Analyse juridique portant sur le régime de redevance applicable

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Analyse juridique portant sur le régime de redevance applicable
Analyse juridique portant sur le régime de redevance applicable
pour la mise à disposition par une collectivité territoriale
d’infrastructures de communications électroniques (fourreaux)
Avant de déterminer le régime de redevance applicable, il convient d’examiner la question de
la domanialité d’un fourreau réalisé par une collectivité territoriale sous une voie communale.
1. Sur la question de la domanialité des fourreaux
Deux cas sont envisageables :
- soit le fourreau appartient au domaine public communal,
- soit il fait partie du domaine privé communal.
• Application des critères de la domanialité publique
Selon les dispositions combinées des articles L1 et 2111-1 du code général de la propriété des
personnes publiques, pour qu’un bien soit inclus dans le domaine public immobilier d’une
collectivité, il faut :
o qu’il lui appartienne,
o soit affecté à l’usage direct du public ou à un service public,
o et dans ce cas, avoir fait l’objet d’un aménagement indispensable à
l’exécution des missions de ce service public.
Ces trois conditions sont cumulatives.
Cette définition est elle applicable à un fourreau posé par la collectivité sous la voirie
communale ?
-
Propriété de la personne publique
Par hypothèse, l’appartenance du fourreau à une personne publique est en l’espèce
incontestable.
-
Affectation à un service public
La question de savoir si l’activité de mise à disposition de fourreaux par une collectivité
constitue un service public local est plus délicate. Pour y répondre il convient d’examiner la
situation au regard des articles L1425-1 et 1111-2 du Code général des collectivités locales.
L’article L1425-1 alinéa 1 du CGCT dispose « Les collectivités territoriales et leurs
groupements peuvent, deux mois au moins après la publication de leur projet dans un journal
d’annonces légales et sa transmission à l’Autorité de régulation des télécommunications,
établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de
télécommunications au sens des articles 3 et 14 de l’article 32 du code des postes et
télécommunications existants acquérir des droits d’usage à cette fin ou acheter des
infrastructures ou réseaux existants. Ils peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à
disposition d’opérateurs ou d’utilisateurs de réseaux indépendants… ».
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D’après les éléments fournis par la collectivité, il ne semble pas que cette dernière ait entendu
se placer de facto dans le cadre de cet article. Il ne s’agit pas en effet de créer une
infrastructure de communications électroniques dont le projet devrait dans ce cas donner lieu
à publication dans un journal d’annonces légal et transmission à l’ARCEP, mais simplement
de saisir des opportunités liées à la réalisation de travaux de voirie pour poser de nouveaux
fourreaux en vue de les mettre à disposition d’opérateurs de communications. La pose de
fourreaux ne peut en elle même être assimilée à la réalisation d’une infrastructure de
communications électroniques.
En conséquence, il y lieu de replacer la mise à disposition de fourreaux dans le cadre plus
général de l’article L1111-2 du CGCT des termes duquel il ressort notamment que « Les
communes, les départements, et les régions règlent pas leurs délibérations les affaires de leur
compétence.
Ils concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au
développement économique, social, sanitaire, culturel, scientifique, ainsi qu’à la protection
de l’environnement, à la lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle
de l’énergie, et à l’amélioration du cadre de vie. »…
Depuis de nombreuses années, les collectivités locales justifient une partie de leurs
interventions et de leurs décisions par l’intérêt public local constitué par les besoins de la
population ou les circonstances locales. Sur cette base elles peuvent créer des services publics
non prévus par la loi et des services publics industriels et commerciaux s’il y a insuffisance de
l’initiative privée. C’est ainsi que l’on assiste en l’éclosion de nombreux services publics
locaux comme par exemple des boucheries municipales, des terrains de camping, des cinémas
etc…..
Dans le contexte présenté, il est tout à fait envisageable que la collectivité entende placer son
action dans ce cadre et créer un service public local de mise à disposition de fourreaux. Si
telle est la volonté de la commune il conviendrait pour le moins que le conseil municipal
délibère sur la création d’un service public local comprenant par exemple la mise à
disposition d’infrastructures en vue de permettre la fournitures par des opérateurs de services
haut débit et sur la consistance de ce service.
Il faut souligner que même si la collectivité ne s’est pas délibérément placée dans une logique
de service public local, dès lors qu’elle se lance dans une logique de déploiement volontariste,
pour le mettre à disposition d’opérateurs, elle risque de voir cette activité requalifiée d’activité
de service public par le juge administratif saisi d’un litige, et cela plus encore si les prix
pratiqués sont inférieurs aux prix du marché.
-
Nécessité d’un aménagement indispensable
La troisième condition pour qu’un bien soit une dépendance du domaine public est qu’il ait
fait l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public.
Il est bien évident que le fourreau constitue à lui seul un aménagement indispensable à
l’exercice du service public puisqu’il est spécialement construit pour permettre aux opérateurs
de communications électroniques d’établir des réseaux de communications électroniques.
En conséquence si ces trois conditions sont réunies il est tout à fait possible de soutenir que le
fourreau constitue une dépendance du domaine public.
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Mais si la collectivité n’a pas entendu conférer à cette activité de mise à disposition de
fourreaux, un caractère de service public, le fourreau appartient alors au domaine privé.
• Appartenance des fourreaux au domaine privé
Dans ce cas, la collectivité devra néanmoins les commercialiser dans des conditions
transparentes, non discriminatoires, au prix du marché.
Une fois analysé le régime de la domanialité d’un fourreau placé sous la voirie communale, il
y lieu d’étudier la question de la redevance applicable pour sa location.
2. Sur la question du montant de la redevance
• Si le fourreau est considéré comme dépendance du domaine public
L’hypothèse étudiée est celle où une collectivité territoriale met à disposition un fourreau lui
appartenant.
Si on considère ce fourreau comme une dépendance du domaine public, son occupation
donnera lieu à fixation par cette collectivité d’une redevance. Se pose alors le problème des
modalités de sa fixation.
- En d’autres termes doit on considérer que l’occupation du fourreau par un opérateur
de communications électroniques rentre dans le champ des articles L47, R 20-51 et R 2052 du code des postes et communications électroniques ?
Dans cette hypothèse, le montant de la redevance applicable se trouverait plafonné à 1 000
euros par kilomètre tarif applicable pour le domaine public non routier.
Les plafonds des montants de redevance institués par l’article R 20-52 s’appliquent à des
artères uniquement.
Selon le dernier alinéa de cet article, une artère se définit comme :

un fourreau contenant ou non des câbles, ou un câble en pleine terre dans le cas d’une
utilisation du sol ou du sous sol ;

l’ensemble des câbles tirés entre deux supports dans les autres cas.
Ces dispositions sont applicables à un acteur type opérateur de communications électroniques
qui crée du génie civil sur le domaine public pour déployer son propre réseau.
Or, dans le cas présenté par la collectivité, les fourreaux sont déjà posés. Il s’agit en fait de
louer l’espace intérieur d’un ou de plusieurs fourreaux, c’est à dire un espace aménagé. Cet
espace aménagé ne correspond pas à la définition de l’artère telle qu’elle est définie par
l’article susvisé.
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Aussi est il logique de conclure que la location de fourreaux ne rentre pas dans le champ des
articles R 20-51 et 52 du code précité.
Il faut noter que la CAA de Bordeaux a dans un arrêt du 9 mars 2006, à propos d’une affaire
opposant la Ville de Toulouse à France Télécom, considéré que, les dispositions de l’article
47 du Code des postes et communications électroniques et le décret fixant ses modalités
d’application ayant pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles les opérateurs
peuvent obtenir des permissions de voirie, ne font pas obstacle à ce qu’une collectivité institue
une redevance pour l’utilisation, par l’ensemble des opérateurs qui en font la demande, des
installations déjà existantes dont elle est propriétaire et qui ne sont pas soumises à la
redevance pour permission de voirie visée à l’article L 47.
Il faut toutefois souligner à ce stade que cet arrêt est contesté en cassation devant le Conseil
d’Etat.
- Le fourreau doit alors être considéré comme une dépendance aménagée du domaine
public de la collectivité.
Son occupation devra être formalisée par une convention d’occupation domaniale. L’une des
clauses de cette convention concerne le montant de la redevance. Le barème applicable doit
avoir préalablement fait l’objet d’une délibération du conseil municipal de la collectivité. Pour
calculer ce barème il y lieu de se référer aux termes de l’article L 2125-4 du code général de
la propriété des personnes publiques qui disposent : « la redevance pour l’occupation du
domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de
l’autorisation ».
Pour cela outre la valeur locative du fourreau dans lequel on peut notamment répercuter le
coût de la redevance d’occupation initiale pour le fourreau tel qu’il est fixé dans la permission
de voirie et une part correspondant à une partie de l’amortissement de l’équipement, il y a lieu
d’inclure également une part correspondant aux frais de gestion et aux frais d’entretien du
réseau.
Il faut noter que le juge exerce un contrôle restreint limité à l’erreur manifeste d’appréciation
sur le choix et la pondération des critères retenus pour le calcul de la redevance et sur la
détermination de sont aux. Il appartient cependant à la collectivité d’apporter tous les
éléments permettant au juge d’exercer son contrôle sur les bases de calcul retenues et de
vérifier que les montants fixés correspondent à la valeur locative du domaine et à l’avantage
que l’occupant en retire. Le juge n’hésite pas à censurer la méconnaissance par
l’administration du principe de proportionnalité. De même il vérifie que le principe d’égalité
entre les redevables de la redevance n’a pas été méconnu.( CE,21 mars, Synd.intercommunal
de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux, n° 189191, Rec.p.144).
Cette analyse rend tout à fait recevable l’argumentation de la collectivité visant à proposer un
tarif de location prenant en compte l’amortissement de l’équipement et son entretien, sous les
réserves cependant sus-évoquées.
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• Si le fourreau appartient au domaine privé
La collectivité est libre du tarif de location, qu’elle doit appliquer cependant de façon
transparente et non discriminatoire, au prix du marché.
Si elle consentait des réductions des prix de location , elle risquerait d’être accusée d’atteinte
au principe de la libre concurrence sauf à démontrer que les réductions consenties l’ont été
pour des motifs liés à l’intérêt général. Cette dernière hypothèse reviendrait en fait à se
replacer dans une logique de service public et à remettre en question le caractère privé du
fourreau.
Si le prix est excessif il sera dissuasif et elle ne trouvera pas preneur.
Quoiqu’il en soit il est important de signaler que l’existence d’une offre de location de
fourreaux ne saurait conduire une collectivité à refuser une permission de voirie. La
collectivité doit donc chercher à pratiquer une tarification équilibrée :
- suffisamment haute pour équilibrer ses investissements,
- suffisamment basse pour inciter les opérateurs à utiliser les infrastructures
établies plutôt que de créer leurs propres infrastructures.
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