Cours en ligne de journalisme scientifique

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Cours en ligne de journalisme scientifique
Cours en ligne de journalisme scientifique
créé par la WFSJ et SciDev.Net
Chapitre 5 - Qu'est-ce que la science?
par Gervais Mbarga et Jean-Marc Fleury
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
Table des matières
5.1 Introduction............................................................................................................................. 3
5.2 Les voies d’accès à la connaissance 5.2.1 Qu'est-ce que « savoir »? ...................................... 4
5.2.1 Qu'est-ce que « savoir »? (suite) .......................................................................................... 5
5.2.2 Le sens commun ................................................................................................................... 6
5.2.3 Au-delà du sens commun ..................................................................................................... 7
5.2.4 La science, pour systématiser le savoir ................................................................................ 8
5.2.5 La science expérimentale moderne ..................................................................................... 9
5.2.6 Les approches non-scientifiques ........................................................................................ 10
5.2.7 La méthode scientifique ..................................................................................................... 11
5.2.8 Sciences « dures » et sciences « molles » .......................................................................... 13
5.2.9 Ce que la science n’est pas ................................................................................................. 14
5.2.11 La connaissance journalistique ........................................................................................ 15
5.2.12 Le rôle du journaliste scientifique .................................................................................... 16
5.3 Menaces et limites de la science 5.3.1 Introduction............................................................. 17
5.3.2 Thomas Kuhn (1922 – 1996) .............................................................................................. 18
5.3.3 Karl Popper (1902 – 1994).................................................................................................. 19
5.3.4 Induction et déduction ....................................................................................................... 20
5.3.5 La méthode scientifique ..................................................................................................... 21
5.3.6 Le relativisme culturel et la science ................................................................................... 22
5.4 Comment se construit réellement la science? 5.4.1 La science n’est-elle que le contenu des
revues scientifiques? ................................................................................................................... 23
5.4.2 Les limites de la révision par les pairs ................................................................................ 24
5.4.3 La vérité scientifique par consensus .................................................................................. 26
5.4.4 Liens ................................................................................................................................... 27
5.5 Exercices d'auto-apprentissage (1-2) .................................................................................... 28
5.6 Réponses aux exercices d'auto-apprentissage (1-2) ............................................................. 30
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5.1 Introduction
La science a profondément transformé notre monde moderne. Chaque aspect de notre
vie en a été bouleversé de manière si spectaculaire que personne ne peut échapper à
son influence, pour le meilleur et pour le pire.
Dans ce chapitre, nous allons explorer ce qu’est la science : Nous examinerons d’abord
les principes et la démarche qui en font la meilleure façon de comprendre le réel
(section 5.2).
Nous prendrons ensuite contact avec quelques penseurs du XXe siècle qui ont souligné
les limites et les dangers de la science (section 5.3).
Nous terminerons ce chapitre en examinant divers aspects de la science telle qu’on la
pratique aujourd’hui (section 5.4).
A la fin de ce chapitre, vous devriez:
1. comprendre ce qu’est la science et ce qu’elle n’est pas;
2. être conscient de ses forces et de ses limites;
3. pouvoir évaluer/contester avec aplomb la rigueur scientifique des chercheurs.
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5.2 Les voies d’accès à la connaissance 5.2.1 Qu'est-ce que « savoir »?
Dans cette partie du cours, nous verrons comment se construit le savoir scientifique.
Nous verrons ce qui la distingue des autres formes de connaissance et du journalisme
scientifique.
La science commence par « je veux savoir ».
L’activité de « savoir » est si intuitive et naturelle qu’il peut sembler étrange de vouloir
la définir. En fait, il est très complexe d’expliquer la nature du « savoir » tant il peut
avoir une multitude de significations.
« Savoir », dans le contexte de la science, c’est observer la réalité et réunir sur elle
suffisamment d’informations pour pouvoir identifier ses caractéristiques, pour les
distinguer et pour décrire leurs interactions de manière aussi véridique que possible.
Cette réalité peut être réelle, virtuelle, concrète, naturelle, surnaturelle, abstraite,
physique ou métaphysique. Ce savoir est un exercice de curiosité.
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5.2.1 Qu'est-ce que « savoir »? (suite)
Le savoir est objectif quand nous analysons les choses telles qu’elles sont, sans
préjugés. Cette manière lucide de découvrir et de vérifier nous rend capables de nier,
de réfuter, d’accepter, d’adopter, de prendre nos distances par rapport aux éléments
de ce savoir et même de modifier la réalité.
L’accès à ce savoir demande que nous posions des questions et que nous refusions
l’ignorance.
Le fait de « savoir » quelque chose nous permet de l’observer et de l’analyser de
manière rationnelle.
Ce savoir est différent des croyances. Les croyances expliquent l’univers en lui
attribuant des pouvoirs, des qualités, des sentiments et des émotions. Les croyances
attribuent une signification intrinsèque aux objets, comme si le chiffre 13 était un
mauvais augure par exemple. Certaines cultures croient qu’un arc-en-ciel est l’épée de
Dieu, signe de malheurs imminents. D’autres croient plutôt qu’il indique
l’emplacement d’un trésor caché. Il serait alors un signe de chance.
Les croyances exigent notre assentiment immédiat et notre engagement. Elles
s’enracinent au cœur de notre intimité. Les croyances religieuses, par exemple,
impliquent des convictions intimes qui donnent un sens à notre vie. Elles se fondent
souvent sur un acte de foi qui les rend vraies sans qu’on n’ait à les démontrer.
L’existence de Dieu, notamment, est une croyance plutôt qu’une vérité scientifique car
il n’y a aucun moyen de la démontrer ou de la réfuter. Le bouddhisme, le judaïsme,
l’indouisme, le christianisme et l’islam sont quelques-unes des grandes religions qui on
façonné l’histoire de l’humanité et qui la marquent encore.
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5.2.2 Le sens commun
Qu’est-ce que le sens commun, par opposition à la science?
Le savoir populaire, qu’on appelle aussi « sens commun », est une connaissance
sensible, naïve et immédiate fondée sur notre expérience quotidienne et sur
l’interprétation traditionnelle qu’en donne notre communauté.
Cette connaissance, qui est différente du savoir scientifique, nous semble souvent si «
évidente » que nous ne pensons même pas à la remettre en question. N’est-il pas
évident que le soleil se lève chaque matin et se couche à tous les soirs? Tout le monde
voit bien que le ciel est en « haut ».
Ce sens commun indissociable de notre culture nous est transmis par notre famille,
nos parents, nos amis, nos voisins, nos partenaires et notre tribu ou notre société.
Cette communauté humaine qui nous est si chère partage ainsi sa façon de vivre, ses
joies, ses craintes, ses douleurs, ses espoirs pour l’avenir, sa perception du présent et
le souvenir de ses traditions.
Nous ne pourrions pas vivre sans ce sens commun, même s’il inclut souvent des
superstitions comme si la nature était douée de qualités et d’émotions, de volontés et
de réactions semblables à celles des humains. Sans lui, nous remettrions sans cesse
tout en question, en rationalisant sans arrêt. En proie à une hésitation perpétuelle,
nous serions paralysés, incapables de rien décider.
C’est pourquoi toutes les cultures et toutes les civilisations ont leur sens commun.
Chacun de nous base sa vie quotidienne et ses interactions sociales sur le sens
commun. Les plus grands scientifiques eux-mêmes ont vécu en fonction du sens
commun …jusqu’au jour où ils l’ont dépassé!
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5.2.3 Au-delà du sens commun
Un savoir systématique exige qu’on sorte des sentiers battus et faciles. Il ne prétend
pas être définitif. Il accepte qu’on le conteste. Les réponses ne viennent qu’en
creusant davantage. Dans ce savoir systématique, les choses changent et leur
description évolue.
Le savoir systématique exige des preuves. Il demande des arguments. Il suscite des
questions. Rien n’y est tenu pour acquis. Il remet aujourd’hui sur la table ce qu’il
affirmait pourtant hier. Il pioche autant dans l’inconnu que dans le connu. Toujours en
recherche, sans tabou ni interdit.
Le savoir systématique sert à créer, imaginer et découvrir ce qu’on ne connait pas
encore.
Le savoir systématique vérifie constamment sa manière d’analyser et de créer. Il
demande qu’on se méfie des traditions et des impressions morcelées que nos sens
nous envoient tous les jours. Il exige qu’on remette en question ses manières de
regarder, de toucher et de ressentir. Il réévalue constamment ses pratiques d’analyse
et de création. Il a sa propre méthode.
Ce savoir systématique est celui des intellectuels, des artistes et des artisans d’œuvres
intellectuelles. C’est aussi celui des chercheurs scientifiques même si la connaissance
scientifique est différente de tous les autres savoirs.
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5.2.4 La science, pour systématiser le savoir
La science et l’art sont tous deux des savoirs systématiques mais il y a entre eux des
différences importantes.
En art, la systématisation du savoir relève des préférences de chaque personne et de
ses critères de beauté, c'est-à-dire de son esthétique et de ses émotions.
En science, la systématisation travaille plutôt à produire une description véridique de
la nature. Il s’agit ici de peser, de mesurer, de chronométrer, de raisonner
logiquement et d’argumenter sans égard aux goûts de chacun ou à ses préférences et
émotions personnelles.
La connaissance scientifique sert à comprendre l’univers à partir de ses éléments
précis, concrets et objectifs.
Les chercheurs fondent leurs affirmation sur des arguments rationnels. La
démonstration des scientifiques s’appuie sur une argumentation claire et complète,
sans faille. Elle se fonde aussi sur le concret, sur des expériences de laboratoire qui
illustrent un phénomène et qui mettent parfois en évidence un lien de cause à effet.
On peut alors généraliser la conclusion et en prédire d’autres.
Voilà en quoi la science moderne se distingue des sciences d’autrefois qui étaient
proches de la religion, qui se fondaient souvent sur des arguments d’autorité et qui
s’intéressaient surtout à la finalité de l’univers.
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5.2.5 La science expérimentale moderne
La science moderne s’enracine dans le doute systématique , dans le « scepticisme
organisé » comme disait le sociologue américain Robert K. Merton.
Apparue au 17e siècle (le « siècle des lumières »), la science moderne se fonde sur
l’observation des faits. Elle cherche à confirmer la réalité de ces observations
factuelles à l’aide d’expériences scientifiques. Voilà pourquoi on a besoin de
laboratoires et d’instruments de mesure pour tout étudier, de l’infiniment petit
jusqu’aux confins de l’univers. La science s’est dotée de méthodes rigoureuses et
d’instruments fiables pour accumuler des observations qui confirmeront ou
infirmeront les hypothèses préalables. Elle réévalue sans cesse ses méthodes et ses
preuves.
L’expérience scientifique est objective ou impersonnelle. Idéalement, ses résultats
devraient être indépendants de la personne qui la mène, conforme à la réalité et
cohérente avec les autres connaissances confirmées.
Toujours dans l’idéal, l’expérience scientifique doit aussi aboutir à des résultats clairs
et logiques, sans ambiguïté. On doit pouvoir les vérifier ou les réfuter avec d’autres
expériences et des arguments raisonnables. Un résultat n’est « scientifique » que s’il
survit à ces vérifications minutieuses et répétées. C’est la rationalité scientifique.
En somme, la vérité scientifique est déduite des faits et vérifiée par l’expérimentation
méthodique. C’est l’expérience qui révèle combien mesurent les objets ou les
phénomènes, combien ils pèsent, quel temps ils durent, quelles directions ils prennent,
etc. Et ces résultats sont chiffrés.
Contrairement à la science ancienne qui prétendait énoncer la finalité de l’univers, la
science moderne décrit « comment » il fonctionne.
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5.2.6 Les approches non-scientifiques
Avant de décrire la méthode scientifique, examinons d’abord les autres méthodes qui
permettent de comprendre l’univers.
L’être humain a souvent cherché à comprendre la nature et le comportement humain.
La religion peut fournir des réponses à quelques questions fondamentales : Qui
sommes-nous? Où allons-nous? Quel est le sens de notre vie sur Terre? Encore
aujourd’hui, chaque grande religion propose une vision globale de l’univers depuis sa
création jusqu’à sa fin. Tout en respectant ces convictions intimes, le journaliste qui
traite de science doit situer son travail en marge de la religion.
Une autre façon de comprendre l’univers a été de faire appel à l’argument d’autorité:
Si tel philosophe ou tel sage de l’antiquité a affirmé quelque chose, ses propos ne
devaient pas être mise en doute par des esprits « moins perspicaces ». On a appliqué
cet argument en référant à plusieurs philosophes (Platon, Aristote, Pythagore, etc.) ou
à de grands mystiques comme Hermès Trismégiste.
Aujourd’hui, nos communautés comptent aussi des sorciers, des guérisseurs ou des
marabouts qui ont chacun leur vision de l’univers. Certains d’entre eux détiennent
effectivement une connaissance empirique ou mystique de leur milieu mais plusieurs
ne véhiculent que superstitions et illusions.
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5.2.7 La méthode scientifique
En gros, la science moderne construit son savoir en répétant continuellement les
quatre étapes suivantes:
A.l’OBSERVATION attentive des phénomènes naturels ou des résultats d’expérience



Observer attentivement les phénomènes en les mesurant avec des techniques
qui ont fait leurs preuves;
Concevoir des expériences qui permettront de bien isoler les phénomènes que
l’on désire mesurer ou mettre en corrélation;
Accorder plus d’importance à ces résultats d’observation ou d’expérimentation
qu’à nos préjugés et nos attentes (ou celles des commanditaires de la
recherche);
B.la VÉRIFICATION rigoureuse des données obtenues
Le chercheur doit s’assurer que ses résultats nouveaux ou inattendus sont bien le
reflet d’un phénomène réel. À cette fin, il doit :



Répéter l’expérience quand c’est possible et vérifier sa technique de mesure
pour éliminer toute erreur systématique;
Expliquer sa procédure pour que d’autres scientifiques puissent répéter
l’expérience;
Faire les tests statistiques requis pour démontrer que le résultat n’est
probablement pas un simple effet du hasard (voir à ce sujet le chapitre sur les
statistiques, surtout les pages 9.8 et 9.9+ lien internet).
C.la FORMULATION D’HYPOTHÈSES explicatives
Le scientifique doit:



Démontrer les liens entre ses nouvelles observations et les observations
antérieures, surtout celles qui sembleraient contradictoires;
Formuler diverses hypothèses qui pourraient expliquer ses résultats et d’autres
observations antérieures plus ou moins similaires.
Ne laisser aucune faille dans le raisonnement, surtout s’il conclut à un lien de
cause à effet.
D.la GÉNÉRALISATION de ces explications et la prédiction de nouveaux résultats
vérifiables
Idéalement, le chercheur doit aussi évoquer les conséquences plus générales de ses
hypothèses, au cas où l’une ou l’autre serait avérée. Idéalement, il identifiera les
conséquences qui pourraient être vérifiables à l’aide d’expériences subséquentes.
Plus les conséquences sont importantes, plus le reste de la communauté scientifique
aura intérêt à répéter l’expérience avec toutes sortes de variations pour bien
confirmer la validité de ces observations. Le cas échéant, ces équipes rivales
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répéteront les mêmes quatre étapes pour tester la validité des diverses explication
possibles et pour confirmer les relations de cause à effets.
Plus une hypothèse résiste longtemps à cette remise en question systématique, plus
elle devient certaine. L’ensemble des observations et des hypothèses qu’on n’a
jamais pu falsifier constituent ce qu’on appelle le savoir scientifique.
L’analyse de ce corpus de « vérités » permet alors de procéder par induction, c’est-àdire de:



Généraliser les observations;
Accepter que les faits démontrés décrivent la réalité;
En tirer logiquement des « lois » et des théories qui pourraient être valables
partout et en tout temps.
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5.2.8 Sciences « dures » et sciences « molles »
La méthode scientifique s’applique en principe à toutes les sciences. Autant celle de la
nature (sciences « dures » ou exactes) qu’aux sciences humaines ou sociales (sciences
« molles »): sociologie, psychologie, sciences politiques, histoire, géographie, théologie,
économie et même la médecine.
Cependant, certaines étapes de la méthode présentent des difficultés particulières
quand on les applique à ces sciences « molles » et à leur objet de recherche. On ne
peut pas, par exemple, expérimenter sur des sujets humains aussi facilement que sur
des sujets végétaux ou minéraux. De même, les sciences sociales ont encore des
difficultés de généralisation ou de prédiction.
De manière générale, les principes de base de la méthode scientifique restent quand
même valides. Cette démarche est incontournable dans tous les champs d’études qui
se prétendent scientifiques.
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5.2.9 Ce que la science n’est pas
La science est devenue un savoir fascinant –mais difficile-- qui a supplanté toutes les
autres formes de connaissance, surtout parce qu’il approche tellement la vérité qu’il
devient un moyen de changer le monde. La science a façonné notre monde moderne.
Elle a redéfini la santé, les communications, l’habitat, l’énergie, l’agriculture, la guerre
et la vie elle-même.
Le monde moderne est une vitrine de la science mais il pourrait aussi en devenir la
victime.
C’est que la science n’est pas une panacée ni un livre de magie qui réglerait tous les
problèmes. Elle n’utilise aucune méthode occulte. Les techniques scientifiques n’ont
rien de secret même si certains détails peuvent demeurer
temporairement confidentiels pour protéger la propriété intellectuelle des
inventeurs.
La science semble s’insinuer partout et s’approprier des pouvoirs autrefois réservés
aux dieux mais elle n’est pas une religion. Les scientifiques ne sont pas les ministres
d’une secte ni les défenseurs d’une tradition. (Au contraire, ils auraient plutôt
tendance à détruire tout ce qui pourrait devenir tradition!) Les infrastructures
coûteuses sont parfois l’apanage de quelques nations privilégiées mais la science n’est
pas le monopole d’une race, d’un sexe, d’un âge, d’une religion, d’une couleur de
peau ni d’un niveau de richesse.
Bien que la science recherche la vérité, ses résultats ne deviennent jamais une vérité
définitive comme le seraient les commandements de Dieu. Au contraire, les
scientifiques poursuivent une quête inlassable et ne sont jamais satisfaits de ce qu’ils
savent. Même la publication de leurs résultats de recherche est toujours une invitation
à la critique et à la remise en question.
Comme toute autre activité humaine, la science a des faiblesses. Il s’y produit des
erreurs et des fraudes. Certaines expériences ont été truquées et plusieurs résultats,
fabriqués. C’est un monde qui a sa part de rivalités, d’ambitions, d’illusions et de coups
bas, surtout quand vient le temps de déterminer la paternité des inventions. Mais la
force de la science tient à son aptitude à détecter les erreurs et à les corriger lors
d’expérimentations subséquentes.
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5.2.11 La connaissance journalistique
La méthode journalistique
Sans revenir sur l’abc du journalisme, disons simplement que le journaliste base son
travail sur l’observation des faits, comme le scientifique. On dit souvent en journalisme
que « les faits sont sacrés tandis que les commentaires ont peu de valeur ». Comme
le scientifique, le journaliste cultive la neutralité et l’objectivité : il doit mettre de côté
autant ses intérêts et préjugés personnels que ceux de sa communauté.
Comme le scientifique, le journaliste recherche surtout la vérité dans sa collecte
d’information et dans ses reportages.
Par contre, le journaliste demeure avant tout un témoin. Il raconte un événement au
public qui n’était pas sur les lieux. Il ne destine pas ses reportages à ses collègues
journalistes mais au grand public. Plutôt que de rapporter des faits bruts, il les met en
contexte et décrit leurs conséquences pour la politique, l’éducation, le droit, la justice
et la vie des sociétés. Les meilleurs journalistes laissent les faits parler par eux-mêmes
mais ils doivent quand même les rendre intelligibles en donnant la parole aux
personnes impliquées.
Les faits que retient un journaliste doivent obéir à des critères précis:




de vérité: le journaliste ne traite pas de fiction et n’invente pas les faits;
de nouveauté: la nouvelle c’est ce qui est «nouveau» ou qui modifie le
contexte social;
de pertinence: l’importance d’un fait tient à sa signification et à ses
conséquences possibles pour le public;
d’intérêt : le journaliste cherche ce qui étonne le public, ce qui le touche et qui
excite sa curiosité.
Enfin, le journaliste et le chercheur traitent l’information différemment. Le scientifique
expérimente sur un sujet parfois très pointu. Le journaliste, lui, lance son filet aussi
large que possible pour enrichir le contexte de sa nouvelle. Il fait appel à d’autres
domaines du savoir et à d’autres intervenants. Une nouvelle médicale pourra très bien
inclure des informations empruntées à l’économie, à la géographie ou à la sociologie,
par exemple.
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5.2.12 Le rôle du journaliste scientifique
Le journaliste scientifique n’est pas seulement un spécialiste de la communication
scientifique.
La communication scientifique vise à promouvoir la science au près du public. Elle
cherche à éduquer et à faire prendre conscience de l’utilité de la science.
Cette communication scientifique fait appel aux relations publiques (RP), à la publicité,
aux campagnes de marketing, aux communiqués de presse, aux affiches ainsi qu’aux
événements et aux organismes de vulgarisation de la science (musées, livres,
manifestations scientifiques, etc.)
Le journaliste scientifique, pour sa part, désire surtout mettre la science au service des
citoyens et aider le public à en tirer parti. La plupart des journalistes scientifiques sont
de grands admirateurs de la science, mais ils doivent aussi cultiver « l’art du doute »
pour que le public ne soit pas victime de recherches mauvaises, fausses ou
frauduleuses (Lisez à ce sujet le chapitre 6 sur les controverses scientifiques). Il évolue
à la fois dans le monde des idées et dans le monde réel des citoyens, disait le
philosophe français Gaston Bachelard.
Comme le critique d’art ou de littérature, le journaliste scientifique critique la science.
Cela implique qu’il pose des questions et qu’il examine, sélectionne, décrit, vérifie et
explique les faits scientifiques afin d’identifier leurs lacunes et de commenter les
découvertes. Le journaliste scientifique analyse la science sous plusieurs angles
(économique, sociologique, politique, éthique, légal, etc.). À l’occasion, le journaliste
scientifique peut même contester la pertinence, l’importance et l’utilité de certains
travaux scientifiques.
Par-dessus tout, le journaliste scientifique confronte les découvertes scientifiques aux
besoins et préoccupations de sa communauté. Il doit amener les citoyens à
comprendre la science et à en tirer des informations utiles. Cela ne se résume pas à
vulgariser la science avec des mots simples, des métaphores, des analogies et des
graphiques.
Comme critique de la science, le journaliste scientifique doit aussi expliquer comment
la vérité se construit. S’il le fait bien, chacun pourra découvrir quels chercheurs sont
crédibles et lesquels ne le sont pas. Chacun pourra déterminer quand la science est
digne de foi.
Le journalisme scientifique n’est donc pas un type mineur de journalisme. Il exige
talent, ouverture, créativité, imagination, sens du concret, ambition et… modestie.
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5.3 Menaces et limites de la science 5.3.1 Introduction
Le XXe siècle a assisté autant au triomphe de la science (culminant avec des traces de
pas humains sur la lune) qu’à son côté sombre susceptible de détruire l’humanité :
Au début du siècle, la stérilisation des malades mentaux au nom d’un eugénisme qui
se réclamait de la théorie de l’évolution.
Ensuite, les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, des bombes qui découlent
des théories scientifiques d’Albert Einstein.
Aujourd’hui, la puissance de l’informatique et de l’Internet fragilisent la vie privée
pendant que nous sommes sur le point de rendre notre planète inhabitable.
Oui, il y a aussi un côté sombre et inquiétant à la science!
De nombreux philosophes ont voulu cerner la véritable nature de la science. À la fin du
XXe siècle, ils se sont affrontés avec une telle vigueur qu’on a parlé des « guerres de la
science ». Heureusement, il n’y a pas eu de victimes à part la crédibilité et le prestige
amochés de quelques universitaires.
Disons simplement que ce débat opposait des chercheurs en sciences naturelles à un
groupe de sociologues, d’historiens, de philosophes et de féministes de gauche qui
voyaient dans la science un outil de répression, de capitalisme sauvage et de
machisme guerrier.
Décidés à dénoncer les excès de la science et ses applications funestes, ces derniers
ont tenté de déboulonner le noble piédestal de la science. À leurs yeux, la science n’est
pas une vraie description de la réalité mais une nouvelle religion avec ses rites, ses
croyances, ses dogmes, ses chapelles et son clergé. Ils entreprirent de « déconstruire »
ce temple scientifique, de révéler la nature de la connaissance scientifique (réduite à
une connaissance comme les autres) et de démystifier les pratiques scientifiques.
Les paragraphes qui suivent tentent de résumer l’argumentation de quelques-uns des
plus célèbres penseurs contemporains impliqués dans ces guerres de la science.
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5.3.2 Thomas Kuhn (1922 – 1996)
Si on fait abstraction de l’importance et de l’utilité du concept de « falsification »
proposé par Karl Popper (voir la page 5.3.3), le plus célèbre philosophe contemporain
des sciences demeure Thomas Kuhn, auteur de La Structure des révolutions
scientifiques, une œuvre publiée en 1962 et qui séduit toujours.
Kuhn soutient que la science n’est pas vraiment une recherche de la vérité objective.
La science serait plutôt un moyen de régler des problèmes dans le cadre d’un
système de croyances contemporain. Ce système de croyances et de valeurs se
concrétise dans un paradigme, c'est-à-dire un système initial de croyances et de
valeurs que les résultats expérimentaux viennent renforcer. Tout au long de leur vie, la
plupart des scientifiques feraient donc de la science « normale », toujours à l’intérieur
d’un même paradigme.
Par contre, il arrive à l’occasion que des Copernic, Newton, Darwin et Einstein
proposent des systèmes de croyances différents provoquant des révolutions
scientifiques:
Le monde ne tourne pas autour de la terre mais autour du soleil;
Les mécaniques terrestre et céleste obéissent aux mêmes lois physiques;
Le monde n’est pas créé par Dieu mais en évolution sans fin ni sens;
Le temps physique n’est pas uniforme et absolu mais il varie en fonction de la vitesse
relative de l’observateur et de l’observé.
Kuhn soutenait qu’un nouveau paradigme ne s’impose pas par son mérite «
scientifique », mais parce que ses adversaires finissent par mourir : La relativité
générale des disciples d’Einstein devient une vraie description de la nature une fois
que le temps a décimé les rangs des Newtoniens.
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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.3.3 Karl Popper (1902 – 1994)
Karl Popper a proposé une définition de la science qui demeure toujours la plus
incisive et la plus éclairante: la science est ce qui est falsifiable.
Selon Popper, la science est un perpétuel effort de réfutation. Chaque expérience ou
observation cherche à réfuter la théorie qui fait consensus. La science ne serait que la
somme momentanée des théories qui survivent aux efforts de falsification des
scientifiques. Popper inscrit le doute systématique au cœur de la démarche
scientifique. Le doute et l’attitude critique alimentent l’ambition de tout scientifique
de trouver le phénomène inexplicable dans le cadre de ce que Thomas Kuhn appelle «
le paradigme du jour » .
En pratique, dit-il, la plupart des scientifiques se contentent de vérifier les expériences
déjà réalisées et d’en confirmer les conclusions. En même temps, ils rêvent de trouver
la faille qui donnera naissance à une nouvelle théorie. Les milliers de chercheurs qui
attendaient impatiemment les premiers essais du Large Hadron Collider du Centre
européen de recherche nucléaire (CERN), à Genève, espéraient tout autant une «
nouvelle physique » qui les obligerait à sortir des sentiers battus qu’à confirmer
l’existence du fameux boson de Higgs, inhérent au Modèle Standard de la physique.
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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.3.4 Induction et déduction
L’induction, force et faiblesse de la science
Dans la première partie de ce chapitre, nous avons vu que les lois et théories
scientifiques sont des « généralisations » : Le volume d’une barre de cuivre augmente
quand on la chauffe; Même chose pour le volume d'une barre d’acier ou d’aluminium.
Comme ces trois matériaux sont des métaux, on en déduit que l’échauffement
augmente probablement de volume de tous les métaux.
La généralisation ( l’induction pour utiliser le terme savant) consiste à suggérer une loi
scientifique comme « les métaux chauffés augmentent de volume », à partir d’une
foule d’observations de métaux qui augmentent de volume sous l’effet de la chaleur.
La faiblesse de l’induction tient au fait que la loi suggérée demeure à la merci d’une
seule exception. Les lois scientifiques ne peuvent invoquer la force de la logique et de
la déduction.
Lors d’une déduction, la phrase « les métaux chauffés augmentent de volume » est
tenue pour une vérité générale au même titre que la phrase « le cuivre est un métal ».
De ces deux prémisses on déduit que le volume d’une pièce de cuivre va augmenter si
on la chauffe.
Puisque les scientifiques ne seront jamais certains d’avoir testé tous les métaux dans
toutes les circonstances possibles, l’induction ouvre tout naturellement la porte à la
falsification.
Le génie de Karl Popper a été de faire de cette vulnérabilité l’essence même de la
science.
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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.3.5 La méthode scientifique
Ce diagramme est tiré de Qu’est-ce que la science? d’Alan Chalmers (La découverte,
1987).
Il montre comment les scientifiques construisent les théories et les lois scientifiques à
l’aide de l’induction, après quoi ils en déduisent des prédictions.
21
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.3.6 Le relativisme culturel et la science
Pourquoi les anthropologues n’observeraient-ils pas les scientifiques comme une tribu
aux mœurs particulières? Cela conduit à donner plus de poids aux faits et gestes des
scientifiques plutôt qu’à leurs propos..
Dans ce contexte, les constructivistes sociologiques prétendent que la science et un
pur produit de la société. C’est la société qui déterminerait en grande partie les «
croyances » des scientifiques. Selon eux, une scientifique a beau invoquer ses
recherches et ses publications, il n’en demeure pas moins que c’est son milieu
socioculturel qui détermine son adhésion à une théorie particulière. Ce concept d’une
science qui serait toujours une construction propre à une société particulière à un
moment donné rejoint le relativisme culturel selon lequel chaque société a ses
croyances et qu’elles sont toutes aussi valables.
Exemples :
Les deux auteurs de ce chapitre se souviennent d’un doyen de la faculté des Sciences
de l’université de Yaoundé, au Cameroun, qui avait ouvert un atelier de travail en
déclarant : « Nous, les Africains, devons inventer notre propre modèle de l’atome. »
D’autres estiment que la faible portion des efforts scientifiques consacrés aux
problèmes des pays en développement est une conséquence inévitable de la
domination scientifique de l’Occident.
Certaines féministes estiment que la science serait plus respectueuse de
l’environnement si on comptait un plus grand nombre de femmes parmi les
chercheurs.
Hossein Nasr, un intellectuel musulman qui enseigne à Harvard, affirme que la science
que l’on connaît présentement est la création d’un Occident décidé à « torturer » la
nature au besoin, pour l’asservir. Une science islamiste serait bien différente, dit-il, car
la nature est sacrée dans la religion musulmane. En Inde, un courant de pensée
cherche à inventer une science nouvelle basée sur les notions indoues du temps, de
l’espace, de la logique et de la nature.
Si la science n’est qu’un produit socioculturel en fin de compte, est-ce que certains
groupes ne pourraient pas la détourner au profit de leurs propres intérêts ou au
détriment des autres cultures, de la paix ou de l’environnement?
22
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.4 Comment se construit réellement la science? 5.4.1 La science n’estelle que le contenu des revues scientifiques?
Si vous demandez à une chercheure scientifique quel est son travail, elle pourrait vous
répondre: « j’écris des articles pour des revues scientifiques. » On pourrait donc dire
que la science, c’est ce qu’on trouve dans les revues scientifiques.
Cette réponse a une certaine validité dans la mesure où les chercheurs sont tenus de
publier. Pour eux, c’est « publier ou périr ». Le scientifique qui ne publie pas n’aura ni
statut, ni subventions et se retrouvera rapidement au chômage. Une fois qu’un
scientifique a ses diplômes en poche, sa carrière tient au nombre d’articles qu’il aura
publiés dans les grandes revues scientifiques, celles dont l’index de citation et le
facteur d’impact sont les plus forts.
Ces grandes revues scientifiques ne publient aucun article sans le soumettre d’abord à
deux tests : D’abord, leurs éditeurs évaluent rapidement la qualité et l’importance de
l’article. Ensuite, ils transmettent le brouillon à plusieurs experts reconnus dans le
même domaine. Ces experts sont les pairs de l’auteur, d’où l’expression « révision par
les pairs ».
Toute revue scientifique sérieuse fait réviser les articles par des pairs avant
publication.
La révision par les pairs permet d’évaluer si l’article est digne de publication. Ces
experts s’assurent que la méthodologie utilisée justifie vraiment la conclusion que
l’auteur en tire.
L’index de citation est une base de données qui recense toutes les fois où un article a
été cité dans d’autres articles scientifiques : quand? dans quelle publication? Et par qui?
Cela permet de mesurer l’impact scientifique de cet article.
Le facteur d’impact permet d’évaluer un périodique en évaluant l’index de citation
moyen de tous ses articles : on divise le nombre total de citations annuelles par le
nombre d’articles publié au cours des deux années précédentes. On peut consulter le
facteur d’impact des publications à l’adresse
suivante : [ http://www.sciencegateway.org/rank/index.html ]. Ce site contient une
foule d’autres informations sur la production scientifique des pays, des scientifiques et
des universités.
23
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.4.2 Les limites de la révision par les pairs
La révision par les pairs confirme qu’aux yeux des autres spécialistes du domaine, la
conclusion de l’article découle des résultats expérimentaux qui l’appuient et
compatible avec les connaissances généralement reconnues dans cette discipline.
En fait, la véritable vérification viendra lorsque d’autres scientifiques obtiendront les
mêmes résultats avec la même méthodologie. La « véracité » d’un article vérifié par
les pairs demeure provisoire. Tant qu’une expérience n’a pas été répétée, ses
résultats doivent être utilisés avec prudence.
Exemple :
Ce fonctionnement de la méthode scientifique et la nécessité de vérifier les
observations d’un premier chercheur sont bien illustrés dans cet article sur le
syndrome de fatigue chronique et surtout sur son attribution à un virus.
(http://www.lapresse.ca/sciences/201109/25/01-4451177-le-virus-de-la-fatiguechronique-remis-en-cause.php )
Les journalistes scientifiques feraient-ils trop confiance aux revues dotées d’une
révision par les pairs?
Chose certaine, le processus est loin d’être infaillible. Parmi ses défaillances récentes
les plus spectaculaires, citons l’article du chercheur sud-coréen Hwang Woo-suk, qui
prétendait avoir cloné un embryon humain et en avoir ensuite extrait des cellules
souches. La revue Science, publiée par l’Association américaine pour l’avancement des
sciences (AAAS), avait fait coïncider la parution de cet article avec son assemblée
annuelle de 2004, à Washington et cela lui avait valu une immense publicité. Sa
crédibilité s’en trouvera d’autant plus amochée quand on découvrira plus tard qu’il
s’agissait d'une fraude. (http://www.lemonde.fr/planete/article/2006/05/12/le-herosdechu-du-clonage-sud-coreen-hwang-woo-suk-inculpe-de-fraudes_770865_3244.html )
John Rennie, rédacteur en chef de Scientific American émet donc quatre réserves à
l’endroit des revues vérifiées par les pairs.



la possibilité d’erreur: le contenu d’un article vérifié par les pairs ne tiendra
vraiment que lorsque d’autres scientifiques auront obtenu les mêmes
résultats;
la fraude: il est extrêmement difficile pour les vérificateurs de découvrir la
tromperie délibérée d’un scientifique. Toute l’entreprise de l’édition
scientifique repose sur la bonne foi des scientifiques. C’est sans doute pourquoi
les journalistes scientifiques ont tendance à moins se méfier des documents
scientifiques que ne le font les journalistes économiques envers les rapports
financiers des entreprises;
les biais et la malhonnêteté: par exemple, les scientifiques qui s’arrangent avec
un éditeur complaisant; ou encore des organismes de pression qui financent
uniquement les recherches qui leur sont favorables;
24
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5

la pression politique: par exemple, lorsque le gouvernement des États-Unis
intime aux revues scientifiques de ne pas publier d’articles en provenance de
l’Iran, de la Lybie ou du Soudan.
Malgré ses réserves, John Rennie conclut que les rares problèmes des revues
scientifiques vérifiées par les pairs ne devraient pas empêcher les journalistes
scientifiques d’en faire leurs sources de choix.
(Au chapitre 2 de ce cours en ligne, vous pouvez aussi trouver une liste de questions
qui vous aideront à évaluer la validité des conclusions d'un chercheur.)
25
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.4.3 La vérité scientifique par consensus
Le journaliste scientifique d’aujourd’hui écrit sur des sujets qui concernent toute
l’humanité.
Les menaces au climat, aux ressources en eau, aux réserves énergétiques, à la vie
privée et à la santé interpellent tous les gouvernements, partout. Les politiciens et
décideurs se trouvent confrontés à de graves décisions qui mettent en jeu les emplois,
la santé, la richesse et le style de vie des populations.
Or, il s’avère extrêmement difficile de connaître la vérité sur l’état exact des ressources
planétaires en eau, en nourriture, en pétrole, en gaz, en forêts et en terres cultivables
et encore plus sur l’évolution (à court, moyen et long terme) de ces ressources, de
notre climat et de la technologie.
Devant ces problèmes planétaires sans précédent, experts et gouvernements ont mis
en place des mécanismes pour les évaluer et pour formuler des recommandations. Ces
organismes rassemblent les meilleurs scientifiques d’un domaine et leur fournissent
les moyens d’étudier ces enjeux et de faire connaître leurs conclusions.
Cela va d’un petit comité chargé de faire le point sur une diète quelconque jusqu’aux
comités d’une Académie nationale des sciences, à une commission d’enquête qui fera
la lumière sur l’effondrement d’un pont, ou encore au rassemblement de milliers
d’experts internationaux au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (GIEC) qui s’est mérité le prix Nobel de la paix 2007
[ http://www.ipcc.ch/languages/french.htm ].
Le GIEC mobilise des milliers de scientifiques qui ne reçoivent aucun salaire et qui
travaillent souvent dans l’anonymat. Ils doivent lire et comprendre des études très
complexes, rédiger des synthèses d’articles spécialisés, se déplacer pour se rencontrer
et dégager un consensus sur des conclusions et des recommandations communes.
Dans le cas du GIEC, les scientifiques ont ensuite dû obtenir l’approbation des
gouvernements pour chaque rapport. C’est un travail éreintant mais ces chercheurs
ont aussi la chance de confronter leurs propres recherches et de côtoyer les meilleurs
au monde.
26
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.4.4 Liens
Site web du GIEC :
http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml#.UBRcWaDAEtU
Site web du projet d’appui aux académies des sciences africaines :
http://www.nationalacademies.org/asadi/
Site web de l’Académie africaine des sciences :
http://www.aasciences.org/new/index.php
Académie des sciences et techniques du Sénégal :
http://www.asts.sn/
http://www.interacademies.net/Academies/ByRegion/Africa/Senegal.aspx
Académie des sciences du Cameroun :
http://www.interacademies.net/Academies/ByRegion/Africa/Cameroon.aspx
Autres académies des sciences en Afrique :
http://www.nationalacademies.org/asadi/2008WebSite/AfricanScienceAcademies.htm
l
article général sur les philosophes de la science :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_des_sciences
27
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5.5 Exercices d'auto-apprentissage (1-2)
QUESTION 1
Donnez de courtes réponses aux questions suivantes:
1. Que signifie «connaître un objet»?
2. Nommez quelques grandes religions du monde.
3. Le sens commun critique-t-il ses acquis ou les pense-t-il immuables?
4. Les savants utilisent aussi leur sens commun au quotidien?
5. Comment s’acquiert le sens commun?
6. Qu’est-ce qu’une « percée épistémologique »?
7. Où commence la connaissance systématique?
8. Comment caractériser cette connaissance systématique en profondeur?
9. Tout le monde peut-il vraiment comprendre une œuvre d’art?
10. Quel type de connaissance en profondeur la science apporte-t-elle?
11. Quelles sont les caractéristiques de la science expérimentale?
12. Citez quelques autres méthodes de connaissance.
13. Quelles sont les étapes principales de la méthode expérimentale?
14. La science est-elle une sorte de religion ?
15. À quels critères les faits d’un journaliste doivent-ils satisfaire?
16. Qu’est-ce que la communication scientifique?
17. Quelle est le rôle du journaliste scientifique?
18. Comment évaluer la crédibilité d’un scientifique?
19. Comment évaluer le rayonnement et l’influence d’un scientifique?
20. Quelles sont les quatre grandes réserves de John Rennie à l’endroit des revues
scientifiques avec révision par des pairs?
21. Quels avantages et inconvénients encourt un scientifique qui participe à un
comité ou une commission scientifique?
QUESTION 2 :
Donnez de courtes réponses aux questions suivantes
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
À votre avis, existe-t-il plusieurs manières de «connaître»?
Les différentes façons de connaître dépendent-elles de chaque société?
Dans votre culture, quand dit-on que l’on «connaît»?
Pouvez-vous citer quelques croyances de votre société?
L’astrologie est-elle une croyance ou une science?
Citez une connaissance qui vous semble issue du sens commun.
Si j’affirme, « le soleil se lève le matin et se couche le soir », à quel type de
connaissance est-ce que je fais appel?
8. Qui vous a appris que le soleil se lève et se couche?
9. Vous souvenez-vous de quelques connaissances que vous avez acquises à
travers vos relations avec d’autres enfants?
10. Pensez-vous qu’un physicien, un artiste peintre et un sculpteur ont quelque
chose en commun?
28
WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
11. Peut-on approfondir notre connaissance d’un phénomène en creusant au-delà
des apparences?
12. Pouvez-vous décrire la différence entre la raison et l’émotion?
13. Entre une équation mathématique et un poème, y a-t-il des ressemblances?
14. Entre une équation mathématique et un poème, y a-t-il des différences?
15. Y a-t-il une sorte de tradition dans la connaissance systématique?
16. Une personne dit « j’ai assisté en un jour à 36 000 couchers de soleil ». Une
autre affirme : « le soleil ne se couche jamais ». Lequel des deux est un poète?
Lequel est un scientifique?
17. Quelle sorte de personnes fonde sa connaissance sur l’esthétique?
18. Quelle sorte de personnes fonde sa connaissance sur des vérités
démontrables?
19. Quelle affirmation est neutre, objective et universellement vraie?
20. Pourquoi dit-on que la connaissance scientifique est auto-critique et
rationnelle?
21. Les scientifiques de votre pays pensent-ils être aussi des artistes?
22. Qu’est-ce que la méthode expérimentale?
23. À quoi servent les laboratoires scientifiques?
24. Les scientifiques de votre pays vous parlent-ils parfois de leur méthode de
recherche?
25. Quelles sont les ressemblances entre journalisme et science?
26. Quelles sont les différences?
27. Le journaliste scientifique devrait-il critiquer la science?
28. Que savez-vous de la recherche scientifique dans votre pays : ses institutions,
ses laboratoires et centres de recherche, ses chercheurs et leurs succès ou
encore la politique nationale de la science et de la technologie?
29. Donnez trois raisons pour lesquelles la science pourrait être une menace
publique et trois raisons pour lesquelles elle pourrait sauver l’humanité.
30. Puisque les médias contribuent à construire les cultures, Les journalistes y
contribuent-ils aussi? Y a-t-il des différences entre le journalisme scientifique
tel qu’il est pratiqué en Afrique, en Asie, dans le monde arabe et dans les pays
occidentaux? S’il y a des différences, lesquelles?
31. Trouvez combien d’articles scientifiques se publient chaque année dans votre
pays.
32. Nommez quelques publications scientifiques de votre pays, avec ou sans
révision par les pairs.
33. Êtes-vous d’accord avec John Rennie?
34. Citez une fraude scientifique survenue dans votre pays?
35. Nommez un comité scientifique de votre pays.
36. Donnez un exemple de recommandation scientifique que les autorités de votre
pays ( ou de votre région) ont rejetée ou mise en pratique.
37. Y a-t-il une académie des sciences dans votre pays?
38. Les comités scientifiques et les académies scientifiques disent-ils la vérité?
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5.6 Réponses aux exercices d'auto-apprentissage (1-2)
QUESTION 1
Donnez de courtes réponses aux questions suivantes:
1. Que signifie «connaître un objet»?
« Connaître » un objet, c’est pouvoir décrire tous ses aspects visibles et
invisibles en relation avec les autres objets de son environnement.
2. Nommez quelques grandes religions du monde.
L’islamisme, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, l’hindouisme, etc.
3. Le sens commun critique-t-il ses acquis ou les pense-t-il immuables?
Les acquis du sens commun sont immuables. Ils ne changent pas.
4. Les savants utilisent aussi leur sens commun, dans leur quotidien?
Oui, les savants utilisent leur sens commun dans la vie de tous les jours. Ensuite
ils s’en émancipent grâce à leurs travaux.
5. Comment s’acquiert le sens commun?
Il s’élabore et se transmet par nos familles, nos parents, nos amis, nos voisins,
nos collègues, notre tribu ou notre société.
6. Qu’est-ce qu’une « percée épistémologique »?
Une « percée épistémologique » survient quand des chercheurs abattent un
préjugé qui empêchait la compréhension d’un phénomène. Le philosophe
Gaston Bachelard a créé cette expression à partir du mot « épistémologie » qui
désigne l’étude du savoir. Le présent cours est un cours d’épistémologie.
7. Où commence la connaissance systématique?
La connaissance systématique apparaît dès que l’on décide de ne plus se fier
aveuglément à nos perceptions sensibles. Cette méfiance nous oblige à creuser
un peu plus et à acquérir une nouvelle perception de la réalité.
8. Comment caractériser cette connaissance systématique en profondeur?
Le savoir systématique cherche à renouveler la perception traditionnelle. Il
nous incite à créer, à imaginer et à découvrir l’inconnu. Il remet tout en
question sans égard à la tradition.
9. Tout le monde peut-il vraiment comprendre une œuvre d’art?
Une œuvre d’art ne sera bien comprise que par la personne qui est familière
avec l’histoire de l’art, ses styles, ses genres, ses formes, sa symbolique et ses
lieux de production.
10. Quel type de connaissance en profondeur la science apporte-t-elle?
La connaissance scientifique mène à une vérité qui décrit les lois de la nature.
11. Quelles sont les caractéristiques de la science expérimentale?
La science expérimentale se base sur les faits. Elle vérifie ces faits de manière
objective, impersonnelle, universelle et rationnelle.
12. Citez quelques autres méthodes de connaissance.
Pour connaître, on a souvent recours à la religion, aux autorités, au mysticisme,
ou à l’empirisme naïf ( sens commun).
13. Quelles sont les étapes principales de la méthode expérimentale?
La science moderne suit les étapes suivantes : l’observation, l’expérimentation,
l’explication, la généralisation et la prédiction.
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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
14. La science est-elle une sorte de religion ?
La science n’est pas une religion même si elle semble parfois toute-puissante et
omniprésente. Il est vrai que la science nécessite des infrastructures et des
équipements parfois extrêmement coûteux mais les scientifiques
n’appartiennent pas à une race particulière, ni à un sexe, un âge, une religion,
une couleur de peau ou un niveau de richesse.
15. Quels critères les faits d’un journaliste doivent-ils satisfaire?
Le fait du journaliste obéit aux critères suivants : la réalité et la vérité,
l’actualité (nouveauté) ainsi que la pertinence et l’intérêt pour son public.
16. Qu’est-ce que la communication scientifique?
La communication scientifique est un moyen de rendre intelligible et pertinent
le travail des scientifiques, en expliquant la méthodologie et les découvertes de
la science et de manière plus générale, en intéressant le public à la science et
en créant une attitude positive envers la science.
17. Quelle est le rôle du journaliste scientifique?
Au-delà de la communication scientifique, le journaliste contemporain est aussi
un critique de la science. Il doit montrer comment se construit la vérité pour
que chacun sache qui est crédible et qui ne l’est pas. Il décrit l’état réel de la
science à travers ses progrès, ses piétinements et ses reculs et aussi avec ses
bons et ses mauvais effets.
18. Comment évaluer la crédibilité d’un scientifique?
Demandez copie de ses articles est assurez-vous qu’ils ont été publiés dans des
revues dotées d’un système de révision par les pairs.
19. Comment évaluer le rayonnement et l’influence d’un scientifique?
Demandez l’index de citations de ses articles et le facteur d’impact des revues
dans lesquelles il a publié.
20. Quelles sont les quatre grandes réserves de John Rennie à l’endroit des
revues scientifiques avec révision par des pairs?
a.
b.
c.
d.
La possibilité d’erreur car il s’agit toujours d'une vérité temporaire;
La possibilité de fraude, par exemple avec des photos retouchées;
La possibilité d’un préjugé et de malhonnêteté;
Les pressions sociales, politiques ou économiques qui amèneraient une
revue à utiliser des critères de publications autres que scientifiques.
21. Quels avantages et inconvénients encourt un scientifique qui participe à un
comité ou une commission scientifique?
Avantages : occasions de découvrir les nouvelles recherches les plus sérieuses,
voyages, rencontre des plus grands experts, occasion de faire valider ses
propres recherches.
Inconvénients : la charge de travail, l’obligation de lire et synthétiser plusieurs
études, la nécessité de s’entendre avec les collègues malgré les inévitables
tensions et conflits, les déplacements et, souvent, l’absence de rémunération et
de reconnaissance.
QUESTION 2 :
Plusieurs réponses sont valides pour ce type de questions.
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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 5
5.7 Travaux pratiques (1-7)
Travail 1
Que pensent les scientifiques de votre pays des journalistes scientifiques locaux?
Travail 2
Cliquez sur le lien suivant :
http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=2892
Écrivez un court article sur la recherche scientifique : sa définition, son histoire, les
problèmes de société qu’elle pose, son éthique.
Travail 3
Entre Kuhn et Popper, quel philosophe des sciences proférez-vous? Pourquoi?
Travail 4
Donnez trois raisons de croire que la science est une menace et trois raisons de croire
qu’elle sauvera l’humanité.
Travail 5
La science est-elle le produit d’une culture ou un savoir universel? Donnez votre point
de vue en une page.
Travail 6
Interviewez un scientifique qui a réussi (ou n’a pas réussi) à publier dans une revue
révisée par les pairs. Demandez-lui pourquoi son article a été accepté, quel a été le
processus, combien il a fallu de temps avant que l’article ne soit publié, quel a été
l’impact de la publication de l’article sur sa carrière
Travail 7
Comparez une revue non vérifiée par les pairs avec une revue vérifiée par les pairs.
Quelles sont les différences?
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