Mme Valérie CHEDRU, Pharmacien, CHU de Caen
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Mme Valérie CHEDRU, Pharmacien, CHU de Caen
Prise en charge des effets secondaires des traitements oncologiques Valérie CHEDRU, pharmacien, CHU de Caen Elodie COQUAN, oncologue médicale, Centre F. Baclesse, Caen Généralités • Les effets secondaires dépendent du mécanisme d’action du médicament • Nécessitent un traitement à visée symptomatique classiquement indépendamment du médicament initial mais attention aux interactions médicamenteuses • Important à prendre rapidement en charge pour maintenir l’observance du traitement • Rôle majeur du médecin généraliste et du pharmacien Cas clinique n°1 • Votre patient, Mr A… , que vous suivez pour un carcinome bronchique, revient vous voir en consultation 1 mois après le début de son traitement par erlotinib. • Il se plaint d’une éruption cutanée « qui lui rappelle son adolescence ! » et de fissures douloureuses des doigts. Cas clinique n°1 • Que proposez-vous concernant la folliculite ? – Une crème hydratante ? – Une crème solaire ? – Une antibiothérapie par voie orale ? – L’arrêt de l’erlotinib ? – Ne rien faire : finalement, c’est bien de rajeunir ! Cas clinique n°1 : la folliculite • Médicaments concernés : anti-EGFR Anticorps : - Cetuximab (Erbitux®) - Panitumumab (Vectibix®) TKI : - Erlotinib (Tarceva®) - Gefitinib (Iressa®) - Lapatinib (Tyverb®) - Afatinib (Giotrif®) Cas clinique n°1 : la folliculite Intérêt d’une prise en charge préventive par DOXYCYCLINE 100 mg/jour • Prise en charge selon le grade de sévérité : – Dans tous les cas : • • Toilette à l’eau claire ou avec pain surgras dermatologique sans savon (ex : Dove®, Atoderm®, Lipikar®, …) Photoprotection Éruption de faible intensité • Visage : préparation magistrale à base d’érythromycine Erythromycine base ................... 2 g Glycérine .................................... 5 g Excipial Hydrocrème .................. qsp 50g • Atteinte du dos : idem ou érythromycine lotion (ex : Eryfluid® ou Stimycine®, …) ou dermocorticoïde classe III (ex : locapred) Cas clinique n°1 : la folliculite Éruption d’intensité modérée • Même traitement local + traitement systémique : une cycline orale (ex : Tétralysal®, …) ou Rubozinc® Et en cas de prurit • Antihistaminique de 2ème génération (ex : Aerius® ou Xyzall ®) Éruption d’intensité sévère : • Report ou arrêt du traitement par inhibiteur de l’EGFR puis modification de la posologie. Consultation dermatologique. • DermocorticoÏdes de classe II (ex : Betneval, diprosone) • Augmentation de la dose de cycline orale Cas clinique n°1 • Quel est votre conduite à tenir concernant les fissures des doigts ? – Une désinfection bétadinée ? – Une crème grasse ? Cas clinique n°1 : Les fissures • Douleurs non proportionnelles à la taille • Prévention • Pain ou gel douche sans savon, surgras • Si facteurs de risque : crème hydratante • Traitement • Crème hydratante pluriquotidienne • Dans la fissure, vaseline officinale, le soir sous pansement ou crème cicatrisante (ex : Cicaplast®, Cicalfate ®, …), Pansement occlusif (hydrocolloïde) – pansement liquide protecteur filmogène (ex : Urgo repair) Cas clinique n°2 • Patiente de 74 ans, atteinte d’un cancer colorectal métastatique, traitée par Xelox J1J21 – Oxaliplatine : 130 mg/m² J1 – Capecitabine : 1000 mg/m² x 2/jour de J1 à J14 • Clairance : 50ml/mn • Capecitabine : Précurseur du 5-fluoro-uracile • Cancer estomac, colon, sein Cas clinique n°2 • Au 2ème mois de traitement : – 2 selles/jour – Douleurs dans la bouche : a du mal à parler et à manger depuis 2 jours Lésions douloureuses de forme arrondie : énanthème, certaines plages ulcérées http://www.dermis.net/dermisroot/fr/1196286/image.htm Cas clinique n°2 • Que prescrivez-vous pour la stopper la diarrhée ? – Lopéramide ? – Une adaptation posologique du Xeloda ? – Un arrêt immédiat du Xeloda ? • Quels conseils lui donnez-vous ? Cas clinique n°2 : Diarrhée • Chez 50% des malades traités • Mesures hygiéno-diététiques adéquates et traitement symptomatique (lopéramide) • Formes sévères, ≥4 selles/j et/ou selles nocturnes : arrêt immédiat jusqu’à normalisation du transit • Hospitalisation pour réhydratation et correction des troubles hydro-électrolytiques. Oncologue : posologie • Prudence : fièvre, neutropénie, nausées, vomissements, sujets âgés Cas clinique n°2 : Diarrhée Mesures hygiéno-diététiques • Se laver souvent les mains avec du savon ou désinfection hydro alcoolique • Désinfecter les toilettes et zones contaminées par des selles avec de l’Eau de Javel • Fractionner les repas : petites quantités, plus souvent • Boire abondamment (environ 2 litres pour un adulte) : Eau, bouillons salés, tisanes sucrées • Riz, pâtes, carottes cuites • Laitages : Fromages à pâte cuite, yaourts de préférence à base de bactéries lactées • Desserts : Banane, compote pomme-coing Cas clinique n°2 : Mucite • Mucites : Un patient sur 2 sous chimiothérapie et/ou radiothérapie • Plus fréquentes lors du traitement des conditionnements de greffe de moelle et cancers de la sphère ORL MÉDICAMENTS EN CAUSE... Docétaxel (Taxotère), cyclophophamide (Endoxan), Fluoro-uracile, Xeloda , méthotrexate, Caelyx , amsacrine (Amsalyo ) Physiopathologie de la mucite GTS Digestif AFSOS, 29 septembre 2011 Cas clinique n°2 : Mucite • Que prescrivez-vous pour traiter la mucite ? – – – – – Bain de bouche Bicarbonate + Fungizone + Xylocaïne ? Bain de bouche à base de chlorhexidine Gel de Xylocaïne Adaptation posologique du Xeloda ? Traitement local par application de Jelonet ? • Quels conseils donnez-vous ? Cas clinique n°2 : Mucite • Evaluation de l’état de la muqueuse buccale une fois par jour selon les cotations OMS GTS Digestif AFSOS, 29 septembre 2011 Cas clinique n°2 : Mucite • A partir du début du ttt : Bain de bouche bicarbonaté 1,4% - au moins 8-10 fois par jour (500ml dans les 8h après ouverture) - gargarisme : 30 à 60 secondes dans la bouche (montre) avant de recracher) - à distance des repas (ex : rinçage après chaque brossage des dents) • Bain de bouche chlorhexidine : déconseillé • Bicarbonate + Fungizone + Xylocaïne : contre-indiqué • Adaptation posologique du Xeloda : non si 1er épisode, interruption jusqu’à retour à grade 0-1 • Jelonet (même si lunette O², pas si masque) : paraffine sur les lésions et les dents en regard • Douleur (gel de xylocaïne) : tenir compte des risques (fausses route, allergie, retard à cicatrisation) • Remise en état de la dentition • Hors aplasie : pas de recours à ATB empirique systématique : privilégier les soins locaux en dehors d’une documentation de germe pathogène Cas clinique n°2 : Mucite Mesures hygiéno-diététiques • Éviter les irritants – pas de bains de bouche à base d'alcool – fil dentaire, brosse à dents médium ou dure – aliments épicés, acides, astringents : (gruyère, noix, vinaigre, moutarde, ananas ) • Maintien de la salivation : hydratation, bonbons acidulés ou mentholées Cas clinique n°2 • Effets secondaires sévères (grades 3 et 4) plus fréquents en cas d’insuffisance rénale modérée • L’évaluation de la fonction rénale : nécessaire avant le début du traitement puis périodiquement – Insuffisance rénale modérée : réduction de la posologie – Insuffisance rénale sévère (cl < 30 ml/mn) : contre indication au traitement Cas clinique n°3 • Patient de 65 ans, sans antécédents particuliers • Diagnostic de carcinome rénal à cellules claires avec métastases pulmonaires d’emblée. • Proposition d’un traitement par SUNITINIB (Sutent®) Cas clinique n°3 • A J15 du traitement, le patient présente des douleurs au niveau de la plante des pieds : Cas clinique n°3 • Syndrome main-pied de forme hyperkératosique • Que prescrivez-vous ? – Une hydratation ? – Une corticothérapie locale ? – Une crème émolliente et kératolytique ? – Une adaptation posologique du sunitinib ? • Quels conseils de prévention lui donnezvous ? Cas clinique n°3 : Syndrome main-pied • Médicaments concernés : – le 5 FU par voie orale (XELODA®) – les TKI ciblant l’angiogénèse • Physiopathologie encore peu connue. Angiogénèse Anticorps : Bevacizumab (Avastin®) TKI : Sunitinib (Sutent®) Sorafenib (Nexavar®) Axitinib (Inlyta®) Pazopanib (Votrient®) Cas clinique n°3 : Syndrome main-pied • Le traitement est préventif : Recherche d’une hyperkératose plantaire préexistante. Si nécessaire, pédicure Conseils de chaussage : large, confortable • Traitement curatif : Formes hyperkératosiques - Modérées : émollients quotidiens kératolytiques à l’urée (Xerial, Akérat S) - Sévères : Vaseline salicylée 30% Formes inflammatoires : Dermocorticoïdes classe I (éventuellement sous occlusif) une fois par jour, en pommade si sec, en crème si humide Formes associées → Alterner les traitements 1j/2. Formes bulleuses → Perçage aseptique si douleur. Respect du toit de la bulle Adaptation posologique du traitement en fonction de la sévérité. Cas clinique n°3 • Au cours de son traitement, il présente un déséquilibre de sa tension artérielle. • Quelle classe thérapeutique prescrivez-vous en 1ère intention ? – – – – Un diurétique Un inhibiteur de l’enzyme de conversion Un sartan Un béta-bloquant Cas clinique n°3 : HTA • Définition de l’HTA HTA définie de façon consensuelle par une PAS ≥ 140 mmHg et/ou une PAD ≥ 90 mmHg La tension artérielle doit être prise chez un patient au repos depuis plusieurs minutes avec un brassard adapté. • S’assurer de l’absence de protéinurie et d’insuffisance rénale associée risque de microangiopathie thrombotique (complication rare) • Traitement de 1ère intention : IEC ou sartan Cas clinique n°3 : HTA Précautions d’emploi • Prudence avec les diurétiques, surtout si rein unique, insuffisance rénale ou association avec autre chimiothérapie néphrotoxique (cisplatine) • Prudence avec les Béta-bloquants : risque de QT long • Risque d’interaction avec le CYP 450 3A4 avec la plupart des inhibiteurs calciques • Attention au risque de chute tensionnelle pendant les pauses thérapeutiques Cas clinique n°4 • Patiente de 54 ans traitée par docétaxel pour cancer du sein • 15 jours après le début de la chimiothérapie : Alopécie modérée en plaque Cas clinique n°4 : Alopécie • Pour le patient et son entourage = maladie • Effet maximal après 2 mois • Toujours réversible à l’arrêt (après plusieurs semaines ou mois) • Modification de la couleur et texture • Très alopéciants : doxo-, dauno-, épirubicine, docé-, paclitaxel • Moyennement alopéciants : cytarabine, cyclophosphamide, platines… Cas clinique n°4 : Alopécie • Que conseillez-vous : – Un shampoing pour bébé ? – Un casque réfrigérant pendant les séances ? – Un casque réfrigérant après les séances – Un lavage des cheveux tous les 3 jours ? Conseils pratiques pour ménager ses cheveux • Pas d'études scientifiques, stratégies qui se sont révélées efficaces pour certains patients et non dangereuses • Casque réfrigérant : 5mn avant à 2h après la chimiothérapie, efficacité imprévisible; CI si lésions cérébrales, leucémies, métastases cérébrales • Couper les cheveux courts • Se laver les cheveux la veille de la séance de chimiothérapie, puis ne plus les laver pendant trois à huit jours après la séance. Ne pas se laver les cheveux trop fréquemment, utiliser peu de shampoing; shampoing doux, éviter les shampoings pour bébés qui graissent les cheveux • Brosse douce ; éviter la chaleur du séchoir à cheveux, bigoudis chauffants, fers chauds • Eviter teintures, balayages et permanentes, nattages et défrisages • Prothèse capillaire Cas clinique n°5 • Patient de 62 ans, en cours de ttt pour un cancer du plancher buccal localement évolué • Paroxétine pour syndrome dépressif et diltiazem pour HTA • Chimiothérapie d’induction : Taxotère- Cisplatine-5FU J1J21 avant radiothérapie • Quelques heures après sa 1ère chimio : vomissements incoercibles • Anxieux, pâle, très fatigué Cas clinique n°5 • Lors de son hospitalisation : Protocole antiémétique : EMEND gélule 125mg puis Zophren et Solumedrol en perfusion avant la chimiothérapie • Il est sorti à 15h à J1 et a déjà pris 2 cp Zophren Lyoc Cas clinique n°5 : Nausées, vomissements • Devant cet échec du sétron, quelle classe thérapeutique prescrivez-vous ? – Ajout d’un neuroleptique (Plitican 240 mg toutes les 4 heures) – Ajout d’un anxiolytique (Tranxène 50mg) – Les deux – Sétron pendant 3 à 5 jours + Corticoïde per os équivalent à 8 mg Dexamethasone 20mg Chimiothérapies hautement émétisantes • Phase aiguë, avant l’administration de la chimiothérapie : association d’un anti-5HT3, d’un corticoïde et d’aprépitant ou fosaprépitant • Phase retardée : association d’un corticoïde de j2 à j4 et d’aprépitant à j2 et j3 Cas clinique n°5 : Nausées, vomissements • Devant l’échec du sétron, classe thérapeutique : – Ajout d’un neuroleptique (ex : Plitican 240 mg toutes les 4 heures) + anxiolytique (ex : Tranxène 50mg) – Zophren : Pas d’efficacité dans NV retardé > 24ème heure Nausées, vomissements à la phase retardée • Pour la cure suivante: Reconsidérer le protocole antiémétique en s’assurant niveau émétisant et traitement antiémétique prophylactique étaient en adéquation + correctement observés • Si oui : – en cas de chimiothérapie hautement émétisante, ajouter une benzodiazépine, matin et soir, de j1 à j4 – en cas de chimiothérapie moyennement émétisante : ajouter une prise de corticoïdes à j2 et j3 Onco 92 Sud Interactions avec aprépitant : Prudence ! • Substrat inhibiteur du CYP3A4 – peut entraîner une augmentation des concentrations plasmatiques de médicaments inhibiteurs puissants co- administrés (kétoconazole, itraconazole, néfazodone, troléandomycine, clarithromycine, érythromycine, ritonavir, nelfinavir – puissants inducteurs de l’activité du CYP3A4 (ex : rifampine, carbamazépine, phénytoïne) peuvent entraîner une réduction des concentrations plasmatiques de l’aprépitant/efficacité – inhibiteurs du CYP3A4 peuvent entraîner une augmentation des concentrations plasmatiques de l’aprépitant : ketoconazole, fluoxétine, diltiazem • Substrat inducteur du CYP2C9 • peut provoquer une diminution des concentrations plasmatiques de médicaments co-administrés : warfarine, tolbutamide • Substrat inducteur du CYP2D6 (fluoxétine, paroxétine) Cas clinique n°5 • 4 jours après son retour à la maison, le patient se plaint de hoquets permanents, qui l’empêchent de manger (il a peur de faire des fausses-routes) • Que décidez-vous ? Cas clinique n°5 : Hoquet • Hoquet : effet indésirable de l’aprépitant • Eviter de manger trop rapidement, les excès de tabac, d'alcool ou boissons gazeuses • Eviter les situations de stress et les changements brusques de température. POUR EN SAVOIR PLUS… Le site internet du réseau OncoBasse Normandie www.oncobassenormandie.fr Le site internet du réseau OncoBasse Normandie Fiches Médicaments et effets indésirables www.oncobassenormandie.fr www.oncobassenormandie.fr Dossier de liaison en Cancérologie Garantir à chaque patient un parcours de soins personnalisé et efficace mesure 18: personnaliser la prise en charge des malades et renforcer le rôle du médecin traitant. Prise en charge des patients sous chimiothérapie orale – Dossier de Prise en charge des patients sous chimiothérapie orale – Dossier de Prise en charge des patients sous chimiothérapie orale – Dossier de Thécitox : Groupe de travail Bas-Normand Dr Elodie Coquan, Dr Corinne Delcambre, Dr Sabine Noal, Dr Emmanuel Sevin : Oncologues médicaux- Centre François Baclesse, Caen Dr Karine Bouhier-Leporrier : Gastro-entérologue - CHU - Caen Dr Radj Gervais : Pneumologue - Centre François Baclesse, Caen Dr Patrick Henri : Néphrologue - CHU Caen Dr Eric Lamy : Cardiologue - Clinique St Martin, Caen Dr Barbara Lireux : Endocrinologue - Centre François Baclesse, Caen Pr Mouriaux Frédéric : Ophtalmologue – CHU Caen Dr Sixtine de Raucourt : Dermatologue - Centre François Baclesse, Caen Dr Mélusine Turck : Gynéco-obstétricien – CHU Caen Mme Marion Sassier : pharmacienne - Centre François Baclesse, Caen Sous la coordination du Pr Florence Joly : Oncologue médical - CHU – Centre François Baclesse, Caen Thérapies ciblées : 3 voies principales Synthèse des principales toxicités en fonction des molécules Classes médicamenteuses Principales toxicités Traitement anti-EGFR Dermatologiques, gastro-entérologiques Traitement ciblant HER 2 Cardio-vasculaires, dermatologiques, gastroentérologiques Traitement antiangiogénique Cardio-vasculaires (y compris protéinurie, thrombo-embolie), asthénie, hématologiques, dysthyroidies, gastro-entérologiques, complications chirurgicales Traitement ciblant mTOR Métaboliques (hyperglycémie, dyslipidémie), pulmonaires, hématologiques , gastroentérologiques (mucites), pneumopathies intersticielles Conclusions • Voie d’administration orale : ne doit pas conduire à «banaliser » ce traitement • Effets secondaires : - Doivent être pris en compte rapidement et traités de façon adéquate - Colligés dans le classeur de suivi, qui sera examiné par l’équipe soignante avant le début de chaque nouveau cycle de traitement MERCI DE VOTRE PARTICIPATION !