Explosion d`AZF : de nouveaux éléments

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Explosion d`AZF : de nouveaux éléments
Explosion d'AZF : de nouveaux éléments
De nouveaux éléments sur l'explosion de l'usine AZF de Toulouse le 21 septembre 2001 sont venus s'ajouter récemment à
l'enquête : une menace «terroriste» pesait bien sur la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) voisine. Un
aiguillage à l'entrée de l'usine chimique AZF de Mazingarbe (Pas-de-Calais) avait été saboté quelques jours auparavant ; et
un mystérieux hélicoptère survolait la zone proche du site dévasté, quinze secondes seulement après l'explosion de
Toulouse.
Marc Mennessier [22 mars 2004]
Le 1er septembre 2001 à 10 h 30, soit trois semaines avant la dramatique explosion de l'usine chimique AZF de Toulouse (30
morts, plus de 2 200 blessés), la gendarmerie nationale s'était rendue sur le site voisin de la Société nationale des poudres et
explosifs (SNPE) «pour prévenir de risques d'intrusion de terroristes». Cette information figure dans le carnet de consigne de
l'«agent de maîtrise chef de quart» qui assurait la permanence ce jour-là. Le document, dont Le Figaro a eu connaissance,
signale également la venue, trois quarts d'heure plus tard, d'un «artificier» chargé de vérifier les «niveaux de protection» de
cette usine classée secret-défense qui produit notamment le carburant de la fusée Ariane.
Suite à ces deux interventions, la direction de l'usine décidera le jour même de renforcer la surveillance de plusieurs
installations sensibles, à raison d'«une ronde de sécurité une fois par quart», soit toutes les huit heures, selon le même
document.
Pour quelle raison précise la gendarmerie – et non la «police» comme le mentionnait un document de la société Securitas,
chargée de la surveillance du site, dont nous avons fait état il y a six mois (1) – a-t-elle donné l'alerte dix jours avant que ne
s'installe la psychose consécutive aux terribles attentats du 11 septembre ? Impossible de le savoir, d'autant que jusqu'à
présent cette information était inconnue.
En mai 2002, les responsables de SNPE Toulouse, en poste à l'époque, nous avaient certifié que le plan Vigipirate renforcé
n'avait été mis en oeuvre chez eux que le 12 septembre 2001, soit au lendemain de l'attaque contre le World Trade Center.
Surtout, les dirigeants d'AZF affirment que personne, à l'époque, ne les avait informés d'un quelconque risque comme cela a
été le cas à la SNPE voisine.
Le directeur de l'usine sinistrée, Serge Biechlin, mis en examen pour homicide involontaire avec douze autres salariés d'AZF
et d'entreprises sous-traitantes, apprendra fortuitement le 18 septembre la démarche effectuée auprès de la SNPE, – soit dixhuit jours après le lancement de l'alerte – lors d'une réunion à laquelle participaient ses collègues de la SNPE. Ces derniers lui
révèlent alors que, depuis bientôt trois semaines, «les véhicules qui pénètrent sur leur site sont systématiquement fouillés et
que plus aucun salarié intérimaire n'est embauché».
Dans le même temps, d'autres entreprises sensibles de la région sont placées sous protection. Le 17 septembre une réunion
sécurité est organisée à la préfecture de Toulouse, mais les responsables d'AZF, dont l'usine est pourtant classée risque
Seveso 2, n'y sont pas conviés. «Le problème ne s'est posé qu'à Toulouse, s'étonne un cadre de Grande Paroisse, société
propriétaire d'AZF, filiale de Total. Partout ailleurs, les dirigeants des autres usines du groupe ont été informés en temps et
en heure par leurs préfectures respectives de la conduite à tenir.»
Serge Biechlin et son adjoint, René Maillot, n'ont pourtant pas manqué de se manifester. Dès les événements du 11
septembre, ils ont, à plusieurs reprises, contacté la préfecture de Midi-Pyrénées pour s'enquérir des mesures de vigilance à
prendre. A chaque fois, la réponse se veut, selon eux, rassurante – «Attendez les consignes, on vous tiendra au courant» ou
encore : «De toute façon, vous n'êtes pas une cible pour des terroristes.»
Le 19 septembre, le siège parisien de Grande Paroisse met toutes les usines du groupe en état d'alerte : la veille au matin,
soit trois jours avant la catastrophe, un aiguillage a été retrouvé saboté juste avant le passage d'un train transportant des
wagons d'ammoniaque sur une voie ferrée qui dessert l'usine AZF de Mazingarbe (Pas-de-Calais), spécialisée comme celle de
Toulouse, dans la fabrication d'engrais azotés.
Heureusement, «sur ce tronçon les convois roulent à vitesse très réduite. Par ailleurs, l'agent de manoeuvre s'est aperçu tout
de suite qu'une goupille avait été retirée, ce qui a permis de donner l'alerte à temps», explique un responsable local de la
SNCF que nous avons interrogé et qui souligne le caractère «exceptionnel» de ce genre d'incident.D'après la direction de
l'usine, les Renseignements généraux et la Direction de la surveillance du territoire (DST) se sont aussitôt rendus sur les lieux.
Mais l'enquête de police, confiée au SRPJ de Lille, ne parviendra pas à identifier les auteurs du forfait.
Deux ans et demi plus tard, alors que les causes de la catastrophe n'ont toujours pas été élucidées, certains s'interrogent :
pourquoi, compte tenu de ces éléments, la piste malveillante a-t-elle été écartée ? Et surtout, le drame de Toulouse aurait-il
pu être évité si AZF avait bénéficié des mêmes mesures de protection que sa voisine, la SNPE ?
Un troisième fait vient de s'ajouter au dossier : au moment de l'explosion, une équipe de France 3, qui effectuait un
reportage au collège Bellefontaine, à 2 km environ au nord-ouest de l'usine AZF, a enregistré, quinze secondes environ après
la détonation meurtrière, le bruit d'un hélicoptère survolant la zone.
Saisie par la justice, la bande a été expertisée par le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'Aviation civile
(BEA) qui vient de rendre ses conclusions. Il s'agirait d'«un hélicoptère léger de la famille Ecureuil (AS 350 ou EC 130) ou
éventuellement (...) d'un hélicoptère lourd de la famille Super Puma AS 332».
La présence d'un hélicoptère à proximité du site au moment de l'explosion a été signalée par plusieurs témoins, notamment
deux femmes entendues par la police dès le mois d'octobre 2001 qui affirment avoir vu un aéronef au-dessus d'AZF dix
minutes environ avant la catastrophe.
A qui appartenait cet hélicoptère ? Que faisait-il dans ce secteur situé au beau milieu du couloir aérien de l'aéroport de
Blagnac, alors que la tour de contrôle dit n'avoir détecté la présence d'aucun appareil sur ses écrans à ce moment précis ?
Volait-il à basse altitude, soit au-dessous des 150 mètres requis au-dessus de cette zone ? Pourquoi le pilote ne s'est-il jamais
manifesté auprès des responsables de l'enquête judiciaire ?
Une chose est sûre : il ne s'agissait pas d'un hélicoptère du Samu. Les deux appareils exploités par les hôpitaux toulousains,
des Ecureuils EC 135, ne correspondent pas aux modèles identifiés par l'expert du BEA. De son côté, EDF a bien dépêché un
hélicoptère sur les lieux, mais celui-ci n'est arrivé qu'une heure et demie environ après la détonation. L'armée ? On voit mal
un hélicoptère militaire de type Super Puma AS 332, dédié au transport de troupes, survoler une usine chimique en temps de
paix. Un engin civil de passage sur le secteur ? Il se serait obligatoirement signalé à la tour de contrôle, qui lui aurait
d'ailleurs interdit le survol de la zone...
Reste la gendarmerie, dont l'un des hélicoptères a bel et bien décollé de la base de Francazal toute proche mais, selon les
déclarations du pilote au SRPJ, il était alors 10 h 25, soit dix minutes après l'explosion. Toutefois, l'engin, un Ecureuil AS 350,
correspond au signalement donné par l'expert du BEA.
Soulignant que ce sont les gendarmes qui avertissent très tôt la SNPE de risques d'«intrusion de terroristes», certaines
sources proches du dossier s'interrogent : le pôle chimique toulousain était-il placé sous étroite surveillance, y compris
aérienne ?
source : le Figaro