Beauté des femmes La Blonde Au Bois Si je mourais là

Transcription

Beauté des femmes La Blonde Au Bois Si je mourais là
Si je mourais là-bas
La Blonde Au Bois
Blonde des bois s’en est allée
La blonde au bois s’est promenée
Une vipère l’a piquée
Allez vite chercher mon père
Dites-lui que je désespère
Et que je meurs d’une vipère
Qu’il me ramène le curé
Je voudrais le ciel honorer
Avant de me voir enterrée
Blonde au bois montrez votre jambe
Donnez ce mollet qui se cambre
Je sors mon couteau je le flambe
Blonde des bois je vous opère
Du venin de cette vipère
Cessez d’appeler votre père
Monsieur vous me sauvez la vie
Elle a failli m’être ravie
Quoi donc de moi vous fait envie
Blonde au bois pour ma récompense
Pour cette blessure qu’on panse
Je mérite un baiser je pense
Blonde des bois me tend sa bouche
Et promet de m’ouvrir sa couche
Le jour de la Sainte-Nitouche
Et puis s’en va la blonde au bois
Depuis que je suis en désarroi
Ses yeux me font mourir de froid
Amour caché sous la fougère
Sa morsure est la plus sévère
Amour est pire que vipère.
René FALLET
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
Guillaume Apollinaire - poèmes à lou
Beauté des femmes
Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal,
Et ces yeux, où plus rien ne reste d’animal
Que juste assez pour dire : « assez » aux fureurs mâles !
Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix ! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpres, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles !…
Hommes durs ! Vie atroce et laide d’ici-bas !
Ah ! que du moins, loin des baisers et des combats,
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,
Quelque chose du cœur enfantin et subtil,
Bonté, respect ! Car, qu’est-ce qui nous accompagne,
Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?
Paul Verlaine, Sagesse (1881)
Espace Culturel Municipal de Saint Beauzire - novembre 2013