Texte 3 – L`Assommoir – Zola – XIXe - Geert

Transcription

Texte 3 – L`Assommoir – Zola – XIXe - Geert
Texte 3 – L'Assommoir – Zola – XIXe
Extrait du chapitre 7
Quelques notes
•
Comme Degas, Zola est convaincu que le peuple rejoint l'animal
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La nourriture est l'un de mythes majeurs du cycle des Rougon-Macquart
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Nombreux repas dans cet ouvrage : la noce, la communion de Nana, le dernier repas de
Goujet et Gervaise (ultime adieu, chapitre XII)
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Symbolique du chiffre 13 : 13 chapitres, 13 convives
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Chapitre central, clef de voûte qui montre l'aboutissement des rêves de Gervaise. Elle est
au sommet de son ascension sociale, sa chute va suivre
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Retour au Mont de Piété pour payer le vin
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Importance de l'onomastique
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Narrateur omniscient
Menu
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Potage aux pâtes d'Italie
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Pot au feu
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Blanquette de veau, champignons
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Épinée de cochon, pommes de terre
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Pois au lard
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Oie
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Fromage blanc
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Gâteau de Savoie avec côtes de melon
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Fraises au sucre
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Café
Question
Quelle est l'importance de ce plat dans le festin organisé par Gervaise ?
Introduction
Émile Zola, né en 1840 et mort en 1902, est le chef de file du mouvement naturaliste. Après des
études secondaires à Aix-en-Provence puis à Paris, il commence à écrire.
Parmi ses romans, figure la série des Rougon-Macquart ou « l'histoire naturelle et sociale d'une
famille sous le Second Empire », composée de 20 volumes. L'Assommoir, le 7e, retrace la vie de
Gervaise, l'héroïne, petite fille du contrebandier Macquart et d'Adélaïde Fouque.
Abandonnée par Lantier avec ses deux enfants, elle a épousé Coupeau, donné naissance à une fille
et ouvert une boutique de blanchisseuse. Dans le chapitre 7, chapitre central, Gervaise organise un
grand repas pour sa fête le 19 juin. Le plat principal, l'oie tant attendue arrive enfin sur la table.
Lecture
Annonce
Cette oie, à la fois animal et symbole, est dévorée plus que mangée par les convives dont les
relations sont mises en évidence. Pour répondre à la question « Quelle est l'importance de ce plat
dans le festin organisé par Gervaise ? », j'étudierai trois axes :
1. Une fête populaire
2. Les relations entre les personnages
3. La symbolique de cet extrait
I – Une fête populaire
Pour décrire les convives en train de manger, le narrateur utilise le vocabulaire du langage
populaire de l'époque et le comportement animal des convives.
A – Le langage populaire des convives
Il envahit tout et se retrouve à tous les niveaux, comme, pour commencer, au niveau du lexique.
En effet, nous pouvons relever les mots « s’être […] collé » (l. 3), « gloutonne » (l. 7-8), « bâfrer » (l.
17), « gésier » (l. 17), « englouti » (l. 19), « décrottait » (l. 33), « bouffé » (l. 37), « crâner » (l. 38),
« gueuleton » (l. 44), « joliment godiche » (l. 44-45) ou encore « les bedons » (l. 46).
On retrouve également des jurons comme « Ah ! nom de Dieu ! » (l. 42) ou « les sacrés goinfres ! »
(l. 48) et des maximes populaires, par exemple « Quand on y est, on y est, n'est-ce pas ? » (l. 43).
Nous pouvons aussi remarquer la présence d'intensifs qui permettent de montrer la démesure
populaire : « si » (l. 10 et 50)n « tout » (l. 16), « trop » (l. 9 et 30), « assez comme ça » (l. 29).
Le discours indirect libre, enfin, permet de se rendre compte de la démesure populaire à travers
une impression de réel.
B – Le comportement animal
Nous pouvons dès à présent affirmer que l'onomastique rappelle le comportement animal et
déshumanise les convives, notamment chez Mme Lerat et Mme Putois.
Le comportement de Gervaise aux lignes 4 et 5, associé à la comparaison « gloutonne comme une
chatte » (l. 8-9) et à la dimension d'animalité protectrice envers Bru fait d'elle la chef de meute.
Elle n'est pas la seule au comportement animal. Le père Bru est « abêti » (l. 16) et est décrit
comme possédant un « gésier » (l. 17). Mesdames Lerat, Boche et Putois grattent les os et maman
Coupeau en arrache la viande.
Coupeau, pour affirmer sa puissance, s'enfonce « un pilon entier dans la bouche » (l. 38).
Personne n'utilise de couverts, tout le monde déchire l'oie et racle les couverts.
Transition
Ce comportement, les échanges de paroles ou de regards, mettent en évidence les relations entre
les différents personnages.
II – Les relations entre les personnages
Cette société voit son comportement évoluer au cours du repas et les relations entre les différents
personnages sont parfois explicites et parfois implicites.
A – Les relations explicites
Certaines relations sont évidentes. Ainsi, chacun adopte un comportement de gourmet et de
connaisseur. Les dames veulent par exemple toutes de la carcasse, car « la carcasse, c'est le
morceau des dames » (l. 21-22).
On remarque également un relatif respect des codes de savoir-vivre : Gervaise donne de bons
morceaux au père Bru, qui mange par mimétisme, sous l'influence de Gervaise, et chacun donne
sa peau à Virginie. Le fait que cette dernière mange autant provoque d'ailleurs chez son mari,
Poisson, un évident mécontentement, qui provoquera à son tour la colère de Coupeau.
B – Les relations implicites
Gervaise est honteuse devant Goujet, signe de la relation amoureuse platonique qu'elle entretient
avec lui.
Les Lorilleux mangent de rage, par vengeance par rapport à la prospérité de Gervaise. Cela nous
est rappelé par l'utilisation du surnom méprisant de Gervaise, la « Banban » (l. 20).
Clémence, dans sa façon de manger, invite Boche à tenter de la séduire. Elle se tord également de
rire, ce qui montre sa vulgarité. Boche n'est pas insensible au charme de sa voisine.
Coupeau veut montrer qu'il est le plus fort, alors qu'il est en réalité stupide.
Transition
Non seulement ce repas est un moment de fête pendant lequel se retrouvent les différents
personnages, mais il est aussi porteur de symboles.
III – La symbolique de cet extrait
La fête et l'oie sont porteuses d'une importance symbolique.
A – La symbolique de la fête
Cet extrait montre la cohésion d'un groupe reconstitué le temps d'une fête, l'intégration des
exclus — Les Lorilleux — et des marginaux — le père Bru — dans la vie active, on observe une
véritable dimension de pardon.
Cette fête représente également une illusion d'égalité avec les bourgeois, qui sont soumis aux
mêmes besoins et assouvissent leur frustration en la compensant avec la nourriture. Les visages
des ouvriers sont comparés, à la fin de cet extrait, à des derrières de gens riches.
Les excès alimentaires traduisent les privations quotidiennes de ces gens peu fortunés, c'est une
forme de revanche.
L’importance de cette fête symbolise l'importance de Gervaise dans ce quartier. Son pouvoir se
retrouve dans le fait qu’elle est « énorme » (l. 4). Manger, c'est tuer l'autre, mais c'est aussi se tuer
soi-même : ils mangent jusqu'à s'en faire éclater le corps (« Ils pétaient dans leur peau » à la ligne
47).
B – La symbolique de l'oie
On a l'impression d'assister à un repas cannibale tellement cette oie rappelle les personnages. En
effet, chacun mange le morceau qui la désigne.
Gervaise est grasse et est symbolisée par l'oie, c'est comme si elle s'offrait en pâture à ses
ouvriers.
La peau que mange Virginie peut rappeler l’altercation qui l'a jadis opposée à Gervaise.
Coupeau mange le pilon, ce qui rappelle sa jambe cassée.
Clémence mange le croupion, allusion à sa légèreté.
Mesdames Lerat, Boche et Putois ressemblent à des vautours qui mangent les dernières miettes de
la prospérité de Gervaise.
On a l'impression que les invités ne mangent pas seulement l'oie mais aussi Gervaise et sa
boutique.
Conclusion
Tous se retrouvent symboliquement réintégrés à la vie active. De plus, la démesure de ce repas
donne l'illusion de l'égalité avec les bourgeois. C'est la seule richesse, l'un des seuls plaisirs
possibles et éphémères du monde ouvrier.
Ouverture
•
Les cannibales de Montaigne
•
suite du livre
•
autres éléments du menu, autres repas
•
Zola, les Rougon-Macquart
•
Réalisme, naturalisme
•
Repas mondains
•
peinture réaliste

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