Traitement initial de la maladie de Parkinson

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Traitement initial de la maladie de Parkinson
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Presse Med. 2007; 36: 86–91
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Mise au point
neurologie
Traitement initial de la maladie
de Parkinson
Stéphane Thobois, Emmanuel Broussolle
Service de neurologie C, Cermep et Inserm U 534, Université Claude Bernard
Lyon I, Hôpital neurologique Pierre Wertheimer, Lyon (69)
Correspondance :
Stéphane Thobois, Service de neurologie C, Hôpital Neurologique Pierre
Wertheimer, 59 boulevard Pinel, 69003 Lyon.
Tél. : 04 72 35 72 18
Fax : 04 72 35 73 51
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Initial management of Parkinson disease
Le traitement de la maladie de Parkinson est symptomatique et
ne modifie pas l’évolution de la maladie. Il n’est donc débuté que
devant une gêne fonctionnelle.
Le choix du traitement initial est crucial pour le devenir du patient
et le fait de différer l’introduction de L-dopa permet de retarder
l’apparition des complications motrices.
La stabilité du traitement dopaminergique doit être recherchée.
Chez le patient âgé (> 70 ans), le choix initial se portera sur la Ldopa, mieux tolérée, plus facile à manier et plus rapidement efficace.
Chez le patient jeune (< 60 ans), le choix initial se portera sur les
agonistes dopaminergiques moins efficaces que la L-dopa, avec plus
d’effets secondaires mais permettant de retarder l’apparition des
complications motrices dans le futur.
Entre 60 et 70 ans la décision thérapeutique est à moduler en fonction de l’état général et cognitif.
Le choix doit se faire de manière transparente en ayant expliqué
au patient les avantages et inconvénients de chaque stratégie.
L’instauration du traitement doit dans tous les cas se faire progressivement.
Les modifications ultérieures du traitement doivent se faire en
fonction de la gêne fonctionnelle et progressivement.
Des exercices physiques réguliers (marche, kinésithérapie, etc.)
sont dans tous les cas très importants.
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Treatment of Parkinson disease is symptomatic and does not
influence disease progression. It is thus prescribed only when
motor symptoms begin to interfere with functioning.
Choice of initial treatment is crucial, and delaying introduction of
levodopa can delay the occurrence of motor complications.
In the elderly (older than 70 years), levodopa is preferred for
initial treatment because it is more effective and better tolerated.
In young patients (younger than 60 years), dopamine agonists
are a better choice because, although they are less effective and
have more side effects, they delay the onset of motor complications.
In patients in their 60s, the choice of initial treatment depends on
general health, cognitive status, and medical history.
Regardless of the choice, the advantages and disadvantages of
each strategy must be clearly explained to the patient.
Initial prescription and subsequent modifications depend on functional problems and must be progressive.
Regular physical exercise and physical therapy must be encouraged.
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tome 36 > n° 1 > janvier 2007 > cahier 2
doi: 10.1016/j.lpm.2006.09.011
Traitement initial de la maladie de Parkinson
Médicaments disponibles
et bases du choix thérapeutique
La L-dopa
La L-dopa reste depuis son introduction, il y a plus de 30 ans, le
plus puissant des médicaments antiparkinsoniens [5]. La L-dopa
est associée à un inhibiteur périphérique de la dopadécarboxylase, bensérazide (Modopar®) ou carbidopa
(Sinemet®). Elle existe sous différentes formes galéniques :
standard, à libération prolongée ou dispersible (d’action rapide).
Le but de cet inhibiteur est de bloquer la transformation de la L-
Glossaire
COMT
ICOMT
MAO
catéchol-O-méthyl-transférase
inhibiteurs de la COMT
monoamine-oxydase
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Mise au point
a maladie de Parkinson est principalement en rapport avec
un déficit dopaminergique identifié dès les années 1960 et pour
lequel le premier traitement substitutif est apparu sous la forme
de L-dopa au début des années 1970 [1]. Les anticholinergiques
de synthèse étaient utilisés avant l’ère de la dopathérapie mais
la L-dopa fut (et reste) considérée comme la pierre angulaire du
traitement de la maladie de Parkinson en termes d’efficacité
[2]. Toutefois l’arsenal thérapeutique s’est nettement étoffé
avec notamment l’apparition des agonistes dopaminergiques,
des inhibiteurs de la COMT (catéchol-O-méthyl-transférase) et
de la MAO-B (monoamine-oxydase de type B), de l’amantadine
ainsi que le renouveau de la chirurgie depuis les années 1990.
Malgré ce large panel de molécules à notre disposition, il est
important de rappeler que le traitement de la maladie de Parkinson reste, à ce jour, purement symptomatique.
Au stade initial de la maladie de Parkinson, la question du
traitement à instaurer a été longtemps assez simple puisqu’il
s’agissait, de manière très schématique, soit de traiter par la Ldopa, soit de ne pas traiter si la gêne n’était pas importante.
La mise en évidence de complications motrices différées (fluctuations motrices, dyskinésies, etc.) induites par la L-dopa et
ce d’autant plus précocement que la L-dopa a été donnée à
fortes doses et tôt dans l’évolution (phénomène de “priming”),
a conduit à modifier notre approche thérapeutique initiale et à
la moduler selon les cas et notamment l’âge du patient [3]. En
2000, la conférence de consensus sur la maladie de Parkinson
a ainsi conduit à distinguer deux situations : avant 65 ans où
les agonistes dopaminergiques étaient privilégiés ; après
65 ans où la L-dopa était préférée [4].
Dans l’exposé qui va suivre, nous présentons brièvement les
différents traitements disponibles dans la maladie de Parkinson
et discutons des arguments devant guider la prescription initiale.
dopa en dopamine au niveau digestif. L’efficacité de la L-dopa
est supérieure à celle des agonistes dopaminergiques. En revanche, il est maintenant bien établi que l’introduction de la L-dopa
doit être différée, notamment chez le sujet jeune, ceci afin de
retarder l’apparition des dyskinésies [3, 6]. En effet, après quelques années de dopathérapie, des fluctuations motrices et des
dyskinésies apparaissent immanquablement, mais celles-ci sont
plus tardives chez les patients ayant reçu un traitement initial
par agonistes dopaminergiques en monothérapie.
La tolérance à la L-dopa est de loin la meilleure par rapport à
celle des autres antiparkinsoniens. Il n’y a pratiquement pas de
contre-indication sauf l’infarctus du myocarde en phase aiguë.
Des troubles digestifs peuvent être observés. Des syndromes
confusionnels et hallucinatoires sont rencontrés mais beaucoup
plus rarement qu’avec les anticholinergiques ou les agonistes
dopaminergiques.
Des inhibiteurs enzymatiques de la MAO-B (la sélégiline) et de
la COMT (l’entacapone), ont été mis au point afin de limiter la
dégradation de la L-dopa, permettant, ainsi, de renforcer
l’action de la L-dopa.
La sélégiline est un inhibiteur relativement sélectif de la MAOB avec peu d’effet sur la MAO-A. Il a pu être discuté un effet
potentiellement neuroprotecteur de cette molécule mais ceci
n’a pas été confirmé par la suite [7]. La sélégiline possède un
effet symptomatique modéré.
En dehors de la MAO-B, la COMT est l’autre principale voie de
dégradation de la L-dopa au niveau périphérique et dans une
moindre mesure de la synapse. L’inhibition de la COMT permet
donc de délivrer une plus grande quantité de L-dopa [8]. L’entacapone et la tolcapone sont les ICOMT (inhibiteurs de la COMT)
actuellement commercialisés. Ils n’agissent qu’en combinaison
avec la L-dopa. Du fait d’effets secondaires hépatiques, la prescription de tolcapone ne peut se faire qu’après échec de l’entacapone et avec une surveillance hépatique stricte. Ces molécules permettent une libération plus continue de la L-dopa et
aboutissent à une augmentation de 30 % de la dose reçue de
L-dopa. L’un des objectifs est une stimulation dopaminergique
plus continue qui pourrait théoriquement réduire l’incidence des
dyskinésies mais cela reste à démontrer chez l’homme.
Les mécanismes d’apparition des dyskinésies et fluctuations
motrices sont complexes et imparfaitement connus mais impliquent l’administration pulsatile de L-dopa, la sévérité de la
déplétion dopaminergique, l’absence de capacité de stockage
de la dopamine et les modifications du système glutamatergique [9]. De plus il existe un effet de “premier passage” (ou
“priming”), c’est-à-dire qu’une administration initiale de Ldopa n’entraîne l’apparition plus précoce des complications
motrices que si cette introduction est retardée (par la prise
d’agonistes dopaminergiques notamment) [3].
Enfin, le dernier point qui reste débattu concerne une potentielle neurotoxicité de la L-dopa via ses métabolites [5, 10].
Cette notion provient d’études in vitro mais d’autres données
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L
neurologie
Thobois S, Broussolle E
soutiennent plutôt un rôle trophique de la L-dopa. De plus les
études chez l’homme ne permettent pas de distinguer cliniquement un effet neuroprotecteur d’un effet symptomatique,
et par imagerie cérébrale un effet neurotoxique d’un effet
purement pharmacologique [10, 11].
Agonistes dopaminergiques
Les insuffisances et les complications motrices de la dopathérapie au long cours ont conduit à rechercher d’autres voies thérapeutiques susceptibles d’améliorer la transmission dopaminergique en stimulant directement les récepteurs dopaminergiques
post-synaptiques au niveau du striatum. C’est ainsi qu’ont été
découverts plusieurs agonistes dopaminergiques, soit dérivés
de l’ergot de seigle, soit produits de synthèse (tableau I).
Si l’on fait exception de l’apomorphine, tous les agonistes dopaminergiques ont une puissance d’effet moins grande que la Ldopa, mais en revanche leur demi-vie et donc leur durée
d’action est sensiblement plus longue et se compte en heures
et même en dizaines d’heures. Cela permet une stimulation plus
durable et plus stable des récepteurs dopaminergiques postsynaptiques. Leur efficacité en monothérapie en début de maladie a été démontrée dans plusieurs études [6, 12-15]. Ces études
ont révélé une réduction de l’incidence des complications motrices et notamment des dyskinésies sous agoniste seul par comparaison avec la L-dopa seule [6]. Lorsque la maladie évolue,
l’association agonistes dopaminergiques–L-dopa apparaît supérieure à la L-dopa seule [16]. Au stade des fluctuations motrices
et des dyskinésies l’intérêt principal des agonistes dopaminergiques est de réduire la sévérité et la durée des périodes off.
Des travaux expérimentaux et des études cliniques, notamment
avec la bromocriptine, ont suggéré mais sans le prouver formellement un effet neuroprotecteur possible des agonistes dopaminergiques, c’est-à-dire ralentissant la progression de la dégénérescence dopaminergique. Des études récentes s’appuyant sur
des techniques d’imagerie in vivo du système dopaminergique
répétées sur plusieurs années, suggèrent que le traitement en
monothérapie par un agoniste dopaminergique au long cours instauré précocement pourrait ralentir la progression de la dégénérescence dopaminergique nigrostriée [17]. Toutefois ces résultats
restent discutés et il est difficile de trancher actuellement entre
réel effet neuroprotecteur et effet purement pharmacologique.
En ce qui concerne la tolérance, tous les agonistes dopaminergiques produisent à peu près les mêmes effets secondaires
notamment les nausées, douleurs abdominales, hypotension
orthostatique, vertiges ou somnolence. Les troubles digestifs
peuvent être prévenus ou diminués dans leur intensité en
coprescrivant la dompéridone. Des attaques de sommeil, c’està-dire des endormissements brutaux sans signe avant-coureur,
ont été décrites récemment chez des patients prenant du ropinirole et du pramipexole, puis avec d’autres agonistes. Un rôle
direct de la maladie de Parkinson dans l’apparition de ces troubles du sommeil a également été démontré [18]. Leur prévalence, faible sans aucun doute, reste à déterminer pour chacun
des agonistes et même pour la L-dopa, voire même chez les
patients en début de maladie non encore traités. Les œdèmes
des membres inférieurs se voient avec tous les agonistes, mais
plus fréquemment avec les dérivés ergotés. Les fibroses pleuropulmonaires et rétropéritonéales, rares, ont également été
Ta bl e au I
Caractéristiques des principaux agonistes dopaminergiques utilisés dans la maladie de Parkinson
Dénomination
Éventail de doses
Structure chimique
(mg/jour)
Demi-vie
Principale voie
Équivalence de
plasmatique
d’élimination
dose pour 100 mg
(heures)
de L-dopa (mg)
5-40
Dérivé ergoté
3-8
Foie
10
Piribédil (20 et 50 mg)
Trivastal 20®
Trivastal 50 LP®
50-250
Produit de synthèse
non ergoté
21
Rein
50-60
Lisuride (0,2 et 0,5 mg)
Dopergine®
0,2-5
Dérivé ergoté
1-7
Non déterminée
0,6
Ropinirole, (0,25, 0,5, 1, 2, et 5 mg)
Requip®
6-24
Produit de synthèse
3-6 non ergoté
Rein
5-6
Pergolide (0,05, 0,25 et 1 mg)
Célance®
0,5-5
Dérivé ergoté
16-21
Rein
1
Pramipexole (0,18, 0,7 mg)
Sifrol®
1,5-4,5
Produit de synthèse
non ergoté
8-12
Rein
0,7
Cabergoline (pas en France)
1-5
Dérivé ergoté
65-72
Rein
1
1-10 mg/injection
1-8 injections/j
Produit de synthèse
non ergoté
0,25-0,5
Foie
Bromocriptine (2,5, 5 et 10 mg)
Parlodel 2,5®
Bromo-Kin 2,5®
88
Apomorphine
Apokinon® stylo 30 mg/3 mL prérempli
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Traitement initial de la maladie de Parkinson
Autres traitements médicamenteux
Quand faut-il débuter un traitement ?
Comme cela a été dit précédemment, le traitement antiparkinsonien vise à améliorer la gêne fonctionnelle du patient. On ne
doit en aucun cas traiter un signe d’examen (roue dentée,
légère réduction de ballant du membre supérieur, etc.) car les
thérapeutiques ne modifient pas le cours évolutif de la maladie.
Le traitement est débuté lorsque le patient est gêné dans la vie
quotidienne [4].
Amantadine
Quel traitement instaurer ?
Initialement prescrite comme antiviral, cette molécule antiglutamatergique a démontré d’intéressantes propriétés antiparkinsoniennes et notamment un effet antidyskinétique net.
Elle est en général bien tolérée mais peut induire des syndromes confuso-hallucinatoires notamment chez le sujet âgé et
détérioré au plan cognitif. Cependant seules quelques études
en ouvert ont analysé l’impact thérapeutique de l’amantadine
en monothérapie ou en adjonction [21].
Traitements médicamenteux
Anticholinergiques
Il s’agit historiquement des premiers traitements disponibles
pour le traitement de la maladie de Parkinson. De nombreux
anticholinergiques existent et sont essentiellement efficaces
sur le tremblement au prix de nombreux effets secondaires,
notamment digestifs, oculaires, sphinctériens et neuropsychiques, rendant leur utilisation de plus en plus restreinte et
réservée aux sujets jeunes [22].
Quelle stratégie thérapeutique ?
Le choix du traitement initial de la maladie de Parkinson
dépend de multiples facteurs et doit prendre en compte
l’évolution future de la maladie et notamment l’apparition
des complications motrices.
Le premier facteur est l’âge du patient. En effet les complications des traitements antiparkinsoniens, notamment neuropsychiques, sont plus fréquentes chez le sujet âgé surtout s’il
existe des troubles cognitifs sous-jacents.
La gêne fonctionnelle est aussi un élément majeur de la décision thérapeutique. Les antécédents extraneurologiques ou
neurologiques sont également à prendre en considération car
ils peuvent contre-indiquer certains traitements (agonistes
dopaminergiques ergotés en cas de cardiopathie, etc.) ou rendre prudent en termes de posologie ou de classe thérapeutique (existence d’une détérioration intellectuelle, etc.).
Il faut enfin analyser le contexte familial (aide, entourage,
etc.), professionnel (nécessité d’un bénéfice rapide, etc.) et
psychologique.
Mise au point
L’ensemble de ces éléments va guider le choix thérapeutique
initial qui doit se faire de manière transparente et en informant le patient des avantages et inconvénients de la stratégie
choisie. L’algorithme décisionnel est résumé dans la figure 1.
Lorsque le handicap est modéré, il est possible de différer
l’introduction des traitements dopaminergiques en ayant
recours à l’amantadine ou à la sélégiline, mais ces 2 options
ne permettent pas en monothérapie de contrôler des symptômes invalidants et la nécessité de mettre en route un traitement dopaminergique s’imposera quelques mois plus tard.
Chez le sujet jeune ayant une forme tremblante de maladie
de Parkinson, les anticholinergiques peuvent s’avérer un choix
intéressant mais ce traitement est fortement déconseillé en raison de ses effets secondaires chez le sujet âgé.
Le point le plus débattu concerne le choix du traitement dopaminergique initial. Deux stratégies peuvent se discuter : soit la
mise sous L-dopa, soit la mise sous agonistes dopaminergiques. L’âge est le facteur déterminant du choix mais aucune
règle absolue n’existe.
Patient jeune (< 60 ans)
Chez le patient jeune (< 60 ans) tous les auteurs s’accordent à
privilégier les agonistes dopaminergiques en monothérapie car
cela permet de retarder l’apparition des complications motrices
liées à la dopa [3, 4, 6, 14]. L’instauration du traitement doit
être progressive sous couvert de dompéridone si besoin. L’efficacité est satisfaisante, proche de celle de la L-dopa à condition
de monter à des posologies importantes en fonction de la tolérance et ne pas rester en sous-dosage thérapeutique [6, 12, 14,
15]. Tous les agonistes peuvent être utilisés en première intention sauf le pergolide qui, en raison de valvulopathies rapportées récemment ne doit être prescrit qu’en l’absence de cardiopathie et en cas d’échec des autres agonistes [19]. Le choix d’un
agoniste non ergoté (piribédil, ropinirole ou pramipexole) permet de s’affranchir du risque même faible de complications
liées à cette classe d’agonistes et décrites plus haut. En cas
d’effets secondaires ou de manque d’efficacité, un changement
d’agoniste peut être essayé avant d’avoir recours à la dopa. Ce
changement peut se faire du jour au lendemain grâce aux équivalences de doses mentionnées dans le tableau I [20].
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décrites de longue date avec les dérivés de l’ergot de seigle, et
semblent liées à un effet de classe. Récemment, des complications valvulaires cardiaques sous traitement prolongé par pergolide ont été rapportées, conduisant à une prescription très encadrée du pergolide. Il est probable qu’il s’agisse d’un effet de
classe lié aux dérivés de l’ergot [19].
Le remplacement d’un agoniste par un autre suppose une estimation des équivalents de dose (tableau I) [20]. La tendance
actuelle consiste à effectuer le changement du jour au lendemain, pratique qui serait plus facile à réaliser qu’un arrêt progressif du premier agoniste et une titration progressive du
second [20].
neurologie
Thobois S, Broussolle E
F ig u r e 1
Algorithme décisionnel pour le traitement initial de la maladie de Parkinson
Lorsque l’agoniste seul ne suffit pas à corriger suffisamment les
signes moteurs, il convient alors de lui associer de la L-dopa en
misant sur des petites doses au départ. Le délai pour l’adjonction de L-dopa est variable mais certains patients peuvent rester en monothérapie d’agonistes durant plusieurs années,
puisque, par exemple, dans l’étude de Rascol et al. (2000) [6],
34 % des patients encore suivis (soit 16 % des patients initialement randomisés dans le groupe ropinirole) étaient toujours
traités par ropinirole seul à 5 ans.
Patient entre 60 et 70 ans
Entre 60 et 70 ans, la question reste ouverte. Il faut alors tenir
compte des avantages et inconvénients de la L-dopa et des
agonistes dopaminergiques et des facteurs liés au patient
(antécédents, entourage, autonomie, etc.). Dans le cas d’un
patient autonome, actif, intellectuellement préservé, le choix
se fera plus volontiers en faveur de l’agoniste dopaminergique, en ayant toutefois conscience des effets secondaires,
notamment neuropsychiques, plus fréquents à cet âge. À
l’inverse dans le cas d’un patient fragile au plan général ou
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Patient âgé (> 70 ans)
Chez le patient âgé (> 70 ans), la L-dopa est préférée
d’emblée en raison d’une meilleure tolérance, d’une efficacité
supérieure et d’un risque moindre de complications motrices.
Le traitement est instauré lentement pour atteindre un premier “pallier” à 300 mg/j en 3 prises. Le bénéfice est en géné-
ral important mais la posologie doit parfois être augmentée
jusqu’à 600 mg/j s’il n’a pas été obtenu d’amélioration franche. Il convient néanmoins de respecter la règle de la plus
petite dose efficace afin de réduire le risque de dyskinésies
qui est proportionnel à la dose [10].
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Traitement initial de la maladie de Parkinson
ayant une petite détérioration cognitive, le choix se portera
plutôt sur la L-dopa. La question de l’âge n’est donc pas un
argument suffisant en soi pour la décision thérapeutique et
les limites (60, 65, 70 ans, etc.) ne sont que des cadres qu’il
convient de moduler en fonction du patient en lui ayant
expliqué les tenants et aboutissants de chaque stratégie.
Traitements non médicamenteux
À côté de la prise en charge médicamenteuse, il est primordial
de maintenir une activité physique régulière (sports de fond)
et de respecter une alimentation équilibrée. Dans de nombreux cas une prise en charge kinésithérapique est bénéfique
(surtout si le patient est spontanément peu actif) [23].
Quelques conseils pratiques généraux
Il faut prévenir les patients traités par agoniste dopaminergique
du risque de somnolence et leur demander de signaler rapidement des épisodes d’attaque de sommeil qui posent un
problème majeur pour la conduite automobile. Dans ce cas
une modification des traitements (arrêt ou changement
d’agoniste, etc.) est nécessaire.
De manière générale, les effets secondaires des traitements
antiparkinsoniens (hypotension orthostatique, hallucinations,
etc.) doivent être cherchés à l’interrogatoire du patient et de
son entourage, puisque les troubles neuropsychiques ne sont
pas toujours mentionnés spontanément. Enfin, la prise en
charge d’une dépression ou d’une anxiété associées à la maladie de Parkinson est très importante.
Mise au point
neurologie
Conclusion
Le choix du traitement initial de la maladie de Parkinson est
devenu complexe et doit intégrer de nombreux paramètres centrés sur le patient mais aussi sur les données de la littérature qui
ont conduit ces dernières années à revoir largement la place des
agonistes dopaminergiques chez le sujet jeune. Le choix de ce
traitement est d’autant plus important qu’il n’engage pas seulement l’état présent du patient mais détermine aussi les complications motrices à long terme. En tout cas il convient que
cette décision soit argumentée et se fasse après avoir informé
clairement le patient des enjeux, des bénéfices et des risques.
Conflits d’intérêt : aucun
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