Elf et Port-Gentil (Gabon)

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Elf et Port-Gentil (Gabon)
Networks and Communication Studies
NETCOM, vol. 14, n° 3-4, 2000
p. 267-282
Elf et Port-Gentil (Gabon)
Michel Mbadinga1
Résumé.— L’implantation des entreprises multinationales interagit avec la structuration des territoires
quelles que soient les échelles prises en compte. S’il est généralement admis que l’organisation spatiale
des firmes est fortement influencée par la hiérarchie spatiale et les positions relatives d’accessibilité
physiques, économiques et sociales, surtout pour ce qui est des régions industrialisées, les entreprises
multinationales peuvent aussi, avec l’aide des collectivités territoriales, contribuer à développer certains
espaces, quelles investissent, attirant, par effet d’osmose, d’autres entreprises. Cette hypothèse s’est
vérifiée dans le cas du Gabon, à travers notamment l’exemple de la société Elf. Mais, au delà de son
apport sur l’aménagement de la ville de Port-Gentil, cette dernière a parallèlement contribué non
seulement à perpétuer un modèle de développement basé sur l’exportation d’une ressource naturelle,
mais aussi à maintenir une occupation spatiale urbaine héritée de la colonisation.
Mots clés.— Multinationales, aménagement, territoire, développement, ville.
Abstract.— The establishment in a territory of multinational companies interacts, at whatever level one
takes into account, with that territory’s infrastructural development. If it is generaly admitted that these
firms’spatial organisation is heavily influenced by a spatial hierarchy and by relative physical,
economic and social accessibility, multinational companies can also, with the aid of local governing
bodies, contribute to the development of certain areas, where they put in place an infrastructure thereby
attracting other companies by an osmosis effect. This hypothesis is verified in the case of Gabon, and
notably by the exemple of Elf. But beyong its effects upon the planning of the tawn of Port-Gentil, this
latter has equally helped not only to perpetuate a development model based on the export of a natural
resource, but also to maintain a form of spatial occupation inherited from the colonial period.
Keywords.— Multinational company, development,
INTRODUCTION
À l’extrême ouest du Gabon, entre 0°30 à 1°30 de latitude Sud et 8°30 à 9° de
longitude Est, s’étend l’Île Mandji1. La péninsule, longue de quinze kilomètres, a
une largeur moyenne de six kilomètres. C’est un immense banc argilo-sableux bas
d’environ 4 097,18 hectares, ouvert à la fois sur l’Océan Atlantique et sur la baie du
Cap Lopez qui reçoit les eaux de l’Ogooué, le plus grand fleuve navigable du
1. L’auteur prépare actuellement un doctorat de géographie “Mutations spatiales”, à l’Université
de Montpellier III ; membre associé de l’équipe d’accueil GEMS, CNRS, UMR ESPACE.
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Gabon. C’est aussi une étendue étonnamment plate, formée par la mangrove et les
plaines amphibies du bassin sédimentaire du Gabon, dont le sous-sol est imprégné
d’hydrocarbures.
D’abord appelée Abendja puis Cap Lopez vers la fin du XVIIIe siècle, la presqu’île n’a porté le nom de Port-Gentil qu’en 1902, en souvenir d’Emile Gentil,
administrateur français, fondateur du point d’escale pour bateaux. Ce village qui
existait depuis près de trois siècles s’est véritablement développé à partir de la
venue des Portugais, puis des Français.
La ville ne tarda pas à devenir un grand centre d’exportation, grâce aux
filiales des entreprises multinationales, pour la plupart liées aux principales
richesses naturelles, le bois et le pétrole. De ces deux ressources, c’est à l’exploitation pétrolière que plusieurs auteurs lient l’organisation et l’aménagement de la
ville de Port-Gentil. Mais, comment comprendre les mécanismes de développement de cette ville sans au préalable avoir une idée de son histoire même ?
LE PORT :
FONDEMENT ANCIEN DE LA PROSPÉRITÉ DU « VILLAGE » DE PORT-GENTIL
Port-Gentil doit à sa position d’être devenu le principal lieu d’enlèvement du
bois et du pétrole. Au débouché du système deltaïque de l’Ogooué, sa rade, protégée de la houle d’ouest, offre un vaste plan d’eau propice au chargement des
grumes descendues par le fleuve. À l’origine, le port est un débarcadère, simple
plage où l’on tire les pirogues et où flotte au large un mât et un ou deux pavillons
français. Par la suite, les avantages d’un port accessible aux navires attirent l’attention des autorités coloniales, à cause des conditions particulièrement favorables à
la création d’une ville portuaire, telle la présence d’une baie abritée. Le littoral
oriental est un vaste plateau à ventilation satisfaisante, et peu marécageux, contrairement au reste de l’île. En outre, sa situation dans le delta du fleuve Ogooué (baie
du Cap Lopez) en fait un centre d’échange, débouché important de l’arrière-pays.
1910 voit l’escale de Port-Gentil s’équiper d’un wharf en béton de 200 mètres
de long, sur 20 mètres de large, reposant sur des piliers en fer. L’équipement se limite
à trois hangars à marchandises jumelés, un atelier et un caboteur pour le transbordement. La ville de Port-Gentil couvre à ce moment-là une dizaine d’hectares ; la population autochtone (environ 200 habitants) s’entasse dans la zone de la plaine, dans
des cases en écorce de bois. Autour du wharf vivent les populations européennes.
Dans ce secteur, deux rues ont été tracées, amorçant un plan en damier.
1. « Mandji » est le nom donné à un grand arbre par les pêcheurs Orungu. Ces derniers avaient
dressé leurs cases près de cet arbre géant qui servait aussi de point de repère aux vaisseaux navigant
aux alentours de l’île. De là, serait venu le nom de « l’Île Mandji », qui désigne la région de l’Ogooué
Maritime, dont fait partie la ville de Port-Gentil (BOUSSOUGOU G., 1981, p. 5).
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En 1912, le père Clain, administrateur colonial de l’époque, est attiré par les
vertus apparentes d’une essence forestière abondante : l’okoumé, aux qualités
techniques riches et avantageuses. La prospérité due à ce bois va ainsi profiter à
tout le pays, l’immense bassin de l’Ogooué en renferme des quantités considérables ; le fleuve dans sa partie navigable sert à acheminer par milliers de tonnes les
grumes d’okoumé vers Port-Gentil, port d’embarquement. Un port pour le bois est
aménagé en 1940, et une société française de bois s’installe. La ville en profite et
s’agrandit. Parallèlement, l’agglomération atteint 3 000 habitants, dont plus de la
moitié reste attachée aux activités de bois.
Au lendemain de 1942, la prospérité du commerce nécessite à Port-Gentil,
comme d’ailleurs dans la plupart des escales de fleuve, la réalisation d’un ouvrage
permettant l’accostage direct des navires. Le conflit mondial qui secoue le globe
rend impossible la bonne marche des travaux. Il faudra attendre seize ans plus tard
pour que la ville de Port-Gentil se voit dotée d’un port-môle2.
LES NOUVELLES TRANSFORMATIONS ISSUES DE L’EXPLOITATION PÉTROLIÈRE
Pour mieux comprendre l’histoire pétrolière du Gabon, il est nécessaire de
remonter aux années 1920. C’est à partir de 1928 que les premières missions géologiques ont été organisées, principalement dans la zone couvrant le bassin sédimentaire (Bouquerelle, 1967). Pour la plupart, ce n’étaient que des missions de
reconnaissance. La toute première, américaine, avait pour but de déterminer la
valeur pétrolière du bassin sédimentaire gabonais.
Les Français prirent la relève avec le Service des Mines de l’Afrique équatoriale française (AEF), qui avait mission de prospecter la région. La mission de 1932
révéla la présence d’indices superficiels d’hydrocarbures dans la partie centrale du
bassin sédimentaire. Et c’est l’abondance des indices recensés par les diverses
missions qui a conduit à créer, en 1934, un Syndicat d’études et de recherches
pétrolières. Toutefois la prospection pétrolière débute vraiment après la seconde
guerre mondiale, avec la constitution de la Société des pétroles de l’Afrique équatoriale française (SPAEF), le 1er juillet 1949.
En 1960, avec l’accession du Gabon à l’indépendance, la SPAEF devient la
Société des pétroles d’Afrique équatoriale (SPAFE). La fin des années 1960 et le
début des années 1970 vont être marqués par d’autres changements structurels ; ELF
SPAFE est créée en 1968 et devient ELF Gabon en 1973. L’histoire pétrolière d’Elf est
d’ailleurs souvent assimilée à celle de l’urbanisation de la ville de Port-Gentil.
2. Ce denier est resté le même jusqu’à ce jour. Long de 216 mètres, il permet l’accostage des
chalands d’un tonnage maximum de 200 tonnes, et de remorqueurs dont le tirant d’eau ne dépasse pas
3 mètres. Le quai dispose de 6 250 m2 de terre-plein de stockage et 4 473 m2 de hangars. Quant à l’ancien wharf, à proximité du port-môle, il est en ruines ; cependant, chaque matin, il est utilisé par les
populations pour la vente à la criée du poisson à peine débarqué des pirogues.
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Carte 1.— Localisation des principaux gisements pétroliers
En définitive, de ce qui est aujourd’hui Port-Gentil, deux périodes distinctes
sont souvent retenues (Djeki, 1985). La première se situe entre 1912 et 1956, avec
la découverte de l’okoumé et des bois divers dans l’immense bassin de l’Ogooué.
C’est dans ce contexte précis d’ailleurs, que prit naissance l’industrie du déroulage
et de la transformation du bois. La seconde commence en 1956. Elle se caractérise
par de nouvelles richesses révélées par les gisements pétroliers découverts dans
son sous-sol. C’est à partir de cette deuxième période que nous prendrons appui
pour tenter d’illustrer l’influence exercée par la société Elf dans le développement
de la ville de Port-Gentil.
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LA MISE EN PLACE D’INFRASTRUCTURES DE BASE
Une forte influence sur l’espace bâti
Dès les premières missions sismiques, confrontée à un problème de maind’œuvre locale, la mission de Prospection de Pétrole en AEF entreprenait de vastes
campagnes de recrutement d’ouvriers à travers les provinces environnantes. La
ville de Port-Gentil ne disposait pas de véritables structures d’accueil ; dès 1957,
elle entreprit un programme de construction de logements destinés aux agents de
catégories “employés ouvriers”, “agents de technique hautement qualifié” et
“agents techniciens supérieurs” ; programme qui a débouché sur la mise en place
des lotissements de Roger Buttin en 1957-1958, de la Mosquée, de Namina,
d’Otando en 1958, de Satom et de Savonnerie, en 1969. Puis c’est l’édification des
logements d’Akosso (1973), de Roger Buttin (entre 1979 et 1992) et de Matanda
(1975).
Ainsi, depuis 1956, près d’une dizaine de cités ont été construites par Elf
Gabon, et environ 600 logements ont été mis à la disposition des agents (toutes
catégories confondues) de la société. Au-delà de ce programme de construction de
logements, Elf-Gabon a également marqué le territoire de la ville de Port-Gentil
dans la mise en place d’infrastructures socio-économiques indispensables au
démarrage de l’industrie pétrolière.
L’occupation territoriale à travers la mise en place d’infrastructures économiques.
Les infrastructures propres aux activités de l’entreprise
Les investissements d’Elf à ce niveau reposent essentiellement sur la mise en
place et l’équipement de certains sites pétroliers, le terminal du Cap Lopez, la station
de Clairette, et la société gabonaise de raffinage restent une illustration en la matière.
Au nord de l’Île, le terminal pétrolier du Cap Lopez, inauguré en avril 1957,
lors de la mise en production des premiers champs pétroliers Ozouri et Pointe Clairette, est le point de convergence d’un réseau de pipe-lines marins et terrestres. Sa
situation avancée dans l’océan Atlantique en fait un véritable port pétrolier au
tirant d’eau de 18 m en moyenne. Les installations du terminal, qui ont subi des
mutations successives, occupent de nos jours presque toute la pointe du Cap
Lopez et se composent de grosses cuves de stockage à toit flottant. Relié par quatre
pipe-lines aux divers sites de production, ce terminal gère deux qualités d’huile : le
Mandji, mélange provenant des centres de production en mer (Batanga, N’Tchengué,
Clairette) et le Rabi light provenant de Rabi Kounga, Coucal et Avocette.
La station de Clairette, située à l’ouest de l’agglomération urbaine de PortGentil, est la station de collecte la plus importante de la région. Les « sea-lines »
d’Anguille-Nord-Est et des différents puits continentaux s’y greffent.
La station de N’Tchengué, n’est plus opérationnelle, mais reste cependant au
centre d’un réseau de conduites de plus de 100 km. Située au sud de Port-Gentil
elle recevait à la fois le brut offshore et on shore des champs du Sud-Ouest atlantique. Viennent aussi se greffer à cette station les pipe-lines continentaux de
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Brême, Batanga, Ozouri et Mbéga. Bien qu’étant fermée pour des raisons économiques, ses installations ont encore un rôle secondaire de transit du brut.
Outre ces équipements Elf-Gabon s’est attelé à mettre en place quelques
unités industrielles, telles que : la Société Gabonaise de raffinage (SOGARA), créée
en 1967 pour approvisionner le Gabon et les pays limitrophes en produits finis, qui
a une capacité annuelle de production de 800 000 tonnes ; ou encore celle de Pizo,
créée en 1976, qui distribue une partie des produits pétroliers de la SOGARA, le
reste l’étant par les sociétés Elf Oil, Fina, Mobil Oil, Texaco et Total.
Confrontée, depuis quelques années, à de nombreuses difficultés liées en
partie à ses activités, Elf Gabon en collaboration avec la Société nationale Elf Aquitaine (SNEA) et les autorités gabonaises ont mis au point une nouvelle politique de
développement économique et social basée sur la « provision »3. C’est donc à ce
titre que d’autres infrastructures ont vu le jour.
Les équipements destinés à l’amélioration des conditions de vie des populations
Bien avant 1976, l’approvisionnement de Port-Gentil en produits maraîchers
dépendait presque en totalité de l’extérieur. Cette dépendance a été accentuée par
l’exode rural des population de l’intérieur du Gabon, et la modification des habitudes alimentaires des citadins. Port-Gentil connaissait de ce fait d’importants
problèmes de ravitaillement en légumes frais, faute de disposer d’un sol propice à
l’agriculture. Afin de faire cesser cette dépendance, un programme d’étude des
cultures maraîchères est mené conjointement par la société Elf-Gabon et le gouvernement gabonais en 1972. Celui-ci a débouché, dès 1976, sur la création d’une unité
de cultures maraîchères en hydropomie à Port-Gentil : Agripog. Cette structure a mis
en place des cultures de pleine terre sur une superficie de 7 ha, en utilisant un
engrais organique, la « drêche », provenant des déchets de la Société des brasseries
de l’Ogooué maritime (SBOM). Bien que le niveau actuel de production d’Agripog
ne lui permette pas d’exporter, cette unité a conquis un marché de plus en plus
étendu. Créée uniquement pour satisfaire les besoins alimentaires des occidentaux
vivants à Port-Gentil, Agripog alimente en partie les populations installées dans les
provinces de l’Ogooué maritime et de l’Estuaire.
Dans le souci d’équiper la ville d’infrastructures touristiques, un hôtel de standing moyen a été construit, muni d’un restaurant, d’un bar et d’une salle de banquet
pouvant contenir une centaine de personnes. Il est également un lieu de rencontre
3. Depuis 1974, les avenants aux conventions d’établissement passées entre l’État gabonais et
les entreprises pétrolières et minières prévoient que ces dernières constitueront chaque année une
provision égale au maximum au dixième de leur chiffre d’affaires. Les sommes ainsi dégagées permettront aux sociétés Elf Gabon et Elf Aquitaine d’effectuer des investissements ou de s’engager financièrement soit dans des domaines où elles possèdent une compétence particulière, soit dans d’autres
activités industrielles faisant appel aux hydrocarbures comme source d’énergie, ou comme matière
première ; soit enfin, dans des projets sans liens directs avec le pétrole, mais qui contribueraient au
développement économique et social du Gabon.
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culturel, d’animation et de promotion. Des expositions, à l’image de celle de la Pierre
de Mbigou4 ou de celle de broderie artisanale y sont organisées. Plusieurs autres
réalisations ont vu le jour, notamment dans le domaine de la santé et de la culture,
grâce aux investissements d’Elf Gabon ou de la « Fondation Elf Gabon » 5.
UNE ACTIVITÉ PÉTROLIÈRE AUX EFFETS MULTIPLES
De faibles effets d’entraînement sur la création d’emplois directs
Le secteur pétrolier, selon la classification de la Direction générale de l’Économie et des études statistiques, regroupe les secteurs « pétrole et forage » et « électricité et raffinage ». Entre 1989 et 1993, par exemple, le total des effectifs de ces
derniers étaient de 4 872 employés pour l’année 1989 ; 4907, pour l’année d’après ;
4 626 pour 1991 ; 4 397 et 4 310 pour les deux dernières années. Pour la même
période, les effectifs de Elf-Gabon s’élevaient à 764 pour la première année ; 834
pour la deuxième et la troisième année ; 880 pour la quatrième et 884 en ce qui
concerne la dernière. En dépit d’une hausse presque constante de sa production
pétrolière6, l’activité pétrolière d’Elf Gabon à l’exception du tertiaire, n’a entraîné
qu’un effet très limité sur la création des emplois (Mbadinga, 1996). Le tableau 1
retrace les effectifs des grands secteurs d’activité au Gabon de 1989 à 1993, et fait
ressortir de manière significative la part de Elf-Gabon dans le total des effectifs du
secteur pétrolier.
Une intense activité de sous-traitance (tableau 2)
La sous-traitance, encore appelée impartition, est de plus en plus impliquée
dans toute analyse industrielle. Elle interfère également avec l’analyse des espaces
urbains (tissu mixte, habitat-industrie notamment). Cerner le plus précisément
possible ce phénomène revêt donc le plus grand intérêt, d’autant plus que ses
répercussions sont souvent sensibles à l’échelle d’une agglomération ou d’une
4. Ville située au sud du Gabon, très connue par sa célèbre pierre, aux vertus sculpturales.
5. La Fondation Elf existe depuis 1982. Reconnue d’utilité publique, elle regroupe toutes les
activités de mécénat du Groupe Elf dans une structure juridiquement autonome, distincte de ses activités économiques. Les actions de mécénat portent principalement sur la santé, l’éducation, la culture,
C’est dans ce cadre que s’inscrit la création de l’hôpital des grandes endémies de Port-Gentil. Inauguré
le 14 octobre 1994, cet hôpital est un centre de soins préventifs et curatifs. D’une surface de 915 m2, il
comporte deux parties : 540 m2 sont réservés à l’hôpital proprement dit, avec 44 lits, dont 4 destinés aux
malades contagieux, et 275 m2 qui font office de dispensaire et de base de départ pour les campagnes
mobiles de vaccination.
6. En 1957 la production pétrolière réalisée par Elf est estimée à 84 000 tonnes. En 1972, elle
s’élève à plus de 3,5 millions de tonnes. En 1975, elle va plus que doublée (7,5 millions de tonnes).
Malgré une baisse inéluctable constatée en 1985 (due en partie à l’épuisement de ses principaux puits
tels Grondin, Avocette ou Coucal), ramenant sa production au plus creux (4,5 millions de tonnes), cette
société affiche des taux de production presque constants depuis cette même années (52,1 millions de
barils en 1994 ; 53,2 en 1995 ; 52,6 en 1996 et 52,6 millions de barils en 1997, soit 6,3 millions de tonnes).
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Secteurs d’activité
1989
1990
1991
1992
1993
Agriculture
2 216
2 300
2 323
2 410
2 205
Pétrole, Forage
2 346
2 420
2 298
2 167
2 049
Mines
2 588
2 580
2 392
2 251
2 245
Industries Bois.
5 872
5 814
4 858
4 442
4 665
Ind. agro-alimentaire-Boissons
4 619
4 464
3 775
3 574
3 483
Autres industries
2 758
2 830
2 594
2 491
2 285
Électricité - raffinage
2 526
2 487
2 328
2 230
2 261
BTP
3 990
3 991
4 622
3 877
3 664
Transports
9 596
9 562
9 362
9 649
9 617
Services
7 925
7 443
7 413
8 397
8 763
Commerce
5 975
5 547
5 195
5 047
4 777
Banque. Assurances
2 292
2 297
2 082
2 122
2 087
52703
51735
49242
48657
48101
TOTAL
Tableau 1.— Effectifs par grands secteurs d’activité au Gabon.
Source : Tendances de l’économie gabonaise, Direction Générale des Statistiques et des Études
Économiques (DGSEE). Février 1995.
région (Bakis, 1977). L’industrie pétrolière, comme c’est souvent le cas de la
plupart des activités minières, se caractérise par sa propension à concentrer autour
d’elle un nombre important de sociétés aux activités diverses et complémentaires.
Elf Gabon, ne pouvant à elle seule assurer en totalité les besoins de sa mission, a
fait appel à des entreprises sous-traitantes qui réalisent une grande partie des
opérations de recherche, de développement des gisements ou d’entretien des
infrastructures. Leur nombre est très important compte tenu des spécificités relatives à leur domaine d’intervention. Eu égard à la complexité de son activité, l’implantation de la société Elf à Port-Gentil a eu un double effet sur son
environnement : effets d’entraînement d’une part, et effet de ralentissement de
l’autre. Les effets d’entraînements ont joué au profit des activités avales. Constituant un pôle de croissance, l’industrie pétrolière a entraîné de facto la création
d’autres industries liées à son fonctionnement (Effets centripètes). Les effets de
ralentissement ou centrifuges, ont été observés par le fait que l’activité de la société
a constitué un véritable facteur d’attraction et de concentration.
Des flux migratoires caractérisés par un important brassage de main-d’œuvre : une
main-d’œuvre locale très hétéroclite
Depuis le démarrage de cette activité, des immigrants gabonais ont afflué
vers Port-Gentil, attirés par le développement du port et de cette activité. De
nombreux villageois sont venus avec l’espoir de trouver en ville des conditions de
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Activités
Sociétés
Ferronnerie - soudure
Forage
Sismique
Gardiennage
Transport Fluvial et maritime
Transport terrestre
Électricité
Électronique
SEMTS * STS
Anadrill, Dowel, Sedco
Schlumberger
SGS
Damen
Buzzicheli
Diet - man, SOGEC
SNEF
Tableau 2.— Exemples de soustraitance autour de l’activité
pétrolière d’Elf Gabon en 1996.
Source : Enquêtes réalisées par
l’auteur.
vie moins difficiles et des salaires plus élevés que ceux des chantiers forestiers.
Très variée, cette population s’est rassemblée par groupes ethniques, augmentant
ainsi le nombre de quartiers et la densité de la ville de Port-Gentil. L’intense
concentration d’entreprises autour de l’industrie pétrolière a eu entre autres conséquences l’afflux massif des populations étrangères, européennes et africaines, dans
le cadre d’entreprises privées d’assistance technique (carte 2). La croissance de la
population a entraîné de facto celle du secteur commercial, se traduisant par un
développement tous azimuts du commerce de gros et de détail et, par voie de
conséquence, l’extension de la zone commerciale et industrielle de la ville.
Le pétrole : un rôle de levier et des effets inflationnistes sur les activités
commerciales
Jusqu’aux années 1930, deux éléments caractérisent singulièrement PortGentil : la séparation très nette entre ce qu’il est convenu d’appeler la « ville européenne » et la « ville africaine ». Rues, boulevards et quartiers sont, à cette époque,
inexistants nonobstant les quelques sentiers sablonneux et tortueux, impraticables
en saison des pluies. La requête exposant les besoins en routes et quartiers des
populations adressée à l’administration coloniale de l’époque, occasionne le lancement des travaux des premiers quartiers, que sont la Mosquée et le Grand village.
La plupart des fonctions, tant commerciales qu’administratives localisées dans un
premier temps au sein de la ville européenne vont ainsi, d’une manière progressive, se propager à travers ces derniers. En effet, les marchés constituent au sein
des agglomérations africaines, des éléments dynamiques de la vie des populations.
Ce sont généralement des pôles d’attraction à partir desquels toutes les activités
commerciales traditionnelles s’organisent.
Jadis cantonnée à la zone du littoral, la fonction commerciale va très vite
s’étendre à travers les quartiers de la ville. Port-Gentil est de nos jours doté de trois
grands marchés : le Marché de la ville (le plus ancien de tous), le marché de la
Balise et le Marché du Grand Village. Dans ces différents marchés une activité
commerciale intense s’est développée. Cela se remarque au nombre grandissant
d’étals aussi bien temporaires que permanents. Les étals permanents sont surtout
ceux des ressortissants étrangers (principalement Béninois et Togolais) qui
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N
1 000 personnes
0
200 km
3 000 personnes
source : Mairie de Port-Gentil
5 000 personnes
carte réalisée par Michel Mbadinga
Carte 2.— Flux migratoires vers Port-Gentil en 1968
vendent essentiellement au détail divers produits importés. Les Gabonais, pour
leur part, opèrent en grande partie sur les étals temporaires de poissons, de
bananes, de taros et autres produits de consommation courante. Dans les
boutiques qui se sont multipliées le long des routes, les ressortissants sénégalais et
maliens contrôlent l’essentiel du bazar. Évidemment, les Européens et les SyroLibanais restent propriétaires des marchés de grandes surfaces, spécialisés dans la
distribution des biens d’équipement.
Mais le poids du pétrole dans la vie économique de cette commune, conjugué
à la croissance exponentielle de sa population et à la rareté des produits alimentaires
de base (due principalement à la situation insulaire de la ville) ont entraîné des
conséquences très connues qualifiées de « mal néerlandais » (Barro Chambrier, 1990).
Le niveau très élevé des salaires du secteur pétrolier a engendré une inflation telle
que Port-Gentil est considérée comme la ville la plus chère du Gabon. Cette situation
s’est accentuée à partir de 1994, avec la dévaluation du franc Cfa.
L’étude comparative de prix de quelques denrées de consommation
courante faite à Libreville et Port-Gentil en 1996, en est une illustration de cette
situation. De ce tableau il ressort que les prix des denrées alimentaires sont nette-
ELF ET PORT-GENTIL (GABON)
Désignation
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Libreville Port-Gentil
1 kg de viande
1 500
1 kg de poisson
1 200
1 poulet
1 500
1 paquet de 6 œufs
700
1 plaque de beurre de 250 g
650
1 Régime de bananes
3 000
1 Sac de taros
12 000
1 paquet de manioc (10 bâtons) 1 500
2 000
2 10
2 000
800
850
7 000
30 000
4 000
Tableau 3.— Prix (en francs
Cfa) de quelques denrées
alimentaires à Libreville et à
Port-Gentil en avril 1996.
Source : Enquêtes réalisées par
l’auteur.
ment supérieurs à Port-Gentil. Pour certains d’entre eux le rapport entre les deux
villes va du simple au double. Plusieurs raisons expliqueraient cette situation ; la
plus importante serait liée à l’effroyable augmentation de sa population urbaine au
détriment de celle de la zone rurale voisine, jadis source d’approvisionnement de
la ville. Le ravitaillement de Port-Gentil en produits vivriers étant désormais assuré
en grande partie par les provinces environnantes (le Moyen Ogooué, la Nyanga et
la Ngounié principalement), les coûts de transport liés au manque d’accessibilité
de ces zones ont favorisé une hausse croissante des prix, et le développement d’un
« marché noir » des produits de consommation courante.
L’aménagement des zones industrielles : l’exemple de la zone industrielle et
portuaire de la Pointe Clairette
La ville de Port-Gentil bénéficie d’excellentes prédispositions naturelles
d’une ville portuaire. Si cette ville voit son escale s’équiper dès 1910 d’un wharf en
béton, ou encore une intensification de son activité portuaire, grâce à une dissémination des ports (le port d’Elf Gabon en 1946, le môle de la CFG en 1949, le port
pétrolier du Cap Lopez en 1956, celui de SOGARA en 1964), ses infrastructures
portuaires sont restées, jusqu’à une date encore récente, très obsolètes.
L’activité portuaire ne se caractérise en fait que par une série de môles d’appontements, répartis entre le secteur privé et public. Le quai du secteur public s’allonge sur 136 mètres et présente plus de deux hectares de terre-pleins, mais en
bordure du quai le tirant d’eau ne dépasse pas 2,5 mètres, ce qui ne permet pas aux
navires et aux cargos d’accoster. Quant au domaine privé, il reste constitué par
plusieurs wharfs que la société des bois du Gabon et les entreprises industrielles ont
aménagés, et dont nous avons fait état précédemment (le Cap Lopez, véritable port
pétrolier, avec réservoirs et pipe-lines ; les navires pétroliers de 40 000 t en moyenne,
viennent jusqu’à 20 m environ de la côte et sont chargés par des chalands).
Face à toutes ces limites la construction d’un véritable port de commerce (tel
celui de Clairette) devenait une nécessité pour cette ville maritime à vocation
portuaire. L’aménagement de cette zone, au regard des rudes conditions topographiques et climatiques de la ville de Port-Gentil, reste un exemple en matière
d’aménagement. En effet, cette zone a été conquise sur les marécages et la forêt de
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palétuviers, il a fallu plus de 2 500 000 m3 de sable. Elle offre de grands terrains
susceptibles d’être loués par des industries. L’infrastructure portuaire y occupe
110 ha et comprend un quai de commerce de 375 m de long fondé à 11 m, offrant
2 portes à quai-cargos, un quai de pêche de 277 m, 6 000 m2 d’entrepôts, 3 500 m2
de terre-pleins destinées au stockage, 120 lecteurs de zone industrielle.
La réalisation de tous ces ouvrages, mis en service en 1976, a été possible
grâce aux concours de grosses sociétés industrielles de la place, notamment ElfGabon. En dehors de la raffinerie de pétrole installée dans cette zone depuis 1967,
on note la présence de quelques industries comme PIZOLUB pour l’industrie
chimique, SOGAFUTS pour la fabrique des fûts d’emballage, les ateliers de chaudronneries, de soudure et de construction métallique (SEMTS), etc. Limitée au nord
par la raffinerie et au sud par la CFG, cette zone industrialo-portuaire deviendra,
suivant l’orientation qu’on voudra lui donner en matière d’aménagement urbain, le
principal espace industriel de Port-Gentil.
L’influence sur les réseaux de télécommunication
Les télécommunications, particulièrement le téléphone, ont longtemps été
considérées dans bien des pays en voie de développement comme des produits de
luxe, et non comme des moyens d’aménagement du territoire7. Jusqu’à une date
récente, il était réservé au Gabon à de hautes personnalités politiques, des cadres
africains, ou à quelques agents de catégories socioprofessionnelles moyennes8.
Toutefois, au-delà des efforts réalisés par les autorités gabonaises en vue d’équiper
cette ville d’infrastructures de communication modernes, pour répondre aux
besoins d’efficacité de son activité, Elf a mis en place un réseau de communication
lui permettant non seulement de renforcer ses structures internes et internationales
en matière d’emplois, de processus de prise de décision, de cohésion et de décentralisation de ses activités (Bakis, 1979), mais aussi d’ouvrir la ville de Port-Gentil sur
le reste du monde. En effet, un réseau satellite dénommé « AFSAT » 9 relie la France
au continent africain. Ce réseau privé de télécommunications a été développé par le
groupe Elf Aquitaine Production. Il relie le Gabon et le Cameroun à Pau, par le
satellite Intelsat, situé au-dessus de l’Océan Indien, à la verticale de l’équateur.
AFSAT a été conçu pour la sécurité et la transmission rapide des données. Sur le
plan technique, la capacité spatiale d’Intelsat avait été loué à France Télécom pour
7. Les télécommunications peuvent être facteurs de désenclavement et donc d’indépendance
dans le développement économique des zones isolées. Elles peuvent aussi avoir un effet structurant
dans l’espace. Le rôle fondamental joué par les télécommunications dans le développement économique, social et l’aménagement du territoire d’un pays n’est plus étrange, mais plutôt réel et considérable, surtout dans les pays en voie de développement (Nzenbélé, 1988).
8. En 1983, par exemple, on n’enregistrait qu’un millier d’abonnés à Port-Gentil ; pourtant l’enclavement de l’île aurait dû fortement contribuer à l’extension du réseau téléphonique (Djeki, 1985).
9. http ://www.sv.cict.fr. L’Afrique et les réseaux.
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la partie française, et à Rascom, groupement d’opérateurs africains, pour la partie
Golfe de Guinée.
La station maîtresse d’émission-réception française permet un débit total de
224 kilobits par seconde (kbps), supportant simultanément 128 kbps de données,
et 9 voies téléphoniques et fax pour les liaisons avec le Gabon ; la liaison avec le
Cameroun, de 128 kbps, permet d’obtenir simultanément 64 kbps pour les
données et 6 voies téléphoniques et fax. Vu le taux de disponibilité, estimé à 99 %,
d’autres filiales du groupe prévoient de s’y raccorder une fois les problèmes réglementaires levés.
CONCLUSION : L’IMPLANTATION D’ELF GABON DANS LA VILLE DE PORT-GENTIL :
QUELLE INFLUENCE VÉRITABLE SUR L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ?
L’homme occupe l’île Mandji depuis plusieurs siècles. Le passage des Portugais en 1473 a laissé des traces, notamment dans la toponymie. Quelques années
plus tard, cette bande de terre passe sous la domination des Français, après un
traité conclu entre Ntchengue, le roi des Orungu (populations autochtones), et
l’amiral Le Couriaut du Quilio. Le 6 août 1873, l’île devient propriété de la France
jusqu’à la proclamation de la République du Gabon, le 28 novembre 1958 (Boussougou, 1981).
Si, comme nous venons de le voir, des transformations profondes liées à
l’utilisation du sol de cette île et des techniques de production ont, au fil des
années, affecté le paysage urbain, tout ceci ne s’est pas fait sans limites. En effet
bien que l’industrie pétrolière constitue un pôle de développement de la ville, elle
est devenue progressivement une force d’inertie dans la mesure où les entreprises
exerçant dans ce domaine n’ont pas réussi à attirer d’autres types d’industries. Les
seules activités qui se sont développées sont celles du tertiaire (commerce et
services). En outre, a été favorisée la mise en place d’un modèle de développement et d’occupation de l’espace hérité de la période coloniale.
En 1946, l’île Mandji a la forme d’un éventail ouvert, du côté ouest, sur le
littoral occidental. Près du littoral, un canal creusé par les populations, probablement comme douve de sécurité pour les premiers Européens, partage nettement la
ville en deux parties. Dans sa partie orientale, la ville s’était installée le long de la
baie du Cap Lopez, selon un schéma commun aux villes coloniales et aux « villes
relais » implantées sur les côtes.
L’occupation de l’espace, dans tous les cas n’est pas continue. Elf Gabon,
alors SPAEF, timidement installé à la Pointe Akosso, tourne le dos aux scieries de la
Société équatoriale des bois, au sud de l’île. Du môle Elf au wharf administratif, tout
le littoral est jonché de billes de bois de toutes sortes, attendant d’être chargées dans
les cales des navires en rade. Autour du wharf, sont disposés entrepôts, magasins et
villas. On retiendra l’image d’une ville coloniale adossée à la zone commerciale et
administrative, avec un habitat pavillonnaire blotti sous les palmiers.
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Isolée des quartiers européens par le canal et une sorte de zone neutre, la
ville africaine, dense et très émiettée, se développe dans un plan presque géométrique, s’organisant autour de trois avenues principales (les avenues de Libreville,
de l’Indépendance et celle du Gouverneur général Éboué). Lorsque le Gabon
célèbre son indépendance, le 17 août 1960, Port-Gentil présente au terme de deux
siècles d’occupation française, un visage urbain qui correspond à sa physionomie
actuelle, basée sur la ségrégation des quartiers.
Malgré l’apparition d’une « zone tampon », occupée par la nouvelle « bourgeoisie africaine », la physionomie urbaine reste la même, avec le littoral où sont
installés les industries et les hommes d’affaires européens ; et, à l’opposé (précisément à l’ouest de la ville), s’étend la trame des quartiers africains, véritables réservoirs de main-d’œuvre, aux équipements modernes réduits.
Le cadre économique actuel et futur de la ville de Port-Gentil reste étroitement lié à l’avenir du bois et à celui du pétrole. L’élan initial de sa croissance économique date des exportations du bois, et son accélération récente du résultat de
l’injection d’énormes quantités de capitaux dans les activités de recherches pétrolières, et des recettes qui en ont découlé. Si l’île devait continuer à compter sur le
pétrole et le bois, ses perspectives de croissance seraient peu favorables, vu le
caractère non renouvelable de ces ressources. Quels seraient alors les secteurs d’activité qui pourraient maintenir les populations et le haut niveau de vie de cette ville ?
En outre, l’espace industriel, à Port-Gentil, n’a pas de limites véritables. Les
zones industrielles urbaines s’égrainent sur le littoral Est, du sud au nord, tantôt
noyées dans la ville, parfois isolées et nettement individualisées par leurs architectures (comme la Société nationale des bois du Gabon, ou encore la Société gabonaise de raffinage). Toutes les industries se disputent en réalité une parcelle de
terre sur la côte, compte tenu de la situation de proximité qu’offre cette zone avec
la métropole.
L’aménagement du territoire se définit comme une action et une pratique qui
visent à disposer avec ordre, à travers l’espace d’un pays, d’une ville, voire même
d’un quartier, grâce à une vision prospective, les hommes et leurs activités, les équipements et les moyens de communication qu’ils utilisent, tout en prenant en
compte les contraintes naturelles physiques, humaines, économiques et stratégiques. Cette action d’envergure est généralement impulsée par les pouvoirs publics
et suppose une planification spatiale ainsi qu’une mobilisation des différents acteurs
(populations, entreprises, élus locaux, administration) (Merlin, Choay, 1996)
Vu sa place de « plaque tournante » dans l’économie du Gabon, et aussi dans
une perspective d’après pétrole, la mise en place d’un véritable tissu industriel
(Mainet, 1976) et d’un plan d’aménagement qui prendrait en compte toutes les
composantes et spécificités de la ville de Port-Gentil, reste une nécessité pour un
développement durable de cette dernière.
ELF ET PORT-GENTIL (GABON)
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