Des concurrents sur le poignet

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Des concurrents sur le poignet
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LA LIBERTÉ
ÉCONOMIE
SAMEDI 12 OCTOBRE 2013
Des concurrents sur le poignet
HORLOGERIE • Les montres intelligentes envahissent le marché. L’industrie horlogère
suisse doit-elle s’en inquiéter? La branche est confiante et les experts se veulent sereins.
GUILLAUME MEYER
Après les téléphones, les montres se
veulent intelligentes. Enivrés par le
boom des «smartphones», les
géants technologiques se mettent
les uns après les autres à la «smartwatch», qui reprend des fonctionnalités très prisées des utilisateurs de
téléphones intelligents – heure, calendrier, météo ou alerte messagerie
– et offre la possibilité d’utiliser
conjointement les deux objets. Les
montres connectées de Samsung
(Galaxy Gear) et de Sony (Smartwatch 2) ont envahi le marché le
mois dernier. Les regards sont désormais rivés sur Apple, qui devrait
lancer son iWatch l’an prochain.
Le potentiel est énorme. Le cabinet d’analyse Canalys calcule que
500 000 «smartwatches» seront distribuées dans le monde en 2013 et
5 millions dès l’an prochain. Une
déferlante qui fait planer la menace,
pour les fabricants traditionnels de
montres, d’une «cannibalisation»
du marché horloger. Pour le journaliste spécialisé Gregory Pons, l’horlogerie suisse a du souci à se faire.
«Le défi n’est pas technologique,
mais topographique. Les consommateurs ne toléreront qu’un seul
objet volumineux à leur bras. La
guerre du poignet a commencé», explique-t-il au quotidien «Le Figaro».
Effet chasse-neige
Une guerre du poignet? Analyste
chez Vontobel, René Weber n’y croit
pas: «Les seules entreprises horlogères affectées par l’arrivée des montres intelligentes sont les fabricants
de montres d’entrée de gamme. Mais
les montres inférieures à 200 francs
ne représentent que 6% du chiffre
d’affaires total des exportations horlogères suisses.» Globalement, l’expert doute que l’horlogerie traditionnelle perde des parts de marché au
profit des nouveaux venus: «La majeure partie des acquéreurs de smartwatches seront des personnes qui
n’ont jamais porté de montre, issues
de la jeune génération.»
EN BREF
HAUTS REVENUS
Le FMI surprend
Taxer les hauts revenus et mieux cibler
les multinationales: le FMI a créé la surprise cette semaine à Washington en
suggérant de lutter contre les déficits
par une hausse des impôts. Nichée dans
un rapport sur la dette publique, cette
inflexion a été largement éclipsée par
les inquiétudes sur la crise budgétaire
aux Etats-Unis, mais elle n’a toutefois
pas échappé aux experts et aux ONG.
Gardien de l’orthodoxie financière, le
Fonds monétaire international appelle
traditionnellement les Etats en difficulté à sabrer leurs dépenses publiques
pour réduire leurs déficits. ATS
CONDUITE AUTOMATIQUE
Toyota pionnier
Samsung a lancé sa montre connectée le mois dernier. En Suisse, elle se vend autour de 400 francs. KEYSTONE
Un pronostic partagé par JeanClaude Biver, président des montres Hublot, qui évoque un «effet
chasse-neige». «Habituez un enfant
à mettre une montre Mickey ou
Swatch, il y a de fortes chances qu’il
continue d’acheter des montres
lorsqu’il sera adulte», explique-t-il
(voir notre édition du 20 juillet).
Loin de s’inquiéter du phénomène,
l’horloger basé à Nyon fonde de
grands espoirs dans les montres intelligentes: «Si c’est un grand succès, il peut être très bénéfique pour
l’ensemble de notre secteur.» La Fédération horlogère suisse n’y voit
pas davantage une concurrence
pour la branche.
«La montre traditionnelle a un
grand avantage sur sa concurrente
technologique: c’est un symbole de
statut social», renchérit Damian
Künzi, économiste chez Credit
Suisse. «La smartwatch ne peut pas
remplir ce rôle car elle va rapidement se banaliser. Dès que le marché s’établira, on en verra partout.»
A l’inverse, poursuit l’expert, la
montre mécanique est un produit
anachronique, ce qui la protège des
innovations technologiques. «De ce
fait, la smartwatch ne peut poser
problème qu’aux montres fonctionnelles, comme les montres à quartz,
où la fonction de statut joue un rôle
moindre.»
Mais la montre mécanique ne se
contente pas de jouer dans une
classe supérieure, selon Damian
Künzi: au jeu des marqueurs sociaux, elle pulvérise bien des produits de luxe. «Contrairement à la
villa, la montre a l’avantage de la visibilité puisqu’on la porte toujours
sur soi. Et contrairement à la voiture
de luxe, la montre ne soulève pas de
problèmes éthiques.» Seul talon
d’Achille: il n’est pas possible d’établir l’authenticité d’une montre au
premier coup d’œil, souligne l’expert. Il en conclut que «pour l’horlogerie, la contrefaçon est un problème bien plus important que les
smartwatches». I
Le premier constructeur mondial
d’automobiles, Toyota, a annoncé
hier qu’il commercialisera vers
2015 des véhicules capables de
passer en «conduite automatique» en respectant les distances de sécurité et restant
dans la bonne trajectoire. «Ces
technologies avancées permettent d’empêcher les erreurs
humaines, de réduire le stress de
conduite et d’aider les conducteurs à éviter les accidents, ce qui
devrait favoriser la baisse du
nombre de morts sur les routes»,
a expliqué Moritaka Yoshida, un
responsable de Toyota. Toyota
travaille sur les techniques de
conduite automatique depuis une
vingtaine d’années. ATS
ADIDAS
Nette poussée
Le groupe allemand Adidas devrait connaître une nette hausse
de son chiffre d’affaires en 2014,
après une année 2013 plus difficile que prévu, a assuré le patron
du numéro deux mondial de
l’équipement sportif Herbert Hainer. Pour cela, il compte notamment sur la Coupe du monde de
football et le retour en NBA du
basketteur Derrick Rose, blessé
pendant plus d’un an, et qu’il
sponsorise. ATS
SALAIRES EN 2014
ANNIVERSAIRE CHEZ IKEA
Vers une hausse
substantielle
Quarante ans de meubles suédois en Suisse
YVONNE DEBRUNNER
Les travailleurs suisses devraient profiter
d’une hausse substantielle de leur salaire réel
l’an prochain. L’augmentation atteindra ainsi
en moyenne 1,8%, compte tenu d’un taux
d’inflation attendu à 0,4%. Les salariés helvétiques devraient du coup être les mieux lotis
en Europe, a indiqué le cabinet spécialisé
dans les ressources humaines Aon Hewitt
dans une étude publiée hier. Leurs collègues
en Allemagne et au Royaume-Uni, par exemple, se contenteront d’une hausse réelle respective de 1,3 et de 0,1%.
En termes nominaux, les travailleurs
suisses profiteront en moyenne d’une augmentation de 2,2%, précise le sondage mené
auprès de 161 entreprises nationales ou multinationales établies en Suisse. Le taux correspond aux niveaux constatés au cours des
années précédentes, ressort-il du document
«Salary Increase Survey 2013».
Dans le détail, il apparaît que les salariés
travaillant dans des entreprises de moins de
500 personnes seront les mieux lotis, avec
une hausse nominale de 2,3%. Les plus
grandes entités se montrent davantage sur la
retenue, avec 2,1% pour les sociétés nationales et 1,6% pour les multinationales. En
considérant les secteurs, les travailleurs des
secteurs touchant aux biens de consommation et aux technologies de l’information
présenteront les augmentations les plus
fortes (+2,9%). Par catégories d’employés, les
progressions salariales seront en moyenne
les mêmes pour l’ouvrier que pour le cadre
supérieur. ATS
viron un quart, selon lui. «La réussite
exceptionnelle d’Ikea a naturellement
engendré des pertes chez les autres
fournisseurs».
Selon lui, il existe encore en Suisse
une cinquantaine de sociétés, qui fabriquent des meubles de façon industrielle. Leur nombre a chuté de 50 à
60% durant les dernières décennies.
Un fort processus de concentration est
en cours, en raison notamment de la
guerre des prix, explique Kurt Frischknecht. Non seulement Ikea, mais
également les autres marchands de
meubles misent principalement sur
les prix bas.
Il y a 40 ans, le groupe suédois Ikea ouvrait à Spreitenbach (AG), non loin de
Zurich, son premier magasin hors de
Scandinavie, marquant le début d’une
période difficile pour les fabricants de
meubles helvétiques. Les clients se
sont depuis habitués à des prix bas.
Jadis, les meubles représentaient
les investissements d’une vie. Aujourd’hui, ils sont assez bon marché
pour en changer régulièrement. Avec
sa politique de prix bas, Ikea a contribué de façon décisive à cette évolution. Et les prix des produits Ikea devraient continuer à baisser à l’avenir.
«Ikea travaille en permanence à
faire baisser durablement ses prix»,
souligne le groupe dans un communiqué paru la semaine passée pour marquer ses 40 ans de présence en Suisse.
La table d’appoint Lack, un classique
de l’assortiment Ikea, en constitue un
bon exemple. Le meuble est désormais disponible pour le prix de
6,95 francs. En 1980, la même table
coûtait encore 52 francs. La stratégie
de prix bas du géant suédois de
l’ameublement a fonctionné également en Suisse.
Depuis son arrivée il y a 40 ans, les
ventes n’ont cessé de grimper. L’an
dernier, Ikea a franchi pour la première fois la barre du milliard de
francs de chiffre d’affaires. L’entreprise
Comme son fondateur Ingvar Kamprad, la clientèle d’Ikea a pris quelques
années… KEYSTONE
dispose à présent de neuf magasins,
dont deux en Suisse romande, à Aubonne (VD) et Vernier (GE).
Ikea réussit à toucher l’ensemble
de la population. «Auparavant les
clients étaient principalement des
jeunes gens qui venaient chez nous
par exemple lorsqu’ils emménageaient dans leur propre appartement. Nous avons toutefois conservé
nos premiers clients, si bien que désormais toutes les catégories d’âge
viennent faire des achats chez nous»,
relève David Affentranger, porte-parole d’Ikea Suisse.
Le succès du groupe a mis sous
pression les entreprises d’ameublement suisses. Kurt Frischknecht, directeur de l’Association suisse industrie du meuble, estime à 4 milliards de
francs le marché de l’ameublement en
Suisse. Avec des ventes d’un milliard,
Ikea détient une part de marché d’en-
Ikea a fait du prix un argument de
vente. La directrice d’Ikea Suisse, Simona Scarpaleggia, parlait de «design
démocratique» lors d’une conférence
de presse pour les 40 ans de présence
du groupe en Suisse. «Les bas prix ont
gagné en importance», reconnaît Sylvie Merlo, porte-parole de Pfister.
«Nous devons proposer des prix compétitifs. Cette pression existe depuis
des années et contribue à une saine
concurrence», ajoute-t-elle. Kurt
Frischknecht juge préoccupante la
pression sur les prix. Les rabais réduisent les marges et à terme conduisent
à une concentration chez les fournisseurs et producteurs de meubles. «Les
grands groupes peuvent se permettre
d’accorder des rabais plus élevés»,
fait-il remarquer. ATS