Une sanction sans précédent
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Une sanction sans précédent
LE FIGARO mardi 1er avril 2014 L'ÉVÉNEMENT 9 Une sanction sans précédent Ce scrutin a été marqué par les conquêtes de l’UMP et de l’UDI et par la naissance d’un frontisme municipal. LE PREMIER TOUR des élections municipales avait été un avertissement sévère pour la gauche, le second tour s’apparente à une déroute sans précédent dans les annales des élections municipales. Dans le passé, les majorités en place avaient déjà connu des désaveux cinglants : 1983 et 2001 pour la gauche, 1997 et 2008 pour la droite. Mais jamais le désaveu n’avait tourné à la déroute. Or, le 30 mars, c’est à une « correction électorale » peu commune que nous avons pu assister. Celle-ci a pris trois visages : celui d’une abstention galopante, celui d’un retour en force de l’UMP et de l’UDI, enfin, celui d’un vote frontiste capable d’ouvrir au parti de Marine Le Pen les portes d’une bonne dizaine de mairies. Jamais, dans un second tour d’élections municipales, l’abstention n’a été aussi haute. Avec 38 % d’électeurs inscrits qui ont boudé les urnes, l’abstentionnisme de second tour atteint des sommets : + 13 points par rapport à l’abstention des années 1960 et 1970, + 10 points par rapport à celle de la fin des années 1980 au début des années 2000. Presque quatre électeurs sur dix ignorent les urnes dans un second tour pourtant décisif pour les 6 554 communes qui restaient en ballottage. Ce très haut niveau traduit à la fois une profonde désillusion de nombre d’électeurs de gauche qui n’ont pas voulu voler au secours d’une gauche municipale menacée mais aussi une fronde plus générale d’électeurs profondément déçus par la politique et son spectacle. Chez les jeunes, dans les catégories sociales modestes PASCAL PERRINEAU Professeur des universités à Sciences Po, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et chez les nombreux Français qui n’ont pas de préférence partisane, cette « grève des urnes » municipales est même largement majoritaire. Selon le sondage OpinionWay réalisé dimanche dernier pour Le Figaro, 58 % des 18-24 ans, 53 % des 25-34 ans, 60 % des personnes vivant dans un foyer dont le revenu mensuel est inférieur à 999 euros et 52 % des personnes sans préférence partisane ne se sont pas rendus aux urnes. Dans des pans entiers de l’électorat, l’abstention régulière ou du moins épisodique est devenue la norme. Au-delà des victoires et des défaites politiques, il y a là peut-être le signe d’une défaite majeure de la politique. L’analyse du premier tour avait privilégié la poussée de l’abstentionnisme et l’envolée du FN dans certaines communes. Le second tour, qui met inéluctablement au-devant de la scène politique les « partis de gouvernement », a montré la capacité de l’UMP et de l’UDI à transformer – au-delà de leurs espérances – l’avantage du premier en véritable « K.-O. » du PS au second tour. La droite a gardé l’essentiel des villes qui étaient présentées comme menacées par la gauche et a opéré une véritable razzia de villes de gauche sans être excessivement gênée par un FN qui désirait troubler le jeu dans des triangulaires ou des quadrangulaires. Dans ces conquêtes municipales, toutes les régions et tous les types de villes (bourgeoises ou populaires) sont concernés. La victoire de la droite est nationale et touche jusqu’au cœur d’une gauche municipale enracinée de longue date (Chambéry, Limoges, Nevers, La Roche-sur-Yon…). La gauche a craqué jusqu’en ses bastions ; ce n’est qu’au maintien de listes du FN qu’elle a dû de ne pas céder encore plus de villes à la droite. Cette concurrence très vive de la droite a cédé la place ici et là à des assauts venant de dissidents de gauche (Dunkerque, La Rochelle, Montpellier), d’alliés-rivaux d’une sensibilité écologiste dure (Grenoble) ou encore de coalitions hétéroclites où le nationalisme corse côtoie la droite (Bastia). Ces défaites du socialisme municipal sur de multiples fronts montrent l’am- pleur de la sanction nationale émise dans les urnes mais aussi l’épuisement d’une gauche locale en manque de renouvellement. La diversité des oppositions à la gauche municipale a amené une véritable déroute pour celle-ci : les défaites les plus dures jusqu’alors s’étaient traduites aux élections municipales par la perte de 30 à 35 villes de plus de 30 000 habitants au profit de l’opposition (par exemple, en 2008, la gauche avait gagné 31 villes de plus de 30 000 habitants aux dépens de la droite). Aujourd’hui, plus du double de villes sont tombées dans l’escarcelle de la droite. Cependant, le FN ou les candidats qu’il soutenait n’ont emporté que deux mairies dans des villes de plus de 30 000 habitants (Béziers, Fréjus). Le numéro deux du FN, Louis Ces défaites du socialisme municipal sur de multiples fronts montrent l’épuisement d’une gauche locale en manque de renouvellement Alliot, a échoué dans sa conquête de Perpignan et quelques vedettes du parti ou du Rassemblement bleu Marine (Florian Philippot à Forbach et Gilles Collard à Saint-Gilles) ont rencontré aussi l’échec électoral. Néanmoins, s’adaptant ainsi à une évolution caractéristique du frontisme électoral qui le caractérise depuis de nombreuses années, le parti de Marine Le Pen a su pousser son avantage, au travers de candidats souvent peu connus, dans un tissu de petites villes. Une dizaine de ces villes ont vu la victoire d’une liste du FN ou d’une extrême droite soutenue par lui. C’est dans ces terrains de périphérie urbaine où parfois le monde de la ville se perd dans les lisières du monde rural que le frontisme municipal a rencontré ses meilleurs succès. Sauf exceptions (Bollène, Cogolin), le FN ou l’extrême droite ne parviennent qu’exceptionnellement à dépasser la barre des 50 % et profitent d’une offre politique éclatée et divisée. Éclatement et division, dont le FN est aussi un symptôme, ont contribué à sauver nombre de maires socialistes en difficulté : tout en connaissant une érosion du premier au second tour, le maintien de listes FN a permis la reconduction de nombre de municipalités socialistes sortantes à la majorité relative (Besançon, Clermont-Ferrand, Le Mans, Metz, Strasbourg, Rouen). Malgré ces quelques « nuisances électorales », le FN n’a pas réussi à faire mordre la poussière à beaucoup de candidats UMP et UDI et à casser cette droite dont il rêve de ramasser les dépouilles. En cela, la traditionnelle bipolarisation municipale n’est qu’entamée sans être pour autant totalement subvertie. La droite a fermement repris pied sur un terrain municipal qui lui échappait depuis plus d’une décennie. Il lui reste à prouver qu’une reconquête municipale peut engager une reconquête nationale. ■ « À Beaucaire, Moudenc (UMP) : « Pour gagner, on n’est pas au bled… » il m’a fallu tout reconstruire » GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud ENVOYÉ SPÉCIAL À BEAUCAIRE (GARD) « IL Y A TROP d’étrangers en France. Tu es allé devant la mairie ? Passé 17 heures, on parle plus français. Les gens se sont défoulés. » Assis sur un banc du cours Gambetta, le long du canal traversant Beaucaire, ce groupe de retraités n’est pas mécontent d’avoir élu un maire Front national, en la personne de Julien Sanchez, 30 ans. « Je sais pas s’il fera mieux que le autres mais moi, même s’il y en a (ses adversaires politiques, NDLR) qui vont l’emmerder, je crois en son honnêteté. Les autres, ils allaient à la gamelle. » La population musulmane et les enfants français issus de l’immigration sont nombreux à Beaucaire. De tous âges, le nombre de femmes croisées portant le hijab l’atteste. « Quand la Pologne gagne un match de foot, je ne sors pas dans la rue avec le drapeau du pays », témoigne William, un artisan dont le père est un immigré polonais. « Avant d’arriver ici, il y a quatre ans, je ne comprenais pas pourquoi les gens votaient FN. Que les gens viennent dans le Sud, et ils comprendront ce qu’on vit et de quoi on parle. » Définitif, il lance : « Quand j’ai vu à la télé les drapeaux étrangers place de la Bastille lors de l’élection de Hollande, ça m’a fait quelque chose. À Beaucaire, on n’est pas au bled ! » Des propos qui viennent en écho à ceux tenus en meeting par Marine Le Pen dans cette même ville fin février. « J’aime aller à Rabat (…) mais quand je vais à Beaucaire, je n’aime pas avoir le sentiment d’être à Rabat », avait déclaré la présidente du FN dans « une déclaration d’amour à Beaucaire et pas de haine à Rabat ». Avec 39,82 % des suffrages récoltés par le futur maire dans le cadre d’une quadrangulaire, le propos a manifestement porté. Exaspération face à ce qu’on nomme ici « le communautarisme », au taux de chômage (6 % de la population active du Gard touche le RSA) et à l’insécurité - cambriolages et trafic de drogue en tête - ont fait le miel de Julien Sanchez, qui a fait campagne sous le slogan : « Beaucaire, ville française ». « Je ne dépenserai plus un seul centime ici » À la terrasse du Bo et Zin, un café situé sur la rive gauche du canal du Rhône à Sète, on discute forcément en boucle des élections de la veille. Youssef, qui travaille dans les transports, en veut terriblement aux candidats de l’UMP et de la gauche de ne pas s’être désisté au profit de Jacques Bourbousson (DVD), le maire sortant : « Tu as vu ça où, que la droite et la gauche se maintiennent alors qu’ils arrivent derrière ? À Saint-Gilles, le maire est arrivé troisième, et Gilbert Collard n’a pas été élu. Pareil à Tarascon, derrière ils se sont désistés et Laupies, elle n’est pas passée. » Un employé de mairie, lui aussi fils d’immigré, s’inquiète : « Je vais dire quoi à ma mère ? Que je travaille pour le FN ? » À ses côtés, Youssef poursuit : « Je ne dépenserai plus un centime à Beaucaire. Ma parole ! Le plein d’essence, je le ferai à Tarascon. » Julien Sanchez, lui, n’est arrivé à Beaucaire qu’en fin d’après-midi. Sur le pont surplombant le canal, de jeunes hommes l’interpellent : « Que comptezvous faire pour les jeunes issus de la diversité. » Sanchez leur répond : « On fera des choses pour tous les jeunes. Ce seront les mêmes pour tous les jeunes. » ■ VENTES AUX ENCHERES PUBLIQUES 01.49.04.01.85 - [email protected] 75 Vente aux Enchères Publiques, le Lundi 05 mai 2014 à 14h au TGI de PARIS, sis 4 boulevard du Palais à PARIS 1er - Salles des Criées EN 1 LOT à PARIS 16ème, 21 avenue du Président Wilson UN APPARTEMENT de 175,83 m2 loi carrez : - au 5ème étage, un appartement comprenant une entrée, salle à manger, salon, deux chambres, bureau, 2 salles d’eau, salle de bains + wc, wc et UNE CAVE. - Au 6ème étage, deux chambres de service. MISE A PRIX : 950.000 Euros Rens : - Maître Sophie LEYRIE, avocat au barreau de PARIS, demeurant 3 rue Arsène Houssaye à PARIS 8ème - Tél. : 01.56.43.41.10 Au greffe du Juge de l’Exécution du TGI de PARIS ou au Cabinet de l’Avocat du poursuivant où le cahier des conditions de vente peut être consulté. - www.licitor.com Sur les lieux pour visiter, le mardi 29 avril 2014 à 14h30. Le maire de Toulouse a reçu les félicitations de Sarkozy, Juppé et Copé pour sa victoire contre le sortant socialiste. PROPOS RECUEILLIS À TOULOUSE PAR JEAN-WILFRID FORQUÈS £@jwilfridforques LE FIGARO.- Comment se sont passées les heures qui ont suivi votre victoire ? Jean-Luc MOUDENC.- La nuit de dimanche à lundi a été courte, très courte. J’ai dû répondre à de nombreuses sollicitations de la presse. Cette victoire a mis Toulouse en lumière. Il était important d’expliquer et de remercier celles et ceux qui ont voté pour moi. Je suis très heureux d’avoir remporté cette élection. C’est le résultat d’un immense travail de fond qui trouve son accomplissement. Désormais, je vais pouvoir être utile à ma ville, agir dans l’intérêt de tous les Toulousains. Et ce travail me passionne. Il faut se retrousser les manches et se mettre au boulot pour Toulouse et les Toulousains. “ Entre 2004 et 2008, j’assurais en quelque sorte un intérim et je n’avais pas la légitimité du suffrage universel ” À quel moment avez-vous senti que la victoire était possible malgré les sondages ? Assez rapidement. Dès le mois de décembre, lorsque j’ai présenté ma liste. J’ai constaté qu’il y avait un véritable engouement autour de mon projet, de ma candidature, de mes colistiers. Cette dynamique a été croissante au cours des derniers jours, des dernières heures. Cette fois, vous allez diriger la ville en étant élu. Cela change tout ? Entre 2004 et 2008, j’ai été maire de Toulouse par défaut. J’avais remplacé Philippe Douste-Blazy, parti pour le Quai d’Orsay. À l’époque, j’avais été élu par une cinquantaine de conseillers municipaux. J’assurais en quelque sorte un intérim et n’avais pas la légitimité du suffrage universel. La victoire de dimanche n’a pas la même saveur. Elle signe un long travail accompli sur le terrain après une traversée du désert. En 2008, lorsque j’ai perdu de Jean-Luc Moudenc applaudi par des supporteurs, lundi à Toulouse. PASCAL PAVANI/AFP 1 209 voix face à Pierre Cohen, il a fallu repartir de rien. Tout reconstruire. Il y avait peu de gens qui croyaient en moi. « Cette victoire, je suis allé me la chercher », comme on dit ici. Je suis allé à la conquête des quartiers, les uns après les autres. Et ce travail méthodique a payé. J’ai été récompensé ! même que Laurent Wauquiez ou Valérie Pécresse. Alain Juppé, venu me soutenir pendant la campagne, m’a aussi téléphoné. De même que Nicolas Sarkozy. L’ancien président m’avait encouragé entre les deux tours. Dimanche soir, il m’a félicité, il m’a dit que j’avais réalisé un véritable exploit. La chute de Toulouse n’est pas passée inaperçue alors que François Hollande avait obtenu plus de 62,5 % en 2012… C’est effectivement une victoire symbolique. D’ailleurs, Jean-François Copé m’a appelé pour me féliciter, de Cette victoire, à qui la dédiez-vous ? À mes parents qui sont âgés, mais également à ma femme, Blandine, et mes filles Estelle et Amélie. Ils ont toujours été présents dans les moments difficiles. ■ C La cité gardoise a élu dimanche Julien Sanchez, un jeune maire Front national.