Diététique et TCA - Association SabrinaTCA92
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Diététique et TCA - Association SabrinaTCA92
Diététique et TCA : interview de Françoise QUINT, Diététicienne Nutritionniste Suite à la récente publication de l’interview de Juliette, coach sportive et ancienne boulimique, sa diététicienne a accepté de répondre à son tour à quelques questions. L’occasion de revenir sur l’importance d’avoir une alimentation variée et équilibrée et d’alerter sur les dangers des régimes… Sabrina : Merci d’avoir accepté cette première interview et de soutenir SabrinaTCA92 ! Commençons par une petite présentation : qui êtes-vous ? Quel est votre parcours et où vivez-vous ? Françoise : Je suis donc Diététicienne Nutritionniste libérale et je suis désormais installée à La Rochelle depuis 2 ans après avoir travaillé de longues années en région parisienne. Tout au long de ces années, je me suis spécialisée dans les TCA, d’abord par l’obtention d’un Diplôme Universitaire, puis en suivant la formation du G.R.O.S. (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids) créé par Gérard Apfeldorfer, Bernard Waysfeld (psychiatres) et JP Zermati (nutritionniste psychothérapeute). Ces formation et mon expérience professionnelle me permettent de venir en aide aux personnes souffrant de TCA, mais aussi (et surtout) d’intervenir en prévention. Sabrina : Les TCA selon vous… Avez-vous identifié la ou les cause(s) les plus répandues à l’origine des troubles ? Françoise : Elles sont multiples. Même si chaque cas est différent, on retrouve des facteurs prédisposant d’ordre biologique, une certaine vulnérabilité psychologique, une basse estime de soi, un environnement favorisant : familial, professionnel, sportif, amical, des événements de vie, des traumatismes, de la violence… ). Un poids qui ne correspond pas à la norme, une image de soi négative, le désir de vouloir reprendre le contrôle de son corps et de soi-même, de sa vie, vont amener la jeune fille à vouloir maigrir. Elle entreprend alors un régime qui paraît anodin (qui n’en fait pas ?), elle élimine certains aliments jugés « grossissants », réduit ses quantités, fait la chasse au gras et au sucre. Et là tout commence : l’anorexique ne sait pas s’arrêter et repousse toujours plus loin son objectif et on sait que 100 % des boulimiques ont un passé de régimes. Mais les TCA extrêmes que sont l’anorexie et la boulimie c’est un peu l’arbre qui masque la forêt car le TCA le plus courant et pourtant invisible est la restriction cognitive : combien de personnes n’ont pas fait dans leur vie un ou plusieurs régimes ? Combien de fois entendons-nous « Oh, moi je ne fais pas de régime, mais je fais attention ! »… Ce qui revient au même. La restriction cognitive conduit progressivement à développer des troubles alimentaires qui ne font que s’aggraver au fil du temps avec en final : un poids toujours plus élevé, l’apparition de troubles métaboliques et de troubles psychopathologiques avec au premier plan la dépression. Explications : la restriction cognitive, c’est l’intention de vouloir contrôler son alimentation dans un but de perdre du poids ou de ne pas grossir, à partir de là, la personne fonctionne sur un système de croyances alimentaires : il y a des bons et des mauvais aliments, il ne faut ne manger trop gras ni trop sucré, il faut faire 3 repas par jour, il ne faut pas sauter de repas, il faut manger 5 fruits ou légumes par jour… Tout ceci étant largement diffusé par les médias et même préconisé par la plupart des professionnels de santé et le Plan National, Nutrition Santé (PNNS). La restriction cognitive induit des émotions négatives (anxiété, frustration, culpabilité) qui associées à la restriction calorique et nutritionnelle vont jouer en synergie pour faire craquer, d’où progressivement l’apparition de compulsions de plus en plus fréquentes, qui peuvent aboutir à la boulimie. Ces craquages sont le plus souvent associés à une reprise de poids, ce qui apporte d’autres émotions négatives telles que le sentiment d’échec, de manque de volonté, la personne va se dévaloriser, perdre confiance en elle. Et à quoi conduisent toutes ces émotions négatives ? Et bien à manger ! Pour les mettre à distance, se calmer, s’apaiser, se réconforter. C’est un cercle vicieux infernal qui plonge la personne dans le plus profond désarroi. Plus elle tente de contrôler, plus elle craque, plus elle grossit et s’éloigne toujours un peu plus de son idéal minceur. La restriction cognitive est donc le TCA dont il faut s’occuper en priorité et c’est là mon cheval de bataille. Sabrina : Les meilleures pistes pour s’en sortir ? Vos conseils concernant l’alimentation en générale ? Françoise : Concernant l’anorexie il faut une prise en charge pluridisciplinaire. Tant que l’état de dénutrition reste modérée l’hospitalisation n’est pas nécessaire (IMC supérieur à 14/15). Mais une prise en charge psychologique s’impose (TCC ; Thérapie systémique) avec un thérapeute formé spécifiquement aux TCA (tous ne le sont pas, loin de là!). Sur le plan alimentaire là aussi il faut consulter un spécialiste. Je conseille de vous rendre sur le site du GROS : www.gros.org vous trouverez dans la partie « annuaire » la liste de thérapeutes spécifiquement formés qu’ils soient psychologues, psychiatres, nutritionniste ou diététiciens. Pour tous ceux qui veulent perdre du poids, vous avez compris qu’il fallait faire très attention et là aussi bien choisir le professionnel de santé qui vous proposera un traitement qui ne soit pas pire que le mal. C’est ce que malheureusement beaucoup font lorsqu’ils prescrivent un régime ! En consultation, je travaille sur 3 axes : retrouver les sensations alimentaires (faim, rassasiement, satiété) qui ont été perdues ; retrouver un rapport normal à la nourriture en réapprenant à manger de tout en quantité adaptée sans anxiété, sans frustration ni culpabilité ; retrouver son poids d’équilibre et l’accepter (nous ne sommes pas toutes faites pour entrer dans du 34 ou du 36 !). Il y a donc aussi un travail à faire sur l’image de soi, de son corps et sur le rapport que l’on entretien avec lui. Sabrina : Outre le déni important, il est également difficile de trouver de l’aide lorsqu’on souffre de TCA. Je parle de parcours du Combattant… Votre avis à ce sujet ? Que pourraiton améliorer pour une prise en charge plus efficace ? Françoise : La période de déni est un frein. Tant qu’elle dure il est difficile, voire impossible d’avoir accès à la raison de la personne. L’anorexique est dans sa tour d’ivoire, toute puissante, très fière de la maîtrise qu’elle impose à son alimentation et à son corps, et totalement inconsciente de l’aspect pathologique de son comportement. Même lorsque l’entourage familial, amical, un médecin de famille, une enseignant, un entraîneur soupçonne qu’il y a un problème il lui est difficile d’imposer une visite chez un psy, surtout si la personne est majeure. C’est malheureusement dans les cas d’extrême maigreur et de dénutrition qu’une hospitalisation s’imposera. Une meilleure information sur les TCA des personnes qui s’occupent des jeunes (enseignant, entraîneurs, formateurs…) doit être assurée pour détecter et orienter. Cela a déjà été fait, mais les résultats ne sont pas évalués. On sait que plus la prise en charge est précoce plus les chances de guérison sont importantes. Passé la période de déni, le problème pourrait paraître plus simple, or il n’en est rien. Vous parlez de parcours du combattant et vous avez tout à fait raison. La personne doit pouvoir trouver dans son entourage une personne de confiance qui la comprendra sans la juger et qui saura l’orienter vers un thérapeute, ce qui n’est pas si simple car le paradoxe de l’anorexique est là, à ce stade elle veut sortir de ses troubles qui l’emprisonnent et la font souffrir, mais elle est terrorisée par l’idée de grossir ! : « Je veux que ça s’arrête, mais ne veux pas grossir, ou pas beaucoup… », elle va toujours tenter de tout négocier. Une fois l’idée d’une prise en charge acceptée le parcours n’est pas terminé pour autant car il va falloir trouver le « bon » thérapeute. Or, comme dit précédemment, il y a peu de professionnels formés aux TCA pour plusieurs raisons : des formations spécifiques, coûteuses, qui prennent du temps et des consultations qui elles aussi sont chronophages si on veut bien faire son travail. Sabrina : Vous avez été athlète (vous connaissez même mon ancien entraîneur !). Que représente la pratique d’un sport pour vous ? Françoise : Le sport c’est formidable tant qu’il est pratiqué pour des raisons telles que la recherche du bien-être, le dépassement de soi, l’affirmation de soi ou encore une façon de créer et entretenir du lien social. Par contre, faire du sport pour « brûler des calories », malmener son corps pour le faire correspondre à des normes imposées par la société est totalement délétère. Il existe des sports plus prédisposant que d’autres aux TCA : les sports à catégorie de poids, les courses d’endurance, la gymnastique, la danse… Tous ceux pour lesquels on va devoir forcer son corps à correspondre aux exigences de la pratique en oubliant que le poids et la morphologie sont génétiquement programmés. Aller à l’encontre de cela va entraîner les personnes dans un combat de tous les instants, épuisant sur les plans physique et psychologique. Sabrina : Vous souvenez-vous du suivi de Juliette ? Que pouvez-vous nous dire sur son évolution et sur le fait qu’aujourd’hui – tout comme moi avec mon ouvrage* – elle témoigne ? Françoise : Je me souviens très bien de Juliette qui est une personne très touchante. Je suis heureuse pour elle qu’elle s’en soit sortie. Témoigner comme vous l’avez fait est un acte thérapeutique. Raconter votre histoire, mettre vos souffrances et votre parcours sur le papier, c’est faire la preuve que vous avez franchi un cap important, que c’est derrière vous. Pour moi cela fait partie d’un travail de deuil. Sabrina : Un dernier conseil ou mot de la fin ? Françoise : Au moins deux ! 1) Ne pas rester dans le silence 2) En cas de problème de poids, d’image de soi négative ou de sensation de ne pas être « dans la norme », rapprochez-vous d’un professionnel compétant (www.gros.org). Fuyez les régimes de toutes sortes, y compris ceux dits « équilibrés ». Il vous feront entrer dans le cercle vicieux de la restriction cognitive, du yoyo et des TCA. Juliette a été étonnée des nombreux retours (positifs) suite à la publication de son interview. Des amis qui « culpabilisaient » de ne pas avoir su l’entourer à l’époque de sa boulimie… Le but de son « coming out » n’est évidemment pas de faire culpabiliser qui que ce soit mais d’alerter sur le fléau des TCA, même lorsque la souffrance reste « invisible ». Je suis ravie qu’elle ait pensé à (re)contacter madame Quint pour qu’ensemble nous puissions donner de l’information utile pour les personnes souffrant de TCA… Merci à toutes les deux ! Sabrina Le site de Françoise : www.dieteticienne17-francoisequint.fr * L’âme en éveil, le corps en sursis Quint