LA VISION ISLAMIQUE DU DÉVELOPPEMENT
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LA VISION ISLAMIQUE DU DÉVELOPPEMENT
LA VISION ISLAMIQUE DU DÉVELOPPEMENT A LA LUMIÈRE DE MAQASSID AL-CHARIA Par : M. UMER CHAPRA* Conseiller à la recherche Institut Islamique de la Recherche et de la Formation Banque Islamique de Développement Djeddah Traduit de l’anglais par : Prof. Mohammed BOUDJELLAL * L’auteur tient à remercier Cheikh Muhammad Rashid pour les services de secrétariat offerts pendant la préparation du présent article, et plus particulièrement pour la saisie des sept schémas et illustrations contenus dans ce papier. Il remercie également M.Rasul-ul-Haque, Noman Sharif, M. Farooq Moinuddin, Muhammad Ayub et M. Sajjad pour leur assistance si précieuse. De la même manière, l’auteur remercie le Pr. Ahmad Khan de l’université Roi Abdelaziz, le Pr. Abdelwahab Abu Sulaiman de l’université Umm al Qura et membre du comité académique de l’IIRF, le Pr. Mohammed Boudjellal, et Jasser Awda, les deux évaluateurs anonymes ainsi que le Dr. Sami Alsuwailem, Salman Syed Ali et les autres participants au séminaire, pour leurs précieux commentaires la première version du présent travail. Cependant, les opinions exprimées dans ce papier appartiennent à l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’IIRF/BID. 1 TABLE DES MATIÈRES Introduction Objectifs de la Charia Revitalisation de l’âme Enrichissement de la foie, de l’intellect, de la postérité et du patrimoine Enrichissement la foie Enrichissement de l’intellect Enrichissement de la postérité Développement et expansion de la richesse Conclusion Références 2 INTRODUCTION La finalité des enseignements islamiques est la bénédiction pour l’humanité. Cela représente en effet le but essentiel pour lequel le Prophète, bénédiction et Salut de Dieu sur Lui (BSDL) a été envoyé à notre monde ici-bas (le Coran, 21 : 107).1 Une manière incontournable pour la réalisation de cet objectif est de promouvoir le falah ( )فالحou le bien-être réel de tous les hommes vivant sur terre, indépendamment de leur race, couleur, âge, sexe ou nationalité. 2 Le mot falah et ses dérivés ont été utilisés 40 fois dans le Coran. Un autre mot, fawz ()فوز, qui est synonyme de falah, a été utilisé 29 fois avec ses dérivés. Il représente en fait le but répété par le muâdhin ( )مؤذنcinq fois par jour soulignant l’importance du falah dans la vision Islamique du monde. On pourrait bien rétorquer que cela représente le but de toutes les sociétés et non pas uniquement celui de l’Islam. Cela est parfaitement vrai. Il semble qu’il n’existe pas de différence d’opinion dans toutes les sociétés du monde où on suppose que le but primordial du développement est la promotion du bien-être humain. Il y a, cependant, une grande différence d’opinion concernant la vision de ce qui constitue réellement le bien-être et la stratégie adoptée pour la réalisation et sa pérennisation. Une telle différence n’existerait pas si la vraie vision de l’ensemble des religions n’a pas cessé de dominer la vision du monde au sein de chaque société.3 Cependant, cette vision a été déformée à travers le temps. En outre, le mouvement des lumières du 17e et 18e siècles a marqué par son influence séculière et matérialiste toutes les sociétés de par le monde à des degrés différents. Par conséquent, le premier objectif du développement 1 L’expression utilisée dans le Coran est : rahmatoun Lil-’Alamin ( )رحمة للعالمين. Le mot Alamin ( )عالمينa été interprété différemment par les exégètes du Coran. Leurs interprétations varient d’un sens élargi incluant toute chose créée par Dieu dans cet univers à un sens restreint incluant toute créature sur terre : les êtres humains, les animaux, les oiseaux, les insectes et l’ensemble des corps physiques (voir al-Qurtubi, 1952, tome 1, p.138, commentaire du premier verset de la première Sourah du Saint Coran). Nous avons utilisé le mot ‘humanité’ en supposant que le bien-être de l’humanité est indissociable de la protection de l’environnement. 2 Cela représente un aspect crucial de l’universalité du message Islamique. D’après le Coran, le Prophète Mohammed (BSDL) a été envoyé à tous les peuples et non pas à un groupe particulier (7 : 158 et 34 : 28) 3 Le Coran affirme clairement que « A chaque peuple un guide » (13 : 7), et que « Il ne t’est dis que ce qui a été dit aux Messagers avant toi » (41 : 43). Ce verset fait référence à la seule base de la vision religieuse du monde. Il y a eu des changements dans certains détails en fonction de l'évolution des circonstances, dans l'espace et le temps. 3 devenait l’accroissement du revenu et de la richesse. Cela soulève la question de savoir si vraiment le bien-être humain peut être réalisé et soutenu par la seule augmentation du revenu et de la richesse et la simple satisfaction des besoins matériels de l’homme. Des érudits de la religion, des philosophes et un certain nombre de penseurs contemporains ont remis en question la définition du bien-être humain comme un accroissement du revenu et de la richesse.4 Ils ont souligné les aspects spirituels et immatériels du bien-être. Des études empiriques ont également recueilli une réponse négative sur le fait d’insister sur les aspects physiques du bien-être au détriment des aspects spirituels et immatériels. Cela s’explique par le fait qu’en dépit de l’accroissement soutenu du revenu dans plusieurs pays au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le bien-être enregistré auprès de ces populations n’a pas seulement stagné, mais il a en réalité régressé.5 Cela s’explique par le fait que le bonheur ne s’associe positivement avec l’augmentation du revenu que lorsque tous les besoins biologiques sont satisfaits.6 Au-delà, il n’y a pas de changement significatif à moins que d’autres besoins supposés indispensables pour l’accroissement du bien-être, soient eux aussi satisfaits. Quels sont ces autres besoins ? La plupart d’entre eux sont de nature spirituelle et immatérielle et ne sont pas nécessairement satisfaits à la suite d’une augmentation du revenu. La seule préoccupation de la richesse pourrait en fait nuire à ces besoins. Cependant, les économistes ont tendance à éviter de discuter de ce sujet. La première raison invoquée est que les besoins spirituels et immatériels entraînent des jugements de valeurs qui ne sont pas forcément quantifiables. Néanmoins ils ont leur importance et on ne peut les ignorer. Un de ces besoins spirituels et immatériels les plus importants pour la réalisation du bienêtre est la paix morale et le bonheur qui n’est pas forcément satisfait par un accroissement du 4 Hausman et McPherson, 1993, p.693. Easterlin, 2001, p 472. Voir aussi, Easterlin, 1974 et 1995; Oswald, 1997; Blanchflower et Oswald, 2000; Diener et Oishi, 2000; et Kerry, 1999. 6 Cela comprend, entre autres : la nourriture, l’eau potable, les vêtements adéquats, le logement approprié, les soins médicaux en temps opportun, le transport, l'éducation et un environnement propre et sain. 5 4 revenu et de la richesse. La paix morale et le bonheur nécessitent à leur tour la satisfaction d’un certain nombre d’autres besoins non moins important tels que la justice et la fraternité humaine qui exigent que tous les individus soient traités d’une manière équitable, dans le respect et la dignité, indépendamment de leur race, couleur, âge, sexe ou nationalité, et que les fruits du progrès soient partagés par tous. Il demeure également important le soutien moral et spirituel qui sert de tremplin pour la réalisation non pas uniquement de l’équité mais aussi la satisfaction de bien d’autres besoins. Parmi ces besoins qui sont nécessaires à un bien-être durable, on cite la sécurité pour la vie, la propriété, et l’honneur, la liberté individuelle, le mariage et la bonne éducation morale et matérielle des enfants, la solidarité sociale, la minimisation de la criminalité, des tensions et des hostilités. Même si certains de ces besoins ont été reconnus dans le nouveau paradigme du développement, le fondement spirituel nécessaire pour la satisfaction de ces besoins n’a pas reçu l’intérêt qu’il mérite. On ne peut assurer le développement durable d’une société sans pour autant satisfaire tous ces besoins d’une manière convenable. Alors que l’Islam considère que l’accroissement du revenu et de la richesse pour le développement est nécessaire pour la satisfaction des besoins essentiels ainsi que la répartition équitable du revenu et de la richesse, sa vision globale du bien-être humain ne se limite pas à ça. Il est nécessaire de les compléter par la satisfaction des besoins spirituels et immatériels, non pas uniquement pour assurer le bien-être mais aussi pour assainir les bases d’un développement durable dans le long terme. Si l’ensemble de ces besoins n’est pas pris en compte, il y aura une défaillance au bien-être, conduisant finalement au déclin de la communauté et de sa civilisation. La satisfaction de tous ces besoins est un droit humain de base qui a été traité dans la littérature islamique sous l’appellation de maqassid al-Charia (buts de la Charia) que nous abrégerons sous le terme maqassid (maqsid au singulier). Le présent papier essaie d’expliquer qui sont ces maqassid ou buts, comment sont-ils mutuellement liés, quelles sont leurs implications et comment peuvent-ils ensemble aider à promouvoir le bien-être humain réel. 5 MAQASSID (BUTS) DE LA CHARIA (Schéma 1) Maqassid al-Charia sont soit directement cités dans le Coran et la Sunna, soit déduits à partir de ces deux sources par un certain nombre de savants musulmans7 qui traitent de la raison d’être de la Charia. Ces érudits de l’Islam s’accordent à dire que la Charia a pour but de servir les intérêts (jalb al-massalih, )جلب المصالحpour tous les êtres humains et de les protéger contre le mal (daf’â al mafassid).8 L’imam Abu Hamid al-Gahzali (d.505H/1111G)9, un éminent érudit et très respectueux réformateur du cinquième siècle de l’Hégire, a regroupé les maqassid en cinq catégories en précisant que : « Le but de la Charia est la promotion du bien-être des gens, qui consiste à préserver leur foi (din), leur âme (nafs), leur intellect (al-aql), leur progéniture (nasl) et leurs biens (māl). Tout ce qui garantit la préservation de ces cinq intérêts est souhaitable, et tout ce qui leur nuit est un mal qu’il faut chasser ».10 Dans ce passage, al-Ghazali insiste sur la préservation de cinq maqassid : la foi (al-din), l’âme (nafs), l’intellect (al-aql), la postérité (al-nasl) et les biens (al-mal). Moins de trois siècles plus tard après al-Ghazali, l’Imam Abu Ishaq al-Chatibi (d. 790/1388) a de sa part approuvé la liste des maqassid préconisée par al-Ghazali. Cependant, cette liste n’est pas exhaustive pour garantir le bien-être humain et assurer la satisfaction de tous les besoins humains. Il existe beaucoup d’autres maqassid cités dans le Coran et la Sunna ou déduits de ces deux sources sacrées par les Ouléma. Cependant, alors que 7 Parmi ces érudits les plus connus en matière de maqassid al-Charia, on cite : al-Māturīdī (d.333/945), al-Shāshī (d.365/975), al-Bāqillānī (d. 403/1012), al-Juwaynī (d.478/1085), al-Ghazālī (d.505/111), Fakhr al-Dīn al-Rāzī (d. 606/1209), al-Āmidī (d. 631/1234), ‘Izz al-Dīn ‘Abd al-Salām (d. 660/1252), Ibn Taymiyyah (d. 728/1327), alShātībī (d. 790/1388) and Ibn ‘Āshūr (d.1393/1973) For a modern discussion of these, see: Masud, 1977; alRaysuni, 1992; Ibn al-Khojah, 2004, Vol.2, pp. 79-278; Nyazee, 1994, pp. 189-268; al-Khadimī, 2005; and ‘Awdah, 2006. 8 Cela a reçu l’aval de tous les juristes sans exception. Cf. par exemple : ‘Izz al-Din ‘Abd al-Salam (d. 660/1252) (n.d.), Vol.1, pp. 3-8; Ibn ‘Ashur (d. 1393/1973) (2001), pp. 274 and 299; and Nadvi, 2000, Vol.1, p.480. 9 Toutes les dates citées dans cet article renvoient d’abord au calendrier Islamique Hijri puis en suite au calendrier Grégorien فكل، وهو أن يحفظ عليهم دينهم ونفسهم وعقلهم ونسلهم ومالهم،مقصود الشرع من الخلق خمسة ،7391 ، المستصفي: ودفعها مصلحة (الغزالي، وكل ما يفوت هذه األصول فهو مفسدة،ما يتضمن حفظ هذه األصول الخمس فهو مصلحة ).741-793 ص،7( جAl-Ghazālī, al-Mustasfā, 1937, Vol.. 1, pp 139-40; see also al-Shātibī (d.790/1388), n.d., 10 Vol..1, p.38 and Vol..3, pp.46-7). 6 ces cinq maqassid sont considérés comme des buts essentiels ou de base (al-aslyyah), les autres sont considérés comme corollaires (tabi’â). La réalisation des maqassid de base ne peut se faire sans la réalisation de ces buts corollaires, conformément au principe fiqhique de l’égalité du statut légal des moyens (wassayîl) avec celui des buts (maqassid). Par conséquent un maxim juridique (qayida fiqhyya) stipule que « tout ce qui est indispensable à la réalisation d’une chose est lui aussi indispensable ».11 A cours terme, certains de ces buts corollaires peuvent avoir moins d’importance que d’autres, mais à long terme, ils sont tous importants et leur non réalisation pourrait conduire à de sérieux problèmes politiques et socio-économiques. Par ailleurs, ces buts corollaires peuvent s’élargir et évoluer dans le temps. La richesse et le dynamisme contenus dans le Coran et la Sunna nous permettent d’élargir et d’afficher la liste de ces corollaires de manière à s’assurer que tous les droits humains sont convenablement respectés et que l’ensemble des besoins humains sont également satisfaits. En outre, si on veut assurer un développement durable et le bien-être de la société, le mot ‘préservation’ utilisé par al-Ghazali dans la précédente citation ne veut pas dire la préservation du status quo pour la réalisation des maqassid. La préservation a lieu lorsque le summum du processus de réalisation des maqassid est atteint. Mais cela ne peut se réaliser pour les êtres humains dans le monde d’ici-bas. Il y a toujours un espace pour l’amélioration. Le verdict de l’histoire est que la préservation des maqassid à long terme est tributaire de l’existence d’un progrès interrompu de leur réalisation à travers un mouvement dans la bonne direction. La stagnation conduira certainement au déclin. Le célèbre poète et philosophe du subcontinent Indopakistanais Mohammed Iqbal a clairement souligné cette idée dans un passage rédigé en perse : « j’existe tant que je bouge, mais si je ne bouge plus, je n’existe plus ».12 Il est donc nécessaire de faire des efforts pour un enrichissement permanent des maqassid préliminaires 11 ‘( للوسائل أحكا م المقا صدIzz al-Din ‘Abd al-Salam, n.d. Vol.1, p. 46); and ( ماال يتم الواجب إ ال به فهو واجبSee al-Shatibi, n.d., Vol.. 2, p. 394; see also Mustafa al-Zarqa (1967), pp. 784 and 1088; and Nadvi, 2000, Vol. 1, p. 480. 12 ( ڴرنه روم نيستم، هستم اڴرمى روم،Iqbal, 1954, p.150. 7 ainsi que leurs corollaires de manière à ce que l’on ne cesse d’améliorer le bien-être tout en étant à jour avec des changements qui s’opèrent non pas sur le plan individuel mais également au sein de la société d’une manière générale. Cela permettra à tout un chacun de se hisser tout droit vers un futur meilleur. Un tel enrichissement ne peut avoir lieu si nous nous limitons aux seuls besoins définis et analysés d’une manière classique par les fouqaha. Les temps ont changé et les besoins ont eux aussi évolué et se sont diversifiés. Il est donc important d’aborder les maqassid dans le contexte où nous vivons actuellement. Alors que les cinq maqassid préliminaires ont été endossés par les autres penseurs musulmans, certains n’ont pas nécessairement adhéré à l’ordre proposé par al-Ghazali.13 Même al-Shatibi n’a pas toujours suivi cet ordre.14 Cela s’explique par le fait que l’ordre dépend essentiellement de la nature de l’analyse choisie. Ainsi Fakhr al-Din al-Razi (d. 606/ 1209), un éminent juriste musulman postérieur à al-Ghazali d’une centaine d’années, réserve la première place à l’âme (al-Nafs).15 Cela semble plus logique avec le thème du développement durable pour la simple raison que les êtres humains, en tant que Khalifah ou lieutenant d’Allah sur terre, représentent la fin ainsi que les moyens du processus de développement. Ils sont eux même les acteurs de leur développement ou de leur déclin tel qu’il a été clairement annoncé dans le Coran : « En vérité, Allah ne modifie point de l’état d’un peuple tant que les individus [qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » (13 :11). La Charia est là pour servir cet objectif en aidant les hommes à faire leur propre réforme ainsi que celle des institutions qui les concernent. Par conséquent, si nous commençons par al-Nafs ()النفس, maqassid al-Charia peuvent être résumés comme suit : 13 Cf. al-Raysuni, 1992, p. 42. Alors qu’al-Shatibi a suivi le même ordre d’al-Ghazali en page 38 du tome 1, il s’est référé à un ordre différent en page 46-7 du tome 3 : al-Din, al-Nafs, al-Nasl, al-Mal et al-Aql. Cela implique que l’ordre d’al-Shatibi peut être altéré selon l’objectif de l’analyse engagée. Voir al-Raysuni, 1992, pp. 41-45, et en particulier la page 48. 15 Al-Razi, 1997, Tome 5, P. 160. L’ordre qu’il propose est le suivant : al-Nafs, al-Mal, al-Nassab, al-Din, et al-Aql. A la place de ‘al-Nasl’, il proposa al-Nassab qui a rapport avec la généalogie et l’ascendance. Al-Nasl, tel qu’utilisé par al-Ghazali et al-Shatibi, a rapport avec la génération future, il a donc un sens plus large qu’al-Nassab, et de ce fait nous avons préféré le retenir dans notre analyse. 14 8 Schéma 1 Maqassid al-Charia Réalisation du développement humain et du bien-être en assurant un enrichissement au niveau de chaque individu des cinq composantes suivantes (Nafs) L’âme Bien-être et développement humain (Grâce de l’humanité) (Māl) la richesse (Dīn) la foi (‘Aql) l’intellect (Nasl) la postérité Revitalisation de l’âme (al-Nafs) Sachant que la revitalisation de l’âme est l’un des cinq buts de la Charia, il est impératif de comprendre comment cet objectif peut être réalisé. A cet effet, il est important de définir les principaux besoins des êtres humains qu’il y a lieu de satisfaire non pas pour accroître et soutenir leur développement et bien-être seulement, mais aussi pour pouvoir jouer pleinement leur rôle de Khalifah d’Allah sur terre. Ces besoins qu’on peut appeler besoins corollaires par rapport à 9 l’objectif primaire de renforcement de l’âme, ils sont cités d’une manière explicite ou implicite dans le Coran et la Sunna et repris par les juristes musulmans dans leurs écrits. La réalisation de ces besoins peut renforcer le soutien moral, physique, intellectuel et technologique des capacités présentes et futures des générations et par là assurer un bien-être durable. 1) Dignité, respect de soi-même, fraternité et justice sociale Un des plus importants de ces besoins est la dignité, le respect de soi-même, la fraternité humaine et la justice sociale (schéma 2). La vision Islamique par rapport à ce besoin se résume par le fait qu’elle considère l’homme comme une création divine sublime, en déclarant que la vraie nature humaine (fitrah) est par essence bonne et libre de toute imperfection spirituelle. Et comme Allah est bon, Son lieutenant sur terre est de nature (fitrah) bon aussi (Le Coran, 30 :30 et 95 :4), tant qu’il ne quitte pas le droit chemin.16 Il est du devoir de l’homme de préserver sa vraie nature et sa bonté innée en lui (fitrah). De plus, Le Créateur de l’univers a Lui aussi conféré un honneur et une dignité à tous les êtres humains indépendamment de leur race, couleur, sexe ou âge tel qu’il a été dit dans le Coran « Certes, nous avons honoré les fils d’Adam » (17 :70). Cet honneur a été conféré à l’homme en étant Khalifah ou Lieutenant d’Allah sur terre (le Coran, 2 :30). Quel autre honneur peut égaler le fait que l’homme soit le vicaire d’Allah ? Sachant que tous les êtres humains sont des Khalifah d’Allah, ils sont donc tous égaux et frères les uns les autres. Ils doivent donc vivre en paix, dans la tolérance et l’entraide mutuelle afin de promouvoir le bien-être de tous à travers une utilisation rationnelle et équitable des sources qu’Allah leur a confiées (le Coran, 57 :7). 16 Voir al-Qurtubi (d. 463/1070), 1952, Tome 14, pp. 24-31. Voir aussi Ibn Ashur, 2001, pp-261-266. 10 Schéma 2 Revitalisation de l’âme (Nafs) Dignité, respect personnel, fraternité humaine et justice sociale (1) Besoin d’accompli ssement (8) Justice (2) Promotion spirituelle et morale (3) Emploi et autoemploi (9) Répartition équitable des revenus et de la richesse (10) Securité de la vie, des biens et de l’honour Liberté (5) Education (6) (4) Mariage et éducation appropriée des enfants (11) Solidarité familiale et sociale (12) Minimisation de la criminalité et de l’ anomie (13) Richesse (Māl) Intellect (‘Aql) Foi (Dīn) Succès ou bien-être humain (Falah) 11 Postérité (Nasl) Bonne gouvernan ce (7) Paix morale et bonheur (14) L’environnement où nous vivons, y compris les animaux, les oiseaux et les insectes est lui aussi une sorte d’objet confié en dépôt qu’il y a lieu de le préserver non seulement dans le présent mais aussi pour les générations futures. L’Islam ne considère donc pas les êtes humains comme des créatures nées dans le péché. Le concept de ‘né pécheur’ est contraire à la dignité humaine et par conséquent incompatible à la vision islamique du monde. Pourquoi le tout Miséricordieux crée un ‘né pécheur’ et le condamne éternellement pour une faute qu’il n’a pas commise ? L’idée du péché originel laisse supposer que le péché est génétiquement transférable et que chaque être humain vient à ce monde souillé de fautes et de péchés commis par d’autres. En outre, si un ‘sauveur’ devait venir le ‘racheter’ de son ‘péché originel’ qu’il n’avait pas commis, pourquoi il a pris du retard et pourquoi il ne s’est pas manifesté lors de l’apparition du premier être vivant sur terre ? Si l’Homme naît avec le péché, comment le responsabiliser alors de ses actes. Le concept du ‘péché originel’ est donc en complète contradiction avec la vision coranique de la responsabilité de tout un chacun de ses actes (Le Coran, 6:164, 17:15, 35:18, 39:7 et 53:38). Il est également en contradiction avec les attributs d’Allah d’al-Rahman et alRahim (le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux) qu’un musulman répète sans cesse durant sa vie. Allah ne fait pas une chose pareille, sachant qu’Il est Très Affectueux ( )ودودet qui pardonne toujours ( )غفورet qu’Il possède les attributs les plus beaux qu’on puisse imaginer (Le Coran, 7:180). Il n’y a pas de doute que même les rationalistes et les romantiques du 19e siècle ont rejeté l’idée de faute inhérente à la nature humaine (péché originel) comme font la plupart des philosophes contemporains. De la même manière, les concepts de déterminisme et d’existentialisme développés par les philosophes occidentaux sous l’influence du mouvement des lumières sont eux aussi contraires à l’Islam. L’Islam ne considère pas que la vie humaine est déterminée par des 12 forces matérielles (Marx), psychologiques (Freud), instinctives (Lorenz) ou environnementales (Pavlov, Watson, Skinner et autres).17 Le déterminisme et la responsabilité humaine ne sont pas réconciliables l’un avec l’autre. Non seulement ils nuisent à la dignité humaine mais ils écartent la responsabilité humaine quant aux conditions du moment, ainsi que l’allocation irrationnelle et inéquitable des ressources.18 A l’autre extrême du déterminisme, l’existentialisme de Sartre est lui aussi contraire à l’Islam.19 Selon Sartre, les hommes sont « condamnés à être libres ». Il n’y a pas de limite à cette liberté excepté qu’ils ne sont pas libres de cesser d’être libres.20 Chaque aspect de la vie mentale de l’homme est intentionnel, choisi et relève de sa responsabilité. Cela représente certainement une amélioration par rapport au déterminisme. Toutefois, pour Sartre cette liberté est absolue, ¬ tout est permis. Il n'y a pas de sens ni de but ultime de la vie humaine. Il nie toute valeur transcendante ou objective destinée aux êtres humains, ni lois divines, ni platoniques, ni autres. L’homme est livré à l’abandon et doit se prendre en charge totalement. Le seul fondement de valeurs est la liberté humaine et il n’y a nul besoin de justification pour les valeurs adoptées ou choisies par tout un chacun.21 Il n’est pas question de parler de valeurs communément acceptées ou d’imposer des restrictions à la liberté individuelle pour créer une harmonie entre l’intérêt personnel et l’intérêt général, ou bien pour conduire à une allocation et une répartition rationnelle et équitable des ressources en dehors de celle occasionnée d’une manière automatique par les forces du marché. Une telle conception de la liberté absolue 17 Les problèmes liés au déterminisme et à la responsabilité ont été abordés par plusieurs auteurs in Sydney Hook (ed.), Determinism and Freedom in the Age of Modern Science (1958), qui contient un certain nombre de travaux faits par des philosophes contemporains, et aussi in Sidney Morgenbesser et James Walsh (eds.), Free Will (1962), qui contient des écrits minutieusement choisis d’auteurs classiques et contemporains, destinés principalement aux étudiants. Cf. aussi A. J. Alden, Free Action (1961), qui contient une analyse pertinente d’une variété de concepts qui ont toujours été cruciaux dans la controverse de la libre action. Bien que l’auteur n’essaie pas de prouver d’une manière directe que les hommes sont libres d’action, il fustige cependant les bases d’un certain nombre de théories du déterminisme. 18 Cf. Chapra, 1992, pp. 202-206. 19 Jean-Paul Sartre, l’Etre et le Néant, traduit vers l’anglais par Hazel Barnes sous le titre Being and Nothingness (1957). Voir aussi Stevenson (1974), pp. 78-90, et Anthony Mauser : Sartre : une étude philosophique (1966). 20 Sartre (1957), pp. 439 et 615. 21 Ibid, p. 38. 13 mène directement à la notion du laisser-faire et à la neutralité comme valeur. Alors que la liberté est indispensable pour chaque individu, le bien-être de tous est lui aussi indispensable et ne peut être compromis. Par conséquent, certaines restrictions socialement acceptées sont nécessaires pour assurer que les individus ne violent pas les droits des autres et ne mettent pas en péril leur bien-être. Cela soulève la question de savoir qui détermine ces restrictions. Cette question sera traitée sous le cinquième besoin de la personnalité humaine. 2. L’équité Le deuxième besoin de la personnalité humaine est l’équité22. Les objectifs de dignité humaine, du respect pour soi, de fraternité, d’égalité sociale et du bien-être de tous demeurent des concepts vides de sens et sans substance s’ils ne sont pas étayés par une équité socio-économique. En conséquence, le Coran place l’équité tout proche de la piété (5:8) pour montrer son importance dans la foi islamique. La piété (taqwa) est naturellement beaucoup plus importante car elle sert de tremplin pour les autres bonnes actions, y compris l’équité. L’établissement de l’équité fut donc la principale mission de tous les Messagers d’Allah (Le Coran, 57:25). Le Coran l’a clairement dit qu’il ne peut y avoir de paix sans équité : « Ceux qui ont cru et n’ont point troublé la pureté de leur foi par quelqu’inéquité, ceux-là ont la sécurité ; et se sont eux les bien-guidés » (Le Coran, 6:82).23 L’absence de l’équité est annonciatrice de misère et de destruction (le Coran, 28 :59). 22 Des études empiriques ont constamment révélé que des taux élevés d'activité et d'engagement religieux sont associés à la santé mentale, la réduction du stress et l'augmentation de la satisfaction de vivre (Elliston, 1991 et 1993 ; Iannaccone 1998). 23 Le contexte de ce verset fait allusion à l’injustice envers Allah (kufr) en lui associant des partenaires (shirk) tel qu’il a été souligné par les exégètes du saint Coran comme al-Qurtubi (d.671/1272) et Ibn Kathir (d. 744/1375). Cependant, en contemplant minutieusement l’intérêt que porte le Coran et la Sunna sur la notion d’équité envers nous même et envers tout ce qui nous entrave, on peut élargir les implications de ce verset à tous les êtres humains et à toutes les créatures d’Allah. Cela a été souligné par un certain nombre de penseurs mu’tazilit ( )معتزلةtel qu’il a été rapporté par Fakhr al-Din al-Razi (d. 606/1209) dans son commentaire du verset in alTafsir al-Kabir, Tome 7, p. 60. 14 Le Prophète (BSDL) a également condamné l’injustice d’une manière catégorique. Il qualifie l’absence d’équité comme suit : « l’injustice conduit à l’obscurité le Jour du Jugement ».24 L’obscurité de l’au-delà est tout simplement le reflet de l’obscurité que nous avons créée dans le monde d’ici-bas à travers notre injustice (dhulm). Cette obscurité fait échouer tous les efforts visant à réaliser la paix, le développement durable, la solidarité sociale et conduit finalement au mécontentement, à la tension, aux conflits et au déclin. L'injustice et l'Islam sont, par conséquent, en contradiction l’un avec l’autre et ne peuvent pas coexister sans qu’aucun des deux soit déraciné ou affaibli. En Islam, le Dhulm (injustice) est un terme se référant à toutes les formes d'inégalité, d'injustice, d'exploitation, d'oppression et d'actes répréhensibles, par lesquelles une personne fait du mal aux autres, les prive de leurs droits, et ne remplit pas ses obligations à leur égard.25 C’est cet aspect d’équité cité dans le Coran et la Sunna qui a été reflété dans les écrits de la plupart des penseurs musulmans classiques. Al-Mawardi (d. 450/1058) par exemple considère que l’équité « inculque l’affection et l’amour mutuel, le respect et l’obéissance, le développement de la patrie, l’expansion de la richesse, la croissance de la progéniture, et la sécurité du souverain », et que « rien d’autre ne précipite la destruction du monde et la corruption de la conscience des peuples que l’injustice ».26 Ibn Taymiyyah (d. 728/1328) considère pour sa part que « l’équité envers toute chose et envers chaque personne est obligatoire, et l’injustice est prohibée envers toute chose et envers chaque personne. L’injustice n’est absolument pas permise envers qui que ce soit, musulman, mécréant, ou "( "الظلم ظلمات يوم القيامةSahīh Muslim, Vol.. 4, p. 1996:56, Kitāb al-Birr wa al- Silah wa al-Adab, Bāb Tahrīm al-Zulm, from Jābir Ibn Abdullah). Le prophète (BSDL) a utilisé le mot Dhulumat dans ce hadith. Dhulumat est le pluriel de Dhoulmah ou obscurité qui signifie plusieurs couches de ténèbres entassées les unes au-dessus des autres pour culminer dans un noir total comme décrit dans le verset coranique 24 :40. 25 Cf. Chapra, 1985, pp. 27-8. p. 14. 26 Al-Mawardi, Adab (1955, p. 125). 24 ، ويكثر به النسل، وتنموبه األموال، وتعمر به البالد، ويبعث على الطاعة، يدعو إلى األلفة، وأما القاعدة الثالثه فهي عدل شامل .... ويأمن به السلطان .)721 ص،7311. ،. الماوردى، من الجور"(ادب الدنيا والدين، وال أفسد لضمائر الخلق، "وليس شئ ا سرع فى خراب األرضp. 14. 15 même personne injuste ».27 Il soutient avec zèle l’adage répandu à l’époque que : « Allah soutient un Etat juste même s’il est incrédule, et ne soutient pas un Etat injuste même s’il est croyant ».28 Ibn Khaldun (d. 808/1406) a clairement souligné qu’une nation ne peut se développer en l’absence de la justice.29 Cependant, il est impossible d’assurer l’équité en l’absence du respect de certaines règles de comportement par l’ensemble des membres de la société. Ces règles s’appèlent ‘valeurs morales’ dans l’approche religieuse et ‘institutions’ dans l’approche économique. On compte parmi ces valeurs : l’honnêteté, l’équité, la ponctualité, la conscience, la diligence, l’autonomie, la tolérance, l’humilité, l’austérité, le respect des parents, des enseignants et des vieilles personnes, la sympathie et la tendresse envers les pauvres, les handicapés et les opprimés, et le respect des engagements envers tous les êtres humains où qu’ils se trouvent. Le respect de ces valeurs favorise la confiance mutuelle et les relations cordiales au sein de la communauté et incite les gens à remplir leurs obligations, à s’entraider et donc à promouvoir la solidarité familiale et sociale, la tolérance, la cohabitation pacifique et la maîtrise de la propagation de l’anatomie.30 Cela conduira à une augmentation du capital social, qui est nécessaire pour promouvoir l'efficacité et l'équité et, par conséquent, l'accélération du développement et du bien-être humain 3. Le développement moral et spirituel La vision islamique du bien-être ne peut se réaliser sans le développement moral qui constitue en fait le troisième besoin de l’homme. Le respect de ces valeurs dans nos 27 Ibn Taymiyyah, vol.8, p. 166. سواء كان مسلماً أو،ً فاليحل ظلم أحد أصال، والظلم محرما في كل شى ولكل أحد، كان العدل أمراً واجباً في كل شى وعلى كل أحد )711 ص،8 ج، كافراً أو كان ظالماً" ( مجموع فتاوي أبن تيميهp.14. 28 Voir aussi son Minhaj al-Sunnah, 1986, Vol..5, p. 127. وال يقيم الظالمة وإن كانت مسلمة،( إن اهلل يقيم الدولة العادلة وإن كانت كافرةImām Ibn Taymiyyah, Al-Hīsbah fī p.15. 29 ( ان الظل مخرب للعمرانIbn Khaldun, Muqaddimah, p. 287). مp. 15. 30 L’ensemble de ces valeurs sont citées dans le Coran et la Sunna et constituent une composante essentielle de la vision Islamique du monde. 16 comportements ne peut cependant avoir lieu sans un système de motivation qui prend en compte la vision islamique du monde traitée sous le second objectif de renforcement de la foi. 4 La sécurité de la vie, des biens et de l’honneur La vision islamique et les valeurs qu’elle incarne abordent également le quatrième besoin de la personnalité humaine qui concerne la sécurité de la vie, des biens et de l’honneur. Le Coran considère que quiconque tuerait sans raison un seul individu (qu’il soit musulman ou non) c’est comme s’il avait tué tous les hommes, et quiconque fait revivre une personne doit être considéré comme ayant fait revivre tous les hommes (5:32). Cela parait tout à fait logique car le respect de l’Islam pour la vie humaine n’aurait pas de sens si la vie d’un non musulman n’était pas considérée aussi sacrée que celle d’un musulman. Le prophète (BSDL) avait bien rappelé les musulmans du caractère sacré de la vie humaine lors de la célèbre causerie d’adieu prononcée durant Son pèlerinage : « Vos vies, vos biens et votre honneur sont aussi sacrés que ce jour-ci (hajj), de ce mois-ci, dans ces lieux-ci ».31 Sachant que le hajj est très sacré en Islam, la vie, les biens et l’honneur de chaque personne jouissent du même degré d’inviolabilité et de sa sacralisation. 5. La liberté La liberté représente le cinquième besoin de l’homme. La liberté est un élément indispensable pour la personnalité humaine. En l’absence de la liberté, l’individu ne peut pas être créatif et innovateur et par conséquent, il ne va pas améliorer son bien-être. En tant que Lieutenant d’Allah sur terre, il n’est soumis à personne sauf Allah (swt).* Par conséquent, la première mission du Prophète Mohammed (BSDL) est de libérer l’humanité du fardeau et des إن دماءكم وأموالكم وأعراضكم حرام عليكم كحرمة يومكم هذا في شهركم هذا في بلدكم هذا31 (Rapporté par Ibn Kathīr (d. 774/1373) (1981) dans son commentaire du verset 13, sūrah 49 (al-Hujurāt), Vol.. 3, p. 365) * Soubhanahu wa taâla. 17 jougs qui lui ont été imposés (Le Coran 7:157). Le servage, de quelle nature qu’il soit, social, politique ou économique est donc contraire aux enseignements de l’Islam. Par conséquent, nul n’a le droit, mêmes les pouvoirs publics, d’abolir cette liberté, ni de soumettre l’individu à toute forme de servage ou d’aliénation. C’est cet enseignement qui a poussé le second Khalifah Omar Ibn al-Khattab à s’exclamer « Depuis quand vous avez contraint les hommes à l’esclavage alors que leurs mères les ont enfantés libres ».32 Cependant, en tant que Khalifah d’Allah sur terre, les hommes ne sont pas totalement libres dans le sens décrit par Sartre dans sa théorie de l’existentialisme. Cette liberté est protégée par des garde-fous moraux qui garantissent non seulement le bien-être des hommes eux-mêmes, mais également celui de toutes les créatures d’Allah. Lorsque les Anges ont réalisé au moment de la création de l’homme que celui-ci sera le Khalifah d’Allah sur terre et qu’il jouira de la liberté d’action, ils ont instantanément appréhendé que cette liberté pourrait le mener à semer le désordre et à répandre le sang (le Coran, 2:30). Les Anges ont peut-être manifesté cette appréhension parce qu’ils n’ont pas réalisé en ce moment là qu’en plus de la liberté, Allah allait doter l’homme de trois autres atouts qui l’aideraient à mener une vie autre que celle anticipée par les Anges. Le premier d’entre eux est la conscience, qui est le reflet de leur vraie nature (fitrah) (al-Qur'ān, 30:30). qu’Allah a originellement insufflé aux hommes Si cette fitrah n’est pas préservée, l’homme est ramené au niveau le plus bas (asfala safilin) (Le Coran, 95:5).. Pour l’aider à éviter une telle chute, Allah a doté l’homme d’un deuxième atout précieux qui est la guidance (orientation) envoyée par Lui à tous les êtres humains et les nations à différents moments dans l'histoire à travers une chaîne de Ses messagers. Le but de cette guidance est d’assister les hommes à gérer leur vie dans le monde d’ici-bas de 32 ( "‘( ) ”متى استعبدتم الناس وقد ولدتهم أمهاتهم احرارآ ؟Alī al-Tāntawī and Nājī al-Tantāwī, Akhbāru ‘Umar, 1959, p.268). 18 manière à assurer le bien-être de tous en harmonie avec leur mission de Khalifah d’Allah.33 Leur liberté est, par conséquent, dans les limites de l'orientation donnée par Lui. Le troisième atout est l'intelligence qu’Allah a donné aux êtres humains. Si elle est utilisée dans le cadre de la conscience et du respect de la Guidance Divine, elle leur permettrait d'utiliser à bon escient leur liberté avec sagesse et en complète harmonie avec la vision islamique qui prône le rejet de la corruption (désordre) ou la diffusion du sang qui sont parmi les pires crimes dans le Système de valeurs de l'islam. 6. L’éducation Cela nous conduit au sixième besoin de l’homme qui se résume par la promotion de l’intellect à travers un système éducatif de bon niveau. L’éducation doit servir un double objectif. Premièrement, elle doit éclairer les membres de la société sur les valeurs de l’Islam et sur leur mission en tant que Khalifah d’Allah sur terre. Deuxièmement, elle doit leur apprendre non seulement à accomplir leurs tâches efficacement en travaillant dur et en toute conscience, mais également à faire rayonner le savoir et la connaissance technologique au sein de la société. En l’absence de ces valeurs morales et de ce rayonnement du savoir, il serait impossible d’asseoir les bases d’un développement durable. Le Coran et la Sunna ont souligné l’importance de l’éducation comme on le verra plus haut lorsqu’on abondera la promotion de l’intellect qui représente le troisième maqsid (but) de la Charia. 7. La bonne gouvernance La bonne gouvernance qui sera traitée plus haut est liée à la foi. Elle représente le septième besoin indispensable à l’homme. En l’absence de la stabilité politique et de la bonne 33 Le Coran dit clairement « Nous avons certes envoyé dans chaque communauté un Messager » [16 :36] et que « Certes, Nous avons envoyé avant toi des Messagers. Il en est dont Nous t’avons raconté l’histoire ; et il en est dont Nous t’avons pas raconté l’histoire » (40 :78 et 4 :164). Selon un hadith rapporté par Abu Dhar, Allah a envoyé 124000 Messagers dans des temps différents à des communautés différentes (Cf. l’exégèse du verset 4 :164 in tafsir Ibn Kathir. L’Islam est sans doute la seule religion qui reconnaît tous les Messagers d’Allah sans discrimination. 19 gouvernance, il ne serait pas possible d’appliquer les règles de la bonne conduite de la société. Dans ce cas, le non respect des règles peut se généraliser et perdurer d’une manière systématique.34 On assistera ainsi à une recrudescence de la corruption, de l’inefficacité et de la culture du chacun pour soi sans aucun souci pour les autres. C’est pour cela que le devoir de la bonne gouvernance a été mis en exergue à travers l’histoire musulmane par la plupart des savants musulmans, y compris Abu Yusuf, al-Mawardi, Ibn Taymiyyah et Ibn Khaldun. Une des raisons principales du déclin des musulmans est l’absence de la bonne gouvernance durant les siècles écoulés.35 8. La lutte contre la pauvreté et la satisfaction du besoin du sentiment de plénitude L’attachement intensif de l’Islam à la dignité humaine, à l’équité et à la fraternité conduit au huitième objectif qui est la lutte contre la pauvreté et la satisfaction du besoin de sentiment de plénitude ou d’accomplissement. La pauvreté mène à l’immobilisme, au désarroi et à la dépendance sur autrui. Selon les propos mêmes du Prophète (BSDL), elle peut pousser à la mécréance.36 La pauvreté est donc contraire à l’objectif de dignité humaine contenu dans les enseignements islamiques. Cependant, la lutte contre la pauvreté ne peut se faire sans une utilisation rationnelle et équitable de toutes les ressources mises à la disposition des hommes. Ces ressources sont, il faut le rappeler, une sorte de dépôt qu’Allah nous a confié et qu’il y a lieu de respecter les termes de ce dépôt dont, entre autres, l’utilisation de ces ressources d’une manière responsable qui mène à la satisfaction de l’ensemble des besoins. La lutte contre la pauvreté et la satisfaction du besoin d’accomplissement de chaque individu de la société ont ainsi eu une place importante dans le fiqh et les différents écrits à travers l’histoire musulmane. Les jurisconsultes musulmans ont clairement souligné que la 34 Voir North, 1990, pp. 93-94. Cf. notre dernier ouvrage intitulé : Muslim Civilization : the Causes of decline and the need for Reform, The Islamic Foundation, Leicester, UK, 2008. 36 ( كاد الفقر أن يكون كفراCited by al-Suyuti (d.911/1505) in his al-Jami‘al-Saghir from Anas ibn Malik on the authority of Abu Nu‘aym’s al-Hilyah under the word Kada, p.89). 35 20 satisfaction des besoins essentiels des pauvres dans une société islamique est un devoir religieux collectif (fardh kifayah).37 En effet, et selon al-Shatibi, ceci représente la raison d’être de la société elle-même.38 L’ensemble des jurisconsultes contemporains sont de cet avis, y compris Mawlānā Mawdūdī, Imām Hasan al-Bannā, Sayyid Qutub, Mustafā al-Sibā’ī, Abū Zahrah, Bāqir al-Sadr, Muhammad al-Mubārak, and Yūsuf al-Qaradawī. Cela nous mène à la question de savoir qu’est ce qui constitue le besoin dont la satisfaction fait de lui un impératif individuel et social en même temps. Les besoins sont classés par les fouqaha en trois catégories : Les besoins essentiels (dharouriyyat), les besoins de confort (hajiyyat) et les besoins de raffinement (tahsiniyyat). Tous ces besoins, tels que définis par les fouqaha, ont un lien avec les biens et services qui permettent de promouvoir le bien-être des individus, et qui, une fois satisfaits, atténuent la souffrance, offrent la joie, le confort et la paix morale.39 Cette liste ne contient pas les besoins de ‘luxure’ qu’on peut définir comme étant les biens et services recherchés à des fins de snob sans avoir un effet concret sur le bien-être de la personne. De tels biens et services qui ne répondent pas vraiment à un besoin bien précis relèvent, selon les fouqaha, de la prodigalité et sont donc vigoureusement désapprouvés.40 37 38 Cf. Par exemple Ibn Hazm , Tome 6, p. 156 :725. al-Shātibī, Vol..2, p.177. )711 ص،2 ج، فجعل اهلل الخلق خالئف فى أقامة الضروريات العامه (الشاطبي 39 For the definition of these terms within the perspective of fiqh, see al-Shātibī, al-Muwāfaqāt, Vol.. 2, pp. 812: and Anas Zarqa, “Islamic Economics: An Approach to Human Welfare”, in K. Ahmad, 1980, pp.13-15. See also Imām Hasan al-Bannā, Majmū[ah Rasā’il (1989), p. 268, and Hadīth al-Thulāthā’ (1985), p.410; and Sayyid Abul A‘lā Mawdūdī, Īslām awr Jadīd Ma[āshī Nazariyyāt (1959), pp. 136-40. 40 Cf. Le Coran, 7 :31, 17 :26-7 et 25 :67 pour ce qui concerne les versets qui condamnent le gaspillage et l’extravagance. Le Prophète (BSDL) condamne fermement l’extravagance et exhorte les musulmans à l’humilité et à la simplicité. Il nous apprend que le gaspillage des ressources n’est pas interdit dans les cas de la rareté seulement, mais également dans les cas de l’abondance (Tabrizi, Mishkat, 1966, Tome 1, p. 133 :427). Le Prophète dit également : « Allah m’a révélé de vous apprendre à être humble de façon à ce qu’aucun ne nuit aux autres ou ne se montre arrogant » ((Sunan Abu Dawud,. 1952, Vol.. 2, p. 572, from ‘Iyad ibn Hīmār) et que : « Allah ne regarde pas ceux qui portent des habits pour se montrer arrogants ». " (Sahih alBukhārī, Vol. 7, p. 182, and Sahīh Muslim, 1955, Vol. 3, p. 1651:42). Il dit également : « Celui qui, par humilité, s’abstient de porter des habits somptueux tout en ayant les moyens de le faire, sera récompensé par Allah le Jour de la rétribution en présence de tous les hommes et aura le choix de jouir du fruit de la foi qu’il désire » (Jamī[ al-Tīrmīdhī wīth commentary, Tuhfat al- Ahwadhī, Vol. 3, pp. 312-13, d’après Mu‘adh ibn Anas al-Juhani), et « Mangez et buvez, faîtes la charité et habillez-vous sans extravagance, ni vanité » (Suyūtī, al-Jāmi' al- Saghīr. Vol.. 2, p. 96, from Ibn ‘Umar, on the authority of Musnad Ahmad, Nasa’i, Ībn Mājah and Mustadrak Hākim). Ainsi, le Coran et la Sunnah exhortent les croyants à mener une vie modeste, et les 21 Cependant, il y a lieu de rappeler que sachant que l’Islam est la religion du juste milieu et n’approuve en aucun le monachisme, la négation de soi-même ou la renonciation au monde d’ici-bas (Le Coran, 57 :27), la classification des biens et services citée auparavant ne demeure pas rigide dans le temps. L’Islam autorise la satisfaction de l’ensemble des besoins (essentiels ou de confort) pour renforcer le bien-être de l’individu. Cette classification des biens et services doit donc refléter l’état du niveau de vie d’une société islamique donnée. Par conséquent, la nature des besoins varie dans le temps selon le degré de développement technologique, l’état de la richesse et du niveau de vie. En effet, la plupart pays musulmans sont plutôt riches et sont capables de garantir un niveau de vie meilleur que celui des temps anciens. Certaines choses qui n’existaient même pas du temps du Prophète (BSDL) sont aujourd’hui considérées comme des besoins. Mais cela ne doit pas conduire au snobisme ou à un écart des niveaux de vie qui fragilise l’esprit de fraternité islamique ou de solidarité sociale. L’objectif étant d’éviter un climat de monotonie qui risque de ternir la joie de vivre dans une société musulmane. La simplicité peut avoir lieu sans porter atteinte à la créativité et la diversité. 9. Emploi et possibilités de travail indépendant Sachant que la mendicité dégrade la dignité de la personne et est d’ailleurs peu appréciée en Islam,41 un neuvième objectif se manifeste qui concerne la satisfaction du besoin Ouléma affirment que l’orgueil et la rivalité entre musulmans à des fins de prestige sont formellement haram (prohibés). (See "Kitāb al-Kasb" of al-Shaybānī in al-Sarakhsī, Kitab a/-Mabsūt. Vol. 30, pp. 266-8.) عن عبداهلل بن عمرو بن العاص ان النبي صلى اهلل عليه وسلم مر بسعد وهو يتوضأ فقال (ما هذا السرف يا سعد) قال أفى الوضوء كتاب الطهارة – باب421 نمرة،799 ص،7 ج، مشكاة، (نعم وإن كنت على نهر جار) رواه أحمد في المسند وابن ماجه:سرف قال سنن الوضوء (إن اهلل أوصى إلى أن تواضعوا حتى ال يبغى أحد: قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم:عن عياض بن حمار رضي اهلل عنه أنه قال .112 ص،2 ج،على أحد وال يفخر أحد على أحد) ابو داؤد 41 Le Prophète (BSDL) désapprouve la mendicité en disant: « Ne demandez rien aux autres » )ً(ال تسألوا الناس شيئا Abū Dawud, 1952, Vol. Ī, p, 382, par ‘Awf ibn Malik), et que « la main haute est meilleure que la main basse ». )(اليد العليا خير من اليد السفلى 22 d’accomplissement qui se réalise à travers l’effort individuel de tout un chacun. Par conséquent, la prise en charge de soi-même et de sa famille demeure une obligation religieuse (fardh ayn) pour chaque musulman.42 Le Prophète (BSDL) exhorte les musulmans à apprendre un métier qui leur permet de mener une vie décente.43 Les penseurs musulmans ont donc clairement souligné que sans le travail, le musulman ne peut pas maintenir un bon physique ni un bon moral, ni même remplir ses obligations en tant que Lieutenant d’Allah sur terre.44 (Al-Bukhārī. Vol.. 2, p. 133. par ‘Abdullah ibn ‘Umar). Le Prophète (BSDL) nous apprend également que la charité ne convient pas à quelqu’un qui n’est pas dans le besoin ou à celui de bonne constitution physique capable de travailler. )(ال تحل الصدقة لغني وال لذي مرة سوى (Abū Dāwūd, 1952, Vol.. I, p, 379; Nasā’ī, 1964, Vol.. 5, p. 74 et Ibn Mājah, 1952, Vol.. Ī. p. 589:1839). Il a réservé une bonne place à celui qui gagne sa vie par son labeur en disant : « Celui qui évite la mendicité, cherche un travail pour nourrir sa famille tout en étant généreux envers son voisin, il rencontrera Allah le Jour de la rétribution avec un visage rayonnant de lumière comme la pleine lune ». (من طلب الحالل استعفافا عن المسألة )وسعياً على أهله وتعطفاً على جاره لقي ربه تعالى يوم القيامة ووجهه مثل القمر ليلة البدر ) Tabrizi, Mīshkāt, 1381 A.H., Vol.. 2, p. 658:5207, par Abū Hurayrah, sous l’autorité de Bayhaqī’s Shu‘ab alĪmān). 42 Le Coran ordonne aux musulmans de se disperser sur terre et de rechercher (quelque effet) de la grâce d’Allah une fois la prière terminée (62 :10). Le Prophète dit : « La recherche d’un revenu licite est une obligation pour tout musulman ». )( (طلب الحالل واجب على كل مسلمSuyūtī, AĪ-Jami' al-Saghir, par Anas Ibn Malik. p. 54). Il dit aussi : « Le meilleur des gains qu’un homme reçoive c’est celui de son propre labeur ». (ما كسب الرجل كسباً أطيب من )( عمل يدهSunan Ibn Mājah, 1952, Vol. 2, p. 723:2138. from Miqdam ībn Ma‘dikarib). Selon le Prophète (BSDL), compter sur Allah ne veut pas dire que le musulman s’abstienne de fournir un effort. Au contraire, il doit travailler au maximum et compter sur Allah pour les résultats. Cela se comprend à travers la désapprobation du Prophète (BSDL) de l’action d’un homme qui n’a pas attaché son chameau sous prétexte qu’Allah le surveillera parce qu’il a entière confiance en Lui. Le Prophète (BSDL) l’ordonna alors d’attacher le chameau et de compter sur Allah par la suite. (see "Kitāb al-Kasb" of Muhammad Ibn al-Hasan al-Shaybānī in al-Sarakhsī, Kitāb alMabsūt Vol. 30.p. 249). Le Calife Omar Ibn al-Khattab avait lui aussi insisté sur le devoir de chacun de se prendre en charge par son propre labeur. فنن السماء ال تمطر ذهباً وال فضة ولكن اهلل يرز، اللهم ارزقني:قال عمر رضي اهلل عنه "ال يقعد أحدكم عن طلب الرز ويقول .)268 ص، أخبار عمر،الناس بعضهم من بعض"(على الطنطاوي وناجي الطنطاوي "أن من يزعم أن حقيقة التوكل في تركه الكسب فهو مخالف للشريعة وإليه أشار رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم في قوله للسائل الذى المبسوط، "ال بل اعقلها وتوكل" ( كتاب الكسب لمحمد بن الحسن الشيباني: فقال صلى اهلل عليه وسلم،قال أُرسل ناقتي وأتوكل .)243 ص،91 ج، للسرخسي 43 Le Prophète (BSDL) dit : « Allah adore le musulman qui a un métier » (rapporté par al-Mundhiri par Ibn ‘Umar sous l’autorité d’al-Tabarani’s al-Kabir et al-Bayhaqi, Vol.2, p.523:10). " "إن اهلل يحب المؤمن المحترف: عن ابن عمر رضى اهلل عنهما عن النبي صلى اهلل عليه وسلم قال124 ص،2 ج، المنذري، (رواه الطبراني في الكبير و البيهقى 44 On ne peut citer la liste de toutes ces références. Cependant on recommande au lecteur de consulter "Kitāb alKasb" de al-Shaybānī īn al-Sarakhsī, Kitāb al-Mabsūt, Vol. 30, pp. 344-87, particulièrement, pp. 245, 250 et 256; Abū Hāmid Muhammad al-Ghazālī, Īhyā ‘Ulūm al-Dīn, Vol. 2, pp. 60-4; al-Shātībī, Al-Muwāfaqāt, Vol. 2, pp. 176-7 et al- ‘Abbādī (1974-75), Vol. 2, pp. 22-5. 23 Il relève donc d’une obligation collective (fardh kifaya) pour une société Islamique de gérer son économie d’une manière à ce que chaque membre ait la chance de gagner sa vie honnêtement selon ses capacités et l’effort fourni par tout un chacun. De nos jours, la microfinance dispose d’un potentiel d’expansion du marché du travail et de l’auto-emploi qu’il va falloir exploiter par les pays musulmans. Néanmoins, il y aura toujours une partie de la population qui sera incapable de gagner sa vie par le travail pour cause d’handicape ou d’incapacité. L’Islam prévoit donc un programme d’aide sociale pour venir en aide à ces personnes à travers les institutions caritatives telles que la zakat, sadaqat et awqaf. Ce mécanisme d’aide sociale fonctionne sans stigmates ni récrimination. Au cas où les ressources de ces institutions ne suffisent pas, l’Etat intervient alors pour jouer son rôle complémentaire de lutte contre la pauvreté. 10. Répartition équitable des revenus et de la richesse Le Coran exige que la richesse ne doive pas circuler parmi les seuls riches (59:7). Le dixième objectif de la vision islamique est donc la répartition équitable des revenus et de la richesse. Cela paraît évident car un écart excessif des revenus est nuisible aux pauvres et à ceux qui n’ont pas l’occasion de mettre en œuvre leur potentiel. L’absence d’un programme efficace de réduction des inégalités détruit le sentiment de fraternité que l’Islam nous exhorte à promouvoir. Ainsi, l’Islam ne se limite pas à nous interpeller à combattre la pauvreté et à satisfaire les besoins de tout un chacun via une source de revenu convenable, mais il propose un programme d’aide sociale sous forme de zakat, de sadaqat, et d’awqaf. Cependant, ce serait une erreur de compter exclusivement sur ces institutions caritatives pour réaliser l’objectif d’une répartition équitable des revenus et de la richesse. Il faudrait accélérer le développement (tel qu’on le verra dans notre analyse de la richesse) et adopter les autres mécanismes de redistribution qui ont fait leur preuve ailleurs dans le monde, pourvu qu’ils soient compatibles avec la Charia. 24 11. Le mariage, moyen idéal pour une vie familiale stable Un onzième besoin naturel pour les membres mâles et femelles de la société est le partenariat pour la vie à travers le mariage.45 Le but de celui-ci ne se limite pas à la simple satisfaction du besoin sexuel mais d’en faire un lieu convivial où les partenaires trouvent la paix, l’affection et le respect mutuel. Le Coran dit : « Et parmi Ses signes : Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. Il y a en cela des preuves pour les gens qui réfléchissent » (30:21). Toutefois, la vie conjugale ne peut réaliser cet objectif qu’à la condition que le mari et l’épouse aient chacun un caractère noble (khuluq hassan)46, s’entraident mutuellement et ne rechignent pas à se sacrifier l’un pour l’autre.47 Une telle relation riche en affection et en sacrifice favorise la promotion d’un cadre familiale stable, idéal pour élever la progéniture et assurer le renouvellement des générations. 12. Le foyer familial et la solidarité sociale 45 Le Coran utilise les mots zawj et sahibah pour une femme qui signifie qu'elle est un partenaire et un ami ou un compagnon et non un employé ou un subordonné. A la lumière de cela, la littérature fiqhique considère le mariage comme un partenariat basé sur l’égalité des deux partenaires. Il est célébré dans le but de satisfaire des besoins mutuels dans le cadre d’une coopération réciproque. Cf. voir al-Sarakhsī (d.483/1090) (s.d.) al-Mabsut Vol. 5, p. 109; al-Qarafi (d.684/1284) (1994), al-Dhakhirah, Vol. 13, p. 34. "عقد الزواج عقد ازدواج و هوينبنى على المساواة في األصل " و المراد باالزدواج معنى المشاركة)713 ص، 1 ج، المسبوط، ( السرخسي )94 ص،79 ج، الذخيرة،" إن الزوج والزوجة كالشريكين المتعاونين على المصالح" ( القرافي Ces textes de référence fiqhique m’ont été communiqués par notre collègue le Dr. Sami Al-Suwaylem 46 Le Prophète (BSDL) dit : “Le meilleur parmi vous est le plus vertueux” (Al-Bukhārī, Vol. 8, p.15). ( ًباب لم يكن النبي فاحشا وال متفحشا، إن من أخيركم أحسنكم خلقا ( البخاري‘ كتاب اآلداب 47 Les études empiriques ont montré que l’attachement à la religion diminue les risques de divorce et favorise la stabilité conjugale (Iannaccon, 1998; Lehrer and Cheswick, 1993; and Gruber, 2005). 25 Pour promouvoir un climat d’amour, de compassion et de quiétude entre le mari et son épouse, le Coran a prescrit pour les femmes des droits équivalents à leurs obligations (2:228) et a ordonné les hommes à se comporter convenablement envers elles (4:19) et (2:237). Le Prophète (BSDL) a appuyé ces recommandations coraniques en qualifiant les femmes comme les frères des hommes.48 Dans son sermon donné lors de son pèlerinage, le Prophète (BSDL) exhorte les hommes de craindre Dieu dans leur traitement avec les femmes parce qu’ils les ont acceptées comme des êtres confiés par Allah.49 Dans un autre hadith, il ordonna aux hommes de ne pas usurper le droit des femmes en profitant de leur faiblesse. 50 De la même manière il a averti les hommes contre l’humiliation de leurs filles en privilégiant les garçons à leurs dépens.51 Ces hadiths et beaucoup d’autres témoignent du statut d’égal à égal entre l’homme et la femme et le rôle complémentaire de chacun à promouvoir le bien-être de tous. Le second Calife Omar (d. 23/644) a dit : « Durant la période préislamique (al-jahiliyya), nous ne considérions pas les femmes comme telles (dignes de respect). Mais après l’avènement de l’Islam où Allah les a cité, nous avions réalisé qu’elles avaient des droits sur nous ».52 Il n’y a 48 Cité in ‘Ā’īshah par al-Suyuti dans son al-Jami al-Saghir sous l’autorité de Ahmad, Abu Dawud et alTirmidhi, Vol... 1, p.102. . إن رسول اهلل صلي اهلل عليه وسلم قال (إنما النساء، عن انس رضي اهلل تعالى عنهما، عن البزار،عن عائشة رضي اهلل تعالى عنها ، رواه احمد وأبو داؤد والترمذي،712 ص،7 ج،شقائق الرجال) الجامع الصغير للسيوطي 49 Cité par Jabir ibn ‘Abdullah par Muslim in his Sahih, Kitab al-Manasik, Bab hajjat al-Nabiyy, Vol. 2, p. 889:147; and Abū Dāwūd, Kitāb al-Manasik, Bab sifat hajj al-Nabiyy; also Ibn Majah and Musnad Ahmad. : قال قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم في خطبة الوداع،عن جابر بن عبد اهلل رضى اهلل تعالى عنه باب حج النبي صلى اهلل، كتاب الحج،"فالتقوا اهلل في النساء فننكم أخذ تموهن بأمان اهلل واستحللتم فروحهن بكلمة اهلل"( صحيح مسلم كتاب المناسك، أبو داود، كتاب المناسك، ابن ماجة، ) ( فننكم أخذ تموهن بأمانة اهلل،)741 رقم883 ص، 2 ج، عليه وسلم 50 Le contenu du hadīth est comme suit: “Je vous interdit l’usurpation des droits des personnes faibles : les orphelins et les femmes.” (Rapporté par Abū H par al-Hākim dans son Mustadrak, Vol. 1, p. 63.) Ce h est h (authentique) selon Muslim. اليتيم والمرأة) مستدرك: (إني أحرج عليكم حق الضعيفين: عن أبي هريرة رضي اهلل عنه قال "قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم كتاب االيمان، 69 ص، ج،الحاكم 51 Relaté par Ibn ‘Abbas et rapporté par al-Mundhiri sous l’autorité de Abu Dawud et al-Hakim, Vol. 3, p. 68:29. 52 Relaté par ‘Umar par al-Bukhari dans son Sahih, Kītāb al-Libās, Bāb mā kanā al-Nabiyy yatajawwaz min allibās wa alT. 4, p.281: 735. )23 رقم86 ص9رواه أبو داوود والحاكم (المنذري ج 26 aucune raison de rejeter l’idée que la noblesse du caractère, les relations conjugales conviviales et la volonté mutuelle d’élever sa progéniture avec amour et tendresse conduisent à la satisfaction du douzième besoin de l’être humain qui n’est autre que le foyer familial et la solidarité sociale. 13. Minimisation de la criminalité et de l’anomie La satisfaction des douze besoins cités ci-dessus devrait, espérant le, aider à créer un environnement propice pour la satisfaction du treizième besoin qui est le la minimisation de la criminalité et de l’anomie. Si tous ces besoins sont satisfaits, on peut franchir le pas vers le quatorzième besoin qui est traité ci-dessous. 14. La paix morale et le bonheur La satisfaction de tous ces besoins devrait avoir un effet positif non seulement sur la personne humaine, l’intellect, la progéniture et le patrimoine, mais également sur la foi en promouvant un environnement favorable pour une bonne mise en œuvre de ces objectifs et une meilleure compréhension. Cela aiderait certainement à la réalisation d’un développement durable dans tous les secteurs de la société, y compris les secteurs de l’économie et de la politique. ENRICHISSEMENT DE LA FOI, DE L’INTELLECT, DE LA POSTERITE ET DU PATRIMOINE Alors que l’objectif final de la Charia est le bien-être de tous les individus, il est également nécessaire de renforcer les autres quatre maqassid (foi, intellect, postérité et des biens). Ces maqassid ont un rôle important à jouer dans la réforme et l’enrichissement de chaque personne. Au cas où ces quatre maqassid ne sont pas correctement pris en charge tout en dotant la société des moyens nécessaires pour faire face aux défis imposés par le باب ما كان، كتاب اللباس، رأينا لهن علينا حقا (صحيح البخاري، فلما جاء االسالم وذكرهن اهلل،كنا في الجاهلية ال نعد النساء شيئا . )191 رقم،287 ص،4 ج،النبي صلى اهلل عليه وسلم يتجوز من اللباس والبسط 27 changement des circonstances, on ne peut réaliser le bien-être optimal ni pour la génération actuelle ni pour les générations futures, et à long terme c’est la survie de la civilisation ellemême qui sera compromise. Renforcement de la foi (schéma 3) La première question que peut poser le lecteur est de savoir pourquoi la foi a été placé immédiatement après l’âme alors que nous vivons dans un monde où le laïcisme, le libéralisme et le matérialisme dominent le monde. Est-ce que réellement la foi mérite un tel classement dans la liste des maqassid ? La chose incontestable est que les êtres humains représentent la fin et en même temps les moyens du processus de développement, et par conséquent, la prise en charge de leurs besoins est d’une importance cruciale. En fait, c’est la vision religieuse du monde qui procure le potentiel nécessaire à la réforme des âmes visant à satisfaire les besoins spirituels et matériels de l’homme tels que décrits précédemment. Cela se fait par l’injection d’un sens et d’un but à la vie, par la canalisation de l’effort humain vers la bonne direction, par la transformation des individus pour un bien-être meilleur en créant les conditions d’un changement positif de leur comportement, mode de vie, goût, préférences, attitude envers eux-mêmes, envers leur Créateur, envers les autres êtres humains, envers les ressources à leur disposition et envers l’environnement. C’est pour cela que le Coran indique clairement que « Réussit, certes, celui qui se purifie, et se rappelle le nom de son Seigneur, puis célèbre la Salat [prière] » (87 :14-15 et 91 :9-10). Par conséquent, tous les penseurs musulmans ont souligné le besoin de la réforme de l’être humain et le rôle de la foi dans ce processus. Toynbee, Will et Ariel Durant sont arrivés à la conclusion après une longue étude de l’histoire des peuples, que l’inspiration morale et la solidarité sociale ne peuvent se réaliser sans la conscience morale annoncée par les religions. Toynbee affirme que « les religions ont tendance à accélérer au lieu de détruire le sens de l’obligation sociale par la dévotion de leurs 28 adeptes » et que « la fraternité de l’homme présuppose la paternité de Dieu, une vérité qui implique la thèse universelle selon laquelle, si le père divin de la famille humaine est exclu du calcul, il n’existe aucune possibilité de forger une alternative à texture purement humaine qui pourra maintenir l’humanité rassemblée ».53 Will et Ariel Durant ont pareillement remarqué dans leur précieux ouvrage, The Lessons of History, que : « Il n’y a pas d’exemple significatif de l’histoire, avant notre temps, d’une société maintenant avec succès la vie morale sans l’aide de la religion ».54 Les valeurs Cela soulève la question de savoir pourquoi l’inspiration morale et la solidarité sociale ne peuvent se réaliser sans l’aide de la foi. La réponse est que deux des conditions les plus importantes pour une inspiration morale sont : premièrement, l’existence de valeurs ou de règles de comportement répandues de telle manière qu’elles deviennent obligatoires ; et deuxièmement, le respect de ces valeurs par chaque individu dans le sens d’une obligation morale de telle sorte que quiconque viole ces valeurs sera automatiquement censuré. Cela soulève une autre question de savoir comment arriver à répandre des valeurs qui sont acceptées et respectées par chaque personne. Est-il possible d’arriver à de telles règles par le biais d’un ‘contrat social’ tel que suggéré par certains philosophes laïcs contemporains ou certains spécialistes de la politique ? La réponse est oui si tous les participants au débat sont socialement, économiquement et intellectuellement égaux de manière à ce que chacun dispose d’une pondération juste dans la formulation des règles désirées. Puisque cette égalité est impossible à réaliser, les riches et les plus forts domineront le processus de la prise de décision et on aboutira ainsi à une formulation de règles qui servent leurs intérêts d’abord. Cela créera des frustrations chez le grand public envers les valeurs ainsi formulées. Il est donc nécessaire qu’un personnage étranger omniscient et bienveillant se charge de cette tâche –un 53 54 Toynbee, Somervell's abridgement, 1958, Vol.2, p. 380 and Vol.1, pp 495-96. Will and Ariel Durant, 1968, p. 51. 29 outsider qui soit impartial, qui connaît les forces et les faiblesses de l’être humain, qui les traite sur le même pied d’égalité, qui se préoccupe de tout le monde sans discrimination aucune, et qui est capable d’analyser non seulement les effets à court terme mais aussi les effets à long terme des règles imposées par lui. Qui est mieux placé pour remplir cette tâche autre que le Créateur de l’Univers et de l’Homme lui-même ? Le Créateur s’est chargé de cette tâche. Selon la vision Islamique du monde, Il a envoyé, comme indiqué précédemment, Sa Guidance à tous les peuples en des temps différents de l’histoire, à travers une chaîne de Messagers (qui sont tous des hommes) y compris Abraham, Moïse, Jésus, et le dernier de tous Mohammed, bénédiction et salut de Dieu sur eux tous. Il y a donc une continuité et une similitude de la vision du monde et des systèmes de valeurs de toutes les religions monothéistes dans la mesure où le message divin n’est pas déformé. L’homme, en tant que khalifah d’Allah sur terre, est chargé de la mission d’observer avec ferveur de la foi les valeurs révélées par le Créateur. En fait, c’est la mission et la raison d’être de son séjour éphémère dans le monde d’ici-bas. S’il utilise les ressources rares qui lui sont confiées, et traite avec ses pairs conformément à ces valeurs, le résultat serait la réalisation d’un bien-être de tous les hommes dans le respect de l’environnement avec toutes ses composantes. Comme l’a remarqué Schadwik, les principes moraux « dépendent de certaines normes convenues dans le cadre d’un consensus accepté d’une manière axiomatique qu’il est difficile d’en débattre » et que « à l’exception d’un nombre restreint de groupes de gens, les principes moraux n’ont jamais été séparés de la religion à travers toute l’histoire de l’humanité ».55 Bernard Williams n’a donc pas tord d’affirmer que « la moralité sociale n’est pas une invention des philosophes ».56 Une motivation appropriée 55 56 Schadwick, 1975, pp.229 and 234. Williams, 1985, p. 174 30 Cependant, même en cas d’acceptation du grand public des valeurs de la société, la question est de savoir comment assurer le respect de ces valeurs par tout le monde. En fait, le respect de ces valeurs nécessite un sacrifice personnel de la part de tous les individus de la société. De quelle manière la foi aide à motiver les individus à respecter ces valeurs et à remplir leurs obligations sociales, économiques ou politiques qui nécessitent un sacrifice? A vrai dire la foi intervient pour donner à l’intérêt personnel une vision à long terme qui dépasse le monde éphémère d’ici-bas pour s’élargir au monde éternel de l’au-delà. L’intérêt individuel égocentrique et restreint peut être réalisé dans ce monde sans que la personne ne remplisse ses obligations envers les autres. Cependant, elle ne bénéficie de rien dans l’au-delà si la personne concernée a manqué à ses obligations dans le monde d’ici-bas. C’est cette vision à long terme de l’intérêt personnel, appuyée par la récompense ou la punition dans l’au-delà, selon le cas, qui va motiver les hommes à remplir leurs obligations même si cela conduit à un sacrifice temporel dans le court terme. Il relève de l’irrationalité pour un individu de sacrifier son intérêt éternel pour un intérêt court de ce monde d’ici-bas. Cette dimension de l’intérêt personnel a été complètement négligée par l’analyse économique positive sous l’influence d’une vision séculière du monde. Elle ne dispose donc pas de mécanismes de motivation des individus pour accepter un sacrifice pour le bien-être des autres. 31 Figure 3 Enrichissement de la foi Vision du monde (Tawhīd, Khilāffah, * Rissālah et Ākhirah) Valeurs (Règles de comportement) Justice, liberté, sécurité de la vie, des biens et de l'honneur, honnêteté, respect de toutes les obligations socioéconomiques et politiques, patience, austérité, prudence, tolérance, soins et confiance mutuelle, etc Lutte contre la pauvreté, besoin d'épanouisse ment de tous, emploi et possibilité de travail indépendant Bonne motivation Répartition équitable (Fraternité humaine) Education (morale et physique) Créer un environnemen t propice pour la droiture, l'intégrité de la famille, la solidarité sociale et la stabilité politique Rôle de l'Etat Bonne gouvernance Enrichissement de l’âme, de l’intellect, de la postérité et de la richesse Bien-être de tous, (Falāh) * Ces termes signifient l'unicité de Dieu (tawhid), la lieutenance de l’être humain (khilafah), la Guidance envoyé par Dieu à travers Ses Messengers (risalah) et de la responsabilité de l'homme devant Dieu au Jour du jugement sur la façon dont il / elle a vécu dans ce monde et utilisé les ressources fournies par Lui (akhirah). 32 L’éducation Cependant, même en présence de ces valeurs et d’un système de motivation, cela ne suffit pas pour faire adhérer le grand public à ces valeurs. C’est pourquoi l’Islam exhorte chaque musulman à acquérir les connaissances nécessaires non pas uniquement celles liées à la vision du monde et des valeurs de la société, mais également celles liées au développement technologique de chaque époque (voir la section sur l’intellect). Cela ne va pas seulement aider les individus à devenir de bons musulmans capables de prendre leur destin en main, mais également permettre à la société de se développer, de lutter contre la pauvreté et de réduire les écarts de revenus et de la richesse. Ces objectifs seront davantage réalisés si le système financier est conçu d’une manière qui permet l’accès aux circuits de financement de larges couches de la population par l’adoption des modes de financement islamiques.57 Créer un environnement propice pour la justice et la solidarité familiale et sociale L’Islam aide à la création d’un environnement propice pour renforcer la justice, la solidarité familiale et sociale, la promotion de l’entraide mutuelle et la coopération entre les individus. En l’absence d’un tel environnement, les valeurs et le système de motivation seront émoussés. La célébration des prières, le carême durant le mois de Ramadhan, la zakat et le pèlerinage ainsi que le respect réservé par la société à ceux qui prêchent le bien et récusent le mal (amr bi al-ma’rūf wa nahī ‘an al-munkar), tout cela constitue une partie intégrante du programme islamique visant à créer un tel environnement favorable. L'existence d'un tel environnement peut aider à promouvoir les qualités recherchées chez les individus et réprimer les vices qui font obstacle à la réalisation des objectifs sociaux humanitaires. Par exemple, la promotion de la vie simple et la réduction du gaspillage et de la consommation luxueuse peuvent aider à réduire la demande excessive sur les ressources. Cela 57 La littérature sur ce sujet abonde. Cf. par exemple Chapra, 2007a et 2007b. 33 peut non seulement libérer un plus grand volume de ressources pour le besoin général de l'accomplissement, qui est nécessaire pour promouvoir l'harmonie sociale, mais aussi de renforcer l'épargne et l'investissement et, partant, contribuer à promouvoir l'accroissement de l'emploi et la croissance. L'absence d'analyse de ces valeurs dans la microéconomie et de l'environnement a créé un fossé entre celle-ci et la macroéconomie. Sans une discussion sur le type de comportement et les goûts et les préférences qui sont nécessaires pour les individus, les familles et les entreprises pour réaliser les objectifs macroéconomiques humanitaire, ces objectifs ne seront jamais atteints sans soutien. Les objectifs humanitaires macroéconomiques ne sont donc plus en harmonie avec la microéconomie parce que celle-ci privilégie l'individualisme et l'intérêt personnel à travers la maximisation de la richesse et de satisfaction inconsidérée des besoins. Le mouvement des Lumières du 17e et 18e siècles en occident a tenté de saper ce rôle de la religion par sa vision laïque et matérialiste du monde. Il a, cependant, réussi que partiellement parce que les valeurs chrétiennes ont continué de prévaloir jusqu'à ce qu'elles deviennent progressivement de plus en plus faibles. Les fruits amers de ce développement ont provoqué des protestations et le retour à la religion est entrain de se manifester de par le monde58. Schweitzer, un lauréat du Prix Nobel, a souligné à juste titre que «si les fondements éthiques reculent, la civilisation s'écroule alors, même si des efforts créatifs dans d'autres directions fonctionnent de la meilleure manière possible».59 Par conséquent, selon lui, «le contrôle moral du comportement des hommes est beaucoup plus important que la maîtrise de la nature».60 Plus récemment Benjamine Friedman, un professeur de Harvard, a également fait valoir dans son récent ouvrage que le développement éthique et le développement 58 Les éditeurs de l’ouvrage intitulé « Place de la religion en Europe contemporaine » admettent témoigner du début de la fin de 200 ans d’hostilité à la religion (Futton et Gee, 1994). 59 Schweitzer, 1949, p.xii 60 Schweitzer, 1949, pp. 22-23, 38-39, 91. 34 économique vont de pair, et que chacun renforce l’autre61. Bien avant ces auteurs occidentaux, Al-Ghazālī, al-Shatībī et un certain nombre d'autres érudits musulmans, ont réservé une place de grande importance à la foi dans la réalisation du bien-être humain. Une question qui pourrait être posée ici est de savoir si le retour à la foi limiterait l’espace de la liberté humaine. Pas nécessairement. Les êtres humains sont toujours libres de choisir. Ils peuvent soit être à la hauteur des exigences de leur foi ou de les rejeter. Cette liberté de choix est soulignée dans plusieurs versets du Coran, dont l'un dit: «La vérité émane de ton Seigneur. Quiconque le veut, qu’il croit, et quiconque le veut, qu’il mécroit."(18:29). Toutefois, même s’ils rejettent la foi, ils ne peuvent pas avoir une liberté absolue. Il y a des restrictions sur la liberté, dans toute société, sous la forme de règles de comportement. Par exemple, un feu rouge est aussi un frein à la liberté individuelle. Néanmoins, personne ne lui vient à l’esprit de s’opposer car tout le monde sait que cela favorise les maqassid en aidant à prévenir les accidents, sauver des gens contre le mal et, partant, améliorer le bien-être. Le rôle de l'Etat La foi à elle seule ne peut cependant aider à réaliser le bien-être humain. Il n'est pas réaliste de supposer que tous les individus deviendront moralement conscients parce qu’ils croient en Dieu et, partant, ils sont responsables devant Lui dans l'au-delà. En outre, même si une personne est moralement consciencieuse, elle peut tout simplement ne pas être au courant des priorités sociales dans l'utilisation des ressources. Ceci fait, il incombe à l'Etat de jouer un rôle complémentaire. Le Prophète (BSDL), dit que «Allah empêche, par le biais du souverain, les gens à faire du mal plus qu’ils ne le font par le biais du Coran."62 Le Coran est un Livre de Guidance qui contient des orientations éthiques (valeurs), il ne peut à lui seul les 61 62 Friedman, 2005. ( إن اهلل ليزع بالسلطان أكثر مما يزغ بالقرآنCīté par al-Māwardī, 1955, p. 121). “Ibn 'Ashur a justement indiqué que si la Charia n'est pas respectée par tous et ne soit pas dûment appliquée, les bénéfices attendus d’elle ne seront pas pleinement réalisés (2001, p.376), إذ ال تحصل المنفعة المقصودة منه كاملة، ً" من مقاصد الشريعة من التشريع أن يكون نافذاً في األمة وأن يكون محترمًا منا جميعا 916 بدون نفوذه و احترامه" ابن عاشور ص 35 faire respecter. C'est à l'État de le faire. Il s'agit de la responsabilité morale et juridique de l'État d'assurer la justice et le bien-être de la population. Le Prophète (BSDL) a dit: «Quiconque a eu la charge d'un peuple, mais ne le fait pas avec sincérité, il ne sentira même pas l’odeur du paradis».63 Ceci est également reflété dans les écrits d'un certain nombre de penseurs musulmans classiques et contemporains aussi. Par exemple, l'imam Hassan AlBanna a souligné que les pouvoirs publics sont au coeur de la réforme socio-économique; s'ils deviennent corrompus, ils peuvent corrompre tout, et, s'ils agissent correctement, c’est toute la société qui fonctionne bien.64 L'Etat devrait, toutefois, essayer d'accomplir ses fonctions de façon à ne pas le rendre totalitaire et despotique. La maîtrise excessive de la liberté individuelle nuirait à l’esprit d'initiative et d'innovation des individus et des groupes. A cet effet, il est impératif d'avoir des contrôles efficaces et des contre-pouvoirs institutionnels à l'État, y compris l’organe de la Choura (parlement), un système judiciaire performant, une presse libre, et des lois et règlements bien conçus. Celles-ci doivent être étayés par des mécanismes incitatifs et des dispositifs dissuasifs appropriés pour renforcer l’éthique de la société et créer un environnement favorable. Néanmoins, on ne peut échapper à la bonne éducation morale des individus afin de les motiver à faire ce qui est juste et de s'abstenir de faire du mal de leur propre gré. Plus les gens sont motivés à mettre en œuvre les valeurs Islamiques de leur propre gré, et plus les institutions financières, socio-économiques et judiciaires sont efficaces en matière de création d'un environnement propice pour la réalisation d'un ordre économique et social juste et équitable, moins le recours à l'état s'impose pour faire respecter les lois afin "ما من عبد استرعاه اهلل رعية فلم يحطها: سمعت النبي صلي اهلل عليه وسلم يقول: قال،عن معقل بن يسار رضي اهلل تعالى عنه63 ) باب من استرعي رعية فلم ينصح، كتاب األحكام،81 ص،3 ج،بنصيح ٍة إال لم يجد رائحة الجنة "( رواه البخاري Al-Bukhārī, d’après Ma‘qil Ibn Yasar, T. 9, p. 80, Kitāb al-Ahkām. وإذا صلحت صلح األمرر كلره" (مجموعرة، فنذا فسدت أوضاعها فسد األمر كله،" الحكومة وال شك قلب اإلصالح االجتماعي كله64 )211 ص،7383 ، باب مشكالتنا الداخلية في ضوءا النظام االقتصادي،رسائل اإلمام الشهيد حسن البنا Īmam Hasan al-Bannā, Majmu‘ah Rasā’il al-Imām al-Shahīd Hasan al-Bannā’' (1989), p. 255. 36 de réaliser les objectifs sociaux souhaités. En outre, plus la responsabilisation des dirigeants politiques devant le peuple s’affirme, et plus il y a d’espace pour la liberté d'expression et de pouvoir du parlement, des tribunaux et des médias dans la dénonciation et la répression des inégalités et de la corruption, plus l'Etat Islamique devient efficace pour s’acquitter de ses obligations. Un certain nombre de techniques adoptées dans d'autres sociétés pour protéger les intérêts sociaux devront peut-être être adoptées, même dans les pays musulmans, si en effet, ces techniques se sont avérées efficaces. Enrichissement de l’intellect (Aql) (Figure 4) L’intellect est la caractéristique distinctive de l'être humain et doit être enrichie afin d'améliorer continuellement la connaissance et la base technologique de l'individu lui-même ainsi que celui de sa société et de promouvoir le développement et le bien-être humain. Selon Al-Ghazali, "L’intellect est la source, le point de départ, et le fondement de la connaissance. Il produit de la connaissance, tout comme les fruits de l'arbre, la lumière du soleil, et la vue de l'œil. Si tel est le cas, alors pourquoi il ne devrait pas être honorée d'être la source de la réussite dans ce monde ainsi que l'au-delà.»65 L'importance accordée au rôle de la foi dans la réalisation de la vision islamique du développement ne signifie pas nécessairement la dévalorisation de l'intellect. La raison en est que la révélation et la raison sont comme le coeur et l'esprit d'un individu et les deux ont un rôle crucial à jouer dans la vie humaine. Aucun des deux ne peut être écarté si on souhaite réaliser le maximum de bien-être. C'est la foi qui donne la bonne direction pour l'intellect. Sans l'orientation de la foi, de l'intellect peut conduire à de plus en plus de façons de tromper et d’exploiter les gens et à la fabrication d'armes de destruction massive. Toutefois, si l'intellect nécessite la guidance de la 65 Al-Ghazali, Ihya’, T. 1, p.83. فكيف ال يشرف،والعقل منبع العلم ومطلعه وأساسه والعلم يجري منه مجري الثمر من الشجرة والنور من الشمس والرؤية من العين .)89 ص، ج ا، احياء علوم الدين،ما هو وسيلة السعادة فى الدنيا واآلخرة (الغزالى 37 foi pour agir au service de l'humanité, la foi exige également le service de l'intellect de maintenir son dynamisme, de répondre avec succès à l'évolution de l'environnement socioéconomique et intellectuel, de développer le genre de technologie qui peut accélérer le développement, en dépit de la rareté des ressources, et de jouer un rôle crucial dans la réalisation des maqāssid. Par conséquent, comme indiqué précédemment, la raison et la révélation sont à la fois nécessaires et interdépendantes. Leur utilisation harmonieuse peut conduire au développement des types de connaissances et de technologies qui peuvent promouvoir un réel bien-être humain, et non la destruction. La négligence de l'une des deux ne peut que déboucher sur le déclin. Le Coran lui-même insiste fortement sur l'usage de la raison et de l'observation (Le Coran, 3:190-91, 41:53). Cette insistance s'est reflétée dans les écrits de la plupart des savants musulmans à travers l'histoire. Par exemple, Ibn Taymiyyah (d.728/1328) a clairement souligné que la dérivation par les musulmans de leurs croyances, de leurs prières et autres à partir du Coran, de la Sunna et du consensus de la Oummah, "n'est pas en contradiction avec la raison, car ce qui est contraire à la raison c’est le faux (batil) »66 Il a en outre souligné que les gens n’apprécient peut-être pas que les textes du Coran et de la Sunna sont composés de mots et qu'il est possible pour eux de comprendre ces mots incorrectement ou de les interpréter de façon erronée. Donc, le problème se situe au niveau de l’interprétation et non pas au niveau du Coran ou de la Sunna67. Mustapha al-Zarqā, un éminent et respecté érudit de l’Islam du 20e siècle, ainsi qu'un lauréat du Prix Faysal, a également déclaré clairement qu ' «il est bien 66 ، وما اتفق عليه سلف األمة وأئمتها،فيأخذ المسلمون جميع دينهم من االعتقادات والعبادات وغير ذلك من كتاب اهلل وسنة رسوله .)431 ص،77 ج، مجموع الفتاوى، (ابن تيمية، فنن ما خالف العقل الصريح فهو الباطل،وليس ذلك مخالفاً للعقل الصريح Ibn Taymiyyah, Majmū’ al-Fatāwā, Tome 11, p. 490. 67 مجموع، فاآلفة منهم ال من الكتاب والسنة ( ابن تيمية، أو يفهمون منها معنى باطال، ولكن فيه ألفاظ قد ال يفهمها بعض الناس 431 ص،77 ج، الفتاوى (Ibn TaymIyyah, Majumū ‘ al-Fatāwā, Vol... 11, p. 490). 38 établi chez les ‘oulémas’ qu'il n'y a rien dans les croyances et règles de l’Islam qui soit en conflit avec l'intellect."68 L'accent sur les maqassid dans l'interprétation des textes Cela montre que la foi et l'intellect sont à la fois interdépendants et doivent être utilisés de telle sorte qu'ils renforcent l’un l’autre et aident à réaliser les maqassid. Sans le rôle actif de l'intellect, il n'est peut-être pas possible d'exercer l’ijtihād et d'évaluer rationnellement toutes les interprétations du Coran et de la Sunna ainsi que les verdicts du fiqh prononcés contre leur impact sur l'actualisation de la maqassid. Toute interprétation ou jugement qui n'est pas en harmonie avec les maqassid et est susceptible d'aboutir à des résultats qui peuvent nuire au bien-être humain, a besoin d'être réexaminé avec soin et soit ajusté ou rejeté catégoriquement. Cela a été souligné par un certain nombre d'éminents spécialistes de Charia. L’Imām d’al-Haramayn, Abul Ma'ālī al-Juwaynī (d.478/1085) dit que: "Celui qui ne comprend pas le devoir de sanction dans ce qui est ordonné et ce qui est interdit par la Charia ne peut pas apprécier son statut réel. »69 Cheikh Muhammad al-Tāher Ibn Achūr a également déclaré que: "La plupart des questions liées à uçūl al-fiqh (principes de la jurisprudence islamique) concernent l'obtention de jugements tirés des textes sacrés plutôt que d'être utilisées pour servir les buts ou les objectifs de la Charia".70 Le résultat déplorable de ceci est que «beaucoup de ‘Ulūm-al- 68 Mustafa al-Zarqa, Al-[-Aql wa al-Fiqh, 1996, p. 14. ص،م7336 ، العقل والفقه،"من المقرر الثابت عند علماء اإلسالم أنه ال يوجد في عقيدته وأحكامه ما يصادم العقل"(مصطفى الزرقا .) 74 69 Al-Juwayni (d.478/1085), al-Ghiyathi, 1400, Vol... 1, p. 295. 231 70 7 7411 Muhammad al-Tāhir ibn [Āshūr, Maqāsid al-Sharī‘ah al-Islāmiyyah, 2è ed. 2001, p. 166). "... ولكنها تدور حول محور استنباط األحكام من ألفاظ الشارع،"أن معظم مسائل أصول الفقه ال ترجع إلى خدمة الشريعة ومقصدها ص،2117 ،2 األردن ط، دار النفائس، تحقيق محمد طاهر الميساوي، مقاصد الشريعة اإلسالمية،الشيخ محمد الطاهر ابن عاشور .766 – 761 39 Schéma 4 Enrichissement de l’intellect (Aql) Enseignement religieux et scientifique de haut niveau et à des prix abordables Accent sur les maqassid dans l'interprétation des textes Bibliothè -ques et moyens de recherches La liberté de penser et de s'exprimer Expansion de la connaissance et du savoir technologique Valorisation de la foi, de soi-même, de la postérité et de la richesse Développement politique et Socio-économique 40 Récompenser le travail créatif Finance Diniyyah’ (sciences religieuses), y compris uçul al-fiqh, ont perdu le véritable esprit dont il a bénéficié dans les périodes précédentes. La relance de cet esprit est la tâche la plus cruciale pour la renaissance de la connaissance religieuse.»71 Besoin d’une éducation et d’un enseignement religieux de bonne qualité Mettre l'accent sur la maqāssid plutôt que simplement sur les mots dans l'interprétation des textes doit non seulement aider à rétablir le vrai éclat des enseignements de l'Islam, mais aussi à réduire les différences d'opinion, ainsi que les conflits qui prévalent, le fanatisme, l'intolérance, et l'insistance excessive sur les apparences. Cependant, un tel rôle complémentaire et harmonieux de l'intellect et de la révélation ne peut être possible sans la création dans les pays musulmans d'un système d'éducation qui combine l'enseignement des sciences modernes aux sciences religieuses et apprend les étudiants à réfléchir, à analyser et à interpréter les textes de façon rationnelle à la lumière des maqāssid en vue de restaurer le dynamisme de l'Islam et de lui permettre de faire face aux défis de la vie moderne. Il est tout à fait naturel qu’une vision du monde qui met tant d'accent sur la réforme et la promotion socio-économique des êtres humains accorde une grande importance à l'éducation. Pas étonnant que la toute première révélation du Coran dis au Prophète : «Lis, au nom de ton Seigneur …Qui a enseigné à l'homme par la plume ce qu'il ne savait pas» (Le Coran, 96: 1 -5). Même le Prophète (BSDL), a réservé une grande place à l’éducation (apprentissage) en la rendant obligatoire pour chaque musulman, homme ou femme, à rechercher le savoir, et a appris aux musulmans la supériorité du savant sur le mystique comme celle de la pleine lune sur les autres étoiles.72 Ce n'est que grâce à une combinaison de 71 Abī al-Fadl ‘Abd al-Salām (1424/2004), pp. 576-7. فقد فقدت الروح، ومنها أصول الفقه،"إن هذا الطرح لهذه القضية الجسيمة ليقوظ في النفس شعوراً قوياً بأن كثيرًا من العلوم الدينية ." وأن استعادة تلك الروح هي اليوم من أعظم الضرورات لتحقيق نهضة علمية دينية،العالية التي كانت تتمتع بها في عهودها األولى .111 – 116 ص، المكتبة اإلسالمية، القاهرة، التجديد والمجددون في أصول الفقه،أبي الفضل عبدالسالم بن محمد بن عبدالكريم 72 Les deux hadīths sont: «La quête du savoir est une obligation (faridah) pour chaque musulman», et «la supériorité du savant (alīm) sur une mystique (abid) est comme celle de la pleine lune sur toutes les autres étoiles,” (Les deux hadīths sont rapportés par Ibn Majah, le premier d’après Anas Ibn Malik et le second d’après Abu al-Darda’, T.1, pp.81, 223-224, al-Muqaddimah, Bab: 17- fadl al-‘ulama’ wa al-hathth ‘ala talab al-‘īlm). 41 l'enseignement scientifique et religieux qu’on peut offrir à la population une base solide de connaître les valeurs de la société, augmenter leurs connaissances pour leur permettre de gagner leur vie d’une manière licite (halāl) cours, et à rendre possible pour eux de contribuer pleinement au développement des sciences et des technologies et de réaliser les maqāssid. En respectant l'accent mis sur l'éducation dans le Coran et la Sunna, la littérature fiqhique a aussi fait de même. Abū Zahra, un des éminents juristes du XXe siècle, affirme qu'il est nécessaire "de former une personne, afin qu'il devienne une source de profit, et non un danger pour la société".73 Les autres obligations Cependant, l'éducation et la recherche doivent être de bonne qualité si elles sont souhaitées pour servir l'objectif d’un développement moral, matériel et technologique rapide des communautés musulmanes. Ce but peut rester un espoir difficile à atteindre si les moyens pour la recherche et les supports bibliographiques ne sont pas fournis, s’il n'y a pas de liberté de pensée et d'expression, si le travail créatif n'est pas dûment récompensé, et si les nominations et les promotions sont basées sur les affinités et les connaissances, plutôt que sur le mérite et les contributions faites à la société. Le manque de ressources financières peut être un obstacle à la promotion d'un enseignement de qualité. Toutefois, si l'éducation, la recherche et le progrès technologique sont considérés comme importants pour le développement, la corruption doit être réduite au minimum et les ressources doivent être utilisées d’une manière rationnelle autant que faire se peut (figure 4). Pour d’autres ahadiths sur le sujet, Cf. pp. 80-98. Voir aussi al-Qurtubi (d. 463/1070). Jami‘ Bayan al-‘llm wa Fadluhu, T. 1,.pp 3-63, et al-Ghazali (d. 505/1111), Ihya’, T. 1, pp. 4-82). "طلب العلم فريضة على كل: قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وســــــلم،عن أنس ابن مالك رضي اهلل تعالى عنهما قال.الحديث األول . ( باب فضل العلماء والحث على طلب العلم، المقدمة،224 رقم،87 ص،مجلدا، مسلم")ابن ماجه قال قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم" إن فضل العالم على العابد كفضل، رضي اهلل تعالى عنه،والحديث الثاني عن ابي الدرداء ( 229 حديث رقم،القمر على سائر الكواكب" ) نفس المرجع 73 Abu Zahrah, Uçul al-Fiqh, 1957, p. 350. 42 Schéma 5 Enrichissement de la postérité L'enrichissement de la postérité (Nasl) Bonne éducation, développement moral et intellectuel Mariage et intégrité familiale Besoin d'accomplissement Enrichissement de l’âme, de la foi, de l'intellect et de la richesse Développement humain durable 43 Environnement sain et propre Abri de la peur, des conflits et de l'insécurité Développement moral Aucune civilisation ne peut survivre si ses générations futures sont spirituellement, physiquement et mentalement de moindre qualité que les précédentes et ne sont donc pas en mesure de répondre avec succès aux défis auxquels ils sont confrontés. Il y a donc lieu d’œuvrer pour une amélioration continue de la qualité de la génération future, qui dépend d'un certain nombre de facteurs. L'un d'eux est le type d'éducation que les enfants sont en mesure d'obtenir. Afin de faire d'eux de bons musulmans, il est nécessaire d'inculquer en eux toutes les qualités nobles (khuluq hassan) que l'Islam exige de ses adeptes. Ils devraient apprendre à leur jeune âge à être très honnêtes, véridiques, consciencieux, tolérants, ponctuels, travailleurs, économes, polis et respectueux envers leurs parents et les enseignants, prêts à s'acquitter de toutes leurs obligations envers les autres, en particulier leurs subordonnés, les pauvres et les défavorisées, et capables de s'entendre avec les autres en paix. Education appropriée et intégrité familiale La famille est la première école pour l'éducation morale des enfants et, si cette école ne parvient pas à leur inculquer les bonnes qualités de caractère (khuluq hassan) que l'Islam attend de ses adeptes, il peut être difficile de surmonter les revers par la suite. La famille ne peut, toutefois, être en mesure d'assumer cette énorme responsabilité de manière satisfaisante que si le caractère des parents eux-mêmes ne reflète pas l'éclat des enseignements de l'Islam. Dans ce cas, ils ne seront pas capables de servir de modèles pour leurs enfants et ne seront pas en mesure de les prendre en charge convenablement et de les éduquer correctement pour devenir de bons citoyens, loyaux et productifs. En outre, il doit y avoir une atmosphère d'amour, d'affection et de quiétude au sein de la famille comme l'a souhaité le Coran (39:21). Une telle atmosphère ne l'emportera que si les parents s'acquittent de leurs responsabilités les uns envers les autres consciencieusement et amicalement. Rien ne peut être pire pour les enfants que les querelles des parents. Cette discorde pourrait déboucher sur un divorce, ce qui 44 aura un impact préjudiciable sur le développement moral, mental et psychologique des enfants.74 C'est la raison pour laquelle, même si l'Islam a permis le divorce, le Prophète (BSDL) a dit: «De toutes les choses permises par Allah, le plus méprisé par Lui est le divorce"75, et que " Mariez vous mais ne divorcez pas parce que le divorce fait trembler le trône Divin».76 Par conséquent, dans l'intérêt du bien-être des enfants, il est nécessaire d'éviter la discorde et le divorce, autant que possible, et, dans le cas où il devient inévitable, il faut tout faire pour les sauver de ses effets néfastes. Développement intellectuel En plus de l'intégrité de la famille et de la bonne éducation morale des enfants, un deuxième facteur qui est nécessaire à l'enrichissement de la postérité pour une bonne éducation est de leur fournir les compétences dont ils ont besoin pour leur permettre de se prendre en charge et de contribuer efficacement au développement moral, socio-économique, intellectuel et technologique de leur société. Pour ce faire, il est indispensable de disposer d’écoles, de collèges et d’universités de très haut niveau. C'est dans ce domaine que les musulmans ont échoué au cours des derniers siècles, après plusieurs siècles de performance louable. Par conséquent, à moins que l'éducation ne reçoive la priorité qu'elle mérite et les ressources dont elle a besoin, les pays musulmans ne peuvent pas être en mesure d'accélérer le développement et pour répondre avec succès aux défis auxquels ils sont confrontés. Le message clair hardiment écrit sur les murs est: "éducation", "éducation" et "éducation". L'éducation, cependant, ne se propage pas comme souhaité que si elle est fournie gratuitement et, si cela n'est pas possible, à un coût abordable. Sans cela, seuls les riches seront en mesure 74 Des études empiriques ont établi que les jeunes qui grandissent dans les foyers très attachés à la religion sont moins susceptibles de se livrer à des activités criminelles (consommation de drogues ou d'alcool, ou rapports sexuels pré maritaux). (Iannaccon, 1998, p. 1476; see also Bachman, et.al, 2002; Wallace et Williams, 1997; et Gruber 2005). Voir aussi, Fukuyama, 1997). 75 Cité par al-Qurtubī par Ibn ‘Umar dans son commentaire du verset 1 de la surah (al-Talāq), T.18, p. 149. قال رسول اهلل صلى اهلل عليه وسلم (إن أبغض الحالل إلى اهلل الطال ) تفسير القرطبي: قال، رضي اهلل تعالى عنهما،عن ابن عمر . في سورة الطال7 تفسير آية رقم 76 Ibid, d’après ‘Ali ibn Abi Talib )(تزوجوا وال تطلقوا فنن الطال يهتز منه العرش 45 d'offrir une éducation de qualité pour leurs enfants. Cela permettra d'intensifier les inégalités prévalant des revenus et des richesses et, à leur tour, accentuent les tensions sociales et l'instabilité. Le manque de ressources est une piètre excuse parce que l'importance cruciale de l'éducation dans le développement exige que lui soit accordée la priorité absolue, même si cela nécessite la réaffectation de ressources destinées à d'autres secteurs. Besoin d'accomplissement et environnement sain Il existe deux autres facteurs qui sont indispensables à l'enrichissement de la postérité. L'un d'eux est la réalisation de tous leurs besoins, y compris les soins, afin qu'ils soient physiquement et mentalement en bonne santé et capable de jouer efficacement leur rôle dans leur société. Le Prophète (BSDLl), a dit que "Un musulman fort est meilleur et plus aimé par Allah qu’un musulman faible ».77 Si les enfants ne reçoivent pas une nourriture adéquate ainsi qu'un environnement propre et sain et des soins médicaux appropriés, ils ne peuvent pas grandir et devenir des adultes forts et en bonne santé et ne peuvent, donc, être en mesure de contribuer efficacement dans la société, même s’ils sont de bonne moralité et sont bien éduqués. Abri contre la peur des conflits, l'insécurité et la charge du service de la dette L'autre facteur qui est aussi nécessaire à l'enrichissement de la postérité est la protection contre la peur, les conflits et l'insécurité ainsi que le fardeau du service de la dette créé par l’endettement démesuré de la génération actuelle à des fins de consommation. La peur, l'insécurité et les conflits peuvent être réduits par l'adoption d'une politique de tolérance et de coexistence pacifique. Il est également nécessaire d'allouer des ressources adéquates pour promouvoir une meilleure compréhension entre les individus et la suppression de tous les irritants. Le fardeau du service de la dette peut être réduit par l'adoption de deux mesures importantes. L'une d'elle est un changement dans le style de vie de la génération actuelle dans 77 ( المؤمن القوي خير وأحب إلى اهلل من المؤمن الضعيفIbn Majah, T. 1, p. 31:79) 46 le but de freiner sa tendance à vivre au-dessus de ses moyens. Cela permettra non seulement de réduire la dette du secteur privé, mais aussi contribuer à faire augmenter l'épargne et les possibilités d'emploi pour les jeunes. L'autre mesure qui est également indispensable est d'introduire une plus grande discipline dans le budget du gouvernement pour réduire les déficits qui conduisent à une augmentation du fardeau du service de la dette. Cela permettra également de dégager des ressources nécessaires pour assurer le progrès dans la réalisation des maqassid. Développement et expansion de la richesse (Schéma 6) La richesse est classée par al-Ghazālī et al-Shātibī en fin de liste. Cela ne signifie pas nécessairement qu'elle est la moins importante. Elle est plutôt aussi importante que les quatre autres principaux maqāssid parce que sans elle, les quatre autres peuvent ne pas être en mesure d'obtenir le genre de poussée qui est nécessaire pour assurer le bien-être général. Pas étonnant, le monachisme et l'abnégation ont été refusées par le Coran et de la Sunna. Le Coran dit: «Le monachisme qu’ils inventèrent, Nous ne leur avons nullement prescrit" (57:27). Ce sera peut-être la raison pour laquelle le Prophète (BSDLl) dit que "Il n'ya rien de mauvais dans la richesse pour celui qui craint Allah » [c'est-à-dire, s'abstient de faire du mal]78, et que «Celui qui est tué, tout en protégeant ses biens est un martyr"79 C’est peutêtre pour cette raison que la richesse (māl) a été placé immédiatement après l’âme (nafs) dans le classement des cinq maqāssid par Fakhruddīn al-Rāzī, (d.606/1209), un éminent juriste et exégète du Coran.80 La richesse est, cependant, une forme de dépôt confié par Allah et doit être développée et utilisé honnêtement et consciencieusement pour éliminer la pauvreté, satisfaire les besoins 78 Al-Bukhārī, al-Adab al-Mufrad, p. 113:301, Bāb Tīb al-Nafs. أنه ال بأس بالغنى لمن اتقى 79 "( ”من قتل دون ما له فهو شهيدShahih al-Bukhari, Kitab al- Mazalim, Bab man qatala duna malhi fahuwa shahid; et Sahih Muslim,Kitab al-Iman). 80 Al-Rāzī ,al-Mahsūl, 1997,T.5, p.160. 47 de tous, rendre la vie aussi agréable que possible pour tout le monde, et promouvoir une répartition équitable des revenus et de la richesse. Son acquisition, ainsi que son utilisation doivent être principalement agir dans le but de réaliser le maqāssid. C'est là que la foi a un rôle crucial à jouer par le biais de ses valeurs et de son système de motivation. Sans les valeurs offertes par la foi, la richesse deviendrait une fin en soi. Elle servira alors à promouvoir le manque de scrupules et à accentuer les inégalités, les déséquilibres et les excès, ce qui pourrait réduire à terme le bien-être de la plupart des membres à la fois des générations actuelles et futures. C'est pour cette raison que le Prophète (BSDL) a dit: «Misérable est l'esclave du dinar, du dirham et du velours".81 Par conséquent, la foi et la richesse sont toutes les deux très nécessaires pour le bien-être humain. On ne peut se passer de l’une ou de l’autre. Alors que c’est la richesse qui fournit les ressources qui sont nécessaires pour permettre aux individus de s'acquitter de leurs propres obligations ainsi que celles à l'égard d’Allah, des êtres humains, et de l'environnement, c'est la foi qui aide à apporter une certaine discipline et un sens de la manière de gagner et de dépenser la richesse et, partant, de lui permettre de remplir sa fonction de manière plus efficace.82 Le développement de la richesse est également indispensable pour la réalisation de l'objectif Islamique crucial de réduire au minimum les inégalités des revenus et de la richesse. A cet effet, il serait une erreur de compter principalement sur la zakāh, sadaqāt et awqāf comme mécanismes de redistribution. Bien que tous ces éléments soient indispensables, il est également important de privilégier le développement économique. Une imposition trop lourde des riches par le biais de taux excessivement élevés de l'impôt créerait une résistance de leur 81 " "تعس عبد الدينار و تعس عبد الدرهم وتعس عبدالقطيفة الذي إذا أعطى رضي و إن لم يعط لم يرضSahih al-Bukhari, Kitab alJihad wa al-Siyar. 82 C'est pour cette raison que le Prophète (BSDL) a dit: «Une personne ne sera pas en mesure de se déplacer le Jour du jugement jusqu'à ce qu'il soit questionnée sur quatre choses : sur son savoir qu’est-ce qu’il en a fait avec; sur sa vie, comment il l’a utilisé; sur sa richesse, comment il l’a gagnée et où il l’a dépensée, et sur son corps, pour qui il l’a sacrifié "(cité par Abū Yusuf, dans son Kitab al-Kharaj, p. 4) 48 Schéma 6 Développement et expansion de la richesse (Māl) (confiée par Allah)) Éducation, recherche, et amélioration de la technologie et de la gestion Suppression de la pauvreté, besoin d'accomplissement et répartition équitable Sécurité de la vie, des biens et de l'honneur Bonne gouvernance Solidarité sociale et entraide mutuelle Liberté d’entrepren dre Epargne et Investissement Valorisation de la foi, de soi-même, de l'intellect et de la postérité Bien-être (Falah) 49 Opportunités d’emploi et d’autoemploi Taux de développement optimum part, que Le Coran a été réaliste d'admettre (47:37)83. Crossland a souligné à juste titre à la lumière de l'expérience socialiste, que «tout transfert substantiel implique non seulement une baisse relative des revenus réels, mais aussi une baisse absolue des plus aisés de la moitié population… et ce qui va susciter leur frustration»84. L'expérience des pays musulmans ne peut pas être très différente même en cas de transformation moral, si le recours excessif est mis sur les méthodes de redistribution. Par conséquent, les musulmans ne peuvent pas se permettre d'ignorer le rôle du développement économique dans la réduction de la pauvreté et des inégalités. Cela nécessite le renforcement des ressources humaines par le biais d'une transformation culturelle en faveur de l'éducation, du progrès technologique, du travail dure et consciencieux, de la ponctualité, de l'efficacité, de la recherche, de la dextérité, du travail d'équipe, de l'épargne et de caractéristiques individuelles et sociales exigées par l'Islam mais qui sont actuellement relativement faibles dans les sociétés musulmanes, et qui n'ont même pas la priorité voulue à l'école et au niveau des programmes scolaires (madrassah) ainsi que les prêches au niveau des mosquées. En plus de la promotion des ressources humaines, il est également nécessaire de réorienter les politiques monétaires, budgétaires et commerciales conformément aux enseignements de l’Islam pour assurer un développement accéléré. Il ne devrait y avoir aucun scrupule à profiter de l'expérience des autres pays qui ont été en mesure d'atteindre des taux élevés de croissance d'une manière qui n'est pas en conflit avec la Charia. Pour asseoir plus de justice dans le processus de développement, il est également nécessaire de promouvoir les microentreprises pour favoriser le travail indépendant et offrir plus de possibilités d'emploi pour les pauvres. Cela ne serait peut-être pas possible sans la promotion de la formation professionnelle et de la microfinance, et de fournir l'infrastructure nécessaire et de commercialisation dans les zones rurales et les quartiers urbains défavorisés. L'expérience a montré que la microfinance basée sur l’intérêt n'a pas conduit à autant 83 Le verset dit : « S’Il [Allah] vous les réclamait importunément, vous deviendrez avares et ainsi Il ferait apparaître vos haines » (47 :37). 84 Crossland, 1974. 50 d'améliorations dans la vie des très pauvres comme souhaité. La raison en est que les taux d'intérêt réels ont atteint des niveaux élevés variant entre 30 à 45 pour cent. Cela a causé de graves difficultés pour les emprunteurs et faisant d’eux la proie d’un cycle d'endettement sans fin85. Posséder des capitaux est l'une des plus importantes bases de la création de richesses et les pauvres risquent de ne pas pouvoir s’en sortir, même s’ils ont les compétences nécessaires s’ils n'ont pas accès aux capitaux. Par souci humanitaire, il est donc important de fournir la microfinance aux très pauvres, sans intérêt bien sûr. Cela nécessite donc l'intégration de la microfinance au niveau des institutions de la zakāh et du waqf.86 Pour ceux qui en ont les moyens, il y a lieu de vulgariser les modes de financement participatifs, de ventes et de location et location-vente islamiques. CONCLUSION Ainsi, on peut constater que l'Islam a mis l'accent sur toutes les composantes du bienêtre humain, y compris l’âme, la foi, l'intellect, la postérité et la richesse avec toutes ses corollaires. Ces maqassid (buts) sont tous interdépendants et servent de soutien l’un à l'autre. En assurant progressivement la valorisation et l'enrichissement de ces maqassid, il peut être possible à l'étoile à cinq points de l'Islam de briller de tout son éclat et d'aider à réaliser le bien-être humain réel (figure 7). C'est alors seulement qu'il sera possible pour le monde musulman de refléter ce que le Coran dit sur le prophète (BSDL): «Et Nous ne t’avons envoyé qu’en bénédiction pour l'univers» (Le Coran, 21:107) 85 86 Cf. Ahmad, 2007, pp. xvii – xix et 32. Cf. Rapport annuel de l’Institut islamique de recherche et de formation (2007). 51 Schéma 7 Le bien-être humain : La lumière de Muqāsid al- Charī’ah FOI (DĪN) INTELLECT (‘AQL)) ÂME (NAFS) RICHESSE (MĀL) POSTÉRITÉ (NASL) La seule concentration sur le développement économique avec la négligence des autres conditions préalables à la réalisation de la vision islamique du monde peut permettre au monde musulman d'avoir un taux relativement plus élevé de croissance à court terme. Toutefois, il peut être difficile de le maintenir dans le long terme en raison d'une montée des inégalités, de la désintégration de la famille, de la délinquance juvénile, de la criminalité et l'agitation sociale. Ce recul peut se propager progressivement à tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale par effet de causalité, soulignée par Ibn Khaldun 52 (d.808/1400) dans sa Muqaddima,87 et en fin de compte conduire à un nouveau recul de la civilisation arabo-musulmane pour perdurer dans le gouffre dans lequel elle s’y trouve déjà suite à des siècles de déclin. 87 Pour une analyse du modèle de la causalité circulaire d’Ibn Khaldūn, voir Chapra, 2000, pp. 145-159 53 REFERENCES Abū Dāwūd al-Sijistānī (1952), Sunan Abū Dāwūd (Cairo: ‘Isa al-Bābī al-Halabī). Abu Yūsuf, Ya’qūb ibn Ibrāhīm (d. 182/798), Kitāb al-Khāraj (Cairo: al-Matba’ah al-Salafiyyah, 2è ed., 1352 AH). Ce livre a été traduit vers l’anglais par Ben Shemesh A. (1969), Taxation in Islam, Vol.3, (Leiden: Brill). Ahmad, Khurshid (1980), Studies in Islamic Economics (Leicester, UK: The Islamic Foundation). 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