La récupération par le CPAS auprès de tiers

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La récupération par le CPAS auprès de tiers
La récupération par le
CPAS auprès de tiers :
les héritiers et
légataires, le tiers
responsable et les
débiteurs d’aliments
Fiche juridique
Aide sociale
I.
Les héritiers et légataires
Source légale :
Article 100 § 1er de la loi du 8.7.1976.
Lorsqu’une personne qui a bénéficié d’une aide sociale ordinaire (et non d’un revenu
d’intégration sociale) du CPAS vient à mourir et délaisse des biens meubles et/ou
immeubles, le CPAS doit récupérer les frais du bénéficiaire de l’aide contre les héritiers et/ou
légataires du défunt uniquement :
1. sur l’actif de la succession, quelle que soit la manière dont les héritiers et/ou légataires
ont accepté la succession (l’actif s’entend comme l’excédent de la succession, une fois
déduit le passif qui comprend par exemple les dettes contractées par la personne
décédée) ;
2. et sur le montant des frais exposés par le CPAS durant les 5 années qui précèdent le
décès.
Le CPAS devra diviser son action entre les différents successeurs, chacun de ceux-ci n’étant
tenu que dans la proportion de sa part héréditaire1.
Le CPAS devra apporter la preuve des dépenses auprès des héritiers et légataires.
Si la succession n’est pas réclamée, le CPAS devra récupérer ses frais par le biais du Tribunal
de Première Instance qui désignera un curateur.
À défaut d’héritiers et de légataires, les biens du défunt reviennent à l’État2.
Cependant, selon l’article 100 de la loi du 8.7.1976 :
« § 2 : Les biens meubles, tels que notamment l’argent comptant, les bijoux et autres objets,
apportés par les malades et par les pensionnaires décédés dans les établissements du
centre et qui y ont été traités ou hébergés, totalement ou partiellement à la charge de
ce dernier, sont conservés par le centre pendant trois ans à dater du décès.
« § 3 : Les héritiers et légataires des malades et des pensionnaires, dont les frais de
traitement et d’entretien ont été acquittés, peuvent exercer leurs droits sur tous les
effets visés au paragraphe 2.
« § 4 : En cas de déshérence ou si les effets visés au paragraphe 2, apportés au centre n’ont
pas été réclamés dans les trois ans du décès, ces biens appartiennent de plein droit au
centre. À l’expiration au délai susvisé, les mêmes biens meubles délaissés par une
personne décédée, pour le compte de laquelle le centre a été chargé par le juge de
paix de vider les lieux loués qu’elle occupait avant son décès, appartiennent au
centre. »
Le CPAS peut, par ailleurs, récupérer3 :
–
–
–
–
les frais de justice, pour autant qu’ils aient été faits dans l’intérêt commun des créanciers,
les frais funéraires en lien avec la fortune du défunt,
les frais de la dernière maladie pendant un an avant le décès,
les fournitures de subsistance faites au débiteur et à sa famille pendant les 6 mois
précédant le décès.
Remarque :
– Il y a prescription de la récupération lorsque trois années se sont écoulées à dater du
décès du bénéficiaire4. Cette prescription peut être interrompue par une sommation faite
soit par lettre recommandée à la poste, soit contre accusé de réception.
– Le CPAS peut renoncer à la récupération auprès des héritiers et légataires pour des
raisons d’équité et/ou de rentabilité5.
– Il s’agit des seuls frais qui ont été dépensés par le CPAS et qui ont constitué une aide
matérielle individuelle.
1
Articles 873, 1009, 1012 et 1020 du Code Civil.
Art. 723 du Code Civil.
3
Article 19 de la loi hypothécaire – Code civil, Livre III, Titre XVIII.
4
Art. 102, alinéa 3, de la loi du 8.7.1976.
5
Art. 100 bis §2 de la loi du 8.7.1976.
2
II. Le tiers responsable
Source légales :
Article 98 § 2 de la loi du 8.7.1976.
Article l00bis § 1er de la loi du 8.7.1976.
Articles 27, 28 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale.
Le CPAS doit récupérer le revenu d’intégration sociale ou l’aide sociale (aide financière, en
nature, frais d’hébergement, frais d’hospitalisation,…) à charge du ou des responsables qui
ont provoqué en totalité ou en partie la maladie ou la blessure qui a rendu nécessaire
l’octroi de l’aide par le CPAS au bénéficiaire, et ce conformément aux principes généraux de
la responsabilité civile.
Lorsque la lésion ou la maladie résulte d’une infraction, l’action peut être exercée en même
temps que l’action pénale et devant le même juge.
Le CPAS peut cependant renoncer à la récupération auprès d’un tiers responsable pour des
raisons exceptionnelles d’équité ou de rentabilité et par une décision individuelle et
motivée.
III. Les débiteurs d’aliments
Remarque :
L’aide sociale et le revenu d’intégration sociale ont un caractère résiduaire. Ces allocations
d’assistance sont non contributives. C’est pourquoi la solidarité familiale doit en principe
primer sur la solidarité étatique (épuisement du droit des aliments d’abord). En
conséquence, certains articles du Code civil interfèrent dans les lois relatives à l’aide du CPAS
et étayent ce renvoi vers les débiteurs alimentaires :
Livre I, titre V, chapitre V du Code civil :
Des obligations qui naissent du mariage ou de la filiation
Article 203, § 1er
« Les père et mère sont tenus d’assumer, à proportion de leurs facultés, l’hébergement,
l’entretien, la santé, la surveillance, l’éducation, la formation et l’épanouissement de leurs
enfants. Si la formation n’est pas achevée, l’obligation se poursuit après la majorité de
l’enfant. »
Article 205
« Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le
besoin. »
Article 208
« Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et
de la fortune de celui qui les doit. »
Article 209
« Lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel que
l’un ne puisse plus en donner, ou que l’autre n’en ait plus besoin en tout ou en partie, la
décharge ou réduction peut en être demandée. »
Article 210
« Si la personne qui doit fournir les aliments justifie qu’elle ne peut payer la pension
alimentaire, le tribunal pourra, en connaissance de cause, ordonner qu’elle recevra dans sa
demeure, qu’elle nourrira et entretiendra celui auquel elle devra des aliments. »
En effet, des parents peuvent invoquer le fait qu’ils assurent l’obligation alimentaire en
reprenant l’enfant chez eux et en le nourrissant.
Il est nécessaire ici de faire la différence entre :
1.
l’intervention éventuelle ou le renvoi vers les débiteurs d’aliments au moment de
l’octroi de l’aide sociale et du revenu d’intégration sociale et
2.
la récupération à charge des débiteurs d’aliments après l’octroi de l’aide sociale et
du revenu d’intégration sociale.
Dans cette fiche juridique, nous nous limiterons à l’intervention ou le renvoi vers les
débiteurs d’aliments.
En cette matière et en d’autres, les lois diffèrent entre l’aide sociale financière (loi du 8.7.
1976) et le revenu d’intégration sociale (RIS) (loi du 26.5.2002). En 2002, il avait été question
d’harmoniser les différences entre RIS et aide sociale. Mais cela n’a pas été fait.
Il est important de savoir également que certains CPAS utilisent cette faculté de renvoi vers
les débiteurs, sachant qu’ils auront des difficultés à procéder à une récupération « après
coup », en raison des limites liées à cette récupération.
1. Intervention ou renvoi vers les débiteurs d’aliments au moment de l’octroi
A. En matière d’aide sociale
Pour l’aide sociale, plus encore que pour le revenu d’intégration sociale, la loi est peu
précise. Mais l’article 1er de la loi du 8.7.1976 qui met en lien la dignité humaine et l’état de
besoin, étaye ici cette intervention des débiteurs d’aliments au moment de l’octroi de l’aide
sociale.
Avant le 1er mars 1993, contrairement à ce qui était en vigueur à l’époque pour le minimex
(remplacé par le RIS en 2002), la loi du 8.7.1976 relative à l’aide sociale ne contenait aucune
disposition spécifique concernant le renvoi vers les débiteurs alimentaires. Depuis, le
paragraphe 3 de l’article 60 de la loi du 8.7.1976 a été modifié et, comme c’est le cas pour le
RIS, le CPAS peut renvoyer le demandeur vers ses débiteurs d’aliments.
Le législateur a donc décidé de lier les conditions d’octroi de l’aide sociale financière à celles
du revenu d’intégration sociale, y compris l’intervention éventuelle des débiteurs d’aliments.
Cette liaison est facultative6 et seuls certains débiteurs d’aliments peuvent être interpellés. Il
s’agit du conjoint ou de l’ex-conjoint, des ascendants et descendants du 1er degré (parents et
enfants), de l’adoptant et de l’adopté.
Cette liste est beaucoup plus importante dans le Code civil et a donc été limitée pour ce qui
concerne l’aide du CPAS.
La question de savoir si le renvoi vers les débiteurs alimentaires est opportun (conséquences
sur la cohésion familiale, ressources et charges des débiteurs,…) devrait en principe être
décidée par le Conseil de l’aide sociale sur la base de l’enquête sociale.
Le CPAS se doit donc d’agir prudemment en cette matière. En raison de la mission active
d’aide sociale qui lui incombe, en particulier en vertu de l’article 60 § 4 de la loi organique
des CPAS, il doit en principe examiner dans chaque cas si le renvoi du demandeur vers ses
débiteurs d’aliments est justifié.
Art. 60 §4 de la loi du 8.7.1976 :
« Il [le CPAS] assure, en respectant le libre choix de
l’intéressé, la guidance psychosociale, morale ou éducative nécessaire à la personne aidée
pour lui permettre de vaincre elle-même progressivement ses difficultés. »
B. En matière de revenu d’intégration sociale
Le CPAS a donc la faculté de renvoyer l’intéressé vers ses débiteurs d’aliments au moment
de l’octroi du revenu d’intégration sociale et le cercle de ceux-ci est limité7: « Il peut être
imposé à l’intéressé de faire valoir ses droits à l’égard des personnes qui lui doivent des
aliments, ces dernières étant limitées aux parents (ascendant du 1er degré), enfants
(descendants du 1er degré), conjoint, ou le cas échéant ex conjoint, adoptant et adopté ».
Il s’agit d’une faculté mais si le CPAS décide d’en faire usage, elle acquiert un caractère
obligatoire.
En 2002, au moment de l’entrée en vigueur de la loi concernant le revenu d’intégration
sociale, le législateur a tenu à préciser : « Les conventions relatives à une pension
alimentaire, en dehors d’une décision de justice, ne sont pas opposables au CPAS »8.
Cela signifie que si une convention de divorce par consentement mutuel ne prévoit pas de
pension alimentaire entre ex-conjoints, par exemple, le CPAS peut quand même demander
6
Art. 60 §3, alinéa 2, de la loi du 8.7.1976 : « L’aide financière peut être liée par décision du centre [le CPAS] aux conditions
énoncées (…) *pour le revenu d’intégration sociale+ ».
7
Art. 4 de la loi du 26.5.2002.
8
Art. 4 §2 de la loi du 26.5.2002.
une pension alimentaire à l’ex-conjoint et outrepasser cette convention. Cependant, s’il
existe une décision de justice, celle-ci est opposable au CPAS.
« Le CPAS peut agir de plein droit au nom et en faveur de l’intéressé pour faire valoir (…) *ses
droits auprès des débiteurs d’aliments+ »9. La loi laisse donc la possibilité au CPAS d’agir au
nom de la personne pour faire valoir ses droits en matière de pension alimentaire. Ceci peut
être utilisé, par exemple, lorsque le créancier d’aliments profère des menaces ou fait du
chantage. Mais le CPAS utilise t-il cette opportunité ou préfère t-il demander au jeune de le
faire lui-même ? Cette seconde possibilité peut s’avérer dissuasive dans la mesure où
l’obligation de se retourner contre ses débiteurs d’aliments, voire de les attaquer en justice,
peut créer ou renforcer des conflits familiaux, ce que beaucoup préfèrent éviter.
À cet égard, il nous semble que le CPAS ne devrait pas conditionner l’octroi du revenu
d’intégration sociale à l’intervention des débiteurs d’aliments si la personne demandeuse
remplit toutes les autres conditions légales.
L’intervention, si elle a lieu, peut se concrétiser par un renvoi pur et simple vers les débiteurs
d’aliments ou se fera sous la forme d’une pension alimentaire défalquée du montant du
revenu d’intégration octroyé.
Le juge de paix du domicile du débiteur d’aliments peut déterminer le montant de la pension
alimentaire si le débiteur d’aliments estime que le montant demandé par le CPAS est trop
élevé. Le juge de paix décidera de l’opportunité et du montant de l’intervention en fonction
notamment des ressources et des charges du ou des débiteurs d’aliments. En effet, on ne
peut pas mettre en difficulté un débiteur alimentaire pour aider un membre de sa famille. Il
s’agit d’une question d’équilibre et l’article du Code civil 208 le précise bien (voir ci-dessus).
Et si le débiteur a déjà beaucoup aidé et que le bénéficiaire reste dans une situation de
dépendance, le juge peut également en tenir compte.
En outre, si le CPAS invoque la possibilité de retirer l’octroi du RIS en justifiant l’existence de
débiteurs d’aliments, il doit procéder à une enquête sociale sur les incidences familiales.
Modalités communes
Une enquête sociale a lieu auprès du bénéficiaire préalablement à l’octroi et au maintien de
l’aide. C’est à cette occasion que les débiteurs d’aliments sont désignés :
– ceux-ci reçoivent un formulaire dans lequel sont demandés des renseignements relatifs
aux revenus et aux charges. Remarque : le CPAS a également la possibilité de se
renseigner auprès du bureau des contributions sans demander l’avis du débiteur
d’aliments ;
– après réception des formulaires complétés et de l’enquête sociale du travailleur social, le
Conseil de l’aide sociale décide de l’intervention éventuelle des débiteurs ;
– quelle que soit sa décision, le Conseil a l’obligation de notifier et motiver sa décision à
l’intéressé ;
– si une intervention des débiteurs est décidée, le CPAS octroiera le montant du revenu
9
Art. 4§3 de la loi du 26.5.2002.
d’intégration ou de l’aide sociale correspondant au taux de la catégorie à laquelle le
bénéficiaire appartient (isolé, cohabitant, cohabitant avec charge de famille), moins le
montant de la pension alimentaire. À moins que le CPAS ait refusé totalement d’aider le
demandeur et le renvoie d’office vers les débiteurs d’aliments.
Remarque :
Le CPAS ne peut en principe prétexter l’examen éventuel de l’intervention des débiteurs
d’aliments pour refuser l’octroi du revenu d’intégration ou d’une aide sociale.
Colette Durieux
Septembre 2012
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