sites
d'information sur la Grippe A
(H1N1) est remise en cause.
C
’est sur les pages web que le
virus se propage le plus rapidement. Le 31 août, le site Info pandémie grippale géré par le
Service d’Information du Gouvernement (SIG) a connu son pic de fréquentation avec 62 000 visites sur
la journée. Créé en 2005 pour informer sur la grippe aviaire, c'est le
portail d’information officiel sur les
menaces de pandémies grippales
et en particulier sur la grippe A. Bulletins épidémiologiques, gestes de
prévention et conseils d’organisation, le site Internet s’adresse à tous
et à des publics ciblés comme les
entreprises et les organismes pu-
blics. Mais n’est-il pas anxiogène
de mettre en ligne autant d’informations ? "Non, répond le SIG, l’État a
un devoir de communiquer sur les
risques auxquels la population est
confrontée». Si le SIG «se tient informé de ce qui se dit ailleurs», il admet
n’avoir aucun contrôle sur les sites
indépendants qui font leur commerce de la grippe A.
Polémiques en ligne
Cette prolifération autorise intox
et rumeurs. Sur les forums, les réactions fusent. Ils représentent un
moyen d’expression voire de propagande pour les lobbies anti-vaccinaux qui dénoncent la toxicité du
vaccin. Déstabilisé, le quidam ne
sait plus à qui se vouer. Pour le professeur Fabrice Simon, chef de service des pathologies infectieuses et
Même durant la vaccination, la
polémique sur la grippe A
continue d’enflammer la Toile.
tropicales à l’hôpital militaire Laveran, «les lobbies anti-vaccinaux font
de la propagande sur la Toile mais
aucun de ses membres ne viendra tenir la main d’un mourant ! La vaccination est une opportunité à saisir
sans délais». Autre sujet de polémique, les énormes sommes engagées
par le ministère pour une maladie
qui ne semble pas plus méchante
qu’une grippe saisonnière. «La diffusion de la pandémie est une réalité incontestable, lance le Pr Simon.
Si le gouvernement n’avait pas été
assez réactif, on le lui aurait reproché. De plus, pour un malade de la
grippe A, une semaine d’hospitalisation coûte 4 200 euros alors que le
vaccin est gratuit. Les controverses
autour de la maladie font couler
beaucoup d’encre alors qu’on ne parle pas des malades ».
MÉDIAS ET SANTÉ
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TÉMOIGNAGES
Comment les Provençaux se
D
’après l’INSEE, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, 31%
de la population déclarent
que leur état de santé est moyen,
mauvais ou très mauvais. Cette proportion est supérieure d’un quart à
celle de la France. Nous
sommes aussi, dans notre région,
plus nombreux à consulter des médecins spécialistes. Sans doute parce que ces derniers y sont plus
nombreux : en 2003, on en comptait 135 pour 100 000 habitants,
contre 88 pour le reste de la France. De là à en déduire que, plus on
voit le médecin, plus on se sent malade... Plus sérieusement, il faut
sans doute regarder du côté des inégalités sociales, très fortes. Le coût
des traitements médicaux, par
exemple, peut dissuader certaines
personnes de faire reconnaître leur
maladie. On sait que les Provençaux de moins de 40 ans ont, plus
souvent, un faible revenu, et que,
par conséquent, les plus jeunes rencontrent des difficultés pour accéder au système de soins, contrairement à leurs aînés. Alors, Internet,
peut-il réduire ces inégalités, grâce
aux informations qu’il diffuse ?
Qu’on soit professionnels de la santé ou non, utilisons-nous ce média
pour obtenir des renseignements
médicaux ? Est-t-il adapté à cette
demande ? Et quelles réponses y
trouvons-nous ? Enquête.
"Le malade pense tout de suite au cancer"
Odile Triponney-Baudoin, médecin
généraliste à Marseille, constate que
la fréquentation des sites contribue
souvent à l’angoisse des patients.
Odile Triponney-Baudoin est
une adepte du Web, mais hors
consultation. «Internet, je m’en
sers pour les vaccins obligatoires,
les maladies en cours dans le monde quand mes patients voyagent. Il
m’arrive aussi d’aller sur le site de
la faculté de Rennes, et celui de
l’INPES.» Certains de ses patients
font de même. "Cela se traduit par
un coup de téléphone dans l’heure
qui suit la consultation. Je pense
qu’ils tapent directement leur pathologie sur des moteurs de recherche. Mais bien souvent, l’information est trop compliquée et cela génère une grosse inquiétude. Après,
ils vont dans les forums et là, c’est
encore pire".
"Le fait d’avoir une culture médicale permet de savoir ce qu’on cherche, comment on le recherche. En
matière de médecine, il ne faut pas
prendre les symptômes au premier
degré. Par exemple, lors d’une anomalie biologique ou inflammatoire, la référence des gens, c’est d’emblée le cancer !" Aussi Internet ne
remplacera jamais le médecin.
"L’examen clinique est nécessaire,
car on a quelque chose au bout des
doigts. On a besoin de regarder :
une gorge rouge ce n’est pas la même gorge rouge qu’une autre.
Quand un jeune homme de 17 ans
vient nous voir pour des angines à
répétition, on se dit que, vu son
âge, ce n’est pas normal. Après
deux ou trois consultations, il se
met à parler d’autre chose, et là, on
l’a enfin soigné." Le médecin reconnaît cependant des aspects très positifs à Internet via "les sites des associations, par exemple celles des
gens atteints de la maladie de Parkinson ou de sclérose en plaques.
Ces sites sont extraordinaires pour
leur moral, et pour les infos pratiques utiles dans la vie courante. Même pour le cancer, maintenant, il y
a des choses très positives."
Catherine
59 ans, éducatrice de jeunes enfants
Ollioules
"Je vais sur le Web dès que je me
pose une question, par exemple au
sujet d’une prise de sang, ou dans
le cadre de mon travail, quand des
enfants sont malades. Mais une
fois, j’étais pliée en deux, j’ai vu
que ça pouvait être une péritonite,
j’ai appelé SOS Médecins et quand
ils sont venus, ma douleur est
partie : c’était nerveux. Mais ça, ce
n’était pas marqué sur Internet !"
Laurence
53 ans, assistante sociale
Toulon
"L’information sur Internet est plus
actualisée que celle des livres. J’y
suis allée pour regarder des choses
sur le lymphome et sur mes problèmes de vue. Je me suis renseignée
sur des sites médicaux, pas sur des
forums. J’ai tapé mes problèmes de
santé dans la barre de recherche
Google, et j’ai obtenu une liste de sites. J’ai regardé ce qui était simple
mais sur des sites sérieux."
Bruno
44 ans, cadre de santé
Marseille
"Je ne connais pas vraiment les sites. J'ai souvent regardé les rubriques "imagerie médicale" car
c'est en lien direct avec mon métier. Je trouve ces rubriques souvent incomplètes. Je n'ai pas du
tout le réflexe de me connecter au
Net quand mes enfants ou moi
sommes malades; j'appelle plutôt
un médecin, même si je n'ai besoin que d'un simple conseil."
Docteur Odile Triponney-Baudoin. La consultation d’Internet par ses
patients suscite une angoisse supplémentaire, faute de recul suffisant.
VOTRE AVIS
Lucette
75 ans, pharmacienne à la retraite
Marseille
"Je ne vais pas sur Internet, je n'ai
pas de connexion. Par contre, je regarde le Journal de la Santé sur
France 5. Mon fils, lui, a Internet
mais il va voir des professionnels
lorsqu'il a un problème de santé.
Une fois, un ami lui a conseillé de
commander sur Internet une tisane qui lui permettrait de mieux dormir. Résultat, ça lui a coûté 8,50 ¤
et il dort toujours aussi mal !"
MÉDIAS ET SANTÉ
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soignent-ils sur Internet?
"Voir les blogs, pour mieux "Internet ne remplacera
comprendre les patients" jamais un médecin"
Claire Alberto, 48 ans, est infirmière
en cardiologie. Sa fille, Élise, 22 ans,
est également infirmière. Elles
pointent les avantages du Net.
Olivier Burési, pharmacien
rue d’Endoume à Marseille,
donne sa vision de la Santé
sur Internet.
"Ce sont plus les médecins que
les infirmières qui reçoivent des
patients s’étant documentés sur
Internet, note Claire Alberto, 48
ans. Dans mon service, je n’ai jamais de patients qui me parlent
de ce qu’ils y ont lu. Ce sont essentiellement des personnes âgées
qui n’utilisent pas cet outil. Mais
je pense qu’Internet peut être un
atout pour les patients, surtout
quand les médecins sont débordés. Cela permet aussi d’avoir
plus d’informations après le diagnostic. Le problème est qu’il y a
beaucoup d’informations inquiétantes alors que la réalité est souvent moins effrayante. Internet
complète mais ne remplace pas le
dialogue avec un spécialiste."
"Internet est surtout utilisé
dans le cadre de la recherche médicale, précise sa fille Elise, également infirmière. Les malades peuvent se renseigner sur des essais
thérapeutiques. Le patient de-
vient alors acteur de son traitement en proposant aux médecins
d’intégrer un essai. Mais il y a aussi des risques liés aux forums où
les réponses sont parfois erronées. Elles sont faites par des personnes qui n’appartiennent pas
au corps médical. Les blogs créés
par les patients peuvent aussi être
surprenants. Ils permettent aux
personnels soignants de comprendre ce que pensent les patients et
aident à se remettre en question".
Lorsque l’on évoque les pratiques qui se développent autour de
la santé sur Internet (achat de médicaments et consultation en ligne,
forums…), Olivier Burési se fait
tranchant : "Internet ne remplacera jamais un médecin".
Pour ce pharmacien qui reçoit
une clientèle aussi bien populaire
que plus chic, les personnes qui utilisent Internet comme un substitut
de médecin prennent le risque de
"trop s’inquiéter ou au contraire,
de trop se rassurer et d’éviter un
rendez-vous chez le docteur. Le risque est de faire un mauvais diagnostic". Avant d’ajouter : "Notre
profession a un capital confiance
fort auprès des patients, les gens savent à qui il faut s’adresser. Alors
que seuls, livrés à eux-mêmes face
à un écran d’ordinateur, il leur est
difficile de décider s’il faut prendre
tel ou tel produit."
La santé est "trop importante
pour se soigner derrière un écran"
lâche le jeune praticien.
Et les pharmaciens, vont-ils eux
aussi chercher des réponses sur
Internet ? "Non ! Je ne suis pas un
fan d’Internet. Quand on voit ce
qu’on peut y trouver, je n'ai qu’une
envie, vite fermer la page !"
Voilà donc un pharmacien qui
préfère le contact direct aux échanges virtuels. Il est vrai également
que l’intérêt des professionnels de
santé n’est sûrement pas de favoriser l’achat en ligne.
Stéphanie
31 ans, agent territorial des écoles
maternelles
Rognac
"Je pense que la santé sur Internet
informe bien. Mais il faut que les
sites soient contrôlés. Dans le cadre de mon travail, il y a un site
très bien fait, "eduscol", il traite de
l’obésité, de la nutrition chez les
enfants. Je me rends aussi sur le site de l’Organisation mondiale de
la Santé dans le cadre de ma formation d’auxiliaire de puériculture."
Priscilla
27 ans, secrétaire dans un centre social
Marseille
"Je ne vais pas trop sur Internet au
sujet de la santé, sauf pour ce qui
concerne la nutrition. Mais je
n’achète jamais car je n’ai pas
confiance. Personnellement, je ne
vais pas forcément sur les forums,
car on est déjà informé par la télévision, notamment avec "Plus belle
la vie" qui a parlé des dépistages,
et par le biais de mon travail, aussi,
car on fait des ateliers santé."
Mathieu
20 ans, étudiant 1ere année à l’Institut de
Formation en Masso-Kinésithérapie
Marseille
"Je suis tombé sur ce genre de site
en faisant des recherches pour mes
études. J'ai utilisé le Net une fois
pour un problème de santé. Je ne
suis quand même pas persuadé de
l'exactitude des informations. De
toute façon, sur le Net, il y a beaucoup de renseignements, mais tout
n'est pas fiable. Je préfère m'en référer à l'avis d'un médecin."
Jessica
15 ans, lycéenne
Lançon-de-Provence
"Je suis contre les sites santé parce
que je pense que les informations
sont fausses. L’objectif est de vendre des produits inutiles. Dès que
j’ouvre une page web, je tombe sur
une pub pour des produits amaigrissants ou des vitamines. Je n’ai
jamais recherché d’informations
sur Internet. Je préfère m’adresser
à quelqu’un de réel : mes parents,
des amis ou des docteurs."
Mère et fille, ces deux infirmières de Rognac constatent
les apports d’Internet.
Olivier Burési met en garde
ses clients contre les infos délivrées sur le Web.
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CONTRÔLE
Le gendarme de la santé
veille à la conformité des sites
La Haute Autorité de Santé fait
confiance à Health On the Net
pour valider l’info en ligne.
E
n France, un patient sur cinq
consulte un site de santé.
Mais qu’est-ce qui permet de
certifier le sérieux de ces sites
Internet ? Etienne Caniard, membre du collège de la Haute Autorité
de Santé (HAS), président de la
commission qualité et diffusion de
l’information, explique la démarche de l’HAS qui est une autorité publique indépendante à caractère
scientifique.
Elle possède une mission de
veille et d’évaluation de la qualité
du système médical. Sur la Toile, sa
démarche de certification de sites a
pour but d’éclairer l’internaute
dans sa recherche d’informations,
et en aucun cas de lui imposer une
vision de la médecine sur Internet.
Pour M. Caniard, l’internaute est
"responsable" et toute information
permettant d’accroître sa connais-
Étienne Caniard révèle que la Haute Autorité de Santé se réfère au
/ PHOTO DR
HONcode, élaboré par une organisation helvétique.
sance dans le domaine de la santé
est "un élément positif". Cependant, le problème vient de "l’abondance d’informations". Aussi la
HAS a mis en place une procédure
de standardisation des sites médicaux français en partenariat avec
l’association Health On the Net
(HON). Cette collaboration a pour
finalité d’attester de la fiabilité et la
SUCCESS STORY
Doctissimo, les femmes l’adorent!
Avec 1 million de
connexions/jour c’est le
site le plus consulté.
sents sur le site sont écrits par
des journalistes et des professionnels de la santé. Le contenu du site est supervisé par le
Dr Jean-Philippe Rivière et David Bême, directeur médical et
rédacteur en chef. En moyenne, les internautes naviguent
12 minutes, essentiellement
sur le forum.
A
vec 1 million de
connexions par jour,
Doctissimo est le site
santé-bien-être le plus consulté en France. Fondé en 2000 et
en cours de labellisation par la
Haute Autorité de Santé, il est
aussi considéré comme le premier site féminin. En effet,
80% des personnes qui le visitent sont des femmes. Il comporte une partie information
avec une rédaction et une partie communautaire avec forums, chats et blogs.
Les différentes rubriques balaient l’ensemble de la vie quotidienne. Y sont notamment
abordés la santé, les médicaments, la grossesse, la psychologie, la nutrition et même la
beauté et l’environnement.
Ce n’est pas un site médical,
car il ne se donne pas comme
La grossesse en tête
Valérie Brouchoud sera à
Marseille le 10 décembre.
but de soigner. D’ailleurs, selon Valérie Brouchoud, directrice de Doctissimo (lire son interview ci-contre) "les internautes qui consultent ce genre
de sites n’ont pas tendance à
pratiquer l’automédication et
donc à vouloir remplacer leur
médecin." Les articles pré-
Sur ces forums, environ
150 000 messages sont postés
chaque jour. C’est celui de la
grossesse qui est le plus
consulté. Les forums sont surveillés par des modérateurs
employés par Doctissimo.
Dans un souci de législation,
ils vérifient qu’il n’y ait pas de
vente de médicaments ou de
publicité pour des produits.
Ce système de contrôle se fait
donc a posteriori. Évidemment, tous les messages ne
peuvent être contrôlés. Mais
chaque internaute peut activer une alerte.
crédibilité des sites de santé. Ce
n’est pas leur qualité qui est jugée,
mais plutôt les efforts de
"transparence afin que les visiteurs
puissent avoir tous les éléments qui
leurs permettent d'évaluer s'ils peuvent faire confiance ou non à l'information proposée" (auteurs, origine
de l’information, protection des
données personnelles…). La HAS
incite par conséquent à se référer
au code de conduite en huit points
élaboré par HON. Toutefois, moins
de 4 internautes sur 10 vérifient
l’origine de l’information. C’est à
cause de ce manque d’esprit critique vis-à-vis d’Internet qu’il a fallu
développer une "certification protectrice". C’est là qu’intervient l’association Health On the Net basée
en Suisse. On s’y réfère en matière
de "promotion et de mise à disposition de l'information en ligne sur la
santé et la médecine, ainsi que de
son utilisation appropriée et efficace". Le HONcode a été traduit en 34
langues, et est présent dans plus de
96 pays.
"On devient ainsi
acteur de sa santé"
❚ Qui est à l’origine du site Doctissimo ?
Valérie Brouchoud : "Laurent Alexandre,
chirurgien neurologue, Claude Malhuret, médecin au parcours politique, et Cédric Tournay
se sont inspirés des sites santé américains. Doctissimo a été lancé en 2000. Le besoin de s'informer des internautes n'était pas satisfait. Des sites comme médicit existaient, mais l’éclatement de la bulle spéculative est passé par là et
en a laissé beaucoup sur le bord de la route.
❚ Comment le site a-t-il évolué ?
V.B. : "L’idée d’origine était de rendre les
gens acteurs de leur santé, de leur donner les
informations pour prendre leur santé en main.
Mais nous n’avons pas la volonté de remplacer
le médecin. Avant, après, autour de la consultation, il y a tout un volet d’informations qui ne
sont pas données par les médecins. Nous voulons accompagner les internautes dans les moments importants de leur vie. Mieux on comprend, plus on est à même de changer de comportement, ce qui est indispensable par rapport à certaines pathologies comme l’obésité.
Doctissimo est aussi devenu un lieu de vie grâce aux forums. Il y a des femmes qui viennent
échanger des photos, se font des amies. Ou encore les forums médicaux jouent un rôle de soutien, accompagnent les personnes malades."
8
MÉDIAS ET SANTÉ
PSYCHOLOGIE
Et voici le divan virtuel
discret et moins cher
Des psychologues consultent
en ligne. Plus distants, mais
les échanges sont bien réels.
B
obos, toux, fièvre, le moindre symptôme est l’occasion pour l’internaute de
disséquer les informations fournies par le Net et de devenir un
"expert" de sa maladie. Selon une
étude de l’Inserm en 2008, 70 %
des Français auraient fait une recherche sur Internet pour trouver
une information liée à la santé.
Les médecins ne sont pas en reste et l’interactivité médecin-patient devient une réalité. Cette
nouvelle pratique dans l’approche de la santé bouleverse les mentalités.
La psychologue Isabelle Poggioli est confrontée à un véritable engouement pour les nouvelles technologies. "Certaines personnes ont
besoin d’une écoute exclusive, ce
qu’un forum ne pourra pas leur apporter". D’autres facteurs entrent
en ligne de compte, comme le
manque de temps ou l’esprit casanier. Beaucoup de personnes cherchent des réponses rapides et refusent d’attendre des semaines
avant un rendez-vous. En outre,
"Parler au
patient"
Brigitte Chabrol est professeur de neurologie pédiatrique, Centre de référence des
maladies rares à La Timone.
1
En quoi Internet modifie-t-il
la relation patient/médecin ?
Ce type d’information reste
souvent global, non personnalisé, et ne remplacera jamais une
consultation avec un médecin
qui transmettra l’information
en utilisant les termes appropriés, en tenant compte de la
compréhension et de la perception par le patient des explications données.
2
Dans votre pratique, qu’a
changé l’outil Internet ?
On se doit de tenir compte des
informations que les patients
obtiennent et qui seront commentées, expliquées, discutées
lors des consultations. Les en-
On peut consulter un psy sans sortir de chez soi. Mais cette formule
est-elle bien adaptée aux cas délicats ?
Internet assure une certaine clandestinité, notamment "dans les petites villes où tout le monde se
connaît". Enfin, il y aurait un intérêt financier à consulter sur le Net
car les frais sont réduits, malgré le
non remboursement des consultations d’un psychologue en ligne.
Sur son site, qui affiche 22 634
visites, Isabelle Poggioli met en
avant son diplôme. Cette volonté
de transparence "permet aux personnes de savoir à qui elles ont affaire, ça les rassure. Il y a un visage
derrière l’écran. Les consultations
en ligne sont bien réelles. Elles permettent d’aider les personnes dans
une première démarche thérapeutique qu’elles n’auraient peut être
pas entreprise auparavant".
Selon le Pr Chabrol, l’annonce du diagnostic est
modifiée.
LES RÉGIMES
Quand la souris grignote les kilos
Les régimes en ligne font un
tabac. Ils ne sont efficaces que
pour les plus motivées.
L
es régimes, vous connaissez.
Internet, lui aussi, n'a plus de
secret pour vous. Mais est-il
possible de combiner les deux ?
Perdre du poids en un clic de souris vous paraît-il plausible ? Des dizaines de sites de régimes en ligne
ont récemment fleuri sur la Toile.
Sont-ils efficaces et sans risques ?
Minciligne.com, Regime-savoir-maigrir.fr, Weightwatchers.fr… Ces sites sont bien sûr
payants. Mais un diététicien ou un
nutritionniste, c'est également
coûteux, voire plus cher. Comptez
de 30 à 45 euros la séance avec une
diététicienne - certaines séances
sont remboursables dans le cadre
Sur la balance, l’impact des
régimes Web semble limité.
d'une maladie - contre 15 à 25
euros par mois pour un régime en
ligne.
Certes, tout n'est pas bon à prendre sur le Net mais les sites sont gé-
néralement gérés par des professionnels. Et rien ne vous empêche
de les contacter (rubrique
"Contacts") pour leur demander
des certificats ou le label sous lequel ils exercent.
Si vous n'êtes pas motivée à
100 %, oubliez les régimes en ligne. Le fait de ne pas avoir en face
de "vraies" personnes n'aidera en
aucun cas les dilettantes. Les secrets de ces régimes résident dans
leur communication très personnalisée : envois de mails, de vidéos, de listes de courses, forums
pour échanger avec d'autres participantes... Une interactivité évidente et efficace. Le sérieux - et le
succès - de ces sites réside aussi
dans la prise en compte de vos habitudes alimentaires. Si vous détestez le chou-fleur, on vous servira
des haricots.
fants et les adolescents s’approprient également ce type de recherche, il ne faudra pas
oublier d’en parler avec eux. Ceci est particulièrement important dans les maladies chroniques. Lors de l’annonce d’un
diagnostic de maladie grave, il
était préconisé de ne pas donner toute l’information d’emblée, mais de la délivrer au fil
du temps. Cette dimension
temporelle n’est plus la même
en raison de l’accessibilité immédiate du patient à toute l’information.
3
Que vous apporte Internet
en tant que médecin ?
C’est un outil fantastique.
Nous avons accès à la littérature scientifique internationale,
à des méthodes d’analyse des
données pouvant nous aider
dans certains cas de syndromes rares, à des collaborations
nationales et internationales.
MÉDIAS ET SANTÉ
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❚❚❚❚❚
CE QUI FAIT LE BUZZ
Grippe A H1N1 :
la pandémie s’étend
La pandémie fait la une des sujets de santé. Elle gagne peu à
peu du terrain en France. La
campagne de vaccination, réservée dans un premier temps
aux personnels de santé et aux
populations fragiles, a débuté
en octobre. Et, maintenant
que l’Europe est concernée,
on ne parle bizarrement plus
de "grippe porcine". Quelques
articles, sur le Web, font état
de deux versions du vaccin,
avec ou sans adjuvant.
PLAN CANCER
Le Président annonce de
nouvelles mesures
Nicolas Sarkozy, en visite à
Marseille le 2 novembre, dévoile le nouveau plan Cancer
2009-1013. Les grands axes de
ce plan concernent la réduction de la consommation de
tabac et d'alcool, la prévention
des cancers du sein et du colon ou la réduction des inégalités des classes sociales face à
la maladie. Les sites de
Net-Santé décrivent en détail
ces nouvelles orientations.
STRESS AU TRAVAIL
Les suicides chez France
Télécom relancent le débat
La vague de suicides chez les
salariés de France Télécom est
très médiatisée. Mais ils ne
sont pas les seuls. Les journaux en ligne rapportent que
les responsables d'autres entreprises françaises se penchent
sur le problème du stress au
travail. Certains ont remarqué
une augmentation de consommation d'antidépresseurs parmi les employés.
ASSEMBLÉE
Les génériques bientôt
obligatoires
Également sur la Net-Santé, le
vote, à l'Assemblée, d'un
amendement obligeant les médecins à prescrire des médicaments génériques. A condition
que l'alternative générique à
un médicament existe.
ÉCONOMIE
La vitrine du Web pousse
à l’automédication
Prix réduit, achat de nouvelles
molécules sont tentants. Mais
gare aux contrefaçons !
I
l était déjà facile d’aller chez le
pharmacien du coin sans passer par la case médecin parce
que votre bambin faisait une poussée de fièvre. Désormais, nombreux sont les patients qui n’hésitent plus à commander leurs traitements directement sur le Net, à
moindre coût et livrables dans les
48 heures. Et les nouvelles technologies leur facilitent bien les
choses : on consulte sur Internet
comme on consulte son médecin.
En quelques clics, on accède à une
véritable « encyclopédie
médicale » qui répond à toutes les
questions.
"Ces médicaments achetés sur le
Net sont un véritable danger, on ne
sait pas de quoi ils sont faits et la
plupart du temps ils sont inefficaces" prévient Fatiha Ameziane, médecin généraliste à Marseille. Certes, mais Internet c’est aussi l’accès à des molécules qui restent
chères en officine, que l’on peut
commander sans avis médical
mais qui n’ont pas toujours l’autorisation de mise sur le marché.
Toutefois, d’autres sites revendi-
La tentation est grande de se procurer des médicaments moins chers.
Mais beaucoup n’ont pas reçu l’autorisation de mise sur le marché.
quent un grand sérieux mais aucune validation officielle n’existe à
ce jour.
Matthias, étudiant, a ainsi hésité à acheter en ligne un traitement
contre le paludisme. Il était moins
cher de 30 % mais le jeune homme a eu soudain des doutes sur sa
provenance. "Plutôt que de prendre des risques avec ma santé, j’ai
préféré l’acheter en pharmacie, y
mettre le prix et être sûr de la qualité du produit".
Gélules amaigrissantes, pilules
pour traiter les troubles de l’érection, compléments alimentaires,
traitements pour combattre la calvitie ou l’obésité, la liste est longue sur la Toile et les contrefaçons
existent.
LE MARCHÉ DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
Sur le Net, des plantes en or massif
C’est encore l’argument
économique qui fait le succès
des sites spécialisés.
U
n marché estimé à plus d’1
milliard d’euros. Un complément alimentaire est
une source concentrée de nutriments ou de plantes ayant un effet
nutritionnel ou physiologique.
Les principales raisons qui poussent les consommateurs à acheter
en ligne sont "le dosage plus fort,
la quantité plus importante de gélules par boîte, une gamme large et
bien sûr, le prix", selon Laurence
H., professeur de biologie et
consommatrice.
En France, 210 millions de boîtes de suppléments alimentaires
ont été écoulées en 2006 avec une
Plus de 200 millions de boîtes
sont vendues en France dont
déjà 12 % sur Internet.
part grandissante sur Internet. Si
le consommateur français a acheté environ 15¤ de compléments alimentaires en 2008, il reste loin derrière son voisin allemand qui en a
dépensé 45¤. Le marché est immense : 37% des Français consommeraient des compléments alimentaires.
Si les pharmacies détiennent le
monopole en terme de distribution, une nouvelle tendance apparaît sur le Web. La vente par correspondance et le e-commerce raflent 12,5% du marché. Avec une
croissance prévue de 3% en 2010
en France et un cadre européen
mieux réglementé, de nouvelles
structures francophones se lancent dans la création de boutiques
en ligne. Cependant de nombreux
produits, assimilés à des compléments alimentaires aux
États-Unis, ne disposent pas de ce
statut en Europe et il n’est pas rare
de voir acheter sur Internet des
« pilules » interdites en France.
MÉDIAS ET SANTÉ
❚❚❚❚❚
LE PHÉNOMÈNE
Le grand bazar masculin
des stimulants sexuels
Internet est un grand
supermarché pour les Viagra
"génériques". Méfiance.
C
’est la petite pilule bleue du
bonheur qui a changé la vie
de millions d’hommes... et
redonné du piment aux nuits de
millions de couples ! Commercialisé en France depuis 1998, le Viagra est un médicament utilisé
pour traiter les troubles de l’érection. Et redonner vigueur à ceux
qui en manquaient au moment
crucial. A ce jour, plus de quinze
millions de pilules ont été prescrites dans notre pays. Les andrologues (spécialistes de l’appareil génital de l’homme) estiment qu’un
homme sur cinq présenterait des
problèmes d’érection. Cette tendance devrait d’ailleurs s’accentuer dans les années à venir, compte tenu de la corrélation entre problèmes érectiles et vieillissement
des populations.
Mais depuis quelques années,
le triomphe du Viagra rencontre
quelques écueils. En effet, ce succès sans précédent a fait exploser
les créations de sites Internet marchands. Quel homme, jeune ou
plus âgé, n’a jamais reçu un courriel lui garantissant une érection
de longue durée moyennant 4,99
dollars ?
Viagra "aux herbes"
Les sites proposent à prix réduits des médicaments qui
auraient le même effet que le célèbre comprimé miracle. Certains
se décarcassent vraiment en offrant du "Viagra aux herbes", "Gé-
Parfois rassurants, Internet et
ses multiples forums santé représentent un lieu d’échange, de
soutien et de partage d'expériences. Pour Mireille Bonierbale,
psychiatre et sexologue à l’hôpital Sainte-Marguerite (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille), "un forum de discussion
ne remplace pas une prise en
VIAGRA
Un business
comme un autre
Les comprimés existent sous
différentes doses (25, 50 ou
100mg) et sont présentés en
plaquettes de 2, 4, 8 comprimés vendus entre 6 et 7 euros
l’unité. Un business qui ne
connaît pas de coup de mou
puisque, rien qu’en France,
plus de quinze millions de pilules auraient été prescrites par
des médecins. Il est en effet indispensable d’obtenir un avis
autorisé afin d’éviter de possibles effets secondaires fâcheux, voire catastrophiques.
Le Viagra pour femme
n’existe pas
Contrairement à un flot de rumeurs circulant sur la Toile et
alimenté par des charlatans
prompts à exploiter la détresse
humaine, le Viagra pour dames
Le Viagra est commercialisé uniquement sous trois marques. Sur
Internet, des trafiquants de drogues ont détourné le produit.
nérique Viagra" ou encore "Tonus
Viagra", sous des appellations diverses et variées, ces offres alléchantes oscillent entre duperie et
arnaque.
Aujourd’hui, il n’existe pas de
générique du Viagra. Le brevet du
médicament, fabriqué par les laboratoires Pfizer, tombera dans le domaine public en 2013. Date à partir de laquelle le générique entrera
officiellement sur le marché. Force est de constater que ce qui est
commercialisé sous l’appellation
"générique" n’est que contrefaçon, souligne-t-on chez Pfizer. La
molécule présente dans le Viagra
est ainsi copiée, et d’autres substances plus ou moins toxiques
peuvent y être ajoutées.
"Le prix, et la gêne ressentie par
les hommes souffrant de troubles
de l’érection, les poussent à acheter
du Viagra sur Internet dans l'espoir de conserver leur anonymat,
témoigne le docteur Jean-François Renucci, spécialiste en médecine vasculaire à l’hôpital de La Timone. Mais les contrefaçons peuvent contenir des actifs sous dosés,
mal purifiés ou même toxiques qui
entraînent des maladies cardio-vasculaires. De plus, l’interaction avec d’autres médicaments est
dangereuse, les risques pouvant aller jusqu’à l’infarctus".
En outre, le commerce de Viagra contrefait dépasse le contrôle
des autorités juridiques. Souvent
originaires d’Inde ou du Pakistan,
ces sites sont parfois dirigés par
des trafiquants de drogues dures.
Seuls les laboratoires Pfizer, Cialis
et Levitra garantissent la qualité et
l’efficacité du produit.
Sexologie: les effets limités des forums
Des forums de discussion tentent de
se substituer aux médecins. Avantage :
ils sont anonymes. Mais les résultats
ne sont pas toujours à la hauteur.
11
charge adaptée par un sexologue.
Dans une société où règne l’incommunicabilité, la solitude de
l’homme le pousse à entretenir
un échange artificiel avec une
communauté qui souffre du même mal. Or, ces interlocuteurs
peuvent échanger leurs souffrances mais ne remplacent pas un
médecin." Prendre un médicament sans suivi médical peut apparaître comme une réponse facile et immédiate. Mais l’automédication appauvrit la sexualité du
patient qui se trouve dépendant
du médicament. Pour le docteur
Bonierbale, "il faut apprendre à
se poser les bonnes questions afin
d’identifier l’origine du trouble à
l’aide d’un spécialiste." Le médecin prévient que "les difficultés
de l’érection sont rarement d’origine organique, il s’agit souvent de
problèmes psychologiques. Le
manque de confiance en soi, les
difficultés de communication
dans le couple ou encore l’anxiété
liée à la performance sont davantage à l’origine du comportement
sexuel déficient".
n’existe pas ! La notice du produit, fournie par les laboratoires dûment autorisés à le commercialiser, indique même très
clairement la mention « vous
ne devez pas prendre Viagra®
si vous êtes une femme ».
D’autres bruits, souvent amplifiés par des forums, laissent
penser que le produit protège
des maladies, ce qui évidemment est faux ! Il n'assure aucune protection contre les infections sexuellement transmissibles. Seul le préservatif présente cette garantie. Aussi préservatif et Viagra sont parfaitement compatibles !
Un stimulant à ne pas
prendre à la légère !
Il faut bien garder en mémoire
que le Viagra reste un médicament délivré uniquement sur
ordonnance, donc en pharmacie. Il ne doit en aucun cas être
proposé à quelqu’un d’autre fut-ce votre meilleur ami, Messieurs ! - même s’il présente
des symptômes similaires.
MÉDIAS ET SANTÉ
12
CONSULTATIONS
Médecins-internautes:
le nouveau bras de fer ?
Les patients sont mieux
informés et osent argumenter,
voire contredire le médecin.
G
râce à la médecine en ligne,
chacun d'entre nous peut
évaluer son état de santé et
discuter, voire contredire un diagnostic ou une thérapie. Les médecins généralistes, souvent
confrontés à ce genre de problème, pourraient voir leur statut fragilisé. Installé dans les quartiers
Nord de Marseille, le docteur Olivier Paul est l'archétype du médecin de famille, qui a établi une relation de confiance avec ses patients. Mais depuis quelque
temps, la famille a un "chef médical" dont le rôle est de discuter les
diagnostics parce qu'il a trouvé
une meilleure information sur Internet.
"Mon cabinet devient souvent
un lieu de négociation. Je dois faire beaucoup d'efforts pour
convaincre du bienfait d'un vaccin ou d'un traitement !" Heureusement, le virus de la "Net-santé"
agit également comme une préparation à la consultation. Le docteur Paul consulte lui-même ces
sites, pour s'assurer de leur fiabilité et adapter son discours.
Des informations validées et
bien comprises
Fiabilité et compréhension
sont des notions qui reviennent
souvent dans le discours médical,
notamment chez les spécialistes,
Le Dr Abdou Sbihi (hôpital Saint Joseph) souhaite une certification des sites par la haute Autorité de Santé.
peu soumis à la contradiction. Le
Dr Olivier Monnet, radiologue
hospitalier, se félicite que certains sites des sociétés savantes
en imagerie soient accessibles au
grand public. Le dialogue avec un
patient averti est, pour lui, plus facile. "Mais il faut s'assurer de la
bonne compréhension des données recueillies par le patient et de
l'absence de confusion, pour gagner en efficacité et en qualité."
Quant aux sites destinés au
grand public, il est nécessaire, se-
lon lui, qu'ils fassent l'objet d'un
contrôle afin de valider les informations qu'ils contiennent. Certains sont d'ailleurs certifiés par
la Haute Autorité de Santé. Pour
le Dr Abdou Sbihi, chirurgien orthopédiste à l'hôpital Saint Joseph de Marseille, la certification
des sites devrait être généralisée.
Fondateur d'un site grand public,
il est très attaché au contrôle et à
la validation des informations par
la communauté médicale. En effet, "si le message est imprécis au
départ, dit-il, il est très difficile de
resituer le débat et d'orienter le patient vers un traitement adapté à
son cas."
La médecine ne serait donc pas
menacée par le surf sur le Net, qui
ne peut remplacer le contact d'un
patient avec son médecin. On
peut même avancer qu'elle est
renforcée, dès lors que les données recueillies sur le Web sont fidèles aux recommandations
scientifiques, le malade devenant
alors acteur de sa santé.
Ces toubibs qui ont pris le Web à bras-le-corps
De plus en plus de praticiens fréquentent les sites de
santé afin de mieux comprendre leurs patients. Et
quelques-uns s’y investissent carrément.
Internet, ce n’est pas uniquement destiné aux
patients inquiets pour leur santé ou non satisfaits du diagnostic établi par leur médecin. Pour
les professionnels de la santé, c'est la découverte
d'un nouveau métier et un moyen d’être à la
pointe de la connaissance.
Nouvelles relations, nouvelles pratiques, Internet est au cœur de l’évolution de la médecine. Il
s’immisce dans la relation patient/docteur et
modifie les rôles de chacun. Beaucoup plus informés, les patients "devancent les traitements. Certains souhaitent intégrer des essais thérapeutiques qu’ils ont trouvés sur Internet et que ne je ne
connais pas, explique avec satisfaction Marjorie
Rares sont les médecins à ne pas consulter
Internet pour se tenir informés. Et certains
animent même des sites.
Baciuchka-Palmaro, oncologue à l’hôpital Nord
de Marseille. C’est aussi une source d’information rapide pour les professionnels".
Internet devient donc indispensable dans le
domaine de la santé. C’est d’ailleurs une nouvelle approche de la médecine pour des praticiens
qui choisissent de conseiller sur la Toile. En donnant la parole aux patients, le site docteurclic.com s’est donné l’objectif de faire de la prévention, de la régulation et d’apporter des informations. Le docteur Loïc Étienne, qui en est le
fondateur, "essaie de faire la différence entre le
symptôme qui est gérable par le patient et la maladie qui ne l’est pas" en incitant même à l’automédication. "La parole du patient va permettre
de dépister des maladies plus tôt", assure-t-il. Le
Net apparaît ainsi comme une étape nécessaire
aux progrès en matière de médecine.
MÉDIAS ET SANTÉ
14
DROIT
Gare au viol du secret médical
Transmettre des données via
Internet aide au suivi du
patient. A certaines conditions.
B
anquiers, assureurs, employeurs peuvent-ils avoir
accès aux informations
médicales? C'est une inquiétude
que soulèvent les professionnels
de santé, notamment à travers un
livre blanc publié par le Conseil national de l'ordre des médecins
(CNOM) ou encore l'avis 104 du Comité national d'éthique pour les
sciences de la vie et de la santé.
Pourtant, selon un sondage TNS
Sofres pour le CNOM sur l'informatisation de la santé, 68% des médecins jugent la mise en place d’un
dossier médical personnel informatisé et accessible par Internet utile
dans le cadre de leur pratique quotidienne. Du côté des patients, 91%
des personnes interrogées estiment que l’utilisation des outils informatiques est une bonne chose
pour leur suivi médical.
Cependant, le risque de violation du secret médical est réel.
Mais pour Walter Vorhauer, secrétaire général du CNOM, ce n'est
pas nouveau: "Le respect du secret
reçoit des coups de canif ces dernières années, qu'on communique par
Maître Fiorentini-Gatti exhorte les médecins communiquant par
Internet à prendre leurs précautions en informant leurs patients. / PH. C.S.
télécopie ou même au sein d'un secrétariat partagé. Internet n'est
qu'un problème supplémentaire".
Le patient peut refuser
Et c'est parce qu'il permet une
diffusion plus large des informations que le Web remet la question
du secret médical au centre des pré-
occupations. Ainsi, les praticiens
peuvent échanger avec leurs patients par mail ou par forum interposé, sans se soucier de l'utilisation qui pourrait être faîte de ces
données personnelles. "Légalement, la responsabilité du médecin
est engagée pour violation du secret
médical s'il divulgue des informa-
tions sur la santé de la personne à
son insu, explique Sandra Fiorentini-Gatti, avocate au barreau de
Marseille. Ce qui, en pratique, n’a
pas lieu d’être, le médecin étant,
par principe déontologique, le garant du secret médical. Par conséquent, si le patient est informé des
risques de fuites dus à l'utilisation
d'Internet, le secret médical n'est
plus violé. Le médecin, pour se prémunir de toute action en responsabilité, doit agir de manière diligente
en informant son patient qu’il utilise l’outil Internet."
Pourtant, d'un point de vue
déontologique, Walter Vorhauer
considère que les échanges sur Internet, même cachés derrière un
pseudonyme, sont à éviter. "La règle du secret médical est très simple:
le praticien détenteur d'une information est tenu au secret, quels que
soient les modes d'expressions".
Alors, pour être sûr que les données médicales sont protégées, Me
Fiorentini-Gatti insiste sur le fait
que "le médecin doit se munir de
systèmes de protection informatique pure (cryptage, antivirus,
authentification sécurisée, etc.). Et
surtout, il doit informer le patient
qu'il utilise le Web, ce dernier ayant
le droit de refuser la transmission
des données le concernant."
ENTRETIEN
La mise en garde d’Alain-Gérard Slama
Entretien avec Alain-Gérard Slama, universitaire, journaliste et membre du comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé.
médicales comporte des risques?
Sur ce point, je fais confiance à la commission
nationale de l'informatique et des libertés
(CNIL) pour mettre en cause les institutions,
hôpitaux ou médecins, qui laisseraient filer
des informations sur leurs patients. Il est important que le secret médical soit protégé et
que l'hôpital reste un sanctuaire symbolique.
Pour ma part, je considère que le dossier médical personnalisé est un progrès car il facilite la
circulation de l'information. Il évite qu'on
vous refasse les mêmes analyses inutilement
par exemple. Mais cette méfiance à l'égard du
corps médical est révélatrice. C'est parce qu'il
y a de moins en moins de relations entre médecins et patients qu'il y a de plus en plus de méfiance.
❚ En quoi le développement du médical sur Internet peut-il poser des problèmes éthiques ?
J'ai immédiatement en tête la question des
tests de paternité. Le CCNE s'est penché récemment sur cette question avant les états généraux de la bioéthique. Aujourd'hui, on peut
faire analyser les cellules de quelqu'un à son
insu via des sites qui proposent ce service.
Dans le cas des tests de paternité, il y a un véritable conflit de valeur : d'un côté il y a le respect de l'anonymat et de l'autre la nécessité de
connaître ses origines. Notre société semble
prendre une nouvelle direction: dans la balance, le besoin des personnes a tendance à peser
davantage. Il faut cependant encadrer ces pratiques autour d'un principe éthique fondamental, celui de la non-commercialisation du
corps humain.
❚ Le CCNE a également rendu un avis sur l'informatisation des dossiers médicaux. Pensez-vous que la numérisation des informations
Alain-Gérard Slama est membre du Comité
consultatif national d’éthique.
❚ Les sites et forums qui abordent des questions de santé se multiplient sur Internet. Quel
regard portez-vous sur ce phénomène?
Je pense que tout cela ne fait pas progresser la
connaissance médicale. Chacun arrive avec
ses convictions alors que le médecin, lui, a des
connaissances. Une chose est sûre, l'expérience clinique que possède un professionnel de la
santé ne s'acquiert pas sur Internet.
MÉDIAS ET SANTÉ
16
INNOVATION
Orange numérise la santé
L'opérateur propose des
services innovants. Mais le
business a du mal à décoller.
O
range Healthcare, la division santé de l’entreprise
de téléphonie, propose depuis 2007 une panoplie de nouvelles technologies pour simplifier la
vie du patient et le travail du corps
médical. Dans certains hôpitaux
un service fait son apparition,
Connected Hospital, comprenez
littéralement "l’hôpital connecté". Connecté à quoi ? A sa famille
et ses amis via le Web et le téléphone, et à des activités de loisirs telles que la télévision ou des livres
électroniques. Tout cela depuis
son lit grâce à un unique terminal.
Connected Hospital at Home
est la solution pour les allergiques
à l’hôpital. Le patient reste dans
son canapé, l’équipe médicale
vient à lui. Un terminal permet à
chaque intervenant au domicile
du patient de consulter son dossier médical sur un réseau Internet sécurisé. Ce système réduirait
bon nombre d’hospitalisations de
plus en plus coûteuses.
Voici un terminal tel qu’Orange commence à en installer dans les
hôpitaux. Le système de santé français est-il prêt à payer ?
Trouver sur Internet l’agenda
de son médecin traitant c’est possible, si ce dernier a souscrit à l’offre rendez-vous santé d’Orange.
Le patient sélectionne sa plage horaire et peut même demander à recevoir un SMS de rappel la veille
du rendez-vous. Toujours sur la
Toile, il peut trouver ses vaccinations. Elles sont mémorisées et sécurisées dans une carte à puce personnelle disponible auprès de la
Mutuelle Générale associée à
Orange ou sur le site www.tendance-santé.fr. Le médecin l’actualise
depuis le même terminal que la
Carte Vitale et sait à tout moment
si un rappel est nécessaire.
Orange offre au système de santé la possibilité de prendre des assistants numériques personnels,
sous la forme de plate-forme Internet ou de terminaux à tout faire.
Chez Orange on admet que les services tels que Connected Hospital
"mettent du temps à se mettre en
place", ce qui explique pourquoi
aucun n'est disponible en PACA.
Reste à savoir si ces assistants sauront convaincre les praticiens et
les patients pour s’imposer dans
le paysage médical du futur.
SÉRIES
Les fans du Dr House confondent télé et réalité
Les séries télé évoquant la thématique de la santé font exploser
l’audimat. Un succès qui commence à influencer les patients.
D
Docteur House, une caricature des urgences que certains
prennent au pied de la lettre.
octeur House et ses collègues en blouse blanche
de Grey’s Anatomy ou Urgence cartonnent au box-office
sur l’ensemble de la planète. A tel
point que la fiction rattrape parfois la réalité. Subjugués par les
prouesses médicales qu’on leur
donne à voir à la télévision, les
"vrais" patients en viendraient
presque à oublier qu’il ne s’agit là
que d’une série.
Le docteur Philippe Jean, chef
du service des urgences à l’hôpital
Nord (Assistance Publique), explique que "les patients sont influencés car ils ont désormais une
meilleure maîtrise du langage technique qui leur permet de revendiquer des examens précis comme
un scanner ou une IRM". Avant de
préciser "qu’il est difficile de savoir si ces connaissances viennent
des séries télés ou d’Internet, beaucoup de patients se renseignant sur
le Net". Les maladies, souvent très
rares, qui touchent les acteurs de
ces séries ne reflètent pas vraiment la réalité. Selon le docteur
Jean "la réalité est biaisée par le facteur temps. En un épisode il se passe les péripéties de trois mois de vie
réelle. Il y a un concentré d’extrêmes. Les maladies graves se traitent suite à une longue réflexion.
Même aux urgences, il faut un minimum de temps pour prendre du
recul". D’ailleurs, il précise que la
fiction montrée dans le petit
écran traduit "avant tout le système américain, bien différent du
système d’urgence français".
Autre point critiquable, le personnage de Grégory House, qui "a
un comportement odieux et qui
manque d’empathie envers les patients". Puis, comme l’avoue le
docteur Jean, "il y a bien moins
d’histoires sentimentales aux urgences, les docteurs ont suffisamment de travail pour être bien occupés".
Grey’s Anatomy : "Il y a ici
beaucoup moins d’histoires
d’amour !" assure le Dr Jean.
MÉDIAS ET SANTÉ
20
RENCONTRE
Laurent Lantiéri,
l’homme qui greffe les visages
P
ionnier de la transplantation faciale, le Pr
Laurent Lantiéri sera l’invité d’honneur
de la conférence publique "Communication et progrès médical » organisée en clôture
du colloque "Netsanté" (lire en page 18 pour savoir comment y participer). Chef du service de
chirurgie plastique et reconstructive à l’hôpital
Henri Mondor à Créteil, il est à 46 ans reconnu
comme l’un des plus grands spécialistes de la
transplantation faciale. Un domaine sur lequel
le chirurgien a commencé à travailler à la fin des
années 90, en termes de faisabilité médicale
mais aussi d’un point de vue déontologique en
saisissant sur cette question en 2002 le Comité
Consultatif National d’Éthique (CCNE).
Il a dirigé quatre des neuf greffes de la face effectuées à ce jour dans le monde. Le 4 avril dernier avait ainsi donné lieu à une nouvelle "pre-
mière". Le patient, grièvement brûlé lors d’un
accident, subissait simultanément une transplantation faciale et des deux mains. L’homme
devait cependant décéder deux mois plus tard
des suites d’une infection.
Bien que profondément affecté par cet échec,
le Pr Lantiéri reste convaincu que de grands progrès sont à venir. Sa dernière greffe du visage,
c’était le 19 août et le patient se porte bien…
"Les greffés s’approprient leur visage immédiatement"
❚ En tant que pionnier de la greffe de visage, comment analysez-vous l’hypermédiatisation
autour de la chirurgie de transplantation faciale ?
Que ces événements soient médiatisés n'est pas choquant en soi.
L'information du public est importante. Par contre il ne faut pas en
faire une " hypermédiatisation". Il
ne s'agit que d'étapes dans la longue marche de la médecine et de
la science pour améliorer la vie
des patients.
❚ Face à l’épreuve psychologique que représente le changement
de visage, comment vos patients
greffés sont-ils accompagnés dans
ce passage à une nouvelle vie ?
Les patients qui ont choisi de rentrer dans ce protocole
sont tellement défigurés que l'appropriation de leur nouveau visage est immédiate. Il est faux de
croire que le problème de changement de visage est un problème
pour ces patients. Il le serait si ces
patients avaient un visage normal
et qu'on leur changeait comme
dans "Volte Face", ce film américain où Nicolas Cage et John Travolta se retrouvent avec le visage
de l’autre, mais il s'agit
là plutôt d'un fantasme. Par
contre, comme pour toute intervention lourde et innovante, un
soutien psychologique est indispensable pour éviter des dépressions réactionnelles et pour accompagner dans une nouvelle
vie.
❚ Quelle ligne de conduite vous
êtes-vous fixée pour protéger vos
patients de la pression médiatique
et d’une dérive parfois sensationnaliste ?
Il y a une relation de confiance entre mon équipe et les patients, indispensable pour une bonne prise
contre est libre de donner des informations à qui il veut ou de
m'autoriser à en donner. C'est aussi vrai pour les images de ces greffes qui relèvent pour moi aussi du
dossier médical du patient.
❚ Selon quels critères se fait le
choix des futurs greffés ? L’enjeu
scientifique entre-t-il en ligne de
compte ?
Nous sommes encore dans une
phase de recherche clinique,
c'est-à-dire que comme pour un
nouveau médicament ou une nouvelle thérapeutique nous sommes
encore dans une phase d'évaluation. Les critères de choix pour ces
patients sont anatomiques, cliniques immunologiques et psychologiques. Le but est de voir quel
est le réel équilibre entre les risques immédiats et futurs de ces
transplantations et le bénéfice en
termes d'amélioration de qualité
de vie que nous apportons aux patients.
Pr Lantiéri, 46 ans : "Il est fort probable que de nouvelles greffes de
visage aient lieu avant la fin de l’année, des patients en ont besoin."
en charge à long terme. Nous discutons avec eux de ce qu'ils souhaitent faire en termes d'exposition médiatique et je me fais leur
intermédiaire auprès des médias.
J'essaie aussi pour ma part d'établir des relations de confiance
avec les journalistes qui doivent
comprendre les enjeux de ce type
de greffe et les dangers que peuvent faire courir au patient et à la
greffe en général un sensationnalisme qui n'a pas lieu d'être.
❚ Dans quelle mesure toute cette
médiatisation sert-elle la chirurgie
en transplantation ?
A chaque interview que je donne,
j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas de
greffe sans don. Les médecins qui
effectuent ces actes ne le peuvent
que grâce à la générosité des
autres.
❚ Comment communiquer sans
contrevenir au respect du secret
médical ? Où se situe la limite ?
Le secret médical est un absolu.
Même la mort ne nous délivre pas
du secret médical. Le patient par
"Il n’y a pas de greffe
de visage sans don,
sans générosité."
❚ Combien de vos patients sont
aujourd’hui dans l’attente d’un
« nouveau » visage ? Une nouvelle transplantation faciale pourrait-elle avoir lieu avant la fin de
cette année ?
Nous sommes dans une nouvelle
phase d'évaluation de patients. Il
est très probable que de nouvelles
greffes aient lieu avant la fin de
l'année par moi ou par d'autres
équipes. C'est mon souhait que
cette technique se développe le
plus possible car des patients en
ont besoin.
MÉDIAS ET SANTÉ
22
PORTRAIT
Michel Cymes, le docteur
cathodique de la France
O
to-rhino-laryngologiste, Michel Cymes
est surtout connu comme "docteur cathodique". Officiant à France Télévisions, le toubib le plus couru de France débarque à Marseille le 10 décembre pour jouer les
modérateurs au colloque Médias-Santé à la Timone. Rendant quotidiennement son diagnostic sur France 5, c’est par millions que ses patients se donnent rendez-vous devant "Le Ma-
gazine de la santé". Son parcours est atypique.
"Alors que je rate mon Bac, mon meilleur ami
s’inscrit en médecine. L’année suivante, je deviens le premier Cymes bachelier. Ensuite ? La
médecine m’a toujours intéressé, et avec mon copain comme locomotive, j’ai réussi mon internat. Puis pour jouer au docteur avec les filles, il
fallait bien devenir médecin !"
Doté d’un humour ravageur et d’un charme
à toute épreuve, ce médecin "empathique et
pédagogue" va croiser la route de journalistes.
Sa carrière prendra alors un tournant déterminant. France Info, "Comment ça va,
bien merci" sur Europe 1, "Le Magazine de la
santé" et "Allô docteur" sur France 5, le site
Web Bonjour Docteur, ces émissions ont fait
de Michel Cymes une référence dans le monde
de la santé et des médias.
Les hypocondriaques piégés dans la Toile
L’accès débridé à l’info santé renforce
l’angoisse des personnes constamment
certaines d’être malades.
Alors que le monde entier retient sa respiration face à une pandémie grippale, difficile de ne pas
céder à la panique lorsque retentit
le souffle d’un éternuement. Michel Cymes est directement
confronté à l’angoisse des téléspectateurs. Et dans son cabinet médical, ce n’est pas plus simple. Il est
face à une nouvelle catégorie de
patients surinformés, qui peuvent
se laisser submerger par l’anxiété.
"J’aime les patients avertis avec
lesquels je peux discuter, mais je
n’aime pas les patients qui se pensent médecins." Cette appréhension poussée à l’extrême, se nomme hypocondrie. "Si on est un peu
angoissé, explique Michel Cymes,
et que les médias nous confrontent
à tant de maladies, on est susceptible de finir hypocondriaque".
Rien de bien nouveau, ce mal
était déjà connu du temps d’Hippocrate. Molière en a même fait
une pièce de théâtre, Le Malade
imaginaire. Alors en quoi ce syndrome se renouvelle-t-il ? "Radio,
presse, télévision, Internet, nos
connaissances médicales deviennent de plus en plus poussées" écrit
Michel Cymes dans son ouvrage
"Hypocondriaques, je vous ai compris." " Ce qui peut être considéré
comme une avancée considérable
en matière de prévention, peut
aboutir, chez certains, à une écoute
trop vigilante de leurs corps".
La convergence des médias
aurait-elle un effet pernicieux sur
la santé mentale du public ?
"Non ! tranche le médecin de France 5, car cela permet de sensibiliser
les gens. Ainsi neuf fois sur dix, les
inquiétudes seront vaines, mais la
dixième fois, ce sera pour quelque
chose."
La compil’ de nos
petits symptômes
Michel Cymes à la télé, à la radio, sur Internet et en librairie. Il animera
aussi la conférence publique du 10 décembre à 18h à La Timone.
L’hypocondrie, mal de la génération Internet ? "La difficulté avec
les hypocondriaques, c’est de leur
faire comprendre qu’ils sont hypocondriaques. L’hypocondrie est la
seule maladie qu’ils ne pensent pas
avoir ! " Quand l’entourage de ces
valétudinaires se lasse de cet état
neurasthénique permanent, lorsque le médecin demeure un éternel incompétent qui ne sait pas
diagnostiquer le mal qui les ronge,
les hypocondriaques se tournent
alors vers des cyberforums consacrés à la santé, en quête de compagnons d’infortune. C’est là que le
bât blesse : " Surfer nécessite pas
mal de discernement, il faut faire
très attention aux forums sur lesquels on peut lire d’innombrables
inepties ! "
Cette tendance a eu le mérite
d’inquiéter les médecins de l’équipe du "Magazine de la santé", qui
ont ainsi développé un site Web
www.bonjour-docteur.com. L’originalité réside dans le support : "
Notre site propose des réponses vidéos . Mais le plus important, c’est
que notre forum est modéré par des
étudiants en 4e année de médecine."
"Dieu est mort, et moi-même je ne
me sens pas très bien…" C’est par
un Woody Allen hypocondriaque
que Michel Cymes amorce son manuel à l’usage de ceux qui se
croient foutus, "Hypocondriaques,
je vous ai compris".
Présomptueux d’imaginer comprendre de pathologiques
incompris ? Ce qui est sûr, c’est
que celui "qui a su montrer qu’on
pouvait parler médecine en souriant" est un docteur empathique.
Michel Cymes confesse sa prédisposition à l’anxiété. Il n’est pas là
pour rassurer les
hypocondriaques : ils ont raison
de l’être ! D’ailleurs, ils ne sont
pas les seuls. Patrice Laffont organise des concours de tension artérielle et Christophe Dechavanne
part en vacances avec son nécessaire d’amputation, au cas où…
Recueil de perles en préambule,
Michel Cymes compile, en écrivant
à la première personne, tous les
symptômes auxquels on peut être
confronté au cours d’une vie. "Mes
symptômes et mes angoisses de la
tête aux pieds", explicités en jargon médical, puis développés clairement avec une pointe d’humour
propre à Michel Cymes. Mais ce manuel n’est pas destiné à inquiéter
davantage les hypocondriaques, il
leur est dédié. Le médecin remercie ces patients pas comme les
autres, qui lui ont appris l’humilité, l’humour, mais aussi une souffrance réelle qu’il n’a jamais pu
guérir. A défaut, Michel Cymes a
appris à la soulager. Alors oui, il insiste, "soyons légèrement hypocondriaques car tout homme bien portant est un malade qui s’ignore".
MÉDIAS ET SANTÉ
23
AIX-MARSEILLE II/LA MÉDITERRANÉE
Cette université est au service
de la santé des Provençaux
Elle forme tous nos soignants
dans ses facultés de santé et
des sciences.
1
1 000 étudiants dans les facultés de santé marseillaises (Médecine, Pharmacie et Odontologie), 5 000 autres sur le campus
scientifique de Luminy, soit les
deux tiers des effectifs de l’Université de la Méditerranée travaillant de
près ou de loin sur la santé. Et ces
effectifs ne sont pas près de fondre
tant la demande de la société et les
progrès dans la prise en charge des
malades sont colossaux.
Toutefois, on sait qu’il ne suffit
pas de polir des têtes bien pleines.
Il s’agit également qu’elles soient
bien faites. Cette université s’y emploie en favorisant la pluridisciplinarité. Éthique, philosophie, économie de la santé, considérations juridiques et nouvelles technologies
ont ainsi innervé les études médicales. Le colloque Médias et Santé dont le président de l’université,
Yvon Berland, est à l’origine, en partenariat avec celui de La Provence,
Didier Pillet - incarne cette nécessaire convergence des compétences. L’accélération des techniques,
aussi grisante soit-elle, ne doit pas
enterrer la question du sens. C’est
l’honneur de l’université française
Lionel Fleury, directeur de l’École de journalisme et de communication de Marseille, coordonne l’organisation
du colloque Médias et Santé sous la houlette d’Yvon Berland, président de l’Université de la Méditerranée.
et des médias populaires et de qualité d’aiguillonner les consciences.
Ce colloque, pour lequel s’est investie une autre composante de
l’université, l’École de journalisme
et de communication, montrera
que le médecin de l’an 2010 est un
pivot toujours plus sollicité de la société. La pandémie de grippe A et la
psychose qui l’accompagne illustrent à l’envi ce besoin d’un référent mêlant une fine technicité et
un humanisme absolu. Aucun sondage ne mesure l’affection que les
Français portent à leurs médecins,
qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Dommage, la surprise serait
belle.
UN JURY AU TOP
Voici le jury présidé par Yvon Berland et Didier Pillet : Pierre Le Coz, Jean-Noël Argenson, Léon Boubli, Olivier Blin,
Florence Duffaud, Gilbert Habib, Olivier Dutour, Jean-Robert Harlé, Jean-Paul Bernard, Charles Oliver, Pascal
Thomas, Jean-Pierre Brocart, Mathieu Ceccaldi, Patrice Vanelle, Brigitte Chabrol, Fabrice Barlési, Julie Beaudet,
Denis Burgarella, Sidonie Lascols, Karine Yessad, Michel Tsimaratos, Lionel Fleury, Alain Gargani, Philippe Schmit.
Rares sont les manifestations capables de réunir un jury aussi
prestigieux. C’est en effet la crème de l’Université de la Méditerranée et des hôpitaux marseillais
qui a procédé à l’élection de 6 des
7 lauréats des Trophées de la Santé, qui seront remis le 10 décembre à 18h dans le grand amphi de
la faculté de médecine (entrée libre sur réservation au 04 91 84
45 36 et sur
[email protected]).
32 dossiers ont été présentés au
jury composé des professeurs de
médecine les plus réputés, des
directions de l’Assistance Publique et de l’Hôpital Saint Joseph,
de la rédaction de La Provence,
du directeur de l’École de journalisme et du directeur de l’incubateur multimédia de la Belle-de-Mai.