Etude des jonction ultrafines pour les technologies CMOS 45 nm et
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Etude des jonction ultrafines pour les technologies CMOS 45 nm et
N° d’ordre 2008-ISAL-0077 Année 2008 Thèse Etude des jonctions ultrafines pour les technologies CMOS 45 nm et en deçà par simulation atomiqtique présentée devant l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Pour obtenir le grade de docteur Ecole doctorale : Electronique, Electrotechnique, Automatique Spécialité : Dispositifs de l’Electronique Intégrée par Julien SINGER Soutenue le 4 Novembre 2008 devant la commission d’examen Jury : LEMITI Mustapha LAMPIN Evelyne MATHIOT Daniel PONCET Alain JARAIZ Martín CRISTIANO Fuccio CUETO Olga DURIEZ Blandine Professeur Chargée de Recherche Professeur Professeur Professeur Chargé de recherche Ingénieur Ingénieur Président Rapporteur Rapporteur Directeur de thèse Examinateur Examinateur Encadrante Invitée Thèse préparée dans le cadre d’une convention CIFRE avec NXP Semiconductors 2 “Prediction is always difficult, and above all of the future.” (Il est toujours difficile d’être prédictif, surtout à propos du futur.) Niels Bohr 3 Remerciements REMERCIEMENTS Je voudrais commencer par remercier Frédéric, François, et Olga, qui se sont relayés pour m’encadrer… c’est qu’en microélectronique, les situations changent vite ! Frédéric Salvetti, pour sa disponibilité sans faille. Ses conseils avisés m’ont guidé tout au long de ce travail, et bien qu’il ait quitté Crolles avant la fin de cette thèse, c’est lui qui m’a mis sur les rails. François Wacquant, dont les conseils se sont toujours avérés pertinents, avant, pendant, et après son encadrement par interim… merci aussi pour les cordées, du calcaire grenoblois au granit des Ecrins ! Olga Cueto, enfin, qui m’a encadré et soutenu, elle aussi avec énormément de disponibilité. Ce fut un plaisir de la côtoyer pendant la dernière année de ce travail. J’espère que cet hiver aussi, d’autres excursions à ski suivront. Géographiquement plus distant, mais toujours là quand j’avais besoin d’un conseil, le Professeur Martín Jaraíz a été d’une aide précieuse du début à la fin de notre collaboration. Merci à lui de m’avoir accueilli trois fois dans son équipe, à Valladolid : ces formations ont toutes été extrêmement fructueuses. J’en suis toujours revenu avec des idées plein la tête, et une motivation plus grande. Je ne saurais oublier Alain Poncet, dont j’ai apprécié l’encadrement pendant trois ans. Sa disponibilité sans faille et ses conseils avisés en ont fait un directeur de thèse dont le soutien me fut précieux. Je tiens à remercier les membres du jury, présidé par le Professeur Mustapha Lemiti, à qui, trois ans après avoir quitté son laboratoire de photovoltaïque, j’ai été ravi de présenter ces résultats de thèse ; un merci particulier à Daniel Mathiot et Evelyne Lampin pour avoir accepté de relire mon rapport. Merci à André Juge de m’avoir accueilli dans l’équipe de modélisation de l’Alliance, et surtout à Davy Villanueva, responsable de la simulation TCAD (procédés et dispositifs), dont le juste niveau d’exigence a permis d’élever le niveau de ce travail. Je remercie aussi Fabien Boulanger, qui m’a accueilli, pour cette dernière année, au laboratoire de simulation et caractérisation des procédés et dispositifs (LSCDP) du CEA-LETI, et bien sûr Jean-Charles Barbé, responsable de la simulation TCAD dans ce même labo. Merci à toute l’équipe TCAD de Crolles : à Daniel Chanemougame, pour ses divers conseils : que l’Amérique te sourie ! à Phuong N’Guyen, à David Fraboulet, pour m’avoir mis en contact avec le LSCDP ; merci aussi à Stéphane O., Vincent, Hélène et Charles. Merci aux implanteurs de Crolles : Nathalie Cagnat-Drogue (« experte en dopage », elle le dit elle-même), et Cyrille Laviron, pour l’implantation : notre étroite collaboration a plus que contribué à la réalisation de cette thèse ; merci aussi à Pierre Morin de s’être intéressé à mon travail. Je voudrais également dire merci à toute l’équipe de 4 Remerciements caractérisation physique, et en particulier Christophe Wyon, Dominique Delille, Laurent Clément, Simone Pokrant, pour leurs soutiens, et leurs manips – je peux le dire maintenant – parfois peu réglementaires, qui m’ont pourtant été indispensables. Merci à Loek Kwakmann, pour son soutien face aux difficultés chez STM. Enfin, je n’oublierai pas de remercier Myriam Vialle, notre assistante à Crolles, pour son enthousiasme quotidien, sa bonne humeur inaltérable, et sa patience infinie face à l’annulation des missions… la veille du départ. Et puis, un beau jour, j’ai atterri au LETI, où j’ai rencontré plein de gens formidables : Olga, Pierrette, Fabien B. et Jean Charles, Gilles, Pascal, Marie-Anne, François de C., Philippe, François T., Sylvain ; mais aussi Fabien F.-V. et Cyrille A., qui se sont succédé dans mon bureau (quand je disais que le contexte de la microélectronique était changeant !), Stéphane K., Benoît, Sébastien, Emmanuelle, Brice, Daniel, Pierre-Yves. Sans omettre Estelle, Pauline, et Elisabeth, nos assistantes au LETI. Et les autres, que j’ai oubliés. Il y en a forcément. Tous m’ont accueilli chaleureusement, ce fut un réel plaisir d’arriver ici, parmi vous tous. Je souhaite exprimer ma profonde reconnaissance à l’équipe du département d’électronique de l’Université de Valladolid. En tout, ce sont plus de deux mois que j’ai passé en leur compagnie : compagnie fort agréable ! De chacun de ces séjours, j’ai rapporté des semaines de travail, un recul toujours plus grand sur la simulation – atomistique ou non. Leurs explications, claires au possible, m’ont guidé au cours des mois de cette thèse. Sans compter qu’ils m’ont inculqué un peu de la culture espagnole, leurs connaissances étant impressionnantes ! Merci à Pedro, Martín, et Emiliano, pour leurs excursions aux quatre coins de la Castilla y León, de ses villes et villages merveilleux à ses montagnes au climat nordique (si, si, j’ai des photos). Une mention toute particulière à Pedro, dont la verve ne tarit jamais, pour ses explications historiques et architecturales aussi intéressantes que passionnées. Merci également à Ruth, Lourdes, María, et tous les autres. Et un grand merci à Santiago Caballero, pour son accueil prompt et chaleureux. Je remercie Liviu Militaru, de l’INL, pour ses conseils et son aide sur la DLTS. Il m’est impossible de ne pas citer ici les personnes du CEMES et du LAAS, qui nous ont accueillis très chaleureusement au cours de l’été 2007. Je nommerai ici Pier-Francesco Fazzini, Fuccio Cristiano, Alain Claverie, mais je pense aussi à toutes les autres personnes de ces deux laboratoires. Un grand merci aux ressources humaines de Philips / NXP : Ingrid Leboucher, Catherine Gardent, Nathalie Giraud, mais aussi Jean-Noël Palazin, dernière lumière visible du bateau NXP depuis le bassin grenoblois. Merci aux thésards NXP, pour leur solidarité dans les moments difficiles : Aurélie, Lise , Sophie, Alexis, Antoine, Bruno, Grégory, Jean-Noël, Karim, Matthieu, Thomas… Merci à Monsieur Gamberini, pour sa patience et son caractère toujours arrangeant. Merci à maman de s’être attaquée à ces 200 pages de « chinois », pour que tous les accords soient respectés et les accents bien à l’endroit ; merci à papa et à toute ma famille pour leur soutien. Et enfin Aurélie, merci, pour celle que tu es… 5 Table des matières TABLE DES MATIERES Remerciements ...................................................................................................................................................................4 Table des matières .............................................................................................................................................................6 Table des figures et tableaux ...........................................................................................................................................8 Glossaire et abréviations ............................................................................................................................................... 13 Introduction ..................................................................................................................................................................... 17 Des performances et des fuites.............................................................................................................................................................................17 De l’importance des jonctions ..............................................................................................................................................................................18 La simulation : un outil d’analyse et de prospection.......................................................................................................................................19 L’objectif de ce travail de thèse et la démarche suivie....................................................................................................................................19 Chapitre I. I.1 Physique des défauts et de la diffusion ............................................................................................. 21 L’évolution des défauts cristallins............................................................................................................................................................21 I.1.1 I.1.2 I.2 La structure du cristal de silicium.............................................................................................................................................................................21 Lacunes et interstitiels..................................................................................................................................................................................................22 La diffusion des impuretés ........................................................................................................................................................................39 I.2.1 I.2.2 I.2.3 I.2.4 I.2.5 La présence d’impuretés dans le silicium...............................................................................................................................................................39 Configuration et diffusion en condition d’équilibre ..........................................................................................................................................40 Les effets conduisant à l’anisotropie du milieu (silicium).................................................................................................................................48 Les interfaces ..................................................................................................................................................................................................................51 Les phénomènes perturbant la diffusion à l’équilibre.......................................................................................................................................53 Chapitre II. II.1 La simulation des procédés : différentes approches pour différentes échelles ....................................................................61 II.1.1 II.1.2 II.1.3 II.2 La simulation continue par résolution des équations aux dérivées partielles ............................................................................................62 Les simulations à l’échelle atomique prenant en compte les vibrations des atomes...............................................................................65 Les méthodes Monte Carlo .......................................................................................................................................................................................66 Présentation du logiciel de simulation atomistique DADOS ...................................................................................................70 II.2.1 II.2.2 II.2.3 II.3 Modélisation / Implémentation des mécanismes décrits dans le premier chapitre................................................................................72 Participation au développement et au calibrage de DADOS.........................................................................................................................83 Matériel et temps de calcul.........................................................................................................................................................................................90 Résultats de simulation DADOS ......................................................................................................................................................91 II.3.1 II.3.2 II.3.3 Test de l’outil ..................................................................................................................................................................................................................91 Etudes réalisées avec DADOS.............................................................................................................................................................................. 114 Limites, perpectives................................................................................................................................................................................................... 137 Chapitre III. III.1 III.2 III.2.1 III.2.2 III.3 III.4 6 La simulation atomistique............................................................................................................... 61 Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium .........139 Introduction.......................................................................................................................................................................................... 139 Les niveaux profonds dans le silicium .......................................................................................................................................... 140 Origine des niveaux profonds................................................................................................................................................................................140 Interaction des niveaux profonds avec les porteurs libres............................................................................................................................ 140 Description de la méthode de mesure .......................................................................................................................................... 143 Méthode de modélisation du spectre mesuré............................................................................................................................. 147 Table des matières III.5 Résultats .................................................................................................................................................................................................148 III.5.1 III.5.2 III.5.3 III.6 III.7 Description de l’échantillon.....................................................................................................................................................................................148 Présentation du spectre obtenu et premiers résultats .....................................................................................................................................149 Modélisation du spectre obtenu.............................................................................................................................................................................150 Discussion .............................................................................................................................................................................................152 Conclusion.............................................................................................................................................................................................154 Chapitre IV. IV.1 IV.1.1 IV.1.2 IV.2 IV.2.1 IV.2.2 IV.2.3 IV.3 IV.3.1 IV.3.2 IV.3.3 IV.3.4 IV.4 IV.4.1 IV.4.2 IV.4.3 IV.4.4 IV.4.5 IV.5 IV.5.1 IV.5.2 IV.5.3 IV.6 IV.6.1 IV.6.2 IV.6.3 IV.6.4 IV.7 Etude des courants de fuite de jonction....................................................................................155 Structure et propriétés de base de la jonction pn.......................................................................................................................155 Calcul du champ électrique à la jonction ............................................................................................................................................................156 Calcul de l’étendue de la zone de charge d’espace...........................................................................................................................................157 Les courants de la jonction pn.........................................................................................................................................................157 La polarisation de la jonction..................................................................................................................................................................................157 La diode idéale : courants de dérive et de diffusion ........................................................................................................................................157 La diode non idéale....................................................................................................................................................................................................159 La modélisation des courants de la jonction polarisée en inverse.........................................................................................164 Le courant de dérive ..................................................................................................................................................................................................164 La génération Shockley Read Hall ........................................................................................................................................................................165 La génération par effet tunnel bande à bande direct.......................................................................................................................................166 La génération par effet tunnel bande à bande assisté par pièges.................................................................................................................168 La modélisation des niveaux profonds .........................................................................................................................................169 Le type de piège...........................................................................................................................................................................................................169 La distribution énergétique......................................................................................................................................................................................169 La distribution spatiale ..............................................................................................................................................................................................169 Capture et émission de porteurs............................................................................................................................................................................169 Occupation des niveaux profonds........................................................................................................................................................................170 Mesures...................................................................................................................................................................................................171 Description des structures mesurées....................................................................................................................................................................171 Description des procédés de fabrication des jonctions mesurées ..............................................................................................................172 Résultats des mesures................................................................................................................................................................................................172 Simulations électriques.......................................................................................................................................................................173 Présentation de l’outil de simulation.....................................................................................................................................................................173 Les différents modèles utilisés................................................................................................................................................................................173 Introduction des pièges caractérisés dans les modèles...................................................................................................................................174 Résultats des simulations de fuite de jonction...................................................................................................................................................174 Conclusion sur les simulations de fuites de jonction ................................................................................................................181 Conclusion : Résultat général de la thèse.................................................................................................................182 Annexes...........................................................................................................................................................................183 Annexe A : Des recuits chauds et courts ........................................................................................................................................................183 Annexe B : Caractérisations physiques ............................................................................................................................................................184 B.1 B.2 L’obtention de profils de concentration par analyse SIMS..................................................................................................................................184 L’observation des défauts étendus par microscopie électronique à transmission........................................................................................184 Annexe C : Paramètres des implanteurs..........................................................................................................................................................185 C.1 C.2 Calcul des paramètres de la commande « SetImplanterSpecs »..........................................................................................................................185 Justification des fourchettes de valeurs choisies pour les paramètres des implanteurs ..............................................................................187 Références.......................................................................................................................................................................188 7 Table des figures et tableaux TABLE DES FIGURES ET TABLEAUX Figure I.1. Evolution du nombre de calcul effectués par seconde et par dollar au cours du XXe siècle : la loi de Moore en marche… Tirée de [Kurzweil01]................................................................................................................................................................................17 Figure I.2. Démarche suivie pour atteindre l’objectif de la thèse......................................................................................................................20 Figure I.1. Structure du cristal de silicium................................................................................................................................................................22 Figure I.2. Mise en évidence des sites tétragonal (a) et hexagonal (b) dans le cristal parfait de silicium........................................22 Figure I.3. Schéma d’une lacune dans la maille du silicium ................................................................................................................................22 Figure I.4. Mise en évidence du site interstitiel centré sur la liaison inter-atomique ...................................................................................23 Figure I.5. Arrangments atomiques de type interstitiel divisé, orientés <100> (a) et <110> (b)....................................................23 Figure I.6. Forme du diagramme énergétique favorisant la stabilité d'une paire de Frenkel ....................................................................24 Figure I.7. Comparaison des pouvoirs d’arrêt nucléaire et électronique pour des ions de différentes masses et en fonction de l’énergie de ceux-ci. D’après [Papuzza03]. Le pouvoir d’arrêt électronique ne dépend pas de la masse de l’ion. ..............................26 Figure I.8. Vue du cristal de silicium dans la direction critallographique <110> : mise en exergue de canaux entre les colonnes atomiques ..........................................................................................................................................................................................................................27 Figure I.9. Mécanisme de diffusion de la lacune : échange de site avec l’atome de silicium voisin ........................................................28 Figure I.10. Mécanisme de diffusion d’un interstitiel par sauts successifs d’un site à l’autre ....................................................................29 Figure I.11. Mécanisme de diffusion d’un interstitiel par paire avec un autre atome de silicium............................................................30 Figure I.12. photo TEM tirée de [Holland91]........................................................................................................................................................33 Figure I.13. Evolution de l’énergie de formation des petits clusters de silicium interstitiels selon leur taille D’après [Cowern99a].33 Figure I.14. (a) Projection dans la direction [1-10] du motif formant les défauts {311}, d’après Takeda et Kohyama [Takeda91a, Kohyama92/93/95]. (b) Vue en 3 dimensions d’un défaut {311} avec les colonnes d’interstitiels et le motif de relaxation des contraines. Image tirée de [Takeda91b]. .......................................................................................................................................35 Figure I.15. Energie de formation des défauts {311} comparée à celle des petits agrégats d’interstitiels, d’après [Claverie01].....36 Figure I.16. Structure des boucles de dislocation fautée (haut) et parfaite (bas) ; schéma tiré de [Sztucki01] .....................................37 Figure I.17. Energie de formation des boucles de dislocation en fonction de leur taille et comparaison avec les autres défauts étendus. Figure adaptée de [Boucard03]. .................................................................................................................................................................38 Figure I.18. Mécanisme de diffusion interstitielle d’une impureté par expulsion.........................................................................................41 Figure I.19. Mécanisme de diffusion assisté par interstitiel : diffusion de la paire dopant-interstitiel ....................................................42 Figure I.20. Mécanisme de migration de la paire impureté – lacune dans le silicium (réseau projeté selon la direction <110>)..44 Figure I.21. Schéma de la probabilité de saut d’une particule chargée négativement en fonction de la direction dans l’espace bidimensionnel : la longueur de la flèche est représentative de cette probabilité dans la direction qu’elle indique............................50 Figure I.22. Effets de charge sur la diffusion du bore dans la zone de charge d’espace : désertion du bore dans celle-ci et accumulation de chaque côté de la jonction. ..........................................................................................................................................................51 Figure I.23. Explication schématique de la capture d’un interstitiel (a) et d’une lacune (b) par l’interface silicium cristallin – oxyde de silicium amorphe...........................................................................................................................................................................................52 Figure I.24. Illustration schématique de carbone placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. .........................57 Figure I.25. Résultat : le carbone substitutionnel capture les interstitiels des défauts de fin de parcours pour former des agglomérats complexes carbone – interstitiels. ......................................................................................................................................................58 Figure I.26. Illustration schématique de fluor placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. ...............................59 Figure I.27. Illustration schématique de fluor placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. ...............................59 Figure II.1. Classement des différentes méthodes de simulation des procédés en fonction de la taille des systèmes et des temps de procédés qu’elles peuvent traiter...........................................................................................................................................................................62 Figure II.2. Création d’une cascade de collision : ici, 7 interstitiels et 7 lacunes ont été créés. L’impureté en position interstitielle est instable et créera un interstitiel supplémentaire quand il se repositionnera sur un site cristallin (voir paragraphe I.1.2.3.3) ....68 Figure II.3. Choix d’un évènement en fonction de tous ceux possibles dans la configuration du système, et incrémentation du temps d’un pas dépendant de la fréquence de l’évènement choisi...................................................................................................................69 8 Table des figures et tableaux Figure II.4. (a)Photo obtenue par microscopie électronique à transmission à haute-résolution montrant un défaut {311} dans le réseau cristallin du silicium (tirée de [Stolk97]). (b) Mise en évidence des défauts présents dans la structure. (c) Ensemble des atomes pris en compte en simulation Monte Carlo cinétique sans réseau : les défauts. .....................................................................70 Figure II.5. Cycles suivis par DADOS pour l’implantation et le recuit pour la simulation d’un procédé classique...........................72 Figure II.6. Evolution à 700°C de la probabilité de transformation d’un défaut {311} en boucle de dislocation en fonction de la taille du défaut, pour les deux modèles de la taille de transition et du taux de transition...........................................................................76 Figure II.7. Image de défauts {311} obtenus avec DADOS (en jaune). ........................................................................................................76 Figure II.8. Image de boucles de dislocation obtenues avec DADOS (en jaune)........................................................................................77 Figure II.9. Image des cavités sphéroïdales obtenues avec DADOS (en jaune). .........................................................................................77 Figure II.10. Comparaison des résumtats obtenus sur le calibrage de l’amorphisation. Données expérimentales d’après [Schultz91]. ........................................................................................................................................................................................................................85 Figure II.11. Représentation schématique de l’évolution d’une cascade de défauts cristallins ponctuels au cours d’un temps de relaxation............................................................................................................................................................................................................................86 Figure II.12. Représentation schématique de la roue et sa fournée de plaques (a) et des mouvements relatifs du faisceau sur une plaque (b). Surface totale balayée par le faisceau (c)..............................................................................................................................87 Figure II.13. Représentation schématique d’une plaque (a) et du mouvement relatif du faisceau sur la plaque (b)...................88 Figure II.14. Modes d’implantation pour les deux outils : impulsions en rafales pour l’implanteur multiplaques (a) et en impulsions régulières pour l’implanteur monoplaque (b). ...............................................................................................................................89 Figure II.15. Pour l’implanteur multiplaques, à chaque révolution une impulsion d’implantation est effectuée sur une bande de la plaque..............................................................................................................................................................................................................................90 Figure II.16. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 30 keV, 4x1013 cm-2, après implantation. Les profils simulés ont été décalés en profondeur de manière à ce que l’interface silicium – oxyde se trouve à 0 nm...............................................................................................................................................................................93 Figure II.17. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 30 keV, 4x1013 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. ..............................................................................................................................94 Figure II.18. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 1 keV, 5x1014 cm-2, après implantation. ....................................................................................................................................................................95 Figure II.19. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 1 keV, 5x1014 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C..................................................................................................................................95 Figure II.20. (a) Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de B, 1 keV, 2x1015 cm-2, après implantation. (b) Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de B, 1 keV, 2x1015 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. ............................................................96 Figure II.21. (a) Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 50 keV, 3.7x1013 cm-2, après implantation. (b) Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 50 keV, 3.7x1013 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C................................................................97 Figure II.22. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 1 keV, 6.5x1014 cm-2, après implantation. ....................................................................................................................................................................98 Figure II.23. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 1 keV, 6.5x1014 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C..................................................................................................................................98 Figure II.24. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 10 keV, 2x1015 cm-2, après implantation.........................................................................................................................................................................99 Figure II.25. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 10 keV, 2x1015 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. ................................................................................................................................. 100 Figure II.26. Comparaisons des clichés de microscopie en transmission avec les projections en deux dimensions des simulations atomistiques. Les superpositions d’images sont à la même échelle. On remarquera le bon accord qualitatif entre les expériences et les simulations.................................................................................................................................................................................... 102 Figure II.27. La direction d’observation influe sur l’angle apparent des défauts {311} : l’échantillon expérimental est observé par la direction générale <110>. Mais en simulation, la densité de défauts {311} apparaît alors non-uniforme sur la largeur de la boîte de simulation (parallélépipède rectangle dont les faces sont des plans {100})................................................................................ 103 Figure II.28. Evolution de la profondeur moyenne des défauts étendus au cours du recuit : comparaison des observations expérimentales et des résultats de simulation....................................................................................................................................................... 103 Figure II.29. Evolution de la densité (a) et de la longueur moyenne (b) des défauts {311} : comparaison des résultats de simulation aux expériences. ....................................................................................................................................................................................... 104 Figure II.30. Evolution de la quantité (dose) d’interstitiels présents dans les défauts {311} et les boucles de dislocation, et de leur quantité totale........................................................................................................................................................................................................ 105 Figure II.31. Evolution de la sursaturation d’interstitiels pendant le recuit à 850°C : comparaison des calculs expérimentaux et des simulations. ............................................................................................................................................................................................................. 105 Figure II.32. Effet du flux moyen d’implantation et de la surface simulée sur la profondeur amorphe obtenue par simulation : ajustement de la valeur du flux moyen pour retrouver la valeur mesurée. La profondeur amorphe expérimentale représentée correspond à celle obtenue avec un unique flux moyen, de valeur inconnue. ........................................................................................... 106 Figure II.33. Evolution des défauts étendus à 800°C, après 10, 30, 60, 120, 300, et 900 secondes de recuit. .................................. 107 Figure II.34. Evolution des défauts étendus à 750°C, après 30, 120, et 300 secondes de recuit. ......................................................... 107 9 Table des figures et tableaux Figure II.35. Evolution des défauts étendus à 850°C, après 30 et 60 secondes de recuit........................................................................108 Figure II.36. Evolution des défauts étendus à 900°C, après 10 et 30 secondes de recuit........................................................................108 Figure II.37. Evolution des défauts étendus à 950°C, après 30 secondes de recuit..................................................................................108 Figure II.38. Evolution de la quantité d’interstitiels contenus dans les défauts étendus pendant un recuit à 700°C après une implantation de germanium à 30 keV et 3x1014 cm-2, et une implantation à très faible énergie et faible dose d’arsenic (a) ou de BF2 (b). .........................................................................................................................................................................................................................109 Figure II.39. Comparaison des images au microscope et des images simulées des défauts étendus après un recuit d’une heure à 700°C : présence de {311} uniquement.................................................................................................................................................................110 Figure II.40. Evolution de la quantité d’interstitiels contenus dans les défauts étendus pendant un recuit à 900°C après une implantation de germanium à 30 keV et 3x1014 cm-2, et une implantation à très faible énergie et faible dose d’arsenic (a) ou de BF2 (b). .........................................................................................................................................................................................................................110 Figure II.41. Comparaison des images au microscope et des images simulées des défauts étendus après un recuit d’une heure à 700°C : présence de boucles de dislocation uniquement. .................................................................................................................................110 Figure II.42. Evolution des défauts étendus après une implantation amorphisante, en l’absence (gauche) et en présence (droite) de bore. Photographies du microscope électronique à transmission tirées de [CamilloCastillo04]. ...........................111 Figure II.43. Comparaison quantitative de l’évolution des densités expérimentale et simulée de défauts étendus au cours du recuit, sans et avec une implantation de bore dans la couche amorphe. Données expérimentales d’après [CamilloCastillo04]. 112 Figure II.44. Interstitiels contenus dans les défauts étendus et – le cas échéant – les agglomérats de bore : comparaison des profils de concentration sans ou en présence de bore implanté. ....................................................................................................................113 Figure II.45. Evolution des fuites de jonction avec la température d’un recuit rapide de type spike...................................................113 Figure II.46. Résultats de simulation montrant une dissolution moins efficace des défauts étendus avec une température de recuit spike plus basse..................................................................................................................................................................................................114 Figure II.47. Description des structures simplifiées utilisées pour nos simulations..................................................................................116 Figure II.48. Evolution des profils carrés de bore après recuit avec différentes quantités d’interstitiels introduits dans la région de fin de parcours. ........................................................................................................................................................................................................117 Figure II.49. Illustration schématique de la variation de la quantité d’interstitiels en excès par une variation de la profondeur amorphe. Les interstitiels en excès de la couche amorphe « disparaissent » au cours de la recristallisation.......................................118 Figure II.50. Description de la seconde structure utilisée pour nos simulations, cette fois plus proche des conditions expérimentales. ..............................................................................................................................................................................................................118 Figure II.51. Profils de bore aggloméré après recuit pour deux profondeurs amorphes différentes...................................................119 Figure II.52. Profondeur amorphe en foncton du flux moyen d’implantation. Données expérimentales de [Cagnat06].............119 Figure II.53. Nombre de boucles de dislocations observé (représentatif de la quantité d’interstitiels) en fonction de la profondeur amorphe. Données expérimentales publiées dans [Cagnat06].................................................................................................120 Figure II.54. (a) Profils expérimentaux (SIMS) du bore après le recuit spike pour deux différents flux moyens d’implantation, d’après [Cagnat06]. (b) Grossissement sur les deux bosses. .........................................................................................................................120 Figure II.55. Doses de bore dans chaque bosse et leur somme en fonction de la profondeur amorphe...........................................121 Figure II.56. Zoom des profils SIMS de la Figure II.54 sur la région autour des défauts de fin de parcours...................................122 Figure II.57. (a) Effet de la vitesse de balayage de la roue de l’implanteur multiplaques sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. (b) Effet de la vitesse de rotation de la roue sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation........124 Figure II.58. Effet du diamètre du faisceau de l’implanteur multiplaques sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation..................................................................................................................................................................................................................125 Figure II.59. (a) Effet de la vitesse de balayage de l’implanteur monoplaque sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. (b) Effet de la largeur du faisceau de l’implanteur monoplaque sur l’accumulation de défauts. ...........................125 Figure II.60. Evolution du flux d’implantation instantané avec le diamètre du faisceau de l’implanteur multiplaques..................126 Figure II.61. Evolution du flux d’implantation instantané avec le la vitesse de balayage (a) et la vitesse de rotation de la roue (b) de l’implanteur multiplaques............................................................................................................................................................................126 Figure II.62. Effet de la largeur du faisceau (a) et de la vitesse de balayage (b) de l’implanteur monoplaque sur le flux instantané d’implantation............................................................................................................................................................................................127 Figure II.63. Endommagement du silicium en fonction du flux instantané d’implantation pour les outils multiplaques (a) et monoplaque (b)..........................................................................................................................................................................................................127 Figure II.64. Histogramme de composition des poches amorphes pour l’implantation de 10 cascades (a) ou de 50 cascades (b) de germanium. Les grosses poches amorphes ne sont formées que par la superposition des cascades...................................128 Figure II.65. Quantité normalisée d’interstitiels présents dans les poches amoprhes en fonction du temps de relaxation à température ambiante, pour différentes densités initiales de défauts. ...........................................................................................................128 Figure II.66. La comparaison avec la Figure II.64 montre que contrairement aux petites poches amorphes, les plus grosses d’entre elles n’ont pas subi de recombinaisons après une seconde à température ambiante..................................................................129 Figure II.67. Avec un flux instantané d’implantation plus faible, il y a à la fin de l’impulsion moins de poches amorphes contenant à la fois des interstitiels et des lacunes : la cause en est la plus grande efficacité de recombinaison avec un flux instantané plus faible....................................................................................................................................................................................................129 Figure II.68. Structure simplifiée utilisée pour les premières simulations montrant la couche amorphe et les profils de concentration en créneau de bore et d’interstitiels. La position et la concentration des interstitiels sont variables.........................131 10 Table des figures et tableaux Figure II.69. Exemple de profils de bore après des recuits de 0.5 et 2 s à 1000°C. Veuillez noter l’effet significatif de l’augmentation du budget thermique quand les interstitiels sont placés à 70 nm de profondeur, tandis que quasiment aucun effet n’est observé quand les interstitiels sont à 10 nm de la surface, très proches du profil initial de bore. Les profils initiaux de bore et d’interstitiels sont également tracés pour rappel................................................................................................................................... 132 Figure II.70. Augmentation de la profondeur de jonction Xj due à l’augmentation du budget thermique en fonction de la concentration (a) et de la position (b) initiales des interstitiels. Xj ne subit plus l’influence de l’augmentation du budget thermique quand les interstitiels sont proches du bore ou en grande quantité.......................................................................................... 133 Figure II.71. Comparaison des rampes de température des recuits à base de lampe et à conduction thermique (ici pour une température de 1100°C). ............................................................................................................................................................................................ 133 Figure II.72. Comparaison de l’activation du bore entre les recuit lampe et Levitor : évolution de la dose de bore actif avec le cycle de température, sans (a) et avec (b) préamorphisation au germanium (80 keV). .................................................................... 134 Figure II.73. Augmentation de la profondeur de jonction Xj due à l’augmentation du budget thermique en fonction de la concentration (a) et de la position (b) initiales des interstitiels, pour une température de recuit de 1080°C. Les tendances observées sont les mêmes qu’à 1000°C. ................................................................................................................................................................ 134 Figure II.74. Résultats de simulations donnant le compromis R+/Xj de la jonction étudiée. Aucune amélioration n’est obtenue avec le recuit Levitor (a), à moins de préamorphiser le subsrtat (b)...................................................................................................... 135 Figure II.75. Résultats expérimentaux montrant l’amélioration du compromis Rs/Xj avec le Levitor uniquement si il est associé à une préamorphisation.............................................................................................................................................................................................. 135 Figure II.76. Evolution en température de la dose de bore actif pendant le cycle de température du recuit rapide de type lampe à 1060°C. (a) La recristallisation se complète à différentes températures selon la profondeur amorphe initiale. (b) Si le profil de bore n’est pas entièrement contenu dans la couche amorphe, la dose active après recristallisation n’est pas maximale. (c) Désactivation du bore pendant la suite de la rampe de montée. (d) Atteinte de l’équilibre et réactivation du bore pendant la fin de la rampe de montée. (e) Réactivation à la température maximale. (f) Implantations préamorphisantes à haute énergie : la désactivation du bore ne rejoint pas l’équilibre avant que la température maximale ne soit atteinte................................................... 136 Figure II.77. Comparaison de la désactivation et de la réactivation du bore pendant le cycle de température du Levitor ou du recuit à base de lampes, pour une température maximale atteinte de 1060°C. Avec le Levitor l’équilibre n’est pas atteint pendant la rampe de montée mais plutôt à la température maximale, que ce soit à basse (a) ou à haute (b) énergie de préamorphisation.......................................................................................................................................................................................................... 137 Figure II.78. (a) Amorphisation des zones de source / drain de MOSFET après implantation, en technologie CMOS 45 nm. (b) Observation de défauts de recristallisation après recuit : des défauts typiquement non simulables avec DADOS… (c) et (d) Détails de ces défauts........................................................................................................................................................................................ 138 Figure III.1. Description schématique des interactions possibles entre un niveau profond et les porteurs libres. Les flèchent représentent les mouvements des électrons. (a) Capture d’un électron (i). (b) Emission d’un électron (ii). (c) Capture d’un trou (iii). (d) Emission d’un trou (iv). .................................................................................................................................................................. 141 Figure III.2. Représentation schématique de la jonction n+p sous polarisation inverse, avec ses niveaux profonds occupés par des électrons................................................................................................................................................................................................................... 144 Figure III.3. Représentation schématique de la jonction n+p pendant l’impulsion de tension. Les flèches représentent les mouvements des électrons......................................................................................................................................................................................... 145 Figure III.4. Représentation schématique de la jonction n+p pendant son retour à l’état initial, juste après l’impulsion de tension. Les électrons de la bande de valence viennent à nouveau, au cours d’un régime transitoire, peupler le niveau profond. Les flèches représentent les mouvements des électrons........................................................................................................................................... 145 Figure III.5. Illustration de l’obtention d’un maximum du signal pour une température donnée. La figure de gauche montre la variation de la capacité (transitoire) alors que les niveaux émettent des porteurs, pour différentes températures. La mesure de capacité est effctuée aux temps t1 et t2. La courbe de droite montre le signal DLTS résultant en fonction de la température. Figure tirée de [Lang74].............................................................................................................................................................................................. 146 Figure III.6. Profils de concentration de l’arsenic et du bore obtenus par analyse SIMS pour caractériser la jonction étudiée en DLTS. .............................................................................................................................................................................................................................. 148 Figure III.7. Spectre DLTS obtenu expérimentalement pour huit valeurs différentes de ep................................................................. 149 Figure III.8. La courbe ln(ep/T2) = f(1/T) (symboles) a été approchée par une droite (trait continu), dont l’équation est indiquée sur la figure.................................................................................................................................................................................................... 149 Figure III.9. Comparaison du spectre DLTS obtenu par calcul avec le spectre mesuré expérimentalement................................... 150 Figure III.10. Effet de la répartition énergétique en gaussienne sur le signal DLTS : étalement de la courbe. ................................ 152 Figure III.11. Répartition énergétique en gaussienne des niveaux profonds identifiés par DLTS dans la bande interdite du silicium............................................................................................................................................................................................................................. 152 Figure III.12. (a) Projection « en coupe latérale » des défauts restant après le recuit spike sur nos échantillons, d’après les simulations. Les points bleus représentent les atomes de dopants, et les boucles de dislocation sont visibles en rouge – orangé. (b) Localisation en profondeur des boucles de dislocation par rapport aux profils de dopants obtenus par analyses SIMS... 153 Figure III.13. Les photos en vue plane ne révèlent pas de défauts étendus dans l’échatillon analysé en microscopie électronique à transmission. ............................................................................................................................................................................................................... 153 Figure IV.1. (a) Représentation schématique d’une zone de charge d’espace et des flux équilibrés de porteurs provoqués par les gradients de concentration et le champ électrique. (b) Structure de bande d’une jonction pn.................................................... 156 Figure IV.2. Structure de bande et courants de dérive et de diffusion pour trois états de la jonction. ............................................... 159 11 Table des figures et tableaux Figure IV.3. Caractéristique de la jonction pn en polarisation directe...........................................................................................................160 Figure IV.4. Diagramme de bandes montrant schématiquement l’émission SRH d’un électron d’un niveau profond et son accélération par le champ électrique de la jonction.............................................................................................................................................161 Figure IV.5. Illustration de la génération tunnel bande à bande direct dans le cas d’une jonction peu abrupte (a) ou très abrupte (b)...................................................................................................................................................................................................................162 Figure IV.6. Illustration schématique de l’effet tunnel assisté par piège : la paire électron – trou peut être générée sous l’effet du champ électrique (a) ou par effet thermique (b). .........................................................................................................................................163 Figure IV.7. Représentation schématique de la génération de porteurs par ionisation par impact. .....................................................163 Figure IV.8. Schéma et photographies de microscope électronique à balayage de structures Miller larges (a) et étroites (b).172 Figure IV.9. Courant de fuite (mesuré sortant du substrat) de la jonction polarisée en inverse (le drain n+ est polarisé positivement, et le substrat p est à la masse), sur une structure Miller de type nMOS : influence de la co-implantation..............173 Figure IV.10. Comparaison des profils de concentration de bore et d’arsenic obtenus par SIMS et par simulation continue, sans co-implantation (référence)........................................................................................................................................................................................175 Figure IV.11. Comparaison des profils de concentration de bore et d’arsenic obtenus par SIMS et par simulation continue, avec une co-implantation de fluor à 15 keV, sans inclinaison...................................................................................................................................175 Figure IV.12. Résultats de simulations de dopage avec les simulations continues de SProcess : (a) référence, sans coimplantation ; (b) avec fluor 15 keV, sans inclinaison ; (c) avec fluor, 15 keV, inclinaison 25° ; (d) avec fluor, 20 keV, inclinaison 25°. La co-implantation de fluor a pour effet général de limiter la profondeur de jonction des extensions, et d’augmenter la diffusion du phosphore dans le fond des source et drain (zone de fin de parcours du fluor)..................................176 Figure IV.13. Structure obtenue par simulation atomistique...........................................................................................................................176 Figure IV.14. (a) Sans co-implantation (référence), il ne reste pas de défauts étendus après le recuit d’activation. (b) Quand une co-implantation de fluor est effectuée (15 keV, 1x1015 cm-2, pas d’inclinaison), subsistent en revanche des boucles de dislocations. ....................................................................................................................................................................................................................177 Figure IV.15. Boucles de dislocation subsistant après le recuit, pour une co-implantation de fluor à 15 keV sans inclinaison (a) et avec une inclinaison de 25°, en quatre fois (b)...................................................................................................................................177 Figure IV.16. Boucles de dislocation subsistant après le recuit, pour une co-implantation de fluor à 15 keV (a) et à 20 keV (b), inclinées. ...............................................................................................................................................................................................................178 Figure IV.17. Comparaison des courants de fuite de jonction obtenues avec trois modèles différents : le modèle SRH, le modèle définissant explicitement des pièges « classiques », et le modèle de pièges utilisant les caractéristiques déterminées par DLTS................................................................................................................................................................................................................................179 Figure IV.18. Réprésentation des six localisations choisies pour les niveaux profonds...........................................................................179 Figure IV.19. Effet de la localisation des niveax profonds sur les courants de fuite de jonction..........................................................180 Figure IV.20. Effet de la concentration de pièges sur le niveau de fuite de la jonction...........................................................................180 Figure IV.21. Effet de la « symétrie » des niveaux profonds introduits par les boucles de dislocation...............................................181 Tableau I.1. Fraction de la diffusion assistée par interstitiels pour les cinq principaux dopants .............................................................45 Tableau II.1. Temps de calculs pour une simulation typique avec différents processeurs........................................................................91 Tableau II.2. Valeurs de référence et variations utilisées pour les paramètres de l’implanteur multiplaques.....................................123 Tableau II.3. Valeurs de référence et variations utilisées pour les paramètres de l’implanteur monoplaque.....................................123 Tableau III.1. Paramètres utilisés pour l’ajustement des modèles de courbes DLTS...............................................................................151 Tableau III.2. Caractéristiques des niveaux profonds associés aux boucles de dislocation analysés par DLTS...............................154 12 Glossaire et abréviations GLOSSAIRE ET ABREVIATIONS 3 {311} Défaut étendu d’interstitiels situé sur un plan {311} du cristal de silicium. A Ai AI aSi AV Impureté A en position interstitielle dans le réseau. Paire impureté A – interstitiel. Paramètre de maille du silicium (5.43 Å). Paire impureté A – lacune. B BCA BIC Binary Collision Approximation : approximation de la collision binaire. Boron – Interstitials Cluster : agglomérat mixte de bore et d’interstitiels. C Cjc° CMOS cn cp CPU Capacité de jonction. Complementary Metal Oxide Semiconductor : Technologie complémentaire métal oxyde semiconducteur. Taux de capture d’électrons par un niveau profond. Taux de capture de trous par un niveau profond. Central Process Unit : Unité centrale de traitement. D D(X) Deff(X) DADOS dhkl DLTS Dn (Dp) Coefficient de diffusion du défaut X. Coefficient de diffusion effectif du défaut X (prenant éventuellement en compte plusieurs mécanismes). Diffusion of Atomistic Defects, Object-oriented Simulator : Simulateur orienté objet de la diffusion des défauts atomiques. Distance entre deux plans (hkl). Deep Level Transient Spectroscopy : Spectroscopie des transitoires des niveaux profonds. Coefficient de diffusion des électrons (des trous). E eEa Electron. Energie d’activation. 13 Glossaire et abréviations EC Bas de la bande de conduction. Champ électrique. Eélec eF Niveau de Fermi. Energie de formation. Ef Eg Largeur de la bande interdite. Niveau de Fermi intrinsèque. Ei El Energie de liaison. Energie de migration. Em Emeff Energie de migration effective (prenant éventuellement en compte plusieurs mécanismes). en Taux d’émission d’électrons par un niveau profond. EoR End of Range : région de fin de parcours des ions implantés, désignant souvent la région située juste derrière l’interface amorphe – cristal. Taux d’émission de trous par un niveau profond. ep EP Niveau énergétique d’un niveau profond. εSi Permittivité diélectrique du silicium. EV Haut de la bande de valence. F F fI FI FIinst FImoy fV Probabilité d’occupation de niveaux profonds. Fraction de la diffusion d’une impureté due aux paires impureté – interstitiel. Flux d’implantation. Flux instantané d’implantation. Flux moyen d’implantation. Fraction de la diffusion d’une impureté due aux paires impureté – lacune. G GHz Go Gigahertz. Gigaoctet. H h h h+ Constante de Planck (6.62x10-34 m2.kg.s-1). Constante de Planck réduite (h/2π). Trou. I I Interstitel. J J Densité de courant. K k kMC L, λ 14 Constante de Boltzmann (1.38x10-23 eV.K-1). kinetic Monte Carlo : Monte Carlo cinétique. Glossaire et abréviations λ LASER Ln (Lp) Lr Distance au second voisin dans le cristal de silicium. Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation : Amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement. Par abus de langage, type de recuit chaud et ultra rapide utilisant la lumière LASER. Longueur de diffusion des électrons (des trous). Longueur de recombinaison. M Marlowe m*n (m*p) Mo MOS MOSFET Code Monte Carlo de simulation d’implantation ionique utilisant l’approximation de la collision binaire. Masse effective des électrons (des trous). Mégaoctet. Metal Oxide Semiconductor : métal oxyde semiconducteur. Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor : Transistor MOS à effet de champ. N, ν n ν Na Nd Ndop ni nMOSFET NP Concentration d’électrons. Par extension : type de dopage d’une région contenant plus d’électrons que de trous ; type d’un dopant donneur. Fréquence d’un évènement. Concentration d’accepteurs. Concentration de donneurs. Dopage net (Na – Nd). Concentration intrinsèque de porteurs. MOSFET de type n. Concentration de pièges, ou de niveaux profonds. P p PIC pMOSFET Concentration de trous. Par extension : type de dopage d’une région contenant plus de trous que d’électrons ; type d’un dopant accepteur. Phosphorus – Interstitials Cluster : agglomérat mixte de phosphore et d’interstitiels. MOSFET de type p. Q q Charge élementaire (1.6x1019 C). R r RBS RBSC Rp Rs Rayon de Debye. Rutherford Backscattering : Effet de collision de retour Rutherford. RBS channelling : Effets de canalisation et de collision de retour Rutherford. Projected Range : Distance parcourue projetée. Résistance par carré, ou résistance de couche. S, σ σ SDevice σgauss Section efficace de capture. Sentaurus Device : Simulateur de dispositifs de la société Synopsys. Ecart – type d’une fonction gaussienne. 15 Glossaire et abréviations SIMS Secondary Ion Mass Spectroscopy : Spectroscopie de masse des ions secondaires. SPER Solid Phase Epitaxial Regrowth : Recroissance épitaxiale en phase solide. spike Recuit rapide sans plateau à la température maximale (recuit en « pointe » de température). SProcess Sentaurus Process : Simulateur de procédés technologiques de la société Synopsys. SRH Phénomènes de génération et recombinaison Shockley – Read – Hall. T, τ T TBBAP TBBD TCAD TED τn (τp) Température. Phénomène de génération de porteurs par effet tunnel bande à bande assisté par pièges. Phénomène de génération de porteurs par effet tunnel bande à bande direct. Technology Computer – Assisted Design : Conception de technologie assistée par ordinateur. Transient Enhanced Diffusion : diffusion accélérée et transitoire. Durée de vie des électrons (des trous). U UVAS University of Valladolid Atomistic Simulator : Simulateur atomistique de l’Université de Valladolid. V V Va Vi Vrecrist vth.n (vth.p) Lacune. Tension appliquée. Potentiel intrinsèque de la jonction. Vitesse de recristallisation. Vitesse thermique des électrons (des trous). W Wn Wp WZCE Etendue de la zone de charge d’espace du côté n de la jonction. Etendue de la zone de charge d’espace du côté p de la jonction. Etendue totale de la zone de charge d’espace. X Xj 16 Profondeur de jonction. Introduction INTRODUCTION Des performances et des fuites A l’introduction de ce manuscrit de thèse, je ne manquerai pas de parler de la loi de Moore. La réduction de la taille des composants des circuits intégrés est à l’origine de la poussée fulgurante de ces technologies au cours du demi-siècle passé, de leur apparition dans nos vies quotidiennes, et de leur démocratisation. Si l’on considère les processeurs, qui sont les plus complexes et certainement les plus répandus des circuits intégrés (hors mémoires), leur puissance de calcul augmente sans cesse, tandis que leur coût de fabrication par composant élémentaire diminue. C’est ce que montre la Figure I.1. Figure I.1. Evolution du nombre de calcul effectués par seconde et par dollar au cours du XXe siècle : la loi de Moore en marche… Tirée de [Kurzweil01]. Suivant la marche indiquée par Gordon Moore, les circuits intégrés deviennent toujours moins chers (à fonction égale, sans quoi c’est faux !), plus performants (c'est-à-dire plus rapides), et plus petits. Ces points fondamentaux sont en grande partie due à la réduction des dimensions de l’élément de base de ces circuits intégrés, le transistor MOSFET. Cette miniaturisation a longtemps participé à l’augmentation de leurs propres performances, mais permet encore et surtout d’améliorer leur intégration : sur une même puce, on est capable de placer toujours plus de fonctions, sans pour autant augmenter – voire en diminuant – la taille des puces. Cette « super-intégration » nous a rendus capables d’intégrer de nombreuses fonctions sur des appareils d’abord transportables, et aujourd’hui mobiles. Mais qui dit 17 Introduction appareil mobile dit aussi source d’énergie mobile, et de fait limitée. Pour favoriser cette mobilité des systèmes, il est donc nécessaire de réduire la consommation des circuits électroniques, et donc celle du composant de base : le transistor MOSFET. Si la consommation du transistor à l’état passant dépend surtout de la tension d’alimentation et de la performance souhaitée, sa consommation à l’état bloqué devrait être réduite au maximum. De l’importance des jonctions Les fuites du transistor MOSFET ont trois composantes : le courant de source, le courant de grille, et le courant de substrat. Le courant de source représente la partie la plus faible des trois. Un meilleur contrôle électrostatique du canal permet de réduire les effets de canaux courts, et donc le courant de source en régime bloqué du transistor : des jonctions fines et abruptes servent cet objectif. Le courant de grille est dû à l’effet tunnel, par lequel les porteurs de charge passent à travers l’oxyde de grille quand il est trop fin. Les matériaux à haute permittivité électrique (high-k) sont une des solutions mises en place pour diminuer cette composante de la fuite, puisque qu’ils permettent d’augmenter l’épaisseur physique du diélectrique tout en augmentant la capacité MOS – et donc en améliorant le contrôle du transistor. Quand au courant de substrat, il est dû à la fuite des jonctions du transistor, et représentait pour le nœud technologique 65 nm près de la moitié des fuites du dispositif. Le comportement de la jonction a donc une influence primordiale sur la fuite du transistor, et partant sur celle du circuit. Mais elle est aussi au cœur des caractéristiques générales des dispositifs. La figure de mérite classiquement associée aux jonctions est le rapport résistance de couche / profondeur de jonction (Rs/Xj). Une faible résistance permet d’obtenir un fort courant du transistor en régime passant, c'est-à-dire une meilleure performance. Une faible profondeur de jonction est par ailleurs capitale pour la miniaturisation des dispositifs, en particulier pour obtenir une tension de seuil et donc un contrôle du courant acceptables. Mais un troisième élément est devenu incontournable pour l’optimisation des jonctions, en partie à cause du développement des systèmes embarqués : la fuite de jonction, qui influence fortement la consommation finale du circuit, se doit aujourd’hui d’être prise en compte. En présence de défauts cristallins d’implantation, l’activation des dopants, responsable de la valeur de la résistance de couche, est réduite, tandis que leur diffusion se voit accélérée ; leur agglomération provoque ensuite des fuites supplémentaires au sein de la jonction. On le voit, l’évolution des défauts d’implantation pendant les procédés technologiques, et leur présence ou non à la fin de la fabrication, sont la clef de voûte de la formation et du comportement final des jonctions fines. C’est donc autour de ces défauts cristallins que sera construit ce mémoire sur l’étude des jonctions fines. 18 Introduction La simulation : un outil d’analyse et de prospection L’observation de la nature par l’Homme a toujours donné naissance à une théorie, qui est la description des lois régissant les phénomènes observés. La modélisation est ensuite la traduction en termes mathématiques de ces lois : c’est donc la base de toute simulation, car ce sont ces équations que la machine de calcul saura comprendre. Si l’expérience est une « expérimentation » sur un objet réel, alors la simulation est, elle, une « expérimentation » sur un objet virtuel, en l’occurrence le modèle, souvent le plus représentatif possible de l’objet réel qu’il représente. Bien sûr, les expériences ne seront jamais remplacées par la simulation. Les théories, et a fortiori les modèles, ont besoin d’être confrontés aux expériences pour être validés, ou invalidés. Dans ce dernier cas, une calibration par l’introduction et le réglage de paramètres plus ou moins artificiels s’impose, signe que quelque chose est mal pris en compte dans le modèle. D’autres expériences sont alors nécessaires pour améliorer nos connaissances scientifiques. Mais les simulations ont la capacité de guider dans le choix des expériences, en ciblant les pistes à suivre les plus pertinentes pour un problème donné. Les coûts et temps de développement s’en trouvent ainsi réduits. D’autre part, les simulations ont l’avantage de mettre à disposition toutes les informations qu’elles génèrent, en tout point de la structure et à tout moment du procédé : elles peuvent donc remplacer les mesures là où celles-ci sont impossibles à réaliser. L’objectif de ce travail de thèse et la démarche suivie L’objectif de ce travail est de simuler les courants de fuites de jonction en fonction des procédés de fabrication utilisés. Les modèles choisis pour simuler les fuites de jonction nécessitent de prendre en compte non seulement les profils de dopants (formation de la jonction proprement dite), mais aussi les caractéristiques des défauts responsables de la fuite de jonction, que ce soir leur localisation, leur concentration, ou leurs caractéristiques électro-énergétiques : - d’abord, les profils de dopants seront obtenus par simulation, atomistique ou continue ; - la nature des défauts étendus, leur position dans la jonction, et leur densité seront fournies par la simulation atomistique ; - les caractéristiques des pièges générés par les défauts d’implantation seront enfin obtenues par analyse spectroscopique transitoire des niveaux profonds (DLTS). En suivant toutes ces étapes, nous devrions donc être capables de prédire la fuite de la jonction : en simulant d’abord l’évolution des dopants et des défauts au cours du procédé de fabrication (implantations, recuits, et autres budgets thermiques), puis la réponse électrique de la jonction ainsi réalisée. 19 Introduction simulation atomistique DEFAUTS génération, agglomération, croissance, dissolution simulation continue DOPANTS diffusion, activation DLTS caractéristiques électroénergétiques des défauts d’implantation fuite de jonction 3 mécanismes potentiels, dont 2 dus aux défauts Figure I.2. Démarche suivie pour atteindre l’objectif de la thèse. Nous rappellerons dans un premier chapitre les mécanismes atomistiques – connus à ce jour – de la diffusion des impuretés, et de l’activation des dopants. Nous aurons soin de ne pas omettre la description du comportement des défauts cristallins, et leur rôle – fondamental – vis-à-vis du comportement des impuretés. Le deuxième chapitre commencera par une introduction rapide à la simulation atomistique. Suivra la présentation du logiciel de simulation utilisé, puis nous poursiuvrons par les résultats obtenus grâce aux simulations. L’accent sera porté sur la compréhension des phénomènes physiques actifs durant les procédés de fabrication des jonctions, du rôle des défauts en général et des paramètres des différentes étapes de fabrication en particulier. Dans le troisième chapitre, nous nous pencherons sur l’analyse par spectroscopie des transitoires des niveaux profonds, introduits dans la bande interdite du silicium entre autres par les défauts d’implantation – encore présents après les étapes de fabrication. La quatrième et dernier chapitre sera enfin consacré à la simulation électrique des fuites de jonction dans le transistor ; simulations dans lesquelles nous prendrons en compte la présence éventuelle de défauts d’implantation, ainsi que leurs caractéristiques obtenues au chapitre précédent. 20 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Chapitre I. PHYSIQUE DES DEFAUTS ET DE LA DIFFUSION De l’implantation ionique au recuit, nous allons tenter ici de donner les clefs nécessaires à la compréhension des mécanismes atomistiques régissant l’évolution des défauts cristallins et des impuretés dans le silicium. Les défauts cristallins ponctuels, interstitiels et lacunes, se forment et se recombinent, diffusent, s’agglomèrent et se séparent… Et au cours de cette évolution perpétuelle, ils entraînent les impuretés, et influencent, sinon déterminent, le comportement de celles-ci. Les caractéristiques électriques de la future jonction en seront grandement affectées ; c’est pourquoi il est si important de connaître ces phénomènes, qui entrent en jeu au cours de la fabrication des jonctions. I.1 L’évolution des défauts cristallins I.1.1 La structure du cristal de silicium La structure cristallographique du silicium est la même que celle du diamant [Sze07]. Elle est constituée par une maille de type cubique à faces centrées (cfc), dont le motif est composé de deux atomes de silicium, alignés dans la direction <111> (Figure I.1). A température ambiante, la longueur de maille aSi du cristal de silicium est égale à 5.43 Å, et la distance d’un atome à son premier voisin (longueur de la liaison covalente) est égale à a Si ⋅ 3 / 4 soit 2.35 Å. Ainsi chaque atome de silicium se trouve au centre d’un tétraèdre dont les quatre sommets sont quatre atomes de silicium. atome de silicium coïncidant avec un nœud de la maille liaison entre deux atomes de silicium aSi 21 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Figure I.1. Structure du cristal de silicium Dans ce réseau, on dira d’une particule qu’elle est en site (ou position) substitutionnel(le) quand elle occupera la position d’un des atomes du cristal parfait. On parlera de site interstitiel pour toute autre position dans le cristal. Au sein de cette dernière catégorie, on distinguera les sites tétragonal et hexagonal [Pichler04], décrits sur la Figure I.2 (respectivement (a) et (b)). (a) (b) Figure I.2. Mise en évidence des sites tétragonal (a) et hexagonal (b) dans le cristal parfait de silicium I.1.2 Lacunes et interstitiels I.1.2.1 Définition Une lacune est une absence d’atome de silicium sur un site du cristal parfait. De temps à autre, principalement dans les équations de réactions, nous utiliserons V l’abréviation commune V, tirée de l’anglais vacancy, pour désigner ce défaut. Le schéma de la Figure I.3 montre une lacune dans un cristal de silicium. Un interstitiel est un atome de silicium supplémentaire, positionné hors d’un site du cristal parfait. C’est par 22 Figure I.3. Schéma d’une lacune dans la maille du silicium Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion abus de langage que nous utiliserons souvent le terme interstitiel, pour parler de l’auto-interstitiel de silicium. Parfois nous utiliserons également l’abréviation I pour le désigner. Nous allons à présent décrire quelques configurations atomiques stables de l’interstitiel. Dans le cristal de silicium, plusieurs sites ont en effet été identifiés comme privilégiés pour accueillir un interstitiel. - Intuitivement, on peut tout d’abord considérer les sites offrant le plus d’espace entre les atomes (donc à faible densité électronique), comme les sites tétragonal et hexagonal déjà mis en exergue dans le paragraphe I.1.1 (Figure I.2). - Par ailleurs, un autre site a été révélé et étudié par des calculs théoriques ab-initio ; il est placé entre deux atomes du réseau et centré sur la liaison initiale entre ceux-ci (Figure I.4). - Enfin une configuration plus originale semble particulièrement stable : la configuration interstitielle divisée. Dans ce schéma, deux atomes de silicium se partagent un site du réseau (Figure I.5), alignés dans une direction cristallographique précise (<100> ou <110>). [001] [110] [0-10] (a) Figure I.4. Mise en évidence du site interstitiel centré sur la liaison inter-atomique I.1.2.2 [100] (b) Figure I.5. Arrangments atomiques de type interstitiel divisé, orientés <100> (a) et <110> (b) Recombinaison et paires de Frenkel La réaction de recombinaison d’un interstitiel et d’une lacune conduit à l’annihilation de ceux-ci, pour ne laisser derrière eux que le cristal parfait : I+V → 0 Eq. I.1 où 0 désigne l’absence de défauts. Cette réaction est aussi appelée recombinaison en volume. La lacune étant un site du réseau cristallin vide, l’atome de silicium retrouve alors sa place sur le réseau. La réaction inverse est la génération thermique de paires de Frenkel : 0 →I+V. Eq. I.2 Pour toute température supérieure à 0 K, ces deux réactions ont lieu continuellement. Ainsi la notion d’équilibre thermodynamique doit être perçue comme un équilibre entre ces deux réactions, qui sont sans cesse en concurrence : I+V ↔ 0 . Eq. I.3 Ici encore, l’analogie entre interstitiel-lacune et électron-trou est digne d’être notée. Une paire de Frenkel désigne une paire de défauts (un interstitiel et une lacune) liés [Pichler04]. Pour assurer un minimum de stabilité à la paire de Frenkel, il faut qu’il y ait à la fois une attraction à « longue distance », pour éviter un éloignement trop important des deux défauts, et une répulsion à « courte 23 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion distance », pour qu’ils ne se recombinent pas instantanément. La paire de Frenkel se situe donc à un minimum local d’énergie, entre deux barrières énergétiques à franchir pour la recombinaison d’une part, et pour la séparation d’autre part. Le diagramme énergétique correspondant à ces conditions présente la forme suivante (Figure I.6). Eb-S énergie Eb-R Eb-R : barrière énergétique à la recombinaison Eb-S : barrière énergétique à la séparation état des défauts cristal parfait paire de Frenkel défauts séparés Figure I.6. Forme du diagramme énergétique favorisant la stabilité d'une paire de Frenkel On utilise également l’expression « paire de Frenkel » pour désigner une paire interstitiel – lacune non liée. En ce sens, l’introduction de défauts par implantation ionique se fait sous forme de paires de Frenkel, comme nous allons le voir plus en détail dans les paragraphes suivants. I.1.2.3 Origine des lacunes et interstitiels I.1.2.3.1 Concentration à l’équilibre thermodynamique Ainsi qu’il a été dit précédemment, les réactions de génération et recombinaison des défauts, interstitiels et lacunes, se produisent sans cesse dans le cristal. Pour toute température supérieure à 0 K, la thermodynamique prévoit une concentration non nulle de ces défauts dans un cristal à l’équilibre. En effet, le cristal est dans sa configuration énergétiquement la plus favorable quand son enthalpie libre est minimale, et cette dernière dépend de la concentration de défauts. Après calcul, on trouve que : [X ]éq E (X ) = θ X ⋅ C Si ⋅ exp − f , k⋅T Eq. I.4 où X représente un défaut (interstitiel ou lacune), l’exposant « éq » signifie l’état d’équilibre thermodynamique, θX est le nombre de degrés de liberté du défaut dans le site cristallin (par exemple la dégénérescence du spin), Csi le nombre de sites disponibles dans le cristal de silicium ; enfin, Ef(X) est l’énergie de formation du défaut considéré. I.1.2.3.2 La sursaturation La sursaturation est une grandeur sans dimension qui a été introduite pour décrire la diffusion anormale des dopants, ainsi qu’on le verra dans le paragraphe I.2.5. Elle représente l’excès de concentration d’un 24 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion défaut quand l’équilibre thermodynamique est perturbé. La sursaturation SX est le rapport entre la concentration effective et la concentration à l’équilibre du défaut cristallin ponctuel considéré, tel qu’exprimé ci-dessous : SX = [X ] [X ]éq . Eq. I.5 Par exemple, à une température où la concentration d’interstitiels à l’équilibre est de 1x1010 cm-3, si la concentration effective d’interstitiels atteint une valeur de 1x1013 cm-3, la sursaturation sera de 1000. I.1.2.3.3 L’implantation ionique Les anciennes techniques de dopage utilisaient la diffusion, par exemple par source solide ou gazeuse. La concentration de dopants ainsi introduits est contrôlée par la température, qui détermine la solubilité limite de l’impureté. Tous les dopants ainsi introduits sont actifs. Cependant la profondeur de jonction est peu contrôlable : il faut augmenter la température du procédé pour augmenter la concentration, mais la diffusion est alors plus importante. La recherche de la performance et la miniaturisation ininterrompue du MOSFET ont finalement exigé une méthode d’introduction des dopants contrôlée, tant du point de vue de la localisation que de la dose introduite. Ainsi l’implantation ionique s’est vite imposée, depuis ses débuts en microélectronique dans les années 1960. Le principe de l’implantation ionique repose sur la direction d’un faisceau d’ions sur la plaque à traiter. On commence donc par ioniser un gaz précurseur, contenant l’élément dopant désiré. Le gaz est soumis à un champ électrique ; les ions sont alors accélérés, puis triés et filtrés en fonction de leur masse. A son arrivée sur la plaque de silicium, le faisceau est donc très pur. Le champ électrique auquel les ions sont accélérés définit l'énergie d'implantation, dont l'unité la plus couramment utilisée est le kiloélectron-volt (keV). Cette technique présente de nombreux avantages, dont : - rapidité, homogénéité et reproductibilité du procédé ; - contrôle très précis du nombre d’atomes implantés par simple mesure du courant du faisceau, cette mesure étant particulièrement importante en cas de faible dose implantée ; - possibilité d’obtenir des concentrations très élevées ; - maîtrise parfaite de l’énergie du faisceau, et donc contrôle très fin de la distribution en profondeur des ions implantés ; en particulier il est possible d’introduire un dopant en profondeur en dopant pas ou peu la surface ; - dans le cas d’une implantation à travers un motif, dispersion latérale très faible qui permet une plus grande densification des circuits ; - contrôle correct de la température du substrat lors de l’implantation ; - dopage possible à travers de fines couches d’isolant (oxydes, nitrures, etc…). La perception des phénomènes relatifs à l’implantation ionique repose sur la compréhension de l’interaction entre un ion et le matériau cible. Nous nous référerons ici au silicium parfaitement cristallin. 25 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Le freinage de l’ion incident au sein du matériau a deux composantes, électronique et nucléaire. La proportion relative de ces deux composantes dépend de la masse de l’ion et de son énergie, comme le montre la Figure I.7. Pouvoir d'arrêt du matériau cible (eV/nm) 1200 Pouvoir d'arrêt électronique Pouvoir d'arrêt nucléaire pour l'As Pouvoir d'arrêt nucléaire pour le Ph Pouvoir d'arrêt nucléaire pour le B 1000 800 600 400 200 0 0 200 400 600 800 1000 Energie de l'ion (keV) Figure I.7. Comparaison des pouvoirs d’arrêt nucléaire et électronique pour des ions de différentes masses et en fonction de l’énergie de ceux-ci. D’après [Papuzza03]. Le pouvoir d’arrêt électronique ne dépend pas de la masse de l’ion. Le freinage électronique est dû à l’interaction entre le nuage électronique de l’ion incident et la population d’électrons du matériau cible. Le freinage nucléaire est dû quant à lui à l’interaction entre les noyaux de l’ion et du matériau cible. Considérons la collision entre l’ion implanté et un atome du matériau. Si l’énergie transférée à l’atome cible est inférieure au seuil de déplacement de celui-ci (soit 15 eV dans le silicium), il va simplement revenir à sa position initiale en oscillant ; l’énergie perdue par l’ion incident est dissipée dans le silicium sous forme de phonons. Au contraire, si l’énergie transférée est supérieure à ce seuil, l’atome de silicium va quitter son site cristallin. Il se retrouve en position interstitielle, et laisse derrière lui un site vide, c'est-àdire une lacune. On a donc créé une paire de Frenkel. L’atome dopant va poursuivre son chemin, en étant freiné par les électrons plus ou moins efficacement selon l’énergie qui lui reste, et en subissant des collisions avec d’autres atomes de silicium – leur transférant ou non de l’énergie. L’atome de silicium éjecté de son site, quant à lui, va continuer à se déplacer suivant les mêmes mécanismes. Il subit un freinage à cause du nuage d’électrons, et si son énergie est assez grande, il va pouvoir déplacer un ou plusieurs autres atomes de silicium, et ainsi de suite. Ainsi chaque ion incident va générer une cascade de défauts, à la fois interstitiels et lacunes. La trajectoire de l’ion incident au sein du cristal dépend de chacune de ses collisions, et comporte donc une forte composante stochastique. La dispersion des dopants après implantation a donc, en première approximation, une distribution spatiale en gaussienne, tant en profondeur (gaussienne assymétrique : fonction de Pearson), que latéralement – dans le cas d’une implantation à travers l’ouverture d’un masque. La profondeur à laquelle se situe le maximum de la concentration après implantation est appelée la distance parcourue projetée, ou projected range en anglais (Rp). 26 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Un ion plus lourd et volumineux va engendrer un nombre plus important de déplacements dans le réseau de silicium qu’un ion plus léger. Le cristal sera plus endommagé, et le libre parcours moyen de l’ion incident avant qu’il ne s’arrête sera plus court. Les atomes dopants se répartiront donc plus en surface et le profil sera moins étalé. Par ailleurs, plus la dose sera élevée et l’énergie d’implantation grande, plus le nombre de défauts générés sera important. Dans le cas de l’implantation d’un ion moléculaire, les énergies de liaison entre atomes sont très petites devant les énergies d’implantation. Par exemple l’énergie de liaison entre le bore et le fluor dans le BF2+ est d’environ 9 eV, et il est extrêmement rare que l’énergie d’implantation se situe sous les 1000 eV pour cette espèce. La molécule est donc cassée dès sa première interaction avec le substrat. L’energie de la molécule est alors répartie entre ses différents atomes en fonction de leur masse [Synopsys07]. Un des premiers obstacles au contrôle de la profondeur et de la dispersion du profil implanté est le phénomène de canalisation (ou channelling en anglais), qui apparaît lorsque la direction du faisceau d’ions coïncide avec une des directions cristallographiques principales de la cible (Figure I.8). L’ion incident rencontre moins d’atomes : il suit un canal dans le cristal. Son libre parcours moyen et son parcours total sont plus longs, il crée moins de défauts et a une probabilité plus faible d’être rétro-diffusé. Pour une plaque de type <100>, une désorientation de 7° par rapport à la direction du faisceau permet de réduire considérablement ce phénomène (car cette valeur permet d’éviter les directions principales du cristal diamant). L’angle d’implantation par rapport à la verticale de la plaque de silicium est appelé le tilt. La part d’atomes canalisés est plus importante quand l’ion implanté est plus petit, car il lui est plus facile de suivre les canaux du cristal. Figure I.8. Vue du cristal de silicium dans la direction critallographique <110> : mise en exergue de canaux entre les colonnes atomiques Après avoir été générés, les interstitiels et les lacunes se recombinent, soit au cours de l’implantation, soit pendant les premières étapes du recuit ultérieur. Seuls les atomes de silicium en position interstitielle éjectés de leur site et remplacés par les dopants actifs resteront ; ce mécanisme d’éjection sera décrit plus 27 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion en détail dans la partie I.2 sur la diffusion des impuretés. Cette constatation a donné naissance au « modèle +1 », qui considère que chaque atome implanté, devenant actif, génère un interstitiel. I.1.2.3.4 L’amorphisation du substrat de silicium Lorsque le nombre d’atomes déplacés devient très grand dans le cristal (donc la concentration d’interstitiels et de lacunes très importante), la cristallinité du silicium (ordre à longue distance) n’est plus réellement définie. On considère donc qu’au-delà d’un certain seuil, le matériau est devenu amorphe. La valeur de ce seuil est exprimée en concentration de défauts, ou en fraction d’atomes hors de leur site cristallin. Que ce soit par calcul ou par détermination expérimentale, la littérature a du mal à s’accorder sur sa valeur, qui n’est pas facile à déterminer [Hobler03]. Il semble cependant qu’elle soit comprise dans la gamme 6x1021 – 1x1023 cm-3. I.1.2.4 Diffusion I.1.2.4.1 Lacunes Le mécanisme de diffusion des lacunes dans le silicium est très simple et fait intervenir les atomes de silicium voisins. La diffusion de la lacune est une vue de l’esprit, au même titre que le transport des trous : ce sont en fait les atomes voisins qui viennent se placer sur le site où se trouve la lacune. Ce mécanisme est expliqué schématiquement sur un réseau bidimensionnel par la Figure I.9. De proche en proche, il apparaît au final que la lacune a migré à travers le cristal. V V Figure I.9. Mécanisme de diffusion de la lacune : échange de site avec l’atome de silicium voisin I.1.2.4.2 Interstitiels Quoique a priori difficilement mesurable, la diffusion de l’interstitiel s’est vite révélée très rapide. Pour en donner une idée, Gwozdz et Koehler [Gwozdz72] ont conclu de leurs expériences que l’interstitiel de silicium était déjà mobile à une température de 0.5 K ! La diffusion des interstitiels se fait principalement par deux mécanismes : le premier est la diffusion simple d’un atome interstitiel, tandis que le second fait intervenir la diffusion d’une paire d’interstitiels. Nous verrons que ces deux mécanismes sont d’importance capitale pour la diffusion de certains dopants. I.1.2.4.2.1 La diffusion d’un atome de silicium en position interstitielle Ce mécanisme de diffusion est le plus simple. L’atome de silicium saute d’un site interstitiel à un autre selon le mode de marche aléatoire (direction du saut indépendante de celle du saut précédent). La Figure I.10 explique ce mode de diffusion dans un réseau bidimensionnel. 28 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion position initiale et chemin aléatoire position finale Figure I.10. Mécanisme de diffusion d’un interstitiel par sauts successifs d’un site à l’autre Une des raisons de la haute diffusivité des atomes situés en position interstitielle est qu’ils ne sont alors plus chimiquement liés au réseau. Une étape élémentaire de migration (d’un site à l’autre) ne nécessite donc pas de rompre et reformer une liaison, mais seulement de franchir localement une barrière énergétique. Généralement, les sites entre lesquels évolue l’interstitiel considéré sont les sites tétragonaux et hexagonaux. Ainsi, un chemin de migration privilégié a été identifié par Pantelides et al. [Pantelides83] : l’interstitiel migre préférentiellement le long d’un canal à faible densité électronique connectant les sites tétragonaux et hexagonaux du réseau. Autrement dit, ce canal est aussi celui où l’espace entre les atomes du réseau cristallin est le plus grand. Il est important de remarquer que, par ce mécanisme, le même atome de silicium effectue tous les sauts, et diffuse de la position initiale à la position finale. I.1.2.4.2.2 La diffusion d’un interstitiel par paire Ce mécanisme plus complexe est expliqué sur la Figure I.11 dans le cas d’un réseau bidimensionnel. Il a d’abord été proposé par Seitz [Seitz50]. Considérons d’abord un atome de silicium en position interstitielle dans le réseau. La première étape consiste à changer de configuration : l’interstitiel considéré passe en configuration interstitielle divisée, partageant un site du réseau avec l’atome qui s’y trouvait initialement ((a) (b)). Dans le cas où cet atome est ensuite directement éjecté de son site, et se retrouve seul en position interstitielle, cette étape est appelée mécanisme d’expulsion (« kick-out » en anglais). Dans le cas examiné ici, la paire interstitielle diffuse en poussant de proche en proche les atomes de sites voisins ((b) (c) (d)), jusqu’à l’éjection complète d’un des atomes du réseau ((d) (e)). Cet atome de silicium qui se retrouve en position interstitielle à la fin du processus n’est pas nécessairement le même que l’atome de silicium initial. De ce fait, si le résultat final (diffusion d’un interstitiel) est le même pour les deux mécanismes présentés, ce ne sera pas le cas quand un des atomes entrant en jeu sera un autre élément chimique. La distinction entre le mécanisme de sauts successifs en position interstitielle et de diffusion par paires prendra donc tout son sens dans le paragraphe I.2 sur la diffusion des impuretés. 29 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion (a) Position initiale sur un site tétragonal ou hexagonal (b) Passage en configuration interstitielle divisée (c) Passage en configuration interstitielle divisée avec l’autre atome voisin (d) Passage en configuration interstitielle divisée avec l’atome suivant (e) Passage en site tétragonal ou hexagonal du dernier atome Figure I.11. Mécanisme de diffusion d’un interstitiel par paire avec un autre atome de silicium Les défauts cristallins que nous avons décrits jusqu’à présent ont une dimension de l’ordre de grandeur de l’atome. La taille réduite de ces défauts leur a valu le nom de défauts ponctuels. Nous allons à présent nous pencher sur les phénomènes d’agglomération de ces défauts cristallins élémentaires. Nous allons voir que les agglomérats ainsi formés peuvent avoir des dimensions très variables, de quelques atomes à plusieurs dizaines de nanomètres. On parlera alors de défauts étendus. I.1.2.5 L’agglomération des défauts cristallins ponctuels : la formation des défauts étendus I.1.2.5.1 Naissance, vie et mort d’un défaut étendu Les civilisations naissent de petits villages ; grandissent, s’étendent, et deviennent plus fortes ; font la guerre à leurs voisines, et croissent encore aux dépens de ces dernières ; et s’effondrent enfin… Il en est ainsi des défauts étendus, comme nous allons le voir incessamment. I.1.2.5.1.1 Nucléation : la naissance Un défaut cristallin, interstitiel ou lacune, possède une énergie de formation qui lui est propre. Cela signifie qu’il faut apporter de l’énergie au système (cristal parfait de silicium) pour créer un de ces défauts, cette énergie pouvant être tout simplement de la chaleur (voir paragraphe I.1.2.3.1). Quand deux défauts 30 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion cristallins ponctuels identiques se rapprochent suffisamment pour interagir, l’énergie de formation du défaut ainsi formé devient plus faible que la somme de leurs énergies de formation individuelles. La stabilité de ces défauts qui ont interagi entre eux est ainsi augmentée. Ils sont donc liés par une certaine énergie de liaison El, qui est définie comme la diminution (due à l’interaction des défauts) de l’énergie totale de formation, comme le décrit l’équation Eq. I.6 : E l ( X 2 ) = 2 ⋅ E f ( X ) − E f (X 2 ) , Eq. I.6 où X représente soit un interstitiel, soit une lacune. La distance à laquelle les défauts doivent se trouver l’un de l’autre pour que ce phénomène apparaisse est appelée distance d’interaction. Ce mécanisme est directement responsable de l’agglomération des défauts, autrement dit de la nucléation des défauts étendus. I.1.2.5.1.2 Croissance : l’âge d’or Les défauts peuvent croître en capturant un défaut de l’espèce qui les composent : X n + X → X n +1 . Eq. I.7 L’énergie de liaison d’un défaut avec un agglomérat en contenant déjà un nombre n est le gain d’énergie obtenu avec un défaut de taille n+1 : E l ( X n +1 ) = E f ( X n ) + E f ( X ) − E f ( X n +1 ) . Eq. I.8 La stabilité de ces agglomérats est donc fonction du nombre de défauts qu’ils contiennent. En général, plus un défaut étendu sera grand, et plus il sera stable, ou dit autrement, l’énergie de liaison d’un défaut à un agglomérat est positive. Insistons sur le fait qu’il s’agit d’une règle générale, car il peut y avoir des écarts à cette règle, même en considérant un seul type de défauts. Un autre moyen de croître pour les défauts étendus est de générer une paire interstitiel – lacune, le défaut de même nature y restant lié et celui de nature opposée étant émis dans le silicium. Ce mécanisme est appelé mécanisme de Frank – Turnbull. Prenons l’exemple d’un défaut formé de lacunes ; la réaction est alors décrite par l’équation Eq. I.9 : Vn → Vn +1 + I . Eq. I.9 Il est bien entendu nécessaire que le gain énergétique entre Vn et Vn+1 soit supérieur à l’énergie de formation de la paire de Frenkel, soit la somme des énergies de formation d’un interstitiel et d’une lacune. I.1.2.5.1.3 Maturation d’Ostwald : la concurrence Le phénomène de maturation d’Ostwald a pour résultat de favoriser la croissance des plus gros défauts au détriment des plus petits, et de réduire leur densité. La loi de Gibbs-Thomson stipule qu’un défaut étendu contenant n défauts ponctuels X (X étant un interstitiel ou une lacune) est en équilibre local avec une sursaturation de défauts ponctuels dépendant de son énergie de formation E f (X n ) (et donc de sa taille). Désignons par SX(Xn) la sursaturation en X associée au défaut Xn de taille n : E (X ) S X (X n ) ∝ exp f n . k⋅T Eq. I.10 31 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Nous avons déjà vu que la stabilité d’un défaut avait tendance à augmenter avec sa taille, c'est-à-dire que son énergie de formation diminuait. Par conséquent, et en considérant l’équation Eq. I.10, la sursaturation de défauts ponctuels sera plus faible à proximité d’un gros défaut qu’au voisinage d’un petit. Il se crée ainsi un gradient de défauts ponctuels, menant à la diffusion de ceux-ci des plus petits défauts étendus vers les plus gros. Puis pour maintenir l’équilibre de la loi de Gibbs – Thomson, les petits défauts étendus devront relâcher des défauts ponctuels en se dissolvant, et les gros défauts étendus devront en absorber, en grossissant. La maturation d’Ostwald est donc un phénomène auto-alimenté. Suite à cette phase, seuls vont subsister des défauts de taille conséquente. I.1.2.5.1.4 Dissolution : la fin du règne Comme il a été évoqué dans le paragraphe précédent, il est possible que les défauts étendus se dissolvent. Ce peut être soit pendant une phase de maturation d’Ostwald, soit à la fin de leur cycle de vie. Quand la densité de défauts étendus devient très faible suite à la maturation d’Ostwald, la distance moyenne entre deux défauts étendus devient plus grande que la distance moyenne entre un défaut étendu et la surface de l’échantillon (interface silicium – oxyde natif). Les défauts étendus ne sont donc plus en concurrence entre eux, mais en concurrence directe avec cette interface, considérée comme un puits infini pour les interstitiels. C’est comme si la maturation d’Ostwald se poursuivait, mais alors avec un très gros défaut étendu dans la population. C’est ce moment où le rôle de l’interface devient prépondérant dans l’évolution des défauts (et qui leur est fatal) que j’appelle la fin de cycle de vie des défauts. Le premier mécanisme de dissolution des défauts étendus consiste en l’émission d’un défaut ponctuel : X n → X n −1 + X . Eq. I.11 Par ailleurs, l’interaction entre un interstitiel et un défaut étendu de lacunes conduit à l’annihilation d’une paire lacune-interstitiel, et donc contribue à la dissolution du défaut étendu : Vn + I → Vn −1 . Eq. I.12 L’atome de silicium interstitiel a alors retrouvé une place sur un site du réseau cristallin. La réaction correspondante est également possible entre une lacune et un défaut étendu d’interstitiels : I n + V → I n −1 . Eq. I.13 I.1.2.5.2 Lacunes I.1.2.5.2.1 Petits agglomérats Des agglomérats contenant de deux à six lacunes ont été identifiés, par diverses études expérimentales et théoriques [Watkins65, Lee74, Hourakine00]. Une des configurations stables pour un cluster de lacunes est un anneau hexagonal emprunté au réseau de silicium [Chadi88, Estreicher97]. Cependant leur taille extrêmement réduite ne permet pas aujourd’hui de les observer directement par microscopie électronique à transmission. I.1.2.5.2.2 Cavités Quand ces agglomérats deviennent observables par microscopie électronique à transmission, en atteignant des tailles de l’ordre de quelques nanomètres, ils apparaissent alors sous forme sphéroïdale 32 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion [Holland91]. On appelle ces défauts des cavités, ou voids en anglais. Un exemple de cavités observées au microscope électronnique à transmission est présenté sur la Figure I.12. Cavités Figure I.12. photo TEM tirée de [Holland91] Les cavités apparaissent quelque fois, lorsqu’elles sont très grandes, avec une forme octaédrique, dont les faces sont les plans denses {111} du silicium [Falster00, Ueki97]. I.1.2.5.3 Interstitiels I.1.2.5.3.1 Petits agglomérats Bien que leurs résultats précis soient sujets à des incertitudes, des investigations théoriques et expérimentales ont permis de dégager deux tailles dites « magiques », qui font à peu près l’unanimité. L’énergie de formation des plus petits agglomérats n’est pas une fonction monotone de leur taille. En particulier, quand un agglomérat est formé de quatre, ou surtout de huit interstitiels, son énergie de formation présente un minimum local [Cowern99a]. Malgré ces fluctuations, on pourra retenir la tendance générale suivante : plus l’agglomérat contient d’interstitiels, plus il sera énergétiquement stable. La Figure I.13 montre l’évolution de l’énergie de formation des petits agglomérats d’interstitiels en fonction de leur taille. énergie de formation (eV) 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 1 10 100 taille de l’agglomérat (nombre d’interstitiels) Figure I.13. Evolution de l’énergie de formation des petits clusters de silicium interstitiels selon leur taille D’après [Cowern99a]. Des configurations particulières ont été mises en évidence [Pichler04], mais l’observation expérimentale ne permet pas de confirmer ces études, du fait de la petite taille des agglomérats. I.1.2.5.3.2 Défauts {311} 33 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Les défauts {311} se forment par réarrangement des atomes formant les petits agglomérats. Les interstitiels de l’agglomérat et les atomes du cristal alentour se réorganisent en colonnes d’interstitiels allongées dans la direction <110>. Cette réorientation, qui a lieu pour des tailles de l’ordre de la dizaine d’atomes, nécessite d’outrepasser une barrière énergétique [Claverie99]. La période d’une colonne est de deux atomes. Ces colonnes sont reproduites de manière pseudo-périodique dans une direction <113>, par exemple [-3-32]. Les défauts {311} forment donc une bande d’interstitiels étendue dans un plan de la famille {311}. C’est bien entendu cette particularité qui leur a valu leur nom. Au voisinage des colonnes, les atomes de silicium du réseau relaxent les contraintes engendrées par les interstitiels, en se déplaçant légèrement de leur site. Mais les contraintes sont telles que le motif formé par les colonnes d’une part, et la relaxation (insuffisante) des atomes voisins d’autre part, est parfois alterné avec un autre motif. Ce second motif est également colonnaire dans une direction <110>, mais ne contient aucun interstitiel. Il possède uniquement un rôle de relaxation du réseau et de minimisation de l’énergie introduite par le défaut. La Figure I.14 montre une projection du cristal de silicium selon l’axe [1-10], avec le premier motif colonnaire contenant les interstitiels (bleus), et le déplacement des atomes voisins. Les liaisons atomiques ne sont pas représentées ici, mais il est intéressant de savoir que tous les atomes (interstitiels et autres) sont liés à quatre voisins, comme dans le cristal parfait. Ainsi l’énergie due aux liaisons pendantes est nulle. Une description très précise des {311} pourra être trouvée dans [Takeda91a, Kohyama92/93/95]. 34 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion [113] (a) [-3-32] ⊗ [1-10] atomes de silicium du réseau appartenant à deux « altitudes atomiques » différentes dans la direction <110> atomes de silicium formant le cristal parfait avant insertion des interstitiels atomes de silicium interstitiels formant le motif qui se répète dans la direction <110> (colonne) (b) Figure I.14. (a) Projection dans la direction [1-10] du motif formant les défauts {311}, d’après Takeda et Kohyama [Takeda91a, Kohyama92/93/95]. (b) Vue en 3 dimensions d’un défaut {311} avec les colonnes d’interstitiels et le motif de relaxation des contraines. Image tirée de [Takeda91b]. 35 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Il a par ailleurs été trouvé que la croissance en longueur (direction <110>) des défauts {311} était accompagnée d’une augmentation de leur largeur (direction <332>), c'est-à-dire du nombre de colonnes d’interstitiels [Liu96]. La relation expérimentale entre la largeur W et la longueur L exprimées en nm est : W = 0.5 ⋅ L Eq. I.14 où W dépend du nombre de colonnes qui forment le défaut. Le moteur de la croissance des défauts {311} est celui qui a été expliqué dans le paragraphe I.1.2.5.1.1 : plus un défaut {311} contient d’interstitiels, plus son énergie de formation est faible, c'est-à-dire plus il est stable. Ainsi les interstitiels qui diffusent dans le substrat et qui arrivent à proximité d’un défaut {311} sont capturés et contribuent à la croissance de celui-ci. L’énergie de formation du défaut {311} diminue de manière asymptotique, vers un minimum (atteint pour une taille infinie) estimé autour de 0.6 eV [Cowern99a, Claverie99]. Cette énergie minimale correspond à l’énergie de faute d’empilement du défaut. La Figure I.15 montre l’évolution de l’énergie de formation des défauts {311} en fonction de Energie de formation (eV/at) leur taille. Si la dose d’interstititels injectée est endessous d’une certaine limite, les défauts 1.3 {311} vont se dissoudre pendant la suite défauts {311} du recuit, en relâchant progressivement 1.0 leurs interstitiels. Cette limite n’a pas de valeur déterminée car elle dépend des 0.7 conditions de recuit. En revanche, si la 0.4 dose agglomérats 10 100 1000 Taille du défaut (nombre d’interstitiels) Figure I.15. Energie de formation des défauts {311} comparée à celle des petits agrégats d’interstitiels, d’après [Claverie01] d’interstitiels injectée suffisamment forte, les défauts {311} vont évoluer sous forme de boucles de dislocation, qui sont des défauts plus gros et plus stables. Nous allons à présent nous attacher à les décrire. I.1.2.5.3.3 36 est Boucles Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion de dislocation Une boucle de dislocation est une portion de plan {111} supplémentaire dans l’empilement cubique face centrée du cristal parfait. La dislocation forme une boucle à peu près circulaire ; la boucle de dislocation est donc un disque d’interstitiels. Il existe deux types de boucles de dislocation : - la boucle de dislocation parfaite est constituée par une portion de plan {111} sans faute d’empilement par rapport au cristal parfait ; - la boucle de dislocation fautée, en revanche, présente une faute d’empilement, comme son nom le laisse entendre. L’illustration de la Figure I.16 met en évidence la différence entre les deux types de boucles de dislocation. Figure I.16. Structure des boucles de dislocation fautée (haut) et parfaite (bas) ; schéma tiré de [Sztucki01] Les boucles de dislocation se forment par réorientation de l’amas d’interstitiels. Ce ne sont pas forcément les mêmes atomes de silicium qui étaient en position interstitielle dans le défaut {311} qui se retrouvent à nouveau en position interstitielle dans la boucle de dislocation. Les interstitiels et les atomes environnants se réorientent simultanément. Après réorientation, le défaut s’étend dans un plan de la famille {111}. L’énergie de distorsion du réseau due à la dislocation (bord du défaut) augmente, mais est compensée par la réduction de l’énergie de faute d’empilement. Cette dernière dépend du type de boucle formée. Comme pour les défauts {311}, l’énergie de formation des boucles de dislocation diminue avec l’augmentation de leur taille. Le schéma de la Figure I.17 montre l’énergie de formation des boucles de dislocation en fonction de leur taille, comparée aux énergies des petits agglomérats et des défauts {311}. 37 Energie de formation (eV/at) Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion 1 boucles de dislocations petits agglomérats défauts {311} 0.1 101 102 103 104 105 106 Taille du défaut (nombre d’interstitiels) Figure I.17. Energie de formation des boucles de dislocation en fonction de leur taille et comparaison avec les autres défauts étendus. Figure adaptée de [Boucard03]. L’énergie d’une boucle de dislocation est la somme de l’énergie de faute d’empilement des atomes et de l’énergie des distorsions au niveau de la dislocation. Il en est de même pour les défauts {311}, bien que ces notions de dislocation et de faute d’empilement soient moins faciles à saisir dans le cas d’un défaut {311}. L’énergie de dislocation des boucles parfaites est plus importante que l’énergie de dislocation des boucles fautées : la déformation du réseau qu’elles induisent est en effet plus importante. Cependant, l’énergie de faute d’empilement des boucles parfaites est nulle, par définition, tandis que celle des boucles fautées est de l’ordre de 0.03 eV [Claverie99]. Ainsi les courbes des énergies de formation des boucles fautées et parfaites se croisent. Quand les boucles parfaites deviennent plus stables que les boucles fautées, le défautage de ces dernières en boucles parfaites devient possible. Ceci n’advient que quand les boucles fautées atteignent des tailles importantes, c'est-à-dire quand la dose d’interstitiels injectée est forte, et que le budget thermique est suffisamment important. Les boucles de dislocation étant des défauts très stables, il faut un budget thermique important (en température ou/et en temps de recuit) pour les dissoudre. I.1.2.5.4 Lacunes et interstitiels Nous avons vu dans le paragraphe I.1.2.3.3 que l’étape d’implantation ionique générait des paires de Frenkel au sein de cascades de défauts. Il se forme donc des régions fortement endommagées, où interstitiels et lacunes cohabitent dans la matrice cristalline. En leur sein, interstitiels et lacunes se recombinent, en suivant une certaine cinétique. Plus les interstitiels et lacunes ainsi agglomérés seront nombreux, plus leur recombinaison deviendra difficile, et plus ces poches fortement endommagées seront stables. On peut donc aisément considérer ces poches comme des défauts en soi. Bien que le silicium soit encore cristallin, ces défauts seront appelés « poches amorphes » dans ce travail, parce qu’ils sont les sites de nucléation des premières zones amorphes qui se créeront. Cependant, un recuit léger suffit généralement à recombiner toutes les paires au sein d’une poche amorphe. Si initialement le nombre d’interstitiels dans la poche amorphe est supérieur au nombre de lacunes, il ne restera après recombinaison que des interstitiels formant un agglomérat. Ce dernier suivra une évolution ainsi qu’il est rapporté dans le paragraphe I.1.2.5.3. Si au contraire la poche amorphe 38 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion renferme plus de lacunes, l’amas restant sera un agglomérat de lacunes, tel que décrit dans le paragraphe I.1.2.5.2. I.2 La diffusion des impuretés I.2.1 La présence d’impuretés dans le silicium I.2.1.1 Les éléments résiduels présents dans le silicium Le silicium utilisé en microélectronique a une pureté exceptionnelle. Avant que le procédé de fabrication ne soit lancé, les impuretés sont présentes en quantités infimes. Après formation du lingot monocristallin de silicium par la méthode de Czochralski (CZ), le matériau est purifié une ou plusieurs fois par fusion de zone (FZ). Malgré tout, il reste toujours quelques impuretés indésirables dans les plaques. On trouve des éléments métalliques, comme le fer, le nickel ou le cuivre [Gilles90], à des concentrations ne dépassant plus aujourd’hui les 5x109 atomes/cm3 [Istratov00]. Mais il y a également du carbone, naturellement présent avec le silicium, et de l’oxygène, qui possède une grande affinité avec le silicium. I.2.1.2 Le dopage et l’introduction volontaire d’autres espèces Est-il besoin de rappeler que le dopage des semiconducteurs est la clef de leur succès ? Les espèces dopantes sont divisées en deux familles selon leur position dans la classification périodique de Mendeleïev. Les dopants de type n, éléments de la colonne V, introduisent un électron en sus dans le cristal. Les dopants de type p, appartenant à la colonne III, provoquent un défaut d’électrons, créant l’espèce mobile chargée positivement qu’est le trou. Les dopants de type n généralement utilisés en micro-électronique sur silicium sont l’arsenic et le phosphore, et, beaucoup plus rarement, l’antimoine ; pour un dopage de type p, on introduit surtout du bore, mais aussi de l’indium. Les dopants sont introduits volontairement par des procédés technologiques déjà décrits ci-dessus (paragraphe I.1.2.3.3), c'est-à-dire, de nos jours et en microélectronique, quasi exclusivement par implantation ionique. On introduit également par implantation ionique des éléments plus ou moins lourds, qui permettent de modifier la diffusion et l’activation des dopants au cours du procédé de fabrication. Les gros atomes neutres, issus de la colonne IV (comme le germanium) ou de la famille des gaz rares (par exemple le xenon), sont introduits non pour leur nature en soi, mais pour les défauts qu’ils génèrent, modifiant la structure du substrat jusqu’à son amorphisation. Leur utilisation sera abordée dans la partie I.2.5.3.1. Quant aux éléments légers, tels que le fluor, le carbone, ou l’azote par exemple, ils sont utilisés pour limiter la diffusion des dopants ou améliorer leur activation On y reviendra plus en détail dans la partie I.2.5.3.2. 39 Chapitre I I.2.2 Physique des défauts et de la diffusion Configuration et diffusion en condition d’équilibre I.2.2.1 En site substitutionnel Pour être actif, c'est-à-dire libérer un porteur de charge, le dopant doit tout d’abord être placé en position substitutionnelle, à la place d’un atome de silicium du réseau. Il sera ainsi lié à quatre atomes voisins de silicium. Si c’est un élément de la colonne V, un des cinq électrons de valence sera de trop et ne participera pas aux liaisons ; on parle d’élément donneur. Si c’est un élément de la colonne III, il manquera un électron pour former les quatre liaisons covalentes du bore. Si celles-ci sont tout même formées, il manquera quoiqu’il en soit un électron dans une des liaisons interatomiques du cristal : un trou sera créé dans la bande de valence ; on parle d’élément accepteur. Le placement en position substitutionnelle dans le réseau constitue l’activation chimique du dopant. Ces deux porteurs de charge (électron de la bande de conduction et trou de la bande de valence) sont potentiellement mobiles, condition qui doit être satisfaite pour qu’ils participent effectivement à la conduction du courant dans le silicium. Un dopant sera donc électriquement actif quand la barrière énergétique vue par le porteur pour se libérer sera très faible devant l’énergie thermique k.T. En d’autres termes, le niveau énergétique introduit par le dopant dans le gap du silicium devra être superficiel, typiquement à moins de 0.1 eV de la bande de conduction (niveau donneur : type n) ou de valence (niveau accepteur : type p). On retiendra cependant l’utilisation de l’indium, dont le niveau accepteur se situe à EV + 160 meV, avec les problèmes que cette valeur implique sur l’activation à température ambiante : c’est le phénomène de gel des porteurs, c'est-àdire que les porteurs potentiellement générés par l’activation chimique de l’indium restent en fait liés à celui-ci. N’étant pas libres, ils sont incapables de conduire le courant. Quand une impureté, dopante ou non, est en position substitutionnelle dans le cristal, elle est considérée comme immobile. En effet, le coût énergétique est élevé pour qu’il y ait échange de site entre un atome du réseau et son voisin [Hu73]. I.2.2.2 En site interstitiel Les atomes de dopants peuvent également se trouver en site interstitiel. Cette situation est a priori possible pour tous les atomes de dopants ; cependant, elle est beaucoup plus probable pour les éléments légers que pour les éléments lourds, car ils ont un faible encombrement atomique. Il est en effet clair qu’un atome d’indium par exemple (nombre atomique 49, soit un nuage de 49 électrons à l’état neutre) occupera plus de place dans le réseau qu’un atome de bore (nuage de 5 électrons à l’état neutre). Ainsi les petits dopants (bore et phosphore) auront une probabilité non négligeable de se trouver en position interstitielle. Il est cependant important de garder à l’esprit que tous ces dopants sont beaucoup plus stables en position substitutionnelle qu’en position interstitielle [Pichler04]. N’étant pas liés à exactement quatre atomes de silicium, les atomes dopants en position interstitielle ne sont pas actifs. Cependant la fraction des atomes dopants se trouvant en position interstitielle à un instant donné reste toujours très faible, car comme nous venons de le voir, ce n’est pas cet état le plus 40 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion stable. La désactivation des dopants n’est donc pas due au passage à la configuration interstitielle, mais à l’agglomération des dopants avec les défauts cristallins ponctuels, phénomène qui sera abordé dans la partie I.2.2.5. Un atome en position substitutionnelle peut passer en position interstitielle par le mécanisme d’expulsion, déjà évoqué dans le paragraphe I.1.2.4.2.2 dans le cas des auto-interstitiels. Dans le cas des dopants, un atome de silicium en position interstitielle éjecte l’atome dopant de son site substitutionnel. Celui-ci se trouve alors à son tour en position interstitielle (Figure I.18 (a)). Les petits atomes ont généralement une grande mobilité quand ils se trouvent en position interstitielle. Ils diffusent alors rapidement à travers les « canaux » formés par le cristal de silicium. C’est une des raisons pour lesquelles le bore et le phosphore ont un coefficient de diffusion élevé dans le silicium. Ce mode de diffusion est appelé mécanisme interstitiel direct (Figure I.18 b)). Ce mécanisme est le même que dans le cas des auto-interstitiels (paragraphe I.1.2.4.2.1). Enfin, après avoir diffusé, les impuretés en site interstitiel auront natuellement tendance à se repositionner en site substitutionnel (Figure I.18 (c)), en éjectant à leur tour un atome de silicium du cristal (Figure I.18 (d)). (a) (b) (a) (b) expulsion diffusion interstitielle repositionnement en site substitutionnel dopant en site substitutionnel Figure I.18. Mécanisme de diffusion interstitielle d’une impureté par expulsion On a ainsi décrit dans ce paragraphe un des mécanismes de diffusion des impuretés, avec les trois étapes expulsion, diffusion interstitielle, et repositionnement en site substitutionnel. L’enchaînement de ces étapes se résume ainsi : . B+I → B {i → B + I diffusion Eq. I.15 Il existe un autre mécanisme qui fait intervenir les défauts intrinsèques dans la diffusion des dopants : c’est la formation des paires mobiles dopant-défaut. I.2.2.3 Les paires impureté – défaut cristallin La diffusion des impuretés dans le silicium est principalement due à la formation de paires avec les défauts cristallins ponctuels, interstitiel ou lacune selon l’espèce considérée. L’énergie de liaison entre l’impureté et le défaut cristallin définit la stabilité de la paire. 41 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion I.2.2.3.1 Paire impureté – interstitiel : l’exemple du bore Dans le cas d’un atome de petite taille (par exemple bore, ou fluor…), l’interstitiel de silicium pourra profiter du faible encombrement de l’impureté pour moins déformer le réseau alentour, et ainsi améliorer sa stabilité. C’est cette diminution de l’énergie de formation de l’auto-interstitiel qui est responsable de l’énergie de liaison de la paire. Le mécanisme général de diffusion d’une paire dopant – auto-interstitiel se rapproche de celui de la diffusion d’un dopant interstitiel. L’enchaînement des réactions d’appariement, de diffusion, et de rupture de la paire se résume ainsi : B + I → BI { → B+I . Eq. I.16 diffusion D’un point de vue purement chimique, ces réactions sont les mêmes que celles d’expulsion, diffusion, et retour en site substitutionnel. La différence n’est pourtant pas insignifiante sur la façon même de diffuser de la paire. Dans le cas du mécanisme interstitiel direct, le dopant diffusait seul dans le réseau, de site interstitiel en site interstitiel. Dans le cas de la paire, le dopant n’est pas complètement éjecté de son site substitutionnel, mais partage ce site en configuration interstitielle divisée avec un atome de silicium. La paire ainsi formée diffuse selon le mécanisme décrit par la Figure I.19. Ce mécanisme est appelé mécanisme de diffusion par paire, ou mécanisme assisté par interstitiel. (a) Arrivée d’un interstitiel à proximité de l’impureté, et interaction (d) (b) partage du site du réseau entre un silicium et l’impureté en configuration interstitielle divisée (c) L’impureté change de site (et partage celui-ci avec un autre atome de silicium) (e) (f) déplacement final Changement de position relative de l’impureté et du silicium (même configuration mais conformation différente) Ejection d’un atome de silicium de son site par l’atome d’impureté Dopant en site substitutionnel et silicium interstitiel : déplacement final du dopant Figure I.19. Mécanisme de diffusion assisté par interstitiel : diffusion de la paire dopant-interstitiel Un auto-interstitiel arrive à proximité d’un dopant en site substitutionnel. L’interstitiel de silicium peut être soit en position interstitielle, comme c’est le cas dans notre exemple (a), soit en configuration interstitielle divisée. Le dopant est alors éjecté de son site substitutionnel ; mais contrairement au cas du 42 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion mécanisme interstitiel direct, il ne se retrouve pas en position interstitielle pure (typiquement site tétragonal ou hexagonal), mais partage le site du réseau avec un atome de silicium, en configuration interstitielle divisée (b). La paire dopant-interstitiel est alors formée. C’est ici que se trouve la différence fondamentale entre le mécanisme interstitiel direct et le mécanisme de diffusion assistée par paire. Bien que d’un point de vue réaction chimique les deux situations soient équivalentes (les atomes réagissant sont les mêmes dans les deux situations), dans le dernier cas l’atome d’impureté reste lié au réseau. La paire impureté – silicium interstitiel est mobile et diffuse en poussant de proche en proche les atomes des sites voisins (b) (c) (d). On remarquera bien que d’une étape à l’autre la paire n’est pas formée avec le même interstitiel : à chaque stade de la diffusion celui-ci change. En revanche ce peut être le dopant qui reste sur le site du réseau (e) et l’interstitiel qui continue de diffuser, soit par paire selon le même mécanisme, soit en se positionnant en site interstitiel, comme dans l’exemple de la figure (f). La paire dopant défaut est alors brisée. Ce mécanisme et le mécanisme interstitiel direct sont en concurrence : l’impureté peut passer en position interstitielle (éjection totale du site substitutionnel) ou rester liée au défaut (paire), et changer de configuration en cours de diffusion. Expérimentalement il est difficile de les différencier ; seuls les calculs ab initio et les simulations en dynamique moléculaire peuvent permettre d’évaluer les importances relatives de l’un et l’autre des mécanismes. I.2.2.3.2 Paire impureté – lacune : l’exemple de l’arsenic Le concept de base de la diffusion par les lacunes est simple : il s’agit de l’échange de site entre un dopant substitutionnel et une lacune. C’est exactement le mécanisme de diffusion de la lacune déjà décrit dans le paragraphe I.1.2.4.1 (Figure I.9). Mais au lieu d’un atome de silicium voisin, c’est une impureté qui échange de site avec la lacune. Suite à cet échange, la lacune peut très bien continuer à diffuser à travers le cristal de silicium ; c’est le cas le plus général. Cela suppose que le dopant et la lacune ne sont pas liés. Cependant les lacunes et certaines impuretés, telles que l’arsenic, ont une énergie de liaison non nulle, c'est-à-dire que l’impureté et la lacune sont plus stables appariées que séparées. De plus la paire formée est mobile. Encore une fois la liaison de la paire peut se comprendre intuitivement comme une conséquence de l’encombrement du réseau par une impureté volumineuse, encombrement qui sera en partie « absorbé » par la présence d’une lacune, ou, dit autrement, par l’absence d’un atome de silicium, à proximité du dopant. Le mécanisme de diffusion de la paire ainsi formée est expliqué schématiquement sur la Figure I.20. Quand l’échange entre le dopant et la lacune a eu lieu (a) (b), la lacune reste liée au dopant en migrant le long de l’hexagone. Elle passe ainsi de premier voisin du dopant en position de deuxième (c), puis troisième voisin (d). C’est à cette étape en particulier que l’énergie de liaison de la paire dopant – défaut est influente : au lieu de s’éloigner encore de l’impureté, la lacune continue son tour de l’hexagone (e) et retourne à proximité du dopant (f), indifféremment d’un côté ou de l’autre (il y a une symétrie du système). Ainsi l’échange de site entre la lacune et l’impureté peut se renouveler, et le mécanisme se poursuivre. C’est donc bien la paire impureté – lacune qui diffuse. 43 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion dopant (a) (b) (c) (e) (f) lacune (d) Figure I.20. Mécanisme de migration de la paire impureté – lacune dans le silicium (réseau projeté selon la direction <110>) Les réactions d’appariement, de diffusion et de rupture de la paire se résument à nouveau ainsi : As + V → AsV { → As + V . diffusion Eq. I.17 I.2.2.3.3 Mécanisme de Frank – Turnbull Le mécanisme de Frank – Turnbull est une combinaison du mécanisme d’expulsion et du mécanisme lacunaire. Le point de départ de ce mécanisme est une impureté A en site substitutionnel, qui s’éjecte de son site. Elle laisse alors derrière elle une lacune dans le réseau. Soit l’impureté se retrouve en position interstitielle (Ai), soit elle forme un paire avec un atome de silicium voisin (AI). Dans les deux cas elle diffuse ensuite selon le mécanisme correspondant. Après que l’impureté ait diffusé, la réaction inverse peut avoir lieu : si elle rencontre une lacune dans le réseau, elle passe à nouveau en position substitutionnelle. L’enchaînement des réactions peut s’écrire de la manière suivante : A→ A V →A, { {i + diffusion Eq. I.18 A → AI V →A. { + { Eq. I.19 diffusion ou : diffusion diffusion Remarquons qu’au cours de cette réaction, c’est une paire de Frenkel (interstitiel et lacune, non liés) qui a été générée, et dont l’interstitiel est resté lié au dopant. Le cas inverse existe également, où c’est la lacune qui demeure liée au dopant, tandis que l’interstitiel est libre de diffuser seul. I.2.2.3.4 Les mécanismes en jeu en fonction des dopants 44 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion On l’aura compris, les dopants ne diffusent pas tous en suivant le même mécanisme. Leur tendance à diffuser via les lacunes ou via les interstitiels dépend fortement de leur taille atomique et de leur encombrement dans le réseau. Cette tendance se traduit par une prédominance d’un mécanisme sur l’autre : un dopant n’est pas tenu de diffuser selon un seul mécanisme, interstitiel ou lacunaire. C’est pourquoi on a défini la fraction de diffusion assistée par interstitiels, fI. Elle représente l’importance des mécanismes assistés par interstitiels dans la diffusion d’un dopant. Pour un dopant ne diffusant que via les interstitiels, et pas du tout via les lacunes, on aura fI = 1 ; au contraire, pour un dopant ne diffusant que via les lacunes, on aura fI = 0. On définit également la fraction de diffusion lacunaire, fV ; fI et fV sont liés par la relation : f V = 1 − fI . Eq. I.20 Les valeurs trouvées dans la littérature pour ce paramètre présentent des écarts parfois assez importants. Pour une revue très complète des valeurs trouvées ces 25 dernières années, on pourra se reporter au livre de Pichler sur la diffusion [Pichler04]. Les récentes études menées par Ural et al. [Ural99] semblent parmi les plus fiables, mais il faut garder en tête qu’elles ne sont pas avérées à 100 %. Les valeurs obtenues pour les cinq principaux dopants de la microélectronique sont rassemblées dans le Tableau I.1. Tableau I.1. Fraction de la diffusion assistée par interstitiels pour les cinq principaux dopants Dopant Phosphore Arsenic Antimoine Bore Indium Valeur de fI 0.89 < fI < 1 0.33 < fI < 0.57 0 < fI < 0.07 0.89 < fI < 1 fI > 0.5 Référence [Ural99] [Ural99] [Ural99] [Ural99] [Griffin98] I.2.2.4 Coefficient de diffusion effectif Il est important de bien différencier le coefficient de diffusion « microscopique » du coefficient de diffusion « macroscopique », ou coefficient de diffusion effectif. Prenons l’exemple général d’une impureté A immobile en position substitutionnelle, formant avec un défaut cristallin ponctuel X une paire AX très mobile. L’impureté substitutionnelle est quasiment immobile, car son énergie de migration, qui est l’énergie demandée pour un échange de site avec un atome voisin de silicium, est très grande. Une fois formée, la paire AX diffuse avec son coefficient de diffusion propre. L’énergie de migration de la paire est beaucoup plus faible. Tôt ou tard, la paire AX va se rompre, laissant l’impureté en position substitutionnelle, donc immobile. La diffusion microscopique est donc stoppée à ce moment, jusqu’à ce qu’un autre défaut vienne faire diffuser l’espèce A. Statistiquement, le coefficient de diffusion effectif de A dépend à la fois du coefficient de diffusion de sa forme mobile (AX), et de la fraction moyenne de A qui est sous forme de paires mobiles. Ainsi la diffusion macroscopique, c'est-à-dire mesurée, est liée non seulement à la vitesse de diffusion de la paire mobile AX, mais encore à la stabilité de cette paire, c'est-à-dire à son énergie de liaison. Ce coefficient de diffusion effectif D eff (A ) se calcule avec les paramètres microscopiques, de la manière suivante : 45 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion E eff (A ) − , D eff (A ) = D eff A ⋅ exp ( ) 0 k ⋅ T Eq. I.21 où D eff 0 (A ) est le préfacteur de la diffusivité : D eff 0 (A ) = D 0 m (AX ) ⋅ D 0 m (X ) , D 0 rupt (AX ) Eq. I.22 avec D 0 m (AX ) le préfacteur de migration de la paire AX, D 0 m (X ) le préfacteur de migration du défaut X, et D 0 rupt (AX ) le préfacteur de rupture de la paire AX ; et E eff (A ) est l’énergie d’activation de la diffusion : E eff (A ) = E m (AX ) + E f (X ) − E l (AX ) . Eq. I.23 avec E m (AX ) l’énergie de migration de la paire AX, E f (X ) l’énergie de formation du défaut X, et E l (AX ) l’énergie de liaison de la paire AX. I.2.2.5 Les agglomérats impliquant les impuretés Comme dans tout solide, les impuretés dans le silicium ont une solubilité limite. Cette grandeur représente la concentration locale maximale qu’une impureté peut atteindre avant de précipiter. Si la concentration dépasse ce seuil, alors l’impureté forme des agglomérats. La plupart du temps – mais pas systématiquement, ces agglomérats d’impuretés se composent également d’interstitiels ou de lacunes. Ces agglomérats de composition mixte sont aussi appelés complexes. Dans le cas des dopants, les atomes au sein des agglomérats ne sont plus liés à exactement quatre atomes de silicium (condition de solubilité) : ils ne sont donc actifs ni chimiquement, ni, conséquemment, électriquement. Et c’est donc cette précipitation qui conduit à la désactivation des dopants dans le silicium, car la fraction d’atomes agglomérés peut être significative. Par ailleurs, on observe dans certaines conditions hors – équilibre que les dopants se désactivent à des concentrations inférieures au seuil de solubilité limite, quand les interstitiels et /ou les lacunes sont en sursaturation. C’est notamment le cas du bore après implantation ionique [Stolk97]. Nous allons tout d’abord parler de cet exemple du bore, qui forme des agrégats avec des interstitiels, puis de l’arsenic, qui se s’agglomère plutôt avec les lacunes. Le cas des autres dopants sera abordé succinctement dans un troisième paragraphe. I.2.2.5.1 Agglomérats impuretés – interstitiels : l’exemple du bore La désactivation du bore sous le seuil de solubilité limite est due à la sursaturation d’interstitiels présente après une implantation ionique. Le bore étant le dopant du silicium le plus étudié depuis trente ans, les agglomérats qu’il forme avec les interstitiels ont eu droit à leur propre petit nom : ce sont les BICs, de l’anglais Boron – Interstitials Clusters. L’explication la plus vraisemblable a été proposée par Pelaz et al. dans [Pelaz99a]. Nous avons déjà vu que du pur point de vue chimique, la paire bore – interstitiel et le bore en position interstitielle étaient équivalents (paragraphe I.2.2.3.1). Pour plus de simplicité, nous n’évoquerons donc ici que les paires bore – interstitiel (BI), les mécanismes étant les mêmes pour le bore en site interstitiel. 46 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion L’agrégat précurseur se forme lors de la réaction entre un interstitiel et une paire bore – interstitiel, qui donne BI2 : BI + I → BI 2 . Eq. I.24 Au cours du recuit, ce premier complexe va capter une paire bore – interstitiel : BI 2 + BI → B 2 I 3 . Eq. I.25 L’agglomérat B2I3 n’étant pas très stable, il va rapidement émettre un interstitiel, formant alors le complexe B2I2 : B2 I 3 → B2 I 2 + I . Eq. I.26 A son tour B2I2 va capturer une paire BI : B 2 I 2 + BI → B 3 I 3 , Eq. I.27 puis B3I3 également : B3 I 3 + BI → B4 I 4 . Eq. I.28 Au-delà de cette taille les agglomérats sont moins stables ; le passage d’une paire dans le rayon d’interaction de l’agglomérat ne donnera donc lieu à aucune réaction. Le système préfèrera former de nombreux agglomérats de type B4I4. Ensuite, quand au cours du recuit la sursaturation d’interstitiels va diminuer, les complexes vont commencer à se dissoudre en émettant des auto-interstitiels de silicium : B4 I 4 → B4 I 3 + I , Eq. I.29 B4 I 3 → B4 I 2 + I , Eq. I.30 B4 I 2 → B4 I + I . Eq. I.31 En revanche, le complexe B4 est particulièrement instable. Cela peut s’expliquer par le fait que quatre atomes de bore voisins les uns des autres, chacun occupant moins d’espace qu’un atome de silicium, ont trop tendance à déformer le réseau ; la présence d’un interstitiel est nécessaire pour compenser cette espace vacant dans le cristal. C’est pourquoi B4I va plutôt émettre une paire BI : B4 I → B3 + BI . Eq. I.32 Encore une fois B3 est peu stable, et dès qu’un interstitiel passera à proximité, il sera capturé : B 3 + I → B3 I . Eq. I.33 Le complexe B3I est quant à lui l’un des plus stables parmi les agglomérats de bore. Il lui arrive cependant d’émettre une paire BI, pour former B2. Ce dernier peut à nouveau capturer une paire, et reformer B3I ; mais il peut également capturer un interstitiel : B2 + I → B2I . Eq. I.34 L’énergie de formation de B2I est relativement élevé, de sorte que l’émission d’une paire est à nouveau probable ; il reste alors un atome de bore en position substitutionnelle, c'est-à-dire actif : B 2 I → B + BI . Eq. I.35 47 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Nous avons donc décrit ici la formation des agglomérats de bore et interstitiels après une implantation ionique, donc en condition initiale de sursaturation en interstitiels : c’est en effet le cas qui nous intéressera dans la suite des travaux, lorsque nous étudierons les procédés de fabrication des jonctions fines. Pour résumer, les complexes de bore se forment en absorbant une grande quantité d’interstitiels de silicium, afin de compenser la sursaturation ; puis, quand la concentration en interstitiels est assez faible, ils se dissolvent en émettant d’abord des interstitiels, et enfin des paires bore – interstitiel. I.2.2.5.2 Agglomérats impuretés – lacunes : l’exemple de l’arsenic Au contraire du bore, l’arsenic forme des complexes avec les lacunes lors de sa désactivation. Les lacunes aident à compenser le fort encombrement d’un agglomérat d’atomes volumineux d’arsenic. Le complexe d’arsenic le plus stable est formé de quatre atomes d’arsenic et d’une lacune. Cette stabilité a été démontrée par Pandey et al. par calcul ab initio [Pandey88], puis confirmée par Luning et al. [Luning92], par modélisation de leurs expérimentations. Intuitivement ce complexe est facile à imaginer, puisque les quatre atomes d’arsenic forment un tétraèdre autour d’une lacune. La présence de la lacune permet, comme on l’a dit précédemment, de minimiser l’énergie élastique introduite par l’agglomérat. Le complexe As4V est stable au point que sa formation peut se produire par la génération d’une paire de Frenkel : c’est le mécanisme de Frank – Turnbull. La lacune formée reste liée à l’agglomérat, et l’interstitiel diffuse dans le silicium. Cet effet a été mis en évidence par Rousseau et al. : lors de leur expériences, la désactivation d’arsenic en surface de l’échantillon entraîne une diffusion accélérée d’un profil de bore enterré [Rousseau94, Rousseau96]. Les autres agglomérats ont malgré tout une importance non négligeable dans l’activation et la désactivation de l’arsenic. Parmi eux, As3V, As2V, ainsi que As2, As3 et As4 sont plus ou moins stables [Hane96, Fair73, Mathiot83, Yoshida80, Mathiot95]. I.2.2.5.3 Les autres dopants : avec quels défauts ? Le phosphore forme des agglomérats préférentiellement avec des lacunes [Takamura02a/02b, Chadi97, Kim03]. Cependant, certains auteurs [Schroer99, Uematsu99, Keys01] ont démontré l’existence de complexes phosphore – interstitiels, parfois appelés PICs (Phosphorous – Interstitials Clusters) par analogie avec les BICs. La désactivation de l’indium a rarement été attribuée à la formation d’agglomérats. Les études sur le sujet portaient préférentiellement sur le phénomène du gel des porteurs (cf. paragraphe I.2.2.1). Quant à l’antimoine, il semble que les agglomérats qu’il forme contiennent des lacunes [Allain92, Chadi97, NylandstedLarsen97]. Ceci peut être justifié de manière intuitive : comme l’antimoine est un atome très volumineux, la présence de lacunes à sa proximité compense les distorsions du cristal. En ce qui concerne les impuretés non dopantes, on pourra retenir que le carbone forme des aggrégats avec les interstitiels [Stolk97], tandis que le fluor s’associe avec les lacunes [Impellizzeri06]. I.2.3 48 Les effets conduisant à l’anisotropie du milieu (silicium) Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion I.2.3.1 Les effets de charge(s) L’anisotropie de la diffusion induite par les effets de charges provient de la présence d’un champ électrique, qui va privilégier une direction de migration/saut pour les espèces chargées. Nous allons maintenant expliquer comment. Le niveau de dopage du silicium modifie la position du niveau de Fermi dans le gap du silicium. Dans le silicium pur (intrinsèque) le niveau de Fermi se situe à la moitié du gap. Plus le silicium est dopé, plus le niveau de Fermi se trouve proche de la bande de conduction (dopage de type n) ou de la bande de valence (type p). Le niveau de Fermi est donc une grandeur locale, qui peut varier sur quelques angströms. Les particules mobiles dans le silicium (interstitiels, lacunes, paires impuretés – défauts cristallins, etc…) possèdent différents états de charge. Si l’on prend comme exemple la lacune, elle existe d’abord à l’état neutre, mais le site vacant dans le cristal peut piéger un ou deux porteurs de charge, que ce soient des électrons ou des trous. Ainsi la lacune peur exister sous les formes V0, V-, V--, V+ et V++. Hormis après une implantation ionique (voir paragraphe I.1.2.3.3) ou pendant un recuit sous atmosphère non neutre (voir paragraphe I.2.5.2), la concentration de lacunes neutres dépend de l’énergie de formation de celles-ci. Cette relation est décrite dans le paragraphe I.1.2.3.1(équation Eq. I.4). Par ailleurs les concentrations des espèces chargées sont interdépendantes. On considère que les concentrations relatives des espèces chargées sont toujours à l’équilibre, car les réactions d’échange électronique sont beaucoup plus rapides que les réactions impliquant des mouvements atomiques [Rafferty97]. De même que pour l’état neutre, la concentration du défaut dans un état de charge donné « i » dépend de l’énergie de formation de ce défaut dans cet état de charge : E (X i ) . = θ X i ⋅ C Si ⋅ exp − f Eq. I.36 k⋅T CSi est le nombre de sites disponibles dans le cristal de silicium ; θ X i est le nombre de degrés de liberté [X ] i éq du défaut dans le site cristallin, supposé à la même valeur pour tous les états de charge [Fahey89]. Les énergies de formation E f (X i ) des espèces chargées dépendent du niveau de Fermi. Si la charge est simplement positive (+1), l’énergie de formation s’exprime ainsi en fonction de l’énergie de formation E f (X 0 ) de l’état neutre : E f (X + ) = Ef (X 0 ) + e F − e(+ ,0 ) , Eq. I.37 où eF est le niveau de Fermi. Par ailleurs e(+,0) est la valeur du niveau de Fermi au-delà de laquelle l’état neutre deviendra plus stable que l’état chargé positivement. C’est le niveau énergétique de transition entre X+ et X0. Si le défaut X+ diffuse d’un endroit où le niveau de Fermi est inférieur à e(+,0) vers une zone où le niveau de Fermi est supérieur à e(+,0), le défaut va capturer un électron et ainsi passer à l’état neutre. Si l’on généralise la relation Eq. I.37, on obtient l’énergie de formation d’un défaut dans l’état de charge i : E f (X i +1 ) = E f (X i ) + e F − e(i + 1, i ) , Eq. I.38 49 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Ainsi il est aisé de calculer les concentrations relatives des défauts dans leurs différents états de charge, en fonction du niveau de Fermi : [X ] = exp − e [X ] i +1 i F − e(i + 1, i ) . k⋅T Eq. I.39 Chaque espèce chargée a ses propres caractéristiques de diffusion ; les énergies de migration notamment diffèrent d’un état de charge à l’autre [Watkins00]. Pour qu’un état de charge assure la diffusion du défaut, il faut à la fois que son énergie de migration Em soit faible (diffusivité élevée) et que son énergie de formation Ef soit petite ( « forte » concentration). On peut donc définir l’énergie de diffusion Ediff d’un défaut chargé : E diff = E m + E f , Eq. I.40 qui représente la barrière à la diffusion du défaut. Selon le niveau de Fermi (local), l’espèce dont l’énergie de diffusion sera la plus faible sera responsable de la plus grande part de la diffusion : la diffusion sera assurée plutôt par un état de charge ou plutôt par un autre. De plus, en présence d’un champ électrique, une force s’applique sur les espèces chargées ; celles-ci auront donc une direction de migration privilégiée. C’est le cas au niveau de la zone de charge d’espace d’une jonction pn. Ainsi on a bien une anisotropie du milieu en présence d’un champ électrique, laquelle aura une influence sur la diffusion. La Figure I.21 représente schématiquement la probabilité de migration (échange avec un atome de silicium voisin pour la lacune par exemple) en fonction de la direction dans l’espace bidimensionnel. Champ électrique X- ² Figure I.21. Schéma de la probabilité de saut d’une particule chargée négativement en fonction de la direction dans l’espace bidimensionnel : la longueur de la flèche est représentative de cette probabilité dans la direction qu’elle indique Prenons l’exemple, typique, du bore formant une jonction avec un profil abrupt superficiel d’arsenic. On observe expérimentalement que le bore, au cours de la diffusion, a tendance à déserter la zone de charge d’espace, et à s’accumuler au niveau du profil d’arsenic. C’est que dans les zones dopées n+, où le niveau de Fermi est à plus d’environ 0.9 eV de la bande de valence, ce sont les paires chargées négativement qui assurent la diffusion (elles ont la somme énergie de formation plus énergie de migration Ef + Em le plus faible). Elles ont donc tendance à diffuser dans le sens opposé au champ électrique, donc à se diriger vers 50 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion la zone plus fortement dopée n en désertant la zone de charge d’espace. Quand le niveau de Fermi est plus bas que cette valeur de 0.9 eV, ce sont les paires chargées positivement qui sont responsables de la diffusion du bore. Ainsi le bore aura à nouveau tendance à déserter la zone de charge d’espace, se « dirigeant » cette fois vers la zone dopée plus fortement p. On pourra trouver plus de détails dans [MartinBragado04a]. La Figure I.22 montre un profil de bore ayant subi cet effet. On remarquera une désertion du profil au niveau de la jonction métallurgique, et une accumulation de chaque côté de celle-ci. 1.E+22 SIMS As Recuit Concentration (cm-3) 1.E+21 SIMS B Recuit 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure I.22. Effets de charge sur la diffusion du bore dans la zone de charge d’espace : désertion du bore dans celle-ci et accumulation de chaque côté de la jonction. I.2.4 Les interfaces Jusqu’à présent, nous avons considéré la diffusion dans un matériau de taille infinie. En pratique, les interfaces jouent un rôle dans la diffusion, de plus en plus prépondérant au fur et à mesure que les jonctions sont plus fines. En premier lieu, il convient de remarquer que le silicium ne présente jamais une surface pure, directement en contact avec l’atmosphère ambiante. Il se forme toujours une couche d’oxyde natif à sa surface, d’environ 1 à 2 nm d’épaisseur. Nous allons donc nous intéresser dans cette partie à ce qui se passe à l’interface entre le silicium et son oxyde, la silice (SiO2). Nous allons tout d’abord nous pencher sur la façon dont les défauts cristallins ponctuels interagissent avec une interface, puis nous aborderons le cas des impuretés. I.2.4.1 La recombinaison des interstitiels et des lacunes Loin d’être parfaite, l’interface oxyde – silicium présente des liaisons pendantes, qui sont autant de pièges pour les porteurs de charge d’une part, et pour les défauts cristallins d’autre part. Il ressort en effet des observations expérimentales que cette interface est un puits parfait pour les lacunes et les interstitiels [Lamrani04]. En ce qui concerne les interstitiels, il est naturel de concevoir que lorsqu’ils seront piégés à l’interface, il se positionneront de manière à reconstruire le réseau cristallin du silicium. L’atome de 51 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion silicium lui-même ne disparaît donc pas, mais d’interstitiel il devient substitutionnel. C’est pourquoi on dit que les interstitiels se recombinent à l’interface, puisqu’ils se comportent comme s’ils avaient interagi avec une lacune, en se repositionnant dans la structure du cristal. Il en est de même pour les lacunes, qui vont générer une liaison pendante en se « recombinant » à l’interface. Elle ne sera pas annihilée dans le sens où aucun atome de silicium ne sera généré, mais la lacune sera alors absente du silicium massif. La Figure I.23 explique schématiquement la capture d’un interstitiel et d’une lacune par l’interface pour un réseau bidimensionnel. SiO2 (amorphe) SiO2 (amorphe) Liaison pendante interstitiel (a) Capture d’un interstitiel par une liaison pendante à l’interface Si/SiO2 SiO2 (amorphe) lacune SiO2 (amorphe) Liaison pendante (b) Capture d’une lacune par l’interface Si / SiO2 Figure I.23. Explication schématique de la capture d’un interstitiel (a) et d’une lacune (b) par l’interface silicium cristallin – oxyde de silicium amorphe. I.2.4.2 La génération des interstitiels et des lacunes Nous avons vu plus haut que des paires de Frenkel sont générées au sein du silicium massif (paragraphe I.1.2.3.1). De même, il est possible qu’un atome de silicium situé à l’interface avec l’oxyde se place en position interstitielle et diffuse dans le cristal, laissant derrière lui une liaison pendante. Dans ce cas, un interstitiel a été généré par l’interface. Ici encore, le constat est le même pour les lacunes : rien n’empêche un atome de silicium du cristal, situé non loin de la surface, de s’accrocher à la liaison pendante. La lacune est alors formée dans le cristal et est libre de diffuser. 52 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion Les mécanismes de génération des défauts cristallins ponctuels sont donc les mécanismes inverses de recombinaison décrits sur la Figure I.23. I.2.4.3 La ségrégation des impuretés : capture et émission La ségrégation des impuretés est également due à la présence de liaisons pendantes aux interfaces. Une impureté mobile, par exemple en position interstitielle, peut être capturée à l’interface, selon les mêmes mécanismes que les interstitiels par exemple. En fonction de la nature des impuretés, l’interface pourra accumuler plus ou moins d’atomes par unité de surface. On observera alors une ségrégation plus ou moins importante de cette espèce à l’interface. Par ailleurs, les atomes étrangers peuvent également s’échapper des pièges, c'est-à-dire être émis par l’interface silicium – oxyde. Certes, mais alors : dans l’oxyde ou dans le silicium ? Eh ! bien, cela va dépendre de la solubilité de l’impureté dans chacun de ces deux matériaux, et de sa concentration à proximité de l’interface. On sait par exemple que le fluor préfère s’accumuler dans l’oxyde ; mais si la concentration en fluor est trop élevée, l’oxyde ne sera plus en mesure d’en « absorber ». L’émission de fluor de l’interface vers l’oxyde sera donc réduite, voire bloquée. Par conséquent, si la diffusivité de l’impureté considérée est très faible dans un des matériaux jouxtant l’interface, celui-ci sera rapidement saturé en cette impureté, localement. Quand l’impureté sera relâchée, ce sera donc dans l’autre matériau. I.2.4.4 Perte de dose et exo-diffusion des impuretés Lorsque le coefficient de diffusion de l’impureté dans l’oxyde est assez élevé, la concentration locale à proximité de l’interface n’est jamais maximale, car il se crée un gradient de concentration de l’impureté dans l’oxyde. Les impuretés diffusent alors dans l’oxyde, et s’éloignent donc petit à petit de l’interface, diminuant la probabilité d’être recapturées et réinjectées dans le silicium. La dose présente dans le silicium à la fin du procédé de fabrication est donc moindre qu’au début : une partie en est perdue. Par ailleurs, il peut se passer la même chose à l’interface entre l’oxyde et l’atmosphère ambiante, c'est-àdire à la surface de l’échantillon. L’impureté peut s’évaporer dans la chambre de recuit, et disparaître totalement de l’échantillon. C’est ce phénomène qui est appelé exodiffusion. Il est d’autant plus marqué que la pression partielle en l’impureté est souvent nulle (on ne trouve initialement pas de bore, d’arsenic ou de carbone dans l’atmosphère de recuit). I.2.5 Les phénomènes perturbant la diffusion à l’équilibre Nous avons jusqu’ici exposé les mécanismes atomistiques régissant l’évolution des défauts cristallins, ponctuels et étendus, du silicium, ainsi que la diffusion des impuretés. Nous allons voir maintenant que cette dernière a souvent un comportement perturbé. I.2.5.1 La diffusion accélérée et transitoire 53 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion La diffusion accélérée et transitoire est connue sous le nom de TED, de l’anglais Transient Enhanced Diffusion. Le défi a été, depuis plus d’une décennie maintenant, de réduire, voire supprimer cette TED, particulièrement remarquée pour le bore. Ce phénomène a été observé dès les années 1970 puis 1980 [Hofker74, Hodgson84], mais son explication n’est apparue clairement que plus tard, vers le milieu des années 1990 [Eaglesham94, Stolk97]. La TED a principalement été étudiée dans le cas du bore, et c’est avec cet exemple que nous allons l’expliquer ici. Mais elle existe également pour tous les dopants diffusant via les interstitiels. Expérimentalement, on observe que la diffusion du bore introduit par implantation ionique est anormalement élevée pendant les premiers moments du recuit : le coefficient de diffusion effectif du bore dépasse largement (de plusieurs ordres de grandeur) sa valeur d’équilibre. Mais après un certain temps de recuit, dépendant de la température, cette accélération cesse. Les clefs permettant d’expliquer ce phénomène ont déjà été données dans les paragraphes précédents. D’abord, le bore diffuse par une réaction d’appariement avec un auto-interstitiel de silicium (paragraphe I.2.2.3.1). Ensuite, l’introduction des dopants par implantation ionique génère des interstitiels en excès dans le silicium (paragraphe I.1.2.3.3). Enfin, les défauts étendus formés pendant le recuit entretiennent une sursaturation d’auto-interstitiels à leur proximité (paragraphe I.1.2.5.1.3). L’implantation ionique génère une quantité d’interstitiels en excès (encore présents après la recombinaison des paires de Frenkel) bien supérieure à leur concentration d’équilibre. Ainsi, aux premiers instants du recuit, les atomes de bore ont une probabilité très grande d’interagir avec les interstitiels libres générés par l’implantation, et par là même de diffuser. Quand les défauts étendus se sont formés, d’abord les petits agglomérats puis les défauts {311}, ils induisent à leur tour une concentration anormalement élevée d’interstititels, augmentant aussi la diffusion du bore par rapport aux conditions d’équilibre. Quand les défauts {311} se transforment en boucles de dislocation, celles-ci étant beaucoup plus stables, la sursaturation chute, la TED est déjà moins marquée. Quand, au lieu de se transformer en boucles de dislocation, les défauts {311} se sont dissous, alors la sursaturation disparaît et la diffusion du bore retrouve sa grandeur d’équilibre. La TED est alors terminée. Bien sûr, c’est ce caractère transitoire qui a valu son nom à la TED ! I.2.5.2 La diffusion sous atmosphère non neutre I.2.5.2.1 Atmosphère oxydante Quand le recuit est effectué sous atmosphère oxydante, un oxyde croît sur le substrat de silicium. Lors de cette croissance, des interstitiels de silicium sont injectés dans le substrat. En effet, une petite partie du silicium n’est pas oxydée pendant la réaction. Les atomes de silicium non oxydés sont injectés dans le cristal parfait, et, du fait de leur nature interstitielle, diffusent rapidement dans le substrat [Hu74]. C’est ainsi que, pendant un recuit oxydant, la diffusion des impuretés formant des paires avec les interstitiels sera augmentée, tandis que la diffusion des impuretés formant des paires avec les lacunes sera réduite, car la quantité de lacunes va diminuer du fait de leurs recombinaisons plus fréquentes avec des interstitiels. 54 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion I.2.5.2.2 Atmosphère nitrurante Un recuit nitrurant provoque la croissance d’une couche de nitrure à la surface du silicium. Cette croissance va injecter des lacunes dans le substrat, bien que les mécanismes menant à ce phénomène n’aient pas été clairement expliqués [Mizuo83]. L’effet de la croissance d’un nitrure sur la diffusion des impuretés est donc inverse au cas précédent : la diffusion des impuretés formant des paires avec les interstitiels sera réduite, et la diffusion des impuretés formant des paires avec les lacunes sera augmentée. I.2.5.3 La co-implantation Le principe de la co-implantation est, comme son nom le suggère, d’introduire des impuretés dans le silicium en même temps que les dopants, et également par implantation ionique. Nous distinguerons deux types de co-implantation : celles qui ont pour unique but d’amorphiser le silicium, et celles où des éléments sont introduits pour leurs effets propres. I.2.5.3.1 La co-implantation amorphisante et la recristallisation En vue d’amorphiser la surface du substrat, on implante des éléments relativement lourds, et n’ayant aucune influence directe sur les propriétés du silicium. Le plus couramment utilisé est le germanium, de la même colonne que le silicium et de masse atomique 72.61, dont la solubilité illimitée permet d’éviter la formation d’agglomérats. On utilise également le xenon, de masse plus élevée (131.29), mais aussi, parfois, le silicium lui-même (28.09). Plus l’ion sera lourd, plus la densité de défauts générée sera élevée. L’objectif de cette implantation est d’effectuer une préamorphisation, c'est-à-dire d’amorphiser le substrat avant l’implantation du dopant. Cela permet d’abord de supprimer les effets de canalisation (voir paragraphe I.1.2.3.3). Le profil obtenu est alors moins étalé, particulièrement en queue d’implantation ; sa profondeur est mieux contrôlée. Au cours du recuit, la couche amorphe va recristalliser. On appelle cela la croissance par épitaxie en phase solide, ou SPER pour Solid Phase Epitaxial Regrowth. La recristallisation commence toujours d’un « germe » de cristal, celui-ci étant le plus souvent l’interface – même silicium cristallin / silicium amorphe. Une couche correctement recristallisée ne présente aucun défaut. Après la recristallisation du silicium, on obtient une limite de solubilité des impuretés plus élevée que dans le silicium natif. Cela permet donc d’augmenter l’activation des dopants, jusqu’à des concentrations dépassant celles obtenues à l’équilibre thermodynamique. Les dopants étant alors dans un état métastable, il faut ensuite prendre garde à la désactivation pendant les budgets thermiques suivants. Le système tend à rejoindre l’équilibre, donc le dopant à se désactiver. La concentration d’atomes étrangers placés en position substitutionnelle par la recristallisation est limitée ; les impuretés restantes sont « déposées » sous forme de complexes. Cependant, la quantité totale d’atomes étrangers insérés dans le réseau, sous une forme ou sous une autre, est également limitée. Cette limite dépend de l’espèce considérée. Evidemment, si la concentration du dopant ne la dépasse pas, aucun effet ne sera noté. Mais le phénomène de « raclette » a été observé pour certains dopants volumineux, tels l’arsenic et l’indium 55 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion [Duffy06]. On observe alors que les profils de dopants sont repoussés vers la surface au fur et à mesure de la progression du front de recristallisation, comme par un effet de raclette. Au-delà de l’interface cristal / amorphe, il reste à la fin de l’implantation une grande quantité de défauts. Ce sont les défauts de fin de parcours (EoR, de End of Range), constitués de paires de Frenkel et d’interstitiels en excès. Au début du recuit, les paires de Frenkel se recombinent ; il reste donc les interstitiels en excès, responsables de la diffusion accélérée et transitoire de certains dopants. Mais si l’amorphisation est suffisamment profonde, ces interstitiels sont repoussés assez loin des dopants pour que la TED soit atténuée. Pendant la recristallisation, la majeure partie, sinon la totalité des atomes implantés se placent en position substitutionnelle. Or nous avons vu : d’une part, que chaque impureté se plaçant en position substitutionnelle éjectait un atome de silicium de son site cristallin, donc « créait » un interstitiel ; d’autre part que la recristallisation reformait un cristal parfait. Cela peut paraître contradictoire de prime abord, mais ne l’est nullement. Ces atomes de silicium dont le site cristallin est occupé par un atome implanté (impureté ou silicium) sont comme repoussés par le front de recristallisation, et ce jusqu’à la surface, car rien n’empêche le silicium de recristalliser jusqu’à l’interface silicium / oxyde. D’une certaine manière, on peut considérer la recristallisation complète jusqu’à l’interface comme une recombinaison à l’interface des interstitiels qui étaient en excès dans la zone initialement amorphe. Il est cependant un cas de figure particulier que nous allons à présent expliquer, qui est celui d’une couche amorphe enterrée. Pour que cela arrive il faut que le profil de défauts soit peu étalé, et suffisamment éloigné de la surface. Dans ce cas, la concentration de défauts ne dépasse le seuil d’amorphisation qu’aux alentours de la distance parcourue projetée. C’est une situation qui est plus courante avec les ions lourds et, surtout, implantés à des hautes énergies. Il y a alors deux interfaces amorphe / cristal, à partir desquelles la recristallisation progresse. Quand les deux fronts de recristallisation se rejoignent au centre de la zone initialement amorphe, les interstitiels en excès poussés par les fronts de recristallisation ne trouvent pas d’interface pour se recombiner ; ou, plus exactement, le réseau n’est pas en mesure d’intégrer l’excès d’atomes en l’absence de surface du silicium. Les interstitiels en excès sont donc déposés et forment une bande de défauts au centre de la région initialement amorphe. I.2.5.3.2 La co-implantation d’éléments légers Afin de modifier, si possible dans le bon sens, l’activation et la diffusion des dopants, il arrive que l’on implante des espèces non dopantes sans objectif d’amorphisation du substrat. Nous allons ici nous intéresser à leurs effets sur la diffusion, qui sont les plus recherchés. Ces petits éléments, utilisés pour leurs propriétés chimiques vis-à-vis des dopants, sont cependant souvent associés à la préamorphisation par des éléments lourds. On parle alors de cocktails d’implantation. Comme nous allons le voir, il est en effet intéressant de placer les espèces co-implantées entre le profil de dopants et les interstitiels situés derrière l’interface amorphe / cristal. De plus les effets de ces espèces co-implantées sont maximaux après recristallisation. Nous allons l’illustrer par les deux exemples de co-implantation les plus classiques, 56 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion le carbone et le fluor, en expliquant pourquoi, dans certaines conditions, ils sont à même de réduire la diffusion du bore. Le carbone est parfaitement soluble dans le silicium (dans la gamme des concentrations usuelles en technologie CMOS). Pendant la recristallisation, tous les atomes de carbone s’insèrent donc en site substitutionnel. Dans le cas idéal, le profil de carbone est situé dans la zone amorphe, entre le profil de dopant – proche de la surface, et les défauts de fin de parcours. Ce point de départ est expliqué Concentration schématiquement sur la Figure I.24. Atome de carbone Profondeur Atome de silicium interstitiel des défauts de fin de parcours Atome de dopant (exemple : bore) Figure I.24. Illustration schématique de carbone placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. Pendant le recuit, les interstitiels vont diffuser à la fois en profondeur et vers la surface. Quand ils vont rencontrer les atomes de bore, ils vont former des paires, avec ceux-ci, et le profil de bore va diffuser. Bien qu’elle soit réduite du fait de l’éloignement des interstitiels, il s’agit toujours de diffusion accélérée et transitoire. En présence de carbone substitutionnel entre le profil de bore et les défauts de fin de parcours, les interstitiels vont être capturés par les atomes de carbone pour former des agglomérats mixtes carbone – interstitiels (voir paragraphe I.2.2.5.3)., comme expliqué schématiquement sur la Figure I.25. Ainsi les interstitiels seront en partie bloqués par le carbone, et la diffusion accélérée et transitoire sera fortement réduite. Plus la dose de carbone sera grande, plus le nombre d’interstitiels bloqués sera important, donc plus le carbone sera efficace pour lutter contre la diffusion du bore. Les complexes qui se forment sont préférentiellement de type C3I3 ; on compte donc en général que chaque atome de carbone substitutionnel est capable de capturer un silicium interstitiel. 57 Physique des défauts et de la diffusion Concentration Chapitre I Atome de carbone Profondeur Atome de silicium interstitiel des défauts de fin de parcours Atome de dopant (exemple : bore) Figure I.25. Résultat : le carbone substitutionnel capture les interstitiels des défauts de fin de parcours pour former des agglomérats complexes carbone – interstitiels. En ce qui concerne le fluor, sa solubilité limite dans le silicium est faible, même après une recristallisation. Au cours de cette dernière, il se forme donc des complexes de fluor, ce dernier s’associant à des lacunes (voir paragraphe I.2.2.5.3). Quand les interstitiels vont interagir avec ces complexes, ils vont se recombiner avec les lacunes, et les agglomérats fluor – lacunes vont se dissoudre petit à petit. Les atomes de fluor libérés pourront ensuite diffuser librement dans le silicium. Les Figure I.26 et Figure I.27 représentent respectivement la présence de complexes fluor – lacunes entre le bore et les défauts de fin de parcours après recristallisation, et l’effet de ces lacunes sur la recombinaison des interstitiels diffusant vers la surface. 58 Physique des défauts et de la diffusion Concentration Chapitre I Atome de fluor Profondeur Atome de silicium interstitiel des défauts de fin de parcours Atome de dopant (exemple : bore) Lacune Concentration Figure I.26. Illustration schématique de fluor placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. Atome de fluor Profondeur Atome de silicium interstitiel des défauts de fin de parcours Atome de dopant (exemple : bore) Lacune Recombinaison lacune – interstitiel Figure I.27. Illustration schématique de fluor placé entre le profil de dopant et les défauts de fin de parcours. Ainsi le carbone et le fluor permettent de limiter la diffusion accélérée et transitoire de dopants qui diffusent via les interstitiels. Pour cela, ces petits éléments doivent être associés à une préamorphisation du substrat et être placés, après implantation, entre les défauts de fin de parcours et les dopants dont on 59 Chapitre I Physique des défauts et de la diffusion veut modifier le comportement. Les interstitiels des défauts de fin de parcours sont de cette façon en partie capturés par l’élément co-implanté, et la diffusion du dopant est réduite. 60 Chapitre II La simulation atomistique Chapitre II. LA SIMULATION ATOMISTIQUE II.1 La simulation des différentes échelles procédés : différentes approches pour La simulation est principalement le fruit de deux étapes : la modélisation des phénomènes observés, et l’application de ces modèles aux systèmes étudiés. En microélectronique, les expériences sur la fabrication des dipositifs présentent un coût élevé en temps et en argent, et ce d’autant plus que la taille des transistors est réduite et que les technologies de fabrication deviennent complexes. C’est pour cette raison que le développement d’une nouvelle technologie est si coûteux. Il est donc judicieux de recourir à des simulations numériques, afin de limiter le nombre d’expériences nécessaires à la mise au point des dispositifs. Par ailleurs, la simulation permet de s’affranchir de certains paramètres expérimentaux incontrôlés, et d’avoir accès à des informations qui ne sont pas aisément, voire pas du tout, mesurables expérimentalement. De nombreuses méthodes ont été développées pour simuler ces procédés de fabrication. Toutes ne sont pas basées sur les mêmes principes, et leurs applications diffèrent donc en fonction de leurs « capacités ». Il est à la fois commode et pertinent de classer les différentes méthodes de simulation en fonction des échelles de procédés qu’elles sont capables de traiter. Echelle spatiale d’abord : simulation de quelques atomes ou de systèmes macroscopiques ? Echelle temporelle ensuite, le temps de l’expérience simulée pouvant varier de l’ordre de la picosconde à l’ordre de l’heure. La Figure II.1 résume ce classement. 61 Taille du système Chapitre II La simulation atomistique TH E M E OD S ES U IQ T S MI O AT Continu … seconde – … Monte Carlo 1E6 atomes seconde – heure Dynamique moléculaire 1x105 atomes nanoseconde Ab initio 5 – 100 atomes picoseconde Durée de l’expérience Figure II.1. Classement des différentes méthodes de simulation des procédés en fonction de la taille des systèmes et des temps de procédés qu’elles peuvent traiter. Il est possible de simuler tous les procédés de fabrication, des implantations aux dépôts et aux recuits, en passant par les gravures, avec plus ou moins de précision. Le temps de calcul nécessaire à la simulation numérique dépend directement du degré de précision souhaité. Ainsi, il y a toujours un compromis à rechercher entre temps de calcul et précision du résultat. Chaque méthode de la Figure II.1 représente déjà un choix en vue de ce compromis. Dans cette étude, nous nous intéressons à la diffusion des dopants et à l’évolution des défauts cristallins pendant le procédé de fabrication. Nous allons donc présenter brièvement les différentes méthodes existant pour simuler ces phénomènes, avant de nous pencher plus en détail sur celle que nous avons choisie pour ce travail, et de justifier ce choix. II.1.1 La simulation continue par résolution des équations aux dérivées partielles II.1.1.1 Première approche de la diffusion : les lois de Fick La diffusion a d’abord été modélisée par Fick, au milieu du XIXème siècle [Fick1855]. Sa théorie repose sur les relations entre les concentrations et le flux d’une particule, et permet, dans une première approximation, de prédire l’évolution spatiale de ces deux grandeurs avec le temps. La première équation de Fick pose une relation de proportionnalité entre le flux d’un type de particule et son gradient de concentration : φ = − D ⋅ grad(C ) , 62 Eq. II.1 Chapitre II La simulation atomistique où φ est le flux (cm-2.s-1), C est la concentration de la particule considérée en un point de l’espace (cm-3), et D est le coefficient de proportionnalité entre ces deux grandeurs, appelé coefficient de diffusion de la particule (cm2.s-1). Le signe négatif traduit le fait que le flux entraîne les particules des régions à forte concentration vers les régions à faible concentration. Par ailleurs, la variation par unité de temps de la concentration de la particule considérée dans un volume élémentaire de l’espace dépend du flux selon l’équation suivante : () ∂C = −div φ + G − R , ∂t Eq. II.2 où G et R sont la génération et la recombinaison de particules (cm-3.s-1), respectivement. Quand aucune particule n’est créée ou détruite dans ce volume, l’équation Eq. II.2 se résume à : () ∂C = −div φ . ∂t Eq. II.3 En combinant cette équation avec la première loi de Fick (Eq. II.1), on obtient la seconde loi de Fick : ( ) ∂C = div D ⋅ grad(C ) . ∂t Eq. II.4 Si le coefficient de diffusion D ne dépend pas de la position dans l’espace, on peut alors écrire : ( ) ∂C = D ⋅ div grad(C ) . ∂t Eq. II.5 Le coefficient de diffusion dépend de la température selon une loi d’Arrhénius : E D = D 0 ⋅ exp − a , k⋅T Eq. II.6 où k est la constante de Boltzmann, Ea l’énergie d’activation, et le facteur D0 représente, d’un point de vue mathématique, le coefficient de diffusion à une température infinie. Cependant cette approche suppose que le système est à l’équilibre thermodynamique à tout moment de la diffusion. Pour remédier à cet excès de simplicité, qui empêche l’application des lois de Fick à la fabrication des transistors actuels, d’autres modèles plus réalistes ont été développés, que nous allons présenter très brièvement. II.1.1.2 Les modèles actuels Le modèle que nous allons présenter ici est un parmi les plus complets qui existent à ce jour. Pour une impureté donnée A, il y a six grandeurs à prendre en compte : les concentrations en interstitiels [I], en lacunes [V], en paires impureté – interstitiel [AI], en paires impureté – lacune [AV], en impuretés en site substitutionnel [As], et en porteurs de charges libres n et p (une seule de ces deux dernières est nécessaire si on suppose une condition d’équilibre du type n.p = ni2). - Pour les quatre premières espèces (I, V et paires), qui sont mobiles, il faut d’abord calculer : + la répartition des états de charge, c'est-à-dire leurs concentrations relatives ; puis pour chacun de ces états de charge, il faudra résoudre : 63 Chapitre II + La simulation atomistique l’équation de continuité, qui n’est autre que la deuxième loi de Fick : ∂C(x, t ) ∂ φ(x , t ) =− + (G − R ) , ∂t ∂x Eq. II.7 où C(x, t ) est la concentration de l’espèce considérée, dépendant de l’espace (x) et du temps (t), φ(x, t ) le flux de cette même espèce, également fonction de l’espace et du temps, G et R sont la génération et l’annihilation des particules de cette espèce, dans le volume ou au point considéré ; le terme (G-R) est un terme de couplage, que nous allons expliciter plus loin ; + l’équation de flux, ici pour toute espèce mobile X de charge i, soit Xi: ∂C A i (x, t ) φ A i (x, t ) = −D A i ⋅ ∂x + i ⋅ D Ai ⋅ C(x, t ) ∂p ⋅ . p ∂x Eq. II.8 - L’impureté en site substitutionnel est immobile, son flux est donc nul. On ne prend en général en compte qu’un état de charge possible (négatif pour les dopants de la colonne III, neutre pour les impuretés de la colonne IV, et positif pour les éléments de la colonne V), sauf dans le cas de l’ionisation incomplète où un deuxième état neutre est considéré. Seule l’équation de continuité est donc nécessaire, et simplifiée encore : ∂C(x, t ) = (G − R ) . ∂t Eq. II.9 - Le terme de couplage traduit la réaction entre les différentes espèces. Si l’on prend l’exemple de la paire bore – interstitiel BI, la réaction Bs− + I i +1 ↔ BI i , de constantes k f BI i Eq. II.10 et k d BI i i pour la formation et la dissociation de la paire BI , respectivement, se modélise grâce à l’équation que voici : [BI] éq = k fBIi k d BI i [ ] ⋅ [B ] ⋅ I i +1 éq éq Il en découle le terme de génération : (G − R )BI = k fBI i Eq. II.11 s [ ][ ] [ ] ⋅ Bs− ⋅ I i +1 − k dBIi ⋅ BI i . Eq. II.12 - n et p sont calculés en résolvant l’équation de neutralité, qui est locale dans le temps et l’espace (elle doit être résolue à tout moment et en tout point). - Enfin, les conditions aux limites sont des contraintes que l’on impose au système. En ce qui concerne les défauts cristallins ponctuels, les deux plus usuelles sont la condition de Dirichlet, qui impose une concentration fixe (équilibre) à l’interface, et celle de Neumann, qui permet de fixer un flux constant à l’interface. Pour plus de précisions sur ces mises en équations, le lecteur pourra se reporter aux textes de [Boucard05]. Le mécanisme de diffusion par expulsion puis diffusion interstitielle nécessite une impureté initialement en position substitutionnelle. C’est pourquoi parfois, pour modéliser la diffusion des dopants, on 64 Chapitre II La simulation atomistique considère que seul le dopant actif diffuse, même si en réalité ce dernier est immobile. Mais l’approximation n’est correcte que si la quasi-totalité des dopants est active et que ceux-ci ne diffusent que via les interstitiels. Quand aux défauts étendus, dont nous avons montré l’importance dans le chapitre précédent, ils ne sont pris en compte que depuis très peu de temps par certains simulateurs continus. [Zographos07]. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne des conditions idéales, et que les procédés de fabrication se complexifient (recuits millisecondes, co-implantations, etc…), il devient de plus en plus difficile et coûteux de résoudre ces systèmes d’équations. En effet, l’introduction d’un nouveau modèle nécessite, en plus de son propre jeu d’équations, des équations de couplage avec les modèles déjà existants. Par exemple, la simulation des défauts étendus se fait par une approximation, dans le sens où – pour un type de défaut étendu – chaque taille a ses caractéristiques propres (énergie de formation, section efficace de capture, etc…) qui ne sont pas prises en compte individuellement. En outre dans les dispositifs actuels les plus avancés, le nombre d’atomes dopants dans une région déterminée est très faible et, de fait, difficilement assimilable à une concentration continue. Par exemple pour un MOSFET construit sur un film mince (20 nm) de silicium sur isolant, pour une longueur de canal de 20 nm et une largeur d’un quart de micron, une concentration de 1x1015 cm-3 de dopants dans la région du canal correspond à… 0.1 atome, soit 1 transistor sur 10 possédant un atome dans le canal ! C’est pourquoi on se tourne, depuis quelques années et de plus en plus, vers une modélisation atomistique des procédés de fabrication. II.1.2 Les simulations à l’échelle atomique prenant en compte les vibrations des atomes II.1.2.1 Les méthodes ab initio La caractéristique qui distingue ce type de simulation des autres est qu’elle ne nécessite pas en entrée l’usage de paramètres empiriques à ajuster ou calibrer. Les simulations ab initio consistent à traiter l’évolution des électrons des atomes du système. Elles reposent sur la fonction d’onde de chaque particule, dont le carré représente la densité de probabilité de présence en un point de l’espace, et donnent donc une information complète de l’état de charge d’un système d’atomes. Le problème réside dans la résolution de l’ équation de Schrödinger… et « ce n’est pas une mince affaire ». A peine a-t-on quitté les cas les plus simples que sont l’hydrogène et l’hélium, que des approximations s’avèrent indispensables. La méthode prend alors un caractère plus empirique qu’initialement, ce qui ne l’empêche pas d’être efficace. Par ailleurs, en vue de simplifier les calculs nécessaires, ont été introduites la théorie de la fonctionnelle densité (DFT pour Density Functional Theory) [Hohenberg64, Kohn65], ainsi que la méthode des pseudo-potentiels [Phillips58], dont le principe est de ne traiter explicitement que les électrons périphériques. Pour plus de détails, on pourra se reporter aux articles de [Ihm79, Denteneer85, Payne92]. 65 Chapitre II La simulation atomistique II.1.2.2 La dynamique moléculaire Passant à l’échelle supérieure, en matière de nombre d’atomes et de temps d’expérience simulés, la dynamique moléculaire résout les équations de Newton ou de Hamilton du mouvement des atomes [Stillinger85]. Les forces agissant sur les atomes dérivent du potentiel classique ; sinon, on retrouverait toute la complexité et les difficultés liées aux calculs ab initio. Ces méthodes profondément microscopiques ne sont pas destinées à la simulation de procédés technologiques à l’échelle des tailles des dispositifs et des temps de production. Les méthodes de résolution des modèles par les équations aux dérivées partielles (simulations continues), quant à elles, ont leurs propres limites, que nous avons déjà évoquées. Mais les modèles de diffusion et d’évolution peuvent également être traités de manière stochstique, grâce aux méthodes Monte Carlo, sur lesquelles nous allons nous pencher à présent. II.1.3 Les méthodes Monte Carlo II.1.3.1 Principe général La méthode Monte Carlo particulaire traite les problèmes physiques par tirage aléatoire. Au lieu de calculer de façon déterministe l’évolution de la concentration, chaque évènement, ou changement de configuration, pris individuellement est calculé de façon probabiliste. Après avoir présenté brièvement le Monte Carlo Metropolis, nous décrirons ci-après la méthode Monte Carlo utilisée pour simuler l’implantation ionique, d’une part, puis la méthode de type Monte Carlo cinétique, d’autre part, en nous attardant sur celle utilisée au cours de ce travail, la méthode Monte Carlo sans réseau. II.1.3.2 Le Monte Carlo Metropolis Cette méthode est particulièrement adaptée à l’étude de systèmes dont on souhaite connaître l’état d’équilibre. La démarche suivie par un algorithme de Monte Carlo Metropolis est la suivante. (i) On commence par choisir un point de départ, c'est-à-dire des conditions initiales, arbitraires. (ii) On calcule ensuite l’énergie totale du système. (iii) Puis un évènement est choisi aléatoirement, qui ferait passer le système dans un état voisin du premier. (iv) L’énergie totale du système dans cette nouvelle configuration est calculée, et comparée à sa valeur dans l’état précédent : la différence est ∆E. La probabilité de transition de l’état initial vers l’état final est calculée par : 1 si ∆E ≤ 0 P = ∆E . exp − k ⋅ T si ∆E > 0 66 Eq. II.13 Chapitre II La simulation atomistique L’évènement est accepté si cette probabilité est supérieure à un nombre aléatoire, généré à chaque étape. Avec cette méthode, même si le système doit gagner de l’énergie, la nouvelle configuration a des chances d’être acceptée, ce qui permet éventuellement de se dégager d’un minimum local. S’ensuit enfin un retour à l’étape (ii), et ainsi de suite jusqu’à la convergence de l’énergie totale du système. Outre le fait qu’il est toujours possible de trouver un minimum local, cette méthode a l’inconvénient de générer beaucoup de configurations improbables (qui seront refusées), et donc d’étapes de calculs qui ne font pas évoluer le système ; cela est d’autant plus vrai que les évènements ont des probabilités faibles d’advenir. Par ailleurs, le chemin pour parvenir à l’état final d’équilibre passe par des étapes potentiellement irréalistes. Cette dernière remarque n’est en revanche pas opposable à l’approximation de collision binaire et au Monte Carlo cinétique, deux applications des méthodes Monte Carlo décrites ciaprès. II.1.3.3 Méthode de simulation Monte Carlo pour l’implantation ionique : l’approximation de collision binaire Le principe de cette méthode est de simuler le freinage de l’atome incident dans la structure cible. Ce freinage a deux composantes : l’interaction de l’atome incident avec le nuage électronique, qui est de type non élastique, et l’interaction noyau – noyau, qui est de type élastique. La génération de la cascade de défauts est considérée comme instantanée (temps non simulé). - La perte d’énergie inélastique, par interaction avec les électrons, soit dépend uniquement de la distance parcourue dans le matériau cible (nuage électronique non local) [Lindhard61], soit est liée aux différentes collisions qui ont lieu (nuages électroniques des atomes cibles) [Oen76]. Le parcours entre deux collisions est rectiligne. Pour une cible cristalline, les positions des atomes cibles sont bien définies. Pour une cible amorphe, une structure cristalline est utilisée, à laquelle le programme fait subir une rotation aléatoire entre chaque collision. Les atomes cibles se trouvent donc à des positions aléatoires à chaque collision, ce qui est caractéristique d’une structure amorphe. L’idée principale de l’approximation de collision binaire (ou BCA pour Binary Collision Approximation) est de considérer que les chocs ne se produisent qu’entre deux particules à la fois, l’atome incident et un atome de la structure cible. Cela implique que l’interaction entre les deux atomes se fait dans un rayon bien inférieur à la distance interatomique du matériau cible. - Lors de la collision, de l’énergie est transférée de l’atome incident à l’atome cible. Le potentiel entre ces deux atomes a deux composantes, celle liée aux noyaux des atomes V(r) et celle liée à l’écrantage due au nuage d’électrons : Z1 ⋅ Z 2 ⋅ q 2 V r = ( ) 4 ⋅ π ⋅ ε0 ⋅ r , φ(r ) = f r a U Eq. II.14 où aU est la longueur universelle d’écrantage [MartinBragado04a]. 67 Chapitre II La simulation atomistique Il existe un seuil d’énergie au-delà duquel l’atome cible brise ses liaisons avec ses voisins ; dans le cas du cristal de silicium, sa valeur est de 15 eV. Si l’énergie transférée lui est inférieure, l’atome cible reste en place. L’énergie perdue, sous forme de phonon ou de chaleur, n’est pas prise en compte dans le modèle. L’atome incident est dévié de sa trajectoire. Si l’énergie transférée est supérieure au seuil de déplacement, l’atome cible sera alors déplacé. A sa place initiale est créée une lacune, et lui se retrouve en position interstitielle dans le cristal : une paire de Frenkel a été générée. Cet atome sera à son tour, comme l’atome incident, freiné par les électrons, et entrera en collision avec les autres atomes de la structure. Et ainsi de suite… jusqu’à ce que tous les atomes mis en mouvement, y compris l’atome incident, aient une énergie résiduelle de 15 eV, en deçà de laquelle il est immobilisé. Un exemple de cascade ainsi générée est représenté sur la Figure II.2. Atome implanté Interstitiel Lacune Position finale de l’atome implanté Figure II.2. Création d’une cascade de collision : ici, 7 interstitiels et 7 lacunes ont été créés. L’impureté en position interstitielle est instable et créera un interstitiel supplémentaire quand il se repositionnera sur un site cristallin (voir paragraphe I.1.2.3.3) Quand toutes les cascades ont été créées, les conditions initiales pour démarrer les étapes de diffusion sont réunies : on connaît la position des impuretés et de chacun des défauts créés. On peut donc s’attacher maintenant à simuler l’évolution de ce système. II.1.3.4 Méthodes de simulation Monte Carlo cinétique pour la diffusion Les méthodes Monte Carlo cinétique (kMC pour kinetic Monte Carlo) sont utiles pour simuler des processus d’activation, c'est-à-dire dont la probabilité d’occurrence est de la forme : E p = exp − a , k⋅T Eq. II.15 Ea étant l’énergie d’activation du processus. La méthode Monte Carlo cinétique tient son nom de la manière dont elle prend en compte le temps. Chaque type d’évènement (saut, échange avec un voisin, etc…) a une fréquence d’occurrence caractéristique. La Figure II.3 illsutre un mécanisme possible de sélection d’un évènement pour une 68 Chapitre II La simulation atomistique configuration particulière, par exemple en présence de 3 lacunes, 2 interstitiels, et un défaut {311}. Considérons que les fréquences de migration de l’interstitiel et de la lacune sont respectivement 1000 s-1 et 100 s-1, et que l’émission d’un interstitiel par le défaut {311} a une fréquence de 10 s-1. Pour simuler une seconde, il faudra simuler l’occurrence de 2310 évènements : 1000 sauts par interstitiel, 100 sauts par lacune, et 10 émission pour le {311}. Le tirage d’un nombre aléatoire entre 0 et 2310 permet de choisir le prochain évènement simulé. La probabilité que ce soit un saut d’interstitiel est de 2000/2310, un saut de lacune 300/2310, et une émission par les défauts {311} 10/2310. Suite à cet évènement, le logiciel fait avancer la simulation d’un pas de temps correspondant à la fréquence de l’évènement choisi : 10-3 s pour une migration d’interstitiel, 10-2 s pour un saut de lacune, et 10-1 s pour l’émission d’un interstitiel par le défaut {311}. NOMBRE ALEATOIRE 0 2000 Saut d’un interstitiel 2300 2310 Saut Emission d’un d’une interstitiel par le lacune {311} Figure II.3. Choix d’un évènement en fonction de tous ceux possibles dans la configuration du système, et incrémentation du temps d’un pas dépendant de la fréquence de l’évènement choisi. L’avantage remarquable que l’on en tire de cette méthode est que la simulation progresse d’autant plus vite que la fréquence des évènements est petite (et donc que leur période est longue). Le temps de calcul s’adapte à l’évolution du système : une simulation avec peu d’évènements se terminera très rapidement, même si le temps de l’expérience simulée est très grand. La méthode de Monte Carlo cinétique peut être utilisée pour effectuer des simulations dans des systèmes non directionnels (sans réseau), ou au contraire dans des systèmes contenant un réseau cristallin. II.1.3.4.1 Sur réseau Contrairement à la dynamique moléculaire, qui simule tous les mouvements des atomes, la méthode Monte Carlo cinétique ne traite que les évènements ayant une conséquence importante sur le système. Typiquement, les vibrations des atomes autour de leur position d’équilibre ne sont pas prises en compte, mais seulement les sauts des atomes sur les sites voisins. Enfin, tel qu’ implicitement suggéré tout au long du paragraphe, le Monte Carlo avec réseau prend en compte tous les atomes du système simulé, même ceux qui au final n’auront ni migré, ni interagi avec un voisin, cioè n’ayant servi à rien d’autre qu’à occuper de la mémoire… II.1.3.4.2 Sans réseau En simulation Monte Carlo sans réseau, on ne simule que les atomes qui sont des défauts pour le cristal parfait de silicium. Il faut prendre ici le terme « défaut » dans son sens le plus large : un défaut est tout ce 69 Chapitre II La simulation atomistique qui n’est pas un atome de silicium sur un site du cristal diamant. Ce sont donc les lacunes et les autointerstitiels, ainsi que leurs agglomérats de toutes sortes, les impuretés, quelle que soit leur position dans le réseau, agglomérées ou non, mais aussi les interfaces avec d’autres matériaux, qui représentent une rupture on ne peut plus nette dans la périodicité du cristal de silicium. Ce traitement des défauts est expliqué sur la Figure II.4. Les évènements représentés sont l’émission d’un interstitiel par un défaut {311}, puis la migration de celui-ci, et enfin sa recombinaison avec une lacune se trouvant à proximité. En simulation Monte Carlo cinétique sur réseau (comme en dynamique moléculaire, et a fortiori en calcul ab initio), on simulerait tous les atomes du réseau et les défauts. Mais en Monte Carlo cinétique sans réseau, on ne simule que les atomes des défauts ponctuels et étendus (représentés schématiquement en surimpression sur la Figure II.4 (b)). Du système, le simulateur ne voit pas le réseau, mais seulement les défauts (Figure II.4 (c)). (a) (b) (c) Interstitiel Lacune Impureté Figure II.4. (a)Photo obtenue par microscopie électronique à transmission à haute-résolution montrant un défaut {311} dans le réseau cristallin du silicium (tirée de [Stolk97]). (b) Mise en évidence des défauts présents dans la structure. (c) Ensemble des atomes pris en compte en simulation Monte Carlo cinétique sans réseau : les défauts. Cette méthode de simulation Monte Carlo permet ainsi de simuler tous les évènements liés à la diffusion des dopants, en limitant l’usage du temps CPU (cinétique) et de la mémoire (sans réseau). Il devient alors possible de simuler des étapes entières de procédés de fabrication (durée de quelques secondes à quelques heures) sur des dispositifs actuels (longueur caractéristique de quelques dizaines de nanomètres), tout en utilisant des modèles suffisamment précis pour prendre en compte tous les nouveaux effets liés à la réduction des dimensions des dispositifs. Pour toutes ces raisons, c’est vers ce type de simulateur que nous nous sommes tournés pour effectuer nos simulations de procédés de fabrication des jonctions fines. Plus particulièrement, nous avons utilisé le logiciel DADOS, développé par l’équipe de l’Université de Valladolid. II.2 Présentation du logiciel de simulation atomistique DADOS Le nom DADOS signifie « Diffusion of Atomistic Defects, Object-oriented Simulator ». Mais, si l’on ne reste pas obnubilé par l’anglais, DADOS est aussi le mot espagnol pour dés. Un clin d’œil au caractère 70 Chapitre II La simulation atomistique positivement aléatoire de la méthode Monte Carlo ! Il fait partie intégrante de l’environnement UVAS, qui signifie University of Valladolid Atomistic Simulator. Rappelons tout d’abord que le logiciel DADOS utilise la méthode Monte Carlo cinétique sans réseau, décrite plus haut. Il traite donc tous les défauts, au sens large, mais uniquement les défauts : pas les atomes du réseau cristallin du silicium. Les simulations s’effectuent uniquement en trois dimensions. L’espace simulé est un parallélépipède rectangle, dont l’axe X est la profondeur du substrat de silicium. Deux grilles de maillage distinctes sont utilisées dans DADOS. - Les nœuds de la première représentent les sites sur lesquels vont évoluer les particules, autrement dit leurs positions potentielles. La maille de cette grille est cubique, et l’intervalle entre chaque noeud est défini comme la distance au second voisin dans le cristal de silicium, soit 3.84 Å. Quand une particule diffuse, c’est sur ce réseau virtuel. Bien que basé sur les propriétés cristallines du silicium, ce paramètre n’empêche pas l’utilisation de DADOS pour un autre matériau, ou une hétérostructure (exemple du silicium – germanium sur silicium). Les fréquences des évènements (en particulier les préfacteurs des lois d’Arrhénius, pour les migrations, émissions, etc…), sont en effet ajustés en fonction du paramètre de maille de cette première grille. - La boîte de simulation est par ailleurs divisée en un nombre multiple de 2, non contrôlable par l’utilisateur, de mailles élémentaires. Leur taille dépend de la taille de la boîte de simulation, et de leur nombre ; elle est donc variable d’une simulation à l’autre. Un seul matériau peut être assigné à chaque maille. Leurs bornes servent donc de frontières entre les différents matériaux de la simulation. Elles servent d’autre part aux calculs de concentrations locales, quand elles doivent être comparées à des seuils. Nous verrons plus loin dans quel contexte. Nous avons vu plus haut que DADOS utilise les fréquences d’occurrence des différents évènements. Or on utilise souvent des coefficients de diffusion, notamment pour décrire les migrations des atomes. Le lien entre le coefficient de diffusion D (macroscopique) et la fréquence de migration ν (microscopique) des particules est obtenu grâce à la formule d’Einstein : ν= 6⋅D , λ2 Eq. II.16 où λ est la distance de saut, soit 3.84 Å dans DADOS. Enfin, les étapes de procédés de fabrication des jonctions fines gérées par DADOS sont : - l’implantation ionique, par simulation Monte Carlo utilisant l’approximation de la collision binaire pour la génération des cascades d’implantation (logiciel Marlowe) ; - la lecture de profils de concentrations unidimensionnels ; - le recuit, par la spécification d’un profil de température. L’oxydation et la nitruration ne sont pas véritablement simulées, dans le sens ou aucun changement de matériau ni de mouvement d’interface n’est actuellement implémenté. L’utilisateur peut en revanche modifier les fréquences d’émission des interstitiels et / ou des lacunes par l’interface, effets significatifs de ces réactions sur l’évolution des défauts et des impuretés. 71 Chapitre II La simulation atomistique L’organigramme de la figure xxx montre les cycles suivis par DADOS au cours d’une simulation typique. Lecture éventuelle de profils prédéfinis Implantation d’une cascade de défauts (un ion) Recuit à la température d’implantation Itérations jusqu’à l’obtention de la dose souhaitée Début de l’implantation Fin de l’implantation Paramètres éventuels pour l’oxydation ou la nitruration Recuit(s) Figure II.5. Cycles suivis par DADOS pour l’implantation et le recuit pour la simulation d’un procédé classique. Nous allons à présent nous pencher sur la manière dont les mécanismes de diffusion et d’évolution des défauts au cours de ces étapes sont implémentés dans DADOS. II.2.1 Modélisation / Implémentation des mécanismes décrits dans le premier chapitre II.2.1.1 Les différents matériaux disponibles Le silicium cristallin est logiquement le matériau principal de DADOS. Les mécanismes atomistiques complexes y sont implémentés, et nous allons les décrire dans la suite de cette partie. En outre, DADOS est capable de prendre en compte le silicium amorphe, l’oxyde de silicium (SiO2), le nitrure de silicium (Si3N4) – mais pas le polysilicium. Pour ces matériaux autres que le silicium cristallin, les mécanismes de la diffusion sont modélisés de manière simple, voire simpliste : au lieu de s’associer avec d’autres défauts, les impuretés diffusent seules en fonction de leur coefficient de diffusion (couple préfacteur / énergie de migration pour l’application d’une loi d’Arrhénius). Aucun autre défaut n’y est présent que les impuretés (le silicium amorphe étant un cas particulier, puisqu’il se transforme en silicium cristallin sous l’effet de la chaleur, il sera mieux décrit dans le paragraphe II.2.1.5). Aucune interaction n’est autorisée entre les impuretés. 72 Chapitre II La simulation atomistique Enfin, l’atmosphère ambiante (gaz ou vide) ne contient aucun défaut, ni ponctuel ni étendu, ni associé au silicium ni à aucune autre impureté. Elle n’est là que pour définir des structures plus complexes qu’un parallélépipède rectangle, en cas de besoin. II.2.1.2 Les particules utilisées Dans DADOS, une particule correspond à « l’espèce chimique » de l’objet simulé. C’est certes un abus de langage, car à travers particule on entend aussi bien interstitiel ou lacune, qu’impureté substitutionnelle ou en paire. Chaque état de charge est de plus traité comme une particule nouvelle. En effet, à chaque état de charge correspond notamment un coefficient de diffusion qui lui est propre. Ce traitement séparé est donc justifié. Chaque particule porte l’étiquette indiquant le type de défaut auquel elle est rattachée. Par exemple, ce pourra être « défaut ponctuel » pour une paire, ou défaut {311} pour un interstitiel, etc… L’implémentation des défauts est expliquée dans le paragraphe suivant. II.2.1.3 Les différents types de défauts Nous avons choisi de présenter les défauts selon l’ordre de grandeur de leur taille : défauts ponctuels ou défauts étendus. Quant à la sursaturation d’interstitiels ou de lacunes, elle n’est pas décrite comme un défaut, mais est traitée comme telle dans DADOS. Elle fera donc l’objet d’un paragraphe à part. II.2.1.3.1 Les défauts ponctuels Les défauts ponctuels sont constitués d’une seule particule, isolée. Les évènements possibles pour les défauts ponctuels sont les sauts d’un site à l’autre (si le coefficient de diffusion est non nul), les interactions avec d’autres défauts (si autorisées). Les sauts sont les étapes élémentaires de la migration d’un défaut. Ils peuvent être effectués dans les 6 directions du réseau prédéfini, et leur longueur est λ (voir introduction au paragraphe II.2). Les interactions entre défauts ponctuels se font ainsi. Après chaque saut, la particule se pose trois questions. - Elle recherche d’abord dans son rayon d’interaction (également de valeur λ) si elle trouve une autre particule. Si la réponse est non, il n’y a évidemment pas d’interaction possible. - Si c’est le cas, en revanche, elle compare sa charge à celle de la particule trouvée. Comme des charges égales se repoussent, DADOS interdit les réactions entre des défauts ponctuels chargés tous deux négativement ou chargés tous deux positivement. - Dans le cas où il y a plusieurs autres particules dans le rayon d’interaction, il y aura un tirage au sort pour savoir avec quelle particule l’interaction aura lieu. - Quand ce choix est effectué, il faut enfin que la réaction soit énergétiquement favorable. DADOS considère que c’est toujours le cas ! Cela peut paraître étrange, mais est essentiel pour obtenir de bons résultats. La réaction a lieu systématiquement ; si elle était peu favorable (énergie totale du produit très supérieure à la somme des énergies totales des réactifs), la réaction inverse (de dissociation par 73 Chapitre II La simulation atomistique exemple) adviendra et le pas de temps associé sera très court. Bien qu’énergétiquement peu favorables, ces réactions ont toute leur importance, car la présence – même éphémère – de leur produit peut changer considérablement l’état du système. C’est par exemple le cas de certains états de charge de la paire bore – interstitiel, assez instables pour n’exister qu’à des concentrations très faibles, mais tellement mobiles qu’ils sont responsables de la majeure partie de la diffusion du bore ! Les interactions des défauts ponctuels avec les défauts étendus et les interfaces seront détaillées dans les paragraphes concernant les défauts étendus et les interfaces. Voyons maintenant quelques spécificités de certains défauts ponctuels. II.2.1.3.1.1 Lacunes et interstitiels Les interactions interstitiel – lacune en tant que défauts ponctuels donnent systématiquement lieu à la recombinaison de ces deux particules. La réaction entre deux interstitiels donne un petit agglomérat d’interstitiels, I2. De même, la réaction de deux lacunes entre elles donne le premier petit agglomérat de lacunes, V2. II.2.1.3.1.2 Impuretés substitutionnelles Les impuretés substitutionnelles ont un coefficient de diffusion nul (Les impuretés prises en compte dans DADOS ont besoin d’un défaut cristallin ponctuel auquel s’apparier pour diffuser). Lorsqu’il s’agit d’un dopant, il est également considéré comme électriquement actif (utile pour le calcul des charges et du niveau de Fermi). II.2.1.3.1.3 Les paires impureté – défaut cristallin ponctuel Les paires impureté – interstitiel ou impureté – lacune sont mobiles. Le dopant y est inactif. La diffusion des impuretés à l’aide des interstitiels fait appel à deux mécanismes distincts : le mécanisme interstitiel direct (voir paragraphe I.2.2.2) et le mécanisme de diffusion par paire (voir paragraphe I.2.2.3.1). Bien qu’il s’agisse de deux mécanismes différents, on considère en général du point de vue de la modélisation, et en particulier dans DADOS, qu’ils sont équivalents. Si l’on confond les entités AI (paire impureté – interstitiel) et Ai (impureté en position interstitielle), qui sont toutes deux mobiles, les réactions générales de génération et de dissociation de la paire sont les mêmes dans les deux cas, comme on le faisait remarquer dans le paragraphe I.2.2.3.1. II.2.1.3.1.4 Le cas particulier du fluor Il est communément admis que le fluor reste en position interstitielle dans le cristal de silicium [DeWalle88]. La particule « fluor substitutionnel » n’est donc pas implémentée dans DADOS. II.2.1.3.2 Les défauts étendus Les défauts étendus dans DADOS sont tous les défauts constitués de plus d’une particule. Nous allons examiner successivement les agglomérats d’interstitiels, de lacunes, les poches amorphes, et les agglomérats mixtes impuretés – défauts cristallins ponctuels. Les interactions avec les défauts ponctuels sont toujours autorisées, et ont systématiquement lieu (sous réserve que le défaut ponctuel soit de charge neutre). Si la réaction n’est pas énergétiquement favorable, 74 Chapitre II La simulation atomistique la réaction inverse interviendra rapidement (voir interactions entre défauts ponctuels, paragraphe II.2.1.3.1). II.2.1.3.2.1 L’agglomération des interstitiels II.2.1.3.2.1.1 Les petits agglomérats Les petits agglomérats n’ont pas de forme prédéfinie. Ils se construisent « naturellement » au fur et à mesure des captures d’interstitiels. Leur énergie de formation dépend de leur taille, d’après les données publiées dans [Cowern99a]. Les évènements possibles pour un petit agglomérat sont : - la capture d’un interstitiel, qui mène à la croissance de l’agglomérat ; - l’émission d’un interstitiel, dont la fréquence dépend de l’énergie de liaison de l’interstitiel au défaut étendu, donc de la taille de ce dernier ; - la recombinaison d’un de ses interstitiels, quand une lacune rencontre l’agglomérat dans son rayon d’interaction ; - la transformation en défaut {311}, quand il a suffisamment grandi et selon la température. II.2.1.3.2.1.2 Les défauts {311} La transformation des agglomérats en défauts {311} consiste en un réarrangement des interstitiels sur un plan {311}. Un défaut {311} croît et se dissout de la même manière qu’un petit agglomérat, par interaction avec des interstitiels et des lacunes. La surface de capture des {311} est en revanche fortement influencée par leur forme particulière. Quand un interstitiel est capturé, il est ajouté en bout de colonne du défaut. Le nombre de colonnes d’interstitiels du défaut dépend directement du nombre d’interstitiels qu’il contient. Au fur et à mesure de sa croissance, le défaut devenant plus long, se réorganise pour que sa largeur W et sa longueur L suivent approximativement la loi suivante [Liu96] : W = 0.5(nm ) ⋅ L , Eq. II.17 où W et L déterminent par ailleurs le nombre de colonnes et de lignes, respectivement : N colonnes = 4⋅W L⋅ 2 + 1 et N lignes = + 1. a a ⋅ 22 Eq. II.18 Enfin, un défaut {311} peut se transformer en boucle de dislocation, selon sa taille et la température. DADOS recalcule alors les coordonnées de chacun des interstitiels du défaut pour former une boucle de dislocation. Deux modèles de transition des défauts {311} en boucles de dislocation sont implémentés dans DADOS, et sont au libre choix de l’utilisateur. Le premier est appelé « modèle de la taille de transition » (transition size model). Le défaut {311} est systématiquement transformé en boucle de dislocation dès qu’il atteint une taille critique. Cette taille critique dépend de la température selon une loi d’Arrhénius : plus la température est élevée, plus la taille de transition est petite. Le second modèle est dit « modèle du taux de transition ». Cette fois, la probabilité de transition augmente de façon continue avec la taille du défaut, selon une loi dépendant également de la température. La Figure II.6 permet de comparer pour les deux modèles l’évolution de la probabilité de transition d’un défaut {311} en boucle de dislocation en fonction de sa taille. 75 Chapitre II La simulation atomistique Probabilité de transition Modèle de la taille de transition Modèle du taux de transition 1 0.5 0 0 2000 4000 6000 8000 10000 Taille du défaut (nombre d'interstitiels) Figure II.6. Evolution à 700°C de la probabilité de transformation d’un défaut {311} en boucle de dislocation en fonction de la taille du défaut, pour les deux modèles de la taille de transition et du taux de transition. Figure II.7. Image de défauts {311} obtenus avec DADOS (en jaune). II.2.1.3.2.1.3 Les boucles de dislocation Ne sont implémentées dans DADOS que les boucles de dislocation fautées, qui sont circulaires. Outre le fait que le « défautage » des boucles de dislocation n’advienne qu’occasionnellement (très grand budget thermique), les énergies de formation et les sections efficaces de capture des boucles fautées et parfaites présentent peu de différences. Ce sont des disques d’interstitiels situés dans des plans {111}. Comme les défauts {311}, elles peuvent capturer des interstitiels pour grossir, se dissoudre en émettant des interstitiels ou en capturant des lacunes. En outre, leur grande stabilité, qui se traduit par une énergie de liaison importante des interstitiels, leur permet d’interagir avec les paires impureté – interstitiel. Dans ce cas, l’interstitiel est capturé par la boucle de dislocation et l’impureté est relâchée sur place, en position substitutionnelle, donc immobile. On reproduit ainsi le phénomène de ségrégation des impuretés par les boucles de dislocation, observé expérimentalement (par exemple pour le bore, voir [Bonafos97]). La désactivation du bore ainsi ségrégé par les défauts étendus n’est pas simulée, mais c’est un phénomène qu’il serait facile d’intégrer dans le simulateur. 76 Chapitre II La simulation atomistique Figure II.8. Image de boucles de dislocation obtenues avec DADOS (en jaune). II.2.1.3.2.2 L’agglomération des lacunes II.2.1.3.2.2.1 Les petits agglomérats Les petits agglomérats de lacunes se comportent exactement de la même manière que les petits agglomérats d’interstitiels, hormis pour la transformation en défauts {311} ; le lecteur est invité à parcourir le paragraphe II.2.1.3.2.1.1, portant sur ce sujet. Les petits agglomérats de lacunes peuvent se transformer en cavité quand ils atteignent une taille critique, qui dépend de la température. II.2.1.3.2.2.2 Les cavités Les coordonnées des lacunes sont alors recalculées pour former une sphère dont la densité est celle du cristal de silicium (5x1022 V.cm-3). Les cavités peuvent à leur tour capturer ou émettre des lacunes, et capturer des interstitiels en les recombinant avec une de leurs lacunes. Figure II.9. Image des cavités sphéroïdales obtenues avec DADOS (en jaune). II.2.1.3.2.3 Les poches amorphes Les poches amorphes sont des défauts étendus contenant à la fois des interstitiels et des lacunes. Leur nom peut paraître impropre au premier abord car il ne s’agit pas de régions de silicium amorphe, mais bien de zones fortement endommagées dans le silicium cristallin, traitées comme des défauts à part entière dans DADOS. Leur forme est irrégulière, créée par les captures successives des différentes particules. 77 Chapitre II La simulation atomistique Les poches amorphes peuvent donc capturer des interstitiels et des lacunes, qu’elles rendent immobiles en leur assignant l’étiquette « poche amorphe » (exactement comme le font les petits agglomérats d’interstitiels ou de lacunes). Par ailleurs, les poches amorphes ont ceci de particulier qu’elles permettent la recombinaison interne des paires interstitiel – lacune qu’elles contiennent. La fréquence de cet évènement dépend de la taille de la poche amorphe, et, comme toujours, de la température. Mais elle est généralement plus grande que la fréquence des émissions d’interstitiels et de lacunes, qui ne sont par conséquent pas simulées. Ensuite, les poches amorphes interagissent aussi avec les impuretés mobiles qui les trouvent dans leur rayon d’interaction après un saut. Dans le cas de la capture d’une paire, la poche amorphe garde d’un côté l’interstitiel (ou la lacune) comme lui appartenant, et de l’autre l’impureté. Celle-ci n’augmente pas la taille de la poche amorphe et ne modifie donc nullement la fréquence de recombinaison interne. Enfin, quand toutes les paires disponibles au sein de la poche amorphe sont recombinées, celle-ci cherche à construire des agglomérats mixtes impuretés – défauts cristallins ponctuels avec les impuretés qu’elle contient et les défauts cristallins ponctuels restant. Les interstitiels (ou lacunes) en excès forment par ailleurs des petits agglomérats purs d’interstitiels (ou de lacunes). II.2.1.3.2.4 Les agglomérats impliquant les impuretés Ces agglomérats, également appelés complexes, piègent les impuretés qui sont alors immobilisées, et, s’il s’agit de dopants, désactivées. Ils n’ont pas de forme prédéfinie. Les impuretés sont associées soit avec des interstitiels, soit avec des lacunes. Dans la suite du paragraphe nous appellerons A l’impureté, X le défaut cristallin ponctuel (interstitiel, ou lacune) et X le défaut cristallin ponctuel complémentaire (lacune, ou interstitiel). Les complexes peuvent capturer ou émettre des particules, selon les mécanismes que nous allons décrire. - Un complexe AnXm peut tout d’abord capturer un défaut cristallin ponctuel X ou une paire AX : A n X m + X → A n X m +1 , Eq. II.19 A n X m + AX → A n +1 X m +1 . Eq. II.20 Dans ce dernier cas, DADOS ajoute les particules A et X à l’agglomérat, et détruit la paire AX. Cette capture n’est pas systématique comme dans le cas des agglomérats purs de X. En effet, pour un défaut {311} ou une boucle de dislocation par exemple, il est toujours avantageux de capturer un interstitiel : son énergie de formation diminue de manière monotone quand il croît. Dans le cas d’un complexe, DADOS calcule donc la probabilité de capture d’un X par AnXm et la compare à un nombre aléatoire. - A l’inverse, un agglomérat mixte peut émettre soit un défaut X soit une paire AX : A n X m → A n X m −1 + X , Eq. II.21 A n X m → A n −1 X m −1 + AX . Eq. II.22 La fréquence d’émission est calculée comme pour tout évènement, avec une loi d’Arrhénius. Après chaque émission, DADOS vérifie que le complexe peut encore exister : reste-t-il au moins deux 78 Chapitre II La simulation atomistique impuretés dans l’agglomérat, ou bien une impureté et au moins deux défauts ? Si ces conditions ne sont pas remplies : + soit il n’y a plus d’impureté, et le complexe est transformé en un petit agglomérat pur de X ; + soit il reste une impureté et un défaut X, et le complexe est transformé en paire AX. - L’évènement de recombinaison est également possible : A n X m + X → A n X m −1 . Eq. II.23 Comme précédemment, par le jeu des énergies de formation, ces réactions de recombinaison ne sont pas toujours énergétiquement favorables ; DADOS calcule donc la probabilité qu’elles adviennent. Quand la réaction de recombinaison a eu lieu, la taille du complexe a diminué. Il est alors nécessaire de chercher les particules restantes composant cet agglomérat, comme déjà expliqué ci-dessus. - Bien que peu fréquent, le mécanisme de Frank – Turnbull est également implémenté pour les agglomérats d’impureté : A n X m → A n X m + X X → A n X m +1 + X . Eq. II.24 Les conditions énergétiques favorables à ce mécanisme sont rarement réunies, car il est nécessaire d’apporter l’énergie de formation d’une paire interstitiel – lacune Ef(IV). En d’autres termes, il faut que le défaut AnXm+1 soit plus stable que le défaut AnXm de Ef(IV) eV. - Le phénomène de recombinaison complémentaire est engendré par des impuretés formant des agglomérats avec un type de défaut cristallin ponctuel et diffusant avec le défaut complémentaire. C’est par exemple le cas de l’arsenic, qui forme des agglomérats avec les lacunes, et qui diffuse à la fois avec les lacunes et les interstitiels. La réaction est la suivante : A n X m + A X → A n +1X m −1 . Eq. II.25 Dans ce cas, l’impureté est ajoutée à l’agglomérat et un défaut X lui est retiré ; la paire A X est, elle, annihilée. - Enfin, le mécanisme d’émission complémentaire est aussi pris en compte. Il est résumé par la réaction : A n X m → A n X m + X X → A n −1X m +1 + A X . Eq. II.26 II.2.1.3.3 La sursaturation Comme nous l’avons vu dans le paragraphe I.1.2.3.2, la sursaturation est le rapport entre la concentration d’un type de défaut cristallin ponctuel et sa concentration à l’équilibre thermodynamique, en un instant donné. DADOS traite cette grandeur de manière globale, c'est-à-dire qu’il la calcule uniquement sur tout le volume de la simulation. Puis il l’assigne au défaut « sursaturation », que l’on peut suivre au cours de la simulation. II.2.1.4 Les interfaces 79 Chapitre II La simulation atomistique Dans DADOS, les interfaces sont concrètement représentées par les faces des mailles élémentaires séparant deux matériaux différents. La forme « en escaliers » qui en découle a donc tendance à surestimer l’aire des interfaces irrégulières. Mais ce cas de figure n’arrive, en pratique, que pour des interfaces cirstal – amorphe, de caractère éphémère. L’influence de cette surestimation de la surface de capture et d’émission des défauts ponctuels est donc minime, puisque la recristallisation est très rapide. Nous allons d’abord nous intéresser aux interactions des défauts cristallins ponctuels avec les interfaces silicium – autre matériau, avant de regarder brièvement les interactions des impuretés avec tous les types d’interface. II.2.1.4.1 Modèle d’interface pour les interstitiels et les lacunes Quand un défaut cristallin ponctuel X trouve dans son rayon d’interaction une interface, la probabilité de sa capture par l’interface est calculée ainsi : λ Pcapt = L si L r ≥ λ , r Pcapt = 1 si 0 ≤ L r < λ Eq. II.27 λ étant la distance d’interaction, et le paramètre Lr étant appelé longueur de recombinaison. Il représente la distance qu’un interstitiel devrait virtuellement parcourir au-delà de l’interface pour être recombiné systématiquement [Cowern99b]. Si la surface de la boîte de simulation est Ymax.Zmax, le volume dans lequel se trouvent les défauts X ayant un potentiel d’interaction avec l’interface est Ymax.Zmax.λ. Ainsi la fréquence de capture d’un défaut X par l’interface est : 1 ν capt (X ) = ⋅ ν m (X ) ⋅ [X ]⋅ Ymax ⋅ Z max ⋅ λ ⋅ Pcapt , 6 Eq. II.28 avec νm(X) la fréquence de migration de X, qui suit une loi d’Arrhénius de préfacteur νm0(X) et d’énergie d’activation Em(X) : E (X ) ν m (X ) = ν m 0 (X ) ⋅ exp − m . k⋅T Eq. II.29 Le facteur 1/6 traduit la probabilité pour le défaut X de migrer dans la direction de l’interface (une direction particulière sur les six directions possibles, car le maillage est cubique). Puis à l’équilibre, l’interface doit émettre autant d’interstitiels qu’elle en capture. La densité de sites d’émission de l’interface est de 2/aSi2. Donc la fréquence d’émission est : 2 E (X ) + E f (X ) ν émiss (X ) = ν émiss 0 (X ) ⋅ Ymax ⋅ Z max ⋅ 2 ⋅ Pcapt ⋅ exp − m , k⋅T a Si Eq. II.30 où Em(I) et Ef(I) sont les énergies de migration et de formation de X, respectivement. Ainsi la concentration à l’équilibre [X]* de X est atteinte quand les fréquences d’émission et de capture sont égales, ce qui donne : 80 Chapitre II La simulation atomistique [X ]éq = 2 ⋅ ν émiss0 (X ) ⋅ exp − E f (X ) . λ k⋅T Eq. II.31 II.2.1.4.2 Modèle d’interface pour les impuretés En ce qui concerne les impuretés, un des rôles de l’interface est de réguler leur solubilité limite à sa valeur d’équilibre. Donc ici encore, les fréquences d’émission et de capture doivent, à l’équilibre, être égales. Mais cette fois, les impuretés ne disparaissent pas à l’interface, contrairement aux interstitiels et aux lacunes qui se recombinent. Il y a donc un nombre maximal de pièges Nmax à l’interface. La fréquence N d’émission est proportionnelle au taux de remplissage . N max Enfin, quand un des côtés de l’interface est du silicium, les émissions sont réparties entre les deux matériaux en fonction du coefficient de ségrégation gMatériau du second matériau : Matériau ν émiss (X ) = ν Silicium (X ) émiss (X ) + ν émiss Matériau . ν émiss (X ) g = Matériau ν Silicium (X ) émiss Eq. II.32 II.2.1.5 Les phénomènes d’amorphisation et de recristallisation II.2.1.5.1 L’amorphisation L’amorphisation du silicium dans DADOS se fait par accumulation des défauts cristallins ponctuels, et principalement à travers les poches amorphes créées pendant les implantations ioniques. Le traitement numérique de l’amorphisation se fait localement, au niveau de chaque maille élémentaire de la structure. Dès que la concentration totale en défauts cristallins ponctuels dépasse le seuil d’amorphisation (accessible à l’utilisateur), alors DADOS identifie comme « silicium amorphe » la maille considérée. A partir de là, la plupart des informations sur les défauts contenus dans cette maille sont effacées (en particulier leurs coordonnées). DADOS ne garde en mémoire que leur type et leur nombre, notamment pour conserver l’information sur l’excès de lacunes ou d’interstitiels. En outre, chaque particule qui entre plus tard en interaction avec une zone amorphe sera également effacée ; seuls sont conservés son type et le nombre de ces particules dans la maille amorphe. Afin de rendre le simulateur moins gourmand en mémoire et temps de calcul, le paramètre MaxIVStorage a été implémenté. Il s’agit d’un seuil de concentration au-delà duquel les particules I et V sont effacées de la mémoire, avant même l’amorphisation de la maille. A nouveau, on ne garde que leur nombre. Cela permet de limiter un peu l’utilisation de la mémoire, et, dans une moindre mesure, d’économiser du temps de calcul, sans toutefois limiter la précision des simulations. Le seul évènement possible au sein d’une maille amorphe est finalement la recristallisation, que nous allons voir ci-après. Une description plus détaillée sera donnée quant à la modélisation de l’amorphisation dans le paragraphe II.2.2. 81 Chapitre II La simulation atomistique II.2.1.5.2 La recristallisation L’évènement de recristallisation d’une zone amorphe n’est possible que lorsque celle-ci possède au moins une interface amorphe – cristal. A une température donnée, l’interface amorphe – cristal avance à travers la partie amorphe avec une vitesse Vrecrist obéissant à une loi d’Arrhénius. Dans DADOS, il faut donc un δd pour transformer une maille élémentaire amorphe de longueur δd en silicium temps δt = Vrecrist cristallin. DADOS recristallise en priorité les mailles qui présentent le maximum d’interfaces avec du cristal. Cela permet de laisser l’interface globale et d’éviter ainsi de retrouver des zones amorphes isloées artificiellement. La recristallisation produit un cristal parfait ; toutes les paires interstitiel – lacune sont recombinées. L’excès de défauts cristallins ponctuels est déplacé dans une maille amorphe contiguë. Le front de recristallisation repousse ainsi cet excès de défauts cristallins ponctuels, éventuellement vers les interfaces. Quand le front de recristallisation rencontre une interface, tous les défauts cristallins ponctuels se recombinent, et sont donc effacés de la simulation. Si le front ne rencontre aucune interface alors qu’il n’a plus de zone amorphe à recristalliser (dans le cas par exemple d’une couche amorphe enterrée, où deux fronts de recristallisation progressent à la rencontre l’un de l’autre), les défauts cristallins ponctuels sont alors déposés. Leur agglomération, durant la suite du ou des recuits, reproduit les observations expérimentales de défauts étendus à l’emplacement où se rencontrent les divers fronts de recristallisation [Jaraíz01]. Lors de la recristallisation, les impuretés sont gérées comme suit. Pour chaque impureté, il existe une probabilité de maintien de l’impureté dans la maille recristallisée. Si le nombre aléatoire généré est supérieur à cette probabilité, l’impureté n’est pas déposée et elle est donc transférée à la maille amorphe voisine, comme c’est le cas pour l’excès de défauts cristallins ponctuels. Après ce choix pour chacune des particules de la maille, si la concentration en impureté de la maille recristallisée dépasse le seuil de solubilité limite (solubilité après recristallisation, différente de celle à l’équilibre), l’impureté se dépose sous forme de complexes avec des défauts cristallins ponctuels. La taille des agglomérats mixtes formés est imposée (en nombre d’impuretés qu’il contient), sauf si le nombre d’impuretés disponible est trop petit. Dans tous les cas, le nombre de défauts cristallins ponctuels associés au complexe est choisi de telle sorte que le coût énergétique de ce dernier soit le plus faible possible. Ce coût correspond à la somme des énergies de l’agglomérat AnXm et des énergies de formation des défauts cristallins ponctuels Ef(X), l’énergie de formation des impuretés Ef(A) isolées étant prise comme référence (et donc considérée comme nulle) : E form (A n X m ) = E tot (A n X m ) + m ⋅ E f (X ) + n ⋅ E f (A ) 123 E form (A n X m ) = E tot (A n X m ) + m ⋅ E f (X ) 0 . II.2.1.6 Les effets de charge et la dépendance avec le niveau de Fermi Plusieurs points sont à retenir. 82 Eq. II.33 Chapitre II La simulation atomistique DADOS considère que tous les dopants en site substitutionnel sont électriquement actifs ; en d’autres termes, on suit l’approximation de l’ionisation complète. Les dopants de la colonne III seront chargés négativement et ceux de la colonne V positivement. Les paires existent avec différents états de charge, selon l’espèce. Les interstitiels peuvent être neutres, simplement positifs ou simplement négatifs. Les lacunes sont implémentées avec tous les états de charge possibles entre doublement négatif et doublement positif. Le calcul de la densité de charges en un point de la structure doit supprimer les effets dus à la discrétisation de l’espace dans DADOS (mailles élémentaires), tout en assurant que l’information sur la charge n’est pas perdue au cours du calcul de moyennes. Dans une des mailles élémentaires de la simulation, le calcul de la concentration d’électrons prend en compte d’une part la concentration intrinsèque à la température à laquelle on se trouve, puis le niveau de dopage (N = Ndonneur - Naccepteur). Pour ce dernier on utilise une valeur moyennée sur un volume (sphéroïdal) de rayon rD (rayon de Debye) : rD = T , 4 ⋅π⋅q2 ⋅N Eq. II.34 T étant par ailleurs la température. Le niveau de Fermi eF est ensuite calculé pour chaque maille élémentaire à partir de cette concentration d’électrons, et en utilisant la statistique de Fermi – Dirac. II.2.1.7 Pour aller plus loin Pour une description plus complète et plus détaillée, le lecteur pourra se procurer le manuscrit de thèse d’Ignacio Martin-Bragado [MartinBragado04a], disponible en espagnol et en anglais, et lire les articles des références [Jaraíz98/99/00/07, MartinBragado04a/04b/04c/05a/05b, Castrillo05/07, Mok05]. II.2.2 Participation au développement et au calibrage de DADOS II.2.2.1 De l’implémentation des mécanismes d’amorphisation : quelques détails supplémentaires Nous nous sommes précédemment peu étendus sur les mécanismes d’amorphisation dans DADOS (paragraphe II.2.1.5.1). Nous allons donc donner à présent plus de détails. Voyons tout d’abord comment est géré le taux de recombinaison interstitiel – lacune dans les poches amorphes. La fréquence de recombinaison au sein d’une poche amorphe est régie par une loi d’Arrhénius, avec un préfacteur et une énergie d’activation. L’énergie d’activation augmente avec la taille de la poche amorphe, déterminée comme le nombre de paires interstitiel – lacune qu’elle contient. Enfin et logiquement, l’énergie de recombinason des plus grosses poches amorphes doit être égale ou inférieure à l’énergie de recristallisation du silicium amorphe. Cela revient à dire qu’une région fortement 83 Chapitre II La simulation atomistique endommagée (poche amorphe) de taille infinie pourrait être considérée comme une région de silicium amorphe. Toujours à propos des poches amorphes, n’oublions pas de préciser que lorsque deux ou plusieurs poches amorphes, au cours de leur évolution, se superposent spatialement, elles sont regroupées en une seule entité dans DADOS. Pour des raisons d’économie de mémoire cependant, cette fusion ne s’effectue que pour des tailles de poches amorphes inférieures à 50 paires interstitiel – lacune. Comme nous l’avons précisé plus haut, lorsqu’une maille élémentaire de la simulation voit sa concentration de défauts dépasser le seuil d’amorphisation, elle devient du silicium amorphe. Or ces mailles élémentaires sont suffisamment petites (de l’ordre du nm3) pour que la concentration locale de défauts cristallins puisse ne jamais atteidre le seuil d’amorphisation, même dans une zone plus large très fortement endommagée. Ce problème de statistique, inhérent à la simulation atomistique, pourrait conduire à la formation d’îlots cristallins au sein d’une région amorphisée, et ce de manière tout à fait artificielle. De tels petits îlots se comporteraient en effet comme des germes de recristallisation, et leur présence n’a encore jamais été observée expérimentalement. Pour éviter cet artefact, un mécanisme de lissage des zones amorphes a été implémenté. A chaque fois qu’une maille élémentaire est amorphisée, le programme regarde également la configuration des mailles voisines. La concentration de défauts cristallins ponctuels moyen sur toutes ces mailles est-il supérieur au seuil d’amorphisation ? La proportion de mailles encore cristallines parmi les voisines est-elle inférieure à 1/3 ? Si ces deux conditions sont remplies, toutes les mailles voisines considérées seront amorphisées. Le nombre de mailles élémentaires considérées comme « voisines » est contrôlé par le volume d’effondrement du réseau (Lattice Collapse). Ce paramètre détermine le volume minimum qu’un grain de cristal doit occuper dans une matrice amorphe pour ne pas être amorphisé à son tour. Ce volume est ensuite traduit par le logiciel en nombre de mailles voisines à prendre en considération. La signification physique de ce volume d’effondrement du réseau est simplement la suivante : un grain de cristal inclus dans une matrice amorphe n’est stable qu’au-delà d’un certain volume. Si l’on inverse le problème pour regarder la cristallsation de silicium amorphe, le volume d’effondrement du réseau est aussi la taille minimale qu’un grain de cristal doit avoir dans une matrice amorphe pour initier la croissance d’un grain [Spinella98, Kahn02, Izumi05]. Pour résumer, les paramètres qui permettent de calibrer l’accumulation de défauts et l’amorphisation dans DADOS sont la fréquence de recombinaison des paires dans les poches amorphes (préfacteur et énergies), le seuil d’amorphisation, et le volume d’effondrement du réseau. II.2.2.2 Calibrage de l’amorphisation Nous allons présenter ici un des résultats les plus satisfaisants que nous ayons obtenus en calibrant l’accumulation de défauts dans le silicium. L’expérience, décrite dans [Schultz91], consiste en une implantation de silicium à haute énergie (1000 keV) et à une dose de 1x1015 cm-2. La température de la plaque est artificiellement maintenue constante. Pour trois valeurs de flux moyen d’implantation, des implantations à plusieurs températures sont ainsi effectuées. Une analyse de l’accumulation de défauts est effectuée par étude de collision de retour d’ions hélium canalisés (RBSC pour Rutherford Back-Scattering 84 Chapitre II La simulation atomistique Channeling), en particulier à la profondeur d’endommagement maximal. La valeur de cet endommagement atteint un niveau maximal de saturation quand une couche amorphe continue est formée à la profondeur étudiée. C’est cette valeur qui sert de référence, la concentration relative de défauts étant ensuite tracée en fonction de la température d’implantation. Expérimentalement, il existe une transition abrupte entre des températures « froides » pour lesquelles une couche amorphe continue se forme, et des températures « chaudes » pour lesquelles l’accumulation de défauts est beaucoup plus faible. Cette température de transition, dite aussi température critique d’amorphisation, dépend bien entendu du flux moyen d’implantation. Nous avons tenté de reproduire ces expériences avec nos simulations. Pour cela, nous avons simulé une implantation à une énergie plus faible qu’expérimentalement, car à 1000 keV la simulation aurait nécessité plus de mémoire et de temps que disponible. Cependant les simulations pourront être comparées aux expériences, car les valeurs critiques d’amorphisation ne dépendent que très faiblement de l’énergie d’implantation pour des atomes de masse comparable à celle du silicium [Dennis76]. Les paramètres de DADOS permettant de calibrer l’accumulation de défauts, et donc l’amorphisation, pendant une implantation ionique, sont décrits dans le paragraphe II.2.2.1. Le volume d’effondrement du réseau permet d’abord de fixer le caractère plus ou moins abrupt de la transition en fonction de la température. La position de cette transition est ensuite ajustée avec le seuil d’amorphisation d’une part, et le préfacteur de recombinaison des poches amorphes d’autre part. Les énergies de recombinaison des paires lacune – interstitiel dans les poches amorphes n’ont pas été changées ici, car elles sont surtout utiles pour calibrer l’accumulation de défauts par des impuretés de différentes masses, formant des poches amorphes de différentes tailles. Fraction de volume amorphisé (/) Le résultat final de ce calibrage est présenté sur la Figure II.10. 1.0 0.8 Flux moyen 2.88e11_Expérience Flux moyen 2.88e11_Simulation 0.6 Flux moyen 3.57e12_Expérience Flux moyen 3.57e12_Simulation 0.4 Flux moyen 2.63e13_Expérience Flux moyen 2.63e13_Simulation 0.2 0.0 260 280 300 320 340 360 Température d'implantation (°C) 380 Figure II.10. Comparaison des résumtats obtenus sur le calibrage de l’amorphisation. Données expérimentales d’après [Schultz91]. II.2.2.3 Une nouvelle commande : améliorer la simulation de l’accumulation de dommages lors de l’implantation ionique 85 Chapitre II La simulation atomistique II.2.2.3.1 La génération et l’accumulation des défauts au cours de l’implantation ionique Nous avons déjà dit que l’introduction d’impuretés par implantation ionique générait des défauts cristallins dans le silicium, interstitiels et lacunes. L’accumulation de ces défauts conduit parfois à l’amorphisation du matériau. D’abord la génération de défauts dans le cristal dépend de l’espèce, de la dose, de l’énergie, ainsi que des angles d’inclinaison et de rotation du faisceau d’implantation. Ensuite, l’accumulation des défauts dépend de la recombinaison des paires interstitiel – lacune au sein des poches amorphes. Considérons une cascade de défauts d’implantation. D’une part la recombinaison des paires interstitiel – lacune sera d’autant plus rapide, c'est-à-dire d’autant plus efficace au cours de l’implantation, que la température du cristal sera élevée (voir paragraphe II.2.1.3.2.3). D’autre part plus le temps entre deux cascades sera important, plus il y aura de recombinaisons ; ou en d’autres termes, moins il restera de défauts qui s’accumuleront à la prochaine cascade. Donc si le temps entre deux cascades est plus élevé, il y aura moins d’accumulation de défauts. Le temps de relaxation moyen entre deux cascades est directement contrôlé par le flux moyen d’implantation (average dose rate). Plus le flux moyen d’implantation est fort, plus le temps de relaxation entre chaque cascade sera faible, et plus donc plus l’accumulation de défauts sera efficace. La Figure II.11 illustre la recombinaison des défauts d’une cascade au cours du temps. impureté interstitiel lacune t0 t1 t2 temps Figure II.11. Représentation schématique de l’évolution d’une cascade de défauts cristallins ponctuels au cours d’un temps de relaxation. Le calcul de ce flux moyen d’implantation se fait à partir du courant du faisceau d’implantation Ifaisceau, de la surface totale qu’il balaye Surfbalayage, et du temps d’implantation timpl . Prenons une vision (tot) extrêmement simplifiée de l’implanteur. On lui spécifie la dose et la valeur du courant du faisceau (ou du moins son ordre de grandeur). L’implanteur connaît la surface totale balayée par le faisceau ionique ; elle est en effet fixée, et fonction de la géométrie de la machine, comme nous le verrons plus bas à travers deux exemples. Alors il calcule le temps nécessaire d’implantation pour que la dose soit celle souhaitée. La dose est en effet le rapport entre la quantité totale d’ions « envoyés » par le faisceau Nion (tot) et la surface que celui-ci balaye: Dose = N ions (tot ) Surf balayage . Eq. II.35 Le numérateur se calcule de la manière suivante : N ions (tot ) = 86 I faisceau ⋅ t impl (tot ) , q ion Eq. II.36 Chapitre II La simulation atomistique et donc la dose est Dose = I faisceau t impl (tot ) ⋅ . q ion Surf balayage Eq. II.37 A partir de là le flux moyen d’implantation FImoy est : FI moy = Dose t impl (tot ) = I faisceau . q ⋅ Surf balayage Eq. II.38 II.2.2.3.2 Description des implanteurs étudiés Deux types d’implanteurs ont été pris en considération au cours de cette thèse, sur lesquels étaient effectuées la plupart des implantations de l’Alliance Crolles2. - Le premier a été développé par Applied Materials. Le faisceau a un axe de symétrie cylindrique : sa marque sur la plaque est donc un disque. Il a une densité de type gaussien autour de son axe de symétrie. Cet implanteur permet de procéder à l’implantation de treize plaques à la fois (implanteur multiplaques). Elles sont disposées sur une roue dont les treize bras supportent les plaques. La roue tourne sur elle-même et dans le même temps se déplace latéralement, en sorte que le faisceau balaye les treize plaques sur toute leur surface. La Figure II.12 (a) montre schématiquement la roue et ses mouvements par rapport au faisceau, qui, lui, reste fixe. Ainsi, les mouvements du faisceau par rapport à une plaque s’apparentent à un balayage bidirectionnel. Le premier correspond à la rotation de la roue, et présente donc un rayon de courbure égal au rayon de la roue ; on le considèrera ici très grand, c'est-à-dire que l’on considèrera le balayage comme rectiligne. Le second correspond au déplacement latéral de la roue. La Figure II.12 (b) représente une plaque et le faisceau, ainsi que les déplacements de celui-ci par rapport à celle-là. a b c Figure II.12. Représentation schématique de la roue et sa fournée de plaques (a) et des mouvements relatifs du faisceau sur une plaque (b). Surface totale balayée par le faisceau (c). Pour cet outil, la surface balayée par le faisceau est une couronne contenant les treize plaques, représentée sur la Figure II.12 (c). Sa superficie Surfbalayage est fonction du diamètre de la roue Droue (de centre de plaque à centre de plaque) et de l’amplitude de balayage Dbalayage de celle-ci : 87 Chapitre II La simulation atomistique Surf balayage D balayage = π ⋅ D roue + 2 2 D − D roue − balayage 2 2 , Eq. II.39 soit Surf balayage = 2 ⋅ π ⋅ D roue ⋅ D balayage . Eq. II.40 - Le second implanteur est celui de Varian. Le faisceau est un ruban dont la longueur Lfaisceau égale le diamètre de la plaque. Il a une densité ionique de répartition gaussienne dans le sens de la largeur. Les plaques sont traitées une à une (implanteur monoplaque), passant devant le faisceau (fixe), comme le montre la Figure II.13. Quant à la surface balayée par la plaque, il s’agit simplement d’un rectangle de largeur Lfaisceau et de longueur l’amplitude de balayage Dbalayage : Surf balayage = L faisceau ⋅ D balayage . a Eq. II.41 b Figure II.13. Représentation schématique d’une plaque (a) et du mouvement relatif du faisceau sur la plaque (b). II.2.2.3.3 Modélisation : problèmes et solution, ou l’implantation par impulsions Tous les paramètres influençant l’endommagement du silicium, dont le flux moyen d’implantation, doivent être pris en compte pour simuler correctement l’accumulation de défauts et l’amorphisation du silicium au cours d’une implantation ionique. Mais en simulation atomistique les surfaces simulées (quelques centaines de nanomètres carrés) sont très petites devant les surfaces balayées par le faisceau (quelques centaines de centimètres carrés), donc équivalentes à un point sur la plaque. De ce point de vue, des ions ne sont implantés que pendant l’exposition du point au faisceau ; ce qui correspond à des impulsions d’implantation. Commençons par le cas de l’implanteur monoplaque, qui est le plus simple. Si l’on considère un point sur la plaque, chaque balayage va donner lieu à une impulsion. Cela va résulter en une série d’impulsions régulières (Figure II.14 (a)). En ce qui concerne l’implanteur multiplaques, à chaque tour de roue une bande de la plaque est exposée au faisceau ; mais à chaque fois, la roue s’est un peu déplacée latéralement. Si, encore une fois, on prend le point de vue d’un point de la plaque, chaque tour de roue va donc donner lieu à une impulsion, tant que le point se trouve dans la bande exposée. (voir Figure II.15) Finalement, 88 Chapitre II La simulation atomistique l’implantation se fera en rafales d’impulsions, chaque impulsion correspondant à un tour de roue et chaque rafale correspondant à un balayage (Figure II.14 (b)). (a) intensité de la radiation Implanteur multiplaques : un balayage = une rafale temps (a) intensité de la radiation Implanteur monoplaque : un balayage = une impulsion temps Figure II.14. Modes d’implantation pour les deux outils : impulsions en rafales pour l’implanteur multiplaques (a) et en impulsions régulières pour l’implanteur monoplaque (b). première impulsion balayage rotation seconde impulsion 89 Chapitre II La simulation atomistique Figure II.15. Pour l’implanteur multiplaques, à chaque révolution une impulsion d’implantation est effectuée sur une bande de la plaque. Les caractéristiques des impulsions dépendent de l’outil d’implantation. Précisons en particulier l’influence du courant du faisceau, mais aussi de sa surface sur la plaque (gouvernée par son diamètre ou sa largeur suivant le type d’implanteur), et enfin des caractéristiques géométriques de l’implanteur ; notamment, la vitesse de balayage et la vitesse de rotation de la roue pour l’implanteur multiplaques, et la vitesse de balayage pour l’implanteur monoplaque, influencent les caractéristiques des impulsions. Dans ces conditions, comment calculer alors le flux moyen d’implantation ? Surtout, est-il le même à cette échelle qu’à l’echelle de la plaque entière ? Un autre problème est soulevé quand on considère des impulsions d’implantation au lieu d’une implantation uniforme dans le temps. On peut définir le flux instantané d’implantation, qui est le flux d’implantation vu par un point sur la plaque quand il passe à travers le faisceau. C’est donc le flux d’implantation pendant un temps très court, par exemple pendant une impulsion. Il est alors tout à fait cohérent de se demander quel est son effet sur l’endommagement du silicium pendant une implantation… Afin de résoudre ces problèmes, une nouvelle commande a été implémentée dans DADOS par l’équipe de l’Université de Valladolid, au cours de ce travail de thèse. Elle permet d’effectuer les implantations par une série d’impulsions, regroupés en rafales. Les caractéristiques de ces impulsions sont décrites par cinq paramètres d’entrée, dont deux sont spécifiques à ces rafales : - le nombre de cascades implantées à chaque impulsion, Ncasc/impulsion ; - la durée d’une impulsion timpulsion ; - le temps entre deux impulsions ∆timpulsion ; - le nombre d’impulsions par rafale Nimplusions/rafale ; - le temps entre deux rafales ∆trafale. Afin de ne pas trop alourdir le corps de ce manuscrit, les calculs nécessaires seront décrits dans les annexes. Malgré cela, il semble important de mettre ici en exergue une approximation effectuée pour ces calculs. On considère que les faisceaux ont une répartition uniforme dans les deux directions du plan de la plaque. Il s’agit d’une approximation de second ordre, comparée à celle habituellement admise lorsque les implantations sont simulées comme uniformes dans le temps. Nous allons à présent donner de petites remarques à propos de ces paramètres d’entrée. L’implanteur monoplaque donnant lieu à une série d’impulsions régulières, il est donc judicieux de régler le nombre d’impulsions par rafale à une grande valeur, de sorte que toutes les impulsions soient contenues dans une seule rafale. De plus, on met également la valeur du temps entre deux rafales à 0 ; ainsi, même si le nombre d’impulsions par rafale est plus grand que prévu, il n’y aura pas de discontinuité entre les rafales, et les impulsions seront régulièrement espacées. Il restere donc trois paramètres à calculer. Dans le cas de l’implanteur multiplaques, nous aurons besoin de calculer les cinq paramètres précédemment cités. II.2.3 Matériel et temps de calcul 90 Chapitre II La simulation atomistique Les moyens informatiques utilisés au cours de cette thèse sont des plus accessibles. DADOS est compilé pour Windows. Par ailleurs, toutes nos simulations ont été effectuées sur des ordinateurs de bureau ou portables. Le processeur doit être suffisamment puissant pour que les temps de calculs restent raisonnables ; de même, la mémoire vive nécessaire varie entre 500 Mo (pour des petites simulations de prise en main) et 2 Go (pour des simulations permettant de suivre l’évolution des défauts étendus, c'està-dire des surfaces simulées de l’ordre de 104 nm2). Voici, à titre d’exemple, quelques temps typiques de simulation. La surface simulée est de 402 nm2, pour une profondeur de 200 nm. L’implantation de germanium (30.1 keV, 5x1014 cm-2, 1x1012 cm-2.s-1) est suivie de l’implantation du bore (1.1 keV, 5x1014 cm-2, 1x1012 cm-2.s-1), le tout étant finalement recuit à 800°C pendant 200s. Les temps proposés dans le Tableau II.1 prennent également en compte la génération des cascades par Marlowe. Les propriétés double cœur ou 64 bits des processeurs n’ont pas été exploitées pour ces comparaisons. Tableau II.1. Temps de calculs pour une simulation typique avec différents processeurs. Processeur Temps de simulation Intel Pentium 4, 2.8 GHz 42 minutes 11 secondes Intel Core2 Duo, 2 GHz 28 minutes 10 secondes AMD Turion 64 X2, 1.61 GHz 41 minutes 09 secondes II.3 Résultats de simulation DADOS Dans cette partie, nous commencerons par regarder dans quelles conditions les résultats de DADOS pourront être considérés comme fiables, et quand il faudra interpréter les résultats avec précaution. Quelques-unes des plus significatives simulations effectuées afin de tester le calibrage de DADOS seront donc présentées, et comparées aux résultats expérimentaux auxquels elles se réfèrent. Deux études, objets de publications au cours de la thèse, trouveront leur place dans la suite de cette partie. Enfin, nous essaierons de cerner les limites de DADOS, et de voir quelques unes des perspectives en simulation atomistique des procédés. II.3.1 Test de l’outil L’utilisation d’un outil de simulation commence, après sa prise en main et l’obtention du matériel informatique nécessaire, avec quelques tentatives de reproduction d’expériences connues. Nous allons voir dans cette partie sous quelles conditions les résultats des simulations effectuées avec DADOS sont proches – ou loin – des résultats expérimentaux. Si la diffusion des dopants sera le premier phénomène examiné, l’évolution des défauts étendus retiendra plus particulièrement notre attention. 91 Chapitre II La simulation atomistique II.3.1.1 La diffusion des dopants après implantation Seuls le bore et l’arsenic ont fait l’objet d’études avec DADOS. Les autres dopants, tels le phosphore et l’indium, sont implémentés avec les mêmes mécanismes (activation, paires, agglomérats, etc…) mais avec des paramètres mal calibrés… Pour ces différents essais, nous nous sommes concentrés sur des conditions proches de celles utilisées à Crolles. Pour les implantations, elles sont assez variées du fait de l’architecture des MOSFETs. Pour les recuits en revanche, un recuit rapide de type spike a retenu toute notre attention pour l’activation et la diffusion des dopants. Quelques profils de diffusion après des recuits à plus basse température, entre 700°C et 850°C, ont également été testés, au hasard des publications rencontrées. Les résultats, parfois excellents pour le bore [Pelaz97/99a], un peu moins impressionnants de qualité pour l’arsenic, ne seront pas présentés ici. II.3.1.1.1 Bore II.3.1.1.1.1 Implantations de type poche : faible dose et moyenne énergie Les poches des nMOS sont généralement implantées par la molécule BF2, ce qui permet, par rapport au monomère de bore, de diminuer l’effet de canalisation et, pour une même énergie, la profondeur du profil implanté. L’énergie d’implantation est de 30 keV, pour une dose de 4x1013 cm-2. L’implantation est inclinée de 25° par rapport à la verticale (principe des implantations poches, qui sont destinées à surdoper le canal des transistors courts), et l’angle de rotation est de 23° (pour une réduction de l’effet de canalisation). Les implantations poches sont très souvent accompagnées des implantations de type extensions de source / drain (comme c’est le cas sur les dispositifs réels) ; ici, il s’agit d’arsenic à 1 keV et d’une dose de 6.5x1014 cm-2. Par ailleurs, les conditions choisies pour les expériences présentées ici (antérieures aux simulations) étaient précédées d’une implantation amorphisante de germanium (50 keV, 2x1014 cm-2). Ce sera donc bien entendu également le cas dans nos simulations. Penchons-nous d’abord sur l’obtention des profils de bore après implantation : ils sont représentés sur la Figure II.16. Le premier fait qui saute aux yeux est un léger décalage en profondeur entre les profils simulés et les profils SIMS. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour l’expliquer : la première est un éventuel décalage des profils expérimentaux. Selon la procédure utilisée, l’oxyde de surface peut n’avoir pas ou avoir été attaqué avant l’analyse SIMS proprement dite ; dans ce dernier cas, il est possible qu’une petite partie du silicium ait été surgravée, sur une profondeur indéterminée (mais certainement pas plus de 1 ou 2 nm). C’est une information qu’il n’a pas été possible de connaître dans ce cas. Par ailleurs, il est possible que la simulation elle-même, bien sûr, soit quelque peu décalée. Ce peut être parce que l’oxyde de surface utilisé dans la simulation n’a pas la même épaisseur que dans les expériences. Cela peut changer l’effet de canalisation, d’une part, en plus du décalage de l’origine. Par ailleurs, la chute de concentration en queue de profil semble un peu brutale sur les profils simulés. Cela est une caractéristique classique des simulations Monte Carlo : des concentrations trop basses représentent des évènements peu probables ; avec les surfaces typiquement simulées, quelques atomes seulement représentent déjà des concentrations de l’ordre de 1016 à 1017 cm-3. Ainsi, la queue du profil expérimentale, de faible concentration, ne peut pas être parfaitement reproduite. Cependant, hormis ce léger décalage et cette chute un peu brutale en queue de profil, la forme générale du profil de bore est 92 Chapitre II La simulation atomistique bien reproduite : ces différences sont en outre assez petites devant les transformations subies par le profil au cours du recuit. 1.E+22 DADOS B implanté Concentration (cm-3) 1.E+21 SIMS B Implanté 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure II.16. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 30 keV, 4x1013 cm-2, après implantation. Les profils simulés ont été décalés en profondeur de manière à ce que l’interface silicium – oxyde se trouve à 0 nm. Regardons maintenant le résultat de la simulation après recuit, présenté sur la Figure II.17. Le profil simulé reproduit très bien la courbe donnée par le SIMS. Deux détails sont toutefois remarquables. - La queue de profil est très bruitée sur la simulation : c’est le problème, évoqué plus haut, des faibles concentrations. Quand le nombre d’atomes devient faible, une baisse de concentration se traduit par la présence d’atomes de plus en plus loin les uns des autres, chaque atome représentant une concentration déjà remarquable (ici, 3.47x1016 cm-3). En bref, les écarts entre le profil simulé et le profil expérimental, aux faibles concentrations, ne sont pas le signe de mauvais résultats. - Le profil de bore a tendance à se creuser au niveau de la jonction, ou, plus exactement, le bore s’accumule de part et d’autre de la jonction. Cela donne lieu à la formation de deux bosses de concentration sur le profil de bore. Cette accumulation, due aux effets de champ électrique, a déjà été décrite dans le paragraphe I.2.3.1. Or on peut observer ici que ce « creux » de concentration est décalé dans nos simulations. Encore une fois, ce n’est pas une mauvaise prise en compte des phénomènes en jeu pour le bore qui est en cause, mais plutôt une mauvaise simulation de l’arsenic. Le phénomène d’accumulation du bore de part et d’autre de la jonction est en effet totalement déterminé par la forme du profil d’arsenic, dans ce cas très abrupt (extension ultrafine de source et drain). Comme nous le verrons par la suite, les profils d’arsenic sont assez peu fiables dans ces conditions. Si le profil d’arsenic simulé était correct, le profil de bore suivrait parfaitement la courbe SIMS expérimentale, sans décalage. 93 Chapitre II La simulation atomistique 1E+22 Concentration (cm-3) 1E+21 SIMS B Recuit DADOS B Recuit 1E+20 1E+19 1E+18 1E+17 1E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure II.17. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 30 keV, 4x1013 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. En première conclusion, l’implantation et surtout la diffusion du bore sont bien reproduites dans ces conditions de faible dose : en particulier l’agglomération aux faibles concentrations (≤ 1019 cm-3), le coefficient de diffusion effectif du bore – donc, vraisemblablement, les préfacteurs et énergies des mécanismes d’appariement et de migration des paires – et les effets de charge, semblent fiables pour des recuits de ce type. A noter enfin, la préamorphisation par le germanium (environ 65 nm) a joué un rôle sur la diffusion et l’activation du bore, également bien pris en compte dans DADOS ; d’autres résultats de diffusion du bore après préamorphisation au germanium seront présentés dans le paragraphe Erreur ! Source du renvoi introuvable.. II.3.1.1.1.2 Implantations de type extensions de source / drain : dose moyenne et très faible énergie Ici encore, le dopage au bore se fait à l’aide de l’ion BF2+ : la profondeur d’implantation est extrêmement critique pour ces implantations à très faible énergie. Pas de préamorphisation dans le cas étudié, mais une énergie de 1 keV pour une dose de 5x1014 cm-2. L’effet de canalisation est limité par l’implantation antérieure des poches en arsenic, certes à faible dose mais fortement génératrice de défauts – l’arsenic étant un ion lourd. Ces poches en arsenic, vu leur influence sur l’implantation d’une part et sur la diffusion du bore d’autre part, sont également simulées : l’arsenic est alors implanté à 50 keV et 3.7x1013 cm-2, avec des angles d’inclinaison et de rotation de 25° et 23°, respectivement. Voyons donc d’abord le profil après implantation, représenté sur la Figure II.18. Aux concentrations significatives, le profil simulé est légèrement moins abrupt que le profil expérimental. Cela est dû à la nature du code d’implantation utilisé, Marlowe, qui ne peut simuler la génération de cascades que dans une structure parfaitement cristalline ou dans un matériau entièrement amorphe. Puisque des défauts sont générés au cours de l’implantation, il est nécessaire d’ajuster le profil implanté, de manière artificielle, en simulant deux implantations distinctes : une dans une cible cristalline et la suivante dans une structure amorphe. La dose totale implantée en simulation est la somme des doses de ces deux implantations ; la dose de chacune étant par ailleurs choisie pour ajuster au mieux le profil implanté. Ici l’implantation est donc satisfaisante, le décalage obtenu entre le profil simulé et le profil expérimental étant assez peu important au vu de la diffusion ultérieure du bore. 94 Chapitre II La simulation atomistique 1.E+22 Concentration (cm-3) 1.E+21 DADOS B Implanté SIMS B Implanté 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.18. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 1 keV, 5x1014 cm-2, après implantation. En ce qui concerne la diffusion du bore justement, les profils obtenus après recuit sont présentés sur la Figure II.19. On peut observer que la diffusion est légèrement trop importante. La première raison est celle de la perte de dose : une partie du bore implanté va diffuser vers l’interface silicum – oxyde au cours du recuit, et, de là, diffuser dans l’oxyde – puis hors de l’échantillon : c’est l’exodiffusion. Sans mettre en doute la fiabilité de ces analyses SIMS, la perte de dose expérimentale est ici conséquente (> 50%). Dans le cas des simulations, le piégeage par l’interface et / ou l’émission des atomes de bore piégés dans l’oxyde est trop faible pour reproduire cette perte de dose. Cependant, la forme générale du profil simulé est très proche de celle expérimentale. Cette forme en épaule, caractéristique de la diffusion accélérée et transitoire (voir paragraphe I.2.5.1), est très bien reproduite. La queue de profil semble plus étalée, mais est très bruitée, du fait, encore une fois, des faibles concentrations. Sur des conditions proches de cellesci, nous savons désormais que la perte de dose est quelque peu sous-estimée par DADOS, mais que, comme pour des concentrations plus faibles, les phénomènes d’agglomération (pas d’agglomération dans ce cas) et de diffusion sont correctement pris en compte. 1.E+22 Concentration (cm-3) 1.E+21 DADOS B Recuit SIMS B Recuit 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.19. Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de BF2, 1 keV, 5x1014 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. II.3.1.1.1.3 Implantation de type source / drain : très forte dose et faible énergie 95 Chapitre II La simulation atomistique Dans ce cas précis, pour les conditions que nous avons décidé de regarder ici, c’est l’ion monomère B+ qui est utilisé. L’implantation se fait à 1 keV, pour une dose de 2x1015 cm-2 ; l’angle d’inclinaison est de 7°, valeur courante pour limiter les effets de canalisation [Faehn]. Les profils obtenus après implantation sont représentés sur la Figure II.20 (a). On remarquera très vite que les doses des deux profils, simulé et expérimental, ne s’accordent pas. L’erreur se répartit entre les analyses SIMS et les modèles expérimentaux. Les premières affichent une dose supérieure à la dose normalement implantée, ce qui est en partie dû au pic présent à la surface, qui est un artefact de la mesure SIMS [Dowsett02]. Les seconds parce que la dose commandée était bien de 2x1015 cm-2, mais qu’une partie des atomes entrant dans le silicium en ressortent, par la surface d’impact, par collisions successives. C’est le phénomène de collision de retour (backscattering en anglais), exploité avec l’hélium comme moyen de caractérisation des matériaux (par exemple dans [Schultz91]). Il est donc nécessaire d’ajuster la dose commandée pour que la dose finalement présente dans le silicium soit celle requise, car c’est par analyse du matériau que les machines d’implantation sont réglées pour effectivement implanter les bonnes doses. Cela n’a pas été fait à l’époque des simulations présentées ici, mais plus tard ; malheureusement, les profils après recuit n’ont pas été améliorés pour autant. A propos des profils après recuit, il est visible sur la Figure II.20 (b) que l’agglomération est sousestimée. Plus que la trop faible concentration maximale de bore après recuit (en partie due aux erreurs d’analyse expérimentale et aux erreurs sur le profil implanté simulé), c’est la diffusion trop importante du bore qui nous donne cette indication. En effet, nous avons vu précédemment que le coefficient de diffusion effectif du bore dans DADOS permettait de reproduire des expériences dans des conditions sans agglomération significative. Ainsi, certains types d’agglomérats mixtes bores – interstitiels relâchent, du fait de leur faible stabilité, des paires bore – interstitiel, mobiles, qui peuvent diffuser relativement loin en profondeur. Du fait de ce mécanisme de diffusion, dû à la dissolution d’agglomérats, non seulement le bore diffuse trop, mais la forme, en épaule, du profil expérimental est mal reproduite. 1.E+22 1.E+22 1.E+21 DADOS B Implanté Concentration (cm-3) Concentration (cm-3) 1.E+21 SIMS B Implanté 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 DADOS B Recuit SIMS B Recuit 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 (a) 1.E+16 (b) 1.E+16 0 20 40 60 Profondeur (nm) 80 100 120 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.20. (a) Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de B, 1 keV, 2x1015 cm-2, après implantation. (b) Profils de bore simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation de B, 1 keV, 2x1015 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. Ainsi, en ce qui concerne le bore en général, les conditions les moins bien reproduites sont celles où la surface joue un rôle très important (implantations à très faible énergie type extensions), ou lorsque les concentrations élevées conduisent à une forte agglomération. Les effets de l’agglomération du bore sur sa 96 Chapitre II La simulation atomistique diffusion sont extrêmement marqués, même quand les différences sur la concentration de bore aggloméré sont imperceptibles à l’œil nu. II.3.1.1.2 Arsenic II.3.1.1.2.1 Implantations de type poche : faible dose et moyenne énergie Le cas auquel nous allons nous intéresser maintenant est une implantation d’arsenic à 50 keV, 3.7x1013 cm-2, avec des angles de 25° et 23° d’inclinaison et de rotation, respectivement. La Figure II.21 (a) montre les profils correspondant. Cette implantation de type poche est accompagnée de son implantation sœur, de type extension en BF2, déjà montrée précédemment. On observe d’abord un léger décalage en profondeur entre les profils simulé et expérimental, qui peut être dû aussi bien à l’un qu’à l’autre : est-ce que tout l’oxyde a été gravé avant l’analyse, et est-ce que l’épaisseur d’oxyde simulé était exactement la même qu’expérimentalement ? Expérimentalement, l’oxyde a une épaisseur qui peut varier de 1 à 5 nm pour ce type d’implantation. Nous avons utilisé ici une valeur de 1.5 nm. De plus, la chute de concentration en queue de profil est un peu brutale : c’est encore une fois le problème des faibles concentrations. A part ces détails, on observe que le profil implanté simulé est fidèle au profil expérimental. Après le recuit rapide, de type spike, à 1080°C, le profil d’arsenic a peu évolué (Figure II.21 (b)); dans un contexte de jonctions toujours plus fines, c’est une caractéristique appréciée de ce dopant. Le profil expérimental s’est légèrement étalé en direction de la surface, à partir d’une profondeur, marquée par un très léger creux sur le profil après recuit, correspondant à l’interface cristal / amorphe initiale. C’est une conséquence, peu marquée mais visible, de l’effet de raclette (voir paragraphe I.2.5.3.1). A cause du bruit du profil simulé (concentration peu élevée), on n’observe pas la formation de ce creux ; mais l’étalement vers la surface est reproduit correctement. En profondeur enfin, la simulation ne montre pas de diffusion significative de l’arsenic, comme expérimentalement. Dans ces conditions d’implantation à faible dose et énergie moyenne, la diffusion de l’arsenic est donc bien simulée. 1.E+22 1.E+21 Concentration (cm-3) Concentration (cm-3) 1.E+21 Concentration (cm-3) 1.E+22 DADOS As Implanté SIMS As Implanté 1.E+20 1.E+19 1.E+18 (a) 1.E+17 1.E+20 SIMS As Implanté SIMS As Recuit 1E+18 1E+17 1.E+19 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) 1.E+18 1.E+17 1.E+16 1E+19 (b) DADOS As Recuit SIMS As Recuit 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Profondeur (nm) 180 200 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure II.21. (a) Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 50 keV, 3.7x1013 cm-2, après implantation. (b) Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 50 keV, 3.7x1013 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. II.3.1.1.2.2 Implantations de type extensions de source / drain : dose moyenne et très faible énergie 97 Chapitre II La simulation atomistique Dans le cas présenté ici, l’implantation d’arsenic à 1 keV et 6.5x1014 cm-2 est bien sûr accompagnée de l’implantation de type poche correspondante (BF2, 30 keV, 4x1013 cm-2, angles de 25° et 23° pour l’inclinaison et la rotation), mais également précédée d’une implantation amorphisante de germanium (50 keV, 2x1014 cm-2). Les profils implantés (Figure II.22) montrent cette même tendance que dans le cas du bore, à savoir une dose effectivement implantée dans le silicium plus faible que celle indiquée par l’analyse SIMS. Il est possible de corriger aisément cette erreur en simulation, mais ce n’est pas le but de cette partie de test de DADOS. De plus, le profil simulé est trop abrupt. C’est probalement dû aux effets, déjà évoqués, des implantations simulées par Monte Carlo ; cependant, il est important de noter ici que le gradient de concentration montré par SIMS (2.7 nm/décade) est à la limite de la sensibilité de cette technique [Cagnat08]. 1.E+22 Concentration (cm-3) 1.E+21 DADOS As implanté SIMS As Implanté 1.E+20 1.E+19 1.E+18 1.E+17 1.E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.22. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 1 keV, 6.5x1014 cm-2, après implantation. Le recuit de ce profil donne les résultats de la Figure II.23. Au niveau de la distance parcourue projetée, il reste expérimentalement un pic de concentration dû à l’agglomération de l’arsenic (alors désactivé). En simulation, ce pic est également présent, mais trop prononcé – surtout si l’on considère que le pic après implantation n’atteignait pas la concentration indiquée par le SIMS. Les agglomérats que l’arsenic forme avec les lacunes semblent donc trop stables dans les simulations. De cette stabilité excessive résulte une sous-estimation de la diffusion de l’arsenic, visible également sur les profils. 1E+22 Concentration (cm-3) 1E+21 SIMS As Recuit DADOS As Recuit 1E+20 1E+19 1E+18 1E+17 1E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.23. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 1 keV, 6.5x1014 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. 98 Chapitre II La simulation atomistique Ainsi, la simulation de la diffusion de l’arsenic, après une implantation à dose moyenne et ultra-faible énergie, n’est pas parfaitement reproduite. Et c’est vraisemblablement à cause des agglomérats mixtes que forme l’arsenic, qui semblent trop stables dans nos simulations. Cette fois à nouveau, les énergies de formation des agglomérats d’arsenic pourraient être recalibrées, ce qui n’est pas l’objectif ici. II.3.1.1.2.3 Implantation de type source / drain : très forte dose et faible énergie Le profil implanté à 10 keV, 2x1015 cm-2, et 7° d’inclinaison, est très bien reproduit, comme l’atteste la Figure II.24. Pour arriver à ce résultat, nous avons scindé l’implantation en deux parties. La dose totale implantée est correcte : pour des implantations de cette profondeur, le phénomène de collision de retour (backscattering) est beaucoup moins important avec les ions lourds qu’avec les ions légers (tel le bore, par exemple). Pour la première partie de l’implantation, ici d’une dose de 5x1013 cm-2, les cascades de défauts ont été générées dans une cible cristalline ; pour la seconde (il reste donc 1.95x1015 cm-2 à implanter), dans une cible amorphe. La première dose a été ajustée pour reproduire au mieux le profil SIMS. Elle est d’autant plus petite que la masse de l’ion implanté est grande, mais dépend également, dans une moindre mesure, de l’énergie. Malgré cet effort, la chute de concentration en queue de profil est toujours un peu brutale ; mais, comme d’habitude, cela ne changera probablement pas les résultats de la diffusion. 1.00E+22 Concentration (cm-3) 1.00E+21 DADOS As Implanté SIMS As Implanté 1.00E+20 1.00E+19 1.00E+18 1.00E+17 1.00E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.24. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 10 keV, 2x1015 cm-2, après implantation. Les profils obtenus après le recuit rapide spike à 1080°C sont donnés sur la Figure II.25. La première remarque concernera la formation des agglomérats d’arsenic. Si l’accumulation d’arsenic immobile n’est pas visible sur les profils expérimentaux, elle apparaît en revanche clairement sur les profils simulés. Comme dans le cas précédent, elle est donc surévaluée. L’absence d’une bosse caractéristique sur les profils SIMS n’indique pas une absence d’agglomérats ; mais simplement que leur concentration, nulle ou pas, est inférieure à la concentration totale d’arsenic. Malgré cette agglomération trop importante, l’arsenic diffuse encore trop. Comme dans le cas du bore avec les interstitiels, on s’attendrait à ce que la stabilité des agglomérats empêche l’émission de paires arsenic – lacune, mobiles. Peut-être alors les coefficients de diffusion de ces paires sont-ils faussés, à moins que ce ne soit leur énergie de liaison (et, partant, leur fréquence de rupture). Mais vu l’importance des agglomérats sur la diffusion, il est imprudent de changer ces deux grandeurs avant de savoir ceux-ci suffisamment bien calibrés. 99 Chapitre II La simulation atomistique 1.00E+22 Concentration (cm-3) 1.00E+21 DADOS As Recuit SIMS As Recuit 1.00E+20 1.00E+19 1.00E+18 1.00E+17 1.00E+16 0 20 40 60 80 100 120 Profondeur (nm) Figure II.25. Profils d’arsenic simulés, et comparaison avec les profils obtenus par analyse SIMS, pour une implantation à 10 keV, 2x1015 cm-2, après un recuit rapide spike à 1080°C. Ainsi, pour des conditions de très forte dose et à énergie moyenne, la diffusion et l’agglomération de l’arsenic ne sont pas très bien calibrées. II.3.1.1.3 Autres dopants Outre ces deux dopants essentiels que sont l’arsenic et le bore, l’indium est aussi parfois utilisé ; mais c’est surtout le phosphore qui retient l’attention, en remplacement de l’arsenic. Ce dernier présente quelques problèmes d’activation, car son niveau dans le gap est moins en surface que celui d’autres dopants [Pichler04]. En outre, il a tendance à favoriser les fuites de jonction, dans un contexte où les budgets thermiques sont de plus en plus réduits. D’une part parce que son implantation génère une grande quantité de défauts, que les recuits dissolvent de moins en moins facilement ; d’autre part parce que l’arsenic diffuse très peu, formant alors des jonctions abruptes propice à la génération de porteurs par effet tunnel (N.B. : les mécanismes de fuite des jonctions abruptes seront abrodés en détail dans le Chapitre IV). Malheureusement, ces deux dopants, et en particulier le phosphore, n’ont fait l’objet d’aucun calibrage spécifique dans DADOS. Les mécanismes d’appariement et de diffusion des paires, d’agglomération, etc… sont implémentés, mais les coefficients des modèles doivent encore être ajustés. Ainsi leur utilisation dans DADOS, au cours de ces travaux, ne se fera que dans le but bien précis de simuler la génération et l’accumulation des défauts pendant les implantations, afin de prédire l’évolution de ces derniers au cours des étapes successives de recuits. II.3.1.1.4 Conclusion Pour l’arsenic et le bore, DADOS ne sera quantitativement fiable que pour des conditions de faible dose, et de préférence à des énergies pas extrêmement faibles. Cependant, le résultat obtenu n’est jamais absurde (même pour d’autres conditions non présentées ici, notamment à des températures plus basses), et, qualitativement, DADOS pourra tout de même nous être utile pour l’étude des dopants. Si les coefficients des différents modèles (énergies de liaisons, de migrations, préfacteurs, etc…) ne sont pas ajustés parfaitement, les modèles, eux, décrivent des phénomènes très proches de la physique réelle – en l’état actuel des connaissances. C’est pourquoi les 100 Chapitre II La simulation atomistique résultats ne sont jamais qualitativement faux, et les simulations effectuées avec cet outil peuvent permettre de comprendre certains phénomènes a priori inattendus… mais nous verrons cela dans la partie II.3.2. Suite à ces essais de simulations, nous avons décidé, pour des estimations quantitatives, de nous fier aux simulations continues, calibrées par l’équipe TCAD de Crolles… ou celle du CEA-LETI, finalement. Si les calibrages effectuées avec ces outils sont plus précises, elles sont en général valables sur des plages de paramètres expérimentaux beaucoup plus restreintes. C’est une différence importante entre DADOS et, par exemple, SProcess (de Synopsys). En revanche, nous allons à présent nous pencher sur l’évolution des défauts : est-ce que les résultats des simulations seront meilleurs ? II.3.1.2 Evolution des défauts étendus A l’heure où commence ce projet de thèse, DADOS est le seul simulateur commercial capable de simuler la formation et l’évolution des défauts étendus dans le silicium. A l’heure où se termine ce manuscrit, les outils de Synopsys le permettent également : certes par l’introduction de DADOS dans leur simulateur de procédés (module kMC de Sentaurus Process), mais aussi par des modèles continus. Reste que nous n’avons pas eu le temps d’effectuer des comparaisons entre DADOS et les outils Synopsys… Ces petites études sont des comparaisons des résultats de nos simulations à diverses publications. Les résultats expérimentaux sont obtenus par TEM, technique actuellement la plus au point pour des études qualitatives et quantitatives de défauts étendus [Cagnat08]. Ils proviennent pour la plupart – mais pas exclusivement – des laboratoires CEMES et LAAS de Toulouse. Une de ces études n’a pas été publiée mais réalisée par le CEMES directement sur des échantillons de Crolles. II.3.1.2.1 Implantations non-amorphisantes Les données expérimentales utilisées ici ont été publiées dans par Y. Lamrani et al. [Lamrani04], ainsi que par B. Colombeau et al. [Colombeau03]. Les résultats sont également présentés dans le manuscrit de thèse de P. Calvo [Calvo04]. L’échantillon, fabriqué par déposition en phase vapeur, contient quatre marqueurs de bore répartis sur le premier micron à partir de la surface, et dont la concentration est de 1x1018 cm-3. La diffusion de ces marqueurs ne sera pas étudiée, mais leur présence dans la simulation est indispensable pour reproduire les conditions expérimentales : le bore peut avoir une influence sur l’évolution des défauts étendus, comme nous le verrons dans le paragraphe II.3.1.2.3. L’ implantation de silicium à 100 keV et 2x1014 cm-2 ne conduit pas à l’amorphisation du substrat. Suit un recuit rapide à 850°C, pour des temps variant de 15 à 300 secondes. Les simulations ont été effectuées sur une profondeur de 1500 nm, et sur une surface de 300x100 nm2. Le modèle du taux de transition des défauts {311} vers les boucles de dislocation a été choisi. 101 Chapitre II La simulation atomistique La Figure II.26 montre l’évolution des défauts étendus observés par microscopie électronique à transmission, et celle obtenue par simulation atomistique. De telles comparaisons directes d’images sont purement qualitatives, car tous les variants de défauts étendus ne sont pas visibles selon les conditions expérimentales d’observations [Williams96, Cherkashin04]. La première vue plane montre qu’après 15 secondes de recuit, seuls des défauts {311} sont formés. Il s’agit d’une vue plane, qui permet de connaître la densité surfacique de défauts étendus. Cette quantification sera utilisée plus tard. Après 30 secondes de recuit, la vue transversale montre encore une fois la présence exclusive de défauts {311}, et surtout leur localisation en profondeur. Cette localisation est bien reproduite par la simulation. Les angles des différents variants de défauts {311} sont différents sur la photo et sur la projection de la simulation. Cela est dû à la direction d’observation, <110> sur le microscope et, pour des raisons de facilité de comparaison, <100> pour la simulation. La comparaison des images dans les deux directions d’observation avec le cliché de microscopie est présentée sur la Figure II.27. Après 250 s de recuit, les images de microscopie électronique montrent une grande majorité de boucles de dislocation, mais il reste de grands défauts {311}. Ces derniers ne sont pas présents dans les résultats de simulation, ce qui peut être attribué à un problème de statistique : la surface simulée et le nombre total de défauts étendus alors formés est trop faible pour voir des {311} restants. De plus la profondeur moyenne des défauts semble trop importante sur les simulations ; il est possible que le phénomène de canalisation ait été surestimé, mais quoiqu’il en soit les analyses sont ici confrontées à des problèmes de statistique. Le même problème que précédemment apparaît après 300 secondes de recuit, où on observe encore expérimentalement quelques défauts {311}. On peut cependant comparer les surfaces observées et simulées pour se rendre compte de la faible probabilité d’en trouver un dans la simulation. 30 s 250 s 15 s 300 s Figure II.26. Comparaisons des clichés de microscopie en transmission avec les projections en deux dimensions des simulations atomistiques. Les superpositions d’images sont à la même échelle. On remarquera le bon accord qualitatif entre les expériences et les simulations. 102 Chapitre II La simulation atomistique <100> <110> Figure II.27. La direction d’observation influe sur l’angle apparent des défauts {311} : l’échantillon expérimental est observé par la direction générale <110>. Mais en simulation, la densité de défauts {311} apparaît alors nonuniforme sur la largeur de la boîte de simulation (parallélépipède rectangle dont les faces sont des plans {100}). Une analyse quantitative des défauts observés expérimentalement a été effectuée dans les publications précédemment citées. Nous avons abordé plus haut le sujet de la profondeur moyenne des défauts étendus. Une quantification plus précise permet de montrer que la profondeur moyenne obtenue par simulation reproduit très bien les mesures expérimentales tant que le nombre de défauts est suffisamment important, c'est-à-dire jusqu’à environ 200 secondes de recuit ici, quand les boucles de dislocation se forment et croissent au détriment des défauts {311} restants. L’écart entre les profondeurs moyennes simulée et expérimentale sur la fin du recuit est donc bien dû à un problème de statistique. 500 Profondeur (nm) 400 300 200 Profondeur moyenne_Expérience Profondeur moyenne_Simulation 100 0 0 100 200 Temps de recuit (s) 300 Figure II.28. Evolution de la profondeur moyenne des défauts étendus au cours du recuit : comparaison des observations expérimentales et des résultats de simulation. Une étude portant particulièrement sur les défauts {311} montre l’évolution de leur densité (en nombre de défauts par unité de surface) (Figure II.29 (a)) et leur longueur moyenne (Figure II.29 (b)). On observe d’abord une chute trop brutale de la densité de défauts {311} ; c’est un artefact qui est dû à la limitation en taille de la boîte de simulation. Plus la surface simulée est grande, plus cette chute se produit tard au cours du recuit. Lorsque leur nombre devient trop petit, et qu’ils sont en concurrence avec des boucles de dislocation (plus stables), les défauts {311} se dissolvent rapidement. La seconde partie de la courbe (après 150 s) est donc faussée par un problème de taille de simulation. Leur longueur moyenne suit logiquement la même tendance sur cette partie de la courbe, due à une dissolution trop rapide. En ce qui concerne la première moitié du recuit, la diminution progressive de la densité des défauts {311} est 103 Chapitre II La simulation atomistique bien reproduite, en restant à une valeur environ une demie décade trop élevée. Il est possible que les défauts {311} les plus petits ne soient pas détectés sur les photos de microscopie électronique à transmission, mais cela n’explique pas une telle différence, notamment après plusieurs dizaines de secondes de recuit. La longeur moyenne des défauts {311} est également sous-estimée sur cette partie du recuit, tout en suivant une tendance correcte. Le décalage observé peut être également dû à une descritpion trop simpliste, ou plus exactement trop déterministe de la géométrie des défauts {311} : leurs longeur et largeur sont liées par la formule de Eq. II.17. Il est expérimentalement difficile de mesurer leur largeur, ce qui rend difficile l’implémentation d’un modèle exact. (b) 120 « Limite de détection »_Simulation Densité_Simulation Densité_Expérience Longueur moyenne_Expérience 1.E+11 1.E+10 Longueur moyenne_Simulation 100 Longueur (nm) Densité de défauts étendus (cm-2) (a) 1.E+12 80 60 40 20 1.E+09 0 0 100 200 Temps de recuit (s) 300 0 100 200 Temps de recuit (s) 300 Figure II.29. Evolution de la densité (a) et de la longueur moyenne (b) des défauts {311} : comparaison des résultats de simulation aux expériences. Néanmoins, l’analyse de l’évolution du nombre d’interstitiels piégés dans les défauts étendus révèle une tendance intéressante (Figure II.30). Leur dose totale est quasiment constante au cours du recuit, ce qui est la signature d’une maturation d’Ostwald conservative ; cela n’est pas surprenant au vu de la profondeur d’implantation. Mais si la simulation donne cette quantité en accord parfait avec le modèle +1 (ce qui n’est certes pas systématiquement le cas, voir [Pelaz98]), ce n’est en revanche pas le cas des mesures expérimentales (dose totale d’interstitiels de l’ordre de 5x1013 cm-2 au lieu de 2x1014 cm-2). Or cette « erreur » apparaît dès le début du recuit. Si l’évaluation expérimentale du nombre d’interstitiels est extrêmement délicate (la taille exacte des défauts étendus observés et comptés n’est pas facile à déterminer), il est également probable qu’une partie des défauts étendus n’ait pas été détectée, ce qui serait en accord avec les résultats de la figure précédente. Quantité d'interstitiels (cm-2) 1.E+16 I's dans les {311}_Expérience I's dans les {311}_Simulation I's dans les boucles_Expérience I's dans les boucles_Simulation I's dans les défauts étendus_Expérience I's dans les défauts étendus_Simulation 1.E+15 1.E+14 1.E+13 1.E+12 1.E+11 0 104 100 200 Temps de recuit (s) 300 Chapitre II La simulation atomistique Figure II.30. Evolution de la quantité (dose) d’interstitiels présents dans les défauts {311} et les boucles de dislocation, et de leur quantité totale. Enfin la présence de marqueurs de bore dans l’échantillon et l’étude de leur diffusion a été l’occasion de mesurer, ou plus exactement d’évaluer, la diffusion accélérée et transitoire, et ainsi la sursaturation d’interstitiels, en différentes profondeurs de l’échantillon, et ce à différents temps de recuit. En simulation, ces données sont plus directement accessibles. Le résultat pincipal a été de voir que la sursaturation d’intersitiels, outre de diminuer au cours du recuit, chutait aux abords de la surface – preuve directe de la recombinaison des interstitiels à l’interface oxyde – silicium [Lamrani04]. Ces deux tendances sont très bien reproduites par nos simulations (Figure II.31), même si le « gradient de sursaturation » aux abords de la surface est un peu moins marqué qu’expérimentalement. Les mesures ne sont, quoiqu’il en soit, qu’une estimation qualitative ; ce sont donc bien des tendances qu’il convient d’examiner ici. 10000 Sursaturation (/) 10000 10000 Sursaturation_Expérience_0-15s Sursaturation_Expérience_15-30s Sursaturation_Expérience_30-90s Sursaturation_Simulation_0-15s Sursaturation_Simulation_15-30s Sursaturation_Simulation_30-90s 1000 1000 1000 100 0 200 400 600 800 1000 100 0 200 Profondeur (nm) 400 600 800 1000 0 200 Profondeur (nm) 400 600 800 1000 Profondeur (nm) 1000 1000 Sursaturation (/) 100 10 1 Sursaturation_Expérience_200-300s Sursaturation_Expérience_90-200s Sursaturation_Simulation_90-200s 100 0 200 400 600 800 1000 Profondeur (nm) Sursaturation_Simulation_200-300s 0.1 0 200 400 600 800 1000 Profondeur (nm) Figure II.31. Evolution de la sursaturation d’interstitiels pendant le recuit à 850°C : comparaison des calculs expérimentaux et des simulations. II.3.1.2.2 Implantations amorphisantes La reproduction de telles expériences par la simulation dépend d’abord de l’exactitude des résultats après implantation : une amorphisation plus ou moins profonde laissera un nombre d’interstitiels plus ou moins important derrière l’interface amorphe – cristal, ce qui fausserait immanquablement l’évolution future des défauts étendus au cours du recuit. Nous allons donc d’abord nous pencher sur cet aspect de l’implantation avant de voir l’évolution des défauts étendus proprement dite, au cours des recuits. II.3.1.2.2.1 Effets de l’implantation : l’amorphisation Les premières expériences sur lesquelles nous allons nous baser n’ont pas été publiées. L’implantation est du germanium, à 30 keV, pour une dose de 3x1014 cm-2 ou 1x1015 cm-2. Les simulations ont été effectuées avec diverses tailles de boîtes de simulation, ce qui a un effet sur l’amorphisation du silicium. Le flux 105 Chapitre II La simulation atomistique moyen d’implantation n’étant pas connu, nous l’avons donc utilisé comme paramètre pour ajuster 100 80 Expérience Simulation_60x60 nm2 Simulation_100x100 nm2 Simulation_140x140 nm2 60 40 20 1.E+12 1.E+13 1.E+14 Flux moyen d'implantation (cm-2.s-1) Profondeur amorphe (nm) Profondeur amorphe (nm) l’amorphisation. Les résultats sont résumés sur la Figure II.32. 170 150 130 110 Expérience Simulation_20x20 nm2 Simulation_60x60 nm2 Simulation_100x100 nm2 Simulation_140x140 nm2 90 70 50 30 1.E+12 1.E+13 1.E+14 Flux moyen d'implantation (cm-2.s-1) Figure II.32. Effet du flux moyen d’implantation et de la surface simulée sur la profondeur amorphe obtenue par simulation : ajustement de la valeur du flux moyen pour retrouver la valeur mesurée. La profondeur amorphe expérimentale représentée correspond à celle obtenue avec un unique flux moyen, de valeur inconnue. De ces simulations et de leur comparaison avec la profondeur amorphe obtenue expérimentalement (45 et 55 nm pour des doses de 3x1014 cm-2 et 1x1015 cm-2, respectivement), on déduit que l’implantation de dose 3x1014 cm-2 a été effectuée avec un flux moyen d’implantation proche de 1x1014 cm-2.s-1, et l’implantation de dose 1x1015 cm-2 avec un flux moyen d’environ 1x1013 cm-2.s-1. Les expériences suivantes ont été publiées dans le manuscrit de thèse de P. Calvo [Calvo04]. L’implantation amorphisante de germanium à 30 keV, 1x1015 cm-2 est suivie d’une implantation de bore à faible énergie : 0.5 keV, et d’une dose de 1x1015 cm-2. La profondeur amorphe mesurée expérimentalement est de 55 nm ; celle obtenue par simulation varie statistiquement entre 50 et 55 nm, ce qui est une précision suffisante. Les implantations ont été simulées pour un flux moyen de 1x1012 cm2 -1 .s , ici encore choisi arbitrairement. Maintenant que nous savons que la profondeur amorphe est simulée avec suffisamment de précision pour ces cas particuliers, voyons enfin l’évolution des défauts étendus pendant le recuit. II.3.1.2.2.2 Effets du recuit : les défauts étendus Notons tout d’abord que l’implantation de bore a été également simulée, mais que sa diffusion n’a pas été analysée. Un premier recuit à 650°C pendant 5 secondes permet une recristallisation de l’échantillon avant les recuits suivants. Ceux-ci sont effectués à des températures moyennes, variant de 750°C à 950°C, et pour des temps compris entre 10 et 900 secondes. Les résultats présentés ici sont qualitatifs, en ceci qu’il s’agit simplement de comparaisons d’images de microscopie électronique à transmission et d’images obtenues par simulation. Mais outre l’aspect esthétique, cela permet de voir si le type des défauts présents (petits agglomérats, défauts {311} ou boucles de dislocation) est correctement reproduit, et donne tout de même une idée de l’évolution de leur densité. Les simulations du recuit à 800°C ont été effectuées pour deux valeurs de surfaces 80x80 nm2 et 120x120 nm2. Seuls les résultats des grandes surfaces sont présentés sur la Figure II.33. Aucune différence significative n’ayant été observée, les recuits aux autres températures ont été effectuées sur les plus petites 106 Chapitre II La simulation atomistique surfaces, plus économes en mémoire et temps de calcul (surface plus de deux fois moindre !). Commençons donc par regarder les résultats à 800°C. Après 10 secondes de recuit, seuls de petits défauts {311} sont visibles en grand nombre, aussi bien expérimentalement que simulés. Quand le temps de recuit augmente, ces défauts grandissent et leur densité diminue ; c’est la maturation d’Ostwald. On commence à voir apparaître quelques boucles de dislocation après 120 secondes de recuit, ce que nous n’avons pas en simulation. Encore une fois, le moment de l’apparition de la première boucle de dislocation n’est pas déterminé, mais contient, comme tout résultat de simualtion Monte Carlo, un certain caractère aléatoire ; d’autant plus marqué qu’à ce stade du recuit la densité de boucles de dislocation est encore faible. Après 300 secondes de recuit, on a bien une mélange de défauts {311} et de boucles de dislocation, et, 10 minutes plus tard, seules des boucles de dsilocation subsistent. 10 s 30 s 60 s 120 s 300 s 900 s Figure II.33. Evolution des défauts étendus à 800°C, après 10, 30, 60, 120, 300, et 900 secondes de recuit. Concernant le recuit à 750°C, seuls des défauts {311} subsistent après 5 minutes de recuit, de différentes tailles ; on observe leur maturation d’Ostwald sur la Figure II.34, bien reproduite par nos simulations. 30 s 120 s 300 s Figure II.34. Evolution des défauts étendus à 750°C, après 30, 120, et 300 secondes de recuit. 107 Chapitre II La simulation atomistique A 850°C, les boucles de dislocation sont déjà apparues après 30 secondes de recuit, et cohabitent avec les derniers défauts {311} ; la situation est qualitativement semblable après 60 secondes, avec cependant une proportion plus importante de boucles de dislocation (Figure II.35). 30 s 60 s Figure II.35. Evolution des défauts étendus à 850°C, après 30 et 60 secondes de recuit. Après 10 secondes à 900°C, des boucles se sont déjà formées mais de gros défauts {311} sont toujours présents ; ceux-ci sont beaucoup plus rares après 30 secondes, et sont absents de la simulation (Figure II.36). 30 s 10 s Figure II.36. Evolution des défauts étendus à 900°C, après 10 et 30 secondes de recuit. A 950°C enfin, les boucles de dislocation remplacent très vite tous les défauts {311} ; après 30 secondes, ni les images de microscopie ni les simulations ne montrent de défauts {311} restant. 30 s Figure II.37. Evolution des défauts étendus à 950°C, après 30 secondes de recuit. Ainsi ces résultats montrent que le comportement des défauts étendus après une implantation amorphisante est correctement reproduite ; le type de défauts présents en fonction du recuit et la tendance guidant l’évolution de leur densité sont justes quelque soit le recuit effectué. 108 Chapitre II La simulation atomistique Pour la seconde expérience, l’implantation de germanium (dose de 3x1014 cm-2), dans un substrat de type p (respectivement n), a été suivie d’une implantation d’arsenic, 1 keV, 2x1014 cm-2 (repectivement BF2, 1keV, 2x1014 cm-2) pour former une jonction n+p (respectivement p+n). Le profil de dopant est entièrement contenu dans la couche amorphe. Au vu des bons résultats obtenus précédemment, nous avons alors utilisé DADOS pour un travail de prédiction d’évolution des défauts ; désirant d’une part faire apparaître soit exclusivement des défauts {311}, soit exclusivement des boucles de dislocation, et jouant d’autre part avec des contraintes sur les températures de recuit. Pour l’obtention de défauts {311}, nous nous sommes tournés vers un recuit à basse température, c'està-dire 700°C. L’évolution de la quantité d’interstitiels contenus dans les différents types de défauts étendus au cours du recuit est représentée sur la Figure II.38, pour les deux types de jonction (n+p et p+n). Les premières boucles de dislocation apparaissent plus tard avec une implantation de BF2 qu’avec une implantation d’arsenic. Au-delà de l’effet statistique, il est probable qu’une partie des interstitiels 1.E+17 Petits agglomérats Défauts {311} Boucles de dislocation 1.E+16 1.E+15 Dose d'interstitiels (cm-2) Dose d'interstitiels (cm-2) soient piégés par les atomes de bore pour former des agglomérats mixtes. 1.E+14 1.E+13 1.E+12 1.E+11 1.E+10 1.E+17 Petits agglomérats Défauts {311} Boucles de dislocation 1.E+16 1.E+15 1.E+14 1.E+13 1.E+12 1.E+11 1.E+10 0 60 120 Temps de recuit (min) 180 0 60 120 Temps de recuit (min) 180 Figure II.38. Evolution de la quantité d’interstitiels contenus dans les défauts étendus pendant un recuit à 700°C après une implantation de germanium à 30 keV et 3x1014 cm-2, et une implantation à très faible énergie et faible dose d’arsenic (a) ou de BF2 (b). Afin d’effectuer le même recuit sur les deux plaques, nous avons décidé de recuire l’échantillon pendant une heure (60 minutes). Les observations au microscope électronique à transmission, effctuées au CEMES / LAAS de Toulouse, sont comparées aux images obtenues en simulation pour ce temps de recuit (Figure II.39). Les densités apparentes des défauts {311} semblent plus importantes en simulation qu’expérimentalement, ce qui confirmerait les résultats précédents ; cependant tous les variants de {311} ne sont pas visibles sur l’image de microscopie. 109 Chapitre II La simulation atomistique Figure II.39. Comparaison des images au microscope et des images simulées des défauts étendus après un recuit d’une heure à 700°C : présence de {311} uniquement. Pour obtenir des boucles de dislocation, nous avons simulé un recuit rapide, avec différents temps de plateau, à 900°C. Il apparaît qu’une minute de recuit suffit à transformer tous les défauts {311} (non 1.E+15 Dose d'interstitiels (cm-2) Dose d'interstitiels (cm-2) encore dissouts) en boucles de dislocation (Figure II.40). 1.E+14 1.E+13 Petits agglomérats 1.E+12 Défauts {311} Boucles de dislocation 1.E+11 1.E+10 1.E+15 1.E+14 1.E+13 Petits agglomérats 1.E+12 Défauts {311} Boucles de dislocation 1.E+11 1.E+10 0 30 60 90 Temps de recuit (s) 120 0 30 60 90 Temps de recuit (s) 120 Figure II.40. Evolution de la quantité d’interstitiels contenus dans les défauts étendus pendant un recuit à 900°C après une implantation de germanium à 30 keV et 3x1014 cm-2, et une implantation à très faible énergie et faible dose d’arsenic (a) ou de BF2 (b). Les images obtenues par microscopie électronique correspondent à ces résultats, seules des boucles de dislocation restent à la fin du recuit. Encore une fois les densités de défauts obtenues par simulation sont plus élevées qu’expérimentalement. Figure II.41. Comparaison des images au microscope et des images simulées des défauts étendus après un recuit d’une heure à 700°C : présence de boucles de dislocation uniquement. La conclusion de ces études est que l’évolution des défauts étendus est très bien reproduite par nos simulations, avec une densité de défauts cependant toujours supérieure à celle mesurée expérimentalement. Nous allons à présent tenter d’aller plus loin, en étudiant l’effet de la présence de bore sur la population de défauts étendus. II.3.1.2.3 Effet de la présence de bore sur l’évolution des défauts étendus Nous allons nous pencher sur des travaux publiés par Camillo-Castillo et ses collègues dans [CamilloCastillo04]. La problématique concerne l’impact de la présence de bore implanté sur le comportement des défauts étendus après une implantation amorphisante. Cette dernière est effectuée avec du germanium à 10 keV et 1x1015 cm-2 ; le bore est implanté à faible énergie (1 keV), de telle sorte 110 Chapitre II La simulation atomistique que tout le profil soit contenu dans la couche amorphisée ; ainsi l’implantation de bore n’introduit pas de défauts supplémentaires. L’ensemble est ensuite recuit à 750°C, par un recuit rapide (1 seconde) ou dans un four (pour des durées de 5 à 240 minutes). L’évolution des défauts étendus est ensuite étudiée par microscopie électronique à transmission. En l’absence de bore, les défauts étendus suivent une évolution classique : les petits agglomérats, les défauts {311} puis les boucles de dislocation subissent un phénomène de maturation d’Ostwald, dans ce cas non conservatif du fait de la proximité de la surface (faible énergie d’implantation du germanium). Cette évolution semble bien reproduite par nos simulations atomistiques. Elle est représentée sur la Figure II.42. En présence de bore, les photos de microscopie montrent une réduction de la densité de défauts étendus par rapport au cas sans bore, et ce jusqu’à ce qu’ils ne soient plus détectés par la technique de microscopie (densité trop faible pour 60 minutes et plus). Cette diminution de la densité de défauts étendus en présence du bore est reproduite ; mais nous gardons bien à l’esprit qu’il s’agit pour le moment d’une étude qualitative. Figure II.42. Evolution des défauts étendus après une implantation amorphisante, en l’absence (gauche) et en présence (droite) de bore. Photographies du microscope électronique à transmission tirées de [CamilloCastillo04]. Si l’on regarde l’évolution quantitative de cette densité de défauts étendus, représentée sur la Figure II.43, on voit que sa réduction due au bore est en effet reproduite par DADOS, mais de manière moins radicale que mesurée expériementalement. 111 La simulation atomistique Densité de défauts (cm-2) Chapitre II 1.E+13 Limite de détection TEM Limite de détection DADOS Expérience_Sans B 1.E+12 1.E+11 1.E+10 1.E+09 Expérience_Avec B 1.E+08 Simulation_Sans B 1.E+07 Simulation_Avec B 1.E+06 0 60 120 180 240 Temps de recuit (min) Figure II.43. Comparaison quantitative de l’évolution des densités expérimentale et simulée de défauts étendus au cours du recuit, sans et avec une implantation de bore dans la couche amorphe. Données expérimentales d’après [CamilloCastillo04]. Ce qu’il faut en conclure à propos du calibrage de DADOS est que les tendances sur la description des défauts étendus sont, dans tous les cas que nous avons vus jusqu’à présent, bien reproduites, quoique les informations quantitatives soient parfois erronées. Mais regardons de plus près les résultats obtenus par simulation. Après 30 minutes de recuit, la quantité d’interstitiels présents dans les défauts étendus ({311} et boucles de dislocation) est de 3.74x1014 cm-2 en l’absence de bore. En présence de bore, cette quantité est réduite à 2.17x1014 cm-2, valeur d’un tiers inférieure à la précédente. Par ailleurs la quantité d’interstitiels piégés dans des agglomérats mixtes de bore est de 1.64x1014 cm-2. Ainsi la quantité totale d’interstitiels présents est de 3.79x1014 cm-2, soit la même que celle présente dans les défauts étendus en l’absence de bore. Cela confirme la thèse proposée par Camillo-Castillo et ses collègues dans cette publication, c'est-à-dire que les interstitiels absents des défauts étendus et donc non-visibles par microscopie électronique sont en réalité piégés par le bore. La quantité d’interstitiels présents dans le silicium reste la même, mais sa répartition est differente puisque les complexes de bore interviennent. Les profils de concentration des interstitiels présents dans les défauts étendus sont tracés sur la Figure II.44. On peut y remarquer que les défauts étendus qui souffrent le plus de la présence du bore sont les défauts les moins stables ({311} par rapport aux boucles de dislocation), mais surtout ceux qui se trouvent le plus près de la surface de l’échantillon – où se trouve la zone riche en bore. Il existe donc une corrélation spatiale entre les défauts étendus « disparus » et la formation des agglomérats mixtes de bore. Cette corrélation, qui ne peut être détectée par des images de microscopie en vue plane, conforte la thèse déjà évoquée quant à l’origine de la diminution du nombre de défauts étendus en présence de bore. 112 Chapitre II La simulation atomistique 1.E+21 Concentration (cm-3) {311}_Sans B 1.E+20 Boucles_Sans B 1.E+19 {311} Avec B 1.E+18 Boucles_Avec B 1.E+17 Complexes de B_Avec B 1.E+16 0 50 100 Profondeur (nm) Figure II.44. Interstitiels contenus dans les défauts étendus et – le cas échéant – les agglomérats de bore : comparaison des profils de concentration sans ou en présence de bore implanté. Nous voyons ainsi que DADOS permet de comprendre les phénomènes en jeu, grâce à une implémentation de modèles physiques, et ce même si ils ne sont pas parfaitement calibrés. Les tendances données par les simulations effectuées avec DADOS sont bonnes, et cela en fait un outil très puissant pour la compréhension. II.3.1.2.4 Effet de la température d’un recuit rapide de type spike Expérimentalement on observe que la diminution de la température du recuit d’activation spike a tendance à augmenter les fuites de jonction. Ces fuites sont mesurées sur des jonctions avec des lignes de polysilicium gravées à la longueur de grille, si bien que la jonction étudiée est la même que sur les transistors. Ces fuites sont a priori dues à la dissolution plus ou moins efficace des défauts d’implantation. La Figure II.45 représente ces fuites à la tension de fonctionnement (non communiquée), sur un pMOSFET. Les conditions expérimentales sont les suivantes : préamorphisation au germanium (25 keV, 4x1015 cm-2), implantations des extensions en bore (0.5 keV, 8x1014 cm-2) et poches en arsenic (50 keV, Fuite de la jonction (A.µm-1) 3.7x1013 cm-2 et inclinaison 25°), le tout suivi d’un recuit rapide de type spike. 1.E-08 1.E-09 1.E-10 1.E-11 1080°C 1055°C 1030°C Température de recuit Figure II.45. Evolution des fuites de jonction avec la température d’un recuit rapide de type spike. Nous n’avons pas effectué de simulations de cet échantillon au cours de cette thèse. Cependant, l’effet de la température du même recuit a été examiné brièvement sur d’autres cas : pas de préamorphisation, mais une implantation amorphisante des extensions en arsenic (1 keV, 5x1014 cm-2) accompagnée d’une implantation des poches en BF2 (30 keV, 4x1013 cm-2, inclinaison 25° et rotation 23°). La Figure II.46 montre que plus la température est abaissée, plus il reste de défauts étendus à la fin du procédé de fabrication. Du fait de la température relativement élevée du recuit, il s’agit toujours de boucles de dislocation. Si les cas expérimental et simulé ne peuvent être directement comparés, il convient tout de 113 Chapitre II La simulation atomistique même de noter que les tendances dégagées sont les mêmes : la réduction de la température de recuit ne permet pas de dissoudre tous les défauts étendus générés par l’implanttaion ionique. 1080°C 1055°C 1030°C Figure II.46. Résultats de simulation montrant une dissolution moins efficace des défauts étendus avec une température de recuit spike plus basse. II.3.1.2.5 Conclusion sur la simulation des défauts étendus Ces différentes petites études nous ont montré que concernant la simulation des défauts étendus, DADOS donnait toujours des tendances conformes aux expériences. Même si les informations quantitatives sont moins fiables, on pourra se reposer sur nos simulations pour étudier les défauts dans le silicium au cours des procédés de fabrication, surtout pour effectuer des comparaisons entre différentes conditions. II.3.2 Etudes réalisées avec DADOS Les deux études présentées dans ce paragraphe ont été réalisées, bien entendu, à l’aide de simulations atomistiques de procédés effectuées avec DADOS. Leur originalité réside principalement dans la façon d’utiliser ces simulations : les principaux efforts ont porté sur la compréhension des phénomènes simulés et observés expérimentalement. DADOS est en effet un outil qui peut être dans ce but d’un appui solide à son utilisateur ; d’abord de par l’implémentation, proche de la réalité physique, des mécanismes élémentaires de la diffusion des défauts (au sens large) du silicium ; mais aussi grâce à cet atout majeur de la simulation sur les expériences, celui de donner accès à toutes les informations souhaitées sur l’évolution des grandeurs simulées, et ce à tout moment du procédé de fabrication. Ce sont dans DADOS principalement des données atomistiques, à savoir l’évolution de la nature, de la quantité, de la localisation des défauts, mais aussi de la diffusion et de l’activation des impuretés – dopantes ou non. II.3.2.1 Compréhension physique des effets du flux moyen d’implantation sur l’activation du bore dans les source et drain en bore des pMOSFET II.3.2.1.1 Introduction 114 Chapitre II La simulation atomistique Cette étude a été l’objet d’une présentation à la conférence ESSDERC (European Solid-State Device Research Conference) en septembre 2007, et un article a également été publié en marge de cette conférence [Singer07]. C’est certes tout l’objet de cette thèse, mais rappelons que la génération et l’accumulation de défauts d’implantation dans le silicium joue un rôle crucial dans les caractéristiques futures des dispositifs, aussi bien de par leur rôle sur la diffusion et l’activation des dopants au cours des étapes successives de procédé, que par leur influence sur les fuites de la jonction finale. En plus d’un contrôle précis de la dose et de l’énergie d’implantation (génération des défauts), il est devenu important de considérer le flux moyen d’implantation, à cause de son impact sur l’accumulation de défauts [Cagnat06, Pelaz99a]. En particulier, passer de l’utilisation d’un implanteur multiplaques avec un faisceau circulaire à un implanteur monoplaque avec un faisceau en ruban peut conduire à des différences sur le comportement du dispositif, parce que les flux moyens d’implantation sont a priori différents. Il est donc primordial de comprendre les effets de celui-ci pour comprendre les causes de ces différences. II.3.2.1.2 Expériences Les deux types d’implanteur comparés ici sont ceux décrits dans le paragraphe II.3.2.2. Des jonctions ont été fabriquées sur dispositifs CMOS, et également en pleine plaque (sans motif) pour analyses SIMS (voir annexe B.1). Une implantation de type source/drain (BF2, 15 keV, 3.6x1015 cm-2) a été effectuée avec un type d’implanteur ou l’autre, suivie d’une implantation de bore (13 keV, 6x1013 cm-2) pour lisser la queue du profil de bore, puis d’un recuit rapide de type spike à 1113°C. D’autres détails expérimentaux pourront être trouvés dans [Cagnat06]. Premièrement, il a été observé que changer de l’implanteur multiplaques pour l’implanteur monoplaque entraînait une diminution de la résistance par carré de la couche active de 6%. Cette variation est bien supérieure aux incertitudes expérimentales. Comme mentionné dans [Kaeppelin06], ce changement de la résistance de couche ne pût s’expliquer par un décalage éventuel de la dose entre les deux implanteurs, puisque les profils implantés étaient parfaitement superposés. II.3.2.1.3 Résultats et discussion II.3.2.1.3.1 Evolution de l’agglomération du bore à la distance parcourue projetée Nous avons effectué des simulations pour cette étude dans le but de comprendre les différences observées expérimentalement. L’idée est de regarder l’évolution des agglomérats mixtes de bore. Afin de faciliter l’interprétation des simulations, et de favoriser la compréhension physique plutôt que la reproduction d’expériences, nous avons d’abord utilisé pour nos simulations les structures très simplifiées de la Figure II.47, avec des profils en créneau de bore et d’interstitiels. 115 Chapitre II La simulation atomistique 5 nm Concentration 10 nm Bore Interstitiels Couche amorphe depth Rp interface amorphe / cristal à 30 nm Figure II.47. Description des structures simplifiées utilisées pour nos simulations. Il est néanmoins essentiel de respecter les détails suivants afin d’interpréter correctement les résultats, puis de relier ces simulations aux expériences. Choisi d’après le profil implantaté, le profil de bore s’étend sur 10 nm de profondeur, avec une concentration similaire à la concentration maximale du profil implanté, et centré autour de la distance parcourue projetée. Comme l’implantation de BF2 est amorphisante, nous avons également placé une couche amorphe dans notre structure ; en effet durant la recristallisation les atomes de bore se partagent entre atomes actifs (potentiellement mobiles par le mécanisme d’expulsion : voir paragraphe I.2.2.2) et agglomérés (immobiles). De plus nous ne pouvons pas négliger les effets de l’interface amorphe / cristal sur le piégeage des interstitiels avant recristallisation parfaite. Un profil également carré d’interstitiels a été placé dans la région de fin de parcours, juste derrière l’interface amorphe / cristal. Nous avons fait varier la concentration en interstitiels entre 1x1020 et 5x1021 cm-3. Comme la recristallisation laisse un silicium sans défauts après recuit, nous n’incluons pas d’interstitiels dans la zone amorphe. Le profil d’interstitiels s’étend sur 5 nm, valeur proche de celle observée sur le pic d’interstitiels après implantation. Le profil de température du recuit est également respecté, particulièrement à haute température. Initialement la formation des boucles de dislocation est désactivée de nos modèles de simulation, afin de dissocier les différents effets et de tirer de justes conclusions. Le recuit de cette structure simplifiée conduit à la conclusion suivante : une augmentation de la quantité d’interstitiels au-delà de la couche initialement amorphe favorise la dissolution des agglomérats mixtes de bore à la distance parcourue projetée. Dans ces simulations, comme les boucles de dislocation ne se forment pas, les atomes de bore qui s’échappent des agglomérats diffusent à travers le substrat. C’est pourquoi la queue de diffusion du bore est plus étendue quand les agglomérats se dissolvent. L’évolution des profils de bore avec la quantité d’interstitiels introduits est visible sur la Figure II.48. 116 Chapitre II La simulation atomistique Concentartion (cm-3) 1E+21 dissolution des agglomérats [I] = 1E20 I/cm3 [I] = 1E21 I/cm3 [I] = 5E21 I/cm3 1E+20 1E+19 Diffusion du bore 1E+18 0 20 40 60 80 100 120 140 Profondeur (nm) Figure II.48. Evolution des profils carrés de bore après recuit avec différentes quantités d’interstitiels introduits dans la région de fin de parcours. Les mécanismes de dissolution des agglomérats de bore sont les suivants. Après recristallisation la plupart des agglomérats de bore sont de composition soit B3I soit B2. En présence de ces deux types d’agglomérats, trois réactions dominent : B 3 I → B 2 + BI ; Eq. II.42 B 2 + BI → B 3 I ; Eq. II.43 et B 2 + I → B 2 I → Bs +BI , Eq. II.44 où BI est la paire bore – interstitiel et Bs est le bore en position substitutionnelle (actif). L’agglomérat B3I peut émettre un atome mobile de bore apparié avec un interstitiel, selon la réaction décrite par Eq. II.42. Donc dès le début du recuit, les agglomérats B2 proviennent à la fois de la recristallisation et / ou de la dissolution partielle des B3I. Ce que captureront les B2 va déterminer l’évolution future des agglomérats de bore. Si un B2 capture une paire BI (Eq. II.43) pour former à nouveau B3I, le système évolue vers une certaine stabilisation des agglomérats. Si un B2 capture un interstitiel (Eq. II.44) un B2I se forme, qui est peu stable. B2I va se dissoudre très rapidement, en émettant lui-même une paire BI, et en laissant dans le réseau un atome de bore substitutionnel et actif Bs. Or quand la concentration d’interstitiels dans la zone de fin de parcours est assez élevée, la capture d’un interstitiel par B2 devient hautement probable, plus probable que la capture d’une paire BI. La réaction Eq. II.44 devient prépondérante devant Eq. II.43. C’est la raison pour laquelle la dissolution des agglomérats est favorisée quand la concentration d’interstitiels augmente. Cependant la manière utilisée ici pour augmenter la quantité d’interstitiels est quelque peu artificielle ; à la place, on peut faire varier cette quantité en modifiant la profondeur amorphe. En effet, d’une part, tous les défauts (paires de Frenkel et interstitiels en excès) qui se trouvent dans la région amorphisée seront recombinés, soit au cours de la réparation du réseau ou à l’interface avec l’oxyde de surface ; d’autre part, le profil d’interstitiels résultant du modèle « +1 » – donc qui ne subissent pas de recombinaison directe avec les lacunes (voir paragraphe I.1.2.3.3et [Giles91, Pelaz01]) est invariable quand l’énergie, la dose et les angles d’implantation sont fixés. Donc si la profondeur amorphe varie alors que ces paramètres restent constants, la quantité d’interstitiels en excès dans la région de fin de parcours sera changée, comme illustré par la Figure II.49. 117 La simulation atomistique Concentration d’interstitiels Chapitre II Différence de quantités d’interstitiels en excès avec différentes profondeurs amorphes Couche amorphe profondeur interface a/c Figure II.49. Illustration schématique de la variation de la quantité d’interstitiels en excès par une variation de la profondeur amorphe. Les interstitiels en excès de la couche amorphe « disparaissent » au cours de la recristallisation. Avec les simulations suivantes, nous allons essayer d’examiner l’agglomération du bore à la distance parcourue projetée en utilisant des profils implantés (simulés) de bore, et en faisant varier la profondeur amorphe. Nous utiliserons également des profils d’interstitiels et de lacunes obtenus par des simulations Monte Carlo d’implantation, qui donnent un profil net d’interstitiels correct ([I]-[V]). La nouvelle concentration structure, plus proche des expériences, est présentée sur la Figure II.50. Bore Interstitiels Lacunes profondeur interface a/c Figure II.50. Description de la seconde structure utilisée pour nos simulations, cette fois plus proche des conditions expérimentales. Comme nous nous y attendions, ces simulations montrent, après le recuit spike, une perte de la quantité de bore aggloméré de 15% avec une diminution de l’épaisseur de couche amorphe de 2.5 nm. Le bore s’agglomère principalement à la distance parcourue projetée car c’est dans cette région que sa concentration est la plus forte [Stolk97]. Les profils de bore aggloméré sont montrés sur la Figure II.51. 118 Chapitre II La simulation atomistique Concentartion (cm-3) 1.E+21 1.E+20 1.E+19 High Forte amorphization amorphisation Faibleamorphization amorphisation Low 1.E+18 0 10 20 Profondeur (nm) 30 Figure II.51. Profils de bore aggloméré après recuit pour deux profondeurs amorphes différentes. Cette simulation montre qu’une petite variation de la profondeur amorphe pouvait conduire à une différence significative de l’agglomération du bore à la distance parcourue projetée. Mais comment justifier un changement de profondeur amorphe entre deux implantations à dose, énergie et angles constants ? L’amorphisation du réseau est due à l’accumulation d’interstitiels et de lacunes durant l’implantation [Pelaz01]. Si l’on donne en moyenne plus (ou, respectivement, moins) de temps entre chaque collision d’un ion avec le cristal, on augmente (ou, respectivement, diminue) l’efficacité de la recombinaison des paires interstitiel – lacune pendant l’implantation. Une solution est alors de changer le flux moyen d’implantation FImoy. Dans cette étude en particulier, ce paramètre sera calculé ainsi : FI moy = Dose , t impl ⋅ Nb plaques Eq. II.45 où timpl est le temps total d’implantation, et Nbplaques est le nombre de plaques procédées dans le même temps – 13 pour l’implanteur multiplaques, et 1 pour l’implanteur monoplaque. L’augmentation du flux moyen d’implantation est un moyen pour diminuer le temps entre deux collisions, permettant une plus forte accumulation de défauts. Un flux moyen d’implantation plus élevé devrait donc conduire à une profondeur amorphe plus importante pour des implantations équivalentes. Cela a effectivement été observé expérimetalement par Nathalie Drogue (Cagnat), à Crolles ; ce qui a fait Profondeur amorphe (nm) l’objet d’une publication [Cagnat06] (voir Figure II.52). 33 32 31 30 1.E+11 1.E+12 1.E+13 1.E+14 -2 -1 Flux d’implantation (cm .s ) Figure II.52. Profondeur amorphe en foncton du flux moyen d’implantation. Données expérimentales de [Cagnat06]. 119 Chapitre II La simulation atomistique Bien que la mesure directe de la quantité d’interstitiels après implantation soit très délicate, elle est directement liée au nombre et à la taille des boucles de dislocations présentes après un recuit judicieusement choisi. C’est ainsi qu’il a été observé et noté dans cette publication que la quantité d’interstitiels en excès présente dans la région de fin de parcours diminuait quand la profondeur amorphe Nombre de boucles de dsilocations augmentait (avec le flux moyen d’implantation), comme on l’attendait (Figure II.53). 30 20 10 0 30 31 32 Profondeur amorphe (nm) 33 Figure II.53. Nombre de boucles de dislocations observé (représentatif de la quantité d’interstitiels) en fonction de la profondeur amorphe. Données expérimentales publiées dans [Cagnat06]. II.3.2.1.3.2 Accumulation et désactivation du bore dans la zone de fin de parcours Des boucles de dislocation plus nombreuses et plus grosses se forment quand le flux moyen d’implantation décroît. Or les boucles de dislocation sont connues pour piéger le bore – qui s’accumule donc à leur alentour – et le désactiver [Bonafos97]. Dans notre cas, les boucles piègent à la fois du bore (i) « échappé » lors de la dissolution des agglomérats à la distance parcourue projetée et (ii) une partie du bore actif se trouvant à leur proximité. Cela explique les analyses SIMS de la Figure II.54, analyses des 1.E+21 Concentration (cm-3) Concentration (cm-3) implantations décrites dans le paragraphe précédent recuites avec le même spike que les dispositifs. Fort flux moyen Faible flux moyen 1.E+20 Région de fin de parcours 1.E+19 Distance parcourue projetée 1.E+18 0 20 40 60 80 100 Profondeur (nm) 120 140 5.E+20 Fort flux moyen Faible flux moyen 4.E+20 3.E+20 2.E+20 Distance parcourue projetée 1.E+20 15 20 25 Région de fin de parcours 30 35 40 Profondeur (nm) Figure II.54. (a) Profils expérimentaux (SIMS) du bore après le recuit spike pour deux différents flux moyens d’implantation, d’après [Cagnat06]. (b) Grossissement sur les deux bosses. - (i) Suivant notre précédent raisonnement, nous nous attendons à ce qu’un flux moyen d’implantation fort favorise l’accumulation du bore à la distance parcourue projetée, parce que la quantité d’interstitiels présents dans la région de fin de parcours est moins importante. Par ailleurs un faible flux moyen d’implantation devrait favoriser une accumulation du bore dans la région de fin de parcours, au détriment de l’accumulation à la distance parcourue projetée. En effet, après le recuit le bore montre une claire tendance à s’accumuler soit à la distance parcourue projetée avec un fort flux moyen 120 Chapitre II La simulation atomistique d’implantation (amorphisation plus profonde), soit dans la région de fin de parcours dans le cas d’un flux moyen d’implantation faible (amorphisation moins profonde). On peut observer sur la Figure II.55 que la somme des doses présentes dans les deux bosses est sensiblement constante par rapport à la profondeur amorphe. C’est la preuve expérimentale que les atomes de bore émis par la dissolution des agglomérats de la distance parcourue projetée sont capturés Dose dans les bosses (cm-2) par les boucles de dislocations – lorsqu’il y en a. 1.E+15 Dose à la distance parcourue projetée Dose dans la région de fin de parcours Somme des doses dans les deux bosses 8.E+14 6.E+14 4.E+14 2.E+14 0.E+00 30 31 32 Profondeur amorphe (nm) 33 Figure II.55. Doses de bore dans chaque bosse et leur somme en fonction de la profondeur amorphe - (ii) De plus les boucles de dislocation dégradent l’activation du « nuage » d’atomes de bore effectuant des migrations autour d’elles. Cela est visible par une comparaison détaillée des profils SIMS dans cette région. Comme nous l’avons montré plus haut, quand la couche amorphe est plus fine, il y a moins d’agglomération du bore à la distance parcourue projetée ; mais tous les atomes de bore relâchés par les agglomérats ne sont pas actifs. Au contraire, les boucles de dislocation situées dans la zone de fin de parcours capturent – et désactivent – certes, ces atomes libérés des agglomérats de la distance parcourue projetée, mais encore les atomes de bore diffusant à travers cette barrière de défauts étendus. Les atomes étaient dans ce dernier cas actifs, donc potentiellement mobiles par le mécanisme d’expulsion (voir paragraphe I.2.2.2 et [Cowern99c]) ; au cours de leurs étapes de migration ils ont été capturés par les boucles de dislocation. Ceci est visible sur les profils SIMS par une légère désertion dans la région entourant les défauts de fin de parcours, ce qui est mis en évidence par la Figure II.56. Si l’on extrapole cette partie du profil pour obtenir le profil de bore actif, la variation de la résistance par carré entre les deux cas est de 4%, variation qui peut être comparée à celle de 6% mesurée directement sur les dispositifs. 121 Chapitre II La simulation atomistique Concentration (cm-3) 20.4 Fort flux moyen Faible flux moyen 20.2 20 19.8 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Profondeur (nm) Figure II.56. Zoom des profils SIMS de la Figure II.54 sur la région autour des défauts de fin de parcours. C’est la raison pour laquelle la résistance par carré de la couche active augmente quand il reste plus d’interstitiels après recristallisation dans la région de fin de parcours, même si les agglomérats de bore situés dans la zone de la distance parcourue projetée se dissolvent plus vite. Un flux moyen d’implantation plus faible, qui amorphise moins et laisse plus de défauts étendus stables dans la zone de fin de parcours, conduit à une résistance par carré plus élevée. II.3.2.1.4 Résumé Dans cette étude nous avons examiné les mécanismes atomistiques responsables de l’effet du type d’implanteur sur les caractéristiques du dispositif. Il a été prouvé que le flux moyen d’implantation était responsable de potentielles disparités entre les dispositifs, observées entre les deux implanteurs. Un flux moyen d’implantation plus faible conduit à une profondeur amoprhe moins importante, qui a son tour laisse moins d’interstitiels en excès derrière l’interface amorphe / cristal. Les simulations ont été utilisées pour montrer que ces interstitiels étaient directement responsables de la plus rapide dissolution des agglomérats de bore à la distance parcourue projetée. En outre ils forment plus de boucles de dislocations plus stables (car plus grosses), qui sont capables de capturer non seulement les atomes de bore venant de la dissolution des agglomérats précédemment cités, mais aussi le bore actif proche de la région de fin de parcours. Le flux moyen d’implantation variant entre l’implanteur multiplaques et l’implanteur monoplaque de 2x1011 à 6x1013 cm-2.s-1, on explique alors l’abaissement de la résistance par carré observée sur les MOSFETs par l’augmentation du flux moyen d’implantation subie lorsque l’on passe du premier équipement au second. II.3.2.2 De l’effet des paramètres de l’outil d’implantation ionique sur l’endommagement du silicium : le rôle du flux instantané d’implantation II.3.2.2.1 Introduction à l’étude L’étude qui va être présentée dans ce paragraphe a fait l’objet d’une présentation orale lors de la 17ème conférence internationale sur l’implantation ionique (IIT 2008), avec en parallèle un article publié dans les 122 Chapitre II La simulation atomistique actes de cette conférence [Singer08a]. Elle illustre très bien l’intérêt, voire la nécessité, de considérer en simulation l’implantation ionique comme une série d’impulsions – quand c’est le cas expérimentalement. Nous avons vu que l’espèce implantée, la dose, l’énergie, et les angles d’inclinaison et de rotation, ainsi que la température de la plaque et le flux moyen d’implantation, influençaient la génération et l’accumulation de défauts dans le silicium au cours de l’implantation ionique. Dans cette étude, les effets d’autres paramètres spécifiques aux machines d’implantation sont aussi examinés. Pour l’implanteur multiplaque, les vitesses de balayage et de rotation de la roue, et le diamètre du faisceau – contrôlé par sa focalisation –seront analysés. Pour l’implanteur monoplaque, nous étudierons les effets de la vitesse de balayage, et de la largeur du faisceau – résultat, encore une fois, de la focalisation du faisceau. Les valeurs des paramètres de l’implanteur utilisées comme références, ainsi que les bornes entre lesquelles elles peuvent varier, sont rassemblées dans le Tableau II.2 pour l’implanteur multiplaques, et dans le Tableau II.3 pour l’implanteur monoplaque. Les fourchettes de variations possibles sont nées de discussions avec les équipes en charge de l’implantation à Crolles, ainsi que de diverses réflexions… qui sont résumées dans les annexes. Tableau II.2. Valeurs de référence et variations utilisées pour les paramètres de l’implanteur multiplaques. Fourchette de valeurs plausibles Abréviation Description Valeur de référence Droue(Multi) Diamètre de la roue 130 cm Vrotation(Multi) Vitesse de rotation 15 tours.s-1 Dbalayage(Multi) Amplitude de balayage 35 cm Ifaisceau(Multi) Courant du faisceau ionique 5 mA Dfaisceau(Multi) Diamètre du faisceau 5 cm 1 – 15 cm Vbalayage(Multi) Vitesse de balayage 5 cm.s-1 1 – 30 cm.s-1 pour les paramètres étudiés 1 – 35 tours.s-1 Tableau II.3. Valeurs de référence et variations utilisées pour les paramètres de l’implanteur monoplaque. Fourchette de valeurs plausibles Abréviation Description Valeur de référence Dbalayage(Mono) Amplitude de balayage 35 cm Ifaisceau(Mono) Courant de faisceau 5 mA Lfaisceau(Mono) Longueur de faisceau 30 cm lfaisceau(Mono) Largeur du faisceau 3 cm 1 – 10 cm Vbalayage(Mono) Vitesse de balayage 20 cm.s-1 10 – 40 cm.s-1 pour les paramètres étudiés Les conditions d’implantation sont choisies arbitrairement, proches de la limite d’amorphisation pour ces valeurs de référence. Aussi les valeurs des paramètres pour lesquelles l’endommagement varie fortement ne pourront être généralisées. Pour chaque condition d’implantation, une étude spécifique est nécessaire si l’on souhaite connaître l’influence de ces paramètres. En revanche, les conditions d’implantation choisies ici permettront de mettre en évidence les effets des paramètres étudiés sur l’accumulation de défauts. On quantifiera alors l’endommagement du substrat par le volume de silicium amorphisé ; 123 Chapitre II La simulation atomistique volume dont la valeur est normalisée par rapport à celle obtenue avec les valeurs de référence des paramètres variables. Pour entrer dans le détail, ce volume est déterminé par la quantité d’interstitiels présent dans le matériau amorphe dans DADOS. En effet, le matériau amorphe est représenté dans DADOS comme contenant une concentration constante et élevée d’interstitiels. Ces interstitiels sont une manière artificielle de visualiser, positionner, et quantifier le matériau « silicium amorphe » dans la simulation. Ils sont étiquetés comme étant attachés au matériau amorphe ; on ne peut ainsi pas les confondre avec de « véritables » interstitiels. Enfin, le courant du faisceau n’est pas modifié afin que le flux moyen d’implantation reste constant. II.3.2.2.2 Résultats Les résultats sont présentés par des courbes représentant le volume de silicium amorphe (échelle normalisée) en fonction du paramètre étudié. Commençons par regarder le cas de l’implanteur multiplaques. Pour la vitesse de balayage, on n’observe pas de transition nette entre des valeurs pour lesquelles une amoprhisation a lieu ou pour lesquelles le substrat reste entièrement cristallin (Figure II.57 (a)). Dans les conditions critiques d’amorphisation dans lesquelles nous nous sommes placés, cela signifie que la vitesse de balayage a un impact non significatif sur l’accumulation de défauts lors de l’implantation. Bien que la vitesse de rotation de la roue est en général fixée pour chaque implanteur, nous nous sommes demandé quels seraient les effets de sa variation. Cependant, aucune variation significative de 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 (a) 0 10 20 30 Vitesse de balayage (cm.s-1) Volume amorphe (u.a.) Volume amorphe (u.a.) l’amorphisation n’est observée dans la fourchette de valeurs examinée (Figure II.57 (b)). 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 (b) 0 10 20 30 Vitesse de rotation (tours.s-1) Figure II.57. (a) Effet de la vitesse de balayage de la roue de l’implanteur multiplaques sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. (b) Effet de la vitesse de rotation de la roue sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. Enfin une variation du diamètre du faisceau ionique peut conduire à un changement radical de l’endommagement du silicium durant une implantation (Figure II.58). 124 La simulation atomistique Volume amorphe (u.a.) Chapitre II 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 0 5 10 Diamètre du faisceau (cm) 15 Figure II.58. Effet du diamètre du faisceau de l’implanteur multiplaques sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. Concernant l’implanteur monoplaque, la Figure II.59 (a) montre que la vitesse de balayage n’a aucune incidence sur l’amorphisation du silicium. En revanche, l’effet de la focalisation du faisceau sur l’accumulation de défauts est quelque peu remarquable (Figure II.59 (b)). Il existe une valeur de transition très bien marquée – dépendante des autres paramètres et bien entendu des conditions 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 Volume amorphe (u.a.) Volume amorphe (u.a.) d’implantation – au-delà de laquelle le volume de silicium amorphisé décroît soudainement. (a) 10 20 30 Vitesse de balayage (cm.s-1) 40 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 (b) 0 2 4 6 8 Largeur du faisceau (cm) 10 Figure II.59. (a) Effet de la vitesse de balayage de l’implanteur monoplaque sur l’accumulation de défauts au cours de l’implantation. (b) Effet de la largeur du faisceau de l’implanteur monoplaque sur l’accumulation de défauts. Nous avons donc mis en évidence que la focalisation du faisceau était un paramètre critique quant à l’accumulation de défauts, et ce quelque soit l’outil d’implantation considéré. La vitesse de balayage et, pour l’implanteur multiplaques, la vitesse de rotation de la roue, n’ont en revanche pas d’influence. Nous allons à présent tenter de donner l’explication de ces comportements. II.3.2.2.3 Interprétation : en cause, le flux instantané d’implantation Nous avons précédemment introduit le flux instantané d’implantation. Nous avions alors suggéré, et c’est ainsi que nous allons procéder dans cette étude, que ce flux instantané pouvait se calculer par : FI inst = Dose impulsion t impulsion , Eq. II.46 où Doseimpulsion et timpulsion sont respectivement la dose implantée au cours d’une impulsion et la durée d’une impulsion. 125 Chapitre II La simulation atomistique Si l’on regarde l’évolution du flux instantané d’implantation avec les paramètres de l’implanteur, il apparaît dans le cas de l’implanteur multiplaques que seul le diamètre du faisceau peut le modifier Flux instantané (cm-2.s-1) (Figure II.60). Les vitesses de balayage et de rotation de la roue ne l’influencent pas (Figure II.61). 4.E+16 3.E+16 2.E+16 1.E+16 0.E+00 0 5 10 Diamètre du faisceau (cm) 15 Figure II.60. Evolution du flux d’implantation instantané avec le diamètre du faisceau de l’implanteur multiplaques. Flux instantané (cm-2.s-1) 2.E+15 a b 1.E+15 0 10 20 30 Vitesse de balayage (cm.s-1) 0 10 20 30 Vitesse de rotation (tours.s-1) Figure II.61. Evolution du flux d’implantation instantané avec le la vitesse de balayage (a) et la vitesse de rotation de la roue (b) de l’implanteur multiplaques. Pour l’implanteur monoplaque, le constat est le même. Le flux instantané d’implantation dépend seulement de la largeur du faisceau, et pas de la vitesse de balayage (Figure II.62). 126 Chapitre II La simulation atomistique a Flux instantané (cm-2.s-1) 1.E+15 0.E+00 Flux instantané (cm-2.s-1) 2.5E+14 b 1.5E+14 0 5 10 Largeur du faisceau (cm) 10 20 30 40 Vitesse de balayage (cm.s-1) Figure II.62. Effet de la largeur du faisceau (a) et de la vitesse de balayage (b) de l’implanteur monoplaque sur le flux instantané d’implantation. Et en effet, pour les deux types d’implanteur, le tracé du volume de silicium amorphisé en fonction du flux instantané d’implantation (Figure II.63) montre un effet de seuil, similaire à celui observé avec le flux moyen d’implantation ou la température pendant des implantations uniformes dans le temps Volume amorphe (u.a.) [Williams90, Schultz91]. 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 a 14 15 16 Log(Flux instantané) (log[cm-2.s-1]) 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 b 14 14.5 15 Log(Flux instantané) (log[cm-2.s-1]) Figure II.63. Endommagement du silicium en fonction du flux instantané d’implantation pour les outils multiplaques (a) et monoplaque (b). Ce résultat, du reste très intéressant en soi, n’est toutefois pas entièrement satisfaisant, car il ne fait que déplacer le problème. Nous allons donc continuer notre investigation, et essayer de comprendre pourquoi l’effet du flux instantané est si important. De fait, la raison est que le flux instantané d’implantation a un impact sur la taille des poches amorphes après une impulsion. Afin de faciliter les analyses de nos simulations, nous allons désormais rester avec une concentration de défauts en-dessous du seuil d’amorphisation, et regarder la quantité d’interstitiels présents dans les poches amorphes. Les plus grosses poches amorphes, c'est-à-dire contenant plus de 40 interstitiels et lacunes, se forment durant l’implantation par superposition de plusieurs cascades. La Figure II.64 est un histogramme de composition des poches amorphes. Chaque point représente un type de poche amorphe, contenant X (abscisses) interstitiels et Y (ordonnées) lacunes. La couleur du point est déterminée par la concentration de défauts (interstitiels + lacunes) associée à chaque type de poche amorphe. La Figure II.64 montre que l’implantation de 10 cascades de germanium (10 keV) dans une surface (carrée) de 102 nm2 ne permet la formation que de petites poches amorphes, tandis que l’implantation de 50 cascades mène à de grosses poches amorphes. 127 La simulation atomistique a 100 10 cascades 75 50 25 0 0 25 50 75 100 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes nombre de lacunes dans les poches amorphes nombre de lacunes dans les poches amorphes Chapitre II b 100 50 color cascades = [I+V] 75 concentration ≥ 1019 cm-3 50 25 0 cm-3 0 0 25 50 75 100 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes Figure II.64. Histogramme de composition des poches amorphes pour l’implantation de 10 cascades (a) ou de 50 cascades (b) de germanium. Les grosses poches amorphes ne sont formées que par la superposition des cascades. Pour ces cas particuliers, toutes les cascades ont été implantées en même temps. Nous avons déjà affirmé que les plus grosses poches amorphes étaient plus stables que les petites, c'est-à-dire que leur recombinaisons internes (entre interstitiels et lacunes) étaient moins fréquentes (paragraphe II.2.2.1). La Figure II.65 confirme que ce phénomène est bien pris en compte dans nos simulations. Nous avons laissé évoluer les défauts ainsi générés pendant une seconde à température ambiante. La quantité de défauts a été évaluée à partir de la dose totale d’interstitiels présents dans les poches amorphes, normalisée par rapport à la situation intiale (c'est-à-dire juste après l’implantation de toutes les cascades en même temps). Cette figure montre qu’après une seconde à température ambiante, 90% de l’endommagement initial a disparu dans le cas le plus doux (une seule cascade), tandis que seulement 10% des paires présentes initialement se sont recombinées dans le cas le plus aggressif (50 cascades). Les Endommagement (u.a.) plus grosses poches amorphes, formées par l’implantation de plusieurs cascades, sont donc plus stables. 1.0 50 cascades 0.8 20 cascades 0.6 0.4 10 cascades 0.2 1 cascade 0.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 Temps de relaxation (s) 1.0 Figure II.65. Quantité normalisée d’interstitiels présents dans les poches amoprhes en fonction du temps de relaxation à température ambiante, pour différentes densités initiales de défauts. 128 Chapitre II La simulation atomistique Parallèlement, la Figure II.66 met en évidence que ce sont bien les plus grosses poches amorphes qui 100 10 cascades 75 50 25 0 0 25 50 75 100 nombre de lacunes dans les poches amorphes nombre de lacunes dans les poches amorphes restent après relaxation, alors que le plus petites ont subi des recombinaisons de paires en leur sein. 100 50 cascades 75 50 25 0 0 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes 25 50 75 100 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes Figure II.66. La comparaison avec la Figure II.64 montre que contrairement aux petites poches amorphes, les plus grosses d’entre elles n’ont pas subi de recombinaisons après une seconde à température ambiante. C’est ainsi que le flux instantané a déjà un effet sur l’accumulation de défauts au cours d’une impulsion. Les courbes de la Figure II.67 représentent l’évolution de la quantité de défauts au cours d’une impulsion, pour deux différents flux instantanés. Dans les deux cas la dose implantée au cours de l’impulsion est la même. Ici encore l’endommagement est mesuré en dose totale d’intestitiels présents dans les poches amorphes. L’échelle de temps a été normalisée de telle sorte que 0 est pris au début de l’impulsion, et 1 en figure la fin. La comparaison de ces deux courbes met en exergue l’accroissement de 30 20 10 0 0 10 20 30 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes nombre de lacunes dans les poches amorphes nombre de lacunes dans les poches amorphes l’accumulation de défauts au cours d’une impulsion avec un flux instantané d’implantation plus élevé. 30 20 10 0 0 10 20 30 nombre d'interstitiels dans les poches amorphes Figure II.67. Avec un flux instantané d’implantation plus faible, il y a à la fin de l’impulsion moins de poches amorphes contenant à la fois des interstitiels et des lacunes : la cause en est la plus grande efficacité de recombinaison avec un flux instantané plus faible. Dans ces conditions, même si il y a effectivement une certaine relaxation des défauts entre chaque impulsion, les poches amorphes formées avec un flux instantané d’implantation élevé sont suffisamment 129 Chapitre II La simulation atomistique stables après l’impulsion pour ne pas subir une recombinaison totale de leurs défauts. L’accumulation de dommages sera donc plus efficace avec un flux instantané d’implantation plus élevé. II.3.2.2.4 Résumé Nous avons étudié les effets de la variation de quelques paramètres (liés aux machines d’implantation) sur l’accumulation de défauts au cours d’une implantation ionique. Les paramètres étudiés étaient les vitesses de balayage et de rotation de la roue, et le diamètre du faisceau pour l’implanteur multiplaques, et la vitesse de balayage et la largeur de faisceau pour l’implanteur monoplaque. Nous avons gardé constant non seulement l’espèce, la dose et l’énergie d’implantation, mais également la température de la plaque et le flux moyen d’implantation (et donc le courant total du faisceau). Dans ces conditions nos simulations ons montré que seule la focalisation du faisceau (son diamètre pour l’implanteur multiplaques et sa largeur pour l’imlpanteur monoplaque) ont une incidence sur l’accumulation de défauts. Nous avons donc introduit le flux instantané d’implantation, qui est le flux d’implantation vu par un point de la plaque tandis qu’il passe à travers le faisceau. Il est directement lié à la focalisation du faisceau. Ce flux instantané d’implantation a un effet important sur l’accumulation de défauts, au même titre que le flux moyen d’implantation et que la température du substrat. Bien que la focalisation du faisceau soit très fortement dépendante de l’énergie d’implantation, elle peut varier d’un implanteur à l’autre (même de même modèle), l’utilisateur n’ayant par ailleurs aucun contrôle dessus. Cependant il est également important de considérer ce paramètre pour des expériences concernant l’amorphisation et, plus généralement, l’étude des défauts d’implantation. II.3.2.3 Optimisation par simulation atomistique des jonctions ultra-fines de bore à l’aide d’implantations pré-amorphisantes et de recuits à forte rampe de température II.3.2.3.1 Introduction Cette étude a été présentée lors de la conférence de printemps MRS (MRS Spring 2008), et fait également l’objet d’un article (associé à la conférence) [Singer08b]. Faut-il le répéter, l’enjeu des jonctions ultraminces est d’introduire de fortes concentration de dopants actifs dans les extensions des source et drain, tout en contrôlant leur diffusion. Une des méthodes possible pour atteindre le meilleur compromis résistance par carré / profondeur de jonction est d’utiliser des recuits courts et à haute-température, tels que les recuits rapide, ou des recuits spike à très fortes rampes de température. Les recuits millisecondes (flash, LASER) assurent de très bons niveaux d’activation avec une très faible diffusion, mais doivent être associés avec des recuits plus classiques. Sinon des défauts étendus restent après le procédé de fabrication et les jonctions sont parfois trop abruptes, ce qui peut conduire à des niveaux de fuite inacceptables [Felch00]. Ce travail présente l’utilisation de simulations atomistiques dans une optique d’abord de compréhension des effets de rampes aggressives de température, puis d’optimisation du compromis résistance par carré / profondeur de jonction (Rs/Xj) pour les jonctions ultrafines de bore. Les deux avantages de DADOS, qui permettent de suivre cette conduite au cours de cette étude, sont de toujours 130 Chapitre II La simulation atomistique donner une bonne tendance même sans calibrage spécifique, et de guider l’utilisateur pour la compréhension des phénomènes observés. En effet tous les mécanismes implémentés sont toujours pris en compte simultanément, et les données atomistiques sont accessibles à tout moment du procédé, ce qui n’est pas le cas expérimentalement. II.3.2.3.2 Résultats et discussion II.3.2.3.2.1 Simulations de structures simplifiées avec des profils en créneau La structure utilisée pour ces premières simulations est décrite sur la Figure II.68. Bien que la simplicité des simulations soit prépondérante dans un premier temps, il est nécessaire de garder à l’esprit les détails suivants, afin d’interpréter justement les résultats. Le profil carré de bore a une concentation équivalente à la concentration maximale du profil implanté, c'est-à-dire 4x1021 cm-3. Il est situé près de la surface de manière à imiter des conditions de jonction ultrafine. Puisqu’une position des interstitiels éloignée du profil de bore ne se justifie que grâce à une implantation préamorphisante, nous avons également mis une couche amorphe dans notre structure, depuis la surface jusqu’au profil carré d’interstitiels. En effet, sans cette couche amorphe tous les atomes de bore introduits seraient initialement actifs ; or durant la phase de recristallisation les atomes de bore se répartissent entre dopants actifs (potentiellement mobiles) et inactifs (immobiles). Les profil en créneau d’interstitiels utilisé a une concentration qui varie entre 1x1017 et 1x1022 cm-3. Sa position correspond à celle de la zone fortement endommagée de fin de parcours. Elle est également variable car la profondeur amorphe est directement liée à l’énergie de l’implantation préamorphisante. Sa largeur de 10 nm est proche des caractéristiques du pic d’interstitiels trouvé juste derrière l’interface amorphe / cristal après implantation. Un recuit à température constante à 1000°C est enfin effectué, avec une rampe de montée de temps négligeable par rapport au plateau. Concentration B marker 4E21 cm-3 10 nm a/c interface depth (variable position) Interstitials (variable position and concentration) Amorphous layer Figure II.68. Structure simplifiée utilisée pour les premières simulations montrant la couche amorphe et les profils de concentration en créneau de bore et d’interstitiels. La position et la concentration des interstitiels sont variables. Dans la suite de cette étude, et par abus de langage, nous appellerons Xj (profondeur de jonction) la profondeur à laquelle la concentration de bore est de 1x1018 cm-3. Nous allons regarder l’augmentation de ce Xj avec l’augmentation du budget thermique. Pour cela, une augmentation du temps de recuit – à température constante – est appliquée et l’augmentation de Xj résultante est exprimée en %. Cet indicateur donne une information sur la sensibilité du Xj au budget thermique, pour chaque condition examinée. Un exemple des profils de bore diffusés est montré sur la Figure II.69. 131 Chapitre II La simulation atomistique Concentration (cm-3) 1.E+22 B - Initial Interst. - Initial - Shallow Interst. - Initial - Deep B anneal 0.5s - I shallow 1.E+21 1.E+20 1.E+19 B anneal 2s - I shallow B anneal 0.5s - I deep B anneal 2s - I deep 1.E+18 1.E+17 0 20 40 60 80 Depth (nm) Figure II.69. Exemple de profils de bore après des recuits de 0.5 et 2 s à 1000°C. Veuillez noter l’effet significatif de l’augmentation du budget thermique quand les interstitiels sont placés à 70 nm de profondeur, tandis que quasiment aucun effet n’est observé quand les interstitiels sont à 10 nm de la surface, très proches du profil initial de bore. Les profils initiaux de bore et d’interstitiels sont également tracés pour rappel. Nous observons premièrement que l’augmentation de la concentration d’interstitiels réduit largement cette sensibilité. Cette tendance est clairement montrée par la Figure II.70 (a). La diffusion du bore est due à la formation de paires bore – interstitiel (BI). En condition d’équilibre, les interstitiels sont générés thermiquement. Si la température augmente, la concentration d’interstitiels augmente (suivant une loi d’Arrhénius) ; si le temps de recuit augmente, la quantité totale d’interstitiels qui auront été générés pendant le recuit sera plus importante (à concentration égale). Donc quand le budget thermique est plus important, le nombre total d’interstitiels générés pendant le recuit est plus grand, ainsi que le nombre de paires bore – interstitiel ; la diffusion augmente alors. Quand des interstitiels sont introduits, la concentration d’interstitiels résultante est plus haute que celle à l’équilibre. La concentration de paires bore – interstitiel dépend de la concentration d’interstitiels. Il est communément admis que la sursaturation, définie comme le rapport [I]/[I]équilibre, conduit à la diffusion transitoire et accélérée du bore [Cowern99a]. Lorque la quantité d’interstitiels injectés augmente, la concentration de paires dépend plus de cette injection, et moins de la génération thermique d’interstitiels. La diffusion du bore est à son tour moins impactée par le budget thermique. De plus, l’effet de la position des interstitiels a été examiné. Nous avons alors observé que la sensibilité de la diffusion au budget thermique est « dégradée » quand les interstitiels sont placés plus proches de la surface, comme le montre la Figure II.70 (b). Cela prouve qu’après leur concentration, la position des interstitiels par rapport au profil de bore est le second paramètre à prendre en compte. C’est parce que la sursaturation décroît au fur et à mesure que l’on s’éloigne de cette région fortement endommagée. En effet les interstitiels qui diffusent effectuent des sauts élémentaires d’un site à l’autre, suivant un chemin aléatoire. Le profil d’interstitiels mobiles s’approche donc d’une gaussienne, qui s’étale au cours du recuit. En résumé nous venons donc de montrer que pour ces conditions la sensibilité de Xj au budget thermique est largement réduite quand les interstitiels sont présents à forte concentration et autour du profil de bore. 132 La simulation atomistique 65 a (a) 55 45 35 25 15 5 1.E+17 1.E+18 1.E+19 1.E+20 1.E+21 1.E+22 Xj enhancement (%) Xj enhancement (%) Chapitre II 35 b (b) 30 25 20 15 10 5 0 Interstitials concentration (cm-3) 20 40 60 80 Interstitials position in bulk (nm) Figure II.70. Augmentation de la profondeur de jonction Xj due à l’augmentation du budget thermique en fonction de la concentration (a) et de la position (b) initiales des interstitiels. Xj ne subit plus l’influence de l’augmentation du budget thermique quand les interstitiels sont proches du bore ou en grande quantité. II.3.2.3.2.2 Simulations avec des paramètres expérimentaux et expériences Une implantation de bore à 1 keV et d’une dose de 5x1014 cm-2 a été simulée. Pour le recuit rapide de type spike, à température maximale variant de 1040 à 1100°C, les profils de température imitent soit un recuit classique à base de lampes, soit un recuit avancé utilisant la conduction thermique. Pour celui-ci nous utilisons le Levitor [Granneman01], qui permet l’obtention de rampes de températures au-delà de 600 K/s, tout en restant dans les mêmes gammes de temps et de température. Le budget thermique total est alors beaucoup moins important avec le Levitor. Des profils de température typiques de ces deux types de recuits sont présentés sur la Figure II.71. 1100 Lamp 1100 Levitor 1100 800 ZOOM 400 0 Temperature (°C) Temperature (°C) 1200 1090 1080 1070 1060 1050 0 10 20 30 40 Time (s) 50 60 30.25 31 Time (s) 31.75 Figure II.71. Comparaison des rampes de température des recuits à base de lampe et à conduction thermique (ici pour une température de 1100°C). Examinons tout d’abord l’activation du bore. La Figure II.72 issue de nos simulations représente la dose de bore actif en fonction de la température au cours du recuit. Sans préamorphisation (a), le temps passé à haute température permet pour les deux types de recuit un niveau d’activation qui est celui à l’équilibre à la température maximale. Bien que l’équilibre ne soit pas atteint pendant la rampe de montée, dans les deux cas le temps passé à haute température conduit au même niveau d’activation. Quand la préamorphisation est utilisée, bien que le « chemin » d’activation soit différent, cette fois encore le même niveau d’activation est atteint avec les deux types de recuit, pour une même température. Le processus global d’activation consiste en fait à une première suractivation (au-delà du niveau d’activation à l’équilibre) après recristallisation, suivie par une désactivation qui tend à rejoindre l’équilibre, comme le montrent nos simulations (b). Nous expliquerons cela plus en détail un peu plus bas. En résumé, l’activation du bore dépend de la température maximale atteinte et du temps passé à cette température, avec et sans préamorphisation. 133 La simulation atomistique a(a) Levitor Lamp 2.E+14 Ramp-down 1.E+14 Ramp-up 0.E+00 650 750 850 950 3.E+14 b(b) 2.E+14 SPER 3.E+14 B active dose (cm-2) B active dose (cm-2) Chapitre II 1.E+14 End of ramp-up Levitor Lamp 0.E+00 1050 650 750 Temperature (°C) 850 950 1050 Temperature (°C) Figure II.72. Comparaison de l’activation du bore entre les recuit lampe et Levitor : évolution de la dose de bore actif avec le cycle de température, sans (a) et avec (b) préamorphisation au germanium (80 keV). Examinons maintenant la diffusion du bore en utilisant ce que nous avons appris de nos simulations simplifiées. Ces dernières ont été effctuées à 1000°C, et les expériences utilisent des températures de recuit de 1040 à 1100°C ; mais les tendances étaient les mêmes également dans ces gammes de 80 Augmentation du Xj (%) Augmentation du Xj (%) température (1080°C, voir Figure II.73). 70 60 50 40 30 20 10 0 1.E+17 70 60 50 40 30 20 10 0 1.E+18 1.E+19 1.E+20 1.E+21 Concentration des interstitiels (cm-3) 1.E+22 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Position des interstitiels (nm) Figure II.73. Augmentation de la profondeur de jonction Xj due à l’augmentation du budget thermique en fonction de la concentration (a) et de la position (b) initiales des interstitiels, pour une température de recuit de 1080°C. Les tendances observées sont les mêmes qu’à 1000°C. Sans préamorphisation, les interstitiels sont situés dans la région de forte concentration de bore, ce qui conduit à une faible sensibilité de la diffusion du bore au budget thermique, comme nous l’avons vu précédemment. La profondeur de jonction est donc similaire pour les deux types de recuit. Nous nous attendons ainsi au même compromis Rs/Xj dans les deux cas. Quand la préamorphisation est utilisée, les interstitiels restent seulement au-delà de l’interface cristal / amorphe, loin du profil de bore. Donc la diffusion du bore devrait être plus sensible aux variations du budget thermique. En d’autres termes, la réduction du budget thermique total du Levitor par rapport aux lampes devrait permettre une réduction de la profondeur de jonction. Il est donc raisonnable de penser que la combinaison de la préamorphisation avec le recuit Levitor permet d’améliorer le compromis Rs/Xj. C’est ce que confirment les simulations avec des paramètres identiques à ceux des expériences. L’implantation de bore est précédée ou non d’une implantation préamorphisante de germanium à 80 keV. Nous avons également simulé le recuit soit de type lampe, soit de type Levitor, dans les deux cas à différentes températures. Le recuit Levitor améliore le compromis Rs/Xj seulement quand il est associé à de la préamorphisation (Figure II.74). Des expériences basées sur ces conditions de procédés montrent exactement la tendance prédite (Figure II.75) : le recuit par conduction thermique à rampes de température très élevées ne peut améliorer le compromis Rs/Xj que si le substat a été préalablement 134 Chapitre II La simulation atomistique amorphisé. Il faut noter que sur les deux figures suivantes la valeur de la résistance par carré a été normalisée par rapport à celle obtenue avec le recuit lampe à 1040°C. 110 110 PAI - Lamp 95 80 Rs (%) Rs (%) No PAI - Lamp No PAI - Levitor (a)a 65 95 80 PAI - Levitor (b)b 65 30 35 40 45 50 55 60 Xj (nm) @ [B] = 1E18 cm-3 65 30 35 40 45 50 55 60 Xj (nm) @ [B] = 1E18 cm-3 65 Figure II.74. Résultats de simulations donnant le compromis R+/Xj de la jonction étudiée. Aucune amélioration n’est obtenue avec le recuit Levitor (a), à moins de préamorphiser le subsrtat (b). 150 100 No PAI - Lamp 90 No PAI - Levitor Rs (%) Rs (%) 110 80 70 PAI - Lamp 125 PAI - Levitor 100 75 50 30 35 40 45 50 55 60 Xj (nm) @ [B] = 1E18 cm-3 65 30 35 40 45 50 55 60 Xj (nm) @ [B] = 1E18 cm-3 65 Figure II.75. Résultats expérimentaux montrant l’amélioration du compromis Rs/Xj avec le Levitor uniquement si il est associé à une préamorphisation. II.3.2.3.2.3 De l’activation du bore en fonction de la profondeur amorphe Avec préamorphisation, il est intéressant de regarder le cycle d’activation du bore en fonction de la profondeur amorphe. D’abord, la recristallisation conduit à une suractivation (au-delà du niveau d’équilibre) ; puis la désactivation se produit, avec une certaine cinétique ; enfin le bore se réactive. Mais voyons maintenant tout cela plus en détail. La Figure II.76 représente l’évolution de la dose de bore actif au cours du recuit de type lampe. Quand le silicium se recristallise, la solubilité limite du bore est au-delà de l’équilibre [Aboy06]. Dès lors que l’énergie d’implantation préamorphisante diminue, la profondeur amorphe diminue. La recristallisation, qui se passe pendant la rampe de montée en température, est alors plus courte (en temps), et donc se termine à plus basse température. Cela ne change pas la quantité de bore actif (après recristallisation) tant que tout le profil de bore implanté est contenu dans la couche amorphe, c’est-à-dire jusqu’à 15 keV (a). Si la profondeur amorphe est encore réduite, une partie seulement du profil de bore se trouve avant l’interface cristal / amorphe. Ainsi la quantité de bore actif diminue avec l’énergie d’implantation du germanium (b), pour une solubilité limite équivalente (concentration). Ce niveau d’activation élevé tend à rejoindre son équilibre, ce qui a pour résultat la désactivation du bore alors que le temps passe – et la température augmente (c). Mais puisque la température augmente, la solubilité limite du bore augmente. Bientôt l’équilibre est rejoint, avat la fin de la rampe de montée, et la dose de bore actif recommence à augmenter avec la température. Sur la courbe d’activation, on voit un minimum à la température où l’équilibre est atteint (d).Quand la température maximale est atteinte, le bore actif 135 Chapitre II La simulation atomistique diffuse via le mécanisme d’expulsion et les agglomérats de bore se dissolvent pour maintenir la concentration de bore actif à sa valeur d’équilibre. C’est pourquoi la quantité de bore actif augmente légèrement (e). Enfin on n’observe pas d’évolution significative de l’activation pendant la rampe de descente. Une attention particulière doit être portée aux cas de fortes énergies d’implantation du germanium (80 keV ou plus), où les cinétiques de désactivation ne permettent pas d’atteindre l’équilibre avant la fin de la rampe de montée (f). Cela est dû au fait que la recristallisation se termine à plus haute température : le temps nécessaire à la recristallisation est plus long quand la couche amorphe est plus épaisse. Finalement, quelque soit la profondeur amorphe, le niveau d’activation d’équilibre est atteint à la température maximale, sinon avant. En conclusion, l’activation du bore dépend de la température maximale et du temps passé à cette température, que le substrat soit amorphisé ou non, et quelle que soit la profondeur amorphe. (b) 2.E+14 PAI: Ge 5 keV (a) (f) Rampdown (e) SPER B active dose (cm-2) 3.E+14 1.E+14 PAI: Ge 15 keV (d) (c) PAI: Ge 80 keV (d) 0.E+00 600 700 800 900 1000 1100 1200 Temperature (°C) Figure II.76. Evolution en température de la dose de bore actif pendant le cycle de température du recuit rapide de type lampe à 1060°C. (a) La recristallisation se complète à différentes températures selon la profondeur amorphe initiale. (b) Si le profil de bore n’est pas entièrement contenu dans la couche amorphe, la dose active après recristallisation n’est pas maximale. (c) Désactivation du bore pendant la suite de la rampe de montée. (d) Atteinte de l’équilibre et réactivation du bore pendant la fin de la rampe de montée. (e) Réactivation à la température maximale. (f) Implantations préamorphisantes à haute énergie : la désactivation du bore ne rejoint pas l’équilibre avant que la température maximale ne soit atteinte. Les simulations de la Figure II.77 montrent par ailleurs que les mécanismes sont exactement les mêmes avec les deux types de recuit, quelque soit la profondeur amorphe. Il n’y a de différence que sur la cinétique de désactivation avant d’atteindre la température maximale. Au cours de la rampe de montée la cinétique ne permet pas au bore de se désactiver aussi vite dans le cas du Levitor que dans le cas du recuit lampe. Mais à haute température, l’activation du bore atteint son équilibre quel que soit le type de recuit. La conclusion est donc la même que précédemment : l’activation du bore ne dépend que de la température maximale atteinte et du temps passé à cette température. 136 La simulation atomistique B active dose (cm-2) 3.E+14 3.E+14 a(a) Ge 5 keV - Levitor Ge 5 keV - Lamp 2.E+14 1.E+14 B active dose (cm-2) Chapitre II b(b) 2.E+14 Ge 80 keV - Levitor 1.E+14 Ge 80 keV - Lamp 0.E+00 0.E+00 600 700 800 900 1000 Temperature (°C) 1100 600 700 800 900 1000 Temperature (°C) 1100 Figure II.77. Comparaison de la désactivation et de la réactivation du bore pendant le cycle de température du Levitor ou du recuit à base de lampes, pour une température maximale atteinte de 1060°C. Avec le Levitor l’équilibre n’est pas atteint pendant la rampe de montée mais plutôt à la température maximale, que ce soit à basse (a) ou à haute (b) énergie de préamorphisation. II.3.2.3.3 Résumé Nous avons présenté une approche typique qui peut être suivie pour optimiser le procédé de fabrication de jonctions ultrafines par simulation atomistique. Nous avons d’abord démontré que le Levitor n’apporte aucun gain, par rapport au recuit classique dans une machine à lampes, sur la résistance par carré ; l’activation du bore est la même avec les deux types de recuit, que le substrat soit préamorphisé ou non, et, si c’est le cas, quelle que soit la profondeur amorphe. Pour pouvoir affirmer cela, nous avons utilisé les simulations pour examiner en détail les cycles d’activation et désactivation du bore au cours du recuit. En revanche, la diminution du budget thermique total due au Levitor par rapport au recuit lampe permet de réduire la profondeur de jonction, mais uniquement dans le cas où une préamorphisation a été effctuée. Il est donc nécessaire de préamorphiser le substrat pour tirer parti des rampes de température aggressives du Levitor, dans le but d’améliorer le compromis Rs/Xj de la jonction. Nos conclusions ont finalement été confirmées par les expériences. II.3.3 Limites, perpectives Qu’est-ce que, actuellement, DADOS ne saurait simuler ? Tout d’abord, l’introduction d’un nouveau matériau dans DADOS, le SiGe, est en cours de développement. Actuellement, les premiers résultats sont prometteurs [Castrillo07], et ce, pour toutes les fractions de germanium (du silicium pur, bien sûr, jusqu’au germanium pur). C’est un matériau qui prend de plus en plus d’importance : il permet d’introduire une contraine mécanique dans le canal des transistors, ce qui a pour effet d’améliorer la mobilité des porteurs de charge, donc la performance du dispositif. Mais c’est un sujet bien vaste et fort complexe, et je vous renvoie à d’autres lectures pour en apprendre davantage (par exemple [Ortolland06, Rochette08]). Mais la contrainte mécanique est soupçonnée d’avoir également des effets plus ou moins importants sur la diffusion des défauts cristallins ponctuels et des impuretés dans le silicium [Aziz97/01]. L’introduction, basée sur des propriétés physiques, de ces effets éventuels dans DADOS permettra d’en mesurer les conséquences, et de valider ou d’invalider certaines hypothèses en concevant, à l’aide de la simulation, des expériences judicieuses. C’est ce qui a été proposé dans [Castrillo08] : en comparant l’évolution d’une population de défauts 137 Chapitre II La simulation atomistique étendus, en taille et en nombre d’interstitiels piégés, il est possible d’obtenir une information quantitative sur l’anisotropie de la difusion des interstitiels ou/et des lacunes sous l’effet d’une contrainte biaxiale dans le silicium. C’est ce que suggèrent les simulations ; les expériences correspondantes n’ont pas encore, à notre connaissance, été réalisées. Par ailleurs, il est des sujets que la simulation Monte Carlo sans réseau ne saurait résoudre. Il s’agit de tous les phénomènes qui nécessitent la prise en compte du réseau cristallin pour être appréhendés. Par exemple, quel est l’effet de la contrainte mécanique sur la vitesse de recristallisation du silicium amorphe ? De même, la vitesse de recristallisation n’est pas la même pour des plans cristallographiques denses (par exemple {111}) ou moins denses ({100}). Ces raisons, conjuguées ou non, ont conduit à l’observation de défauts de recristallisation des source et drain de certains MOSFETs. Dans ce cas, la zone amorphe est limitée en largeur, comme le montre la Figure II.78 (a). Après recristallisation, des dislocations apparaissent (Figure II.78 (b)), qui ne sont pas des défauts d’implantation, mais dont l’origine exacte n’est pas encore parfaitement comprise. Une explication a cependant été proposée par [Jones08a/08b, Rudawski08]. (a) (b) (c) (d) Figure II.78. (a) Amorphisation des zones de source / drain de MOSFET après implantation, en technologie CMOS 45 nm. (b) Observation de défauts de recristallisation après recuit : des défauts typiquement non simulables avec DADOS… (c) et (d) Détails de ces défauts. 138 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Chapitre III. ETUDE PAR DLTS DES NIVEAUX PROFONDS ASSOCIES AUX DEFAUTS ETENDUS DU SILICIUM III.1 Introduction Le nom de DLTS vient de l’anglais, « Deep Level Transient Spectroscopy », soit spectroscopie des transitoires de capacité des niveaux profonds. L’objectif des mesures DLTS est d’analyser les niveaux profonds présents dans le gap des semiconducteurs. Nous commencerons donc par donner une brève description de ces niveaux profonds. Quelles informations tirer de ces mesures ? A travers une description de la technique utilisée pour les mesures DLTS, nous verrons que la position du niveau énergétique dans le gap et la section efficace de capture sont les deux premières informations que nous pouvons en tirer. La localisation, la concentration sont également accessibles sur certains échantillons, voire des profils de concentration en profondeur des pièges, par des mesures plus fines. Mais on peut également être renseigné sur la distribution énergétique des niveaux profonds analysés, lorsque les défauts génèrent des pièges dont les niveaux énergétiques ne sont pas tous identiques. Pour cela, une analyse fine du spectre obtenu est nécessaire : la modélisation de ce spectre, par une méthode que nous allons expliquer, peut alors s’avérer très instructive. Dans le contexte du présent travail, les mesures par DLTS seront utilisées pour analyser les niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium : les résultats obtenus seront alors présentés et discutés. Ces défauts étendus sont directement liés aux fuites de jonction, à travers ces pièges qu’ils génèrent dans le gap du silicium. L’objectif est donc, à terme, d’exploiter les informations tirées de ces mesures DLTS, afin d’améliorer leur prise en compte dans les modèles de fuites de jonction, et d’améliorer ainsi la fiabilité des simulations électriques. 139 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium III.2 Les niveaux profonds dans le silicium III.2.1 Origine des niveaux profonds Dans le cristal de silicium, est considérée comme défaut toute perturbation du réseau cristallin parfait. Ce peut être des défauts cristallins ponctuels, interstitiels, lacunes, des impuretés en site substitutionnel ou interstitiel, mais aussi des agglomérats mixtes impuretés – défauts cristallins ponctuels, et jusqu’à des défauts étendus de lacunes ou d’interstitiels. Les perturbations issues de ces défauts conduisent à la formation de niveaux « autorisés » dans la bande interdite du semiconducteur, qui vont donc pouvoir interagir avec les porteurs de charge libres (électrons et trous). Si la perturbation du réseau est faible, le niveau d’énergie associé sera proche de la bande de valence (EV) ou de la bande de conduction (EC) ; c’est le cas, par exemple, des dopants en site substitutionnel [Pichler04]. Si la perturbation est plus importante en revanche, le niveau d’énergie sera plus éloigné de EC ou EV : c’est ce qu’on appelle un niveau profond. Son interaction avec les porteurs est forte. Une des particularités des niveaux profonds est de générer un potentiel spatialement bien localisé. Les porteurs capturés sont donc confinés dans l’espace réel. Les défauts simples, typiquement les défauts ponctuels, introduisent dans la bande interdite un niveau très localisé en énergie. Ce n’est en revanche pas le cas des défauts étendus, qui génèrent des bandes de niveaux profonds dans le gap. En effet, les niveaux énergétiques introduits dans la bande interdite par un défaut étendu le sont principalement pour des raisons structurelles, à cause de la déformation du réseau. Prenons l’exemple d’une dislocation. La déformation qu’elle génère dans le cristal s’étend bien au-delà de l’extrémité du plan atomique supplémentaire, à plusieurs distances atomiques du défaut proprement dit. Chaque atome de silicium déplacé génère potentiellement un niveau profond dans la bande interdite. Or plus les atomes sont éloignés de la dislocation, moins leur déplacement par rapport à leur site originel est important. Il n’y a donc aucune raison pour que les niveaux générés par chacun des déplacements soient tous identiques ; bien qu’étant de même nature (déformation structurelle due à la présence d’une dislocation). Les caractéristiques de chacun des très nombreux niveaux générés peuvent donc changer légèrement d’un site à l’autre… menant à la formation, dans la bande interdite, non pas d’un niveau énergétique bien défini, mais d’une minibande de niveaux, dont la répartition énergétique dans le gap est une gaussienne, centrée sur le niveau principal [Omling85, Ayres92]. Dans ce cas, les mesures DLTS nous donneront d’abord ce niveau principal ; les caractéristiques de la fonction gaussienne de répartition seront accessibles par une analyse plus fine du spectre obtenu. III.2.2 Interaction des niveaux profonds avec les porteurs libres La recombinaison entre les électrons de la bande de conduction et les trous de la bande de valence peut être directe : elle est alors accompagnée de l’émission de photons et de phonons. Mais il est également possible que la recombinaison soit assistée par un niveau profond. Ce dernier sera considéré : 140 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium - comme un piège, si le porteur capturé, après être resté piégé un certain temps, est réémis vers sa bande de provenance ; - comme un centre de recombinaison, si un porteur de charge opposée est aussi capturé par le niveau avant que le premier ne soit réémis ; - ou encore comme un centre de génération, si des porteurs de charges opposées sont émis dans un court intervalle de temps. Par exemple, les deux réactions : émission d’un trou dans la bande de valence et émission successive d’un électron dans la bande de conduction, sont équivalentes à : émission d’un électron depuis la bande de valence vers le niveau profond, puis émission d’un électron (éventuellement le même) depuis le piège vers la bande de conduction. Nous verrons plus loin (paragraphe IV.2.3.2.3) que cela s’appelle du courant tunnel bande à bande assisté par piège. Un niveau profond peut avoir quatre types d’interaction avec les porteurs libres. (v) Capture d’un électron : c’est la capture par le niveau profond d’un électron de la bande de conduction, c'est-à-dire un électron libre. (vi) Emission d’un électron : c’est l’émission d’un électron du piège vers la bande de conduction. (vii) Capture d’un trou : c’est la capture d’un trou de la bande de valence (donc libre) par le piège, soit l’équivalent de l’émission d’un électron du piège vers la bande de valence. L’électron en question est alors lié. (viii) Emission d’un trou : c’est l’émission d’un trou du piège vers la bande de valence, ou en d’autres termes la capture d’un électron lié (de la bande de valence) vers le piège. Ces différents évènements sont représentés sur la Figure III.1. EC (a) (b) (i) (ii) ET (c) (d) (iii) (iv) EV Figure III.1. Description schématique des interactions possibles entre un niveau profond et les porteurs libres. Les flèchent représentent les mouvements des électrons. (a) Capture d’un électron (i). (b) Emission d’un électron (ii). (c) Capture d’un trou (iii). (d) Emission d’un trou (iv). Les fréquences d’émission et de capture associées à un niveau profond, et rapportées par unité de volume, s’expriment ainsi. Soit NP la concentration de niveaux profonds (cm-3) et F leur probabilité d’occupation. (i) Fréquence de capture des électrons νn(capture) : ν n (capture ) = c n ⋅ N P ⋅ (1 − F ) . Eq. III.1 141 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium (ii) Fréquence d’émission des électrons νn(émission) : ν n (émission ) = e n ⋅ N P ⋅ F . Eq. III.2 (iii) Fréquence de capture des trous νp(capture) : ν p (capture ) = c p ⋅ N P ⋅ F . Eq. III.3 (iv) Fréquence d’émission des trous νp(émission) : ν p (émission ) = e p ⋅ N P ⋅ (1 − F ) . Eq. III.4 Dans ces équations, ex et cx représentent respectivement les taux d’émission et de capture des porteurs (en s-1), l’indice x se référant aux électrons (n) ou aux trous (p). Le taux de capture cn (cp) des électrons (trous) est proportionnel à la section efficace de capture σn (σp), à la concentration d’électrons n (de trous p), et à la vitesse thermique moyenne des porteurs <vth.n> (<vth.p>) : c n = σ n ⋅ n ⋅ v th .n Eq. III.5 c p = σ p ⋅ p ⋅ v th . p . Eq. III.6 Nous rappelons ici que la concentration n d’électrons et la concentration p de trous s’expriment de la sorte : E − eF n = N C ⋅ exp − C k⋅T Eq. III.7 e − EV p = N V ⋅ exp − F k⋅T Eq. III.8 . Si, pour un niveau donné, le taux de capture des électrons est supérieur au taux de capture des trous, c'est-à-dire si cn > cp, alors le niveau considéré est, la plupart du temps, occupé par un électron : il est donc considéré comme un piège à électrons. Si au contraire le taux de capture des trous est plus élevé que le taux de capture des électrons (cp > cn), alors il s’agira d’un piège à trous. Enfin, si ces deux taux de capture sont sensiblement égaux (cn ≈ cp), le niveau sera un centre de recombinaison. Donc le comportement du niveau dépend de sa section efficace de capture et de la concentration de porteurs libres. Considérons le cas des électrons : le cas des trous est équivalent. Le calcul du taux d’émission se fait par l’intermédiaire de la relation qui le lie au taux de capture : e n ⋅ F = c n ⋅ (1 − F ) . Eq. III.9 C’est la statistique de Fermi-Dirac qui donne la probabilité d’occupation F(EP) d’un niveau : F(E P ) = 1 1 E − EF 1 + ⋅ exp T g k⋅T , Eq. III.10 où g est le niveau de dégénérescence du niveau profond (nombre d’états possibles de l’électron situé sur le niveau d’énergie considéré, dont la valeur communément admise est 1) ; 142 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium si bien que : 1 E − EP e n = σ n ⋅ v th . n ⋅ N C ⋅ ⋅ exp − C g k⋅T , Eq. III.11 avec 1 v th .n 3⋅k ⋅ T 2 , = * m n Eq. III.12 et 3 2 ⋅ m *n ⋅ k ⋅ T 2 , N C = 2 ⋅ h2 Eq. III.13 h étant la constante de Planck. Pour les trous, on obtient ainsi : E − EV e p = σ p ⋅ v th . p ⋅ N V ⋅ g ⋅ exp − P , k⋅T Eq. III.14 avec : 1 v th . p 3⋅k ⋅ T 2 , = m *p Eq. III.15 et 3 2 ⋅ m *p ⋅ k ⋅ T 2 . NV = 2 ⋅ 2 h Eq. III.16 Ainsi nous venons de montrer que que le taux d’émission ex était fonction du niveau énergétique EP et de la température. En traçant sa valeur en fonction de la température, il devient donc possible de calculer le niveau énergétique EP et sa section efficace de capture σx. Reste à mesurer ce taux d’émission : c’est ce que va nous permettre la DLTS. III.3 Description de la méthode de mesure Cette méthode de mesure a été proposée en 1974 par Lang et ses collègues, et décrite dans [Lang74]. Il s’agit d’analyser les variations transitoires de capacité associées à la capture ou l’émission de porteurs par les niveaux profonds, dans la zone de charge d’espace d’une diode. Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons particulièrement au cas d’une jonction asymétrique n+p, type de l’échantillon que nous avons analysé au cours de ce travail. Les raisonnements restent similaires pour une diode Schottky. Dans le cas de cette jonction asymétrique, la zone de charge d’espace s’étend princpalement du côté le moins fortement dopé. 143 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium La valeur de la capacité de jonction Cjc° dépend de l’étendue WZCE de la zone de charge d’espace : C jc ° = ε Si ⋅ S jc ° WZCE , Eq. III.17 où εSi est la permittivité du silicium et Sjc° est la surface de la jonction mesurée. Or cette étendue de la zone de charge d’espace est influencée par l’occupation des niveaux profonds : WZCE = 2 ⋅ ε Si q ⋅ N dop + N P + ( ) k⋅T , ⋅ Vbi − Va − q Eq. III.18 avec Ndop le dopage du silicium, NP+ la concentration de pièges occupés, Vbi le potentiel intrinsèque de la jonction, et Va la tension appliquée. La présence du terme NP+ montre ici l’influence des pièges occupés sur l’étendue de la zone de charge d’espace, et partant sur la capacité de la jonction. On polarise la jonction en inverse ; ainsi la zone de charge d’espace est-elle étendue. La jonction dans cet état est représentée sur la Figure III.2. n+ p Ec EF Ev WZCE Figure III.2. Représentation schématique de la jonction n+p sous polarisation inverse, avec ses niveaux profonds occupés par des électrons. On va ensuite appliquer une impulsion de variation de tension, pendant lequel la jonction sera moins polarisée, voire non polarisée. L’étendue de la zone de charge d’espace va se réduire, principalement du côté faiblement dopé (Figure III.3). Le niveau profond va alors, dans la zone p, capturer des trous, c'est-à-dire relâcher des électrons dans la bande de valence. 144 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium n+ p Ec EF Ev WZCE Figure III.3. Représentation schématique de la jonction n+p pendant l’impulsion de tension. Les flèches représentent les mouvements des électrons. Quand l’impulsion est terminée, les pièges vont émettre des trous, c'est-à-dire progressivement se remplir d’électrons venant de la bande de valence (Figure III.4). Au fur et à mesure de ces émissions de trous, la capacité de la jonction va être modifiée, jusqu’à rejoindre sa valeur initiale. C’est ce régime transitoire qui va être analysé afin de connaître les caractéristiques des niveaux profonds. n+ p Ec EF Ev WZCE Figure III.4. Représentation schématique de la jonction n+p pendant son retour à l’état initial, juste après l’impulsion de tension. Les électrons de la bande de valence viennent à nouveau, au cours d’un régime transitoire, peupler le niveau profond. Les flèches représentent les mouvements des électrons. Pour cette analyse, nous allons mesurer la capacité de la jonction, juste après la fin de l’impulsion de tension, à deux moments différents t1 et t2. La différence C(t1) – C(t2) est retenue. Puis on modifie la température, et on recommence la procédure : impulsion de tension, et mesures de capacité pendant le régime transitoire. Cette technique est appelée DLTS double boxcar. On obtient ainsi une courbe du signal DLTS S = C(t2) - C(t1) en fonction de la température : S(T ) = [C(t 1 ) − C(t 2 )](T ) . Eq. III.19 Cette fonction passe par un maximum à une température donnée Tmax, pour laquelle le taux d’émission correspondant en(Tmax) est : 145 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium e n (Tmax ) = ln (t 2 ) − ln (t 1 ) . t 2 − t1 Eq. III.20 La raison pour laquelle cette fonction possède un maximum est la suivante. La Figure III.5, tirée de [Lang74], illustre les propos suivants. Plus la température est élevée, plus l’émission des porteurs sera rapide. Pour une température très inférieure à Tmax, il n’y aura quasiment aucune émission avant les deux mesures de capacité ; le niveau ne changeant pas d’état, la capacité de la jonction va rester constante, notamment entre t1 et t2, et le signal S = C(t1) - C(t2) sera nul. Pour une température très supérieure à Tmax en revanche, toutes les émissions possibles auront eu lieu avant la première mesure ; ainsi le signal sera nul, à nouveau. Ce n’est que lorsque la fréquence d’émission est la plus élevée entre t1 et t2, à la température considérée, que la signal sera maximal. La température à laquelle le signal maximal est enregistré dépend du couple {t1 ; t2} choisi. C’est ainsi que, pour différents couples {t1 ; t2} correspondant à différents taux d’émission en, on peut tracer en en fonction de la température. C’est cela qui va nous permettre de déterminer le niveau énergétique EP et la section efficace de capture σx du niveau analysé. Figure III.5. Illustration de l’obtention d’un maximum du signal pour une température donnée. La figure de gauche montre la variation de la capacité (transitoire) alors que les niveaux émettent des porteurs, pour différentes températures. La mesure de capacité est effctuée aux temps t1 et t2. La courbe de droite montre le signal DLTS résultant en fonction de la température. Figure tirée de [Lang74]. La calcul de EP et σp se fait alors à partir de la relation suivante : où 146 E − EV e p = σ p ⋅ v th . p ⋅ N V ⋅ g ⋅ exp − P , k⋅T Eq. III.21 E − EV soit e p = K p ⋅ σ p ⋅ T 2 ⋅ exp − P , k⋅T Eq. III.22 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Kp = 2 5 2 ⋅g⋅ 3 2 ⋅ k ⋅ m *p 3 h Eq. III.23 est une constante. A chaque couple {t1 ; t2 } choisi correspond un ep donné. Pour chaque ep, on a relevé la température Tmax où le signal DLTS atteint un maximum. En traçant ln(ep/T2) en fonction de 1/T, on obtient une droite dont la pente est – (EP – EV)/k ; de là on obtient EP. L’ordonnée à l’origine de cette droite égale par ailleurs ln(Kp.σp), constante de laquelle on tire σp. III.4 Méthode de modélisation du spectre mesuré Considérons tout d’abord un niveau profond énergétiquement localisé. Son taux d’émission ep (on se place encore dans le cas d’un piège à trous, comme dans le paragraphe précédent) dépend de sa position dans le gap, c'est-à-dire de l’énergie d’activation Ea = EP – EV du piège. L’expression de la capacité mesurée en fonction du temps t au cours du transitoire, donc juste après la fin de l’impulsion, est la suivante : [ ] C(t ) = C 0 ⋅ exp − e p (E a ) ⋅ t . Ainsi le signal DLTS enregistré sera : { [ ( ) Eq. III.24 ] [ ]} S e p = ∆C = C 0 ⋅ exp − e p (E a ) ⋅ t 1 − exp − e p (E a ) ⋅ t 2 . Eq. III.25 Cependant dans le cas de défauts étendus, que nous nous attendrons à trouver sur nos échantillons, c’est une « minibande » de niveaux profonds qui est générée dans le gap, avec une répartition gaussienne autour du niveau principal (voir paragraphe III.2.1 et [Omling85, Ayres92]). Ainsi la capacité mesurée à un temps t dépend-elle également des caractéristiques de cette gaussienne. La fonction gaussienne de répartition des niveaux dans la bande interdite sera appelée g(E), et son écart – type sera σgauss : g (E ) = (E − E 0 )2 1 . ⋅ exp − 2 ⋅ σ gauss 2 σ gauss ⋅ 2 ⋅ π Eq. III.26 L’expression de la capacité pendant le transitoire sera donc [Omling83/85] : [ ] C(t ) = ∫ g (E ) ⋅ C 0 ⋅ exp − e p (E ) ⋅ t ⋅ dE , Eg 0 Eq. III.27 où Eg est la largeur de la bande interdite du silicium. Enfin le signal DLTS dans le cas d’une répartition énergétique en gaussienne sera : ( ) { [ ] [ ]} S e p = C 0 ⋅ ∫ g (E ) ⋅ exp − e p (E ) ⋅ t 1 − exp − e p (E ) ⋅ t 2 ⋅ dE . Eg 0 Eq. III.28 Ce calcul est effectué pour plusieurs températures (ep dépendant de celle-ci), ce qui nous donnera plusieurs points de la courbe du signal DLTS en fonction de la température. 147 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium La constante C0 sera ajustée pour chaque fenêtre DLTS, c'est-à-dire pour chaque courbe S(T) mesurée. Enfin il est possible d’ajuster un éventuel décalage en température des signaux mesurés et calculés en affinant la valeur de la section efficace de capture σp. III.5 Résultats Après avoir décrit l’échantillon analysé, nous présenterons le spectre obtenu, et les données que nous en avons d’abord retirées. Nous irons plus loin dans le paragraphe suivant en modélisant ce spectre : les modèles des niveaux profonds utilisés pour l’ajustement aux courbes expérimentales nous donneront par ailleurs d’autres informations. III.5.1 Description de l’échantillon L’échantillon utilisé pour ces mesures est une jonction n+p, fabriquée à Crolles sur une plaque de silicium de 300 mm au dopage initial uniforme de bore de 1x1015 cm-3. Ce sont des implantations de type poche (BF2, énergie 30 keV, dose 4x1013 cm-2, inclinaison 25° et rotation 23°) et extension de source / drain (arsenic, 1 keV, 5x1014 cm-2, inclinaison et rotation nulles), ayant subi un recuit rapide de type spike à 1030°C. Il s’agit donc d’une jonction ultrafine (< 20 nm), et fortement asymétrique (un facteur de l’ordre de 30 entre les concentrations maximales de bore et d’arsenic actifs). Les SIMS obtenus sur ces échantillons sont présentés sur la Figure III.6. 1E+22 Concentration (cm-3) 1E+21 SIMS B Recuit SIMS As Recuit 1E+20 1E+19 1E+18 1E+17 1E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure III.6. Profils de concentration de l’arsenic et du bore obtenus par analyse SIMS pour caractériser la jonction étudiée en DLTS. Sur la plaque de 300 mm, des morceaux d’environ 4 cm2 ont été clivés. Ces morceaux ont subi un dépôt d’aluminium d’environ 0.5 à 1 µm d’épaisseur (par CVD). Les échantillons de diverses surfaces (de 0.4 à 4 mm2) ont finalement été découpés et mis en boîtiers DIL16. Pour cela, ils ont été amincis mécaniquement jusque 150 µm, afin de limiter la résistance série (initialement 750 µm), collés sur le fond du boîtier avec une pâte conductrice ; les contacts ont donc été pris en fond de boîtier pour la face arrière et directement sur l’échantillon pour la face avant. 148 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Les mesures, que nous allons maintenant présenter, ont été effectuées sur le banc DLTS de l’Institut des Nanotechnolgies de Lyon (INL), sur le site de l’INSA. III.5.2 Présentation du spectre obtenu et premiers résultats Les mesures obtenues avec différentes fenêtres de mesure, correspondant chacune à un taux d’émission particulier, sont présentées sur la Figure III.7. La présence des pics sur ces signaux DLTS est la preuve qu’il y a des niveaux profonds dans la bande interdite de notre échantillon. 0.5 0.4 Signal DLTS (pF) ep=23.25 0.3 ep=46.5 ep=116.27 0.2 ep=232.5 ep=465.1 ep=1162.79 ep=2325.58 ep=4651.16 0.1 0.0 120 140 160 180 200 220 240 Température (K) Figure III.7. Spectre DLTS obtenu expérimentalement pour huit valeurs différentes de ep. Afin d’extraire de ces courbes le niveau énergétique caractérisé, et sa section efficace de capture, nous avons tracé sur la Figure III.8 la courbe représentant ln(ep/T2) en fonction de 1/T. 1/T (K-1) ln(ep/T2) [ln(s-1.K-2)] 0.0047 0.0052 0.0057 0.0062 0.0067 -2 ln(ep/T2) = -3327.4/T + 14.06 -4 -6 -8 Figure III.8. La courbe ln(ep/T2) = f(1/T) (symboles) a été approchée par une droite (trait continu), dont l’équation est indiquée sur la figure. 149 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Des erreurs de mesure de la température ou de la capacité conduisent à une courbe qui n’est pas une droite parfaite. Afin de remédier à ce problème, nous avons utilisé l’équation donnée par la régression linéaire de la courbe expérimentale. La pente de cette droite est liée à l’énergie du niveau profond par l’équation suivante : pente = − EP − EV . k Eq. III.29 Dans notre cas, cela mène à un niveau situé à 0.287 eV de la bande de valence : EP – EV = 0.287 eV. Par ailleurs l’ordonnée à l’origine de cette droite vaut ln(Kp.σp) où Kp est défini par l’équation Eq. III.23. Nous trouvons ainsi que la section efficace de capture du niveau trouvé ici est de 1.3636x10-14 cm2, soit σp = 1.3636 nm2. Afin d’aller plus loin dans l’analyse, nous allons maintenant tenter d’obtenir, par le calcul, les courbes mesurées du signal DLTS en fonction de la température. III.5.3 Modélisation du spectre obtenu La méthode utilisée est précisément celle décrite dans la partie III.4. Pour le niveau énergétique et la section efficace de capture, nous avons utilisé les valeurs trouvées cidessus. Pour chacune des courbes de signal DLTS, c'est-à-dire pour chaque taux d’émission mis en valeur, nous avons calculé la courbe théorique en ajustant deux paramètres : la constante C0 de l’équation Eq. III.28, ainsi que l’écart – type de la fonction gaussienne (Eq. III.26). Afin d’ajuster au mieux chacune des courbes calculées à son pendant expérimental, nous avons effectué cette opération pour chaque taux d’émission séparément. Les courbes théoriques obtenues sont comparées aux courbes expérimentales sur la Figure III.9. ep=23.25 ep=23.25_Calcul Signal DLTS (pF) 0.5 0.4 ep=46.5 ep=46.5_Calcul 0.3 ep=116.27 ep=116.27_Calcul ep=232.5 ep=232.5_Calcul ep=465.1 ep=465.1_Calcul ep=1162.79 0.2 ep=1162.79_Calcul ep=2325.58 ep=2325.58_Calcul 0.1 0.0 120 ep=4651.16 ep=4651.16_Calcul 140 160 180 200 220 240 Température (K) Figure III.9. Comparaison du spectre DLTS obtenu par calcul avec le spectre mesuré expérimentalement. 150 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Les valeurs des différents paramètres utilisés pour ajuster les courbes théoriques sont résumées dans la Tableau III.1. Tableau III.1. Paramètres utilisés pour l’ajustement des modèles de courbes DLTS. ep (s-1) σp (nm2) C0 (pF) σgauss (meV) 23.25 1.8409 0.52 33 46.5 0.9545 0.9 30 116.27 0.7500 1.02 23 232.5 0.7909 1.53 25 465.1 1.0227 1.59 23 1162.79 1.3363 1.97 29 2325.58 1.7727 1.95 32 4651.16 1.3091 2.07 39 Moyennes 1.22 nm2 1.44 29 meV On peut considérer que le niveau caractérisé est le même pour chacune des fenêtres choisies, c'est-à-dire pour chaque taux d’émission mis en valeur. Ainsi, les valeurs de C0, de σp, et de σgauss devraient être les mêmes pour chacune de ces courbes. Les écarts que l’on observe peuvent être imputés à des erreurs de mesure (par exemple de la température ou du signal lui-même, qui est relativement faible), mais également des modèles utilisés pour calculer les courbes. La valeur moyenne de la section efficace de capture est ici d’environ 1.22 nm2, ce qui est, somme toute, assez proche de la valeur initialement calculée. En ce qui concerne l’écart – type de la gaussienne, qui caractérise l’étalement énergétique dans le gap des différents niveaux profonds caractérisés, sa valeur moyenne est d’environ 29 meV. Sur la Figure III.10 sont représentées pour ep = 1162.79 s-1 : la courbe mesurée, la courbe calculée avec une répartition gaussienne des niveaux dans le gap, ainsi que la courbe calculée avec un niveau simple à Ea0 = 0.287 eV. Cela permet de constater l’effet de cette répartition gaussienne des niveaux, à savoir un Signal DLTS (pF) étalement du signal. En s’étalant le pic perd égelement en intensité. 1.0 0.9 0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0.0 ep=1162.79 ep=1162.79_Calcul ep=1162.79_Calcul Niveau Simple 140 160 180 200 220 240 Température (K) 151 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Figure III.10. Effet de la répartition énergétique en gaussienne sur le signal DLTS : étalement de la courbe. III.6 Discussion Nous avons donc identifié un niveau profond dans la bande interdite du silicium de notre échantillon. Le niveau principal est placé à 0.287 eV de la bande de valence. La modélisation du spectre obtenu a permis d’affiner la valeur de la section efficace de capture initialement calculée : elle a été finalement déterminée à 1.22 nm2. Mais surtout, il a été nécessaire d’introduire une répartition énergétique en gaussienne dans la bande interdite. L’écart – type de la fonction gaussienne est d’environ 29 meV. Cette gaussienne est représentée dans le gap sur la Figure III.11. s=0.01 meV s=23 meV s=39 meV s=29 meV 0 0.56 EV 1.12 EC Figure III.11. Répartition énergétique en gaussienne des niveaux profonds identifiés par DLTS dans la bande interdite du silicium. Cette répartition énergétique en gaussienne est caractéristique de différentes compositions d’alliages dans des semiconducteurs de type III – V [Omling83]. Dans un semiconducteur de la colonne IV comme le silicium, elle peut être due à la présence de défauts étendus ou de dislocations. Nos résultats sont en effet proches de ceux décrits dans [Ayres92], dont les auteurs ont trouvé qu’un des niveaux présumé associé à des boucles de dislocations se trouvait à 0.26 eV de la bande de valence, avec une répartition de 32 meV. Par ailleurs Omling et ses collègues rapportent également dans [Omling85] les résultats d’analyses DLTS de dislocations créées par la déformation plastique du silicium. Ils trouvent que celles-ci ont une énergie d’activation de 0.29 eV, et un écart – type de la gaussienne de 22 meV. Les caractéristiques des niveaux profonds générés par la déformation du cristal autour d’une dislocation n’ont, à notre connaissance, jamais fait l’objet de calculs théoriques. Ainsi l’analyse de nos mesures DLTS semble bien montrer que les niveaux caractérisés sont associés à des défauts étendus, et plus particulièrement à des boucles de dislocations. Après un recuit à 1030°C, même court (recuit rapide de type spike dans notre cas), la présence de défauts {311} est peu probable. 152 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium Quant à la présence de boucles de dislocations, elle est confirmée par nos simulations effectuées avec DADOS. La Figure III.12 montre les défauts obtenus après les implantations BF2 (30 keV, 4x1013 cm-2, 25° et 23°) et arsenic (1 keV, 5x1014 cm-2, 0° et 0°) suivies du recuit rapide spike à 1030°C. Le profil de concentration d’interstitiels associés à ces défauts étendus est également comparé aux profils de dopants obtenus par SIMS. La localisation des boucles de dislocation se trouve juste derrière la jonction métallurgique, c'est-à-dire dans la région d’extension de la zone de charge d’espace. (a) 1E+22 SIMS B Recuit Concentration (cm-3) 1E+21 SIMS As Recuit 1E+20 DADOS Interstitiels dans Boucles de Dislocation 1E+19 (b) 1E+18 1E+17 1E+16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Profondeur (nm) Figure III.12. (a) Projection « en coupe latérale » des défauts restant après le recuit spike sur nos échantillons, d’après les simulations. Les points bleus représentent les atomes de dopants, et les boucles de dislocation sont visibles en rouge – orangé. (b) Localisation en profondeur des boucles de dislocation par rapport aux profils de dopants obtenus par analyses SIMS. Cet échantillon a cependant été analysé par microscopie électronique à transmission au CEMES, en particulier par Pier-Francesco Fazzini. Aucun défaut étendu n’a alors pu être observé, comme le montrent les deux photos prises en vue plane de la Figure III.13. 200 nm 500 nm Figure III.13. Les photos en vue plane ne révèlent pas de défauts étendus dans l’échatillon analysé en microscopie électronique à transmission. 153 Chapitre III Etude par DLTS des niveaux profonds associés aux défauts étendus du silicium La raison la plus plausible serait que la densité de boucles de dislocation soit très faible, ce qui pourrait expliquer que l’analyse par microscopie électronique à transmission n’en ait pas révélées. Dans ce cas, pourquoi les détecterait-on par DLTS ? La technique de DLTS est d’abord extrêmement sensible en concentration ; par ailleurs, une seule boucle de dislocation génère de nombreux niveaux dans le gap, comme nous l’avons expliqué dans la paragraphe III.2.1. C’est pourquoi la DLTS est vraisemblablement sensible à la présence d’un très petit nombre de boucles de dislocations. Remarquons enfin qu’il est probable que les niveaux profonds associés aux dislocations piègent des trous ou des électrons, selon le dopage de la région dans laquelle ils se trouvent… ce sont des pièges a priori « neutres », dans le sens où ils ne sont pas dus à une interaction chimique entre une impureté et le réseau du silicium, mais bien à une déformation purement mécanique de celui-ci. Il paraît donc logique que les porteurs majoritaires soient préférentiellement piégés par ces déformations, que ce soient des électrons (zone dopée n) ou des trous (zone dopée p). Comme dans le cas présent nous avons sondé la partie p de la jonction (zone la moins dopée, dans laquelle s’étend la zone de charge d’expace), ces niveaux profonds piègent uniquement les porteurs majoritaires de la région p, c'est-à-dire les trous. III.7 Conclusion Nous avons utilisé la DLTS pour déterminer les caractéristiques des niveaux profonds associés à des défauts étendus. Ces mesures ont été effectuées sur des jonctions ultraminces de moins de 20 nm de profondeur. Nous avons ensuite modélisé le spectre de DLTS obtenu. C’est ainsi que des niveaux associés à des boucles de dislocation ont été identifiés. Ils présentent une répartition énergétique en gaussienne dans le gap, centrée autour d’un niveau principal. Les caractéristiques de ces pièges sont résumées dans le Tableau III.2. Dans un semiconduteur pur, ces propriétés sont caractéristiques de la présence de défauts étendus, en particulier dislocations ou boucles de dislocations. Tableau III.2. Caractéristiques des niveaux profonds associés aux boucles de dislocation analysés par DLTS. Intitulé Abréviation Valeur Niveau principal Ea0 = EP – EV 0.287 eV Type de distribution énergétique gaussienne Répartition énergétique σgauss 29 meV Section efficace de capture σp 1.22 nm2 L’association des niveaux profonds détectés à des boucles de dislocation a été discutée. Malgré l’absence apparente de ces défauts étendus sur les observations au microscope électronique à transmission, les simulations des implantations et recuit de l’échantillon ainsi que les analyses DLTS tendent à prouver que ces niveaux sont bien générés par la présence de boucles de dislocation. 154 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Chapitre IV. ETUDE DES COURANTS DE FUITE DE JONCTION Nous savons à présent simuler l’évolution des défauts au cours du procédé de fabrication, et donc reconnaître les procédés à la fin desquels des défauts étendus persistent ; le cas échéant, où ils sont situés, et en quelle quantité. Nous avons également recueilli de nombreuses informations sur les niveaux profonds que ces défauts étendus, c'est-à-dire – dans le cas le plus fréquent – les boucles de dislocation, généraient dans la bande interdite du silicium, et ce grâce aux mesures par spectroscopie des transitoires des niveaux profonds. Toutes ces informations, introduites dans les modèles de courants de fuites de jonctions, devraient nous permettre d’améliorer la qualité des résultats de simulations de ces fuites dans les transistors, tâche à laquelle nous allons nous livrer dans ce chapitre. IV.1 Structure et propriétés de base de la jonction pn Considérons deux morceaux de silicium, l’un dopé n et l’autre dopé p. Rappelons que dans un semiconducteur dopé, on trouve des dopants ionisés et autant de porteurs de charge libres. Quand on assemble ces deux parties, on se trouve en présence de forts gradients de concentration de porteurs libres, gradients qui tendent à les faire diffuser : - les électrons ont tendance à migrer de la zone n vers la zone p, - les trous ont tendance à diffuser de la zone p vers la zone n. Localement, de part et d’autre de la jonction , la condition de neutralité n’est alors plus observée : du côté p, un excès d’électrons s’accumule aux accepteurs ionisés, tandis que du côté n un excès de trous s’ajoute aux donneurs ionisés. La plupart des porteurs minoritaires en excès se recombinent avec des porteurs majoritaires, ce qui d’ailleurs ne change pas l’état de charge de chacune des régions. On obtient donc de part et d’autre de la jonction métallurgique deux zones chargées (négativement du côté p et positivement du côté n), plus ou moins désertées par les porteurs. On appelle donc cette région zone de déplétion ou zone de charge d’espace (ZCE). La présence d’un dipôle dans la zone de charge d’espace entraîne la création d’un champ électrique, qui va en retour s’opposer à la diffusion des porteurs. Ces derniers se trouvent ainsi en équilibre entre deux 155 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction forces qui les entraînent : celle due aux gradients de concentration (courant de diffusion) et celle appliquée par le champ électrique (courant de dérive). La Figure IV.1 résume schématiquement ces différentes notions. entraînement des électrons : (a) par le gradient de concentration ZONE DE CHARGE D’ESAPCE par le champ électrique h+ + h p e- h+ h+ e- h+ ee- h+ entraînement des trous : e- n e- par le gradient de concentration par le champ électrique (b) p n EC q.Vi EF EV Figure IV.1. (a) Représentation schématique d’une zone de charge d’espace et des flux équilibrés de porteurs provoqués par les gradients de concentration et le champ électrique. (b) Structure de bande d’une jonction pn. IV.1.1 Calcul du champ électrique à la jonction En utilisant la statistique de Boltzman, en considérant un flux de porteurs nul (équilibre), et en posant l’équation de neutralité, la différence de potentiel électrostatique Vi, entre les deux régions neutres, engendrée par le dipôle, (tension intrinsèque) se calcule ainsi : Vi = k ⋅ T Nd ⋅ Na ⋅ ln 2 q ni , avec Nd le niveau de dopage côté n et Na le niveau de dopage côté p. Par ailleurs le champ électrique Eélec au sein de la zone de déplétion s’exprime par : 156 Eq. IV.1 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction q ⋅ Na E élec p = − ε ⋅ x − x p pour le côté p Si , q ⋅ N d E = ⋅ (x − x n ) pour le côté n élec n ε Si ( ) Eq. IV.2 avec εSi la constante diélectrique du silicium, xp = -Wp et xn = -Wn sur un axe x allant du p vers le n et dont l’origine coïncide avec la jonction métallurgique. IV.1.2 Calcul de l’étendue de la zone de charge d’espace La zone de charge d’espace s’étend sur une distance totale WZCE répartie entre la région p et la région n : WZCE = Wp + Wn , Eq. IV.3 Wp et Wn étant liées par la relation : Wp ⋅ N a = Wn ⋅ N d . Eq. IV.4 Enfin Wp et Wn sont fonction des valeurs de dopage et de la tension intrinsèque : 1 2 2 ⋅ ε Si ⋅ Vi Wp = q ⋅ N ⋅ Na a 1+ Nd . W 2 = 2 ⋅ ε Si ⋅ 1 ⋅ V i n q ⋅ Nd 1 + Nd Na Eq. IV.5 IV.2 Les courants de la jonction pn Nous allons à présent décrire les phénomènes régissant les courants de la jonction, idéale d’abord et réelle ensuite. Nous aborderons le cas d’une polarisation en direct de la jonction, mais nous nous pencherons plus en détail sur la situation de polarisation inverse. IV.2.1 La polarisation de la jonction La jonction pn a le comportement électrique d’une diode : nous l’allons montrer tout à l’heure. L’application d’une polarisation Va aux bornes de la diode s’applique en quasi totalité sur la zone de charge d’espace (qui est isolante), les régions neutres, riches en porteurs libres, étant conductrices. IV.2.2 La diode idéale : courants de dérive et de diffusion IV.2.2.1 En polarisation directe Si l’on applique une polarisation positive sur le côté p de la jonction (le côté n restant à la masse), la barrière de potentiel de la jonction s’abaisse et ne vaut plus que Vi – Va. Autrement dit, le champ 157 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction électrique intrinsèque est contrecarré et n’empêche donc plus la diffusion des porteurs. Les électrons circulent donc de la région n vers la région p et les trous de la région p vers la zone n (voir Figure IV.2). Il apparaît donc un courant de diffusion. En polarisation directe, la jonction laisse passer le courant. IV.2.2.2 En polarisation inverse Si la polarisation positive est appliquée sur le côté n de la jonction, la barrière de potentiel de celle-ci est augmentée et passe à Vi + Va. Le champ intrinsèque est renforcé par ce champ extérieur, et bloque alors totalement la diffusion des porteurs majoritaires. Seuls les porteurs minoritaires qui atteignent la zone de déplétion sont entraînés par le champ : c’est le courant de dérive, qui reste néanmoins à un niveau très faible. Pour résumer, la Figure IV.2 représente la jonction dans tous ces états. Si l’on applique une polarisation Va au côté p de la jonction et que le côté n est porté à la masse, l’expression de la densité de courant est : q ⋅ Va J = J 0 ⋅ exp − 1 . k⋅T Eq. IV.6 Le courant varie donc exponentiellement avec une polarisation directe, tandis qu’il se réduit au courant de dérive J0 en polarisation inverse. 158 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction A l’équilibre Diffusion EC Dérive EF EV En polarisation directe En polarisation inverse Diffusion Diffusion EC EC Dérive Dérive EF EV EF EV Figure IV.2. Structure de bande et courants de dérive et de diffusion pour trois états de la jonction. IV.2.3 La diode non idéale IV.2.3.1 Polarisée en direct La jonction réelle présente un facteur d’idéalité n, qui est égal à 1 si la diode est idéale, et qui, sinon, est supérieur à 1. La densité de courant de la diode réelle en polarisation directe s’exprime par : q ⋅ Va J = J 0 ⋅ exp − 1 , n ⋅k ⋅T Eq. IV.7 où n est le facteur d’idéalité de la jonction. Aux tensions élevées, les phénomènes de forte injection d’une part et de résistance d’autre part limitent le niveau du courant. 159 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction IDEALE : pente = q/kT ln J forte résistance série forte injection NON IDEALE pente = q/nkT n>1 Va Figure IV.3. Caractéristique de la jonction pn en polarisation directe. IV.2.3.2 Polarisée en inverse Nous avons vu que la diode idéale polarisée en inverse présentait un courant presque nul. Dans les cas réels, ce n’est pas vrai : on parle donc de courant de fuite. Trois mécanismes sont principalement responsables de la fuite de jonction, que nous allons à présent décrire. Les deux premiers font intervenir des niveaux profonds dans la bande interdite, localisés dans la zone de charge d’espace. Les deux derniers sont liés à un effet tunnel subi par les porteurs. D’autres mécanismes contribuent également au courant inverse, il feront l’objet d’un dernier paragraphe. IV.2.3.2.1 La génération Shockley Read Hall La mécanisme de génération Shockley Read Hall (SRH) est lié à la présence de niveaux profonds dans la zone de charge d’espace de la jonction. Un électron est piégé par un de ces niveaux, gagne de l’énergie et sort dans la bande de conduction. Une fois dans la bande de conduction (quand il est libre donc), il est accéléré par le champ électrique de la zone de déplétion : c’est ainsi qu’il contribue au courant inverse de diode. Ces raisonnements sont également valables avec les trous, dans le cas où les niveaux sont plutôt des pièges à trous. La Figure IV.4 représente schématiquement le mécanisme de génération SRH dans une zone de charge d’espace. 160 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction EC + ∆E EV p n Figure IV.4. Diagramme de bandes montrant schématiquement l’émission SRH d’un électron d’un niveau profond et son accélération par le champ électrique de la jonction. Le porteur a d’abord besoin d’énergie pour se libérer du piège : la génération SRH dépend donc de la température. Par ailleurs, le porteur étant accéléré par le champ électrique régnant dans la zone de charge d’espace, le courant généré par ce mécanisme dépend de la tension appliquée aux bornes de la jonction. IV.2.3.2.2 La génération par effet tunnel bande à bande direct L’effet tunnel bande à bande direct (TBBD de Tunnel Bande à Bande Direct) a lieu quand le champ électrique à travers la jonction est très fort. Dans ce cas, la courbure des bandes est telle que la distance entre la bande de valence du côté p à la bande de conduction du côté n devient assez petite pour permettre aux électrons de subir l’effet tunnel. La barrière de potentiel à travers laquelle l’électron doit transiter est constituée par la bande interdite du semiconducteur. Cette barrière est triangulaire (voir Figure IV.5) ; il s’agit donc d’un régime de type Fowler – Nordheim. Plus la barrière est fine, plus la probabilité pour un électron de transiter par effet tunnel sera grande ; c’est pourquoi ce mécanisme sera favorisé en présence d’une forte courbure des bandes. Cette courbure est due soit à une jonction plus abrupte (voir Figure IV.5 (b)), soit à une polarisation inverse plus forte. Un cas de figure très favorable à l’effet tunnel apparaît quand le bas de la bande de conduction du côté n se retrouve plus bas que le haut de la bande de valence du côté p. On a alors un grand nombre d’électrons d’un côté et un grand nombre d’états non occupés de l’autre (comme c’est le cas sur la Figure IV.5), et les électrons n’ont pas besoin d’un apport d’énergie pour transiter de la bande de valence vers la bande de conduction. 161 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction (a) EC (b) Barrière de type Fowler – Nordheim EC EF EF EV EV EF EF p n p n Figure IV.5. Illustration de la génération tunnel bande à bande direct dans le cas d’une jonction peu abrupte (a) ou très abrupte (b). Lorsqu’un électron quitte la bande de valence, il y laisse un trou. L’électron étant libéré des liaisons interatomiques, les deux porteurs générés sont libres. Situés spatialement dans la zone de charge d’espace, ils sont alors accélérés par le champ électrique de la jonction. La génération par effet tunnel engendre donc simultanément un courant de trous et un courant d’électrons. La dépendance en température de la génération par effet tunnel direct est uniquement due à la réduction de la hauteur de la bande interdite avec l’augmentation de la température. En revanche, le courant dû à l’effet tunnel dépend fortement de la tension appliquée aux bornes de la jonction, d’une part par la réduction de l’épaisseur de la barrière de potentiel (courbure des bandes due à la présence d’un fort champ électrique), et, dans une moindre mesure, de l’accélération des porteurs générés par le champ de la jonction. A fort champ électrique – soit dû aux niveaux de dopage, soit à la tension appliquée aux bornes de la diode – le courant est donc principalement dû à la génération tunnel bande à bande direct. A champ électrique moyen, ce sera la composante de l’effet tunnel bande à bande assisté par piège qui dominera. IV.2.3.2.3 La génération tunnel bande à bande assitée par pièges La génération de porteurs par effet tunnel bande à bande assisté par piège (TBBAP de Bande à Bande Assistée par Pièges) est une combinaison entre la capture d’un électron par un piège et l’effet tunnel à travers la barrière de la zone de déplétion. Dans le cas de l’effet tunnel assisté par pièges, l’électron « se sert » en effet d’un niveau profond situé dans la zone de charge d’espace comme étape au cours du franchissement de la barrière. C’est comme si la présence d’un niveau profond avait divisé par deux la largeur de la barrière à franchir par effet tunnel, favorisant grandement ce dernier. Ce mécanisme est également équivalent à la génération SRH en présence d’un champ électrique ; mais c’est déjà un effet tunnel. Ce phénomène dépend à la fois de la température et du champ électrique (donc de la tension appliquée). En effet, l’électron peut quitter la bande de valence du côté p par effet tunnel ou alors en gagnant de l’énergie par effet thermique. La Figure IV.6 résume ces quelques informations concernant l’effet tunnel assisté par piège. 162 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction EC (a) EF EV EF (b) p n Figure IV.6. Illustration schématique de l’effet tunnel assisté par piège : la paire électron – trou peut être générée sous l’effet du champ électrique (a) ou par effet thermique (b). Comme pour l’effet tunnel bande à bande direct, le tunnel assisté par piège génère à la fois un courant de trous et un courant d’électrons. Les deux porteurs sont accélérés par le champ à la jonction. IV.2.3.2.4 L’ionisation par impact L’ionisation par impact est aussi appelée génération Auger, ou génération par avalanche. Elle arrive quand un porteur (électron ou trou) est fortement accéléré dans une zone de charge d’espace où règne un très fort champ électrique. Il gagne ainsi une grande quantité d’énergie, jusqu’à dépasser la hauteur de la bande interdite : c’est ainsi qu’il devient capable de délocaliser un électron d’une liaison interatomique (silicium – silicium), ce qui aboutit à la création d’une paire électron – trou. La paire est séparée sous l’effet du champ, car les porteurs sont accélérés dans des directions opposées. Les porteurs créés et accélérés vont à leur tour être capables de générer une paire, et ainsi de suite. Il s’agit donc d’une réaction en chaîne produisant un effet d’avalanche. La Figure IV.7 représente schématiquement ce phénomène. EC EF EV p n Figure IV.7. Représentation schématique de la génération de porteurs par ionisation par impact. Ce phénomène est indépendant de la température, mais est très fortement lié au champ électrique dans la zone de déplétion. 163 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Si la génération par ionisation par impact est très forte, le courant s’amplifie extrêmement rapidement. Le dispositif peut être dégradé au point de perdre ses propriétés électriques, ce qui peut avoir pour conséquence le claquage de la jonction. IV.3 La modélisation des courants de la jonction polarisée en inverse Dans cette partie nous allons nous concentrer sur la modélisation des fuites de jonction, c'est-à-dire sur les courants de la diode polarisée en inverse. Les modèles d’ionisation par impact, phénomène normalement absent aux tensions de polarisation usuelles, ne seront pas présentés ici. IV.3.1 Le courant de dérive La première (et seule dans le cas d’une jonction parfaite) composante qui participe au courant de la jonction polarisée en inverse est le courant de dérive. Rappelons que l’expression de la densité de courant de la jonction idéale est : J = Jn + J p , Eq. IV.8 où : q ⋅ D n ⋅ n p0 Jn = Ln J = q ⋅ D p ⋅ pn0 p Lp q ⋅ Va ⋅ exp k⋅T q ⋅ Va ⋅ exp k⋅T − 1 − 1 . Eq. IV.9 Ainsi, dans l’expression de l’équation Eq. IV.6, la densité de courant J0 est égale à : J0 = q ⋅ Dp ⋅ n i 2 L p ⋅ ND { + q ⋅ Dn ⋅ n i 2 , L n ⋅ NA { côté n Eq. IV.10 côté p Lp (respectivement Ln) étant la longueur de diffusion des trous (respectivement des électrons) avant recombinaison, et Dp (respectivement Dn) le coefficient de diffusion thermique des trous (respectivement des électrons). Or la densité de courant de dérive en polarisation inverse (côté n à la masse et Va négative côté p) se résume à -J0. Le courant de dérive est donc proportionnel à ni2, qui varie exponentiellement avec la température. La dépendance en température du courant de dérive est donc de la forme : Eg . J 0 ∝ exp − k⋅T 164 Eq. IV.11 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Mais cette composante du courant inverse demeure, dans les jonctions réelles, beaucoup plus faible que les mécanismes dits de fuite de jonction. IV.3.2 La génération Shockley Read Hall Ce premier mécanisme de génération – recombinaison responsable du courant en polarisation inverse est dû à la présence de niveaux profonds dans la zone de déplétion. Dans les matériaux à gap indirect, le terme de recombinaison nette s’exprime par : R SRH = ( σ n ⋅ σ p ⋅ v th .n ⋅ v th . p ⋅ N P ⋅ p ⋅ n − n i 2 E − EP σ p ⋅ v th . p ⋅ p + n i ⋅ exp i k⋅T ) E − Ei + σ n ⋅ v th .n ⋅ n + n i ⋅ exp P k ⋅T , Eq. IV.12 avec vth la vitesse thermique des porteurs, EP le niveau énergétique dans le gap, NP la concentration des niveaux profonds, σn (σp) la section efficace de capture des niveaux profonds pour les électrons (les trous) [Sze07]. Sachant que la durée de vie des porteurs τn et τp s’exprime par : 1 τ n = σ ⋅ v ⋅ N n th . n P , 1 τ p = σ p ⋅ v th . p ⋅ N P Eq. IV.13 l’expression de la recombinaison de porteurs s’écrit donc également : R SRH = p ⋅n − ni2 E − E P E − Ei τ n ⋅ p + n i ⋅ exp i + τ p ⋅ n + n i ⋅ exp P k ⋅ T k⋅T ; Eq. IV.14 ce qui, dans la zone de charge d’espace (p.n << ni2), peut éventuellement se réduire à [Duffy03]: R SRH = − ni E − ET ET − Ei τ n 0 ⋅ exp i + τ p 0 ⋅ exp k⋅T k⋅T . Eq. IV.15 Dans l’expression Eq. IV.14, le temps de vie des porteurs dépend du niveau de dopage (i) et de la température (ii). (i) La relation de Scharfetter donne une relation de ce temps de vie avec la quantité totale de dopants ionisés présents (indépendamment du type, n ou p : c’est la présence d’un champ localisé dû à l’ionisation qui est responsable de la réduction de la durée de vie des porteurs) : τ(N A + N D ) = τ min + τ max − τ min N + ND 1 + A N ref γ , Eq. IV.16 où Nref représente la quantité de dopants à partir de laquelle le temps de vie des porteurs est affecté. Cette relation est d’origine empirique [Roulston82]. 165 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction (ii) En ce qui concerne la dépendance en température, il n’existe pas de modèle faisant l’unanimité. Mais il est généralement accepté que le temps de vie augmente avec la température [Tyagi83, Goebel92]. Deux lois principales ont été proposées : une loi en puissance, décrite par la relation Eq. IV.17, et la loi exponentielle de l’équation Eq. IV.18 : α T τ(T ) = τ 0 ⋅ , 300 Eq. IV.17 T τ(T ) = τ 0 ⋅ exp C ⋅ − 1 , 300 Eq. IV.18 la température étant exprimée en kelvin. Pour ces deux lois, les paramètres α et C peuvent être ajustés selon les besoins. Pour l’une ou l’autre τ(T ) . loi, on appelera f(T) le rapport τ0 N.B. : A ne pas oublier malgré tout, la génération SRH dépend par ailleurs de la température à travers ni, et donc : Eg . G SRH ∝ exp − 2⋅k ⋅T Eq. IV.19 Pour enfin concilier les dépendances en température et en dopage du temps de vie, l’on peut écrire que : τ max − τ min τ x (N A + N D , T ) = τ min + ⋅ f (T ) , γ N + N D 1 + A N ref Eq. IV.20 où x sied pour n pour les électrons et pour p pour les trous. IV.3.3 La génération par effet tunnel bande à bande direct Les équations modélisant l’effet tunnel que nous allons maintenant présenter ne sont pas forcément adaptées aux matériaux à gap indirect ; mais elles ont le mérite d’exister, où, dit autrement, c’est encore ce qui se fait de mieux actuellement – du moins à ma connaissance. Pour commencer, rappelons que la probabilité pour un électron de franchir la barrière augmente quand le champ électrique se renforce, où quand l’épaisseur de la barrière à franchir s’affine. C’est ce que traduit la relation suivante : Eg 32 Pr obabilité Tunnel ∝ exp − E élec . Eq. IV.21 Le champ électrique ayant une composante intrinsèque à la jonction, et étant modulé par la tension appliquée. 166 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Trois modèles principaux seront présentés dans ce chapitre : un modèle simplifié, mais insuffisant, le modèle de Schenk et, enfin, le modèle de Hurkx. IV.3.3.1 Le modèle simplifié Dans ce modèle [Liou90] la génération par effet tunnel bande à bande direct est exprimée par : E G TBBD = G 0 ⋅ E élec r ⋅ exp − 0 E élec . Eq. IV.22 Dans cette équation G0, E0 et r sont des paramètres ajustables. En particulier l’exposant r permet de rendre cette génération plus ou moins dépendante du champ électrique. Une valeur de r comprise entre 1 et 2 (inclus) semble raisonnable. Ce modèle a l’avantage d’être simple ; mais il ne traduit pas l’effet de l’épaisseur de la barrière, donc de la variation de la bande interdite avec la température – voire, le cas échéant, avec la composition du matériau. IV.3.3.2 Le modèle de Schenk Le modèle de Schenk [Schenk93] rend compte de la dépendance avec le champ électrique de la manière suivante : G TBBD ∝ E élec 7 2 Cst ; ⋅ exp − E élec Eq. IV.23 et de la température – outre via ni – par : G TBBD ∝ 1 1 + , h⋅ω h ⋅ω exp − 1 1 − exp − k⋅T k⋅T Eq. IV.24 h ⋅ ω étant l’énergie du phonon associé au transfert de l’électron d’une bande à l’autre. Plus généralement, dans la zone de charge d’espace où n.p > ni2, on a : G TBBD − −32 Fc− ⋅ exp − Fc 7/ 2 E élec = G 0 ⋅ E élec ⋅ M ⋅ h⋅ω −1 exp k ⋅ T 3 Fc+ +− 2 Fc ⋅ exp − + E élec h⋅ω 1 − exp − k⋅T , Eq. IV.25 où les quantités M et FC sont données par : M= n ⋅ p − ni2 (n + n i ) ⋅ (p + n i ) et ( ) Fc± = C ⋅ E g ± h ⋅ ω , Eq. IV.26 Eq. IV.27 respectivement. 167 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction On retiendra que les quantités G0, C et h ⋅ ω (via ω) peuvent servir à calibrer les modèles. IV.3.3.3 Le modèle de Hurkx Le modèle de Hurkx [Hurkx92] traduit la génération nette par effet tunnel bande à bande direct de la façon suivante : G TBBD p C ⋅ E g (T ) 3 2 E élec , = G0 ⋅ M ⋅ ⋅ exp − 3 2 1 E g (T ) ⋅ E élec Eq. IV.28 le dénominateur 1 ayant une dimension de champ électrique, et M étant la même quantité que dans l’équation Eq. IV.26. Dans ce modèle trois paramètres sont ajustables : G0, C, et l’exposant p. IV.3.4 La génération par effet tunnel bande à bande assisté par pièges La modélisation de ce type de génération de porteurs est équivalente à celle de la génération Shockley Read Hall, avec un terme supplémentaire faisant intervenir le champ électrique. IV.3.4.1 Le modèle de Schenk Dans le modèle de Schenk [Schenk92], ce terme est un facteur multiplicaif 1 appliqué au 1 + g (E élec ) temps de vie des porteurs de l’équation Eq. IV.20, qui devient donc : τ max x − τ min x f (T ) τ x (N A + N D , T ) = τ min x + ⋅ . γ 1 + g (E élec ) N + N D 1 + A N ref Eq. IV.29 g(Eélec) est une fonction du champ électrique faisant intervenir le niveau énergétique EP des pièges impliqués. IV.3.4.2 Le modèle de Hurkx Dans ce modèle, le temps de vie des porteurs est modifié par le même facteur 1 , dont la 1 + g (E élec ) fonction g(Eélec) a cependant une expression différente. Mais une seconde différence non moins importante consiste à modifier également la section efficace de capture σx des porteurs par les niveaux profonds : σ x = σ x 0 ⋅ [1 + g (E élec )] . 168 Eq. IV.30 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction IV.4 La modélisation des niveaux profonds Les niveaux profonds ont déjà été décrits dans le Chapitre III sur la DLTS (partie III.2). Nous allons aborder ici quelques unes des méthodes existant pour les modéliser, et en tenir compte dans les modèles de courants de fuites de jonction. IV.4.1 Le type de piège Deux catégories de niveaux profonds sont prises en compte dans les modèles : les pièges à électrons et les pièges à trous. Pour chacun il est possible de spécifier si le piège est rempli de porteurs (piège donneur pour les électrons et pièges accepteur pour les trous) ou vide de porteurs. IV.4.2 La distribution énergétique Plusieurs types de distribution énergétique peuvent être modélisés. On peut bien sûr spécifier un niveau simple, localisé en énergie ; dans ce cas, la concentration NP de pièges (enprimée en cm-3) correspond à la concentration constante donnée en entrée du simulateur, NP0. On peut également spécifier d’autres distributions énergétiques, comme gaussienne, exponentielle, ou arbitraire. Pour la gaussienne, la concentration est alors calculée à partir de la concentration du niveau principal (NP0 à Ea0) et de l’écart – type de la fonction gaussienne σgauss : (E − E a 0 )2 N P = N P 0 ⋅ exp − , 2 2 ⋅ σ gauss Eq. IV.31 concentration qui s’exprime alors en cm-3.eV-1. IV.4.3 La distribution spatiale Dans le cas d’une distribution spatiale uniforme, la concentration en tout point est la concentration initiale précisée : N P (x, y , z ) = N P 0 . Eq. IV.32 Dans le cas d’une distribution spatiale gaussienne, la concentration en un point {x, y, z} est calculée à partir d’un point {x0, y0, z0} où la concentration est NP0 : (x − x 0 )2 (y − y 0 )2 (z − z 0 )2 N P = N P 0 ⋅ exp − − − , 2 2 ⋅ σy 2 2 ⋅ σ z 2 2 ⋅ σ x Eq. IV.33 où σx, σy et σz sont les écarts-types de la fonction gaussienne pour la distribution spatiale. IV.4.4 Capture et émission de porteurs Dans notre cas, pour un matériau semiconducteur à gap indirect, le taux de capture d’un électron de la bande de conduction par un piège à électron (EP – EV > Eg/2) est calculé par : 169 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction c n = σ n ⋅ v th .n ⋅ n . Eq. IV.34 L’expression est transposable à la capture des trous de la bande de valence par des pièges à trous. L’expression du calcul du taux d’émission d’électrons du niveau profond vers la bande de conduction est : e n = σ n ⋅ v th .n ⋅ 1 E ⋅ n i ⋅ exp P ; gn k⋅T Eq. IV.35 et pour l’émission des trous du piège vers la bande de valence : e p = σ p ⋅ v th . p ⋅ 1 E ⋅ n i ⋅ exp − P ; gp k⋅T Eq. IV.36 avec σ la section efficace de capture des pièges, vth la vitesse thermique des porteurs, et g leur niveau de dégénérescence. La vitesse thermique dépend bien entendu de la température ; deux modèles existent pour la calculer : v th .( n , p ) = v th 0.( n , p ) ⋅ T , 300 Eq. IV.37 T étant exprimée en Kelvins, ou bien : v th .( n , p ) = 3⋅k ⋅ T . m ( n ,p ) (300 K ) Eq. IV.38 La section efficace de capture peut enfin être modulée par le modèle de Hurkx, de la manière décrite au paragraphe IV.3.4.2. IV.4.5 Occupation des niveaux profonds Nous allons dans ce paragraphe traiter les mécanismes correspondant aux pièges à électrons ; chacun d’entre eux est transposable aux pièges à trous. L’occupation des niveaux profonds résultant de ces captures et émissions est décrite par la probabilité d’occupation Fn pour les pièges à électrons : Fn = cn . cn + en Eq. IV.39 Cette formule est valable dans un état stationnaire, qui est d’ailleurs atteint lors de mesures de caractéristiques courant – tension des jonctions (montée en tension progressive et relativement lente). Pour le cas général, on a que : ∂Fn = (1 − Fn ) ⋅ c n − Fn ⋅ e n . ∂t Eq. IV.40 Si plusieurs mécanismes d’émission et de capture interviennent, cette expression devient alors : ∂Fn = ∑ (1 − Fn ) ⋅ c ni − Fn ⋅ e ni = ∑ rni , ∂t i i 170 Eq. IV.41 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction avec Fn = ∑c i ∑ (c ni ni + e ni ) . Eq. IV.42 i Et en utilisant les formules du paragraphe IV.4.4, on retrouve l’expression Eq. IV.12 de la génération nette Shockley Read Hall (voir paragraphe IV.3.2). IV.5 Mesures Les mesures que nous utiliserons au cours de cette étude ont été effectuées au cours du stage précédent cette thèse, dans l’équipe « process integration » de l’Alliance Crolles2. Dans ce cadre, les mesures ont été effectuées sur des diodes mimant les structures des transistors MOSFETs, puisqu’il s’agissait de regarder les effets d’un « nouveau » procédé de fabrication (co-implantation) sur la jonction de ce dispositif. Malheureusement il n’a pas été possible, sur les derniers mois de la thèse, d’effectuer de nouvelles mesures sur des diodes planes, ce qui aurait éventuellement facilité l’interprétation, certes, mais surtout la simulation de ces courants de fuites de jonction. IV.5.1 Description des structures mesurées Nous avons donc utilisé des structures Miller. Il s’agit d’un ensemble de transistors identiques en batterie, connectés les uns à la suite des autres. Ces transistors peuvent avoir diverses dimensions ; en particulier, la longueur et la largeur de canal peuvent varier – mais pas sur un même ensemble. La Figure IV.8 montre des représentations des structures Miller. Enfin la caractéristique principale de ces structures repose sur la connection électrique reliant les source et drain de chaque transistor. La grille est portée à une polarisation fixe. En mesurant le courant circulant entre le substrat et les source et drain en fonction de la tension qu’on y applique, on caractérise ainsi la jonction globale du transistor. On mesure en parallèle la jonction drain / substrat et la jonction extension / poche. Cette dernière étant la plus abrupte, nous avons d’abord pensé qu’elle était principalement responsable des fuites mesurées. Les simulations devraient nous permettre de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. Le nombre de dispositifs ainsi caractérisés importe peu, pourvu qu’il soit connu. Le courant mesuré est normalisé par unité de largeur de canal (Wcanal), ce qui permet une comparaison avec d’autres mesures (dimensions différentes par exemple) ou avec des simulations (un seul dispositif). 171 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction une zone active STI grille de poly silicium (a) source drain Wcanal Lgrillel (b) Figure IV.8. Schéma et photographies de microscope électronique à balayage de structures Miller larges (a) et étroites (b). IV.5.2 Description des procédés de fabrication des jonctions mesurées L’idée est de comparer des jonctions dont les profils de dopants sont les plus proches possible, mais qui présentent des densités différentes de défauts étendus dans les dispositifs. Un des cas qui s’approche le plus de ces conditions est celui où l’on compare des jonctions obtenues avec et sans co-implantations. Nous avons choisi un cas en particulier, pour lequel des analyses SIMS sur un procédé de fabrication équivalent avaient été effectuées. Cela nous a permis de vérifier le calibrage de notre outil de simulation de procédé. Il s’agit donc d’un MOSFET de type n. La plaque de référence n’a subi aucune co-implantation. Les poches sont implantées avec la molécule de BF2 (30 keV, 4x1013 cm-2, inclinaison 25°, rotation 45°), les extensions à l’arsenic (1 keV, 6.5x1014 cm-2) ; puis, après la formation des espaceurs, les source et drain sont implantés au phosphore (20 keV, 6x1013 cm-2, cette implantation à faible dose étant destinée à « casser » la jonction pour la rendre moins aggressive) et à l’arsenic (20 keV, 2x1015 cm-2). Le recuit d’activation consiste en un recuit rapide de type spike, atteignant une température de 1080°C. La co-implantation, de fluor, était destinée à limiter la diffusion du bore des poches. Pour cela, deux énergies ont été testées : à 15 keV, le fluor se trouve au niveau du parcours projeté du bore ; à 20 keV, il se trouve enfoui plus profondément dans le canal. La dose de 1x1015 cm-2 de fluor a été implantée avec une inclinaison de 25°, comme les poches ; dans ce cas, quatre implantations (du quart de la dose totale) avec quatre angles de rotation différents ont été effectuées. Une implantation sans inclinaison a également été essayée (à 15 keV), et l’effet de l’angle sur les fuites n’est pas inintéressant ; c’est ce que nous allons voir maintenant. IV.5.3 Résultats des mesures 172 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Courant de jonction (A.µm-1) 1.E-09 1.E-10 1.E-11 1.E-12 1.E-13 1.E-14 Référence F 15keV_Inclinaison 0° F 15keV_Inclinaison 25° F 20keV_Inclinaison 25° 1.E-15 1.E-16 1.E-17 0 0.5 1 1.5 Tension appliquée au drain (V) Figure IV.9. Courant de fuite (mesuré sortant du substrat) de la jonction polarisée en inverse (le drain n+ est polarisé positivement, et le substrat p est à la masse), sur une structure Miller de type nMOS : influence de la co-implantation. Sur ces caractéristiques courant – tension de la jonction, on peut tirer moult informations. En premier lieu, la co-implantation de fluor entraîne une augmentation du niveau de fuite, particulièrement aux faibles tensions de polarisation. Cet effet est aggravé quand l’inclinaison d’implantation du fluor passe de 0° à 25°. Une augmentation supplémentaire des fuites de près d’une décade est obtenue en augmentant l’énergie d’implantation (de 15 à 20 keV) du fluor. On peut d’ores et déjà distinguer deux régimes de fuites de jonction, particulièrement discernables sur la courbe avec fluor sans inclinaison : un régime aux faibles tensions, peu dépendant du champ électrique, et le second régime apparaît à des tensions plus fortes, et semble augmenter plus brusquement avec la polarisation inverse de la diode. Si les mécanismes de génération Shockley Read Hall pour le régime aux basses tensions, et de génération par effet tunnel bande à bande assisté par piège pour le régime aux tensions plus hautes, ont été retenus au cours du stage précédent la thèse, ce sont les simulations qui, trois ans plus tard, devront trancher. C’est là l’objet de la partie suivante. IV.6 Simulations électriques IV.6.1 Présentation de l’outil de simulation Pour ces simulations électriques, nous avons utilisé le logiciel Sentaurus Device (SDevice) développé par la société Synopsys. Cet outil est celui utilisé par les personnes de l’équipe au sein de laquelle j’ai commencé ma thèse. Utiliser SDevice m’a donc permis donc de profiter de l’expérience de l’équipe… avant qu’elle ne soit dissoute. IV.6.2 Les différents modèles utilisés 173 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Dans SDevice, nous avons utilisé la modélisation de type dérive – diffusion pour le transport des porteurs. Comme les mesures, les simulations effectuées ne portent que sur une polarisation inverse de la jonction, c'est-à-dire sur la fuite de celle-ci. Afin de faciliter notre étude orientée sur les fuites induites par les niveaux profonds, nous nous sommes concentré sur le mécanisme de génération Shockley Read Hall (SRH), prédominant aux faibles polarisations. Nous avons dans un premier temps comparé différents modèles : - le modèle de génération – recombinaison SRH décrit par l’équation Eq. IV.14, qui, bien que dépendant implicitement de la présence de niveaux profonds, ne les modélise pas réellement ; - le modèle d’occupation des niveaux profonds décrit dans les paragraphes IV.4.4 et IV.4.5, avec des caractéristiques de pièges classiques : niveau simple, au milieu du gap, et section efficace de capture de 1x10-15 cm2, ou les caractéristiques préalablement déterminées à l’aide de la DLTS (Chapitre III). Nous avons également activé les modèles prenant en compte l’influence des espèces dopantes ainsi que celle de la température sur la durée de vie des porteurs, tous deux décrits dans le paragraphe IV.3.2. IV.6.3 Introduction des pièges caractérisés dans les modèles Les deux modèles cités ci-dessus font intervenir les niveaux profonds présents dans la zone de charge d’espace de la jonction. Comme nous le verrons dans le paragraphe IV.6.4.1, la co-implantation entraîne la formation – ou plus exactement la non dissolution – de boucles de dislocation pendant le procédé de fabrication. Si ces boucles sont responsables de l’augmentation des fuites de jonction observées, elles ont également été caractérisées par DLTS (voir Chapitre III). Les propriétés électriques et énergétiques tirées de ces mesures doivent maintenant être prises en compte dans les modèles de courants de fuite afin d’en tirer les meilleurs résultats possibles. Pour faciliter les calculs, la distribution énergétique (gaussienne) est, dans les modèles de SDevice utilisés, discrétisée en 15 niveaux simples autour du niveau principal – nombre qui peut être changé. Nous utiliserons donc des paramètres basés sur les résultats des analyses DLTS du Chapitre III. IV.6.4 Résultats des simulations de fuite de jonction IV.6.4.1 Résultats de simulation des procédés de fabrication IV.6.4.1.1 Diffusion des dopants Pour simuler la diffusion des dopants et l’obtention des profils de la jonction après recuit, nous avons décidé d’utiliser les simulations continues, avec l’outil de simulation proposé par Synopsys, Sentaurus Process (SProcess). La diffusion des extensions d’arsenic et des poches de bore (procédé décrit dans le paragraphe IV.5.2) sur pleine plaque a été caractérisée par SIMS ; les profils en conditions équivalentes obtenus par simulation correspondent très bien aux mesures. Les résultats pour la plaque servant de référence, c'est-à-dire n’ayant subi aucune co-implantation, sont présentés sur la Figure IV.10. 174 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction L’exemple comprenant la co-implantation au fluor ayant été étudié par SIMS correspondait à l’énergie de 15 keV, sans inclinaison. On voit sur la Figure IV.11 que, sans être parfaits, les résultats sont tout à fait satisfaisants. Concentration (cm-3) 1.E+22 SIMS_As_Recuit 1.E+21 SIMS_B_Recuit 1.E+20 Simul_As_Recuit Simul_B_Recuit 1.E+19 1.E+18 1.E+17 0 50 100 Profondeur (nm) 150 Figure IV.10. Comparaison des profils de concentration de bore et d’arsenic obtenus par SIMS et par simulation continue, sans co-implantation (référence). Concentration (cm-3) 1.E+22 SIMS_As_Recuit 1.E+21 SIMS_B_Recuit 1.E+20 Simul_As_Recuit Simul_B_Recuit 1.E+19 1.E+18 1.E+17 0 50 100 Profondeur (nm) 150 Figure IV.11. Comparaison des profils de concentration de bore et d’arsenic obtenus par SIMS et par simulation continue, avec une co-implantation de fluor à 15 keV, sans inclinaison. Les profils de dopage obtenus sur une demi-structure de type MOSFET (le MOSFET ayant un plan de symétrie au centre du canal) sont présentés sur la Figure IV.12. 175 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction Figure IV.12. Résultats de simulations de dopage avec les simulations continues de SProcess : (a) référence, sans co-implantation ; (b) avec fluor 15 keV, sans inclinaison ; (c) avec fluor, 15 keV, inclinaison 25° ; (d) avec fluor, 20 keV, inclinaison 25°. La co-implantation de fluor a pour effet général de limiter la profondeur de jonction des extensions, et d’augmenter la diffusion du phosphore dans le fond des source et drain (zone de fin de parcours du fluor). IV.6.4.1.2 Evolution des défauts étendus Nous allons présenter dans ce paragraphe les résultats que les simulations atomistiques nous donnent pour l’évolution des défauts étendus, pour les quatre conditions de procédés caractérisées électriquement. La Figure IV.13 montre tout d’abord la structure finale obtenue pour la condition de référence (pas de co-implantation), avec les limites approximatives des régions de l’extension et de la source / du drain, ainsi que la grille et l’espaceurs. demi-grille espaceur extension source / drain Figure IV.13. Structure obtenue par simulation atomistique. La Figure IV.14 montre ensuite la zone potentiellement riche en défauts étendus, pour une comparaison entre la référence et la condition avec co-implantation de fluor à 15 keV, sans inclinaison. Il s’agit des résultats après le recuit rapide spike à 1080°C. L’ajout d’une implantation de fluor en même temps que les extensions et les poches augmente l’accumulation de défauts au cours des implantations. Ces défauts s’agglomèrent et forment des boucles de dislocation pendant le recuit spike, qui ne présente alors pas un budget thermique assez élevé pour les dissoudre toutes (alors que c’était le cas pour la référence). Ces boucles de dislocations qui « résistent » au recuit se situent dans la région de fin de parcours des source et drain d’arsenic, dans laquelle se superposent les défauts de fin de parcours de l’arsenic et les défauts du fluor, sans pour autant amorphiser profondément le substrat. 176 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction (a) (b) Figure IV.14. (a) Sans co-implantation (référence), il ne reste pas de défauts étendus après le recuit d’activation. (b) Quand une co-implantation de fluor est effectuée (15 keV, 1x1015 cm-2, pas d’inclinaison), subsistent en revanche des boucles de dislocations. La Figure IV.15 montre une comparaison des simulations avec co-implantation, l’une sans inclinaison et la seconde avec une inclinaison de 25°. Dans ce dernier cas, les boucles formées sont plus petites, car l’implantation en quatre fois avec des angles de rotation différents mène à une accumulation de défauts moins importante dans la zone de fin de parcours du fluor. La profondeur globale des défauts n’est pas modifiée, sauf pour un défaut étendu : il est statistiquement moins probable que des boucles de dislocations, suffisamment grosses pour ne pas être dissoutes pendant le recuit spike, se forment à cette profondeur, car la densité de défauts est moins importante (on est plus loin de l’interface amorphe – cristal initiale) ; mais c’est tout à fait possible. (a) (b) Figure IV.15. Boucles de dislocation subsistant après le recuit, pour une co-implantation de fluor à 15 keV sans inclinaison (a) et avec une inclinaison de 25°, en quatre fois (b). Quand on augmente l’énergie du fluor (Figure IV.16), passant de 15 keV à 20 keV, et avec inclinaison dans les deux cas, on augmente la quantité totale de défauts présents dans la région de fin de parcours des source / drain. Cela est dû au fait que les défauts générés par l’implantation de fluor se trouvent plus en profondeur, et donc sont moins superposés à la région amorphe créée par l’implantation des source / drain. Ainsi plus de défauts s’accumulent au-delà de l’interface amorphe – cristal, et les défauts étendus sont plus nombreux ou / et plus gros après le recuit. Ils sont en outre positionnés, en moyenne, plus profondément. 177 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction (a) (b) Figure IV.16. Boucles de dislocation subsistant après le recuit, pour une co-implantation de fluor à 15 keV (a) et à 20 keV (b), inclinées. IV.6.4.2 Simulations électriques Les structures simulées sont celles présentées dans le paragraphe précédent. On profite du plan de symétrie des MOSFETs (milieu du canal) pour n’en simuler que la moitié (gain de temps). Les structures simulées sont bidimensionnelles, ce qui revient à considérer une largeur de canal infinie : c’est une bonne approximation, car les largeurs de canal sont en général bien plus grandes que les longueurs de grille. Les différents essais que nous avons effectués utilisent tous des profils de jonctions obtenus sans coimplantation, et sont présentés ci-dessous. IV.6.4.2.1 Sur les modèles de génération recombinaison Nous allons commencer comparer les différents modèles à notre disposition : - le modèle de génération SRH sans spécification des caractéristiques des pièges ; - le modèle de pièges, avec des spécifications « classiques » (niveau simple, au milieu du gap, et section efficace de capture de 1x10-15 cm2), et une concentration uniforme de 1x1019 cm-3. - le modèle de pièges, en spécifiant les caractéristiques obtenues par analyse DLTS (pièges à trous, niveau principal à EV + 0.287 eV, répartition énergétique en gaussienne d’écart-type 0.029 meV, section efficace de capture de 1.22x10-14 cm2), de concentration uniforme de 1x1019 cm-3. Les résultats sont présentés sur la Figure IV.17. Dans le cas des deux derniers modèles, la concentration choisie est de Comme attendu, les modèle « SRH » et le modèle d’occupation des pièges « classiques » donnent chacun une courbe de même forme, bien que différant de quelques décades sur la valeur en une tension donnée. Cela est dû à la différence de concentrations des niveaux profonds dans les deux modèles, car celle-ci est prise en compte implicitement dans la durée de vie des porteurs pour le modèle SRH (voir Eq. IV.13 et Eq. IV.14), alors qu’elle est explicitement précisée quand on définit « manuellement » ces niveaux profonds. Par ailleurs, à concentration de niveaux profonds égale, la génération de porteurs est beaucoup plus efficace quand les pièges sont situés au milieu du gap. La plus haute barrière énergétique à franchir est alors de 0.56 eV, contre 0.83 eV pour les pièges générés par les boucles de dislocation (valeur basée sur le niveau central de la gaussienne). 178 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction 1.E-09 Courant (A.µm-1) 1.E-10 1.E-11 SRH 1.E-12 Pièges "classiques" Pièges "DLTS" 1.E-13 1.E-14 1.E-15 1.E-16 1.E-17 1.E-18 0 0.5 1 1.5 Tension (V) Figure IV.17. Comparaison des courants de fuite de jonction obtenues avec trois modèles différents : le modèle SRH, le modèle définissant explicitement des pièges « classiques », et le modèle de pièges utilisant les caractéristiques déterminées par DLTS. IV.6.4.2.2 Sur la localisation spatiale des niveaux profonds L’effet de diverses localisations des niveaux profonds a ensuite été étudié, et comparé au courant obtenu avec une concentration uniforme. Pour les pièges spatialement localisés, une distribution gaussienne d’écart-type 3 nm a été choisie, correspondant à peu près à la distribution attendue d’une boucle de dislocation. Nous avons choisi une concentration de 1x1021 cm-3, correspondant à la concentration maximale (centre de la gaussienne spatiale, et niveau principal). Le modèle retenu a été celui explicitant les caractéristiques des pièges, obtenues en outre par DLTS. Six différentes localisations ont été choisies, en partie inspirée des résultats de simulation atomistiques des procédés (voir Figure IV.18). A B C E D F Figure IV.18. Réprésentation des six localisations choisies pour les niveaux profonds. La Figure IV.19 résume les résultats obtenus. D’abord, des pièges répartis uniformément donnent un courant plus fort : c’est parce que la quantité totale de niveaux profonds est plus importante. Ensuite, les localisations D et F donnent des courants de fuite nuls (bruit numérique). Cela confirme, comme nous l’avons déjà évoqué, que seuls les pièges situés dans la zone de charge d’espace participent aux fuites de jonction. Quand aux localisations A, B, C et E, elles donnent toutes des courants sensiblement 179 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction équivalents. En conclusion, la localisation des pièges n’a aucune influence sur les courants de fuites de jonction, tant qu’ils se trouvent dans la zone de charge d’espace. 1.E-12 1.E-13 Uniforme C F Courant (A.µm-1) 1.E-14 1.E-15 A D B E 1.E-16 1.E-17 1.E-18 1.E-19 1.E-20 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 Tension (V) Figure IV.19. Effet de la localisation des niveax profonds sur les courants de fuite de jonction. IV.6.4.2.3 Sur la concentration des niveaux profonds L’effet de la concentration a ensuité été testé, avec le même modèle que précédemment, pour une localisation en C (voir Figure IV.18), c'est-à-dire dans la zone de charge d’espace, et à la profondeur indiquée par les simulations atomistiques. Chaque augmentation d’une décade de la concentration de pièges mène à une augmentation d’une décade du niveau de courant de fuite, comme on le voit sur la Figure IV.20. A noter que pour une concentration de 1x1016 cm-3 ou en deçà, le niveau de courant ne dépasse pas le bruit numérique. 1.E-12 1.E-13 Np=1E22 cm-3 Np=1E19 cm-3 Np=1E16 cm-3 Np=1E21 cm-3 Np=1E12 cm-3 Courant (A.µm-1) 1.E-14 1.E-15 1.E-16 1.E-17 1.E-18 1.E-19 1.E-20 1.E-21 1.E-22 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 Tension (V) Figure IV.20. Effet de la concentration de pièges sur le niveau de fuite de la jonction. IV.6.4.2.4 Sur la symétrie des niveaux profonds Comme nous l’avions déjà évoqué dans le paragraphe III.6, les niveaux profonds générés par des défauts étendus, et plus généralement par des dislocations d’ailleurs, sont probablement « neutres », c'est-à-dire qu’ils sont à la fois pièges à trous ou pièges à électrons – selon qu’ils se trouvent dans une zone où les trous ou les électrons sont majoritaires. Le niveau principal se trouverait, dans ce cas, à 0.287 eV sous le bas de la bande de conduction. Les autres caractéristiques (écart-type énergétique, distribution spatiale, etc…) sont conservées, du moins dans une première approximation. Les résultats sont présentés sur la Figure IV.21. Les pièges à électrons provoquent un courant de fuite légèrement plus faible que les pièges à trous, car ils sont localisés dans la partie de la zone de déplétion 180 Chapitre IV Etude des courants de fuite de jonction qui s’étend du côté des poches (type p, localisation C sur la Figure IV.18). Introduire les deux types de pièges conduit à une sommation des courants dus à chacune des composantes. Courant (A.µm-1) 1.E-15 Piège à électrons et pièges à trous Piège à électrons Pièges à trous 1.E-16 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 Tension (V) Figure IV.21. Effet de la « symétrie » des niveaux profonds introduits par les boucles de dislocation. IV.7 Conclusion sur les simulations de fuites de jonction 181 Conclusion CONCLUSION : RESULTAT GENERAL DE LA THESE Simulation prédictive de la fuite de jonction en fonction des étapes du procédé de fabrication (…) Perspectives : voir aussi l’ITRS 2007, section Front-End Processing. 182 Annexes ANNEXES Annexe A : Des recuits chauds et courts Depuis plusieurs années la diffusion accélérée et transitoire des dopants – et en particulier du bore – est un défi posé pour le développement des jonctions ultrafines. Pour en limiter les effets au maximum, la tendance a longtemps été à des recuits plus chauds mais plus courts (850°C / 10 minutes pour [Ando90] ; 1000°C / 15 secondes pour [Hossain95] ; 1050°C / pas de plateau pour [AlBayati00]). Quelle en est la raison ? Depuis toutes ces années, il est maintenant clairement admis que la diffusion anormale des dopants était causée par la sursaturation des interstitiels au cours du ou des recuits d’activation. Cette sursaturation est due à l’introduction d’un excès d’interstitiels par l’implantation ionique, et est ensuite entretenue par la présence de défauts étendus – en particulier les défauts {311}. D’abord la concentration d’interstitiels en excès produite par une implantation non-amorphisante dépend uniquement de la dose d’impureté introduite [Jaraíz96]. La concentration d’interstitiels à l’équilibre augmente en outre avec la température (voir paragraphe I.1.2.3.1). C’est pourquoi la sursaturation, pour une condition d’implantations donnée, sera diminuée si la température de recuit augmente. Ensuite il faut avoir en tête que plus la température de recuit est élevée, plaus la transformation structurale des défauts {311} en boucles de dislocation sera aisée (voir paragraphe II.2.1.3.2.1.2). Pour une taille de défaut donnée (quantité d’interstitiels), une boucle de dislocation est plus stable qu’un défaut {311}, et la sursaturation induite sera plus faible qu’avec le défaut {311}. C’est la deuxième raison pour laquelle un recuit plus chaud entraînera une sursaturation moins importante. Certes une température de recuit plus élevée favorise la diffusion normale des dopants, en augmentant le coefficient de diffusion d’une part et la concentraion d’interstitiels d’autre part. Mais en réduisant le temps de recuit et donc le budget thermique, on arrive cependant à diminuer, logiquement, la diffusion pour une température donnée ; cela est d’autant plus vrai que la diffusion anormale est limitée (par rapport à la diffusion normale), et donc que la température du recuit est élevée. Avec un recuit chaud et court, la diffusion des dopants est mieux contrôlée. En outre, une augmentation de la température de recuit favorise un niveau d’activation élevé [Mokhberi02]. 183 Annexes C’est pourquoi l’utilisation de recuits chauds et courts permet de mieux contrôler la fabrication de jonctions toujours plus fines, et d’améliorer le compromis Rs/Xj de celles-ci. Annexe B : Caractérisations physiques B.1 L’obtention de profils de concentration par analyse SIMS La technique du SIMS (de l’anglais Secondary Ion Mass Spectroscopy, qui signifie spectroscopie de masse des ions secondaires) permet d’obtenir des profils de concentration en profondeur d’une espèce donnée. Un faisceau d’ions primaires est focalisé sur l’échantillon à analyser. Les ions les plus couramment utilisés sont le Cs+ et le O2+ ; leur énergie varie de quelques centaines à quelques milliers d’électronvolts selon les conditions d’analyse. Le faisceau est incliné par rapport à la surface de l’échantillon (voir Figure B.1). Il ionise et expulse ainsi les atomes de la surface de la cible, qui sont appelés les ions secondaires. Ces ions secondaires sont accélérés, triés selon leur masse et comptés en fonction du temps. Le temps total d’analyse et la profondeur du cratère (mesurée subséquemment) donnent ensemble la vitesse d’attaque du faisceau, d’où l’on pourra déduire le nombre d’atomes présents en fonction de la profondeur. Pour obtenir une concentration, il est nécessaire d’analyser dans les mêmes conditions un échantillon étalon, dont le (ou les) concentration(s) est (sont) parfaitement connue(s). Ce travail de calibrage est nécessaire, parce que la surface du cratère n’est pas parfaitement connue, certes, mais surtout parce que tous les atomes éjectés ne sont pas ionisés : seule une certaine proportion d’entre eux est donc détectée. Faisceau d’ions primaires Ions secondaires expulsés Figure B.1. Interaction du faisceau d’ions primaires avec l’échantillon à analyser, et création des ions secondaires. B.2 L’observation des défauts étendus par microscopie électronique à transmission 184 Annexes Nous allons ici aborder extrêmement brièvement cette technique de caractérisation : après un rappel de la loi de Bragg, nous verrons pourquoi les conditions de champ sombre et faisceau faible sont adaptées à l’observation des défauts étendus. La loi de Bragg est satisfaite quand : 2 ⋅ d hkl ⋅ sin θ = n ⋅ λ , Eq. B.1 où λ est la longeur d’onde des électrons du faisceau, n est un entier, θ est l’angle entre le faisceau d’électron et la normale aux plans {hkl}, et dhkl est la distance séparant les différents plans de la famille {hkl}. Si l’orientation du cristal est telle que seulement une famille de plans peut satisfaire la loi de Bragg, on trouve après le passage à travers l’échantillon deux faisceaux distincts : le faisceau transmis et le faisceau diffracté. Pour l’observation, on place alors un diaphragme : - si le faisceau transmis est sélectionné, les plans faisant diffracter les électrons vont apparaître clairs, sur un fond sombre (le reste de l’échantillon) : c’est la condition de champ sombre ; - si l’on sélectionne au contraire le faisceau diffracté, seuls les plans diffractant vont apparaître clairs, sur un fond sombre : c’est donc la condition de champ sombre. Le contraste est en général mieux marqué en champ sombre qu’en champ clair. Par ailleurs on parle de faisceau faible lorsqu’on se place dans une condition (orientation du cristal) loin de la condition de Bragg. Ainsi seules les zones très distordues du réseau, donc proches du cœur du défaut, apparaissent claires sur un fond sombre (en champ sombre) ou sombres sur un fond brillant (champ clair). La combinaison de ces deux conditions : champ sombre et faisceau faible, est donc probablement la mieux adaptée pour la détection, l’observation et l’analyse d’une population de défauts étendus dans un cristal. Annexe C : Paramètres des implanteurs C.1 Calcul des paramètres de la commande « SetImplanterSpecs » Dans le cas de l’implanteur monoplaque, trois paramètres doivent être calculés (voir le paragraphe II.2.2.3.3sur la nouvelle commande). La durée d’une impulsion timpulsion est le rapport entre la largeur du faisceau lfaisceau(Mono) et la vitesse de balayage Vbalayage(Mono) de la plaque : t impulsion = l faisceau (Mono ) . Vbalayage (Mono ) Eq. C.1 Le nombre de cascades implantées à chaque impulsion Ncasc/impulsion est : 185 Annexes N casc / impulsion = N casc (tot ) , N balayages Eq. C.2 Nbalayages étant le nombre de balayages effectués par l’implanteur, et Ncasc(tot) étant le nombre total de cascades simulées, soit le produit de la dose désirée par la surface simulée Surfsimul : N casc (tot ) = Dose ⋅ Surfsimul . Eq. C.3 Enfin, le temps entre deux impulsions est calculé par : ∆t impulsion (Mono ) = D scan (Mono ) − l faisceau (Mono ) . Vbalayage (Mono ) Eq. C.4 Dans le cas de l’implanteur multiplaques, nous aurons besoin de calculer les cinq paramètres cités dans le paragraphe II.2.2.3.3sur la nouvelle commande. La durée timpulsion d’une impulsion sera : t impulsion = D faisceau (Multi ) , Vfaisceau / plaque Eq. C.5 où Vfaisceau/plaque est la vitesse du faisceau par rapport à la plaque ; le faisceau étant immobile, cette vitesse est aussi la vitesse linéaire de la plaque Vlin(plaque) : Vfaisceau / plaque = Vlin (plaque ) = π ⋅ D roue (Multi ) ⋅ Vrotation (Multi ) . Eq. C.6 Par ailleurs le temps entre deux impulsions ∆timpulsion se calcule ainsi : ∆t impulsion = π ⋅ D roue (Multi ) − D faisceau (Multi ) . Vfaisceau / plaque Eq. C.7 Puis le temps entre deux rafales s’exprime par : ∆t rafale = D balayage (Multi ) − D faisceau (Multi ) Vbalayage (Multi ) . Eq. C.8 Le nombre d’impulsions par rafale est donné par : N impulsions / rafale = t rafale t révolution , Eq. C.9 où trafale et trévolution sont les durées d’une rafale et d’une révolution de la roue, respectivement, et dont les calculs sont donnés ci-après : t révolution = t impulsion + ∆t impulsion ; t rafale = D faisceau (Multi ) . Vbalayage (Multi ) Eq. C.10 Eq. C.11 Le nombre de cascades par impulsion sera enfin : N casc / impulsion = N casc (tot ) , N impulsions (tot ) Eq. C.12 où Ncasc(tot) est le nombre total de cascades simulées, et le nombre total d’impulsions Nimpulsion(tot) a pour expression : 186 Annexes N impulsion (tot ) = N impulsions / rafale ⋅ N rafales ; Eq. C.13 avec enfin le nombre de rafales Nrafales : N rafales = C.2 t implant (tot ) t rafale + ∆t rafale . Eq.C.14 Justification des fourchettes de valeurs choisies pour les paramètres des implanteurs (i) Implanteur multiplaques : Pour une vitesse de balayage trop faible (< 1 cm.s-1), le nombre d’impulsions par rafale devient relativement grand, et le nombre de rafales (balayages) devient faible (une ou deux). Or pour des raisons d’uniformité, il est plus sensé d’effectuer plusieurs balayages plutôt que trop peu. C’est l’observation de la roue pendant une implantation qui donne en revanche une idée de la borne supérieure : à 30 cm.s-1, la roue effectue un balayage par seconde, ce qui est sans doute un maximum. La vitesse de rotation est en général fixée pour une machine donnée. Toujours pour des raisons d’uniformité, la valeur de la vitesse de rotation ne descendra pas sous 1 tour par seconde. Par ailleurs, les bras de la roue, et les plaques bien sûr, doivent résister aux forces centrifuges. En outre, des études ont montré que les dispositifs pouvaient souffrir d’une vitesse de rotation trop importante : le choc de particules (immobiles, elles) présentes dans la chambre sur les empilements de grille (lancés à pleine vitesse à cause de la rotation) peut mener à la rupture des lignes de polysilicium [Pipes04, Schmeide06]. C’est pourquoi une limite (déjà probablement trop élevée) a été fixée à 35 tour.s-1. Le diamètre du faisceau est une grandeur très difficile à déterminer… Des expériences menées en interne (CEA-LETI) montrent que le silicium de la plaque fond sur un disque d’environ 10 cm de diamètre, quand le faisceau est immobilisé sur la plaque… mais cela dépend beaucoup des conditions d’implantation (énergie, nature de l’ion, etc…) ! (ii) Implanteur monoplaque : La vitesse de balayage a été choisie entre 10 et 40 cm.s-1. Ce sont des observations des mouvements de la plaque pendant l’implantation qui ont conduit à considérer cette fourchette… avec toutes les incertitudes qui pouvaient y être liées. La largeur du faisceau est, encore une fois, peu commode à déterminer. Un choix de 1 à 10 cm semble cependant cohérent avec les courants mesurés. 187 Références REFERENCES [Aboy06] : ABOY M., PELAZ L., LÓPEZ P., MARQUÉS L. A., DUFFY R., VENEZIA V. C. Physical insight into boron activation and redistribution during annealing after low-temperature solid phase epitaxial regrowth. Appl. Phys. Lett., 2006, vol. 88, p. 191917. [AlBayati00] : Al-Bayati A., Tandon S., Doherty R., Murrell A., Wagner D., Foad M., Adibi B., Mickevicius R., Menisilenko V., Simeonov S., Jain A., Sing D., Ferguson C., Murto R., Larson L. Junction Profiles of Sub keV Ion Implantation for Deep Sub-quarter Micron Devices. In : Proc. of the Internat. Conf. on Ion Impl. Technol., 2000, pp. 87-90. [Allain92] : ALLAIN J. 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Il est donc devenu nécessaire de réduire la consommation des circuits intégrés. Les courants de fuites au niveau des jonctions dans le transistor MOSFET – le composant de base des circuits – sont parmi les principales causes de cette consommation, fuites qui dépendent elles-mêmes des profils de dopants ainsi que de la présence éventuelle de défauts étendus résiduels. L’objectif de ce travail de thèse est de simuler les courants de fuite de jonction en fonction des procédés de fabrication. La simulation atomistique (méthode Monte Carlo cinétique sans réseau) est d’abord utilisée afin de prévoir l’évolution des dopants (diffusion et activation) et des défauts (agglomération, transformation, dissolution) au cours des étapes de fabrication (implantations ioniques, recuits). Ce type de simulation offre une vision nouvelle de l’évolution des défauts et impuretés au cours de ces procédés. Les caractéristiques électro-énergétiques des niveaux profonds, associés aux défauts étendus et responsables d’une partie de la fuite de jonction, sont ensuite analysées par spectroscopie des transitoires de capacité des niveaux profonds (DLTS). Ces caractéristiques ainsi que les profils de dopants sont enfin exploités dans les modèles de courants de jonction pour simuler les fuites de jonctions ultrafines. ABSTRACT Microelectronics is nowadays part of our lives, through mobile and multifunctional devices. Due to their mobility, these devices need an embedded, thus limited, energy source. It became necessary to reduce the consumption of the integrated circuits. Junction leakages within the MOSFET transistor, basic component of these circuits, are one of the principle causes of this consumption. Junction leakage in turn depends on the eventual presence of residual extended defects. This work aims to simulate the junction leakage depending on the fabrication process. Atomistic simulation (non lattice kinetic Monte Carlo method) is first used in order to predict the evolution of dopants (diffusion, activation) and of defects (agglomeration, transformation, dissolution) during fabrication steps (ion implantation, thermal annealing). This kind of simulation offers a new way to consider the evolution of defects and impurities during the process. The electrical and energetical characteristics of deep levels, generated by extended defects and responsible for a significative part of the junction leakage, are then studied by deep level transient spectroscopy (DLTS). These characteristics and the dopant profiles are finally used as input in junction current models to simulate ultra shallow junction leakage. RESUMEN La Microelectrónica es, en nuestros días, algo cotidiano que encontramos en toda clase de aparatos móviles con multitud de funciones. Debido a esta movilidad, dichos aparatos necesitan una fuente de energía ligera y por ello limitada. Por este motivo es ahora esencial reducir el consumo de los circuitos integrados. Las corrientes de fuga de las uniones del transistor MOSFET, el componente básico de los circuitos, son una de las causas principales de este consumo. Dicha fuga depende de la posible presencia de defectos extensos residuales. El objetivo de esta tesis es simular las corrientes de fuga de la unión en función de las etapas de fabricación. En primer lugar, se utiliza la simulación atomística (método de Monte Carlo cinético sin red) para predecir la evolución de las impurezas (difusión y activación) y de los defectos (aglomeración, transformación, disolución) en el curso de los procesos de fabricación (implantaciones iónicas, recocidos). Este tipo de simulaciones proporciona una nueva perspectiva de la evolución de los defectos y de las impurezas durante dichos procesos. Posteriormente y mediante espectroscopía de transitorios de niveles profundos (DLTS), se analizan las características eléctricas y energéticas de los niveles profundos, asociados a los defectos extensos y responsables de una parte de las fugas de uniones. Finalmente, estas características, junto con los perfiles de dopantes, son usadas en los modelos de corrientes de uniones para simular las fugas de uniones poco profundas. 199