La motivation des étudiants infirmiers lors des travaux dirigés

Transcription

La motivation des étudiants infirmiers lors des travaux dirigés
UFR SCIENCES DE L’HOMME ET
DE LA SOCIETE
Département de Sciences de l’Education
MASTER METIERS DE LA FORMATION,
PARCOURS INGENIERIE ET CONSEIL EN FORMATION
Mémoire
La motivation
des étudiants infirmiers
lors des travaux dirigés
Préparé sous la direction de Nicolas GUIRIMAND
Présenté par Sophie BIDAULT COLOMBEL
N° 21208108
septembre 2013
0
Remerciements
Je remercie mon Directeur de mémoire, Nicolas GUIRIMAND, pour l’aide qu’il m’a apportée
tout au long de ce travail et pour le chemin qu’il m’a permis de parcourir.
Je tiens à remercier toutes les personnes de l’IFSI Mary Thieullent du Havre qui ont été
présentes :
Madame DUBOIS-JAYOT, directrice de l’institut de formation pour l’intérêt qu’elle a porté à
mon travail et pour les échanges riches que nous avons pu avoir,
Madame Karina AKROUR, directrice adjointe, pour ses conseils, son aide précieuse et ses
encouragements qui m’ont permis de persévérer,
Mesdames Françoise LEMAIRE et Katherine GIGUET, coordinatrices pédagogiques, pour
leur soutien sans faille, leur aide et leurs conseils,
Mesdames et messieurs les formateurs de l’équipe pédagogique, pour leur attention.
J’adresse une pensée particulière aux équipes pédagogiques et aux étudiants des deux instituts
de formation qui se sont rendus disponibles et qui m’ont accueillie chaleureusement lors de
mon enquête.
Je n’oublie pas mes fidèles amis, pour les rares moments partagés, mais qui m’ont permis de
me ressourcer.
Et un grand merci à ma famille sans qui rien n’aurait été possible, pour sa présence, sa
patience, ses encouragements et pour ce que chacun à su me donner pour que ce projet
devienne réalité.
1
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
P. 03
I.
P. 04
LE CADRE CONTEXTUEL
I.1. La formation en soins infirmiers
I.2. Le contexte de notre recherche
I.3. Notre mission
I.4. De nos questionnements à la question de recherche
II.
LE CADRE CONCEPTUEL
II.1. Les apprentissages
II.2. La motivation
II.3. L’approche pédagogique et la posture du formateur
III.
LA PROBLEMATIQUE ET LES HYPOTHESES
III.1. Du questionnement à la problématique
III.2. Les Hypothèses
IV.
L’ENQUETE
IV.1. La population enquêtée
IV.2. Le terrain d’enquête
IV.3. La méthodologie d’enquête retenue
IV.4. L’échantillonnage
IV.5. Le déroulement de l’enquête
LA PRESENTATION ET L’ANALYSE DES DONNEES
V.
V.1. La méthode d’analyse retenue
V.2. L’analyse longitudinale
V.3. L’analyse transversale
V.4. La discussion des résultats
VI.
LA VERIRICATION DES HYPOTHESES
P. 04
P. 09
P. 11
P. 13
P. 13
P. 13
P. 18
P. 23
P. 32
P. 32
P. 32
P. 32
P. 32
P. 33
P. 33
P. 34
P. 36
P. 37
P. 37
P. 38
P. 66
P. 78
P. 82
VII. LES PRECONISATIONS
P. 83
VIII. LE REGARD CRITIQUE
P. 85
CONCLUSION
P. 87
ANNEXES
2
INTRODUCTION
Le monde de la santé présente des transformations majeures. En effet les progrès
technologiques et médicaux, le vieillissement de la population, l’accroissement du nombre des
personnes atteintes de polypathologies créent des nouveaux besoins en matière de santé. Par
ailleurs, face aux restructurations des établissements hospitaliers et au « déficit chronique en
personnel de santé, notamment médicaux (…) la Haute Normandie a défini quatre priorités
d’action d’ici 20151 ». Une de ces priorités est de développer la collaboration des
professionnels de santé en référence à la loi du 21 janvier 20092. En effet, dans ce contexte, la
coopération des professionnels de santé apparaît comme incontournable et justifie une
harmonisation des formations3.
De plus, l’enseignement supérieur s’inscrit dans un espace européen conformément au
processus de Bologne, dont l’objectif est de permettre la reconnaissance des enseignements
dispensés tout en facilitant la mobilité et les échanges entre les établissements. Ainsi, « Les
systèmes d’éducation et de formation en Europe devraient être suffisamment compatibles
pour que les citoyens puissent passer de l’un à l’autre et profiter de leur diversité4. »
C’est dans ce contexte que l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’infirmier
inscrit la formation en soins infirmiers dans le système universitaire Licence, Master,
Doctorat conformément aux accords européens, et conduit les étudiants à l’obtention d’un
diplôme d’Etat et d’un grade Licence.
La formation des étudiants infirmiers repose sur le principe de l’alternance entre des
apprentissages théoriques à l’IFSI5 et des expériences cliniques en stage. Nous constatons une
attirance des étudiants pour les expériences cliniques auprès des personnes soignées, mais un
enthousiasme plus modéré pour les apprentissages dits « théoriques » et en particulier pour les
séances de travaux dirigés, au sein de l’institut de formation. Toutefois, les étudiants doivent
apprendre à transférer les connaissances acquises d’un milieu à un autre pour construire leurs
compétences. Le référentiel vise à développer l’autonomie chez les étudiants et octroie une
place importante pour les travaux dirigés au sein de la formation. Cette modalité pédagogique
se trouve à l’interface entre la théorie et la pratique pourtant, elle reste peu investie par les
étudiants au sein de l’IFSI du Havre. En effet ces derniers expriment leur manque d’intérêt
1
URL <http://www.ars.haute-normandie.sante.fr/index.php?id=128598>, Consulté le 22/02/2013.
LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, JORF n°0167 du 22
juillet 2009 page 12184, texte n° 1, art 51.
3
Berland Yvon (2008), La formation des professionnels pour mieux coopérer et soigner, rapport de mission.
4
Programme de travail détaillé sur le suivi des objectifs des systèmes d’éducation et de formation en Europe. Journal Officiel des
Communautés européennes du 14 juin 2002.
5
IFSI : lire Institut de Formation en Soins Infirmiers
2
3
pour les travaux dirigés et les formateurs, qui ont suivi une formation sur les méthodes
pédagogiques actives, déplorent le manque de motivation des étudiants lors de ces séances,
sans toutefois modifier leurs pratiques.
Nous tenterons donc, à travers ce travail de recherche, à objectiver ce phénomène et à cerner le
manque de motivation des étudiants infirmiers à participer aux séances de travaux dirigés afin
d’identifier les facteurs pouvant être à l’origine des comportements observés. Ainsi nous
construirons notre travail autour de cette question de recherche : Comment expliquer le
manque de motivation des étudiants à participer aux travaux dirigés au sein de l’institut de
formation en soins infirmiers ?
Dans un premier temps nous analyserons le contexte de notre recherche pour ensuite
développer un cadre théorique destiné à mieux cerner notre thématique. Nous pourrons alors
poser notre problématique et envisager des hypothèses. Nous présenterons et analyserons les
résultats de l’enquête réalisée. Nous pourrons, alors, valider ou non les hypothèses posées et
ouvrir des perspectives.
I.
Le cadre contextuel
I.1. La formation en soins infirmiers
L’arrêté du 31 juillet 20096 s’est accompagné du premier référentiel de formation de cette
profession et porte la durée des études à trois années.
I.1.1.
Le programme de formation
Le programme de la formation infirmière s’organise autour d’un référentiel d’activités, d’un
référentiel de compétences et d’un référentiel de formation. Ainsi la formation est pensée à
partir du champ professionnel. Toutefois, « les référentiels d’activités et de compétences du
métier d’Infirmier diplômé d’Etat ne se substituent pas au cadre règlementaire […] il s’agit
de décrire les activités du métier, puis les compétences7 ».
I.1.1.1. Le référentiel de formation
Cros et Raisky (2010) définissent le référentiel comme « un construit social qui clarifie les
normes d’une activité ou d’un sens donné à des systèmes sociaux […] le référentiel est un
outil de médiation normatif permettant aux activités humaines de s’y référer pour étudier un
écart ou des différences8. » La notion de qualité est introduite par la conformité de la
6
7
8
Arrêté du 31 juillet 2009 modifié relatif au diplôme d’Etat d’infirmier, BO Santé – Protection sociale – solidarité n° 2009/7 du 15 août 2009
Ibid, p. 258
Cros Françoise, Raisky Claude (2010), « Autour des mots de la formation – Référentiel », Recherche et Formation, n° 64, p. 107.
4
formation par rapport au référentiel. Par ailleurs il renvoie également à l’uniformisation de la
formation des infirmières sur l’ensemble du territoire national.
Ce référentiel9 définit la finalité de la formation. Ainsi « L’étudiant est amené à devenir un
praticien autonome, responsable et réflexif, c’est-à-dire un professionnel capable d’analyser
toute situation de santé, de prendre des décisions dans les limites de son rôle et de mener des
interventions seul et en équipe pluri professionnelle10. » De plus il décline les principes
pédagogiques, la durée de la formation, et développe les contenus théoriques à aborder. En
effet, les contenus sont organisés en unités d’enseignement. Le référentiel précise pour
chacune des unités, le semestre sur lequel se déroulent les apports théoriques, les pré-requis
nécessaires, la ou les compétence(s) sur laquelle ou lesquelles s’appuie l’unité
d’enseignement, le nombre d’heures de cours magistraux et de travaux dirigés à réaliser, et
évalue un nombre d’heures de temps personnel nécessaire. Les objectifs sont clairement
définis, les éléments de contenus sont listés, les modalités d’évaluation et les critères
d’évaluation sont imposés, ainsi que le nombre d’ECTS11 obtenus lors de la validation de
l’unité. Des recommandations pédagogiques déterminent l’axe à retenir pour aborder chacune
des unités d’enseignement. Ainsi le référentiel « joue le rôle de système de référence12. »
Dans ce cadre de référence, l’individualisation de la formation peut-elle prendre tout son
sens ? L’étudiant est attendu acteur, c’est un adulte en formation, mais dispose-t-il d’un
espace de décision et d’expression de ses propres objectifs ?
Cros et Raisky (2010) considèrent le référentiel comme « un repère pour un groupe social
susceptible par la suite de prendre des décisions et de faire des choix par rapport à cette
mesure acceptée communément13. » il appartient donc à l’équipe pédagogique de donner vie à
ce référentiel.
La formation doit permettre aux étudiants de devenir des infirmiers compétents, capables de
s’adapter rapidement à leur environnement de travail, ainsi « le nouveau programme de
formation qui permet la validation d’une licence professionnelle s’adapte à cette nouvelle
donne du monde du travail où la compétence apparaît incontournable14 ».
ANNEXE I : Le référentiel de formation, Annexe III, arrêté du 31 juillet 2009 modifié relatif au diplôme d’Etat d’Infirmier, pp. 275-284.
Ibid, p. 275.
11
ECTS : lire Européan Credit Transfert Systèm (système européen de transfert de crédit)
12
Figari Gérard (1994), Evaluer : quel référentiel ? Bruxelles, De boeck, p. 45.
13
Cros Françoise, Raisky Claude (2010), Op cit p. 107.
14
Romans-Ramos Valérie, Histoire de la formation professionnelle infirmière, Sciences Croisées n° 9, p. 5.
9
10
5
I.1.1.2. L’approche par compétence
Les trois années de formation s’organisent à partir de dix compétences qui se déclinent en
quarante six unités d’enseignements et six unités dites d’intégration. « Les compétences sont
rédigées en terme de capacités devant être maîtrisées par les professionnels et attestées par
l’obtention du diplôme d’Etat15. » En effet « ce n’est que par l’action que la compétence se
met à jour16 » précise Ardouin (2004).
Il nous faut clarifier la notion de compétence. Pour Perrenoud (1999) la compétence est « une
capacité d’action efficace dans une famille de situations qu’on arrive à maîtriser parce qu’on
dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient
en temps opportun pour identifier et résoudre de vrais problèmes 17. » Pour Ardouin (2004)
« la compétence est la formalisation d’une dynamique complexe, d’un élément structuré de
savoirs (savoirs, savoir faire, savoir être, savoir agir, savoirs sociaux, et culturels, savoirs
expérientiels), mobilisés de manière finalisée et opératoire dans un contexte particulier. La
compétence est la résultante socialement reconnue de l’interaction entre l’individu et
l’environnement18. »
Dans le cadre de notre recherche, nous pouvons donc envisager la compétence comme le
résultat de la mobilisation pertinente des différents savoirs construits par l’étudiant lors de sa
formation et sa capacité à s’adapter aux situations auxquelles il est confronté afin d’agir de
façon adaptée.
« Les capacités sont associées à un contenu qui relève souvent d’un savoir codifié dans des
programmes d’études19 ». Ainsi la compétence repose sur différentes capacités.
L’étudiant construira ses savoirs, développera ses capacités et ses compétences entre deux
milieux distincts mais complémentaires, l’institut de formation et les services de soins. La
formation des étudiants infirmiers repose sur le principe de l’alternance.
I.1.1.3. Les travaux dirigés
Basée sur une alternance, cette formation comprend 2 100 heures de stage et 1 800 heures
d’enseignement en institut. Les travaux dirigés occupent une place importante dans la
formation, en effet, 1050 heures, des apprentissages se déroulent sous cette forme à l’institut.
Le référentiel définit, d’ailleurs, cette modalité pédagogique, comme un temps à présence
15
ANNEXE I, p. 258.
Ardouin Thierry (2004), Pour une épistémologie de la compétence, In JP Astolfi (sous la dir.), Savoirs en action et acteurs de la formation,
Rouen, Publication de l’université, p. 38.
17
Perrenoud Philippe (1999), « construire des compétences tout un programme ! », entrevue avec Philippe Perrenoud, propos recueillis par
Luce Brossard, Vie pédagogique, n° 112, p. 16.
18
Ardouin Thierry (2004), op. cit, p. 45.
19
Jonnaert Philippe (2002), compétences et socioconstructivisme, Bruxelles, De boeck, p 54.
16
6
obligatoire et précise que « ces cours servent à illustrer, approfondir et compléter un cours
magistral en introduisant des données nouvelles qui peuvent être théoriques ou pratiques, à
réaliser des exposés, exercices, travaux divers et à travailler sur des situations cliniques20. »
L’analyse des situations cliniques permet trois niveaux d’apprentissage. En effet, l’étudiant
devra Comprendre, pour Agir, et être capable de Transférer.
Ces activités se déroulent en groupe de vingt cinq étudiants maximum et doivent permettre de
réaliser une formation au plus près des besoins des étudiants, visant l’individualisation des
apprentissages.
I.1.2.
Les étudiants en soins infirmiers
La formation en soins infirmiers est une formation professionnelle post-baccalauréat.
L’étudiant infirmier entreprend une démarche de formation professionnelle. « Il ne vient pas
suivre une formation pour changer personnellement mais pour acquérir les compétences
nécessaires à l’exercice de la profession21. » Les dernières statistiques22 relatives à la
formation des professionnels de santé nous permettent d’identifier une population étudiante
infirmière à 83,9 % féminine et jeune, 74 % des étudiants ont entre 20 et 23 ans. Toutefois la
tranche d’âge des étudiants se situe entre 17 et 40 ans. Les promotions sont constituées à
88,1 % de jeunes issus de l’enseignement secondaire général ou technologique qui découvrent
la vie étudiante. Toutefois, 15,3 % des étudiants, plus âgés, exerçaient une activité
professionnelle auparavant. Pour certains, la formation s’inscrit comme une réorientation
professionnelle, pour d’autres, comme une évolution professionnelle dans le domaine de la
santé. Ainsi, les étudiants en soins infirmiers constituent une population hétérogène en termes
de parcours, d’âges, de besoins, de représentations et de projets.
L’étudiant est considéré, en institut de formation, par les formateurs, comme un adulte dont
le projet professionnel est de devenir infirmier. Le référentiel de formation en soins infirmiers
place l’étudiant comme l’acteur principal de la construction de son savoir. L’apprenant doit
être acteur de sa formation, ce qui pose la question de sa motivation dans la construction de
ses apprentissages.
I.1.3.
Les formateurs en soins infirmiers
La fonction soignante, au cours de l’histoire, a longtemps été occupée par des femmes qui
n’avaient bénéficié d’aucune formation. En 1878 deux écoles professionnelles, à la Salpetrière
20
ANNEXE I, p. 275.
Plenchette Michel (1992), « Les nouvelles relations enseignants étudiants », Soins Formation Pédagogie Encadrement, n°1, p. 61.
22
Jakoubovitch Steve (2012), la formation aux professions de la santé en 2010, document de travail, série statistique n°165, Direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
21
7
et à Bicêtre, ouvrent leurs portes sans toutefois rendre la formation obligatoire. La fonction de
surveillante était, à cette époque, assurée par des religieuses. Le terme de monitrice fait son
apparition en 1907 pour désigner les infirmières reconnues compétentes dans leur activité
auprès des malades et donc choisies pour s’occuper des élèves et leur transmettre leurs savoirs.
Ce n’est qu’en 1951 que la Croix Rouge Française crée la première formation de monitrice
permettant l’obtention du certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmière monitrice (CAFIM).
Ce certificat ne sera reconnu qu’en 1960.
Puis, en 1992, un nouveau programme de formation des études va s’accompagner de certains
changements. En effet, les écoles d’infirmières laissent place aux Instituts de Formations en
Soins Infirmiers qui accueillent non plus des élèves mais des Etudiants comme le précise le
programme de formation. Les monitrices deviennent, alors, des formatrices mais il faudra
attendre 1995 pour que le certificat devienne le diplôme de cadre infirmier. En 2001, le corps
des cadres de santé est décrété et la formation est sanctionnée par le diplôme de cadre de santé.
Depuis 1995, le terme de formateur est donc utilisé. La formation des cadres est
« polyvalente : elle forme aux fonctions de cadre de santé exerçant à la fois dans les services
médicaux et dans les IFSI23. » Noël-Hureaux (2005) affirme que les formateurs dans les IFSI
sont reconnus comme formateurs d’une discipline ou d’une pratique avant d’être perçus
comme formateurs d’adultes. L’auteur relève l’importance « de permettre l’accès à la vie
professionnelle des futurs diplômés par la mise en contact rapide avec leurs futurs pairs,
facilitant la transmission des codes et des valeurs d’une profession24 ». Toutefois, les
formateurs peuvent être considérés comme dépassés par un milieu soignant qui évolue très
vite. Comme le précise Boutinet (1994) « le formateur n’est pas exclusivement un
enseignant25 », selon lui le professionnel doit prendre de la distance par rapport à son activité
soignante pour développer un savoir professionnel.
Ainsi, Les formateurs sont des infirmiers diplômés d’Etat, qui ont exercé au moins quatre
années en service de soins, et ont suivi la formation de cadre de santé ou font fonction de
cadre formateur. Différents questionnements s’imposent à nous : comment les formateurs
réinvestissent-ils leurs propres expériences professionnelles dans la formation des étudiants au
sein de l’IFSI ? Peuvent-ils transposer l’accompagnement qu’ils réalisaient en service de soins
auprès des étudiants et en particulier lors des travaux dirigés ? Comment le cadre formateur
23
Noël-Hureaux Elisabeth (2005), « quelles perspectives pour les formateurs en soins infirmiers ? », Education Permanente, n°165, p. 191.
Ibid., p.193.
25
Boutinet Jean Pierre (1994), être professionnel et enseigner par dessus le marché… Fontainebleau, conférence CEIEC-CEFIEC.
24
8
développe-t-il les savoirs nécessaires à la conception et la mise en œuvre des modalités
pédagogiques lors des travaux dirigés ?
I.2. Le contexte de notre recherche
I.2.1.
L’institut de Formation en Soins infirmiers du Havre
L’IFSI est administrativement rattaché au Groupe Hospitalier du Havre, et est subventionné
par le conseil régional de Haute Normandie pour son fonctionnement et ses équipements.
L’Etat « détermine les programmes de formation, l’organisation des études, les modalités
d’évaluation des étudiants ou élèves. Il délivre les diplômes 26 », la tutelle pédagogique est
assurée par l’Agence Régionale de Santé de Haute Normandie qui est chargée « du suivi des
programmes et de la qualité de la formation27 ». Le Président du Conseil Régional, après avis
du Directeur de l’Agence Régionale de Santé délivre un agrément pour cinq ans28.
L’institut assure la formation de 170 étudiants infirmiers par année de formation. Deux
concours sont organisés et conduisent à accueillir 110 étudiants sur les promotions de
septembre, 60 étudiants sur les promotions de février. Cette double rentrée répond aux besoins
des établissements de santé locaux en matière de gestion des ressources humaines. L’institut
accueille également 60 élèves aides-soignants, et 20 élèves auxiliaires de puériculture. Par
ailleurs les étudiants et les officiers de la marine marchande suivent des sessions de formation
initiale et de recyclage au sein de l’établissement.
Notre recherche portera sur la formation des étudiants en soins infirmiers. Nous nous tournons
maintenant, vers l’équipe pédagogique chargée de cette formation au sein de l’IFSI du Havre.
I.2.2.
L’équipe pédagogique
L’équipe est placée sous la responsabilité de la directrice de l’IFSI. La directrice adjointe est
plus particulièrement chargée de l’ingénierie des formations et de la pédagogie menées au
sein de l’institut. Comme l’illustre l’organigramme fonctionnel29, l’équipe pédagogique, qui
assure la formation infirmière, compte 22 formateurs et 3 coordinatrices, chacune responsable
d’une année de formation.
Au Havre, les formateurs sont recrutés par la directrice de l’institut au regard de leur parcours
professionnel, de leurs motivations et de leur intérêt pour la pédagogie. La direction exprime
26
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF n°190 du 17 août 2004 page 14545, titre III : la
solidarité de la santé, Art 73, art. L. 4383-1.
27
Ibid.
28
Ibid., art. L. 4383-3.
29
ANNEXE II : Organigramme fonctionnel de l’institut de formation en soins infirmiers du Havre.
9
une réelle volonté de varier les expertises dans différents domaines soignants au sein de
l’équipe. Nous aurons à nous interroger sur le réinvestissement de ces expertises dans la
formation des étudiants. Le formateur en soins infirmiers, doit-il se situer dans la transmission
du savoir ? Et si oui, que peut-il transmettre ? Comment décomposer cette expertise pour en
faire une matière utilisable par l’étudiant dans la construction de son propre savoir ?
Au sein de l’équipe pédagogique 11 formateurs sont cadres de santé. Parmi les 3
coordinatrices pédagogiques, 2 ont obtenu un Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation. 11
infirmiers (ères) sont « faisant fonction » de formateurs. Lors de la prise de poste à l’IFSI, les
professionnels, cadres et faisant fonction bénéficient d’un tutorat destiné à les accompagner
dans la prise de cette nouvelle fonction.
I.2.3.
Notre parcours et notre position dans ce contexte
Infirmière diplômée d’état depuis 1990, le début de notre carrière a été marqué par la prise en
charge de la personne soignée tant au niveau relationnel que technique. Puis, devenue cadre
de santé, nous avons, durant quatre années assuré la gestion d’une unité de soins d’urgences et
managé l’équipe soignante avec pour objectif la qualité de la prise en charge des personnes
soignées. Tout au long de ces années, à des niveaux différents, nous avons porté une attention
particulière à l’accompagnement des étudiants en stage.
En 2007, nous avons choisi d’exercer au sein de l’institut de formation en soins infirmiers du
Havre. Nous avons alors découvert un nouvel environnement, nous avons dû quitter un
domaine d’expertise et développer, progressivement, de nouvelles compétences.
Depuis 2011, nous assurons, la mission de coordinatrice pédagogique de la 2ème année de
formation. Nous sommes chargée d’accompagner les formateurs dans l’ingénierie
pédagogique, de garantir la conformité de la formation par rapport au référentiel et d’animer
l’équipe de formateurs. Cette fonction nous place entre la direction et les formateurs mais
également entre les étudiants et les formateurs. Nous participons à l’ingénierie pédagogique
sans toutefois la mettre en œuvre auprès des étudiants, nous portons néanmoins un regard
quant à l’atteinte des objectifs, donc un contrôle.
Le Master 2 ingénierie Conseil et Formation contribue à notre professionnalisation. En effet
les expériences professionnelles, et la formation interviennent dans ce processus «inachevable,
sans cesse repris, qui fait du professionnel un être de changement, en progression constante,
en désir de qualité30 ». Nous avons effectué notre stage sur notre lieu d’exercice professionnel,
30
Vial M (2001), « faut-il un référentiel pour déterminer les missions des personnels de santé ? », Soins Cadres, n° 37, p. 65.
10
nous avons pris du recul par rapport à notre activité, réalisé une analyse de nos pratiques
professionnelles et porté un autre regard sur la formation des étudiants. Un constat, en
particulier a attiré notre attention. En effet, les formateurs et les étudiants de l’institut,
expriment une insatisfaction partagée face aux travaux dirigés. Les étudiants affichent un
manque d’engouement pour ce type d’activités et les formateurs qui ont suivi une formation
sur les méthodes pédagogiques actives déplorent le manque de motivation des étudiants lors de
ces séances, sans toutefois modifier leurs pratiques. Nous avons, alors, souhaité saisir
l’opportunité qui nous était offerte, d’orienter notre mission autour de cette problématique.
Cette auto commande a été accueillie favorablement par la direction de l’IFSI.
I.3. Notre mission
I.3.1.
Les objectifs de la mission
Notre mission avait pour finalité d’évaluer à distance la formation suivie par l’équipe
pédagogique et d’évaluer le réinvestissement de celle-ci au quotidien par les formateurs lors
des travaux dirigés. En effet, comment expliquer que la formation suivie par l’ensemble de
l’équipe n’ait pas permis de modifier les travaux dirigés ? Nous souhaitions, alors, interroger
l’adéquation entre les besoins en formation des formateurs et la formation réalisée.
Nous avions pour objectifs d’identifier le vécu des étudiants et des formateurs concernant cette
méthode pédagogique, d’évaluer à distance l’atteinte des objectifs fixés lors de la formation et
de répertorier les modifications apportées aux travaux dirigés en lien avec la formation. Par
ailleurs nous souhaitions analyser le contexte et les éventuels obstacles dans la réalisation de
travaux dirigés au sein de l’IFSI, pour enfin tenter de définir des perspectives d’amélioration.
Cette mission, s’insérait à notre recherche mais sous un angle différent. En effet elle
interrogeait toutes les dimensions de notre réflexion. Nous souhaitions explorer les méthodes
pédagogiques du formateur, modifiées ou non par une formation, et leur influence dans la
motivation des étudiants lors des apprentissages en séances de travaux dirigés. Pour mener à
bien cette mission, nous avons donc réalisé une enquête au sein de notre institut de formation.
I.3.2.
La méthodologie d’enquête
Notre enquête comportait deux volets. Le premier, destiné à recueillir le vécu des étudiants et
le second, celui des formateurs ainsi qu’à évaluer la formation suivie par l’équipe
pédagogique. La méthodologie d’enquête retenue était celle du questionnaire
permettait de
car elle
préserver l’anonymat des personnes interrogées au regard de notre statut
11
d’enquêteur interne. Ainsi les personnes disposaient d’une liberté d’expression plus
importante. Par ailleurs la population enquêtée pouvait constituer un panel plus large.
I.3.3.
Les résultats obtenus
Nous avons pu objectiver le peu d’attirance des étudiants pour les travaux dirigés au sein de
l’IFSI du Havre. Par ailleurs nous avons pu constater un écart entre le vécu des étudiants et
celui des formateurs, en effet les formateurs estiment plutôt être créatifs, ce qui n’est pas
ressenti par les étudiants qui qualifient les activités de répétitives.
Les formateurs qui ont suivi la formation, ont évoqué une participation « correcte » des
étudiants lors des travaux dirigés, les autres n’ayant pas répondu à cette question. Toutefois le
questionnaire ne nous permettait pas d’établir un éventuel lien entre l’activité proposée et la
motivation affichée par les étudiants. La participation des étudiants est un indicateur qui peut
permettre d’évaluer un travail dirigé, par cette question les formateurs avaient conscience
d’évaluer leur travail, ce qui a donc pu influencer leur réponse. Nous ne sommes donc pas
parvenue à objectiver la notion de motivation des étudiants au sein de notre IFSI, nous avons
toutefois pu pointer une participation limitée des étudiants. La formation « les méthodes
pédagogiques actives » suivie il y a un an par les formateurs n’a pas modifié le cadre des
travaux dirigés. Notre enquête nous conduit à constater un enrichissement exprimé par les
participants, sans un bénéfice direct sur les pratiques quotidiennes. Il faut prendre en
considération un renouvellement de 67 % de l’équipe pédagogique, à cette époque. Les
formateurs novices ont bénéficié d’un accompagnement de la part de leurs collègues, ce qui,
effectivement, représente un investissement en termes de temps, d’énergie et de disponibilité.
L’ajustement de la forme des travaux dirigés n’a peut-être pas été la priorité donnée sur cette
période.
Cette mission nous a permis de mettre en évidence un réinvestissement très modéré de la
formation suivie par l’équipe pédagogique si l’on considère le nombre de travaux dirigés
modifiés suite à la formation. Toutefois, les formateurs expriment l’acquisition d’outils et de
méthodes d’animation, même si la mise en application reste difficile. Les éléments théoriques
développés lors de la formation ont moins marqué les formateurs qui ont clairement exprimé
avoir suivi la formation dans le but d’obtenir des outils pour leur pratique quotidienne. Les
« outils » peuvent-ils être exploités de façon adaptée s’ils ne s’inscrivent pas dans une réelle
réflexion pédagogique et didactique ?
12
I.4. De nos questionnements à la question de recherche
Nous avons donc présenté un cadre de formation où l’étudiant est attendu comme réel acteur
de sa formation, à partir d’un projet professionnel réfléchi. Par ailleurs dans cette formation
basée sur le principe de l’alternance, les travaux dirigés apparaissent essentiels dans la mise en
lien entre la théorie et la pratique, entre l’institut de formation et les différents lieux de stage.
Pourtant cet espace, jugé primordial par le législateur au regard du temps de formation qui lui
est dédié dans le référentiel, n’est pas investi par les étudiants au Havre. Quelle place occupent
les travaux dirigés dans les apprentissages des étudiants ? Les activités proposées ont-elles une
incidence sur la motivation des étudiants ? Le cadre du référentiel permet-il une autonomie
suffisante pour les étudiants et les formateurs ? Ainsi nous développerons notre travail de
recherche autour de cette question centrale :
Comment expliquer le manque de motivation des étudiants à participer aux travaux dirigés au
sein de l’institut de formation en soins infirmiers ?
Pour explorer ce questionnement nous aborderons dans un premier temps les apprentissages
pour situer la notion de motivation dans les apprentissages de l’étudiant infirmier lors des
travaux dirigés. Nous envisagerons, ensuite le concept de motivation afin de l’explorer chez
les étudiants infirmiers lors de ces séances. Et nous tenterons d’analyser le lien entre
l’approche pédagogique, la posture du formateur et la motivation des étudiants lors des
travaux dirigés.
II. Le cadre conceptuel
II.1. Les apprentissages
II.1.1.
La construction des savoirs
Les étudiants construisent progressivement leurs savoirs, à partir des apports théoriques, des
expériences en stage et des travaux dirigés qui sont destinés à lier les deux espaces. Comme
Tardif (1992) le développe « le savoir se construit graduellement, lors de cette construction
graduelle, l’apprenant met en relation ce qu’il connaît déjà avec de nouvelles connaissances
qui lui sont présentées31 ».
Ainsi, Les intervenants universitaires dispensent des cours magistraux, mettent à disposition
des étudiants des informations. Les formateurs mènent, quant à eux, des travaux dirigés
destinés à mobiliser et à donner du sens aux informations reçues afin de guider les étudiants
31
Tardif Jacques (1992), pour un enseignement stratégique : l’apport de la psychologie cognitive, Montréal, Logiques, p. 32.
13
dans la construction de leurs savoirs. Altet (2011) précise la place de l’information dans la
construction du savoir. Ainsi pour cet auteur « le pédagogue est celui qui facilite la
transformation de l’information en Savoir chez l’apprenant, et le Savoir ne devient
Connaissance que par la démarche personnelle d’apprentissage de l’apprenant32 ». Cette
citation nous amènera à envisager plus tard le rôle du cadre formateur, sa posture et à nous
interroger sur sa fonction de pédagogue.
Jonnaert (2009) se rapproche de Glasersfeld (1994) pour envisager la notion de
connaissances. Pour ces auteurs « les connaissances ne sont pas transmissibles. Au contraire,
elles sont construites par celui qui apprend (…) articulées à d’autres ressources (affectives,
sociales, contextuelles, etc…)33 ». Jonnaert (2009) parle de connaissances « viables » dans le
sens où elles ne sont pas figées dans le temps et peuvent persister à condition d’être
entretenues. Cette notion est essentielle, dans le cadre de la formation mais doit également
être envisagée à long terme dans le cadre de l’Art. R. 4312-10 – du code de la santé publique.
En effet « pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient,
l’infirmier ou l’infirmière a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses connaissances
professionnelles34 ».
Viau (2005) distingue les connaissances procédurales des connaissances déclaratives. Les
premières regroupent les matières qui permettent à l’apprenant d’agir, mais également
d’observer, de résoudre et de se questionner. Les connaissances procédurales font références
aux concepts, aux lois et aux règles, « elles permettent de comprendre et d’expliquer certains
phénomènes qui se produisent autour de nous35 ».
Ainsi l’étudiant infirmier devra acquérir un Savoir faire donc des connaissances procédurales
mais qui ne peuvent conduire à la compétence sans connaissances déclaratives aussi appelées
Savoir. Le cadre de notre recherche situe donc l’étudiant comme acteur de la construction de
son savoir, il nous appartient donc d’explorer le concept d’apprentissage.
II.1.2.
L’apprentissage
Reboul (2010) considère qu’ « apprendre vraiment, c’est toujours désapprendre, pour rompre
avec ce qui nous bloque, nous enferme et nous aliène36 ». Apprendre c’est selon l’auteur,
accepter de quitter ses certitudes, modifier ses représentations, déconstruire pour reconstruire.
Altet Marguerite (2011), Les pédagogies de l’apprentissage, Paris, Puf, p. 6.
Jonnaert Philippe (2009), Compétences et socioconstructivisme, un cadre théorique, Bruxelles, de boeck, (2ème ed.), p. 69.
34
Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant
certaines dispositions de ce code, JORF n°183 du 8 août 2004 page 37087, texte n° 37086.
35
Viau Rolland (2005), la motivation en contexte scolaire, Bruxelles, De boeck (3ème ed.), p.16.
36
Reboul Olivier (2010), Qu’est-ce qu’apprendre ? Paris, Puf (10ème éd), p. 200.
32
33
14
Landsheere (1979), envisage l’apprentissage comme l’acquisition des données nouvelles et ou
la modification d’un bagage initial, et le définit comme un « processus d’effet plus ou moins
durable par lequel des comportements nouveaux sont acquis ou des comportements déjà
présents sont modifiés en interaction avec le milieu ou l’environnement 37 ». Idée reprise par
Viau qui définit, lui aussi, l’apprentissage comme un processus « par lequel un être humain
modifie les réseaux d’informations qui existent déjà dans sa mémoire et en crée de
nouveaux38. » Vial (2001) ne voit pas la formation comme une simple transformation, selon
lui, « elle aide à changer39 ».
Ainsi, « progressivement, l’élève construit son système de savoir ; sa perception va
fonctionner comme une grille lui permettant d’interpréter et de comprendre plus largement le
monde dans lequel il vit40. » En effet, l’étudiant infirmier doit effectivement acquérir,
approfondir des connaissances et les organiser dans un cadre bien défini, afin de leur donner
du sens. Barth (2012) parle de « culture », et précise « pour acquérir des connaissances
disciplinaires approfondies, il faut participer à la culture de la discipline concernée et
comprendre comment on y pense, ce qu’on y fait et dans quel but41 ».
Dans la formation qui nous intéresse, l’apprenant va devoir avant tout comprendre le contexte
dans lequel il inscrit son savoir, pour cela il va progressivement adopter une position dans
cette organisation. Cette dynamique requiert une réelle action de l’étudiant et ne peut s’opérer
contre sa volonté, la notion de motivation est donc essentielle à ce niveau.
En effet, tout en construisant son savoir, l’étudiant développe son identité professionnelle.
Pour Dubar (2007) « l’identité professionnelle est bien un processus inséré dans des
institutions et marchés du travail, des dynamiques de normes et de modèles qui éclairent42 ».
Dubar (2007) évoque un « processus » donc une succession d’étapes, pour lui « c’est le
groupe de pairs et non l’entreprise qui représente l’instance de référence de cette forme
identitaire, souvent justifiée par une forme réflexive vocationnelle (Dubar 2000) ou
fusionnelle (Sainsaulieu 1997) 43». Ainsi la construction de l’identité professionnelle s’appuie
sur les motivations à exercer la profession. Par ailleurs, le partage d’un univers professionnel
commun, d’un même registre de langage et d’une proximité dans l’action, conduit les
individus à développer leur identité professionnelle par rapport à un groupe auquel ils
s’identifient.
37
Landsheere (de) Gilbert (1979), cité par O Reboul (2010), op. cit, p. 40.
Viau Rolland (2005), op. cit, p.8
Vial Michel (2001), op. cit, p. 66.
40
Barth Britt-Mari (2013), Elèves chercheurs, enseignants médiateurs, Paris, Retz, p.20.
41
Ibid. P 19
42
Dubar claude (2007), « Polyphonie et métamorphose de la notion d’identité », revue française des affaires sociales, n°2, p. 19
43
Ibid., p. 22.
38
39
15
Dans le cadre de notre recherche, construire son identité professionnelle c’est se reconnaître et
être reconnu comme appartenant à un groupe, c’est partager des valeurs et des normes avec
ses pairs, c’est utiliser un cadre de référence commun pour comprendre et agir. « La
transformation identitaire requiert l’engagement de l’individu dans le processus de
changement. C’est de dynamique motivationnelle qu’il est question44 ». Cette citation nous
conduira à explorer le concept de motivation et son utilisation dans les sciences de
l’éducation.
Cette notion d’évolution nous amène à nous tourner vers Piaget et Vygotski. Pour ces deux
auteurs,
apprentissage et développement sont liés.
En effet Piaget présente toutes les
expériences de la vie comme autant de sources d’apprentissage. L’auteur distingue
l’assimilation qui renvoie à la structure cognitive du sujet en termes de gestion de données
essentielles, et
l’accommodation qui est le processus d’adaptation à chaque situation.
Vygotski développe la « zone proximale de développement » qui est un espace, proche du
développement cognitif. Alors que l’apprenant n’a pas atteint la maturité nécessaire pour faire
seul, guidé par un tiers qui l’aidera à trouver les clés qui lui manquent, l’enfant va alors
pouvoir exploiter son potentiel en état de latence pour ensuite savoir faire seul. Dans cette
démonstration Vygotski pointe le potentiel personnel dont dispose chaque individu. Il met en
exergue le rôle essentiel mais difficile de l’enseignant qui doit tout d’abord être en mesure
d’identifier la « zone proximale de développement » de l’apprenant, mais également de
proposer des activités permettant de développer ce potentiel.
Nous retiendrons la « zone proximale de développement » initialement développée pour
aborder les apprentissages de l’enfant, car il nous paraît pertinent de transposer cette notion à
la formation d’adultes et en particulier à la formation des étudiants infirmiers lors des travaux
dirigés. En effet, chaque étudiant progressera à son rythme dans la formation, cet espace,
permet au formateur d’accompagner l’étudiant en s’appuyant sur les acquisitions de ce dernier
tout en l’amenant à aller plus loin qu’il ne l’aurait fait s’il avait réalisé l’activité seul.
L’étudiant progressera, ainsi, dans ses apprentissages.
Reboul (2010) définit l’apprentissage comme « l’acquisition d’un savoir faire, c'est-à-dire
d’une conduite utile au sujet ou à d’autres que lui, et qu’il peut reproduire à volonté si la
situation s’y prête45 » l’objectif de l’étudiant infirmier est effectivement d’apprendre à faire,
or l’auteur ne présente pas la compréhension de l’action comme étant nécessaire pour la
reproduire. En effet pour Reboul (2010), l’apprentissage est « apprendre à » au sens
44
45
Beckers Jacqueline (2007), Compétences et identité professionnelles, Bruxelles, De boeck, p. 159.
Reboul Olivier (2010), op cit, p. 41.
16
étymologique du terme. Cette définition ne couvre pas totalement le cadre de notre recherche,
il nous paraît essentiel de différencier les automatismes, des conduites qui aboutissent à la
construction, de réelles compétences. Reboul (2010) admet d’ailleurs qu’il existe différents
niveaux d’apprentissage. Altet (2011) considère que « pour qu’un savoir appris soit
transférable il est nécessaire que l’apprenant comprenne la notion et l’utilisation de la notion
dans différentes situations46 ».
En effet, il est essentiel de ne pas occulter le principe d’alternance sur lequel repose la
formation infirmière. Ainsi, dès à présent, nous pointons une dimension supplémentaire qui
est la mise en pratique de ces différents savoirs lors des stages. En effet, Jobert (2004) nous
met en garde « l’opposition entre la théorie et la pratique repose sur l’idée, largement
répandue, que la pratique professionnelle efficace résulte de l’application en situation des
savoirs acquis à l’école (…)47 ». La formation doit permettre à l’étudiant de dépasser la
simple acquisition de savoirs théoriques mis en perspective avec des tâches prescrites. La
réalité professionnelle demande adaptation, la formation ne peut se penser en dehors de la
réalité professionnelle. Ce qui nous conduit à envisager la posture réflexive de l’étudiant qui
doit construire sa réflexion en amont et en aval de l’action.
II.1.3.
La posture réflexive
L’entraînement réflexif est une notion essentielle du référentiel, destinée à permettre à
l’étudiant de faire les liens entre savoirs et actions. C’est donc une intégration des savoirs au
profit de la construction de compétences, cette posture s’acquiert au travers des travaux
dirigés qui constituent le cadre de notre travail de recherche. En effet les activités doivent
permettre à l’étudiant de comprendre et d’être en mesure de s’adapter tout en faisant des choix
qui garantissent la qualité de la prise en charge de la personne soignée.
En effet, selon Schön48 (1994) l’action développe la connaissance. Nous partageons ce point
de vue, cependant, la réflexion doit précéder l’action. Ainsi, les travaux dirigés permettent de
donner du sens aux connaissances pour qu’elles puissent être intégrées et mobilisées dans
l’action. Ainsi pour Lafortune (2012) « l’utilisation de mises en situation afin de se préparer
à des expériences sur le terrain est une avenue utile pour favoriser des apprentissages, à la
condition de les utiliser pour faire réfléchir aux situations et faire trouver des situations49.»
46
Altet Marguerite (2011), op cit, p. 6.
Jobert Guy (2004), L’intelligence au travail. In P. Carré et P. Caspar (sous la dir.), Traité des sciences et des techniques de la Formation,
Paris, Dunod, p. 349.
48
Schön A. Donald, le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal, Logiques.
49
Lafortune Louise (2012), Une démarche réflexive pour la formation en santé, Québec, Presse universitaire du Québec, p. 149.
47
17
En effet, la difficulté pour le formateur est d’amener l’étudiant à proposer lui-même des
solutions sans répondre à sa place à partir de sa propre expérience professionnelle.
Jonnaert (2004) aborde la réflexivité dans un cadre de référence socioconstructiviste et
interactif de construction des connaissances. Il définit alors l’activité réflexive comme la
construction par le sujet de ses connaissances à partir de ce qu’il sait déjà en « adaptant ses
propres connaissances aux exigences de la situation à laquelle il est confronté et aux
caractéristiques qu’il décode de lui-même sur l’objet à apprendre50 ».
Dans le cadre de notre recherche l’apprentissage sera envisagé dans le cadre « socio
constructiviste interactif ». Constructivisme car, comme nous l’avons développé, pour accéder
à la connaissance, l’apprenant doit être acteur de la construction de son savoir. Interactive
pour envisager la confrontation par l’étudiant de ses connaissances à des situations, qu’elles
soient vécues en stage ou comme dans le cadre de notre recherche, proposées lors des travaux
dirigés. Et enfin « socio » pour envisager les apprentissages de l’étudiant guidé par un
formateur et évoluant au sein d’un groupe, donc confrontant ses perceptions à celles de ses
collègues.
Nous définirons donc les apprentissages pour l’étudiant infirmier au sein des travaux dirigés,
comme l’action de confronter ses connaissances à celles de ses condisciples pour construire et
approfondir son propre savoir. Guidé par le formateur, l’étudiant explore de nouvelles
perspectives qu’il n’aurait su envisager seul. Cette dynamique se construit autour de
situations, sur lesquelles l’étudiant mène une réflexion avant, mais également en cours et
après la réalisation de l’action, qu’elle soit réelle ou relève d’un exercice d’école.
II.2. La motivation
II.2.1.
La conception générale de la motivation
La motivation peut être approchée comme un ensemble d’instincts dont dispose l’individu
pour survivre et se construire. En effet Hull (1943) et Cannon (1939) développent une
conception biophysiologique. Maslow présente les besoins sous forme d’une pyramide, dont
le sommet ne peut être atteint que si tous les niveaux inférieurs ont successivement été
satisfaits, un à un pour pouvoir accéder au suivant. L’individu étant alors poussé à agir pour
satisfaire ces besoins. Toutefois cette hiérarchisation linéaire des besoins est aujourd’hui
remise en question, « En effet il a été démontré depuis que l’individu cherche parfois à
satisfaire des besoins d’ordre supérieur même lorsque ceux de la base demeurent
50
Jonnaert Philippe (2009), op cit, p. 71.
18
insatisfaits51 ». Platon et Descartes à travers leur réflexion philosophique envisagent l’aspect
innéiste de la motivation. Freud (1920), quant à lui l’envisage en termes de pulsions.
Pinto (1998)52 reprend la conception sociologique de Bourdieu selon laquelle, les goûts, les
intérêts, les préférences de l’individu sont guidées par sa position dans la société, et son
milieu d’appartenance. Ainsi ses décisions s’organisent autour de la notion d’habitus,
d’inconscient culturel.
Ces différentes approches nous conduisent à envisager la motivation comme un phénomène
intime dont l’individu lui-même, n’a pas la totale conscience. En effet son parcours de vie, ses
origines, ses expériences ont une influence sur ses représentations. Ainsi, chaque étudiant est
un individu unique qui accepte d’entreprendre une réflexion collective, de faire évoluer ses
représentations et de mener les transformations nécessaires à la construction de son identité
professionnelle et de ses savoirs.
Comme Fenouillet (2012) l’évoque « parler de motivation pour expliquer le comportement
revient à se demander pourquoi l’individu agit53 ». Ainsi, la motivation intéresse les sciences
de l’éducation puisqu’elle oriente l’action et l’investissement des personnes dans leurs
apprentissages.
II.2.2.
La motivation dans les apprentissages
Pour Viau (2011) « l’apprentissage est une conséquence de l’engagement et de la
persévérance et, de ce fait, est considéré comme la manifestation finale de la motivation à
apprendre54 ». Il précise que l’apprentissage peut également devenir à son tour source de
motivation.
Freud développe la notion de libido sciendi ou le désir pour l’Homme de connaître, ce qui le
distingue de l’animal. Une passion à l’origine de la curiosité qui est source d’un réel plaisir.
Comme le rappelle Bellangé (2010) « le manque est nécessaire à l’entretien du désir55». Dans
cet esprit, Frétigné (2007)56 développe la notion d’appétence qui allie le besoin, l’envie et le
désir d’apprendre et de se former. Fenouillet (2011) confirme : « pour se former, il faut
d’abord avoir de l’appétence à se former […]57 ».
51
Kotsou Ilios (2008), Intelligence émotionnelle et management, Bruxelles, De boeck p. 66.
Pinto Louis (1998), Pierre Bourdieu et la théorie du monde social. Paris, Albin Michel.
53
Fenouillet Fabien (2012), La motivation, Paris, Dunod, p. 9.
54
Viau Roland (2011), « La motivation, condition de la réussite » in Fournier Martine, Eduquer et former, Auxerre, Sciences humaines
éditions, p. 150.
55
URL : http://.cairn.info/l-enfant-et-les-apprentissages-malnenes---page-219.htm, consulté le 20/12/2012.
56
Frétigne Cédric (2007), L’appétence pour la formation une entreprise de rationalisation du flou, Paris, Michel Houdiard.
57
Fenouillet Fabien (2011), « la place du concept de motivation en formation pour adulte », Savoirs, n°25, p.16.
52
19
Les travaux de Bandura (2003) reposent, quant à eux, sur les perceptions que l’individu a de
ses propres aptitudes. Ainsi, « l’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de
l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire
des résultats souhaités58 ». Par ailleurs, l’auteur aborde le langage comme un outil permettant
à l’individu de théoriser, de conceptualiser et enfin de résoudre les problèmes auxquels il est
confronté. Nous avons, dans notre travail, développé le langage commun comme vecteur de la
professionnalisation, il est donc également facteur de motivation. Selon Bandura, l’apprenant
est en mesure de faire référence au passé ou de se projeter dans le futur. Ainsi, nous avons
envisagé l’apprentissage en référence aux représentations et aux connaissances antérieures de
l’individu, tout en associant le questionnement permettant de se projeter dans une action dans
le futur. Enfin, selon l’auteur, tout être humain est, également, capable d’observer l’action
d’un tiers et d’en réaliser une analyse pour lui-même.
Tous ces éléments nous conduisent à la définition proposée par Viau (2005) lorsqu’il s’inspire
des travaux de Schunk (1990a), Zimmerman (1990a) et Pintrick et Schrauben (1992) pour
définir la motivation en contexte scolaire, qui serait « un état dynamique qui a ses origines
dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à
choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre
un but59. » L’auteur met en relief l’action volontaire de l’apprenant qui fait le choix, à partir
de ses perceptions, de s’engager dans une activité au regard de buts qu’il a lui-même définis.
Keller (1992)60 précise que la motivation ne fait pas uniquement référence aux apprentissages
mais envisage également les conditions dans lesquelles ceux-ci se déroulent ainsi que les
perceptions que l’apprenant peut avoir des activités qui lui sont proposées. Différents facteurs
peuvent être à l’origine de l’engagement de l’apprenant dans une activité d’apprentissage.
Ainsi, pour Vallerand et Thill (1993) « le concept de motivation représente le construit
hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le
déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement61 ». La motivation
apparaît donc comme une force qui pousse l’étudiant à agir. Cette force peut trouver son
origine chez l’apprenant lui-même (motivation intrinsèque) ou dans des éléments externes
(motivation extrinsèque). La motivation intrinsèque, se traduit par l’intérêt que l’individu
porte à la matière ou à l’activité, les émotions qu’il ressent lors de la réalisation (plaisir,
valorisation) et la représentation qu’il a de ses propres capacités à atteindre l’objectif.
Bandura Albert (2003), Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle, Bruxelles, De boeck, p. 12.
Viau Rolland (2005), op. cit, p.7.
60
Keller John M (1922), Motivational systems, In H.D Stolovitch et .J. Keeps (sous la dir.), Handbook of Human Performance Technology,
San Francisco, Jossey-Bass, pp. 277-293.
61
Vallerand Robert J. et Thill Edgar E. (1993), Introduction à la psychologie de la motivation, Québec, Vigot, p. 18.
58
59
20
En effet, Weiner (1992) considère que c’est la perception qu’un individu a de ses capacités
qui lui permet d’atteindre ou non son objectif. Selon Viau (2005), Pintrich et Eccles,
l’apprenant présente une persévérance et un engagement cognitif proportionnels à la valeur
(utilité et intérêt) qu’il attribue à l’activité proposée, à la perception qu’il a de ses capacités à
réussir et au contrôle qu’il pense avoir sur la situation.
Nous pourrions alors, définir la motivation des étudiants infirmiers lors des travaux dirigés,
comme un phénomène actif, intime dont l’individu lui-même n’a pas la totale conscience. En
effet son parcours de vie, ses origines, ses expériences ont une influence sur ses
représentations. Ainsi, chaque étudiant est un individu unique qui fait le choix de s’engager
dans une réflexion collective, de faire évoluer ses représentations et de mener les
transformations nécessaires à la construction de son identité professionnelle et de ses savoirs.
Les représentations que l’apprenant a de lui-même, de son environnement et des activités
conditionnent son engagement.
Différents travaux de recherches ont été menés autour de la motivation des apprenants,
à partir de modèles d’analyse différents.
II.2.3.
Les modèles d’analyse de la motivation en contexte d’apprentissage
Nous nous proposons de présenter quelques modèles sur lesquels nous pourrons nous appuyer
pour construire notre cadre d’analyse.
Pour commencer, nous explorerons le modèle de Pintrich (1990)62. L’auteur prend en
considération l’individualité de l’apprenant initialement. Ses perceptions vis-à-vis de l’activité
constituent les composantes motivationnelles (ce qu’il en attend, la valeur qu’il lui attribue, sa
capacité à réaliser l’exercice, et les sentiments qu’il ressent). La composante cognitive est la
perception que l’individu a de ses connaissances sur le sujet, et de ses stratégies
d’apprentissage. Ainsi la particularité de l’individu, ses composantes motivationnelles
entrecroisées avec ses composantes cognitives sont les facteurs qui détermineront son
engagement dans ses apprentissages. Les composantes motivationnelles rassemblent, les
attentes, les valeurs et les sentiments de l’apprenant. Cet engagement est à l’origine de la
performance.
Ce modèle rejoint certains aspects du cadre de notre travail même s’il a été élaboré dans le
cadre d’une recherche menée auprès d’enfants d’âge scolaire. En effet, les composantes
62
Pintrich Paul R. (1990), «Implications of psychological Research on Student Learning and College Teachins for Teacher Education », In
W.R. Houston (sous la dir.), Hand book of Research on Teacher Education. New York, MacMillan Publishing Co., pp. 33-40.
21
motivationnelles telles qu’elles sont définies retiennent notre attention. Toutefois, la notion de
performance n’est pas un élément que nous avons choisi d’inclure dans le cadre de notre
enquête car lors des travaux dirigés l’engagement est individuel, alors que la production est
collective, puisque cette activité se déroule en groupe.
Nous poursuivons, par les travaux de Weiner (1992)63. La perception qu’un individu a de la
cause de son échec ou de sa réussite, influence l’image qu’il a de lui-même et est
déterminante dans sa motivation. Son engagement, sa performance, sa persévérance en sont
les conséquences. Pour Weiner, les émotions sont déterminantes dans l’expression de la
motivation ou de la démotivation.
Nous retenons des travaux de Weiner, la prise en considération des émotions dans l’analyse
de la motivation dans une situation d’apprentissage.
Pour poursuivre, les travaux de Wlodkowski (1985)64 sont, contrairement aux deux précédents
modèles, centrés sur la motivation des adultes en situation d’apprentissage, donc
particulièrement intéressants pour notre cheminement. Son modèle d’analyse comporte six
facteurs de la motivation, répartis deux à deux sur trois périodes distinctes de l’activité. Les
attitudes et les besoins au début de l’apprentissage, les stimulations et l’affectivité durant
l’apprentissage, la compétence et le renforcement à la fin de l’apprentissage. En début
d’apprentissage ce sont les caractéristiques personnelles de la personne et ses buts qui vont lui
permettre de s’adapter à la situation et de faire le choix de s’engager. En cours
d’apprentissage, l’adulte restera dans l’action s’il reçoit des stimulations pertinentes, et si
l’affectivité lui apporte un environnement correspondant à ses attentes. Puis, en fin
d’apprentissage, des stimuli externes positifs (félicitations, encouragements…) et le sentiment
de compétence pourront l’encourager à renouveler son engagement ultérieurement. Dans le
modèle de l’auteur, la motivation de l’adulte à apprendre se trouve au centre de ces trois
temps.
Ce modèle, offre un cadre d’analyse de la motivation de l’adulte lors des apprentissages, ainsi
il est en adéquation avec notre recherche, or, il a été élaboré dans le cadre de la formation
continue. Toutefois, nous retrouvons ici la prise en considération des particularités
individuelles, de la notion de besoin, de stimulations, de l’importance de l’environnement, des
émotions, comme autant de facteurs de la motivation et de l’engagement de l’individu, donc
transposables à notre cadre d’analyse.
63
64
Weiner Bernard (1992), Human motivation, Newbury Park (CA), Sage.
Wlodkowski Raymond J. (1985), Enhancing adult motivation to learn, San Francisco, Josssey-Bass.
22
Le modèle de Viau (2005)65 s’appuie sur une dynamique. L’auteur se place, lui aussi dans une
approche socio cognitive, dans laquelle les perceptions que l’apprenant peut avoir vont
influencer sa motivation. Ainsi, les perceptions que l’apprenant à de lui-même sont les
déterminants de la motivation et de l’engagement cognitif, la persévérance, et la performance
sont des indicateurs.
Les composantes cognitives sont les stratégies d’apprentissage et l’autorégulation, toutefois,
ici les connaissances antérieures sont reconnues comme des variables qui influencent la
motivation mais ne sont pas prises en considération dans ce modèle, ce qui constitue une
limite dans le cadre de notre recherche.
Enfin le modèle ci-contre a été élaboré par
Barbeau
(1993)66.
C’est
celui
que
nous
retiendrons pour guider notre analyse. Les
travaux de l’auteur concernaient de jeunes
étudiants (pré-universitaires) au Québec. Il nous
paraît pertinent
quant à la population mais
également quant à sa construction. En effet, ce
modèle, place la motivation au centre de la
réflexion, en aval du contexte et des déterminants
de la motivation et en amont du comportement.
Des
indicateurs
permettent
d’évaluer
la
motivation. Les déterminants de la motivation
sont identifiés à partir de systèmes de conception
et de système de perception, l’un et l’autre
soumis à des variantes relatives à l’individu.
Il nous paraît nécessaire, à présent d’explorer l’action du formateur dans le cadre ainsi défini.
II.3. L’approche pédagogique et la posture du formateur
II.3.1.
La didactique et la pédagogie
Le domaine de la didactique est « celui de la gestion de l’information, de la structuration du
savoir67 » selon Altet (2011). La didactique a pour objectif de rendre les savoirs accessibles
par l’apprenant.
65
66
67
Viau Rolland (2005), Op cit
Barbeau Denise (1993), « la motivation scolaire », Pédagogie collégiale, vol. 7, n°1, p. 20.
Altet Marguerite (2011), op cit, p. 11
23
Pour Plaisance et Vergnaud (2012) « la didactique peut être définie comme l’étude des
processus d’apprentissage et d’enseignement relatifs à un domaine de connaissance
particulier : d’une discipline et d’un métier par exemple68 ».
Ainsi, Viau (2005) envisage la didactique sous la forme d’une relation qui « amène
l’enseignant à adapter le contenu d’une discipline pour en faire une matière scolaire et à
définir des objectifs pédagogiques selon le niveau d’apprentissage que l’apprenant doit
atteindre69 ». Cette définition nous invite à analyser les étapes que le formateur devra franchir
pour passer de sa propre expérience à un contenu accessible et utilisable pour l’étudiant.
Comme nous l’avons développé précédemment, selon Barth (2013) « pour apprendre, il faut
comprendre, et c’est le processus de conceptualisation qui nous permet de distinguer les
éléments pour ensuite les relier70 ». Ainsi, pour que les étudiants puissent apprendre il est
nécessaire qu’ils comprennent. Le formateur aura donc pour mission de l’accompagner dans
cette compréhension par le biais de l’intégration de concepts par l’étudiant.
Nous envisagerons donc la didactique dans le cadre de notre recherche comme la nécessité
pour le formateur de décomposer son expérience pour conceptualiser les différentes
dimensions de son action afin de mettre à disposition de l’étudiant une ressource exploitable
par l’étudiant dans son exercice cognitif. Cette définition de Bath (2007) est en accord avec le
cadre de notre recherche, ainsi la didactique consiste à « rendre le savoir accessible aux élèves
et à stimuler la discussion71 ».
La pédagogie, quant à elle, concerne les méthodes mises en place par le formateur pour
aborder les contenus, prenant en compte la relation formateur/apprenant. Pour Altet (2011)
« la pédagogie concourt à la transformation de l’information en méthodes mises en place par
le professeur au travers d’interactions, de rétro-actions, de modes d’ajustement,
d’adaptations interpersonnelles qui facilitent et permettent l’apprentissage72 ». Même si le
terme pédagogie, renvoie étymologiquement à la formation des enfants, nous faisons le choix
de l’utiliser pour évoquer l’ensemble des méthodes mises en place par le formateur pour
accompagner l’étudiant infirmier dans ses apprentissages. En effet l’andragogie fait référence
à l’adulte, certes, mais à la formation tout au long de la vie, or nous nous situons dans une
formation initiale.
Plaisance Eric et Gérard Vergnaud (2012), les sciences de l’éducation, Paris, Repères (5ème ed.), p. 53.
Viau Rolland (2005), op cit, p. 11.
70
Barth Britt-Mari (2013), op cit, p.23.
71
Barth Britt-Mari (2007), « chapitre 3. L’établissement de l’intersubjectivité comme outil de médiation : participer pour apprendre », In L.
Allal et L. Mottier Lopez, Régulation des apprentissages en situation scolaire et en formation, Bruxelles, de boeck supérieur, p. 85.
72
Altet Marguerite (2011), op cit, p. 11.
68
69
24
Le référentiel préconise la mise en place d’une pédagogie différenciée. Legrand et Bouchet
ont développé la différenciation pédagogique et rejoignent Altet (1997) dans sa définition.
« C’est choisir de mettre en place des structures variées, souples. C’est instaurer une
dynamique, des structures d’aide au travail personnel de l’élève73 ». Cette définition
correspond au cadre de la formation infirmière, certes qui ne s’adresse pas à des élèves mais à
des étudiants, toutefois elle met en relief l’importance de penser la pédagogie et la didactique
à partir de l’apprenant.
Ces réflexions nous conduisent à explorer les méthodes pédagogiques et didactiques. Certains
auteurs comme Pregent74 (1990) évoquent les méthodes d’enseignement pour faire référence
aux activités d’enseignement et d’apprentissage sans les différencier réellement. Dans le cadre
de notre recherche nous souhaitons, plutôt, nous inspirer de Viau qui distingue les deux types
d’activités, enseignement et apprentissage, car conduisant selon lui, à des rôles différents des
acteurs.
En effet, dans la relation d’enseignement, l’auteur définit l’enseignant comme l’acteur
principal, son objectif est de « communiquer la matière à l’élève75 ». L’intérêt que nous
portons à cette approche dépasse le rôle de chacun, mais s’attache plutôt au terme utilisé. En
effet, l’auteur utilise le verbe « communiquer » au travers duquel apparaissent les notions
d’intentions, d’informations, de message, de réception, mais aussi de feed-back. Barth (2005)
de son côté, précise que l’on est « en effet, passé de la transmission à la transaction, pour
viser la transformation76 ». Le terme « transaction » utilisé par l’auteur nous interroge. En
effet, même si nous percevons la volonté de Barth de mettre en exergue la notion de
convention entre deux parties et de concession réciproque, nous ne pouvons faire abstraction
de la connotation commerciale de ce terme que nous ne souhaitons pas retenir dans le cadre
de notre travail.
Ainsi, nous identifions un espace d’enseignement dans notre mission de formateur au sein de
l’IFSI. En effet, lors des travaux dirigés, le formateur guide les étudiants dans la construction
de leurs savoirs lors des TD, cependant il communique également des connaissances
théoriques à ces apprenants au décours de l’activité en fonction des besoins du groupe. Ainsi
lorsque nous envisagerons l’enseignement dans ce travail de recherche nous l’entendrons en
terme de communication et non de transmission car ce terme pourrait occulter l’action, selon
73
Altet Marguerite (2011), op cit, p. 34.
Pregent Richard (1990), la préparation d’un cours, Montréal, Editions de l’Ecole Polytechnique
75
Viau Rolland (2005), op. cit, p. 13.
76
Barth Britt-Mari (2013), op. cit, p. 201.
74
25
nous nécessaire de l’étudiant, sans laquelle l’information peut ne pas être traitée, donc
intégrée.
Viau (2005) envisage, alors, la relation d’apprentissage en plaçant l’apprenant comme acteur
principal, « son rôle n’est plus de recevoir des informations mais de les appliquer ou de les
utiliser afin de résoudre les problèmes ou les exercices que l’enseignant lui propose77 ». Cette
définition correspond aux séances de travaux dirigés, au cours desquelles l’étudiant est
attendu comme acteur de l’activité proposée par le formateur.
Ce cheminement nous conduit à envisager la relation pédagogique, telle que Legendre
(1993)78 la conçoit c'est-à-dire alliant la relation didactique, la relation d’enseignement et la
relation d’apprentissage. Viau (2005) s’est d’ailleurs inspiré de cette conception pour élaborer
la représentation79 ci-dessous qui n’est pas sans rappeler
le triangle pédagogique de
Houssaye80.
Cette conception de la relation pédagogique en milieu scolaire peut être transposée à la
situation des travaux dirigés au sein de l’institut de formation en soins infirmiers. En effet la
relation formateur-étudiant doit permettre à ce dernier de construire son savoir en mobilisant et
intégrant la matière en question. Cette démarche requiert la maîtrise du contenu par le
formateur. Toutefois, l’expertise dans le domaine ne garantit pas la qualité de
l’accompagnement de l’apprenant. Ainsi « le pédagogue ne peut être ni un pur et simple
praticien ni un pur et simple théoricien. Il est entre les deux, il est cet entre-deux81 » comme
l’explique Houssaye (2002). « Former un professionnel, c’est l’aider à problématiser des
situations de travail et non pas lui donner des certitudes82 ».
Après avoir mis en évidence l’importance de la motivation dans l’apprentissage, et avoir
défini les méthodes pédagogiques, il nous faut maintenant explorer le rôle du formateur lors
des travaux dirigés et en quoi il peut susciter la motivation des étudiants en formation.
77
Viau Rolland (2005), op. cit, p. 13.
Legendre Reynald (1993), dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal, Guerin (2ème Ed.).
Viau Rolland (2005), op. cit, p. 10.
80
Houssaye Jean (1988), le triangle pédagogique – théorie et pratiques de l’éducation, Berne, Peter Lang.
81
Houssaye Jean (2002), Pédagogie : justice pour une cause perdue ? In M Develay (sous la dir.), Manifeste pour les pédagogues, Issy-lesMoulineaux, ESF, pp. 7-44.
82
Vial Michel (2001), op cit, p. 65.
78
79
26
II.3.2.
La médiation dans les apprentissages
Vial considère que « Le formateur n’est pas un simple transformateur, c’est avant tout un
médiateur – un passeur83. » Il nous appartient de clarifier la notion de médiation et de
l’identifier dans la fonction du cadre formateur en soins infirmiers.
II.3.2.1. La définition de la médiation
Raynal et Rieunier (1997) définissent la médiation comme « ensemble des aides ou des
supports qu’une personne peut offrir à une autre personne en vue de lui rendre plus
accessible un savoir quelconque. […] le langage, l’affectivité, les produits culturels, les
relations ou les normes sociales sont des médiations84 » ici le terme médiation est envisagé
comme le moyen qui soutient la relation.
La médiation, selon Bath (2007) permet de réguler les apprentissages des étudiants, en
encourageant, mais aussi en partageant avec eux, une démarche et une curiosité intellectuelle.
Cet auteur parle d’un « compagnonnage à la fois affectif et cognitif qui leur donne confiance
en eux et envie de participer d’une façon de plus en plus autonome85 ». Cette relation, permet
à l’étudiant de donner du sens à ses apprentissages, de prendre conscience de son savoir en
construction et de percevoir son identité en devenir. Bart (2013) propose une grille d’analyse
du processus de médiation dans les apprentissages, qu’elle décrit en cinq étapes. Les deux
premières se placent avant la situation d’apprentissage et consistent à rendre accessible le
savoir. Il s’agit tout d’abord de définir le savoir, pour ensuite le contextualiser afin de lui
donner du sens. La réalisation de ces deux étapes permet d’envisager les trois temps suivants
qui se situent pendant l’activité mais ont été pensés en amont de celle-ci par le formateur. Il
s’agit tout d’abord d’engager les apprenants dans la recherche de sens, puis de guider
l’apprenant dans sa construction de savoir, Bart parle de « co-construction » pour enfin
envisager le transfert à de nouvelles situations.
Pour Meirieu (1987) « La médiation désigne à la fois ce qui, dans le rapport pédagogique,
relie le sujet au savoir et sépare le sujet de la situation d’acquisition. Elle assure ainsi,
contradictoirement, mais indissolublement, la transmission du savoir et l’émancipation du
sujet86 ». Mérieu pointe ici le conflit de l’étudiant face au savoir. Selon lui, l’intervention
d’une tierce personne permet d’apaiser cette perception, pour permettre à l’apprenant
d’intégrer les connaissances, garantissant l’accès à une certaine autonomie cognitive.
83
Vial Michel (2001), op cit, p.66.
Raynal Françoise et Rieunier Alain (1997), Pédagogie : dictionnaire des concepts clés. Paris, ESF.
85
Barth Britt-Mari (2007), op cit. p. 89.
86
Meirieu Philippe (1987), Apprendre… oui, mais comment. Paris, ESF, p. 187.
84
27
Bruner (1983) développe une forme particulière de médiation qui est la tutelle. L’auteur
construit une analyse à partir de l’observation de l’acquisition du langage chez le jeune enfant
par le biais des interactions qu’il peut avoir avec sa mère. Même si le cadre de notre recherche
est très éloigné de cette population, il nous paraît intéressant de nous arrêter sur la définition
que Bruner donne de la tutelle. Il la définit comme « un ensemble de moyens par lesquels un
adulte ou un spécialiste vient en aide à quelqu’un87 » il associe à la notion de tutelle à celle
d’étayage. Selon cet auteur l’étayage est une posture de « l’adulte » ou de la personne
expérimentée qui est mise en place pour sécuriser l’action de l’apprenant, dans la perspective
de l’encourager à exploiter au maximum son potentiel. L’apprenant peut ainsi tenter d’agir
au-delà de sa connaissance car rassuré par la présence de l’expert qui oriente, soutient et
contrôle son action. Cette fonction d’étayage réduit la marge de liberté de l’apprenant qui
n’est pas autonome pour agir seul, toutefois, accompagné il peut développer son savoir, car
cette présence le sécurise. Par cette notion nous rejoignons la zone proximale de
développement de Vigotsky. Nous pouvons, ainsi, envisager un angle nouveau de
l’accompagnement.
En effet Paul (2004) introduit une notion complémentaire « le principe sur lequel repose le
tutorat aujourd’hui : la réflexion au cœur de l’action88 ». En effet lors des travaux dirigés,
même si l’apprentissage s’appuie sur l’analyse de situations fictives (situation problème ou
étude de cas concrets), l’activité est tournée vers les actions à mettre en place. Ces exercices
au sein de l’IFSI acceptent l’erreur comme un facteur de construction du savoir, contrairement
aux expériences en stage qui ne laissent aucune place à l’erreur car susceptible de menacer la
sécurité de la personne soignée. Toutefois le formateur qui assurait précédemment le tutorat
des étudiants en service de soins doit transposer et adapter son accompagnement au sein de
l’IFSI. Comment évoluera-t-il du tutorat à la médiation ?
Le formateur devra guider l’étudiant infirmier dans ses réalisations alors que ce dernier ne
dispose pas encore des capacités pour réaliser l’activité proposée seul avec pour objectif de
l’amener vers l’autonomie et ainsi d’exploiter son potentiel. Ce qui nous conduit à faire un
retour sur la zone proximale de Vygotsky, développée précédemment dans notre travail.
La médiation repose sur une relation asymétrique entre une personne expérimentée, ici le
formateur et l’apprenant qui cherche à construire son savoir. L’intentionnalité de cette relation
doit être partagée pour exister, la seule volonté du professionnel ne suffit pas. Ainsi Aumont
87
88
Bruner Jérome (1983), Le développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire, Paris, Puf, p. 261.
Paul Maéla (2004), L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris, L’Harmattan, p. 38.
28
et Mesnier (1992)89 voient le médiateur comme une personne dont la fonction consiste à
apaiser une relation difficile de l’apprenant avec un savoir qu’il doit intégrer. Le formateur au
sein de l’IFSI aura ce rôle à jouer auprès de l’étudiant infirmier lors des travaux dirigés.
Après avoir parcouru différentes définitions et notre conception de la médiation lors des
travaux dirigés, nous chercherons à cerner les différentes dimensions auxquelles ce terme
renvoie dans le cadre de notre recherche.
II.3.2.2. La médiation et le conflit sociocognitif
Ainsi nous constatons que la médiation est employée dans les sciences sociales pour désigner
l’intervention d’une tierce personne lors d’un conflit afin de créer ou restaurer une relation.
Nous retiendrons les notions de tierce personne, de conflit et de relation pour envisager ce
terme dans le cadre de notre recherche.
Effectivement, la médiation est également évoquée dans les sciences de l’éducation. Dans ses
travaux, Berlyne (1954) développe le conflit cognitif. Ainsi « une exposition à des stimuli
complexes et inconnus, ou d’aspect surprenant, va entraîner un conflit avec les connaissances
antérieures90 ». L’intervention d’une tierce personne pourra, alors, permettre à l’apprenant de
construire son savoir autour de ce conflit nécessaire, afin d’apaiser sa relation au savoir.
Par ailleurs, les travaux dirigés conduisent au conflit socio cognitif qui « favoriserait un
engagement cognitif actif organisé autour des réponses divergentes 91 ». Ainsi l’apprenant
s’enrichit en confrontant son point de vue à ceux des autres membres du groupe. Comme le
fait remarquer Lenoir (2009) « l’hétérogénéité est en effet une richesse, même si elle est un
défi pour le formateur qui entend suivre une démarche centrée sur les personnes 92 ».
Cependant, le conflit peut également être un obstacle à l’apprentissage, le formateur
médiateur aura pour mission de soutenir, de rassurer et de guider pour dépasser cet obstacle.
La psychologie sociale nous conduit à étudier l’influence d’autrui sur les apprenants. Dans ses
travaux sur la motivation, Galand (2006) met en évidence la nécessité de prendre en
considération deux composantes pour analyser la motivation des individus au sein d’un
groupe. En effet, les composantes internes ou les états psychologiques des apprenants sont à
croiser avec des facteurs externes issus de la relation entre les membres du groupe mais
également entre le groupe et le formateur.
Aumont Bernadette et Mesnier Pierre Marie (1992), L’acte d’apprendre, Paris, PUF.
Fenouillet Fabien (2012), op cit, p. 75.
91
Buchs Céline, Butera Fabrizio, Mugny gabriel, Darmon Céline, Quiamzade Alain (2008), « Conflits et apprentissage. Régulation des
conflits sociocognitifs et apprentissage », Revue française de pédagogie, n°163, p. 111.
92
URL : http://www.hugueslenoir.fr/index.php?page=de-la-pedagogie-a-l-andragogie, consulté le 18/02/2013.
89
90
29
Le formateur est lui-même un élément à considérer dans l’analyse de l’activité de l’apprenant,
il nous semble pertinent d’interroger son influence sur la motivation de l’étudiant. Selon Viau
(2005), le formateur est le « garant de l’apprentissage : il est celui qui va tout faire, tout
mettre en œuvre pour que l’autre, le formé accélère son changement mais le processus
d’apprentissage appartient au sujet93 ».
II.3.3.
La posture du formateur et la motivation de l’étudiant
Au-delà de la simple position du corps, la posture renvoie à l’attitude. Anzieu et Michel
(2007) s’appuient sur la définition d’Allport (1935)94 « Etat mental et neurophysiologique,
constitué par l’expérience, qui exerce une influence dynamique sur l’individu, le préparant à
réagir d’une manière particulière à un certain nombre d’objets et de situations95 ».
Ardoino (2000) donne une définition de la posture dans laquelle il met en relief un système
d’attitudes à l’égard d’autrui en fonction de situations. Selon lui « une posture dépend au
moins autant des caractéristiques de la situation où elle vient s’inscrire et des représentations
que s’en donnent nos partenaires, que de notre intentionnalité, de nos stratégies, de nos
procédures. La relation entre posture et implication est donc très forte96».
Dans le cadre de notre travail, nous retiendrons la posture, comme l’ensemble des attitudes
que le formateur adopte en fonction des situations de façon consciente ou inconsciente,
qu’elles renvoient à des comportements, à des décisions, à des stratégies, elles n’ont de raison
d’être que dans la relation formateur-étudiant au sein de l’IFSI. Toutefois elles sont soumises
à l’intention du formateur, mais également aux représentations de l’apprenant.
Nous pouvons donc penser que l’attitude du formateur peut avoir une incidence sur
l’implication, voire la motivation de l’étudiant lors des travaux dirigés. Ainsi nous nous
rapprochons de Viau (2005) qui développe trois axes que le formateur peut interroger pour ne
pas nuire à la motivation des apprenants.
Le premier est tourné vers la compétence du formateur et sa propre motivation. Selon
l’auteur, un apprenant ne peut pas être motivé par un formateur qui ne le serait pas lui-même.
Pour De Beni et Pazzaglia (2001) « La faible motivation des élèves est vécue non seulement
comme frustrante [pour l’enseignant], mais comme le principal obstacle au processus
93
Vial Michel (2001), « faut-il un référentiel pour déterminer les missions des personnels de santé ? », Soins Cadres, n° 37, p. 6.
Allport Gordon W. (1935), Attitudes, In Murchison, Handbook of Social Psychology, Worcester, Mass., Clark University Press.
95
Anzieu Didier, Martin Jacques-Yves (2007), La dynamique des groupes restreints, Paris, Puf (1ère ed. Quadrige), p.277.
96
Ardoino Jacques (2000), les avatars de l’éducation, Paris, Puf, p. 71.
94
30
d’enseignement-apprentissage97». Viau (2005) renforce cette idée en affirmant que les
enseignants considèrent les apprenants « responsables de leur absence de motivation à
enseigner, mais aussi qu’ils attendent que ce soit eux [les apprenants] qui les motivent dans
leur travail98 ». Cette affirmation interroge la relation pédagogique que nous avons pu
développer précédemment.
Le second axe développé par Viau concerne les perceptions que l’enseignant peut avoir de
l’apprenant et susceptibles d’induire un comportement chez ce dernier. Dans ses travaux,
Stipek, (1993)99 illustre des situations dans lesquelles, de façon inconsciente, les enseignants
priorisent la prise de parole des élèves qu’ils considèrent comme brillants au dépend des
élèves plus faibles.
Ces constats nous encouragent à nous questionner, l’attitude du formateur pourrait-elle être
influencée par les représentations qu’il peut avoir des étudiants ? Ainsi la motivation de
certains apprenants considérés comme pertinents pourrait être encouragée alors que les autres
apprenants trouveraient refuge dans l’absence de participation. Les auteurs cités ci-dessus
estiment que de telles attitudes peuvent conduire les apprenants à une a motivation.
Le dernier axe développé par Viau, renvoie à la motivation extrinsèque avec un système de
punition et de récompense. Wlodkowski (1985)100 a particulièrement développé cet aspect en
émettant des réserves en ce qui concerne l’efficacité des récompenses chez l’adulte comme
source de motivation. En effet, selon lui, l’adulte construit son savoir pour des raisons qui lui
sont propres, donc au regard de sa motivation intrinsèque et ne peut être encouragé par ce type
de sollicitation.
Ces différents aspects nous encouragent à approfondir notre questionnement. La motivation
des étudiants pourrait-elle, donc, être en lien avec la posture du formateur ? Nous chercherons
à explorer ce domaine au cours de notre enquête. En effet, notre cheminement nous conduit, à
présent, à clarifier notre problématique et à émettre des hypothèses afin poursuivre notre
réflexion.
97
De Beni Rossana et Pazzaglia Luciano (2001), cités In Doudin Pierre André, Martin Daniel, Albanese Ottavia, métacognition et éducation,
Bern, Peter Lang, p. 248.
98
Viau Rolland (2005), op cit, p. 120.
99
Stipek Déborah J (1993), motivation to learn, Boston, Allyn and Bacon.
100
Wlodkowski Raymond J. (1985), op cit.
31
III. La Problématique et les hypothèses
III.1. Du questionnement à la problématique
Comment expliquer le manque de motivation des étudiants lors des travaux dirigés au sein de
l’institut de formation en soins infirmiers ? Nos recherches nous ont permis de mettre en
évidence un lien entre participation, motivation et apprentissages. L’apprentissage nous
apparaît comme une responsabilité partagée entre l’apprenant qui doit être acteur dans la
construction de son savoir et le formateur dont la mission est d’accompagner l’étudiant dans
cette démarche. Les différents questionnements développés tout au long de cette réflexion
nous conduisent à faire évoluer le cadre de notre recherche autour de la question suivante :
Dans le contexte du référentiel de la formation infirmière qui définit précisément les savoirs,
les objectifs et les conditions de mise en œuvre de cette formation, quelle pédagogie est
susceptible de susciter la motivation de l’étudiant lors des travaux dirigés afin de favoriser sa
participation et ses apprentissages ? Pour répondre à cette question, nous axerons notre
réflexion autour de deux hypothèses.
III.2. Les hypothèses
III.2.1 La première hypothèse
La réflexion didactique et pédagogique permet au cadre formateur de proposer à l’étudiant des
modalités pédagogiques adaptées, variées, attractives et innovantes
qui suscitent sa
motivation intrinsèque, le conduisant à participer et à s’investir dans ses apprentissages.
III.2.2 La deuxième hypothèse
La posture du cadre formateur lors des travaux dirigés intervient dans la motivation de
l’étudiant et conditionne son engagement dans l’activité proposée.
IV. L’enquête
IV.1. La population enquêtée
Nous avons mené notre enquête auprès d’étudiants infirmiers et de formateurs en soins
infirmiers. En effet, il nous paraissait essentiel de pouvoir croiser les propos des uns et des
32
autres. Seuls les étudiants pouvaient évoquer leur vécu, leurs représentations et expliquer
leurs attentes et attitudes lors des travaux dirigés. De leur côté, les formateurs pouvaient nous
expliquer leur cheminement professionnel, de la construction à l’animation des séances de
travaux dirigés, ils pouvaient nous livrer leurs difficultés ou bien leurs choix et les
argumenter.
Comme « les propos de l’interviewé sont toujours liés à la relation spécifique qui le lie au
chercheur101 », nous avons fait le choix de mener nos investigations hors de notre institut de
formation. En effet, notre statut d’enquêteur interne aurait pu influencer les réponses des
interviewés au sein de notre IFSI. Nous avons donc ouvert notre recherche à deux autres
instituts de formation en soins infirmiers, le référentiel de formation nous garantissait le
respect du cadre posé dans notre recherche. Notre analyse ainsi élaborée, nous permettrait de
réaliser une comparaison avec la mise en place des travaux dirigés au sein de notre
établissement.
IV.2. Le terrain d’enquête
Nous avons sélectionné les instituts de formation dans lesquels nous souhaitions mener nos
enquêtes en fonction de la taille de l’IFSI et du nombre d’étudiants accueillis par promotion.
En effet, dans l’IFSI dans lequel nous exerçons, en moyenne les promotions de septembre
comptent
110 étudiants et celle de février, 60 étudiants. Nous souhaitions connaître
l’existence d’une éventuelle incidence de ces éléments sur la pratique des travaux dirigés dans
la formation en soins infirmiers.
Ainsi, la première partie de notre enquête s’est déroulée dans un institut de formation de notre
région que nous identifierons -IFSI 1- dans la suite de notre travail. Cet IFSI accueille une
rentrée en septembre et compte 50 étudiants par promotion. La seconde partie de notre
enquête a été menée dans un institut de formation –IFSI 2- de notre région également, mais
qui accueille une double rentrée une en septembre de 150 étudiants et une, en février de 80
étudiants.
IV.3. La méthodologie de recherche retenue
Nous avons utilisé l’entretien semi directif qui permet de recueillir « des informations et des
éléments de réflexion très riches et nuancés102 ». A partir de nos hypothèses nous avons
101
102
Quivy Raymond, Van Campenhoudt Luc (2006), Manuel de recherché en sciences sociales, Paris, Dunod (3ème éd.), p. 176.
Ibid, p. 172
33
construit un guide d’entretien à destination des formateurs 103 et un autre à destination des
étudiants104. Les thèmes à aborder étaient déterminés au départ, toutefois l’interviewé
disposait d’une liberté d’expression en lien avec le cheminement de sa pensée. Nous avons
veillé à adopter une posture d’écoute bienveillante, en effet nous invitions l’interviewé à
s’exprimer en lui précisant qu’il n’y avait ni bonne ni mauvaise réponse, mais seul son point
de vue nous intéressait. Par ailleurs, notre rôle d’enquêteur nous conduisait à garantir le
respect du cadre de l’enquête initialement posé en réorientant ou en invitant l’interviewé à
approfondir ses propos par des questions de relance si nécessaire.
Avec l’accord des personnes interviewées nous avons enregistré les entretiens en les assurant
de la confidentialité de nos échanges. En effet les entretiens ont été retranscrits, d’entre eux
sont consultables en annexe105 dans un second temps afin de pouvoir les analyser tout en
anomymant l’ensemble des données.
Nous avons alors, réalisé une analyse de contenu que Bardin (2007) définit comme « un
ensemble de techniques d’analyse des communications106 ».
Nous avons fait le choix d’appuyer notre recherche sur une méthodologie qualitative qui
repose sur une analyse compréhensive du discours. Pour mener l’analyse des entretiens, nous
avons réalisé une analyse longitudinale de chaque entretien pour ensuite construire une
analyse transversale des données recueillies.
IV.4. L’échantillonnage
Nous avons souhaité recueillir le point de vue de 6 étudiants dans les deux IFSI, 2 étudiants
par année de formation afin de pouvoir analyser les propos des étudiants en fonction de leur
niveau de formation. Nous souhaitions avoir une diversité en termes d’âge, de sexe, et de
parcours.
Par ailleurs, nous avons choisi d’interviewer 5 formateurs dans chacun des deux
établissements. Nous souhaitions avoir une représentation des formateurs sur les différentes
années de formation. Nous cherchions à nous entretenir avec des formateurs cadres de santé,
mais également des infirmiers faisant fonction de cadre formateur avec un recul différent au
regard du nombre d’années d’exercice de cette fonction. Nous avions exprimé le souhait de
ANNEXE III : Guide d’entretien à destination des formateurs.
ANNEXE IV : Guide d’entretien à destination des étudiants.
ANNEXE V : Retranscription de 3 entretiens.
106
Bardin Laurence (2007), L’analyse de contenu, Paris, Puf, (1ère Ed. Quadrige), p. 35.
103
104
105
34
rencontrer des formateurs ayant suivi une formation universitaire afin de repérer un éventuel
positionnement différent dans la mise en œuvre des travaux dirigés. Nous n’avions émis
aucune demande particulière par rapport à l’âge des formateurs et par rapport au nombre
d’années depuis l’obtention du diplôme d’état. Nous avons ainsi constitué une population
d’enquête.
Les tableaux ci-dessous présentent les populations interviewées, pour le premier, celle
des étudiants et pour le second, celle des formateurs. Les entretiens ont été classés par année
de formation. Nous avons numéroté les entretiens de 1 à 12, précédés de la lettre E pour les
étudiants et de 1 à 10, précédés de la lettre F pour les formateurs, afin de simplifier
l’identification lors de l’utilisation dans notre analyse.
La population des étudiants :
n°
Sexe
Age
Année de
formation
Filière
Bac
Expérience
Professionnelle
Formation
antérieure
E1
F
23 ans
1ère
ES
commerce
-
I
F
S
I
E2
F
21 ans
1ère
STSS
ASH
-
E3
F
30 ans
2ème
_
Auxiliaire de
puériculture
-
E4
F
20 ans
2ème
S
-
-
1
E5
F
22 ans
3ème
ES
-
-
E6
F
33 ans
3ème
L
Aide soignante
DEUG psycho
Licence sc. Educ.
E7
H
26 ans
1ère
ES
Educateur
-
E8
F
25 ans
1ère
STSS
Agent de service
hospitalier
-
E9
H
20 ans
2ème
ES
-
-
E10
F
29 ans
2ème
-
Aide soignante
-
E11
F
21 ans
3ème
STSS
-
-
E12
F
39 ans
3ème
D
établissement personnes
handicapées
I
F
S
I
2
Responsable
Maîtrise
management
35
La population des formateurs :
I
F
S
I
1
I
F
S
I
2
n°
sexe
Année de
Formation
Age
Ancienneté
Diplôme
D’état IDE
Ancienneté
Diplôme
cadre
Ancienneté
Fonction
formateur
Formation
universitaire
F1
F
1ère
36 a
17 ans
2 ans
6 ans
-
F2
H
1ère
50 a
29 ans
1 an
6 ans
-
F3
F
2ème
45 a
22 ans
-
1 an 1/2
-
F4
F
2ème
45 a
21 ans
7 ans
12 ans
-
F5
F
3ème
56 a
35 ans
9 ans
13 ans
-
F6
F
1ère
40 a
17 ans
-
1 an
-
F
ère
Master méthodes
F7
1
55 a
32 ans
23 ans
4 ans
appliquées soins +
DU recherche
clinique
F8
H
2ème
38 a
14 ans
5 ans
3 ans
Master rech.
F9
F
2ème
52 a
31 ans
-
2 ans
-
F1
0
F
3ème
50 a
30 ans
18 ans
11 ans
-
Sc. éduc.
IV.5. Le déroulement de l’enquête
En avril 2013, nous avons adressé un courriel au directeur de chacun des deux IFSI afin de
solliciter leur autorisation pour réaliser notre enquête auprès des équipes pédagogiques et des
étudiants de leur institut.
Une réponse favorable nous a rapidement été donnée au sein de l’IFSI 1. Une coordinatrice
pédagogique a été un interlocuteur précieux pour nous mettre en relation avec des formateurs
et des étudiants après lui avoir exprimé les critères retenus pour constituer notre population.
Ainsi nous avons pris contact avec les formateurs, dont les noms nous avaient été donnés,
afin de leur demander s’ils acceptaient de participer à notre enquête et pour convenir d’un
rendez-vous lorsqu’ils acceptaient. Tous les formateurs contactés ont accepté sans réserve. La
taille de l’IFSI et sa proximité de notre lieu d’habitation a facilité l’organisation des différents
entretiens. Les étudiants quant à eux, ont été sollicités par leurs formateurs, les rendez-vous
ont été organisés en fonction de leurs emplois du temps.
36
Les entretiens se sont déroulés entre le 02 et le 17 mai 2013. Pour 2 formateurs et 5 étudiants,
la rencontre s’est effectuée dans une salle de réunion mise à notre disposition pour l’occasion.
Un entretien avec 1 formateur s’est déroulé à notre domicile en dehors de toute autre présence
en raison de la difficulté de planifier un rendez-vous au regard de nos emplois du temps
respectifs, la proximité de nos habitations nous a permis de réaliser la rencontre en dehors de
nos horaires de travail. Un entretien a eu lieu dans notre bureau au sein de notre IFSI, sur
proposition du formateur qui venait réaliser des rencontres pédagogiques auprès des étudiants
de son IFSI, en stage au Havre. Un entretien avec un étudiant s’est déroulé dans le jardin de
son l’IFSI, à la demande de l’interviewé qui acceptait de répondre à notre entretien mais
souhaitait fumer une cigarette et se détendre avant de reprendre les cours de l’après-midi,
nous avons accepté cette proposition, la qualité de l’enregistrement s’est révélée tout à fait
satisfaisante malgré nos craintes. Nous avions pu nous installer à l’écart des autres groupes ce
qui nous a permis de rester très concentrés l’un et l’autre. Aucun des entretiens n’a été
interrompu, chaque interviewé s’est rendu totalement disponible pour l’occasion.
Au sein de l’IFSI 2, la directrice adjointe a été chargée par le directeur de l’institut
d’accompagner nos démarches au sein de l’institut. Après lui avoir exposé le thème de notre
travail et le cadre de notre enquête, elle a diffusé un courriel à l’ensemble de l’équipe
pédagogique en précisant nos coordonnées afin que les formateurs volontaires prennent
contact avec nous. Seulement deux formateurs nous ont contactés pour accepter de participer
à l’enquête et convenir d’un rendez-vous. Devant le manque de candidature spontanée, nous
avons alors sollicité des formateurs en fonction des années de formation, de leur parcours et
de leur présence à l’IFSI lors de nos appels téléphoniques. Nous avons toutefois pu constituer
l’échantillonnage recherché. Deux entretiens se sont déroulés dans les bureaux des
formateurs, sans que nous soyons interrompus, pour les autres entretiens, une salle avait été
mise à notre disposition et étudiants et formateurs se sont succédés pour s’entretenir avec
nous. Les entretiens se sont déroulés entre le 16 et le 23 mai 2013.
V.
L’analyse des données
V.1. La méthode d’analyse retenue
Pour exploiter les données recueillies lors de notre enquête, nous avons utilisé l’analyse de
contenu catégorielle par thématique. Pourtois et Desmet (1997) définissent cette méthode
comme des « opérations de découpage du texte en unités et de classification de ces dernières
dans des catégories. La catégorisation a pour but de condenser les données brutes pour en
37
fournir une représentation simplifiée (…). Le thème est l’unité, le « noyau de sens », qui se
dégage du texte lorsqu’ont été choisies les catégories sur la base d’une théorie permettant la
lecture des informations107 ».
Chaque entretien enregistré a été retranscrit. Pour élaborer notre catégorisation, nous avons
opté pour la procédure par « boîtes » développée par Bardin (2007), dans laquelle « on répartit
de la meilleure façon possible les éléments et au fur et à mesure de leur rencontre 108 ». Nous
avons à ce stade du travail séparé les deux populations, porté notre attention sur les entretiens
menés auprès des étudiants dans un premier temps et procédé de la même manière avec la
population des formateurs dans un second temps.
V.2. L’analyse longitudinale
Ainsi, au sein des deux populations, nous avons analysé chaque entretien séparément. A
l’issue de cette phase nous avons identifié des thèmes récurrents que nous avons classés dans
quatre catégories pour les étudiants et les formateurs.
Pour constituer notre catégorisation nous avons veillé à respecter différents critères.
L’exhaustivité, en effet chaque unité d’enregistrement devait pouvoir être classée dans une
catégorie. Respecter l’exclusivité, nous imposait de constituer nos catégories pour que les
données ne puissent être classées que dans une seule catégorie. Nous avons pris soin de traiter
les données sans les transformer afin de garantir l’objectivité de l’analyse. Notre catégorisation
a été élaborée dans un souci de pertinence. En effet, elle devait nous permettre de classer
fidèlement les unités d’enregistrement, et de valider ou non nos hypothèses pour répondre à la
question de départ posée dans le cadre de notre travail de recherche.
Nous avons pu construire nos deux guides d’analyse en nous appuyant sur l’adaptation que
nous avons réalisée à partir du modèle d’analyse de la motivation proposé par Barbeau (1993,
1997). Pour chacun des deux guides, les catégories sont identiques afin de nous permettre de
réaliser l’analyse transversale dans un second temps. Toutefois les thèmes retenus varient
sensiblement. L’analyse longitudinale s’appuiera sur les propos des personnes interviewées
qui seront retranscrits en italique dans le corps du texte.
107
108
Pourtois Jean-Pierre, Desmet Huguette (1997), Epistémologie et instrumentation en sciences humaines, Sprimont, Mardaga, p. 201.
Bardin Laurence (2007), op cit, p 152.
38
Guide d’analyse des entretiens réalisés :
Catégories
Thèmes population des étudiants
Thèmes population des formateurs
Les
apprentissages
Perception de la difficulté de la tâche
Perception de l’intérêt
Perceptions de l’étudiant
Besoins des étudiants
Les contenus – la valeur de l’activité
Les modalités
Les Formes – l’attractivité/l’innovation
pédagogiques
Conception de l’activité
Professionnalisation du formateur
Les Formes – l’attractivité/l’innovation
La dynamique
des groupes
La communication –les interactions
La notion de rôle
Le fonctionnement du groupe
La communication –les interactions
La notion de rôle
Le fonctionnement du groupe
La relation
Formateurétudiant
La distance
La posture du formateur
La distance
La posture du formateur
V.2.1.
L’analyse longitudinale des entretiens étudiants
L’entretien n° 1 (E1) a été réalisé auprès d’une étudiante de 23 ans, diplômée d’un
baccalauréat économique et social. Elle est actuellement en 1ère année de formation.
L’étudiante explique les difficultés qu’elle rencontre dans ses apprentissages, « Il y a des
choses, vu que c’est que de la théorie, ce n’est pas très facile à comprendre. Les cours en
petits groupes c’est mieux, après on pratique, on met en œuvre ce qu’on a vu dans les cours,
c’est plus facile comme ça (…) ». Ici la difficulté d’intégrer des notions théoriques abstraites,
est exprimée. Cette jeune femme exprime, notamment, une difficulté dans le domaine du
calcul de dose « moi toute seule, franchement je suis perdue, je n’y arrive pas ». Cette
étudiante a obtenu un baccalauréat économique et social, sa difficulté n’est donc, visiblement
pas d’ordre mathématique puisque les calculs de doses réalisés en 1ère année sont basés sur la
notion de proportionnalité. Ici le calcul de dose est associé à l’administration thérapeutique et
renvoie à la responsabilité de l’infirmière et au risque d’erreur avec des conséquences sur la
personne soignée. Cette prise de conscience est source d’anxiété pour l’étudiante qui a besoin
d’être sécurisée et accompagnée lors des séances de travaux dirigés.
Ainsi, elle aborde des modalités pédagogiques pouvant contribuer à sa démotivation. « Je vais
être franche, on a le cours théorique, après on arrive en TD, en petit groupe, on nous donne
une feuille et on nous dit : « voilà vous avez une heure, moi je reviens dans une heure, et puis
on en parlera ensemble » je ne trouve pas ça trop top. » L’étudiante exprime le sentiment
d’abandon qui peut être source d’anxiété, et de démotivation. Elle explique d’ailleurs « le fait
de réfléchir comme ça tout seul, il nous manque des apports du formateur, avec lui son
39
expérience ». L’étudiante attend du formateur qu’il apporte un caractère concret à la réflexion
du groupe, mais également des savoirs complémentaires. En 1ère année de formation et au
regard de son parcours, cette étudiante a peu d’expérience dans le domaine soignant.
Pour l’étudiante le travail de groupe « c’est intéressant parce qu’on ne pense pas tous la même
chose, on n’a pas tous les mêmes apports, pas tous la même expérience (…) ça nous permet de
nous aider entre nous ». Ce temps est destiné au partage, à l’entraide, mais avec une
production individuelle. Elle aborde le groupe comme pouvant être contributif de sa
motivation « on est entouré de ceux avec lesquels on a envie d’être » cette sécurité affective
peut-être un facteur de motivation toutefois est-elle toujours productive ? d’ailleurs elle
poursuit, « après ce qui me dérange, c’est que c’est toujours les mêmes qui parlent, donc c’est
un peu moins motivant quand on est toute seule à parler pendant un cours avec le formateur et
que les autres ils sont un peu passifs. » Ici la dynamique de groupe est abordée, l’étudiante
exprime un décalage entre ses représentations et l’attitude passive de ses collègues. Cette
perception peut contribuer à sa démotivation.
L’étudiante investit, alors, la relation avec le formateur. « Ce qui me motive, c’est l’écoute,
on a une meilleure écoute du formateur». La communication avec le formateur devient l’axe
privilégié, elle fait abstraction des interactions au sein du groupe. Le formateur répond à son
besoin de certitudes. La notion de proximité y est associée « de toutes façons on connaît très
bien nos formateurs ». La réciproque semble essentielle pour cette étudiante, qui a besoin
d’être reconnue par le formateur, ce qui peut expliquer sa participation très active, pour faire
plaisir au formateur qui attend un engagement du groupe.
L’entretien n° 2 (E2) a été réalisé auprès d’une étudiante de 21 ans, en 1ère année de
formation dans le cadre de la promotion professionnelle. Diplômée d’un baccalauréat Sciences
et Technologie de la Santé et du Social, elle a exercé comme agent de service hospitalier.
L’étudiante présente les travaux dirigés comme contributifs de ses apprentissages, « c’est
l’enrichissement et l’apport de connaissances. On apprend toujours plus ». En effet, comme le
prévoit le référentiel, les TD sont destinés à « illustrer, approfondir et compléter un cours
magistral en introduisant des données nouvelles qui peuvent être théoriques ou pratiques109 ».
Toutefois « quand on connaît on peut enrichir le sujet donc ça nous aide aussi à apprendre
parfois », cette étudiante dispose d’une expérience professionnelle dans le domaine hospitalier
qui lui permet, de contextualiser, de donner du sens aux informations théoriques qu’elle reçoit.
Cette concrétisation facilite ses apprentissages.
109
ANNEXE I, p. 277
40
Lorsqu’elle aborde les modalités pédagogiques, l’étudiante présente l’autonomie comme
favorisant sa motivation. « Ça fait référence au futur projet professionnel et puis on arrive à
un certain âge il faut quand même que l’on soit autonome, un niveau professionnel qui
demande l’autonomie ». Cette étudiante s’est engagée dans cette formation pour évoluer vers
la fonction d’infirmière, nous rappelons qu’elle occupait la fonction d’agent de service
hospitalier avant son entrée en formation. Lorsque cette étudiante évoque « un niveau
professionnel qui demande l’autonomie » elle nous conduit à aborder le rôle propre de
l’infirmière. L’étudiante cherche à être reconnue.
La jeune femme aborde les interactions au sein du groupe, « le petit comité qui permet des
échanges plus facilement (…) il y a plus de communication, ça bouge, on échange entre nous
sur plusieurs choses ». L’aspect sociocognitif de l’apprentissage est pointé. Toutefois elle
exprime des limites, « mais ça reste parfois inactif quand même. Les élèves ne sont pas plus
investis que ça (…) ce sont toujours les mêmes qui parlent (…) ». L’étudiante se compte parmi
les étudiants « qui parlent ». Elle décrit ses collègues comme des « élèves pas plus investis que
ça », l’étudiante dénonce cette attitude. Elle précise « certaines personnes peuvent ne pas être
concentrées, ne pas avoir envie de travailler et oui ça peut me gêner. » La dynamique de
groupe et les tensions peuvent être responsables de sa démotivation. Les acteurs doivent
« apprendre à travailler en groupe, apprendre à s’organiser, être capables d’attribuer des
rôles entre guillemets à chaque participant ». Chacun adopte une position en fonction de ses
attentes, mais également en fonction de celles des autres participants. Ainsi des jeux
d’influence vont se constituer. Elle explique que « certains ont la prise de parole facile » selon
cette étudiante « c’est bien que les rôles soient inversés : il ne faut pas que ce soit toujours la
même personne qui prenne les décisions » la notion de leader, et les phénomènes dominantdominé sont ici abordés.
L’étudiante considère que « Les formateurs ce qu’ils attendent de nous c’est que ce soit plus
nous qui travaillons ». L’étudiante se positionne en tant qu’actrice de la construction de ses
connaissances. Toutefois elle nous confie « il (le formateur) veut nous laisser travailler en
autonomie, mais nous, ça peut nous inquiéter (…) s’il n’est pas là on se sent un peu
délaissé ». Le formateur devrait sécuriser la construction du savoir, il est reconnu pour son
expérience et son expertise dans le domaine étudié. Parallèlement une relation affective est
également mentionnée, lorsque le formateur part il « délaisse » le sentiment d’abandon est ici
exprimé par l’étudiante. Comme nous l’avons développé précédemment, les émotions
interviennent dans la motivation. Selon l’étudiant le formateur a pour rôle « de nous aiguiller
et puis répondre aux questions, il faudrait des consignes précises. » Donc il dirige et sécurise
le parcours.
41
L’entretien n° 3 (E3) a été réalisé auprès d’une étudiante de 30 ans, en 2ème année de
formation. Auparavant auxiliaire de puériculture, sa formation s’inscrit dans le cadre d’une
promotion professionnelle.
L’étudiante explique, « Les formateurs nous racontent des anecdotes de leur expérience (…)
c’est du vécu, ça nous reste, (…), je me rappelle de ces exemples, ça fait appel à ma mémoire
et ça m’aide à classer mes connaissances ». Les formateurs concrétisent les informations qui
vont alors prendre sens pour l’étudiant et pouvoir être intégrées. L’étudiante distingue sa
motivation, de son engagement dans l’activité proposée. Elle explique « j’ai 30 ans, je sais
vraiment pourquoi je suis là mais j’ai très vite fait de me dire : « hé bien ça va être 2 heures
cool » ». Ainsi l’étudiante affirme sa motivation à évoluer vers la profession d’infirmière.
Cependant, la fatigue, le stress lié à la charge de travail, les évaluations peuvent constituer des
facteurs de démotivation. « Ces petits moments là où on est en groupe c’est aussi un moment
où on décompresse on peut se détendre un peu ». Elle trouve du réconfort dans la convivialité
du groupe, cependant elle exprime sa perception, « on a l’impression de refaire et refaire ce
qu’on a déjà fait, et en plus si on a déjà validé l’unité d’enseignement on a vraiment
l’impression que cela ne sert à rien ». L’étudiante exprime clairement une motivation centrée
sur la validation des unités d’enseignement. En dehors de ce contexte, la valeur attribuée à
l’activité est réduite, sa motivation est proportionnelle à cette perception.
L’étudiante se dit satisfaite des modalités proposées et exprime son attirance pour « des
méthodes qui nous permettent de ne pas rester assises, stoïque sur une chaise mais d’être en
mouvement, aussi dans la parole, pourquoi pas des Quizz, des choses qui peuvent être légères
mais qui permettent d’apprendre, de comprendre mais pas sous la forme d’un devoir ». Action
et distraction favorisent la motivation de cette étudiante. Selon elle « apporter des choses
ludiques, (…) permet de rester sur le bon chemin dans la concentration ».
Elle considère, les groupes constitués par affinités peu productifs car « on a quand même
souvent les mêmes idées ». Elle apprécie « d’échanger avec les autres étudiants et avec nos
formateurs ». Le formateur est présenté comme régulateur, « il nous aide aussi à créer une
cohésion ». L’étudiante recherche « la participation orale la participation dans le groupe, être
moteur dans le groupe, favoriser les échanges essayer de donner quelque chose de dynamique
(…) j’ai mes propres expériences, j’ai mes propres apports je peux les apporter, échanger
avec mes collègues, mais pour ça il faut une bonne dynamique de groupe ». L’étudiante a
besoin d’être reconnue par ses collègues. Etre acceptée comme leader par le reste du groupe
est un élément contributif de sa motivation et de son engagement dans l’activité. « Avec les
idées de tout le monde on essaie de construire un point de vue qui convienne à tous, même si
42
on n’a pas tous les même idées, mais qu’on puisse se grandir de ce que les autres vont dire, et
puis c’est important de ne pas toujours être d’accord ». Le conflit socio cognitif apparaît
comme nécessaire à la construction collective avec un retour sur les savoirs individuels qui
sont interrogés et enrichis au cours de l’exercice.
Les travaux dirigés permettent « d’établir avec le formateur un lien privilégié ». L’affectivité
intervient dans la motivation. La présence du formateur est présentée comme nécessaire,
« quand il est là on est obligé de travailler » l’étudiante précise « il faut travailler ça c’est le
respect qu’on doit à notre formateur ». Une relation asymétrique est décrite, le formateur
incarne l’autorité. Il donne un cadre, il répond aux questions « et il va nous guider pour que ce
soit interactif, si on est livré à nous même on a tendance à ne pas approfondir (…) » le
formateur sécurise la qualité du travail du groupe, son autorité est respectée et attendue.
L’entretien n° 4 (E4) a été réalisé auprès d’une étudiante de 20 ans diplômée d’un
baccalauréat scientifique.
Cette étudiante présente ses apprentissages dans la perspective de la prise en charge de la
personne soignée. Elle explique « les travaux dirigés, ça nous a permis de visualiser notre
position en stage face à un patient, comment réagir, (…) ». L’étudiante présente les séances de
travaux dirigés comme l’occasion de passer de l’abstraction des apports théoriques à l’analyse
de situation de personnes soignées, donc un aspect concret. L’intérêt qu’elle porte à l’activité,
favorise sa motivation. Elle précise « la motivation je l’ai depuis le début », sa motivation
provient de son projet professionnel. Elle la décrit comme une force qui la pousse agir, « il
faut en vouloir, il faut poser des questions si on veut avancer, il faut être curieux ». Pour
donner du sens à des connaissances trop abstraites « les formateurs nous aident vraiment
beaucoup avec leur expérience du coup on a leur savoir faire, leur savoir être, c’est comme
cela que nous allons pouvoir créer nos valeurs, notre positionnement, c’est comme ça qu’on
se forme au niveau de l’apprentissage ». La construction de l’identité professionnelle et du
savoir sont associés, le formateur attendu en tant que soignant expert fait figure de modèle.
Les analyses de situations proposées en TD, manquent de réalisme pour cette étudiante qui
exprime son besoin d’être physiquement dans l’action pour progresser dans ses apprentissages.
Elle explique, « je trouve qu’on pourrait faire le même travail avec nos formateurs mais sur
des situations en stage parce qu’on serait vraiment dans l’action alors que sur le papier ça
reste abstrait et l’action est loin, c’est un exercice qui reste difficile ». L’étudiante ne perçoit
pas l’intérêt de la prise de distance, elle ne situe son apprentissage dans l’action.
Le groupe favorise sa motivation. En effet, « dans le groupe il y a beaucoup d’aidessoignantes, du coup ça nous permet d’avancer beaucoup plus vite ». Là encore, l’étudiante
43
recherche le réalisme elle s’appuie sur l’expérience des aides-soignantes « elles nous font
partager leur expérience professionnelle, leur expérience vécue ». Les interactions au sein du
groupe permettent de participer à la construction de son savoir, selon elle « c’est important
d’avoir la vision de chacun, (…) on avance en fait avec les opinions de chacun, en fait on peut
avoir cette opinion et puis avec les arguments des autres on peut avancer beaucoup plus grâce
à l’expérience de chacun ». La production collective contribue également à l’enrichissement
personnel. L’étudiante attribue une place essentielle aux aides-soignantes, ou bien ces
dernières s’imposent dans cet espace stratégique. La jeune femme a une vision négative de sa
contribution au regard de son parcours « nous on sort des écoles, on sort du bac, alors notre
rôle … » son rôle reste ainsi en points de suspension.
Pour l’étudiante, le formateur a « un rôle de tuteur et en même temps un rôle de formateur, du
coup il nous formate, enfin pas vraiment, en fait il nous dirige vraiment pour aller de l’avant
après c’est à nous aussi de… ». Le formateur dirige donc oriente et sécurise. La zone
proximale de développement est évoquée « aller de l’avant ». Le formateur conduit l’étudiant
à développer son potentiel au travers d’un accompagnement individualisé. La posture du
formateur peut contribuer à la motivation de l’étudiante, en effet elle explique « quand le
formateur est à l’aise dans les éléments qu’il nous explique c’est beaucoup plus intéressant et
on a envie de participer beaucoup plus ». Selon elle « le formateur donne vie au cours » il est
alors perçu comme un animateur et un expert.
L’entretien n° 5 (E5) a été réalisé auprès d’une étudiante de 22 ans en 3ème année de
formation, diplômée d’un baccalauréat économique et social.
L’étudiante exprime sa difficulté à intégrer les contenus théoriques abordés dans les cours
magistraux, « parce qu’on se sent largué par les cours magistraux, on peut être amené à
demander aux formateurs de nous faire des cours en plus sous la forme de travaux dirigés ».
L’étudiante est en conflit avec les savoirs. Le formateur doit lui permettre de comprendre. Il va
individualiser son accompagnement. En effet, l’étudiante nous rapporte « en petit groupe on
peut poser facilement des questions (…) la formatrice nous avait donné des outils, des
tableaux avec des couleurs pour bien retenir les différentes pathologies (…) ». Le formateur
répond aux questions des étudiants, il doit donc maîtriser le contenu en question. Toutefois son
accompagnement est essentiel à un autre niveau : « elle nous parlait de son expérience, elle
nous racontait des choses, vraiment du vivant, c’était plus facile pour apprendre (…) ». Le
formateur contextualise les éléments théoriques. L’étudiante perçoit alors le sens des
informations ce qui favorise leur intégration.
44
Les modalités proposées peuvent conduire à la démotivation de cette étudiante, « il faut
analyser des textes, alors ce n’est pas très concret du coup c’est un peu barbant ». « En fait, la
formatrice nous donne les textes (…) on ne s’en sort pas ». La perception de la difficulté de la
tâche est ici un facteur de démotivation. L’étudiante considère cette activité abstraite, et
difficile, voire inaccessible autant de facteurs qui favorisent la démotivation. Lorsque nous
demandons à l’étudiante de préciser la mise en lien évoquée, la réponse est floue, « ça dépend
des personnes qui nous font cours, des concepts ou des pathologies (…). Et bien on fait
l’analyse et on va croiser les données des cours et des TD. En fait ce sont des cas concrets ».
L’étudiante évoque « la mise en lien » comme une consigne familière mais devient hésitante
lorsqu’elle est invitée à l’expliquer.
Cette étudiante évoque le travail en groupe, seulement lorsqu’elle est sollicitée « Alors c’est
vrai on peut partager avec le groupe mais c’est mieux quand le formateur est là ». Les
interactions avec les collègues ne favorisent pas sa motivation. Le travail de groupe constitue
l’occasion d’entrer en relation avec le formateur. « Si elle nous laisse dans notre coin faire
notre truc et qu’elle revient au bout de 2H, ça moi je n’aime pas beaucoup. Par contre, si elle
est là qu’elle interagit avec nous, c’est peut-être un peu scolaire mais je pense que c’est la
bonne méthode ». L’étudiante nous a confié sa difficulté face à la construction de son savoir,
elle a une représentation négative de ses capacités dans ce domaine. Elle attend du formateur
qu’il transmette ses connaissances, « elle a des idées, elle a des choses à nous donner ». Le
formateur fait figure d’autorité, il régule « c’est peut-être une peu scolaire ». Cette étudiante
parvient difficilement à trouver une place au sein du groupe.
L’entretien n° 6 (E6) a été réalisé auprès d’une étudiante de 33 ans en 3ème année de
formation. Cette étudiante a suivi un cursus universitaire (psychologie, sciences de
l’éducation), elle se destinait à l’enseignement. Toutefois, elle a exercé le métier d’aidesoignante après avoir réorienté son projet.
L’étudiante évoque l’intérêt d’être acteur dans la construction de son savoir « on est vraiment
actif dans l’apprentissage et ça reste ancré ». L’expérience du formateur lui permet d’illustrer
les connaissances. Contextualisées, les informations deviennent accessibles. L’étudiante
perçoit les travaux dirigés comme l’occasion « d’approfondir certains axes » mais nous
explique également que « les travaux dirigés servent à faire le lien entre ce qu’on apprend et
ce qu’on aura à faire en stage » les travaux dirigés se trouvent donc à l’interface entre la
théorie et la pratique. Elle poursuit son explication « l’IFSI apporte les bases de la théorie les
bonnes pratiques et puis après c’est à nous de les transférer sur le terrain » l’étudiante
construit un savoir mobilisable dans l’action. Les bonnes pratiques doivent être intégrées, mais
45
la réalité de la prise en charge de la personne soignée demande adaptation. Ce qui nous
renvoie à la notion de compétence. L’étudiante évoque un intérêt pour les différents contenus
théoriques abordés elle précise « on ne peut pas être passionné par tous les sujets mais tout est
intéressant ». Elle exprime son plaisir d’apprendre et la nécessité de constituer un savoir pour
agir avec compétence.
L’étudiante évoque « des formes variées » pour décrire les modalités pédagogiques. Elle
précise que « même s’il y a un cadre on peut quand même orienter les recherches selon ce qui
nous intéresse le plus. On a quand même une petite marge de manœuvre » ces espaces de
liberté et d’autonomie sont des facteurs qui favorisent la motivation de l’étudiante.
L’affectivité favorise la motivation de l’étudiante, « ce qui est intéressant, c’est que pendant
trois années d’études on s’est retrouvé et on a formé un petit groupe comme il se forme dans
toute les promos ». L’étudiante précise que « chacun avait son rôle à tenir dans l’équipe
(…) », ici nous percevons la dynamique de groupe et le rôle des participants. L’étudiante
confirme « le fait de travailler à plusieurs c’est riche et puis chacun apporte sa petite pierre ».
L’aspect sociocognitif est ici présent. L’étudiante identifie toutefois un élément dans le
fonctionnement du groupe qui pourrait est à l’origine de sa démotivation « si quelqu’un est un
peu trop directif, (…) je vais avoir tendance à m’effacer un peu, si je vois que la personne est
trop butée est trop partie dans ses idées et qu’il n’y aura pas de moyens de changer sa
manière de faire, manière de penser, ça peut participer à me démotiver à participer aux
travaux dirigés ». L’étudiante évoque les phénomènes d’influence. En effet, le comportement
d’une minorité peut influencer le vécu et les réactions du reste du groupe.
L’entretien n° 7 (E7) a été réalisé auprès d’un étudiant de 26 ans, issu d’une filière
économique et sociale il a exercé le métier d’éducateur et réoriente aujourd’hui son projet.
L’étudiant évoque une motivation fluctuante en fonction des matières abordées « il y a des
choses qui nous plaisent plus que d’autres ». Il développe sa perception de la pharmacologie
« la pharmaco c’est très technique, très moléculaire, plein de mots à retenir qu’on ne connaît
pas, c’est plus difficile de se motiver à travailler ». L’étudiant aborde ses représentations et ses
perceptions. La pharmacologie lui paraît très « moléculaire » donc abstraite, moins accessible.
Il fait une distinction entre l’intérêt pour la matière et le degré de difficulté que l’intégration de
ces connaissances représente pour lui. En effet il précise « je ne dis pas que ce n’est pas
intéressant mais il y a des degrés de motivation différents, il y en a certains dans la promo,
pour qui la pharmaco c’est très facile parce qu’ils ont un bac S ou qu’ils ont fait une année de
médecine ». Au regard de son parcours, il considère ne pas avoir les mêmes aptitudes que des
étudiants issus de filières scientifiques. Cette perception influence son investissement et ses
46
capacités dans ce domaine. Inversement la biologie est une matière dans laquelle il parvient à
s’investir plus aisément même si elle reste théorique. Il nous explique « on est plus dans un
objectif de pratique, remplir des schémas sur différents organes, ça c’est pas mal (…) on est
acteur ». Ici, l’étudiant s’engage avec plaisir dans l’activité qui consiste à compléter des
planches d’anatomie, car l’étudiant agit, d’autre part, l’activité lui permet de visualiser les
organes, de concrétiser des informations alors accessibles.
L’étudiant aborde une autre méthode pédagogique qu’il apprécie le brainstorming. Il précise
« ça c’est intéressant parce qu’on peut dire ce qu’on pense, on n’est pas formater dans
quelque chose ». Le terme « formater » renvoie au domaine informatique et au langage binaire
dans lequel il ne peut y avoir que deux alternatives 1 (vrai) et 0 (faux). Dans cet exercice il n’y
a pas de bonne ou de mauvaise réponse, chaque idée est respectable et à sa place dans la
construction collective. Le risque d’erreur et l’anxiété qui l’accompagne n’ont pas d’espace
dans cet exercice, ce qui favorise la motivation de l’étudiant.
Par ailleurs, le jeune homme aborde l’ambiance au sein du groupe, « quand je suis motivé, je
prends la parole facilement pour faire des blagues, il y a une bonne ambiance générale du TD
et c’est décontracté alors qu’à contrario les TD où on s’ennuie la motivation n’est pas là ». La
convivialité est un facteur qui favorise la motivation de cet étudiant. Motivé il s’investit
activement pour maintenir cette ambiance au sein du groupe.
L’étudiant attribue au formateur le rôle d’animateur « en TD s’il n’y a pas d’animateur qui
relance sur ce qu’il faut aller chercher dans la pratique (…) c’est beaucoup plus lassant ».
L’étudiant attend du formateur qu’il oriente le travail et qu’il apporte des exemples concrets.
En effet, étudiant en première année, il dispose de peu d’expériences de stage. Par ailleurs, il
précise « il faut qu’il regarde les choses pour qu’on reste dans le sujet (…) ». Nous percevons
deux niveaux dans le « regard » attendu. Le premier, qui évoque le besoin de sécurité, le
formateur guide les étudiants dans les différents champs à explorer. Le second, qui renvoie à
l’autorité, le formateur recadre lorsque le groupe se disperse et quitte l’ambiance de travail.
L’entretien n° 8 (E8) a été réalisé auprès d’une étudiante de 25 ans, en 1ère année.
Agent de service hospitalier, sa formation s’inscrit en termes de promotion professionnelle.
Cette étudiante exprime des difficultés dans ses apprentissages. « Je me rends compte qu’il y a
des choses qui n’étaient pas acquises pour moi. (…) je me sens perdue et du coup». Elle est
consciente que certains pré-requis lui font défaut, ce qui entrave l’intégration de connaissances
nouvelles. Elle cherche en vain de l’aide auprès de ses collègues, elle explique « je pense que
ceux qui ont déjà des connaissances ne sont pas très pédagogues ». L’étudiante sait qu’elle
doit être actrice toutefois, elle perçoit la tâche comme insurmontable seule « je sais que c’est à
47
moi de faire des efforts et d’aller faire des recherches ». D’ailleurs elle nous explique « ce qui
va me motiver c’est d’avoir toutes les connaissances qui me manquent parce que c’est vrai
que je suis très curieuse, j’attends que ça, d’apprendre». Les difficultés de l’étudiante sont à
l’origine de sa démotivation. Elle a une vision très négative de son parcours, d’elle-même et de
ses capacités. Comme nous l’avons déjà abordé, la perception que l’étudiant a de ses capacités
déterminent sa motivation à s’investir dans ses apprentissages.
Lorsque le formateur est absent elle se sent abandonnée et en difficulté « quelquefois pendant
les TD les profs nous donnent des schémas et après on doit se débrouiller seul et il n’y a pas
de formateur pour nous accompagner. Les schémas sont sensés nous aider mais des fois on a
besoin d’aide… » Les planches d’anatomie pourraient lui permettre de concrétiser des notions
théoriques abstraites. Toutefois, elle perçoit un haut degré de difficulté dans cette activité et
considère ne pas avoir les capacités de la réaliser et la réussir seule, ce qui favorise sa
démotivation.
Ainsi « en petits groupes, je dirais que c’est mieux parce qu’on a plus accès avec le
formateur ». Son intérêt pour le travail de groupe est lié à la proximité du formateur. « Entre
ceux qui ont fait S, ceux qui ont fait médecine et ceux qui ont fait autre chose je me dis que je
suis hors sujet ». Elle ne trouve pas de place au sein du groupe et l’absence de participation
devient un moyen de défense. L’étudiante explique « par exemple quand on a fait des calculs
de dose je me suis sentie un peu bête, je me rappelle que j’ai posé des questions, mais ces
choses paraissaient tellement évidentes aux autres. Donc je verrais plutôt des groupes de
niveaux, car je préfère être au bon niveau ». Travailler avec des étudiants qui rencontrent
également, des difficultés apaiserait son anxiété et lui redonnerait une légitimité.
Elle attend du formateur de l’aide, des explications. « J’ai eu des soucis avec tout ce qui est
molécule (…) c’est une formatrice qui a pris le temps et qui m’a expliqué simplement en
faisant des schémas et j’ai compris ». La biologie moléculaire est abstraite pour cette étudiante
qui a besoin de visualiser pour comprendre. La formatrice a été un médiateur entre cette
étudiante et les connaissances.
L’entretien n° 9 (E9) a été réalisé auprès d’un étudiant de 20 ans en 2ème année de
formation, diplômé d’un baccalauréat économique et social.
L’étudiant exprime sa préférence pour les soins techniques, il nous précise toutefois que « la
méthodologie il faut quand même l’avoir en tête pour construire son cheminement
professionnel ». La théorie, abstraite favorise la démotivation pour cet étudiant. Toutefois, il
perçoit la
nécessité de réfléchir pour agir, donc
le développement du savoir devient
incontournable, ce qui suscite sa motivation.
48
L’étudiant perçoit favorablement les analyses de situations, « avec nos expériences en stage,
on prend de l’assurance pour faire les exercices », il ajoute « ça nous permet de nous auto
évaluer, est-ce qu’on aurait su prendre en charge cette personne ». Cet étudiant apprécie
l’aspect concret de l’activité, même s’il s’agit d’un exercice d’école. Il fait des allers et retours
entre connaissances abstraites et ses expériences de stage concrètes. C’est l’occasion de faire
le point sur ce qui est acquis et ce qui reste à approfondir. Par ailleurs, l’étudiant évoque les
projets à mettre en place en groupe, il parle de « challenge ». Le défi est un déterminant de la
motivation. Dans la situation décrite par l’étudiant, la responsabilité à assumer favorise la
motivation, « c’est quelque chose que l’on va présenter, qui est le fruit de notre travail alors je
trouve ça plutôt stimulant plutôt que de répondre à des questions autour d’un texte pour
donner notre réflexion ». L’exercice est concret, le groupe d’étudiants est dans l’action, ce qui
favorise la motivation. L’analyse de texte, à l’inverse, est un exercice qui nécessite un degré
d’abstraction qui le démotive.
Le travail de groupe est apprécié « parce qu’on se pose des questions entre nous (…) on
partage des idées (…) chacun a un avis et en général on arrive à trouver un compromis »
l’interactivité favorise sa motivation. Les échanges encouragent chacun à approfondir son
raisonnement et à se remettre en question, ainsi le jeune homme explique « lorsqu’on a une
idée fixe on essaie d’expliquer aux autres son cheminement (…) c’est plutôt productif ».
L’étudiant évoque, également, la dynamique de groupe, « je ne vais pas sortir le cliché les
hommes sont les chefs ou je ne sais quoi, mais c’est vrai que parfois on a l’impression que
notre voix est plus écoutée (…) j’aime bien rentrer dans le processus de décision ». Ce jeune
homme a identifié qu’il bénéficiait au sein du groupe d’un statut particulier. Certaines
représentations persistent, l’image masculine est associée à la responsabilité, à la décision.
L’étudiant investit cet espace avec satisfaction. Il se positionne au centre du groupe et est
reconnu comme leader par les autres participants.
Lorsqu’il évoque la relation formateur, « je n’ai pas trop de difficultés à être avenant avec les
formateurs, je n’hésite pas à poser des questions (…) ». L’étudiant a besoin d’être reconnu
par les formateurs comme un étudiant investi et curieux. Il précise d’ailleurs « les formateurs
repèrent très vite même au début d’année les gens qui aiment bien participer à l’oral qui
répondent souvent aux questions en cours ».
Il ressent le besoin d’être apprécié par le
formateur, pour cela son engagement est aussi destiné à plaire au formateur. L’étudiant évoque
une relation asymétrique, il précise « il y a des différences, ils sont les formateurs nous
sommes les étudiants » toutefois il tente de réduire cette distance « je ne vais pas dire que je
considère les formateurs comme des amis, mais c’est vrai il y a certains formateurs avec qui
on peut pousser la plaisanterie, tout en restant dans le sens du travail, mais il y a d’autres
49
formateurs avec lesquels on va moins oser (…) ». L’étudiant recherche la convivialité, la
proximité dans sa relation avec le formateur. Cette composante affective, du registre des
sentiments, favorise sa motivation.
L’entretien n° 10 (E10) a été réalisé auprès d’une jeune femme de 29 ans en 2ème
année de formation. Aide soignante avant son entrée à l’IFSI, elle suit sa formation dans le
cadre d’une promotion professionnelle.
L’étudiante situe ses apprentissages et sa motivation par rapport à son exercice professionnel
futur. Elle explique « c’est un plaisir de venir à l’école apprendre des choses qui vont me
servir en service ». L’étudiante pointe un décalage entre l’attitude de ses collègues et sa propre
motivation. « moi j’ai du mal à comprendre qu’on ne soit pas motivé (…) en sortant du
baccalauréat (…) je trouve qu’ils ne sont pas assez motivés par la formation d’infirmière, ils
ont loupé par exemple la fac de médecine et ils arrivent en formation infirmière… je pense
qu’ils ne se rendent pas compte de la responsabilité du métier, de plein de choses, du coup ils
participent sans participer, ils sont avec leur téléphone portable (…) à 18 ans on n’a pas la
même motivation qu’à 30 ans je pense». Elle perçoit son expérience, sa maturité et sa
motivation, comme autant d’atouts qui compensent le décalage théorique qu’elle peut avoir
avec ses plus jeunes collègues. Elle utilise ses résultats comme preuve « moi par rapport à
mes notes je vois la différence ». L’étudiante explique « qu’il n’est pas toujours évident de
comprendre ». Elle est en conflit avec la théorie, et transfère ce sentiment dans ses relations
avec les plus jeunes. Elle reproche aux plus jeunes, de disposer d’un potentiel qu’ils
n’exploitent pas.
Ainsi, elle nous confie « ce n’est pas toujours évident justement parce que vu mon expérience
derrière, parfois j’ai un peu l’impression d’être la maman et je n’ai pas envie d’être…c’est
peut-être un mot… chiante (…)». Le groupe lui attribue un rôle qui ne lui convient pas. Elle ne
parvient, visiblement, pas à être reconnue comme leader au sein du groupe, elle est plutôt
assimilée à un adulte autoritaire qui cherche à imposer ses valeurs et sa façon de penser. Son
attitude favorise la démotivation de ses jeunes collègues qui se réfugient autour de leur
téléphone portable.
Cette étudiante explique qu’en présence du formateur « on n’aurait peut-être pas osé dire
certaines choses (…) parfois ça nous fait un peu peur ». L’étudiante attend du formateur une
relation qui la sécurise. « Qu’il nous guide, qu’il nous montre ce qu’on a à faire et qu’il nous
dise si ce qu’on a fait correspond à ce qu’il attend ». Le formateur est un guide, il sécurise,
mais pour comprendre elle a besoin de le voir faire, ensuite elle est en capacité de reproduire
et de faire seule.
50
L’entretien n° 11 (E11) a été réalisé auprès d’une étudiante de 21 ans en 3ème année
de formation, diplômée d’un baccalauréat sciences techniques et sociales.
Pour cette étudiante, les TD servent à « mobiliser toutes nos connaissances et les expériences
de stages de chacun ». Elle évoque ici le transfert des connaissances acquises à l’IFSI et en
stage. Selon l’étudiante les travaux dirigés sont l’occasion de « cibler nos difficultés et voir ce
qu’on veut approfondir ». L’étudiante, accepte de s’investir dans une activité à condition
qu’elle réponde à ses besoins et à ce qu’elle souhaite aborder. Selon elle, les étudiants ont
« tous à peu près les mêmes difficultés ». Pour cela elle préconise « D’impliquer plus les
étudiants dans la création des travaux dirigés ».
Les travaux dirigés « c’est chaque fois différent même si c’est à partir d’une situation ».
L’aspect répétitif des consignes n’est pas un facteur de démotivation, les étudiants maîtrisent
les consignes, se consacrent à l’analyse et s’exercent afin de devenir compétents. La
motivation de l’étudiante est variable en fonction de la valeur et de l’intérêt qu’elle perçoit
dans l’activité proposée. Ainsi elle nous explique « si ça a un but particulier, par exemple, ce
que l’on fait en ce moment a un but particulier pour aider les futurs étudiants, donc ça c’est
très intéressant ». Pour cette étudiante le cadre très scolaire de l’activité peut être un facteur de
démotivation. « Les TD de 4 heures, déjà que c’est un peu long, en plus on nous surveille tout
le temps». La présence du formateur n’est pas perçue comme une ressource, une aide mais
comme une surveillance qui nuit à la motivation de cette étudiante qui exprime son besoin
d’autonomie. « L’autonomie surtout en troisième année, j’estime qu’on doit être plus comme
en service, on doit être autonome ». L’étudiante, en fin de cursus, se projette dans sa future
profession. En effet comme nous l’avons développé précédemment, l’infirmière dispose
effectivement d’un rôle propre, toutefois, elle exerce également dans le cadre de la
prescription médicale, elle ne dispose donc pas d’une autonomie relative.
La dynamique du groupe est présentée comme essentielle dans la réalisation du travail « on se
motive entre nous, je trouve ça intéressant ». La constitution du groupe influence d’ailleurs la
motivation de l’étudiante « ça dépend des personnes avec qui on est ».
Le formateur « amène pour moi de son expérience (…) », il est perçu comme un expert qui
donne du sens aux connaissances à partir de son expérience. L’étudiante ajoute « et puis on a
toujours des préférences parmi les formateurs » elle est en quête de modèles pour construire
son identité professionnelle. Le formateur « doit nous diriger de temps en temps mais nous
autonomiser, mais quand même vérifier qu’on reste concentré sur notre sujet ». La demande
de l’étudiante pourrait paraître contradictoire. L’étudiante exprime son besoin d’être dirigée
dans l’activité proposée et soutenue dans sa réalisation, elle a besoin de se sentir autonome
dans l’organisation de la tâche, tout en étant rappelée à l’ordre en cas de dérive. La demande
51
d’autonomie est ici associée à la responsabilité. Elle se projette dans sa prise de fonction où
elle devra assumer la responsabilité infirmière.
L’entretien n° 12 (E12) a été réalisé auprès d’une jeune de 39 ans, titulaire d’un baccalauréat
D et d’une maîtrise en management des institutions sanitaires et sociales. En 3ème année de
formation, elle effectue une reconversion professionnelle.
Selon cette étudiante les TD sont « des temps de réflexion ». Elle préfèrerait des « TD
pratiques » et nous confie son « impression d’aller en stage en ne sachant rien. Avoir des
savoirs mais pas de savoir-faire ». La maîtrise du geste technique est ici présentée comme le
critère de compétence. Elle pointe la difficulté de transférer ses connaissances dans l’action.
Lorsqu’elle aborde les modalités des travaux dirigés, l’étudiante dit avoir « l’impression de ne
pas être assez dirigée, d’être abandonnée dans une salle, (…) on est en « travaux pas
dirigés » ». L’absence du formateur est un facteur de démotivation pour cette étudiante. Elle
nous explique « qu’il y aurait moins de problèmes de groupe et ce serait plus rassurant ».
Cette étudiante aborde les interactions au sein des groupes. « On doit bosser ensemble, et
mutualiser nos savoirs (…) tout le monde a quelque chose à apporter ». Elle précise « il y a
des conflits au sein des groupes et ce n’est pas simple ». Alors que nous avons abordé le
conflit cognitif comme productif, ici le conflit de personnes perturbe l’équilibre du groupe et
devient un facteur de démotivation. Elle se confie « je sais qu’ils me critiquaient d’office, j’ai
occulté ce qu’ils me disaient qui n’avait pas de rapport avec le thème (…) ». Cette étudiante a
des difficultés à trouver sa place au sein du groupe. En effet, cette femme était responsable
d’un établissement pour personnes handicapées, il lui est certainement difficile de se situer au
sein d’un groupe de jeunes étudiants qui visiblement ne lui accordent pas le rôle de leader
qu’elle convoite. Cette absence de reconnaissance par le groupe est un facteur de démotivation
pour l’étudiante. Elle reste engagée dans l’activité car la production fait l’objet d’une
évaluation normative, qui détermine, alors, sa motivation. Les autres étudiants ont également
pu être démotivés par une attitude autoritaire les conduisant à une absence de participation. En
effet l’étudiante dit « j’ai réussi quand même à faire une production avec laquelle on a
validé ». La mutualisation n’a pu s’opérer, seule l’individualisation s’est exprimée. Ainsi
l’étudiante convaincue de ses capacités dans la réalisation de l’activité, l’a réalisée seule.
L’étudiante évoque, pourtant, la nécessité d’une cohésion au sein du groupe « je suis comme
une petite pierre et on doit construire un mur, en fait l’ambiance du groupe c’est une peu le
ciment qui va faire tenir les pierres ensemble ».
L’étudiante attend du formateur « qu’il temporise ». Elle lui attribue un rôle de médiateur dans
les relations sociales. Par ailleurs, il doit être expert pour répondre aux questions sur le sujet
52
abordé. L’étudiante précise « il doit être motivé lui-même, parce que si on voit qu’il n’a pas
envie d’enseigner on n’a pas envie non plus ». Elle précise « si on a un formateur passionné
en face de nous c’est mieux, ça donne envie d’aller voir ». Le formateur devient alors un
modèle. L’étudiante a besoin d’être reconnue par le formateur, « le fait de connaître notre
prénom on se dit qu’on est identifié en tant que futur professionnel ». Cette relation contribue
à la construction de son identité socioprofessionnelle et à sa professionnalisation.
V.2.2.
L’analyse longitudinale des entretiens formateurs
L’entretien n° 1 (F1) a été réalisé auprès d’une femme de 36 ans, formatrice à l’IFSI
depuis 6 ans, cadre formateur depuis 2 ans. Elle exerce auprès des étudiants de 1ère année.
Elle reconnaît « que les travaux de groupe ça ne les emballe pas trop, quand on est avec eux
sur des simulations ou des tables rondes ça, ils aiment bien, parce qu’on est là, parce qu’on
anime les choses ». Des activités concrètes favorisent la motivation, les étudiants s’engagent
plus volontiers. La formatrice perçoit sa présence nécessaire pour les étudiants en termes
d’animation. Selon la formatrice, « on essaie de trouver des situations qui sont très proches de
la réalité ». Les notions abstraites sont plus difficilement accessibles pour l’étudiant. Selon
elle, il faut « montrer qu’il y a un lien, pour qu’ils puissent transposer les connaissances vers
les stages, et aussi réfléchir aux situations qu’ils ont vécues en mobilisant de nouvelles
connaissances ». En s’appuyant sur les expériences de stage, la formatrice contextualise les
informations abstraites pour qu’elles prennent un sens pour l’étudiant. Elle poursuit son
explication « J’essaie de faire le lien avec leur stage (…) je suis partie de leur expérience (…)
et on a transposé » la formatrice évoque la réflexivité. Les travaux dirigés sont alors,
l’occasion de « faire en sorte que les étudiants réfléchissent ou approfondissent un sujet » il
est alors acteur. Pour cette formatrice, « ce n’est pas l’étudiant qui doit s’adapter aux travaux
dirigés (…) c’est au formateur de modeler son activité ».
Elle explique son cheminement, « je regarde le référentiel pour savoir ce qui est attendu (…)
et puis après je regarde ce qui est possible, ce qui est réalisable et je réfléchis à ce qui serait
intéressant de faire du côté de l’étudiant ». Le référentiel est présenté comme un guide, mais
la formatrice adapte son action aux besoins des étudiants et aux ressources dont elle dispose.
Elle précise « de façon à ne pas faire des TD pour faire des TD, parce que si derrière il n’y a
rien, (…) et j’allais dire ça les dégoutent ». Le référentiel fixe le nombre d’heures de travaux
dirigés à réaliser sur chacune des unités d’enseignement, toutefois le quota horaire ne garantit
pas, à lui seul, la qualité de l’apprentissage. Comme nous l’avons déjà abordé, la motivation de
l’étudiant et son engagement seront proportionnels à l’intérêt et à la valeur qu’il attribue à
l’activité. Par ailleurs selon cette formatrice, les étudiants seront motivés par une activité « à
53
leur portée, qui les intéresse, et je ne vais pas dire qu’il faut que ce soit du domaine du ludique
mais il faut qu’ils prennent plaisir ». L’étudiant n’attribue pas de valeur à une activité perçue
trop facile, cependant il peut être démotivé par une difficulté ressentie insurmontable. La
formatrice emploie le terme « ludique » qu’elle ne retient pas, le jeu ne pouvant visiblement
pas être compatible avec l’âge adulte et le sérieux de l’activité. Le plaisir renvoie aux
émotions qui ont une incidence sur la motivation des étudiants. La formatrice développe, alors,
sa vision de la pédagogie. « Tout ce qui est apprentissage, tout ce qui est relationnel (…) tout
ce qui est capacité d’adaptation, capacité de se remettre en cause (…) c’est quand même bien
comment on va mener ses travaux dirigés, (…) les aider à mûrir ». Ici apparaît la relation
pédagogique entre l’étudiant, les savoirs et le formateur. La construction de savoir est,
associée à la notion de développement de l’étudiant.
La formatrice confie « quand je suis arrivée à l’IFSI, je n’avais aucune expérience en
formation», elle pense que « être soignant et être formateur ce sont deux métiers différents ».
Elle poursuit « inconsciemment on développe à ce moment là des capacités ». Ainsi
« l’apprentissage par l’erreur », l’expérience est source d’apprentissage, « On réfléchit (…) ce
que j’ai fait n’était pas bien, ça ne convenait pas à l’étudiant », la réflexivité intervient dans le
processus de professionnalisation. Par ailleurs, la jeune femme dit avoir appris en observant
ses collègues « Ces derniers servent de modèles ». Elle perçoit des prédispositions nécessaires
ou pour être formateur « je ne pense pas que tout le monde puisse, même avec une formation,
développer des capacités en matière de pédagogie ».
Pour la formatrice les capacités d’adaptation du formateur sont essentielles, « le travail dirigé
c’est quelque chose qui peut aussi évoluer au sein du groupe » ainsi la dynamique groupe est
un déterminant de la motivation des étudiants. « Un ou deux étudiants ça suffit pour vous
foutre en l’air le travail dirigé ». Une minorité peut avoir une influence au sein d’un groupe,
lorsque la majorité des participants ne parvient pas à rétablir l’équilibre recherché, l’absence
d’engagement dans l’activité reste une issue possible, ayant pour conséquence une
démotivation des acteurs. Selon cette formatrice « plus le groupe est restreint, plus la
dynamique sera favorable, plus positive (…) parce qu’il y aura une proximité avec les
étudiants ». Ces interactions favorisent la motivation des étudiants, plus particulièrement la
relation formateur/étudiant. Celle-ci sécurise les étudiants de 1ère année. A ce stade de la
formation, la régulation du groupe, par le formateur est nécessaire. Toutefois, le rôle de leader
est identifié, il « impulse, pousse les autres à vouloir travailler ».
La formatrice précise sa posture « je les aide, je suis disponible, je suis toujours présente »
selon elle, elle « doit permettre à l’étudiant d’évoluer selon ses convictions, à son rythme, tout
en restant guidé ». Les notions d’individualité, d’autonomie et de sécurité dans les
54
apprentissages se retrouvent ici. Selon cette formatrice « si le formateur est dynamique et qu’il
donne envie aux étudiants de travailler, qu’il a le sourire, qu’il fait part de son expérience, je
pense que ça passera mieux ». L’étudiant se construit à partir de modèle, la posture du
formateur peut favoriser la motivation ou la démotivation. L’expertise du formateur en tant
que soignant, lui permet d’illustrer son propos et de le rendre accessible.
L’entretien n° 2 (F2) a été réalisé auprès d’un formateur de 1ère année, âgé de 50 ans,
cadre de santé depuis 1an et exerçant à l’IFSI depuis 6 ans.
Ce formateur décrit les travaux dirigés comme des temps destinés « à réinvestir » les
connaissances, et « à donner du sens ». Selon lui « il ne faut pas que les choses soient
abstraites, il faut toujours ramener à la vraie vie (…) ils vont s’accrocher beaucoup plus ». La
concrétisation favorise l’engagement et la motivation des étudiants. Il ajoute « Je fais des liens
entre les enseignements (…) et les stages », ainsi le formateur place les informations
théoriques dans un contexte, l’étudiant en perçoit, alors, le sens. Le retour sur une situation
vécue entraîne l’étudiant dans une prise de recul et une nouvelle analyse. La réflexivité est
alors abordée.
Le formateur décrit son cheminement dans la construction de l’activité. Il affirme qu’« Il faut
être attiré par la pédagogie pour être formateur». Il décrit, ainsi, « J’ai réfléchi à la manière
de monter les exercices (…) que la difficulté soit progressive ». Lorsqu’il aborde sa
professionnalisation, il considère que « ça s’apprend en faisant, ce n’est pas dans les cours de
l’école des cadres qu’on trouve ce genre de choses, c’est une question de feeling ».
L’expérience lui permettrait donc de développer des compétences, par tâtonnement, toutefois
il n’évoque pas de retour sur les situations vécues.
Il pointe un décalage entre l’objectif du formateur et celui de l’étudiant centré sur « la
validation de l’unité d’enseignement ». Ainsi, l’étudiant s’engage dans l’activité s’il perçoit un
intérêt dans le cadre de son objectif, ici à court terme, la validation. Selon le formateur
« Quand ça ne marche pas c’est principalement des problèmes de planification », il n’aborde
pas davantage l’analyse de l’activité menée. Même s’il évoque « certaines contraintes, on ne
fait pas toujours ce qu’on veut », le référentiel n’est pas clairement évoqué.
Le formateur fait « émerger les différentes méthodes et [fait] que l’étudiant s’approprie celle
qui lui convient le mieux ». Les réflexions individuelles sont partagées, confrontées,
différentes méthodes sont identifiées, l’activité relatée concerne du calcul de dose en 1ère
année. La disposition de la salle est prévue « en cercle pour favoriser la communication ». Or,
les interactions formateurs-étudiants sont privilégiées par cette disposition spatiale, mais la
communication entre étudiants s’en trouve limitée. D’ailleurs le formateur nous confie « c’est
idéal pour nous tout le monde écoute ». Le formateur se place au centre de l’activité et réduit
55
alors l’inconnue liée à la dynamique de groupe. En effet, ce formateur dit « anticiper la
dynamique de groupe (…) prévoir des marges d’adaptation, d’ajustement ». Le groupe
constitue un danger pour l’atteinte de son objectif. En effet, pour ce formateur « un groupe qui
fonctionne bien, ça favorise l’implication du formateur », or « quand on s’est beaucoup investi
en amont pour préparer et que le groupe ne répond pas c’est décourageant ». La dynamique
de groupe intervient dans le déroulement de l’activité et dans la motivation du formateur.
« (…) pour aller enseigner». Ce formateur se situe dans la transmission du savoir, il « va
diffuser », toutefois il précise qu’il « accompagne l’étudiant ». Il cible le rôle de « guidant »,
et précise sa perception, « l’idéal ce serait la pédagogie différenciée, en face à face avec le
formateur » même s’il reconnaît que « se retrouver en groupe pour les étudiants c’est
moteur ». Le formateur recherche une relation duelle avec l’étudiant, qui le sécurise, qu’il
maîtrise pour l’avoir mise en œuvre 23 ans en service de soins.
L’entretien n° 3 (F3) a été réalisé auprès d’une infirmière faisant fonction de
formatrice à l’IFSI depuis 1an et ½ auprès des étudiants de 2ème année.
Pour cette formatrice les travaux dirigés sont destinés à apporter du concret, « je fais référence
à ce que j’ai vécu », La formatrice cherche à transmettre son expérience. « C’est d’autant plus
facile de capter l’attention quand on maîtrise bien le sujet », les étudiants sont intéressés par le
récit qui leur permet de se projeter dans la profession, toutefois la formatrice s’interroge « ce
qu’ils en retiennent, je ne sais pas ». Pour dépasser le récit et s’approprier le contenu
l’étudiant accompagné par le professionnel, doit décontextualiser afin de faire apparaître les
notions théoriques qui pourront être, désormais, intégrées et transférées à de nouvelles
situations, car porteuses de sens pour l’étudiant. « Faire le lien entre les connaissances
apportées dans les unités d’enseignement et ce qu’ils vont voir sur le terrain », fait appel à la
notion de réflexivité. « Il faut leur prouver que ça peut être utile sur le terrain », l’intérêt que
l’étudiant perçoit dans l’activité favorise sa motivation et sa participation.
La formatrice décrit sa prise de fonction comme la découverte « d’un tout nouveau métier ».
Elle évoque une rupture entre 20 ans d’exercice infirmier en service de réanimation et « je
n’ose pas dire expertise par modestie, (…) et d’un seul coup je me suis retrouvée un peu
perdue au départ ». La formatrice nous confie « je n’ai jamais eu de formation sur la
pédagogie ». Elle attend de la formation cadre « plein de choses sur la pédagogie pure, et
comment on doit faire un cours, [comment] ne pas lasser les étudiants ». Lorsqu’elle aborde la
conception des activités pédagogiques, la formatrice est dans la reproduction, « moi j’en suis
encore là ». Elle nous dit, « Le référentiel je l’utilise pour les évaluations mais pas trop pour
les TD ». Elle fuit le référentiel, qu’elle ne maîtrise pas, elle se situe dans l’action.
56
« Il y a l’étudiant qui est toujours dans la critique, celui qui va être un peu rebelle, et puis à
côté vous allez avoir celui qui va toujours participer, et celui qui va poser plein de
questions ». La formatrice aborde le rôle que chacun joue dans un groupe et les rapports
d’influence qui naissent au sein du groupe, ainsi « certains sont intimidés par le groupe ». Elle
dénonce l’attitude de certains étudiants « ce sont des gens qui ne participent pas du tous, (…)
ils bénéficient du travail des autres », elle précise, « quand on les fait participer on sent que
ça ne les intéresse pas, ils soupirent, ils répondent à peine ». Le référentiel rend obligatoire la
présence des étudiants aux séances de travaux dirigés, toutefois, l’individu a besoin de trouver
un espace de décision, qui peut se traduire par une absence de participation. La formatrice
associe l’absence de participation à la démotivation de l’étudiant. L’absence de participation
est mal vécue par la formatrice, elle nous confie « je n’ai pas envie de perdre mon temps, je
pense que je donne suffisamment d’énergie avec des gens qui sont complètement démotivés ».
Ainsi, la formatrice attend une participation du groupe comme un retour sur son
investissement. Elle n’évoque pas la participation, comme favorisant l’apprentissage.
Ainsi, la formatrice évoque son rôle auprès des étudiants lors des travaux dirigés. Par sa
présence, elle régule le fonctionnement du groupe, en effet « il y a aussi ceux qui veulent
toujours répondre, il faut un peu les calmer pour laisser place aux autres ». Par ailleurs, elle
sécurise, « il y a aussi ceux qui n’osent pas, qui ont toujours peur de dire une bêtise », elle
encourage l’expression. La formatrice se présente comme l’animateur du groupe. « Des
situations cliniques qu’on travaille ensemble (…) », la formatrice guide les étudiants dans leur
raisonnement.
L’entretien n° 4 (F4) a été réalisé auprès d’une formatrice de 45 ans, qui exerce
depuis 12 ans en IFSI, cadre de santé depuis 7 ans.
La formatrice aborde les apprentissages des étudiants « ils font des recherches par eux-mêmes
ce sera beaucoup plus facile pour assimiler et comprendre les concepts ». L’action de
l’étudiant et le cadre sociocognitif du travail, permettent l’intégration des connaissances et
favorisent, ainsi, la motivation. Par ailleurs, la formatrice dit « faire le lien aussi avec la
réalité ». La contextualisation permet à l’étudiant de percevoir le sens des notions. Le
formateur doit maîtriser le domaine étudié. Il doit être identifié comme soignant capable
d’illustrer, d’expliquer. La reconnaissance du formateur passe par sa reconnaissance de
soignant expert. « Un TD en lien avec une situation de réanimation, (…) je suis issue de la
filière psychiatrique, je ne vais pas être convaincante ». Par ailleurs, la formatrice explique,
« je me sers de l’évaluation comme carotte ». La validation peut constituer un intérêt pour
l’étudiant qui explique son engagement. Dans ce cadre, la formatrice évoque le besoin de
l’étudiant de pouvoir comparer sa production à un attendu. « Montrer le corrigé (…) le travail
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que nous avions produit n’était pas forcément similaire ». L’étudiant cherche à reproduire
fidèlement pour obtenir la validation, or, l’incertitude et le contexte de l’évaluation, peuvent
générer un stress. Ces émotions peuvent conduire à la démotivation de l’étudiant. En effet, lui
démontrer que la production peut ne pas être identique au corrigé peut l’interroger quand à
l’attribution des points. Cette zone d’incertitude peut être source d’anxiété.
Le référentiel est présenté comme une contrainte « on est obligé de coller au référentiel ». La
formatrice apporte des ajustements « Par rapport, [à leur] niveau actuel, [à ce] qui peut les
intéresser». Elle élabore les modalités pédagogiques à partir de constats « les étudiants avaient
du mal à analyser les situations ». Elle analyse la difficulté « ils n’avaient jamais vu de
méthodologie par rapport à l’analyse ». « J’ai décomposé mon raisonnement (…) et à partir
d’une situation (…) ». La formatrice amène les étudiants à décontextualiser les éléments.
L’abstraction permet à l’étudiant d’identifier et d’intégrer les étapes de la démarche d’analyse,
et ainsi de les transposer à d’autres situations. Elle explique « il faut pouvoir susciter l’intérêt
des étudiants ». Les étudiants s’engagent en fonction de l’intérêt, et de la valeur qu’ils
attribuent aux activités. « En 1ère année on les sent super motivés (…) et puis à force de faire
toujours la même chose, les mêmes TD… » Selon la formatrice, la lassitude explique la
démotivation.
La formatrice confie « lorsque je suis arrivée à l’IFSI, (…) je savais être soignante, mais je
n’avais aucune expérience en pédagogie ». Elle dit s’être appuyée sur l’expérience de ses
collègues et sur les échanges. Les temps de formation conduisent à une prise de recul,
toutefois « les cours de l’école des cadres (…) franchement je ne vois pas en quoi ça pourrait
nous aider ».
Le travail de groupe est perçu comme un apprentissage du travail en équipe, « il va falloir
apprendre à collaborer et à négocier ». La formatrice observe les interactions au sein des
groupes, elle constate « parfois des éléments avancés par certains étudiants ne sont pas
retenus par le groupe, pourtant précieux, l’absence de négociation a fait que la parole de
l’étudiant a été complètement niée (…) ». Elle aborde ici les relations d’influence au sein du
groupe, ce type d’attitude peut être à l’origine de la démotivation du participant, son point de
vue n’est pas pris en considération. La formatrice est présente mais laisse le groupe s’organiser
et fonctionner, elle n’intervient qu’en fin d’activité pour livrer ses observations et permettre
aux participants d’analyser leur pratique. « Le travail en équipe est source de richesse,
d’échanges et qu’il y a différentes approches possibles d’une situation ». La formatrice
valorise la réflexion des étudiants et leurs productions. Le groupe perçoit sa capacité à mener
l’exercice ce qui entretient sa motivation et son engagement dans l’activité.
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Selon cette formatrice, « il faut être capable d’animer, de répartir la parole, (…) sans cesse
rebondir sur ce qu’ils disent (…) ne pas heurter ». La formatrice impulse une dynamique, elle
porte une attention bienveillante aux membres du groupe, à l’image du soignant qu’elle est
restée. De plus, elle se positionne comme «un guide, avant d’arriver auprès des étudiants je
sais où je veux les emmener » elle n’impose pas le chemin à emprunter mais fixe l’objectif à
atteindre. Elle sécurise le parcours « s’ils vont trop à gauche ou trop à droite, j’essaie de les
remettre sur la bonne route ». L’étudiant dispose d’une marge de liberté et d’un contexte
rassurant qui peuvent être des facteurs favorisant sa motivation.
L’entretien n° 5 (F5) a été réalisé auprès d’une femme de 56 ans, formatrice depuis 13
ans à l’IFSI, cadre formateur depuis 9 ans.
Les travaux dirigés permettent « aux étudiant de mobiliser des connaissances, et réfléchir (…)
en application d’un cours magistral ou de recherches ». L’étudiant réalise le travail en étant
sécurisé « Travail guidé ». La formatrice insiste sur l’importance des « liens qui peuvent être
faits avec leurs acquis antérieurs » elle invite les étudiants à « faire appel à leur mémoire, à
leurs cours, à la législation aux définitions pour démarrer ». L’activité doit être située pour
que l’étudiant lui attribue un intérêt et une valeur afin de favoriser sa motivation. La
formatrice précise « le TD, n’a pas été mis là pour remplir un planning » ce sentiment pourrait
conduire à la démotivation de l’étudiant et expliquer son absence d’engagement. Lors des TD
les étudiants « vont mener des allers et retours entre leur expérience d’étudiant, de stagiaire et
leurs cours, et le retour sur expérience ». La réflexivité est abordée en amont et en aval de
l’action, comme essentielle dans la construction d’un savoir mobilisable. En effet elle favorise
la concrétisation des informations. Selon la formatrice « la participation n’est pas motivation
dépendante à égalité ». La formatrice précise son point de vue, pour participer l’étudiant doit
être motivé. Toutefois la participation n’est pas le seul indicateur de la motivation de
l’étudiant. Ainsi un étudiant motivé pourrait ne pas participer, mais être en mesure d’intégrer
les savoirs. Cependant, selon la formatrice, tous les étudiants perçoivent l’évaluation comme
un déterminant de leur motivation.
« Le nouveau programme est beaucoup plus formalisé d’ailleurs c’est un référentiel, on a
l’impression qu’il y a peu de place à l’imprévu ». La formatrice perçoit dans le référentiel une
privation de liberté « sur l’ancien programme, on recensait toujours les attentes, les souhaits
des étudiants, leurs besoins (…) là on ne le fait plus ». Lors de notre échange, la formatrice
s’interroge sur ce changement. La mise en place du référentiel, s’est traduite par une pure
application de directives.
59
« Quand on est formateur c’est qu’on aime communiquer (…) ». Le goût pour la relation à
l’autre est perçu comme une prédisposition nécessaire. La formatrice a toutefois développé des
capacités au contact « de collègues passionnés (…), [et] par son expérience ».
« Quand je sens que le groupe à démarré je les laisse (…) ils se sentent plus libres de
parler(…) sans craindre de dire une bêtise ». La formatrice laisse le groupe autonome,
toutefois, elle veille « à mettre en confiance au sein du groupe » les plus timides et « à freiner,
[les étudiants] lorsqu’ils prennent toute la place » la notion de leader du groupe est abordée ici.
Ainsi elle régule, elle ajuste. Elle organise « les inviter à grouper des tables pour s’installer
par 4 ou 5 et non pas rester en ligne ». En effet, ces activités « favorisent l’interactivité »,
selon cette formatrice la communication s’effectue d’avantage lorsque les participants se font
face, car la communication est favorisée.
Une relation « de confiance, une certaine complicité » s’établit entre les étudiants et le
formateur. La formatrice explique cette relation par l’accompagnement sur les 3 années de
formation des étudiants. La formatrice n’exclut pas le recours à l’humour à partir du moment
où il contribue à faire naître une certaine convivialité. La formatrice est un guide, elle possède
des capacités d’écoute, « d’observation par rapport aux besoins des étudiants et une certaine
humilité ». Selon cette formatrice la remise en question est nécessaire pour maintenir une
relation professionnelle et une juste distance.
L’entretien n° 6 (F6) a été réalisé auprès d’une infirmière puéricultrice, de 40 ans,
faisant fonction de formatrice depuis 1 an. Elle exerce auprès des étudiants de 1ère année.
La formatrice associe la participation de l’étudiant au fait qu’il soit acteur de sa formation.
« C’est quand ils sont vraiment acteurs qu’ils vont commencer à prendre vraiment les choses
en main, être eux-mêmes dans une réflexion dans un cheminement que ça va être le plus
intéressant ». L’étudiant peut faire le choix de s’engager ou non dans l’activité. « C’est plutôt
le sentiment qu’ils peuvent avoir de posséder les connaissances sur quelque chose, ils vont
avoir du mal à rentrer dedans, parce que du coup ça ne va pas les intéresser ». La perception
de l’étudiant quant à l’intérêt et à la valeur de l’activité proposée, favorise ou non sa
motivation et sa participation. « Il faut que ça puisse se rapprocher de ce qu’ils font, de ce
qu’ils vivent ». Ainsi, les informations contextualisées, deviennent concrètes et accessibles. La
formatrice s’appuie sur sa propre expérience et sur celle des étudiants pour donner du sens
« des anecdotes sur lesquelles ceux qui ont des expériences vont rebondir ». La formatrice
explique « j’essaie de trouver des choses qui moi-même m’intéresse, je me dis que j’aurai plus
de facilité à les faire passer » l’intérêt du formateur pour le sujet abordé, et son expertise dans
le domaine favorisent la motivation des étudiants.
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Lorsqu’elle aborde la conception de l’activité, la formatrice présente le référentiel comme un
guide « objectifs en partant des objectifs du référentiel mais également de mes objectifs (…) ».
Elle adapte l’activité en fonction de ce qui lui paraît essentiel. « Ce qui est complexe (…) c’est
d’avoir les contraintes du programme, (…) de coller ma pédagogie à la vision du programme
en terme d’acquisition de compétences ». La notion de compétence, dépasse l’acquisition de
savoir, elle requière une mobilisation pertinente des connaissances dans l’action. La répétition
des modalités un facteur de démotivation « s’ils ont l’impression qu’on aborde les choses
toujours de la même manière, à la fin ils vont avoir des difficultés à le faire ». Cependant, la
formatrice nous rapporte une activité sous forme de quizz, conçue par l’équipe pour être
attrayante « certains ont trouvé ça très infantilisant et du coup n’ont pas du tout adhéré ».
L’étudiant attend d’être reconnu comme un futur professionnel. La formatrice évoque « des
thématiques qui sont très porteuses mais quand on parle de législation, d’éthique (…) », des
domaines d’enseignement abstrait favorisent la démotivation de l’étudiant. La formatrice nous
confie avoir « beaucoup de réflexion à mener, finalement je pense que je suis encore dedans,
j’ai le nez dans le guidon je suis encore à découvrir et à expérimenter ». Elle se dit dans
l’action « en terme de pédagogie, je n’ai pas toutes les connaissances, il y a un vocabulaire…
je vais continuer à poursuivre mes recherches (…) je vais lire ». La formatrice exprime un
besoin de prise de recul, une abstraction nécessaire, « Enfin, je poserai des connaissances sur
mon expérience ». Pour elle, la pédagogie « c’est tout un art (…) l’art ce serait vraiment de
pouvoir les passionner à chaque cours (…) ». L’art demande certaines prédispositions. « Pour
moi la pédagogie nécessite un plaisir d’échanger ». Ainsi, la relation, la communication, et la
motivation du formateur pour faire vivre l’échange sont présentées, par la formatrice, comme
des éléments essentiels en pédagogie.
La formatrice aborde la dynamique de groupe, « parfois on a du mal à mobiliser cette
dynamique (…) », la formatrice s’attribue un rôle d’animation et de régulation dans le
fonctionnement du groupe. « Ils ont tendance à s’enfermer en se disant « moi, je sais, c’est
bon ! », plutôt qu’à se positionner dans le partage d’expériences ». Selon la formatrice, la
préoccupation des étudiants reste avant tout individuelle. La formatrice évoque les interactions
et la communication « Moi, j’aime bien aussi lorsqu’il y a quelqu’un qui dit quelque chose,
que l’autre n’est pas d’accord qu’il y a débat (…) ». Pour pouvoir s’exprimer au sein du
groupe, chacun doit s’y sentir autorisé et respecté pour lui-même et pour ses idées.
L’insécurité peut entrainer une démotivation et une absence de participation à la recherche de
sécurité. Le conflit sociocognitif est évoqué.
La formatrice aborde la distance formateur et étudiant « proche mais pas trop ». « Ma posture,
elle est quand même bien claire, je suis formatrice et en face de moi j’ai des étudiants ». La
61
formatrice évoque une relation asymétrique, respectueuse, ainsi elle nous dit, « je me situe
dans l’échange à partir du moment où il y a du respect partagé ». Le formateur pose un cadre
selon elle « c’est sécurisant pour l’étudiant ».
L’entretien n° 7 (F7) a été réalisé auprès d’une formatrice de 55 ans, qui exerce à
l’IFSI depuis 3ans, diplômée cadre de santé depuis 5 ans.
Pour cette formatrice « l’objectif c’est quand même de mobiliser les savoirs acquis en cours de
formation » « mobiliser ce qu’il possède déjà, parce qu’ils ne partent pas de rien » « faire des
liens entre différents savoirs ». Cette formatrice aborde les travaux dirigés sous un angle très
théorique, ce qui peut s’expliquer par son parcours professionnel, en effet elle exerçait dans un
service de recherche clinique. « C’est plus facile en fin de cursus car les enjeux ne sont pas les
mêmes ». En 3ème année, l’étudiant dispose d’expériences de stage qu’il va pouvoir utiliser
pour conceptualiser et déconceptualiser les notions théoriques abordées. La recherche de
compétences pour sa prise de fonction proche est à l’origine de sa motivation. Selon la
formatrice « un TD qui prépare à une évaluation ce n’est pas ce qui est le plus motivant », la
formatrice explique que l’étudiant va s’investir pour connaître les questions du devoir, et non
pour réaliser l’exercice et développer son savoir. La situation est anxiogène et peut favoriser la
démotivation.
La formatrice évoque la nécessité d’adapter les modalités pédagogiques à « une génération
zapping », il lui paraît donc nécessaire de faire appel à « des outils pédagogiques qui doivent
vraiment bouger, il faut créer des scénarii. Les TICE, les gamins ils accrochent ». Selon elle
les modalités variées favorisent la motivation des étudiants, car elles répondent à leur mode de
fonctionnement. La formatrice situe son action dans le cadre du projet pédagogique,
l’élaboration d’objectif est essentielle il faut « avoir des objectifs précis et les annoncer ». De
plus « ça marche quand je me suis vraiment approprié le TD, ils le sentent ». L’investissement
du formateur et la maîtrise du contenu favorise la motivation de l’étudiant.
« Si on souhaite que les étudiants soient créatifs (…) il y a un certain climat à créer pour
libérer l’énergie » selon la formatrice « laisser une liberté d’expression, ça les
motive » « l’agencement de la salle ». L’environnement est un facteur qui favorise ou non, la
motivation de l’étudiant.
La formatrice développe son positionnement « une posture de proximité, on va vers
l’étudiant ». « Un guide, un contenant, ça fait référence à la sécurité, ». La formatrice aborde
la relation étudiant formatrice. Elle utilise les termes « des gamins, des petits » une certaine
affectivité est perceptible, ainsi que le sentiment de protection. La formatrice investie
affectivement la relation, son âge lui permet de maintenir la bonne distance, elle précise
d’ailleurs « les étudiants sont ce sont de jeunes adultes respectueux ». La relation est
62
asymétrique par la connaissance, l’âge et la fonction de chacun dans l’institut, toutefois le
respect est mutuel. « Les étudiants nous sollicitent beaucoup, ce n’est pas toujours évident
d’être équitable, il y a cet espace là à gérer ». La distance relationnelle est un équilibre à
conserver qui demande attention pour ne pas être envahi physiquement et affectivement.
L’entretien n° 8 (F8) a été réalisé auprès d’un homme de 38 ans, formateur depuis 3 ans,
cadre de santé depuis 5 ans. Il suit actuellement une formation de 2 ans dans le cadre d’un
Master recherche en sciences de l’éducation.
Il est convaincu de l’intérêt de la pédagogie inversée. Il cherche à rendre le savoir accessible
pour l’étudiant, il nous explique « un cours comme les traumatismes crâniens qui est assez
compliqué en 1ère année, j’ai fait une capsule vidéo principalement axée sur l’anatomie et sur
la physiologie de la neurologie ». Le formateur apporte une base, les pré-requis nécessaires
pour que chaque étudiant puisse accéder à un niveau supérieur, ici la physiopathologie.
L’étudiant, qui a compris l’intérêt de s’approprier les informations seul, il est acteur et réalise
ce travail à partir d’un support adapté à son mode de fonctionnement. Le formateur nous
explique que les cours magistraux sont en majorité réalisés par des universitaires donc en
partie très abstraits, « les TD qui permettent aux étudiants de donner du sens à ces concepts et
toutes ces connaissances ». Le formateur illustre, contextualise les données, l’étudiant en
comprend alors le sens. Pour cela le formateur considère qu’une certaine expertise est
nécessaire dans le domaine abordé.
Le formateur évoque une adaptation nécessaire, « c’est quand même bien de nous adapter à
leur mode de fonctionnement » il précise, « ils vont visionner au moment où ils le souhaitent et
peut-être un moment où ils sont plus en alerte intellectuellement », l’étudiant détient un outil
qu’il utilise quand il le souhaite, cette liberté favorise la motivation de l’étudiant. Cependant,
sous un autre angle « il faut être cadrant dans les consignes », des indications précises
sécurisent le parcours de l’étudiant. Le référentiel est abordé comme un guide, un support de
réflexion, « comme le référentiel met en avant la progressivité, il me semble important de
partir du simple pour arriver au plus compliqué ». Toutefois, le formateur pointe la « lourdeur
du programme » comme un facteur de démotivation pour l’étudiant. Le formateur constate
qu’un travail des étudiants en amont, « permet de gagner en interactivité ». Chacun dispose
d’une base commune, associée à son propre bagage, pour débuter la réflexion collective.
Le formateur exprime son engagement dans la formation des étudiants « je m’éclate dans la
pédagogie, je suis hyper partant pour plein de trucs ». Sa motivation favorise celle des
étudiants, il lui parait nécessaire de « leur montrer notre dynamisme et essayer de leur
transmettre » et argumente «s’ils voient un formateur qui fait la gueule ou qui reproduit les
63
cours sans se remettre en question, ça ne donne pas tellement envie d’être motivé ». Le
formateur se place en tant que soignant auprès de l’étudiant, il explique « je pense qu’on se
construit tous à partir de bons et de mauvais exemples ». Son positionnement est pensé dans
un équilibre « de rigueur et de souplesse ». Le formateur « est plutôt un guide ou un
accompagnateur, le formateur est chargé d’apporter des pistes de savoirs (…) c’est un mixte
entre l’apport de savoir et le guide ». La transmission est associée à l’accompagnement.
L’entretien n° 9 (F9) a été réalisé auprès d’une infirmière faisant fonction de cadre
formateur depuis 2ans, après avoir exercé en secteur extrahospitalier de nombreuses années.
Selon la formatrice la démotivation des étudiants lors des TD peut être liée à la nature de
l’activité, « un travail d’analyse et de réflexion sur des éléments qui ne sont pas directement
en lien avec la profession infirmière (…) ». L’abstraction est un facteur de démotivation.
Toutefois « c’est à nous de trouver des exemples qui pourraient les aider à faire un lien entre
les deux », illustrer, contextualiser, permet de donner du sens à l’information et devient un
facteur de motivation.
« Travailler en groupe ça peut créer une émulation, du coup ils se prennent au jeu ». La
formatrice aborde la dynamique de groupe, elle nous explique. « Le fait d’échanger dans le
groupe, quand il y a une idée qui est pertinente, qui arrive à sortir, du coup ça les motive ».
En fonction du parcours de chacun, certains pourront se sentir plus à l’aise avec le travail
proposé, le groupe va devoir identifier et utiliser ses ressources. « Faire sortir des choses alors
qu’ils ne s’en sentaient pas capables ». La perception de l’individu, et du groupe par rapport à
ses capacités à mener l’activité à son terme influence la motivation. Toutefois, le
fonctionnement du groupe peut être un frein à la production « quelquefois, ils ne s’entendent
pas très bien, (…) on essaie d’éviter les associations trop risquées pour ne pas mettre le
groupe en échec ». Les conflits de personnes favorisent la démotivation des participants.
Lorsqu’elle aborde la conception des activités, elle développe la forme de l’activité
« Comment on va orienter, de façon à trouver l’accroche ». Elle considère les enseignements
dont elle est responsable « c’est assez complexe », « ce ne sont pas des thèmes accrocheurs »
ce domaine présente un degré élevé d’abstraction. Selon elle la forme de l’activité sera
déterminante « Je ne vais pas dire qu’il faut faire les TD de façon ludique, mais je crois qu’il
faut trouver un biais de façon à ce qu’ils aient leur place (…) en incitant leur participation
active ». La formatrice a conçu son activité dans la perspective de la validation de l’unité
d’enseignement, c’est un biais pour donner de la valeur à l’activité « on a déterminé là où ils
devaient arriver par rapport à l’évaluation ». La formatrice se positionne comme guide,
« S’ils sont en peine pour trouver, les aider à rebondir, les guider pour repartir
correctement ». Il lui paraît essentiel de valoriser, « les amener à trouver par eux-mêmes la
64
réflexion pertinente ». Elle apporte de l’aide, afin que le groupe ne perçoive pas l’exercice
inaccessible ce qui conduirait à sa démotivation « si je vois qu’ils ont du mal à un moment
donné, je vais même leur donner des axes de réflexion (…) ». La formatrice est présente « je
ne suis pas en continu scotchée à eux », elle intervient en fonction de ce quel perçoit des
besoins du groupe « On les laisse autonomes dans leur réflexion, du coup ils vont plus loin, ils
se sont enrichis ». La prise d’autonomie est encouragée sans être imposée.
L’entretien n° 10 (F10) a été réalisé auprès d’une infirmière puéricultrice de 50 ans,
cadre de santé depuis 18 ans, formatrice depuis 11 ans au sein de l’IFSI.
La formatrice explique que la motivation des étudiants peut être variable en fonction du thème
abordé « qu’il soit ancré dans le réel », et de leur niveau de formation. « S’ils ont été
confrontés à cette situation là, le fait d’y réfléchir, ils sont plus motivés », il leur est possible
de contextualiser les informations. « S’ils se disent qu’ils vont peut-être en avoir besoin en
stage » ils perçoivent un intérêt à intégrer ces connaissances. « Cette projection
professionnelle, ils l’acquièrent en 2ème ou 3ème année, en 1ère c’est difficile », pour la
formatrice, la construction de l’identité professionnelle intervient dans l’engagement des
étudiants. Elle explique « Quand on les fait réfléchir sur le droit des patients par exemple
quand ils sont en 1ère année, ce n’est pas forcément leur priorité, du coup ils ne sont pas
disponibles (…) ils veulent acquérir la technique ». Le geste technique est concret et suscite la
motivation, alors que des connaissances abstraites favorisent la démotivation.
Lorsqu’elle aborde la conception des activités, la formatrice explique qu’elle « explore un peu
plus le contenu de cette unité d’enseignement et les modalités de mise en place de ce
contenu ». La formatrice décode puis applique fidèlement le travail prescrit. La formation nous
confie « je n’ai pas de formation particulière vis-à-vis de la pédagogie, (…) je pense que c’est
plus l’expérience… après chacun a des capacités, je pense qu’en tant que professionnels de
santé on les a développé en formation initiale ». Cette formatrice explique transposer des
capacités qu’elle a acquises par sa spécialisation en puériculture « je crois qu’en tant que
puéricultrice on développe beaucoup la démarche éducative ».
Le travail de groupe permet « qu’il y ait une discussion entre eux, qu’il y ait une construction
de leurs idées », la communication et les interactions sont donc essentielles. « Ça leur permet
d’exprimer ce qu’ils pensent, mais ce n’est pas toujours facile de prendre la parole » la
formatrice se positionne comme « un réel animateur » entre les différents groupes.
Cette formatrice conserve une posture soignante avant tout « on est là pour être garant de la
pratique professionnelle, de valeurs professionnelles » « recadrer dans un contexte de soin ».
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L’analyse longitudinale, nous permet de mettre en exergue des thèmes communs aux
différents entretiens. L’analyse transversale va, désormais nous conduire à comparer et à
analyser les données collectées lors des différents entretiens.
V.3. L’analyse transversale
V.3.1.
Les données sociologiques
V.3.1.1. La population des étudiants
ETUDIANTS
sexe
IFSI 1
Femmes
4
IFSI 2
Hommes
1
Femmes
4
4/6
Expérience
professionnelle
Filière du
baccalauréat
Formation
universitaire
antérieure
Age des étudiants
hommes
1
4/6
Domaine soins
commerce
Secteur éducatif
management
L
ES
S
STSS
aucune
3
1
1
2
1
1
1
2
1
1
2
1
2
1
DEUG Psycho
Licence sciences de
Domaine soins
commerce
Secteur éducatif
management
L
ES
S /D
STSS
aucune
Maîtrise
1
management des
institutions sanitaires et
sociales
1
Moyenne
Ecart type
Entre 20 ans
et 39 ans
Moyenne
l’éducation
Ecart type
Entre 20 ans
et 33 ans
25 ans
26,5 ans
Ce tableau nous conduit à identifier des populations similaires entre les deux IFSI. Toutefois,
pour les deux instituts, la population accueillie est hétérogène, en termes d’âge, de parcours,
de formation. Les diagrammes révèlent une homogénéité en ce qui concerne le milieu social
d’origine des étudiants.
66
V.3.1.2. La population des formateurs
FORMATEURS
IFSI 1
Femmes
4
sexe
formateurs cadres de
santé
Age des formateurs
Ancienneté du DE
infirmier
Ancienneté du diplôme
cadre
Ancienneté dans la
fonction
Formation universitaire
IFSI 2
Hommes
1
Femmes
4
4/5
Ecart type
Entre 36 ans
et 56 ans
Entre 17 ans
et 32 ans
Entre 1 an
et 9 ans
Entre 1,5 an
et 13 ans
hommes
1
3/5
Moyenne
46,5 ans
25 ans
5 ans
7,5 ans
-
Ecart type
Entre 38 ans
et 55 ans
Entre 14 ans
et 32 ans
Entre 5 ans
et 23 ans
Entre 1 an
Et 11 ans
Moyenne
47 ans
25 ans
15 ans
4,2 ans
2 formateurs
Ce tableau récapitulatif nous conduit à identifier deux populations homogènes en ce qui
concerne l’âge des formateurs, l’ancienneté du diplôme d’état, la répartition hommes/femmes.
Toutefois nous constatons que les formateurs interviewés de l’IFSI 1 ont une expérience en
tant que cadre de santé moins longue que les formateurs de l’IFSI 2, ils ont suivi la formation
cadre plus récemment par rapport aux formateurs de l’IFSI 2. Deux formateurs de l’IFSI 2
n’ont reçu aucune formation en matière de pédagogie, un seul formateur de l’IFSI 1 est dans
ce cas. Les formateurs interviewés sont des infirmiers expérimentés, ils ont tous été diplômés
il y a 10 ans et plus, seul un formateur depuis moins de 15 ans. L’ancienneté dans la fonction
de formateur est variable, toutefois nous observons qu’aucun formateur n’a exercé plus de 15
années cette fonction. Dans l’IFSI 2, 4 formateurs sur les 5 interrogés ont pris leurs fonctions
au sein de l’IFSI depuis moins de cinq ans. Alors que dans l’IFSI 1, 4 formateurs sur 5 sont
en poste à l’IFSI depuis plus de 6 années, d’ailleurs depuis plus de 10 années pour 2 d’entre
eux.
V.3.2.
L’analyse croisée des données
Lors de l’analyse longitudinale des entretiens, nous avons pu observer que des sous catégories
se dégageaient, nous avons donc choisi de structurer la présentation de l’analyse autour de
celles-ci, dans le but de vérifier nos hypothèses. Afin de réaliser l’analyse transversale nous
avons classé les données dans un tableau récapitulatif pour chacune des huit catégories. Les
propos sont identifiés à partir du code que nous avons défini lors de la présentation des
67
populations. Ces tableaux110 ont été placés en annexe afin de privilégier l’analyse des
données.
V.3.2.1. La participation un engagement affectif et cognitif
Lors du classement des données dans le tableau de cette catégorie, nous avons pu constater,
qu’à l’évocation de la participation dans les travaux dirigés, les interviewés évoquaient deux
dimensions. Tout d’abord l’aspect affectif de l’engagement que nous avons identifié dans le
tableau par une écriture bleue et l’aspect cognitif retranscrit de couleur noire.
La convivialité apparaît comme une composante essentielle dans les propos des étudiants.
« Être entouré de ceux avec lesquels on a envie d’être » E1, « ces petits moments là (…) on
décompresse » E2, E3 explique que les étudiants ont formé « un petit groupe », une
complicité apparaît dans ces propos, E4 évoque quand à lui qu’une « bonne ambiance
générale du TD » favorise sa motivation. E9 évoque la possibilité « de pousser la
plaisanterie, tout en restant dans le sens du travail », les propos de E12 confirment ce point
de vue par une métaphore « l’ambiance du groupe c’est un peu le ciment qui va faire tenir les
pierres ensemble ». Sur les 11 étudiants à s’être exprimés sur la participation, 7 d’entre eux
ont abordé cette dimension. Alors que seulement 3 formateurs sur 9 l’évoquent. En effet ces
formateurs expliquent, l’absence de participation par la peur de l’étudiant « de dire des
bêtises » F3, d’ailleurs E8, avait exprimé ce point de vue « je me suis sentie un peu bête », par
la suite elle nous expliquait ne plus intervenir. F1 précise « il ne faut surtout pas les mettre en
difficulté » et F7 évoque « un climat à créer pour libérer l’énergie ». Les formateurs ont
davantage évoqué l’aspect cognitif de l’engagement, en effet ils développent la réflexion,
l’analyse et la mise en lien comme des phases difficiles de l’apprentissage. « Mobiliser les
connaissances et réfléchir » F5, « Transposer les connaissances vers les stages et aussi
réfléchir aux situations » E1.
Le rôle d’acteur de l’étudiant est mis en avant, par les deux populations, « il faut en vouloir, il
faut poser des questions… » E4. « On est vraiment actif dans l’apprentissage » E6. « Je sais
que c’est à moi de faire des efforts » E8. Les formateurs placent, également, l’action de
l’étudiant au centre de l’apprentissage. « Faire en sorte que l’étudiant réfléchisse ou
approfondisse » F1. « Les situations cliniques qu’on travaille ensemble » F3. « Je pense que
c’est quand ils sont vraiment acteurs (…) être eux-mêmes dans une réflexion, dans un
cheminement que ça va être le plus intéressant » F6. « Quand on l’aide à débloquer par luimême » F7.
110
ANNEXE V : Classement des données en vue de l’analyse transversale.
68
V.3.2.2. L’élaboration du sens dans les apprentissages
L’apprentissage des connaissances théoriques est présenté comme une étape difficile pour les
étudiants. Ainsi, « on se sent largué par les cours magistraux » E5, ou E8 dit « avoir eu des
soucis avec tout ce qui est molécule ». Le goût des étudiants se porte, plus volontiers, sur
l’action infirmière. F6 a repéré « des thématiques qui sont très porteuses mais quand on parle
de législation, d’éthique… ». Ces thématiques sont abstraites pour les étudiants qui ne
perçoivent pas de réinvestissement possible rapidement lors des stages, « on est plus dans un
objectif de pratique » explique E7. Les étudiants investissent moins facilement l’espace
théorique, car malgré leur réussite aux évaluations de connaissances, ils ressentent
« l’impression d’aller en stage en ne sachant rien. Avoir des savoirs mais pas de savoirfaire » E12. En effet, l’acquisition de connaissances ne suffit pas, la mobilisation des savoirs
dans l’action se situe à un niveau supérieur de l’apprentissage. Le référentiel évoque ainsi,
trois paliers d’apprentissage « comprendre, agir, transférer ». Les travaux dirigés sont
présentés, comme « des cours qui servent à illustrer, approfondir et compléter un cours
magistral en introduisant des données nouvelles qui peuvent être théoriques ou pratiques, à
réaliser des exposés, exercices, travaux divers et à travailler sur des situations cliniques 111 ».
Ainsi les formateurs doivent investir cet espace. « C’est à nous de trouver un moyen de faire
le lien entre les 2 » F9. « On essaie de trouver des situations proche de la réalité » F1. Or,
« sur le papier ça reste abstrait et l’action est loin, c’est un exercice qui reste difficile, c’est
moins facile de se mettre dedans » E4. Les étudiants expriment leur besoin de ressentir
« vraiment du vivant » E5. Ils attendent des formateurs « des anecdotes » E3, « avec lui son
expérience » E1, « leur savoir faire, leur savoir être » E4. Les étudiants recherchent à
percevoir dans le formateur le professionnel infirmier qu’il a été.
Ainsi, la motivation de l’étudiant est proportionnellement décroissante par rapport au degré
d’abstraction des activités proposées. Par ailleurs, un décalage apparaît entre l’intention du
formateur qui souhaite utiliser les expériences de stage de l’étudiant pour illustrer la théorie,
et le besoin exprimé de l’étudiant de s’appuyer sur le vécu du formateur. Les deux
populations cherchent à illustrer, or la simple illustration ne suffit pas à produire un support
utilisable par l’étudiant. Lorsque l’étudiant effectue un retour sur ses expériences de stage, il
se situe dans son vécu, donc dans ses émotions. Il n’est pas en mesure de décontextualiser
pour gagner un degré d’abstraction nécessaire à l’intégration des connaissances. Alors que
lorsqu’il s’appuie sur le vécu du formateur, il est à distance de ses propres émotions et peut
alors donner du sens aux connaissances.
111
ANNEXE I, p. 277.
69
V.3.2.3. La communication au sein du groupe
Les travaux dirigés sont présentés comme un espace d’échanges. « Le petit comité qui permet
d’échanges plus facilement » E2, « c’est important d’avoir la vision de chacun » E4, « chacun
apporte sa petite pierre » E6, « tout le monde à quelque chose à apporter » E12, « on n’a pas
tous les mêmes apports » E1, « on peut partager avec le groupe » E5. Par ces propos les
étudiants mettent en relief la communication entre étudiants d’horizons divers dans le but de
réaliser une production commune. « Avec les idées de tout le monde on essaie de construire
un même point de vue qui convienne à tous » E3. « Je suis une petite pierre et on doit
construire un mur » E12. A la notion de partage, s’ajoute celle de la négociation, F6 explique
« lorsque quelqu’un dit quelque chose, alors que l’autre n’est pas d’accord qu’il y a débat ».
Comme nous l’avons développé dans le cadre conceptuel, être confronté à des idées
divergentes entrainent un conflit cognitif. Ainsi E9 pense que « expliquer son cheminement
aux autres (…) c’est plutôt productif », pour E3 « c’est important de ne pas toujours être
d’accord ». Au-delà de la production collective, un retour personnel s’effectue, « se grandir
de ce que les autres vont dire » E3, « on avance avec les opinions des autres ».
Les propos des formateurs nous permettent d’entrevoir une réalité moins idyllique. « Parfois
on a du mal à mobiliser cette dynamique (…) ils ont tendance à s’enfermer (…) plutôt qu’à se
positionner dans le partage d’expériences » F6. F10 constate que « ce n’est pas toujours
facile de prendre la parole » pour les étudiants. F5 trouve nécessaire de « favoriser les
interactivités » ce qui nous laisse penser qu’elles ne sont, donc pas spontanées. D’ailleurs les
étudiants recherchent, lors des travaux de groupe les interactions avec le formateur. Pour
E3 « échanger avec les étudiants et avec nos formateurs », E5 « on peut facilement poser des
questions quand le formateur est là », « on a plus accès au formateur » selon E8. F2 se confie
« quand on s’est beaucoup investi en amont pour préparer et que le groupe ne répond pas
c’est décourageant ». F4 déplore l’absence de participation de certains étudiants, « je n’ai pas
envie de perdre mon temps, je perds déjà suffisamment de temps avec des gens qui sont
complètement démotivés ». Le groupe est donc une ressource, toutefois son fonctionnement
peut être source de motivation ou de démotivation pour les étudiants en fonction de la
dynamique de groupe.
V.3.2.4. La dynamique de groupe et la motivation
Les interactions au sein du groupe peuvent être positives, « on se motive entre nous » E11, « il
impulse, il pousse les autres à travailler » F1, « travailler en groupe, ça peut créer une
émulation » F9. Toutefois, la composition du groupe peut avoir une influence moins favorable
70
sur le vécu des participants. « Ça dépend des personnes avec qui on est » explique E10.
Certains interviewés dénoncent le manque de participation des collègues, E1 « ce qui me
dérange c’est que c’est toujours les mêmes qui parlent », E2 confirme « certaines personnes
peuvent ne pas être plus concentrées, ne pas avoir envie de travailler et oui ça peut me
gêner ». E10 « en sortant du Bac (…) je trouve qu’ils ne sont pas assez motivés par la
formation d’infirmière ». L’attitude des uns perçue par les autres comme « pas motivés » E10
ou « trop directifs » E6, peut conduire à une démotivation des étudiants qui se trouvent
confrontés à un fonctionnement qui ne correspond pas à leur représentation du travail de
groupe. Le fonctionnement du groupe nécessite une organisation, « chacun avait son rôle à
tenir » E6, « être capable d’attribuer des « rôles » à chaque participant » pour E2. F3 rejoint
les étudiants, il évoque sa perception « il y a l’étudiant qui est toujours dans la critique, celui
qui va être rebelle, et puis à côté vous allez avoir celui qui va toujours participer… ». « Un
ou deux étudiants ça suffit pour vous foutre en l’air le TD » pour F3. F2 conseille
« d’anticiper la dynamique de groupe et de prévoir des marges d’ajustement ». Nous
identifions une distribution des rôles entre les participants autour de la tâche à accomplir et
d’autre part des rôles qui déterminent la relation entre les étudiants et le ou les formateurs.
Toutefois, dans cette organisation, certains peuvent éprouver des difficultés à trouver leur
place ou à jouer un rôle. Ainsi, E8 témoigne « entre ceux qui on fait S, ceux qui ont fait
médecine et ceux qui ont fait autre chose je me dis que je suis un peu hors sujet », E4,
exprime également ce ressenti « nous on sort des écoles, on sort du Bac, alors notre rôle… ».
L’expérience des uns, que nous avions présentée dans le chapitre précédent comme une
richesse à partager devient un facteur de démotivation pour les étudiants qui se perçoivent
comme dépourvus de toute expérience. Par ailleurs des conflits de personnes peuvent
conduire à une démotivation des participants. E12 explique « il y a des conflits au sein des
groupes et ce n’est pas simple », elle illustre son propos « je sais qu’ils me critiquaient
d’office ». L’attention du groupe se focalise autour des discordes et s’écarte de la tâche à
réaliser. F9 confirme cette difficulté « quelquefois, ils ne s’entendent pas très bien (…) on
essaie d’éviter les associations trop risquées pour ne pas mettre le groupe en échec ».
V.3.2.5. Les modalités pédagogiques et les besoins des étudiants
Lorsque les formateurs abordent l’élaboration des modalités pédagogiques, 8 d’entre eux
évoquent le référentiel de formation. « Je regarde le référentiel pour savoir ce qui est
attendu » F1, « j’explore un peu le contenu de cette unité d’enseignement et les modalités de
mise en place de ce contenu » F10. F5 a « l’impression qu’il y a peu de place à l’imprévu dans
ce nouveau référentiel ». F3 dit « le référentiel, je l’utilise pour les évaluations mais pas trop
71
pour les TD », arrivée à l’IFSI depuis 1 an ½ elle reste dans la reproduction des activités qui
ont été menées précédemment. Ce qui n’est pas le cas de F6, qui a pourtant le même recul
dans la fonction de formateur en termes de temps passé à l’IFSI. Elle dit penser les modalités
pédagogiques « en partant des objectifs du référentiel mais aussi de mes objectifs » le temps
d’appropriation du référentiel est formateur dépendant. Toutefois, le référentiel est
incontournable et inscrit la formation dans une démarche qualité comme nous l’avons évoqué
dans notre travail. Le référentiel donne donc une ligne directive. D’ailleurs, certains
formateurs le perçoivent comme une contrainte. En effet pour F2 « certaines contraintes, on
ne fait pas toujours ce qu’on veut », selon F4 « on est obligé de coller au référentiel », ou
encore, F6 exprime ses difficultés, « ce qui est difficile pour moi c’est d’avoir les contraintes
du référentiel (…) de coller ma pédagogie à la vision du programme en terme d’acquisition de
compétences ». En effet, « Le référentiel de formation des infirmiers a pour objet de
professionnaliser le parcours de l’étudiant, lequel construit progressivement les éléments de
sa
compétence
comportements
112
à
travers
l’acquisition
de
savoirs
et
savoir-faire,
attitudes
et
». Désormais, mis en œuvre depuis 4 ans, une certaine résistance au
changement reste perceptible, tant chez les formateurs que chez les professionnels qui
accueillent les étudiants en stage. Au-delà de l’ingénierie de formation, c’est la posture même
du formateur qui s’en trouve modifiée. Effectivement, la mission du formateur dépasse,
désormais, la transmission de savoir. Nous explorerons cet aspect plus tard dans notre analyse.
Seulement 2 formateurs évoquent les besoins des étudiants. F2 « je réfléchis à ce qui serait
intéressant de faire du côté de l’étudiant », F4 « les étudiants avaient du mal à analyser les
situations… j’ai décomposé mon raisonnement et à partir d’une situation… ». D’ailleurs F5 en
prend conscience lors de notre échange « sur l’ancien programme on recensait toujours les
attentes, les souhaits des étudiants, leurs besoins (…) aujourd’hui on ne le fait plus ».
D’ailleurs E11 proposait de « cibler nos difficultés et voir ce qu’on veut approfondir » elle
ajoutait « d’impliquer plus les étudiants dans la création des travaux dirigés ». Les formateurs
sont dans l’application du référentiel, ce qui peut expliquer les réticences exprimées, ils ne
s’autorisent pas à l’adapter aux besoins des étudiants.
Seule E3 évoque un « rabâchage, on a l’impression de faire et refaire ce qu’on a déjà fait ».
Les étudiants expriment plus généralement leur satisfaction quant aux modalités proposées, et
cela dans les deux IFSI. Ainsi, E7 témoigne, « c’est intéressant parce qu’on peut dire ce qu’on
pense on n’est pas formaté dans quelque chose », pour E5 « la formatrice nous avait donné
des outils, des tableaux pour bien retenir les différentes pathologies », pour E9, étudiante en
112
ANNEXE I, p. 275.
72
fin de 2ème année « ça nous permet de nous auto-évaluer, est-ce qu’on aurait su prendre en
charge cette personne », E11 « chaque fois différent, même si c’est à partir de situations »,
E9 rapporte « c’est quelque chose que l’on va présenter, qui est le fruit de notre travail alors
je trouve ça plutôt stimulant », E6 « même s’il y a un cadre on peut quand même effectuer les
recherches selon ce qui nous intéresse le plus ». Les étudiants affichent donc une certaine
satisfaction et un engagement dans les activités proposées.
Toutefois 8 étudiants expriment leur insatisfaction en ce qui concerne le déroulement des
séances et plus particulièrement, présentent l’absence du formateur comme un facteur
contributif de leur démotivation. Ainsi, E1 « on nous donne une feuille et on nous dit : « voilà
vous avez 1H, moi je reviens dans une 1H et puis on en reparlera ensemble » je ne trouve pas
ça trop top », pour E3 « si on est livré à nous même on a tendance à ne pas approfondir », E5
« si elle nous laisse dans notre coin et qu’elle revient au bout de 2H, moi je n’aime pas
beaucoup », E7 « s’il n’y a pas d’animateur qui relance sur ce qu’il faut aller chercher dans
la pratique (…) c’est beaucoup plus lassant », E8 « on doit se débrouiller seul et il n’y a pas
de formateur pour nous accompagner », E12, pourtant en 3ème année de formation,
« l’impression de ne pas être dirigée, d’être abandonnée dans une salle (…) on est en travaux
pas dirigés ». E2 comprend l’intention du formateur « il veut nous laisser travailler en
autonomie mais nous ça peut nous inquiéter » ainsi l’absence crée chez cette étudiante un
sentiment d’anxiété qui peut être à l’origine d’une démotivation. Quant aux formateurs,
seulement 3 s’expriment sur le sujet. F1 déclare « je les aide, je suis toujours présente »
pourtant E1 et E2 ont confié un vécu différent. F5 explique « quand le groupe a démarré je les
laisse (…) ils se sentent plus libres de parler (…) », F9 explique ne pas être « scotchée à eux »
elle ajoute « on les laisse autonomes dans la réflexion, du coup ils vont plus loin, ils se sont
enrichis ». Cependant E12, étudiante, de cette promotion, évoque une perception différente.
Seule, une étudiante réclame une certaine autonomie « les TD de 4H déjà que c’est un peu
long, en plus on nous surveille tout le temps ». Effectivement, les temps de travaux dirigés
sont à présence obligatoire et un émargement atteste de la présence des étudiants. La présence
du formateur est vécue comme une surveillance et non comme un accompagnement dans
l’activité. L’étudiante réclame de l’autonomie dans l’organisation de son temps, « l’autonomie
surtout en fin de 2ème année, j’estime qu’on doit être plus comme en service, on doit être
autonome ». Nous percevons un décalage entre les intentions des formateurs et les attentes des
étudiants. Le référentiel de formation stipule « l’étudiant est amené à devenir un praticien
autonome, responsable et réflexif. C’est-à-dire un professionnel capable d’analyser toute
situation de santé, de prendre des décisions dans les limites de son rôle et de mener des
73
interventions seul et en équipe pluri professionnelle 113». Evoquer l’autonomie dans la
formation infirmière, c’est se tourner dans deux directions qui toutefois vont s’entrecroiser,
d’une part la notion de professionnalisation et d’autre part la notion d’apprentissage.
V.3.2.6. La posture pédagogique, une relation à construire
L’analyse des entretiens nous permet de mettre en évidence deux grands axes au regard de la
posture du formateur. Les interviewés abordent leurs perceptions quant à la relation d’une part
et à l’accompagnement d’autre part.
La relation est fréquemment évoquée. En effet la communication est exprimée, E1 explique
« une meilleure écoute du formateur », on perçoit également la notion de proximité. La
distance est abordée par E3 « c’est le respect qu’on doit à notre formateur », E8 explique « il y
a une différence, ils sont les formateurs, nous sommes les étudiants ». Plus loin il précise qu’il
n’y a pas de relation d’amitié toutefois la convivialité est évoquée comme un facteur
contributif de sa motivation. F5 parle d’une « relation de confiance, une certaine complicité »,
F6 confirme la notion de distance « proche mais pas trop proche » elle parle « de respect
partagé ». Ainsi nous percevons ici une relation pédagogique lors des travaux dirigés, basée
sur la communication et une distance appropriée. Cette relation est asymétrique cependant le
respect est partagé. Notre recherche nous avait permis de mettre en avant, cette relation
comme contributive de la motivation des différents acteurs en présence.
Lorsque nous tentons de clarifier la posture du formateur telle qu’elle est perçue ou attendue
par les interviewés nous nous trouvons confrontée à une grande diversité d’expressions. Nous
recensons les verbes, aiguiller, guider, animer, aider, diriger, expliquer, temporiser, contenir,
transmettre, surveiller. Pour exploiter ces données, nous avons choisi de nous appuyer sur « le
tableau synthétique des pratiques d’accompagnement114 » proposé par Paul (2004) qui nous
permet de donner un cadre à cette analyse.
Ainsi pour faciliter la lecture du recueil des données nous avons choisi de reproduire le tableau
cité ci-dessus et d’identifier à l’aide du code utilisé depuis le début de l’analyse (E pour les
étudiants et F pour les formateurs), les pratiques évoquée par les différents interviewés.
Auparavant, nous avons classés par thèmes, les propos recueillis lors des entretiens. Les
différents tableaux sont consultables en annexe115.
113
114
115
ANNEXE I, p. 275.
Paul Maéla (2004), op cit, p. 53.
ANNEXE V : Classement des données en vue de l’analyse transversale
74
Réflexion
COUNSELLING
Orientation guidance F1 F4 F7 E4
Développement adaptation
Maturation actualisation F1
Construction identitaire
MEDIATION SOCIALE
Différends litiges E12
Résolution de problèmes
CONSEIL
Délibération
Ouverture des choix décision
Projet orientation
MEDIATION EDUCATIVE
Education humanisation
Apprentissage remédiation E8
Sens
COMPAGNONNAGE
Transmission E5 E11 F2 F8
Filiation formation
Apprentissage E1
Humanisation
MENTORAT
Orientation de projet
Actualisation de soi
Guidance E3 E10 F1 F2 F8
Transmission, filiation
TUTORAT
Production
Conformité F10
Adaptation
Insertion
Formation F4
Encadrement
Apprentissage
PARRAINAGE
Insertion conformité
Adaptation soutien
Technique
COACHING
Efficacité E7 E10 E2
Réussite personnelle
Performance
Excellence
Optimisation
Rendement
Contrôle E7 E11
Action
Tableau synthétique des pratiques d’accompagnement-Paul (2004)
Le tableau ci-dessous centralise les données extraites du schéma ci-dessus.
tableau récapitulatif
total
counselling
1
médiation éducative
1
médiation sociale
1
compagnonnage
3
coaching
4
tutorat
0
mentorat
2
E1
3
médiation éducative
0
médiation sociale
0
compagnonnage
2
coaching
0
tutorat
2
mentorat
3
E3
E4
E5
E6
E7
E8
E9
E10
E11
E12
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
F1
counselling
E2
F2
x
F3
x
F4
x
x
F5
F6
F7
F8
x
F9
F10
x
x
x
x
x
x
x
75
Selon Paul (2004) « Le mentor fait partie des figures d’accompagnement qui se justifient par
le fait qu’un individu ne peut se développer par le seul contact avec des pairs : il a besoin
d’être au contact avec les ainés116 ». Cette posture est celle, couramment, adoptée par les
directeurs de mémoire ou de thèse mais également par les référents de stage. Ainsi, F1, F2, et
F8 conservent une posture de référent de stage. Nous nous sommes interrogées sur leur
parcours et avons tenté, en vain, d’identifier des éléments pouvant expliquer ce
positionnement. Ces formateurs sont tous les 3 cadrés, et ont un certain recul dans la
formation, 6 ans pour F1 et F2 et 3 ans pour F8. Ils conservent la relation à l’étudiant qu’ils
mettaient en place lorsqu’ils étaient référents de stage.
Les étudiantes E3 et E10 qui perçoivent le formateur dans cette position sont toutes les deux
en promotion professionnelle, et âgées de 30 ans pour l’une et 29 ans pour l’autre. Elles ont
déjà un positionnement professionnel et établissent une relation avec le formateur de
professionnel à professionnel. Toutefois elles se placent effectivement comme novices et
attendent du formateur une expertise et une maturité professionnelles.
Le tutorat place l’accompagnant comme un facilitateur dans l’action, ce positionnement est
celui adopté par les professionnels lors de l’accompagnement en stage. F4 et F10 se situe dans
cette dynamique. Il est intéressant de constater que F4 se situe également dans le counselling.
Donc elle se positionne ou dans l’action ou dans l’abstraction.
Les étudiants E2, E7, E10 et E11 attendent du formateur un accompagnement de type
coaching. Le coaching se situe au cœur de l’action, fait fréquemment référence au cadre
sportif et à l’atteinte de résultat. Les étudiants se placent dans l’action et attentent du formateur
qu’ils les mènent à la réussite (la validation des unités d’enseignement à court terme et
l’obtention du diplôme d’Etat à plus long terme).
Tournons nous, vers le compagnonnage. Ce type d’accompagnement renvoie aux métiers
manuels et la transmission d’un savoir-faire entre un professionnel passionné, et un jeune
inexpérimenté. E1, E5, E11, respectivement âgée de 23, 22, et 21 ans se positionnent comme
apprentis à la recherche d’un savoir faire. Toutes les 3 issues du Baccalauréat, elles n’ont
aucune expérience professionnelle. Elles attendent un formateur expert, passionné et
exemplaire auquel elles pourront s’identifier.
La médiation éducative, quant à elle, rappelons-le, peut se résumer par l’intervention d’une
tierce personne, auprès d’un apprenant, chargée de « faciliter un développement global en
suscitant un certain nombre d’attitudes existentielles comme l’habitude de chercher, la
116
Paul Maéla (2004), op cit, p. 40.
76
volonté de comprendre117 ». Par ailleurs, la notion de conflit est présente entre l’apprenant et le
savoir.
Seule E8, évoque cette forme d’accompagnement, aucun des formateurs n’a
clairement exprimé cette dimension. E12, quant à elle aborde la médiation sociale, rappelons
alors que la tierce personne ne résout pas le problème mais favorise la rencontre des deux
parties qui pourront alors trouver un consensus. Ce constat, nous permet de progresser dans
notre analyse et d’explorer le counselling, catégorie dans laquelle nous avons pu classer les
propos de 3 formateurs (F1, F4, F7) et 1 étudiant (E4). Ce type d’accompagnement a été décrit
par Rogers (1974)118 dans le cadre de la relation d’aide. Cette catégorie renvoie le formateur à
un positionnement soignant dans lequel il pouvait être expert. D’ailleurs lors de notre
entretien, F4 nous confiait avoir exercé en psychiatrie, domaine dans lequel la relation d’aide
est la base de la prise en charge. En nous référant au tableau de présentation des populations
interviewées, nous constatons que F4 est un des formateurs de la promotion de E4. F4 et E4 se
situent dans un rapport pédagogique base sur la relation d’aide. En ce qui concerne F7, cette
formatrice, a un parcours universitaire et a exercé dans un service de recherche clinique qui
nous laisse supposer son goût pour l’abstraction, or la difficulté consiste, pour elle, à garder un
ancrage dans l’action infirmière en service de soins.
Il nous reste à analyser les propos des formateurs pour tenter d’identifier les moyens qui leur
ont permis de se positionner dans cette nouvelle fonction.
V.3.2.7. La professionnalisation du formateur
Certains formateurs expriment une rupture lors de leur prise de fonction à l’IFSI. F1 dit
n’avoir eu « aucun expérience en formation », F2 parle d’un « nouveau métier » et poursuit
« je me suis retrouvée un peu perdue au départ », F6 confirme « en terme de pédagogie, je
n’ai pas toutes les connaissances », F10 précise qu’elle n’a pas « de formation particulière
vis-à-vis de la pédagogie ». Les formateurs se trouvent confrontés à un environnement non
maîtrisé, ils vont donc devoir développer ou transposer des capacités. 3 formateurs expliquent
avoir appris au contact et en observant les collègues. Pour F1 « les collègues servent de
modèles », F4 dit s’être appuyé sur « l’expérience des collègues », F5 aborde le contact
favorable avec « des collègues passionnés ». Aucun formateur cadré n’a présenté la formation
des cadres de santé comme permettant de développer des capacités en pédagogie, F2 affirme
« ce n’est pas dans les cours de l’école des cadres qu’on trouve ce genre de choses », ses
propos sont confirmés par F4 « les cours de l’école des cadres, franchement, je ne vois pas en
quoi ça pourrait nous aider ». L’expérience est présentée essentielle dans le processus de
117
118
Paul Maéla (2004), op cit, p. 46.
Rogers Carl (1974), La relation d’aide et la psychothérapie, Paris, ESF.
77
professionnalisation F1 parle « d’apprentissage par l’erreur » elle précise « la base c’est
quand même le terrain », pour F2 « ça s’apprend en faisant », F6 dit « je suis encore à
découvrir,
à
expérimenter ».
L’action
est
donc
présentée
comme
moyen
de
professionnalisation, une seule formatrice évoque la réflexion en retour de l’action « on
réfléchit, ce que j’ai fait n’était pas bien, ça ne convenait pas à l’étudiant ». Les formateurs
expriment la nécessité de développer des connaissances en pédagogie, ils sont à la recherche
de méthodes, d’outils.
V.4. La discussion des résultats
L’analyse des entretiens réalisés auprès des étudiants nous a permis d’identifier les
composantes cognitives et affectives comme deux facteurs qui guident leur participation. Le
modèle d’analyse de Barbeau (1993) nous avait permis d’identifier ces deux registres.
L’étudiant met en place des stratégies affectives qui lui permettent de gérer ses émotions, ainsi
il prend conscience « qu’il est capable de se développer et de contrôler, dans une mesure très
importante, son apprentissage119 ». Cette analyse, nous conduit à percevoir l’absence de
participation des étudiants sous un autre angle. En effet, elle pourrait, ainsi s’expliquer par une
difficulté de l’étudiant à gérer ses émotions face à ses apprentissages et ne pas traduire
systématiquement une absence de motivation. Toutefois, comme nous l’avons développé dans
le cadre théorique, la participation de l’étudiant favorise ses apprentissages. Le référentiel
place l’étudiant, dans une position d’acteur en précisant il « construit progressivement les
éléments de sa compétence à travers l’acquisition de savoir, savoir-faire, attitudes et
comportements120 ».
Les apprentissages de l’étudiant doivent le conduire à devenir un professionnel compétent. La
formation infirmière est basée sur le principe de l’alternance qui doit lui permettre d’établir
des ponts entre la théorie, et la mobilisation de celle-ci dans l’action, avec une réflexion en
retour sur cette action. Ce qui nous conduit à nous intéresser à la notion de réflexivité. Pour
cela lorsque nous nous référons au référentiel, la notion de mise en liens est abordée
ainsi, « les étudiants construisent leurs savoirs à partir de l’étude de ces situations
(professionnelles) en s’appuyant sur la littérature professionnelle grâce aux interactions entre
leur savoir acquis et celui des condisciples, enseignants, équipes de travail, ils apprennent à
confronter leurs connaissances et leurs idées et travaillent sur la recherche de sens de leurs
119
120
Barbeau Denise, op cit, p 25.
ANNEXE I, p. 275.
78
actions.
L’auto-analyse
est
favorisée
dans
une
logique
de
contextualisation
et
décontextualisation et devient un mode d’acquisition de connaissances et de compétences121 ».
L’étudiant est donc amené à devenir un professionnel réflexif mais également autonome. Nous
n’avions pas axé nos recherches sur cette notion qui est toutefois incontournable. Nous nous
proposons de l’explorer maintenant. En effet, la formation doit permettre à l’étudiant de
devenir un praticien autonome. Nous sommes ici dans le cadre de la professionnalisation des
acteurs que Sorel & Wittorski (2005) définissent comme « la mise en place des savoirs et de la
production des compétences nécessaires pour exercer la profession auxquelles s’ajoutent la
construction d’une identité professionnelle122 ». Progressivement l’étudiant développe des
compétences qui lui permettent d’analyser les situations, de prendre des initiatives et d’agir de
façon pertinente tout en étant en mesure d’interroger sa pratique.
Nous ne pouvons occulter l’autonomie dans les apprentissages. Nous nous tournons alors, vers
les perceptions attributionnelles que nous avons abordées, notamment, au travers des travaux
de Weiner (1992)123. En effet, l’auteur présente l’action de l’étudiant conditionnée par la
perception que ce dernier a de l’espace de contrôle dont il dispose sur l’action à mener. Ainsi
lors des travaux dirigés, cet espace de contrôle peut se trouver limité (présence obligatoire
prévue par le référentiel, perception de l’étudiant de sa capacité à réaliser la tâche, capacité du
groupe à fonctionner pour produire, anxiété face à la difficulté de la tâche, face aux
responsabilités à assumer en stage…). Ainsi, pour Perrenoud (2002) « l’autonomie est d’abord
une question d’identité, de projet, d’image de soi124 ». Cet auteur ajoute d’ailleurs, l’étudiant
« doit se battre, parfois, pour refuser une autonomie qu’il n’a pas demandée et qu’on lui
assigne, avec des responsabilités qu’il ne veut pas prendre125 ». Ainsi, l’autonomie s’acquiert,
se prend mais elle ne se transmet pas, ne se donne pas, et ne s’impose pas. Il nous paraît
important d’interroger la présence du formateur lors de ces activités.
Aborder les travaux dirigés, c’est également s’intéresser à la notion de groupe. Nous n’avions
pas développé cet aspect dans notre cadre conceptuel. Pourtant lors de notre analyse
longitudinale nous avons ressenti le besoin d’ajouter cette catégorie à notre guide d’analyse
car souvent abordée par les interviewés. Ainsi dans notre cadre conceptuel nous nous étions
limitée à aborder les interactions comme nécessaires à l’apprentissage.
121
ANNEXE I, p. 278.
Sorel Maryvonne et Wittorski Richard (2005), « Des définitions qui s’imposent », In M Sorel et R Wittorski (sous la coord.), La
professionnalisation en actes et en question, Paris, L’Harmattan.
123
Weiner Bernard (1992), op cit.
124
URL : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2002/2002_24.html consulté le 16/08/2013
125
Ibid.
122
79
Notre analyse a confirmé cette réalité. Toutefois nous ne pouvions occulter plus longtemps la
notion de communication. En effet, la communication et ses obstacles sont au centre de la
démarche. Selon Anzieu & Martin (2007) « toute activité sociale postule des échanges
d’informations126 » ils précisent « la façon dont s’effectuent ces échanges conditionne les
relations entre les hommes 127». Les auteurs nous rappellent que la communication ne se réduit
pas à la circulation d’un message entre deux boîtes noires. Elle met en présente des individus
construits à partir de références qui leur sont propres et porteurs d’intentions. Cette rencontre
s’effectue dans un cadre partagé, à un instant T. Chacun a ses propres perceptions, et intérêts
dans la relation. Les séances de travaux dirigés constituent donc, un espace d’incertitude pour
chacun des acteurs. Cette dimension peut expliquer le besoin du formateur de s’extraire
physiquement de ces tensions, alors que l’étudiant, dont la présence est rendue obligatoire par
le référentiel, l’attend comme régulateur.
A ce stade de notre analyse, la dynamique de groupe apparaît, comme un facteur de motivation
pour l’étudiant. Il nous appartient de l’explorer.
Lewin (1959)128 considérait que le groupe était une entité, au sein de laquelle les interactions
entre les individus qui le composent, produisent des forces en mouvement, afin de maintenir
un équilibre. Cette recherche de stabilité détermine le comportement que chacun des membres
doit adopter, créant ainsi, un système d’influence. Il fondait son système d’analyse sur des
principes empruntés à la physique. La recherche d’équilibre, et de forces qui s’opposent
retiennent notre attention dans le cadre de notre recherche. En effet, comme nous l’avons
développé précédemment, la motivation est fréquemment présentée comme une force qui
pousse l’individu à agir.
Sartre (1960)129, quant à lui, établit sa réflexion dans un registre dialectique. Amado & Guittet
(1991) précisent que « la dialectique, selon Sartre, est la démarche de l’homme dans sa
relation à la nature, à la société afin de les transformer : c’est une logique de l’action130 ».
Même si le cadre de notre recherche ne coïncide pas avec le principe de rareté sur lequel Sartre
fonde sa réflexion, nous souhaitons, toutefois, en retenir certaines dimensions. En effet, les
travaux de groupe sont basés, en partie, sur les échanges, la communication. Il nous paraît
opportun de considérer qu’il ne peut y avoir d’échange, sans action. En prenant de la distance
par rapport à la réflexion de Sartre qui envisage les transformations de l’environnement, nous
conserverons la notion de transformation. En effet, elle nous paraît essentielle dans le cadre de
126
Anzieu Didier, Martin Jacques-Yves (2007), op cit, p. 188.
Ibid
128
Lewin Kurt (1959), Psychologie dynamique, Paris, Puf.
129
Sartre Jean Paul (1960), Critique de la raison dialectique, tome 1, Paris, Gallimard.
130
Amado Gilles et Guittet André (1991), Dynamique des communications dans les groupes, Paris, Armand Colin, p. 82.
127
80
notre recherche, la production collective conduit à des transformations personnelles. Par
ailleurs, les réflexions de Sartre nous conduisent à questionner les répercussions de l’action du
groupe sur l’environnement (fonctionnement de la promotion, motivation du formateur,
relation avec l’équipe pédagogique, fonctionnement de l’IFSI...)
La sociométrie issue des travaux de Moréno (1954)131 explore la dynamique de groupe et les
processus d’influence. Chaque individu est considéré comme une entité sociale. Les rencontres
de ces identités, au sein du groupe se traduisent par des attirances et des aversions. Les
relations vont être déterminantes dans le positionnement que l’individu va être conduit à
adopter (leader, solitaire, rejeté…). Quant aux travaux de Pagès (1963)132, ils nous conduisent
à réfléchir à l’angoisse perçue, par les individus lorsque la constitution du groupe conduit à la
notion de liens. Ainsi, une certaine ambivalence s’installe entre la volonté de s’inscrire dans
un fonctionnement collectif et la peur de perdre son individualité. Comme Pagès l’explique ce
sentiment est inconscient et peut s’exprimer sous une forme dissimulée. Les étudiants ont
évoqué à plusieurs reprises l’angoisse qu’ils pouvaient ressentir dans l’attente de connaître la
constitution du groupe ou lors de l’activité.
Les différents travaux de recherches, menés dès les années 50, permettaient d’établir qu’une
production collective ne se réduisait pas à l’addition de ce que chaque participant aurait pu
produire individuellement, mais qu’elle était bien supérieure. Les chercheurs aujourd’hui,
émettent certaines réserves quant à la généralisation de cette affirmation. En effet, Anzieu
&Martin (2007) évoquent des éléments qui peuvent conduire la production du groupe à être
moins riche et plus approximative. Ainsi, si « aucune division du travail n’est requise
(émergence de l’individualisme) ; les problèmes de contrôle sont trop complexes (taille du
groupe trop élevée) ; le groupe instaure une norme de production plus faible que la
production de l’individu isolé133 » la production du groupe sera menacée. Cette citation nous
fait réagir, car elle se fait l’écho des activités proposées aux étudiants infirmiers lors des
travaux dirigés au sein de notre IFSI. En effet, comme nous l’avions évoqué au début de notre
travail, les étudiants adoptent des stratégies pour effectuer la tâche qui leur est proposée. Les
étudiants recherchent l’efficience dans la réalisation du travail (efficacité, rapidité
d’exécution), alors que le formateur accorde plus d’importance au cheminement du groupe
qu’au résultat. Ce décalage d’objectif nous paraît intéressant à prendre en considération pour
comprendre les insatisfactions partagées par les étudiants et les formateurs.
131
132
133
Moréno Jacob L. (1954), les fondements de la sociométrie, Paris, Puf.
Pagès Max (1963), Note sur la vie affective des groupes, Bulletin de psychologie, Tome 16 (6–7), N°214, 1963, p. 326-335
Anzieu Didier, Martin Jacques-Yves (2007), op cit, p. 210.
81
D’autre part, notre analyse nous conduit à constater des divergences entre les perceptions des
étudiants et des formateurs quant à l’accompagnement. Dans un positionnement sociocognitif,
nous avons pu mettre en évidence l’importance des perceptions dans la motivation. Ce
décalage de points de vue entre formateurs et étudiants peut donc, être un facteur de
démotivation. Ainsi, la médiation éducative que nos lectures et notre réflexion nous ont
conduit à placer au centre de notre recherche, n’est investie par aucun formateur. Lorsque nous
observons le tableau synthétique des pratiques d’accompagnement (Paul, 2004), nous pouvons
constater un alignement du counselling, de la médiation et du compagnonnage allant d’un
degré d’abstraction élevé (réflexion) pour le counselling à un degré de concrétisation majeur
(action) pour le compagnonnage. Notre analyse, nous a permis, précédemment de mettre en
évidence un lien de proportionnalité entre motivation de l’étudiant et degré d’abstraction. De
plus, les formateurs se placent majoritairement, dans des types d’accompagnement en lien
avec l’action, pour une plus faible proportion dans l’abstraction. En nous reportant au schéma
proposé par Paul (2004), la médiation apparaît comme un pont entre l’action et la réflexion.
Notre analyse nous conduit à confirmer la médiation éducation comme l’accompagnement à
privilégier auprès de l’étudiant infirmier. Ainsi le positionnement du formateur est à
interroger.
Au terme de cette analyse il nous appartient de porter un nouveau regard sur la problématique
élaborée et sur les hypothèses avancées.
VI. LA VERIFICATION DES HYPOTHESES
A l’issue de notre cadre théorique nous avions posé la problématique suivante :
Dans le contexte du référentiel de la formation infirmière qui définit précisément les savoirs,
les objectifs et les conditions de mise en œuvre de cette formation, quelle pédagogie est
susceptible de susciter la motivation de l’étudiant lors des travaux dirigés afin de favoriser sa
participation et ses apprentissages ?
Pour répondre à cette question, nous avions axé notre réflexion autour de deux hypothèses. A
ce stade de ce travail, nous pouvons désormais les vérifier.
VI.1. La vérification de la première hypothèse
La réflexion didactique et pédagogique permet au cadre formateur de proposer à l’étudiant des
modalités pédagogiques adaptées, variées, attractives et innovantes
qui suscitent sa
motivation intrinsèque, le conduisant à participer et à s’investir dans ses apprentissages.
Cette hypothèse ne peut être validée dans sa globalité.
82
En effet, notre analyse nous a permis de mettre en évidence un rapport des formateurs au
référentiel de formation, vécu comme une contrainte. La réflexion des formateurs est
davantage tournée vers l’application rigoureuse du référentiel au dépend de l’analyse des
besoins particuliers des étudiants.
Par ailleurs, même si nous avons pu établir les modalités pédagogiques comme facteurs
contributifs de la motivation des étudiants, nous ne pouvons affirmer qu’elles suscitent la
motivation intrinsèque. Lorsque les étudiants ont abordé les modalités pédagogiques comme
facteurs contributifs de leur démotivation, ils ne remettaient pas en question l’activité en ellemême mais son déroulement en termes de clarté des objectifs à atteindre, de présence du
formateur et de dynamique de groupe.
VI.2. La vérification de la deuxième hypothèse
La posture du cadre formateur lors des travaux dirigés intervient dans la motivation de
l’étudiant et conditionne son engagement dans l’activité proposée.
Notre analyse nous a permis de valider cette hypothèse. En effet, nous avons pu mettre en
évidence l’importance des interactions lors des travaux dirigés. Les étudiants mettent en
avant la relation pédagogique avec le formateur, comme favorisant leur motivation et leur
engagement dans l’activité proposée. La qualité de cette relation doit prendre en considération
la composante cognitive tout autant que la composante émotionnelle. Pour que cette relation
puisse être instaurée, le formateur doit interroger son positionnement dans la formation.
VII. LES PRECONISATIONS
Notre réflexion nous conduit, à présent, à proposer des préconisations. La formation des
étudiants infirmiers nous apparaît comme une responsabilité partagée entre les étudiants et les
formateurs. Ainsi, chacun des acteurs doit pouvoir s’ouvrir sur des perspectives nouvelles,
nous présentons, donc, des préconisations tournées vers les étudiants d’une part et vers les
formateurs d’autre part.
En effet, pour que l’étudiant soit un réel acteur de sa formation, il pourrait être judicieux, dès
son entrée en formation, de l’accompagner dans la découverte de la philosophie du référentiel
de formation, de clarifier les intentions et les orientations pédagogiques. L’étudiant pourrait
alors, se situer dans ce nouvel environnement et identifier les moyens qui lui permettront
d’atteindre ses objectifs.
83
Par ailleurs, il serait souhaitable d’amener l’étudiant à réfléchir sur les notions de groupe, de
travail de groupe, de participation et de motivation à partir de ses propres expériences, par le
biais de l’analyse de pratique à l’issue de séances de travaux dirigés.
De son côté, il pourrait être intéressant pour le formateur d’interroger son positionnement afin
de parvenir à se situer dans un accompagnement tourné vers la médiation éducative. Cela
nécessite de s’inscrire dans une prise de conscience et un processus actif de
professionnalisation.
La formation des formateurs, serait un axe à privilégier, en termes de développement d’une
réflexion pédagogique et didactique, d’acquisition, de mobilisation de connaissances et de
prise de distance par rapport à l’activité quotidienne.
Par ailleurs, il nous paraîtrait opportun que les formateurs s’autorisent, après un recul de
quatre années depuis la mise en place du référentiel, à dépasser l’exécution d’une prescription
mais à mettre en place une adaptation du référentiel aux besoins des étudiants. Cette prise
d’autonomie relative, nécessite pour le formateur motivation et compétences.
Enfin, la mise en place d’analyse de pratiques pourrait, justement, être propice au
développement des compétences du formateur. En effet, l’action est source d’apprentissage à
condition qu’elle soit interrogée. Ainsi, le formateur doit être un praticien autonome,
responsable et réflexif dans ce nouveau domaine d’activités.
Les temps de travaux dirigés pourraient peut-être devenir, alors, des temps de réels échanges
entre pairs, basés sur la prise en considération de composantes affectives (conceptions et
perceptions) afin de favoriser l’engagement cognitif. En effet, cette dynamique pourrait
susciter la motivation de chacun des acteurs (étudiants et formateurs). Ainsi, ce travail pourrait
ce prolonger par l’étude de la motivation des formateurs dans la formation des étudiants
infirmiers.
VIII. L’ANALYSE CRITIQUE
Au regard du thème
Le choix de notre thème de recherche nous paraît, encore aujourd’hui, pertinent au regard de
notre exercice professionnel mais également au regard des travaux de recherche menés sur le
sujet. En effet, de nombreux travaux de recherche explorent la motivation des enfants lors des
apprentissages scolaires. Par ailleurs, la formation des adultes fait l’objet également de
84
nombreuses recherches tournées vers l’engagement des individus dans le cadre de la formation
tout au long de la vie. Il nous paraît intéressant d’interroger la motivation des jeunes adultes en
formation initiale surtout dans un contexte socio économique morose.
Au regard des outils d’enquête
Pour mener notre enquête, nous avons choisi de réaliser des entretiens semi-directifs. Cet outil
nous a permis de recueillir les perceptions des uns et des autres, de croiser les données. Les
interviewés avaient ainsi la possibilité d’expliciter leurs propos, toutefois, notre réactivité en
tant qu’enquêteur reste à développer. En effet, focalisée, sur l’évocation des différents thèmes,
nous avons regretté lors de la retranscription, de n’avoir pas incité certains interviewés à
préciser leur pensée. Par ailleurs, lors des premiers entretiens nous avions tendance à induire
les réponses, la retranscription systématique et progressive des entretiens, nous a permis de
prendre conscience de ce biais et de réajuster au fil du temps.
L’entretien semi-directif nous a permis de recueillir les perceptions des interviewés toutefois
nous ne disposions pas d’outil qui nous permettait d’objectiver les propos. En effet, il aurait
été intéressant parallèlement, d’observer de séances de travaux dirigés à l’aide d’une grille
d’observation.
Au regard du déroulement de l’enquête
Nous avions ressenti le besoin de réaliser notre enquête dans deux instituts de formation au
regard du nombre d’étudiants par promotion. Rencontrer des formateurs et des étudiants dans
deux autres IFSI, s’est révélé d’une grande richesse en termes d’échanges, cependant nous
n’avons pas mis en évidence de différence majeure entre les deux Instituts de formation. En
effet le référentiel précise que les « travaux dirigés (TD) sont des temps d’enseignement
obligatoire réunissant maximum 25 étudiants134 ». Aucun des deux établissements
sélectionnés ne connaît de difficulté au regard du nombre de salles disponibles pour mener les
différents types d’activités, ce qui n’est pas le cas de l’IFSI du Havre. Réaliser, vint-deux
entretiens a été une difficulté pour concilier activité professionnelle et déplacement dans les
deux établissements, d’autant que nous ne mettons pas en évidence de différence notoire entre
les différents niveaux de formation. Toutefois, cette enquête nous a permis de dépasser un a
priori. En effet, nous pensions que la motivation des étudiants lors des travaux dirigés
augmentait au fil de la formation, en lien avec la construction de l’identité professionnelle et
134
ANNEXE I, P. 277.
85
de la concrétisation du projet professionnel. Or notre enquête ne nous a pas permis de
confirmer cette perception.
Au regard de l’analyse
Pour réaliser notre analyse, nous avons du effectuer une classification des données. Or, cette
étape, s’est révélée très délicate. En effet, certaines terminologies pouvaient être classées dans
différentes catégories. Nous pensons que les catégories retenues étaient adaptées toutefois
comme nous l’avons pointé précédemment nous n’avons pas suffisamment invité les
interviewé à préciser leurs propos ce qui a été une limite pour notre analyse.
Au regard de la posture de chercheur
Notre positionnement en tant que chercheur s’est opéré assez naturellement dans la prise de
distance avec notre activité professionnelle. Nous ressentions cette étape comme nécessaire à
notre parcours de professionnalisation. Toutefois, nous avons été beaucoup plus hésitante, à
nous autoriser à porter un regard critique sur nos différentes lectures et sur les différents
travaux de recherche étudiés. Notre travail nous a permis de progresser dans cette voie, et nous
permet, aujourd’hui, de porter un autre regard sur notre activité professionnelle et sur nous
même en tant que cadre de santé formateur.
86
CONCLUSION
Dans le cadre du Master 2, Ingénierie Conseil et Formation, nous avons souhaité placer la
motivation des étudiants en soins infirmiers lors des travaux dirigés au centre de notre
réflexion. En effet, le référentiel de formation positionne l’étudiant comme l’acteur principal
de la construction de son savoir. Il doit pouvoir donner du sens à ses connaissances pour
construire progressivement son savoir et sa compétence. Ainsi « les temps de travaux dirigés
sont des temps d’enseignement obligatoire réunissant maximum 25 étudiants. Ces cours
servent à illustrer, approfondir et compléter un cours magistral en introduisant des données
nouvelles qui peuvent être théoriques ou pratiques (…)135 ». La participation favorise
l’intégration des connaissances, or l’engagement de l’étudiant dans les activités proposées est
soumis à sa motivation. Notre cheminement nous a conduit à identifier des déterminants de la
motivation ou de la démotivation de l’étudiant. Le formateur doit donc, mettre en œuvre le
référentiel de formation tout en l’adaptant aux besoins particuliers des étudiants. Il s’agit pour
le formateur de trouver le positionnement et la juste distance auprès de l’étudiant. Pour Barth
(2013) « c’est surtout par l’affectif que l’engagement cognitif et la motivation vont être
suscités, sans cette implication, l’apprentissage n’aura pas lieu136 ». En effet, ce travail nous
amène à identifier les perceptions de l’étudiant comme déterminantes dans son processus
d’apprentissage, dans son positionnement au sein du groupe et dans son engagement dans les
activités. Les interactions au sein du groupe, devront être autant d’occasion pour l’étudiant de
confronter ses connaissances et ses idées à celles de ses condisciples, des formateurs et des
professionnels. Ainsi, progressivement, il pourra devenir « un praticien autonome,
responsable et réflexif 137».
135
136
137
ANNEXE I, p. 277.
Barth Britt-Mari (2013), op cit, p.201.
ANNEXE I, p. 275.
87
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
I.
LE CADRE CONTEXTUEL
I.1. La formation en soins infirmiers
I.1.1. Le programme de formation
I.1.1.1. Le référentiel de formation
I.1.1.2. L’approche par compétences
I.1.1.3. Les travaux dirigés
I.1.2. Les étudiants en soins infirmiers
I.1.3. Les formateurs en soins infirmiers
I.2. Le contexte de notre recherche
I.2.1. L’institut de formation en soins infirmiers du Havre
I.2.2. L’équipe pédagogique
I.2.3. Notre parcours et notre position dans ce contexte
I.3. Notre mission
I.3.1. Les objectifs de la mission
I.3.2. La méthodologie d’enquête
I.3.3. Les résultats obtenus
I.4. De nos questionnements à la question de recherche
II.
LE CADRE CONCEPTUEL
II.1. Les apprentissages
II.1.1. La construction des savoirs
II.1.2. L’apprentissage
II.1.3. La posture réflexive
II.2. La motivation
II.2.1. La conception générale de la motivation
II.2.2. La motivation dans les apprentissages
II.2.3. Les modèles d’analyse de la motivation en contexte d’apprentissage
II.3. L’approche pédagogique et la posture du formateur
II.3.1. La didactique et la pédagogie
II.3.2. La médiation dans les apprentissages
II.3.2.1. La définition de la médiation
II.3.2.2. La médiation et le conflit sociocognitif
II.3.3. La posture du formateur et la motivation de l’étudiant
III. LA PROBLEMATIQUE ET LES HYPOTHESES
III.1. Du questionnement à la problématique
III.2. Les Hypothèses
III.2.1. La première hypothèse
III.2.2. La deuxième hypothèse
P. 03
P. 04
P. 04
P. 04
P. 04
P. 06
P. 06
P. 07
P. 07
P. 09
P. 09
P. 09
P. 10
P. 11
P. 11
P. 11
P. 10
P. 11
P. 13
P. 13
P. 13
P. 15
P. 17
P. 18
P. 18
P. 19
P. 21
P. 23
P. 23
P. 27
P. 27
P. 29
P. 30
P. 32
P. 32
P. 32
P. 32
P. 32
88
IV. L’ENQUETE
IV.1. La population enquêtée
IV.2. Le terrain d’enquête
IV.3. La méthodologie d’enquête retenue
IV.4. L’échantillonnage
IV.5. Le déroulement de l’enquête
V.
LA PRESENTATION ET L’ANALYSE DES DONNEES
V.1. La méthode d’analyse retenue
V.2. L’analyse longitudinale
V.2.1. L’analyse longitudinale des entretiens étudiants
V.2.2. L’analyse longitudinale des entretiens formateurs
V.3. L’analyse transversale
V.3.1. Les données sociologiques
V.3.1.1. La population des étudiants
V.3.1.2. La population des formateurs
V.3.2. L’analyse croisée des données
V.3.2.1. La participation un engagement affectif et cognitif
V.3.2.2. L’élaboration du sens dans les apprentissages
V.3.2.3. La communication au sein du groupe
V.3.2.4. La dynamique de groupe et la motivation
V.3.2.5. Les modalités pédagogiques et les besoins des étudiants
V.3.2.6. La posture pédagogique, une relation à construire
V.3.2.7. La professionnalisation du formateur
V.4. La discussion des résultats
VI. LA VERIRICATION DES HYPOTHESES
VI.1. La vérification de la première hypothèse
VI.2. La vérification de la deuxième hypothèse
P. 32
P. 32
P. 33
P. 33
P. 35
P. 36
P. 37
P. 37
P. 38
P. 39
P. 53
P. 66
P. 66
P. 66
P. 67
P. 67
P. 68
P. 69
P. 70
P. 71
P. 71
P. 74
P. 77
P. 78
P. 82
P. 82
P. 83
VII. LES PRECONISATIONS
P. 83
VIII. LE REGARD CRITIQUE
P. 85
CONCLUSION
P. 87
BIBLIOGRAPHIE-SITOGRAPHIE
ANNEXES
89
Bibliographie - Sitographie
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Université de Rouen
UFR SCIENCES DE L’HOMME ET DE LA SOCIETE
Département de Sciences de l’Education
Mémoire de MASTER 2 PROFESSIONNEL
Métiers de la formation, parcours ingénierie et conseil en Formation
Sophie BIDAULT épouse COLOMBEL
Motivation et Participation des étudiants infirmiers lors des travaux dirigés en Institut de
Formation en Soins Infirmiers
Directeur de Mémoire : Nicolas GUIRIMAND
Mots clés : Motivation, apprentissage, interactions, posture du formateur
Résumé :
Alors que le référentiel de formation infirmière place les temps de travaux dirigés au centre
des apprentissages, la
participation des étudiants est, quant à elle limitée dans ce type
d’activité à l’institut. Interroger la motivation des étudiants à s’engager dans les travaux de
groupe, nous conduit à considérer différentes pistes de réflexion. Tout d’abord les perceptions
que l’étudiant a de lui-même et de son environnement interviennent fortement dans de sa
motivation et l’expression de celle-ci. Par ailleurs, les interactions entre condisciples mais
également entre formateur et étudiant interviennent dans la motivation de ce dernier et dans
son engagement dans les activités proposées.
95