Toyota peut-il sauver le Japon?

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Toyota peut-il sauver le Japon?
HEC EURASIA INSTITUTE
TOYOTA PEUT-IL SAUVER LE JAPON
(ET LE RESTE DU MONDE) ?
TOYOTA PEUT-IL SAUVER LE JAPON
(ET LE RESTE DU MONDE) ?
Sébastien LECHEVALIER
Sébastien LECHEVALIER, docteur en sciences économiques (EHESS), est chercheur associé
au Centre Japon (EHESS) et chargé de cours sur les économies japonaise et asiatique à
l’INALCO (Langues O), à l’IEP de Paris (Sciences Po) et à l’EPSCI (Groupe Essec). Pendant
la durée de cette étude, il était chercheur invité à la faculté de sciences économiques de
l’Université de Tokyo.
E-mail : [email protected]
Si vous souhaitez vous procurer cette étude dont vous pouvez lire ici quelques extraits, vous
pouvez contacter Mme Brigitte Brasseur-Andrieux au 01 39 67 73 75 ou par mail : [email protected]
HEC EURASIA INSTITUTE – janvier 2005
ISBN 2-909586-54-5
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l’autorisation écrite et préalable de
HEC EURASIA INSTITUTE
78351 JOUY-EN-JOSAS
FRANCE
TABLE DES MATIĖRES
INTRODUCTION.......................................................................................................................... 7
Crise japonaise, succès de Toyota................................................................................................. 8
Qu’est devenu le toyotisme ? ........................................................................................................ 9
Toyota peut-il sauver le Japon et… le reste du monde ? .............................................................. 9
1. TOYOTA AS « NUMBER ONE » ............................................................................................. 11
1.1 L’extraordinaire profitabilité de Toyota............................................................................ 11
Le succès de Toyota en chiffres ................................................................................................... 11
« Riche comme Crésus ».............................................................................................................. 13
Une mise en perspective des résultats récents de Toyota : les performances
dans les années 90 et la distinction entre profitabilité et productivité ......................................... 13
D’où viennent les profits de Toyota ? ......................................................................................... 13
Toyota, firme multinationale ; le toyotisme, une stratégie globale.............................................. 15
Une diversification des marchés et des produits plutôt que des activités .................................... 17
1.2 Au-delà des profits ............................................................................................................... 19
Toyota étend tranquillement son influence sur l’économie japonaise ......................................... 19
Toyota : le sauveur de l’économie japonaise ? ............................................................................ 19
Le rôle des dirigeants de Toyota au sein du patronat japonais..................................................... 21
Entre réforme et conservatisme : ce qui est bon pour Toyota est bon pour le Japon
et inversement .............................................................................................................................. 23
Changement d’image auprès des jeunes....................................................................................... 24
Toyota représente-t-il l’avenir du modèle japonais ?................................................................... 24
Synthèse de la première partie ..................................................................................................... 26
2. LE TOYOTISME REVISITĒ ................................................................................................... 27
2.1 De la difficulté à définir le TPS à une approche « évolutionniste » du toyotisme .......... 27
Ne pas négliger la difficulté à comprendre ce qu’est le TPS ....................................................... 27
Version modeste et ironique : Toyota n’a rien inventé (prénotion 1) .......................................... 29
Omniprésent et énigmatique : l’esprit Toyota (prénotion 2)........................................................ 29
Le TPS : un ensemble de « routines » (niveau 1)......................................................................... 31
Au-delà des « routines », découvrir le cœur et la logique des transformations qui dépassent
l’entreprise Toyota (niveau 2) ...................................................................................................... 31
Le TPS comme système qui apprend grâce à l’intervention humaine permanente (niveau 3) ... 32
Le modèle de « catching up » de Toyota ..................................................................................... 33
2.2 Le toyotisme n’est pas qu’un système de production stricto sensu .................................. 35
Le marketing comme origine du processus de production........................................................... 35
La sécurité de l’emploi n’est pas l’ennemie de la productivité.................................................... 39
La relation stable avec les fournisseurs........................................................................................ 41
Le financement et la corporate governance................................................................................. 42
L’organisation hiérarchisée : éloge de la bureaucratie................................................................. 43
Synthèse de la deuxième partie .................................................................................................... 45
3. PEUT-ON APPLIQUER AVEC SUCCĖS LA « MĒTHODE TOYOTA » À D’AUTRES
SECTEURS ? ............................................................................................................................. 47
3.1 La question du transfert du TPS : une mise en perspective............................................. 48
Du transfert du TPS chez les fournisseurs de Toyota à celui dans les usines à l’étranger........... 48
Toyota a-t-il transféré le TPS dans les autres activités du groupe ? ............................................ 49
Ne pas confondre transposition du TPS et réorganisation de la production ................................ 50
3.2 Etudes de cas : les tentatives récentes de transfert du TPS dans d’autres entreprises japonaises .............................................................................................................................. 50
Cas 1 : la Poste ou la « contribution sociale » de Toyota............................................................. 51
Cas 2 : le groupe de distribution Ito-Yokado ............................................................................... 55
Cas 3 : OJT Solutions ou comment « apprendre » le TPS ? ........................................................ 57
3.3 Que peut-on apprendre du TPS dans d’autres secteurs ? Une tentative de bilan ......... 59
Quel est l’intérêt de Toyota à transférer son système de production ? ........................................ 59
Les goulots d’étranglement du transfert du TPS au Japon........................................................... 61
Comprendre ce qui est transférable et ce qui ne l’est pas ............................................................ 63
Les quatre conditions générales de réussite d’une tentative de transfert du TPS......................... 63
Le transfert du TPS est-il souhaitable ? ....................................................................................... 64
Transférer n’est pas converger ..................................................................................................... 65
Synthèse de la troisième partie..................................................................................................... 66
CONCLUSION ............................................................................................................................. 67
La fin du suspens : Toyota ne sauvera pas le Japon..................................................................... 67
Le transfert du TPS : des gains potentiels élevés mais une réalisation très difficile à concrétiser ............................................................................................................................................... 67
Ce que l’on peut apprendre du toyotisme : une certaine conception de l’entreprise ................... 68
"Notre conclusion est simple : la production au plus juste
(Lean Production) est une façon supérieure pour les
hommes de faire des choses. Elle permet de fabriquer de
meilleurs produits dans une plus grande variété et à
moindre coût. D’égale importance, elle permet de donner
un travail plus excitant et plus intéressant aux salariés, à
tous les niveaux, de l’usine au siège. Par conséquent, le
monde entier devrait adopter la production au plus juste,
et aussi rapidement que possible".
(WOMACK James P., JONES Daniel T. & ROOS Daniel
(1990), The Machine That Changed the World : The Story
of Lean Production, Scribner.)
"Nous pensons que notre système de production, avec
toutes ses nuances, peut être appris par quiconque… mais
cela prend dix ans de pratique sous le contrôle d’expert".
(Un manager de Toyota)
"Les firmes qui survivent dans le long terme ne sont pas
celles qui sont les plus fortes ou les plus intelligentes, mais
celles qui s’adaptent le mieux aux changements
d’environnement".
(Hiroshi OKUDA, Chairman de Toyota)
INTRODUCTION
Peut-on transposer les principales caractéristiques du système de production de Toyota à
d’autres entreprises et en tirer bénéfice durablement à la fois en termes de productivité et de
profitabilité ? Cette question, qui était très à la mode à la fin des années 80, essentiellement
dans le cas des transplants automobiles des constructeurs japonais à l’étranger, est tombée en
désuétude tout au long des années 90, avant de redevenir d’actualité depuis quelque temps,
comme en témoignent plusieurs tentatives récentes. Les résultats exceptionnels de Toyota ces
dernières années y sont sans doute pour beaucoup. Entre-temps, l’interrogation a changé de
nature puisqu’elle ne concerne plus seulement le secteur automobile ni même le secteur
manufacturier mais aussi les services.
La présente étude se propose d’essayer de répondre à cette interrogation. Mais, à la différence
de la plupart des autres analyses, notre contribution possède les deux caractéristiques
principales suivantes. La première d’entre elles est de se situer dans le contexte japonais.
Ainsi, nous nous focalisons sur le système de production de Toyota (Toyota production
system, TPS), tel qu’il fonctionne aujourd’hui chez le leader japonais de l’automobile, le
« toyotisme réel » en quelque sorte. Autrement dit, le TPS tel qu’il est entendu ici n’est pas un
principe d’organisation de la production désincarné, qui constituerait une étape dans
l’évolution des systèmes de production dans le monde. C’est le principe d’organisation de
l’entreprise Toyota au Japon en 2004. De plus, nous nous concentrons sur les tentatives
récentes de transposition de ce système dans d’autres entreprises japonaises, dans un contexte
très particulier, celui d’un Japon en crise depuis le début des années 90. Dans la mesure où
cette crise est souvent interprétée comme celle de son modèle productif, qualifié de
« toyotiste », la perspective de l’application des méthodes de production de Toyota, comme
voie du renouveau japonais est pour le moins paradoxale…
L’autre caractéristique de notre contribution concerne la perspective théorique sous-jacente.
Celle-ci s’inspire des études japonaises les plus récentes et notamment des travaux d’un des
plus grands spécialistes japonais de la question, le professeur Takahiro FUJIMOTO, de
l’Université de Tokyo. Pour résumer, l’adoption d’un cadre d’analyse évolutionniste, qui
permet d’étudier de façon dynamique et incarnée les principales caractéristiques de
l’organisation, aide grandement à la compréhension du sens profond du toyotisme.
En bref, cette étude a la triple ambition de fournir un contenu informatif et renouvelé, d’être
au plus près de la réalité opérationnelle grâce à une enquête de terrain approfondie et de
proposer une interprétation sur la base des analyses théoriques les plus récentes.
Crise japonaise, succès de Toyota
Comme on vient de le voir, il importe de préciser le contexte de l’étude, ce qu’il convient
d’appeler « la décennie perdue » au Japon. Pour beaucoup d’analystes, la longue crise
japonaise commencée au début des années 90 avec l’éclatement des bulles financière et
foncière a sonné le glas du modèle japonais, pourtant encore porté aux nues à la fin des
années 80. Toutefois, pendant cette « décennie perdue », Toyota - l’entreprise souvent
considérée comme la plus emblématique de ce modèle - non seulement n’a pas connu la crise
mais aussi a, au contraire, battu des records de profits, en particulier depuis 2001. Cette
situation mérite à tout le moins une explication : soit Toyota a complètement changé de
modèle et, à la suite d’un processus d’internationalisation, n’est plus une firme japonaise
représentative (ce qui expliquerait ses performances hors norme), soit il faut revenir sur la
forme de la crise, qu’on a mal comprise.
Nous n’aborderons pas ici cette dernière question. On retiendra cependant les points suivants.
En premier lieu, une étude approfondie révèle que la crise japonaise, tout à fait réelle, n’est
pas une crise du modèle productif japonais, mais bien une crise macroéconomique qui résulte
d’une demande agrégée insuffisante. Dans ces conditions, la crise ne signifie pas la fin du
modèle japonais en général ni du modèle toyotiste en particulier. En second lieu, si les
caractéristiques de l’organisation de la production ne sont pas en cause, il faut toutefois
souligner le ralentissement de la croissance de la productivité au Japon au niveau
macroéconomique (annexe 3) et l’hétérogénéité croissante des performances de productivité
au niveau microéconomique (Lechevalier, 2002). Il y a donc bien également un problème du
côté de l’offre, et non uniquement du côté de la demande. En outre, on oppose habituellement
le secteur manufacturier au secteur non manufacturier, le premier étant globalement productif
et compétitif à un niveau international, tandis que le second souffrirait de longue date d’un
problème de productivité, dans un contexte de très forte régulation, de surprotection et de
manque de concurrence. D’où deux voies (non exclusives l’une de l’autre) pour améliorer la
productivité de l’économie japonaise au niveau macroéconomique : changer l’environnement
réglementaire en promouvant la concurrence ou bien essayer d’appliquer les recettes du
secteur manufacturier au secteur non manufacturier, en privilégiant ce qui fonctionne le
mieux, Toyota donc. Précisons qu’aux antipodes de cette dernière voie, il en existe une autre,
qui consiste à abandonner le modèle de gestion à la japonaise (souvent confondu, à tort, avec
le toyotisme) jugé trop archaïque et contraignant. C’est celle que Nissan a choisie, à la suite
de l’alliance avec Renault en 1999 et du plan de restructuration (Revival plan) de Carlos
Ghosn, qui s’apparente à une forme de downsizing classique. Mais ce n’est pas la plus
populaire au Japon, malgré l’aura dont bénéficie ce dernier, et c’est la possibilité de suivre la
« voie Toyota » que nous explorerons ici. Mais sait-on vraiment ce qu’est le toyotisme ? Cette
question est d’autant plus pertinente si l’on se réfère au premier terme de l’alternative initiale :
le succès de Toyota ne s’expliquerait-il pas par les transformations de l’entreprise ? Quelle a
été l’évolution du toyotisme depuis la fin des années 80 ?
Qu’est devenu le toyotisme ?
Le « toyotisme » fait partie de ce qu’on peut appeler une connaissance commune dans la
gestion théorique et pratique des entreprises, tant les notions emblématiques de kanban, just in
time, kaizen sont devenues familières (y compris en dehors de l’industrie automobile), mais ce
souvent au prix de la perte de leur sens originel. Toyota est de fait l’une des entreprises au
monde qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études sur son modèle productif depuis le
début des années 80. Il est de plus tout à fait possible de visiter les usines Toyota près de
Nagoya, son siège historique, et à l’étranger, ce dont ne se privent pas les dizaines de milliers
de visiteurs annuels.
Pourtant, le toyotisme fait encore l’objet de nombreux malentendus. C’est vrai en ce qui
concerne l’image qu’en ont les non spécialistes. Mais il y a plus grave : on rencontre
également des erreurs d’interprétation dans certains ouvrages dits « de référence ». Ainsi,
contrairement à ce que l’on peut lire parfois, le TPS n’est pas une méthode de production à
stock zéro. S’il est aussi cela, il est bien davantage ; le stock zéro n’est qu’un résultat auquel il
parvient, dans certaines conditions, en poursuivant des objectifs bien plus généraux. Les
stocks sont fondamentalement les révélateurs d’un ensemble de dysfonctionnements, de
surcoûts sur lesquels l’organisation, à la recherche d’économies, peut opérer. En chassant les
stocks, on chasse également les sureffectifs, le suréquipement.
Comment expliquer un tel décalage entre la réalité et la vision qui en est donnée dans certains
ouvrages ? Tout d’abord, il faut bien reconnaître que Toyota lui-même entretient un certain
brouillage des pistes, comme en témoignent les discours de ses dirigeants, empreints d’une
(fausse) modestie, qui mettent l’accent sur la continuité avec les modèles américains de Ford
et de General Motors. Or, le TPS représente une vraie rupture qui ne résulte pas d’un
indéfinissable « esprit Toyota » mais bien d’une stratégie de production différente et surtout,
au cœur du système, d’une capacité d’évolution au cours du temps, « l’esprit » kaizen. Dans
ces conditions, toute approche statique du toyotisme est vouée à des erreurs d’interprétation.
D’où la nécessité d’analyser le processus d’évolution, tout en mettant en évidence, le cas
échéant, les îlots de stabilité. Cela nécessite une nouvelle présentation de ce qu’est le
toyotisme.
Toyota peut-il sauver le Japon et … le reste du monde ?
Peu avant le début de la crise japonaise proprement dite, paraît un ouvrage, qui a
profondément influencé la compréhension du toyotisme, The Machine that Changed the
World, écrit par une équipe de chercheurs américains du MIT (Massachussets Institute of
Technology). Leur conclusion est nette et sans appel : le système de production développé par
Toyota est meilleur en tout point que son prédécesseur, le fordisme, et va s’étendre à
l’ensemble du monde. Aujourd’hui, alors que la longue crise japonaise n’est toujours pas
achevée, il apparaît que cette conclusion était largement erronée. Cependant, en adoptant le
style prophétique des auteurs de The Machine that Changed the World, on peut toujours
espérer que Toyota finisse par « sauver le Japon »…
Au risque de décevoir certains lecteurs, précisons tout de suite que le point de vue défendu
dans la présente étude consiste à prendre ses distances avec cette illusion de l’existence d’une
« one best way ». Il est en effet fort improbable que la diffusion d’un modèle productif
spécifique et localisé à d’autres secteurs puisse engendrer, de façon universelle, des gains de
productivité durables.
En bref, les systèmes productifs sont fondamentalement divers et disposent d’avantages
comparatifs seulement relatifs, dépendant fortement du contexte économique, social et
institutionnel. D’où le caractère ironique du titre de l’étude : Toyota ne sauvera pas le Japon
ni a fortiori le reste du monde, pas plus que la « nouvelle économie » n’a révolutionné
définitivement les conditions de la production. Il reste que l’on a tout à gagner à étudier les
caractéristiques en évolution du système de production de Toyota, que l’on peut résumer
comme une certaine conception de l’entreprise centrée sur l’amélioration permanente par
l’intervention humaine. C’est ce dont on espère convaincre le lecteur au terme de l’étude.
Partie 3 :
PEUT-ON APPLIQUER AVEC SUCCES
LA « MĒTHODE TOYOTA »
À D’AUTRES SECTEURS ?
3-2
ETUDES
DE
CAS :
LES
TENTATIVES
RÉCENTES
DE
TRANSFERT
DU
TPS
DANS
D’AUTRES
ENTREPRISES
JAPONAISES
Depuis quelques années, nous constatons
une demande croissante d’enseignement du
TPS adressée directement à Toyota de la
part d’entreprises issues de secteurs très
différents.
Un exemple déjà un peu ancien, dont il a
été fait peu de cas est celui d’un géant de
l’électronique1, dont la direction menaçait
de délocaliser en Chine la production de
l’une de ses usines japonaises si celle-ci ne
multipliait pas sa productivité par trois.
Une telle amélioration a vite été jugée
impossible dans le cadre des procédures
habituelles, à la fois par les ouvriers et le
management de l’usine. La direction a
alors demandé à Toyota, avec lequel elle
était partenaire dans le cadre de projets
communs (batteries notamment), de
détacher une de ses équipes. Au bout de
quatre mois, cette usine a réussi à
multiplier la productivité par 2,7. Un tel
résultat n’est certainement pas transposable
dans d’autres entreprises mais nul doute
que son écho ait renforcé la volonté
d’autres firmes de faire appel à Toyota
directement ou indirectement.
Plus symbolique encore, l’exemple de
Fujitsu Ltd qui rencontrait depuis
longtemps des difficultés et hésitait à
renouveler son modèle productif2. Depuis
2001, ce géant de l’électronique a essayé
d’introduire le TPS dans une filiale du
groupe, Fujitsu Components, ce qui s’est
traduit par une réduction drastique des
1
Pour des raisons de confidentialité, son nom ne
peut pas être dévoilé.
2
Fujitsu a ainsi introduit un nouveau système de
salaire en 2001, éliminant de façon radicale le
principe de l’ancienneté au profit de celui des
performances individuelles. Mais au vu de la baisse
sensible de la productivité que ce nouveau système
d’incitation a entraîné, l’entreprise a fait machine
arrière l’année suivante (Lechevalier 2002).
coûts et une amélioration de la productivité
du travail. Les deux dirigeants de Fujitsu
Ltd, Naoyuki Akisuka et Hiroaki
Kurokawa, ont alors décidé d’introduire le
système dans leurs seize usines japonaises
avec pour objectif de baisser les coûts de
production de 30 % d’ici mars 2006.
Plus médiatique cette fois, l’exemple de
l’aéroport international de Chubu3.
L’arrivée à la tête de cet aéroport de
M. Yukihisa Hirano, ancien cadre dirigeant
de Toyota, a coïncidé avec l’introduction
de nouvelles méthodes de management,
s’inspirant du TPS. Elles ont conduit à une
réduction des coûts de l’ordre de
120 milliards de yens (720 millions
d’euros) sur un budget initial de 768
milliards (5,6 milliards d’euros) pour la
construction du nouvel aéroport. Pour
parvenir à ce résultat, M. Hirano a décidé
de modifier le design initial de l’aéroport et
de modifier les relations avec ses
fournisseurs. Pour la première fois (!), ces
derniers ont, en effet, été obligés de rédiger
un devis avant d’être mis en concurrence
(ce dernier point n’a rien à voir avec le
TPS. Il s’agit seulement d’une règle de
management de base qui est loin d’être
systématiquement appliquée au Japon).
Ce dernier exemple montre la nécessité
d’analyser méticuleusement les différents
cas de tentatives de transfert du TPS à
d’autres entreprises. Si, a priori, ils
semblent participer de la même logique, ils
s’inscrivent dans une problématique
différente. Dans le cas des entreprises
publiques ou semi-publiques, en cours de
3
Le nouvel aéroport international du Centre Japon
ouvrira en février 2005, soit un mois avant le début
de l’exposition universelle d’Aichi, et devrait
sérieusement concurrencer l’aéroport international
du Kansai à Osaka. Ceci est un signe
supplémentaire du basculement de l’équilibre
traditionnel entre l’Ouest et l’Est du Japon au profit
du Chubu, cœur historique et actuel de
l’implantation de Toyota. On comprend donc
l’intérêt de Toyota à s’investir directement et
indirectement dans la rénovation de cet aéroport,
capital pour le développement de l’ensemble de la
région.
privatisation ou en train d’être réformées
(aéroport de Chubu, la Poste), il s’agit
d’éliminer les nombreuses inefficacités
constatées en s’inspirant des méthodes et
du savoir-faire du secteur privé. La source
d’inspiration n’est donc pas le TPS en tant
que tel. On fait appel à Toyota parce que
cette entreprise est la plus performante du
secteur privé. Les entreprises privées,
quant à elles, cherchent à incorporer les
éléments clefs du TPS dans leurs propres
procédures. Elles font alors souvent appel à
des entreprises de consultants, plus ou
moins liées au groupe Toyota.
Trois cas vont maintenant être développés,
dont le choix est lié à la distinction
précédente. Le premier est celui de la
Poste, entité publique en cours de
privatisation ; le second celui d’une chaîne
de supermarchés, Ito Yokado, qui présente
l’intérêt de se situer dans le secteur non
manufacturier ; le troisième, celui d’une
entreprise de consulting spécialisée dans le
transfert du TPS et directement liée à
Toyota, OJT solutions, dont le champ
d’intervention privilégié est le secteur
manufacturier.
Cas 1 : la Poste ou la « contribution
sociale » de Toyota
La réforme de la Poste japonaise est la
mesure phare du gouvernement Koizumi,
arrivé au pouvoir en 2001. Après une
longue période de préparation et de
négociation, cette réforme a véritablement
commencé en avril 2004 et devrait
s’achever en 2007 par une complète
privatisation et la division de l’ancienne
Poste en plusieurs entités, avec notamment
la séparation du service de traitement du
courrier et des services financiers4. Dans la
phase de transition, la Poste reste
juridiquement une entreprise publique mais
avec « un esprit d’entreprise privée »5.
Pour favoriser la montée de l’esprit privé
au sein de cette entité publique, on a fait
appel à des entreprises privées et on s’est
tourné tout naturellement vers Toyota.
Cette demande a été adressée par le
gouvernement au PDG de Toyota, M. Chô.
Celui-ci a dépêché M. Takahashi, ancien
directeur général de Toyota Tokyo Pet (le
premier réseau de concessionnaires du
groupe Toyota à Tokyo), qui est devenu
vice-président de la Poste, chargé de
seconder
le
nouveau
gouverneur,
M. Masaharu Ikuta (ancien chairman de
Mitsui OSK Lines Ltd). M. Takahashi est
aidé dans sa mission par des ingénieurs du
Seisan chosa bu, l’une des divisions les
plus prestigieuses de Toyota, où travaillait
Taiichi Ohno (encadré 3-2)6.
A ces changements à la tête de la direction
de la nouvelle Poste, s’est ajoutée la mise
sur pied, à partir de l’automne 2003, d’un
« Toyota project » d’une durée d’un an, au
sein du bureau de poste de Koshigaya, ville
de la préfecture de Saitama (Nord-Ouest de
Tokyo). L’objectif de ce projet était de
rationaliser les opérations générales au sein
de ce bureau en prenant exemple sur le
système de management de type « juste à
temps ». Il s’agissait donc d’appliquer
localement des techniques toyotistes
d’amélioration de la productivité et de
réduction des coûts, puis de rédiger un
« manuel de rationalisation » qui serait
ensuite distribué à l’ensemble des bureaux
de poste. Sept salariés de Toyota ont ainsi
travaillé à plein temps pour observer et
éliminer toutes les méthodes de travail qui
conduisaient à des formes de gâchis. Près
de 400 points inefficaces ont ainsi été
relevés. Il s’agissait par exemple de la
localisation du dépôt de courrier et des
paquets livrés par camion, de l’ordre des
rayonnages
pour
l’installation
des
machines de tri automatique du courrier et
6
4
La Poste est l’institution qui draine la majeure
partie de l’épargne des ménages japonais. Un des
enjeux de la privatisation est d’en modifier l’usage.
5
Voir Zakai, 9/2/2004.
M. Takahashi est un contre-exemple du
recrutement local chez Toyota (voir § 1-2) puisqu’il
est diplômé de la faculté la plus prestigieuse de la
plus grande université du Japon, la faculté de droit
de l’Université de Tokyo.
de la place de différents équipements de
bureau, pour minimiser les parcours des
employés. L’attention de l’équipe Toyota
s’est aussi portée sur la tournée en ville de
facteurs chargés de ramasser le courrier
dans les boîtes prévues à cet effet. Elle a
suggéré de réduire chaque parcours et
d’augmenter leur fréquence pour que les
facteurs laissent moins de courrier dans les
boîtes, moins longtemps, conformément au
principe toyotiste de réduction des stocks.
Dans le cas du tri postal, la procédure
antérieure reposait sur la circulation du
courrier entre deux étages reliés par un
petit ascenseur qui nécessitait de
nombreuses manutentions. L’idée de
l’équipe de Toyota a été d’introduire une
pente entre ces deux étages pour faciliter la
circulation du courrier et limiter ces
manutentions.
Indépendamment du Toyota project,
d’autres changements importants sont
intervenus comme un recours accru au
temps partiel ou la mise en place d’un
certain nombre d’innovations, de nouveaux
produits, pour pouvoir mieux affronter la
concurrence du secteur privé7. Parmi ces
produits, on retiendra la création d’un
service de livraison de paquets à un prix
uniforme de 500 yens (environ 4 euros) sur
tout le territoire japonais. L’idée originale
de ce produit émane d’un jeune employé
qui s’est inspiré de son expérience en
Australie. Elle a été relayée au niveau de
l’entreprise à une vitesse inhabituelle, ce
qui n’est pas sans rappeler la pratique
toyotiste des suggestions de la part des
salariés.
A ce jour, il n’existe pas à notre
connaissance d’évaluation synthétique
rendue publique du Toyota project à la
Poste. Mais l’impression qui se dégage est
que, malgré quelques améliorations
ponctuelles, ce projet n’a pas débouché sur
7
La privatisation de la Poste a permis à des
sociétés de transports de s’introduire dans le service
courrier. Takuhai (entreprise de coursiers, très
connue), par exemple, devrait en profiter à plein.
une transformation profonde et s’est heurté
à l’opposition des salariés. Il y a là un
contexte social et humain qui semble avoir
été en partie sous-estimé par les initiateurs
du projet. De plus, la tentative
d’application des pratiques TPS se fait
conjointement à des mesures qui sont
susceptibles d’être contradictoires, comme
la réduction du personnel et le recours
accru à une main-d’œuvre temporaire.
Cas 2 : le groupe de distribution ItoYokado
Le cas suivant est tout à fait différent
puisqu’il concerne Ito-Yokado, l’un des
principaux groupes de distribution
japonais, au sein duquel depuis février
2002 un Toyota project a été mis en place
en
vue
d’améliorer
l’efficacité
opérationnelle. A titre de comparaison,
c’est un peu comme si, demain, Carrefour
faisait appel à Renault pour améliorer son
management sur des thèmes variés... Dans
le cas de Toyota, c’est d’autant plus
symbolique si l’on se souvient que l’une
des sources d’inspiration de Taiichi Ohno,
le père fondateur du « juste à temps » chez
Toyota
fut
l’observation
du
fonctionnement des supermarchés aux
Etats-Unis dans les années 50.
Le Toyota project a été lancé à la suite de
l’invitation par la direction d’Ito-Yokado
d’envoyer quelques salariés de Toyota
dans l’un de ses magasins pour venir
observer librement le fonctionnement de
celui-ci. En l’occurrence, les salariés
provenaient de Toyota Automatic Loom
(encadré 3-1). Cette période d’observation
a débouché sur la mise en évidence de 500
points à améliorer, parmi lesquels la trop
grande taille des chariots utilisés pour
réapprovisionner les rayons, la très
mauvaise organisation des arrière-salles
des magasins servant d’entrepôt, ce qui
empêchait les employés de retrouver
facilement l’emplacement des produits ou,
la sous-utilisation de masses de données
collectées par Ito-Yokado en raison du
manque de partage de l’information parmi
les employés.
Ce premier constat a débouché sur la mise
en place du Toyota project, proprement dit,
à savoir la constitution d’une équipe mixte
composée de deux salariés de Toyota à
temps plein. La première étape s’est
concentrée sur la vente de plats cuisinés
dans un magasin d’Omiya (préfecture de
Saitama, dans la banlieue nord-ouest de
Tokyo). Concrètement, ils ont donné un
identifiant à chacun des employés pour
contrôler leurs allées et venues. Dans le
diagnostic, ils ont pris soin de tenir compte
de la grande différence entre ce secteur et
celui de l’automobile, le fait par exemple
qu’il y ait de très grandes variations de
fréquentations par les clients aux
différentes heures de la journée. Ils ont mis
en évidence qu’il existait des temps morts
dans l’élaboration des bento, ces petites
boîtes pour le déjeuner, très populaires au
Japon. Certains employés en aval
attendaient de ceux en amont qu’ils
terminent leur tâche pour pouvoir
commencer la leur. Dès lors la stratégie a
été très toyotiste puisqu’il a été décidé,
après avoir mis en évidence ces carences
organisationnelles, de laisser les employés
chercher eux-mêmes des solutions.
Quelques uns ont proposé de modifier
l’emplacement de certains produits et
machines, ce qui a conduit à réduire
considérablement la quantité de résidu sur
le sol. En retour, cela a permis de ne plus
recourir à des chaussures à ventouses, d’où
une accélération des déplacements.
Surtout, l’ambiance au sein du magasin a
considérablement
changé
avec
l’amélioration de l’état d’esprit de plus en
plus tourné vers un perfectionnement
quotidien des tâches accomplies (kaizen).
Un autre magasin, situé cette fois-ci à
Matsudo (préfecture de Chiba, dans la
banlieue est de Tokyo), a été l’objet d’un
autre type d’amélioration concernant
l’organisation des arrière-salles et des lieux
d’entreposage des produits. Par manque de
place, les surfaces étaient réduites au
minimum. Le principal changement
introduit a été de séparer l’inspection des
produits du lieu de fourniture par les
camions. Cela a conduit à une réduction
sensible des stocks et des heures
supplémentaires
consacrées
aux
inspections. La prochaine étape visera un
magasin situé à Kawasaki (préfecture de
Kanagawa, dans la banlieue sud-ouest de
Tokyo) pour améliorer la procédure de
déchargement des camions, dont la venue
sur le site est rendue difficile par un accès
étroit, souvent embouteillé. Un quatrième
projet portera sur la gestion des stocks dans
un magasin situé à Wako (préfecture de
Saitama). L’ensemble des améliorations
introduites à la suite de ces expériences est
en train d’être consigné dans le manuel de
l’entreprise afin de les étendre aux autres
magasins d’Ito-Yokado8.
Il est possible d’établir un premier bilan.
S’il y a eu de vraies améliorations
organisationnelles, qui se sont traduites par
une croissance sensible de la productivité
de certaines activités, les progrès en terme
de profitabilité ont été très faibles à ce jour.
Comment expliquer un tel décalage ? La
résistance au changement de la part des
employés, qui est avérée dans le cas de la
Poste et seulement supputée dans le cas
d’Ito-Yokado, peut constituer un frein
important. Rappelons surtout qu’il ne faut
pas confondre productivité et profitabilité,
l’amélioration de la première ne conduisant
pas automatiquement à celle de la seconde
(cf. partie 2). Le TPS, nous l’avons noté, se
concentre avant tout sur la production.
N’oublions pas également de mentionner le
fait qu’au moment même où Ito-Yokado
essaye d’appliquer des principes toyotistes
dans ses magasins, il poursuit, à l’initiative
de son PDG - peu impliqué lui-même dans
8
Parmi ces améliorations, on peut citer
l’introduction d’un chronomètre permettant de
mesurer la durée de chacune des activités des
employés pour la première fois dans l’histoire de la
chaîne de supermarchés ; la réorganisation des
arrières salles pour mettre fin au désordre ambiant ;
l’introduction d’une synchronisation entre l’arrière
salle et le magasin selon un principe qui n’est pas
sans rappeler le « penser à l’envers » cher à Taiichi
Ohno ; un vrai changement de la culture
d’entreprise, avec une meilleure prise en compte de
la satisfaction des clients.
le Toyota project - une stratégie globale de
restructuration, qui passe notamment par la
poursuite de la flexibilisation des relations
d’emploi9. Cette politique d’emploi,
définie de façon autonome par rapport au
Toyota project, n’est pas sans poser
problème car elle va clairement à
l’encontre du principe de stabilité de
l’emploi, dont on a vu précédemment
qu’elle était une condition de l’efficacité
du toyotisme. L’avenir dira si dans le cas
d’Ito-Yokado, un tel management des
ressources humaines est un obstacle à la
mise en place du TPS ou bien s’il l’amène
à connaître des évolutions sensibles10.
9
Cela se traduit par un accroissement sensible du
pourcentage des salariés travaillant à temps partiel,
qui devrait atteindre prochainement 80 % de la
main-d’œuvre.
10
Pour nuancer la portée de ces conclusions, on
retiendra l’un des résultats des travaux de Thierry
Ribault (2000), qui a montré que l’emploi à temps
partiel n’était pas incompatible avec la stabilité de
l’emploi et la responsabilisation des employés, les
entreprises distinguant souvent, et ce de plus en
plus, différentes catégories de travailleurs à temps
partiel, et donnant un statut plus privilégié à
certains d’entre eux pour des raisons d’incitation.
Encadré 3-1 : « Enseigner » et « apprendre » le TPS : quelques exemples
d’intervenants
On doit distinguer plusieurs types d’intervenants.
Au sein de Toyota Motor Corporation (TMC), il existe plusieurs sections et départements
spécialisés dans l’apprentissage du TPS, parmi lesquels on peut citer la plus prestigieuse,
Seisan chosa Bu (comprenant principalement une trentaine d’ingénieurs) ou Jishuken.
L’activité de ces départements est essentiellement en interne, à destination soit des
fournisseurs, soit des usines à l’étranger. Dans le même ordre d’idée, on peut citer également
Toyota automatic Loom, l’une des origines de TMC, et aujourd’hui une filiale du groupe
Toyota, qui comporte une section de consulting sur le TPS. C’est cette entreprise qui est
principalement intervenue initialement sur le Toyota project pour Ito Yokado.
OJT solutions est un cas intermédiaire, puisque cette entreprise créée en avril 2002 est le
résultat d’une Joint Venture entre Toyota (51 %) et Recruit (49 %). Recruit est une entreprise
de services, créée en 1960, comprenant environ 4 500 salariés réguliers et spécialisés dans
l’information entre les entreprises et les clients, notamment le recrutement. Du côté de
Toyota, la section concernée par la Joint Venture est le département des ressources humaines,
et non pas celui de la production (dont fait partie Seisan Chosa Bu par exemple).
Parmi les 75 employés (100 en 2006, ce qui constituera la limite de développement de
l’entreprise), 50 viennent de Toyota et 15 de chez Recruit. Ces derniers sont essentiellement
en charge des ventes et de la coordination des projets. Quant aux salariés qui viennent de
Toyota, il s’agit d’ouvriers de plus de 60 ans, avec près de 40 ans d’expérience, l’embauche
chez Toyota s’étant faite à 18 ans, à la sortie du lycée. Ils ont un statut de détachement
(dispatched workers) au sein d’OJT Solutions. Il faut rappeler ici le contexte de l’emploi des
plus de 60 ans au Japon. On a le droit de prétendre à une pension à partir de 65 ans, mais l’âge
légal de la retraite est 65 ans, si bien que les salariés prolongent le travail jusqu’à au moins
65 ans, après avoir quitté l’entreprise initiale et été réembauchés sous une autre forme à un
salaire moindre. Pour les anciens ouvriers de Toyota, il y a toute une gamme de possibilités
d’emploi après 60 ans, dans différentes entreprises du groupe Toyota (Toyota homes par
exemple), dans différents métiers (ventes par exemple) et avec des intensités variables (trois
jours par semaines par exemple). Parmi ces différentes possibilités, OJT devient de plus en
plus populaire pour une certaine catégorie d’ouvriers, en sachant que le nombre de postes est
limité. Leur salaire est un peu moindre que ce qu’ils gagnaient chez Toyota mais l’ensemble
du travail est très valorisant puisque cela se traduit par une reconnaissance des compétences
de ces ouvriers.
On le voit, au-delà de la question de l’enseignement du TPS, cette entreprise propose une
solution originale à la question de l’emploi des travailleurs âgés et à la transmission des
connaissances.
Site web : http://www.ojt-s.jp/
Encadré 3-2 : « Enseigner » et « apprendre » le TPS : quelques exemples
d’intervenants (suite)
Il existe aussi des cabinets de consulting sur le TPS, dont l’un des plus anciens est Gendai,
créé en 1968, dont la majorité des 45 salariés sont des anciens de chez Toyota. Ce cabinet
s’est spécialisé depuis plusieurs années dans l’analyse du tranfert du TPS en Chine, dans les
usines Toyota en Chine et chez les fournisseurs chinois de Toyota. Ses principaux clients sont
des entreprises du groupe Toyota.
Site web : http://www.gendai.co.jp/
Parmi les autres cabinets de consultant, on peut citer NPS (New Production System)
Consulting ou le cabinet créé par M. Hitoshi YAMADA, ancien journaliste, qui est
également un expert de Canon, entreprise japonaise dont le système de production est très
différent de celui de Toyota mais qui partage avec lui la réussite exceptionnelle et un
management des ressources humaines centré sur l’emploi de long terme et le refus des
stratégies de type downsizing.
Enfin, un dernier exemple est le Manufacturing Management Research Center (MMRC),
dirigé par le professeur Takahiro Fujimoto. Il s’agit d’une expérience tout à fait nouvelle
puisque c’est une émanation de l’Université de Tokyo, ayant reçu le label « 21st Center of
Excellence » (COE) délivré par le Ministère de l’éducation japonais. C’est donc tout d’abord
un centre de recherche classique ayant reçu des moyens supplémentaires de la part de
l’administration pour la qualité de son programme de recherche à la fois théorique et
empirique sur les systèmes de production manufacturière et pour les liens qu’il a établis avec
d’autres centres de recherche dans le monde (IMVP au MIP, GERPISA à Paris, Harvard
Business School). Mais la principale spécificité est d’avoir créé un consortium avec onze des
principales entreprises manufacturières japonaises : Toyota, Canon, Mitsubishi Heavy
Industries, Matsushita Electric Industrial, Sony, Nissan Motor, Honda Motor, Sharp, Omron,
Seiko Epson et Asahi Glass. Un des objectifs est de mener des comparaisons inter industries
dans le domaine du développement de produit et des opérations de production pour mettre en
évidence des solutions communes aux problèmes rencontrés dans les différents secteurs. Le
principal point de référence sera le système de production de Toyota dont le professeur
Fujimoto est l’un des plus grands spécialistes. La charte de cet établissement indique que les
activités de recherche devront se traduire par une dissémination des résultats auprès des
entreprises membres du consortium et non membres. Dans ce cadre, de façon explicite, ce
centre a pour vocation une activité de consulting, principalement sur le système de production
de Toyota. Le personnel est composé de professeurs universitaires et de praticiens issus le
plus souvent des entreprises membres du consortium.
Site web : http://www.ut-mmrc.jp/
ANNEXES
Annexe 2 : Evolution des ventes et des profits chez Toyota, Nissan, Honda et
Mazda
Evolution du chiffre d'affaires chez Toyota, Nissan, Honda et Mazda entre
1984 et 2003
(millions de yens)
10 000 000
8 000 000
Toyota
6 000 000
Nissan
4 000 000
Honda
Mazda
2 000 000
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
1984
0
Evolution des profits opérationnels chez Toyota, Nissan, Honda et
Mazda entre 1984 et 2003
1 000 000
(millions de Y)
800 000
Toyota
600 000
Nissan
400 000
Honda
200 000
Mazda
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
-200 000
1984
0
Evolution du taux de profit courant chez Toyota, Nissan, Honda et Mazda
entre 1984 et 2001
(%)
12
10
8
6
4
2
0
19
84
19
85
19
86
19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
-2
-4
Source : JAMA
Toyota
Nissan
Honda
Mazda
Annexe 3 : Taux de croissance du PIB et de la productivité au Japon et aux USA
Comparaison du taux de croissance du PIB réel au Japon et aux Etats-Unis (19702003)
(%)
10
8
6
4
Japon
2
Etats-Unis
20
03
20
01
19
99
19
97
19
95
19
93
19
91
19
89
19
87
19
85
19
83
19
81
19
79
19
77
19
75
19
71
-2
19
73
0
-4
Moyenne des taux de croissance du PIB
réel par périodes (%)
Japon
Etats-Unis
1974-2003
2,7
3,0
1974-1991
3,7
2,8
1992-2003
1,2
3,3
Comparaison des taux de croissance de la productivité du travail au Japon et aux
Etats-Unis (1980-2002)
(%)
7
6
5
4
Japon
3
Etats-Unis
2
1
0
19
80
19
81
19
82
19
83
19
84
19
85
19
86
19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
20
02
-1
Moyenne des taux de croissance de la
productivité du travail par périodes (%)
Japon
Etats-Unis
1980-2002
2,7
1,6
1980-1991
3,3
1,3
1992-2002
2,1
1,8
Source : OCDE.
Commentaire : La crise japonaise se manifeste principalement par un fort ralentissement de la
croissance du PIB à partir de 1992 (taux de croissance du PIB réel divisé par 3 entre 1974-1991 et la
"décennie perdue" (1992- ?). Cela contraste fortement avec la trajectoire américaine car si le taux de
croissance sur l’ensemble de la période est équivalent, il est inférieur d’un point aux Etats-Unis pour la
sous période 1974-1991 et supérieur de 2 points à partir de 1992. Quant au taux de croissance de la
productivité du travail, on peut encore plus nettement distinguer deux périodes. Il baisse d’un point au
Japon entre 1980-1991 et 1992-2002 (en passant de 3,3 à 2,1%). Le taux de croissance de la
productivité du travail aux Etats-Unis est plus faible que celui au Japon sur toute la période mais
l’écart se réduit fortement à partir de 1992 et surtout, ce taux de croissance y augmente d’un demipoint à partir de 1992 par comparaison avec la période antérieure.
Annexe 4 : Géographie des implantations de Toyota dans la région d’Aichi
au Japon
Source : Toyota

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