histoire des transports et de la mobilité
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Histoire des transports et de la mobilité Entre concurrence modale et coordination (de 1918 à nos jours) Transport and mobility history Between modal competition and coordination (1918 in our days) Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt, François Walter (dir.) Histoire des transports et de la mobilité Entre concurrence modale et coordination (de 1918 à nos jours) Transport and mobility history Between modal competition and coordination (1918 in our days) Collection Colloquium Éditions Alphil-Presses universitaires suisses © Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2014 Case postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse www.alphil.ch Alphil Distribution [email protected] ISBN 978-2-940489-54-1 La présente publication provient d’une collaboration entre la Maison de l’histoire de l’Université de Genève (Olivier Perroux et Gérard Duc) et ViaStoria, Zentrum für Verkehrsgeschichte, Universität Bern (Hans-Ulrich Schiedt). Elle est issue du Colloque international « Histoire des transports et de la mobilité. Entre concurrence et coordination (1918 à nos jours) » qui s’est déroulé à l’Université de Genève les 24 et 25 novembre 2011. Ce colloque a été organisé par la Maison de l’histoire de l’UNIGE en partenariat avec ViaStoria, Zentrum für Verkehrsgeschichte, Universität Bern, le Laboratoire de sociologie urbaine (LaSUR) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Prof. Vincent Kaufmann) et l’Observatoire universitaire de la mobilité (OUM) de l’UNIGE (Prof. Giuseppe Pini). Photographie de couverture : XXXXX Responsable d’édition : Sandra Lena Introduction et présentation de l’ouvrage Les multiples problématiques de la coordination de la mobilité Gérard Duc, Université de Genève Olivier Perroux, Université de Genève Hans-Ulrich Schiedt, ViaStoria, Université de Berne La décision d’organiser en novembre 2011 à Genève un colloque international sur la mobilité des marchandises et des personnes partait d’un questionnement très actuel. Les problématiques liées à celle-ci figurent en effet au premier plan des agendas politiques de tous les pays occidentaux. Elles concernent non seulement la planification et les solutions à apporter à une croissance exponentielle de la mobilité qui ne va pas décroître ces prochaines décennies, aussi bien au niveau des longues distances (régionales, nationales et internationales) qu’au niveau des espaces urbains, mais intègrent également les politiques d’aménagement du territoire ou de lutte contre les pollutions atmosphérique et sonore. Nous sommes partis du postulat qu’en matière de mobilité les historiens avaient leur mot à dire, au même titre que les aménagistes, les géographes, les sociologues ou les économistes : la situation actuelle et les réponses apportées à ces problématiques complexes, faisant intervenir des acteurs aux objectifs contradictoires, ont un solide ancrage historique 1. C’est ce que Gijs Mom a signalé comme « the increasing efforts to rethink the u sefulness of history for current problems of mobility ». Cf. Mom Gijs, « Historians Bleed Too Much : Recent Trends in the State of the Art in Mobility History », in Norton Peter, Mom Gijs, Millward Liz, Flonneau Mathieu (eds.), Mobility in History. Reviews and Reflections, Neuchâtel : Alphil, 2011, p. 20. 1 7 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt Le prisme de la politique suisse des transports S’intéresser plus particulièrement à la coordination de la mobilité, actuellement considérée comme une tentative d’optimalisation de l’utilisation des différents modes de transports dans une perspective, non pas uniquement économique, mais également sociale et écologique 2, répond à l’un des aspects les plus médiatisés de la politique suisse des transports. Le percement des nouvelles transversales alpines ferroviaires (Loetschberg et Gothard), décidé au début des années 1990, et les mesures fiscales favorisant le transfert modal de la route au rail (redevance poids lourds liée aux prestations, soit RPLP), adoptées une décennie plus tard, ont propulsé la Suisse au premier plan des pays œuvrant en faveur de la coordination des transports m archandises. Ces deux interventions comptent parmi les faits les plus visibles de ces dernières années en matière d’options de régulation rail-route et seule la pratique – une fois le tunnel de base du Gothard mis en service, vraisemblablement fin 2016, le Loetschberg de base fonctionnant depuis fin 2007 – pourra nous renseigner sur leur efficience réelle. Mais le constat dressé par l’association Initiative des Alpes, destinée à protéger l’espace alpin contre le trafic de transit motorisé, est pour l’instant mitigé 3. Les préoccupations liées au transport multimodal 4 ne se cantonnent cependant nullement au cas helvétique. Ailleurs en Europe, elles apparaissent avec une acuité redoublée ces dernières années. En 2004, Hans-Liudger Dienel posait la problématique d’un ouvrage collectif Keller Peter, « Intermodality of Network Points : The Planners’View », in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport Networks. European Intermodal Traffic Junctions 1800‑2000, Frankfurt a. Main : Campus, 2004, p. 37. 3 Cf. notamment les communiqués de presse récents de cette association sur http://www.alpeninitiative.ch /web/initiative-des-alpes/presse/communiques_de_presse. html?topic=c87c7755-f027-4c7a-ab67-29a6947bf9f9 (site consulté le 15 octobre 2012). 4 La définition des termes « transport intermodal », « transport combiné » et « transport multimodal » a été établie en 2001 conjointement par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et la Commission européenne (CE). Le premier se réfère à un transport de marchandises qui transite successivement par au moins deux modes différents sans que les marchandises elles-mêmes ne doivent changer d’unité (soit conteneurs, soit poids lourds routiers) ; le deuxième désigne un transport intermodal dont la majeure partie du trajet se fait par rail ou voie d’eau, seuls les trajets initial et final – aussi courts que possibles – se faisant par la route ; le troisième se réfère à un transport quel qu’il soit qui emprunte au moins deux modes de transport. Cf. Schmidt Michael, « Inter modal Junctions in EU Transport Policy & Research », in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport…, p. 51. Dans cette introduction, nous tâchons, lorsqu’il est possible, de distinguer les trois termes. 2 8 Introduction et présentation de l’ouvrage paru dans le cadre du programme européen COST-340 Towards a European Intermodal Transport Network : Lessons from History en ces termes : « […] we are investigating why responsible actors in transport planning were so late in realizing the value of good intermodal inter faces at transport junctions for the economic development of public transport systems. » 5 Présentes au niveau des États et des transports continentaux, les tentatives de coordination de la mobilité sont également à l’œuvre à l’échelon inférieur des régions ou des localités, favorisées par la résurgence ou la réorganisation des réseaux de transports en commun (trams, métros, RER) et la généralisation de politiques urbaines de mobilité multimodale (construction de parkings Park and Ride en périphérie des agglomérations et aux abords des gares) 6. À nouveau, ces politiques, visibles en Suisse, le sont également en Europe. Si l’on manque encore du recul nécessaire pour poser un bilan objectif de ces tentatives de coordonner la mobilité 7, une chose paraît certaine : transversales alpines et RPLP – deux projets sur lesquels le peuple suisse a dû se prononcer – et résurgence des transports en commun d’agglomération – des objets également soumis au vote lors de plusieurs scrutins cantonaux voire municipaux – ont contribué à faire de la mobilité multimodale une thématique largement débattue au sein de la société civile suisse. Ces éléments récents de coordination de la mobilité, qui obéissent certes à de nouveaux impératifs sociétaux, comme l’accroissement de la mobilité pendulaire, l’engorgement des axes de trafic routier et les effets environnementaux néfastes que celui-ci génère, l’apparition de conurbation induisant des problématiques de mobilité interne nouvelles, ainsi que la mise sur pied de solutions techniques efficaces réduisant les désavantages des transports intermodaux, notamment pour le fret, ne signifient aucunement que les périodes antécédentes ont été exemptes de coordination. Celle-ci est aussi ancienne que la Dienel Hans-Liudger, « Why so late ? Questions concerning Intermodality of Transport Junctions », in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport…, p. 11. 6 Au printemps 2012, l’Association transports et environnement (ATE), association helvétique promouvant une politique des transports respectueuse de l’environnement, a consacré un dossier à l’extension des réseaux de tramways au sein de plusieurs villes helvétiques. Cf. « De nouveaux trams et trains urbains partent à la conquête du pays », ATE Magazine, n° 2, 2012, p. 8‑18. 7 Pour l’ATE le bilan est d’ores et déjà mitigé. L’extension des réseaux de transport en commun arrive trop tard et parvient difficilement à contrecarrer une mobilité qui fait encore la part belle à l’automobile. 5 9 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt c oexistence de deux modes de transports également performants et c’est là une motivation majeure qui nous a guidés dans l’organisation de ce colloque. Si aujourd’hui priment des impératifs environnementaux ou d’aménagement du territoire, dès les années 1920 et la montée de l’automobilisme dominait la nécessité d’organiser un marché soumis à forte concurrence et de protéger les investissements massifs c onsacrés depuis le siècle précédent aux chemins de fer. On est là dans la multitude des facettes liées à la coordination de la mobilité. Un champ d’étude qui se renouvelle En partie grâce au COST-340, le champ de l’histoire des transports a connu depuis quelques années une résurgence associée à un renouvellement de ses problématiques. L’émergence sur le devant de la scène médiatique et politique des problèmes liés à la mobilité n’est pas étrangère à ce regain d’intérêt. En Suisse, celui-ci s’est traduit par la parution, depuis 2006, sur un rythme bisannuel, de trois recueils consacrés à l’histoire des transports 8. Au niveau international, c’est dans le sillage de l’association Transport, Traffic and Mobility (T2M), fondée en 2003, que se situent les changements les plus évidents relatifs aux questions liées à l’histoire des transports et le glissement du champ d’étude vers l’histoire de la mobilité 9. Dans l’introduction d’un ouvrage récent s’interrogeant sur les principaux éléments qui distinguent histoire des transports et histoire de la mobilité, Mathieu Flonneau et Vincent Guigueno écrivent : « Construit selon le découpage des modes – terrestre, maritime, aérien – ou des infrastructures, l’histoire des transports analyse l’offre des entreprises, son cadre juridique, sa régulation par les pouvoirs publics, alors que l’histoire de la mobilité s’orienterait plus volontiers vers les pratiques des agents, les controverses et les conflits d’usage de l’espace public, en particulier de l’espace urbain. Le principal acquis Revue suisse d’histoire, vol. 56, n° 1, 2006 (numéro spécial consacré à l’histoire des transports) ; Traverse, n° 1, 2008 (numéro spécial Transport et développement économique) ; Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (dir.), Verkehrsgeschichte/Histoire des transports, Zurich : Chronos, 2010, 467 p. 9 Trois Yearbook de T2M faisant le point sur l’état de la recherche sont parus à ce jour. Cf. Mom Gijs, Pirie Gordon, Tissot Laurent (eds.), Mobility in History. The State of the Art in the History of Transport, Traffic and Mobility, Neuchâtel : Alphil, 2009, 260 p. ; Mom Gijs, Norton Peter, Clarsen Georgine, Pirie Gordon (eds.), Mobility in History. Themes in Transport, Neuchâtel : Alphil, 2010, 291 p. ; Norton Peter, Mom Gijs, Millward Liz, Flonneau Mathieu (eds.), Mobility in History…, 162 p. 8 10 Introduction et présentation de l’ouvrage de ce décloisonnement disciplinaire est à ce jour la “démodalisation” de l’intérêt porté aux transports. Dorénavant des thèmes transversaux […] doivent ordonner en priorité les études. » 10 Gijs Mom, l’un des principaux animateurs et observateurs du renouvellement de ce champ d’étude, par ailleurs vice-président de T2M après avoir présidé l’association de 2003 à 2009, mentionne de son côté la relative importance numérique des communications adoptant une perspective multimodale lors des conférences annuelles de T2M 11, tout en posant quelques bases à un programme de recherche en histoire de la mobilité, dont les maîtres mots seraient interdisciplinarité, approches transnationale et multimodale 12. L’étude de la coordination de la mobilité des marchandises et des personnes, par l’approche multimodale qui doit la guider, la large part qu’elle donne à l’analyse des conflits nés de l’apparition de nouvelles formes et de nouveaux besoins de mobilité, et la fréquence et l’ampleur des interventions provenant de tous les acteurs dans la construction de solutions (politiques, gestionnaires de réseau, utilisateurs), s’intègre dans ces nouvelles thématiques. La vingtaine de contributions que nous avons rassemblées dans cette publication provient majoritairement d’historiens, mais pas uniquement. L’ouvrage est partagé en six chapitres, témoignant de la multitude des définitions que les auteurs ont données au concept de coordination de la mobilité. Nous offrons ci-après un aperçu des contributions en suivant l’ordonnancement des chapitres. Présentation des contributions Coordination de la mobilité internationale Dès lors qu’elle emprunte une infrastructure, la mobilité exige un effort de coordination entre les différentes administrations – publiques ou privées – qui la gèrent. L’exemple des chemins de fer est particulièrement équivoque des difficultés inhérentes à Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent, « Introduction. De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? Mise en perspective d’un champ », in Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent (dir.), De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?, Rennes : Presses universitaires de Rennes, p. 19. 11 Dernières statistiques dans Mom Gijs, « Historians Bleed Too Much… », p. 25. 12 Mom Gijs, « Inventer et établir l’histoire de la mobilité : aux origines d’un changement de paradigme », in Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent (dir.), De l’histoire des transports…, p. 34‑37. Cf. également, du même auteur dans le présent ouvrage, « Transnational Coordination History : A Plea for a Cultural Turn ». 10 11 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt ce type d’exercice. Construites, puis exploitées majoritairement par des compagnies privées, les lignes de chemin de fer n’ont pas été cette infrastructure que certains précurseurs avaient imaginée libre d’accès. Rapidement, une coordination entre administrations ferroviaires a dû être initiée afin de permettre un trafic direct – aussi bien marchandises que voyageurs – entre les réseaux d’un même pays. Puis, la même problématique s’est transposée au niveau international : comment faire en sorte que marchandises et voyageurs puissent transiter d’un pays à l’autre sans rupture de charge, aussi coûteuse que peu pratique ? Durant l’entre-deux-guerres, la même question s’est posée au niveau de la mobilité routière, où des organismes internationaux ont permis l’uniformisation des législations et des standards et facilité l’avènement du transport routier international. En mettant en parallèle deux époques, celle du tournant du siècle et celle de l’après Seconde Guerre mondiale, la contribution de Martin Schiefelbusch offre un éclairage sur l’attitude des acteurs clés dans la coordination de la mobilité ferroviaire internationale des personnes. Pour la première période, l’auteur mentionne l’absence d’association internationale susceptible de régler la coopération et le rôle que va prendre, dès les dernières années du xixe siècle, l’Association des administrations ferroviaires allemandes (Verein deutscher Eisenbahnverwaltungen), qui offre la particularité de regrouper en son sein des compagnies autres qu’allemandes ou austro-hongroises. En matière de trafic voyageurs longue distance, les efforts de coordination à l’échelle européenne mènent à l’introduction, dès 1884, d’un système tarifaire commun aux administrations membres de l’association faîtière allemande, ainsi qu’au développement des célèbres trains de luxe de la Compagnie Internationale des WagonsLits et des grands Express Européens, fondée en 1874 par le Belge George Nagelmackers. Durant la Belle Époque, les efforts de coordination internationale entre administrations ferroviaires se font au sein d’un marché du transport en situation de monopole. Dès l’entre-deux-guerres, le contexte évolue avec la croissance de l’automobilisme. Le rail redoute la remise en question de sa domination et les années 1930 voient partout émerger les premières tentatives de coordination entre le rail et la route (cf. la partie « Coordination de la mobilité dans un espace national »). En Suisse, le rejet en votation populaire (1935) de la convention de mai 1933, qui proposait un partage du trafic entre le rail et la route, est passablement traumatisant pour les Chemins de fer fédéraux (CFF), 12 Introduction et présentation de l’ouvrage soumis à une situation financière difficile 13. Analysant les multiples raisons de la coopération des CFF avec la Reichsbahn pour le trafic international des marchandises durant la Seconde Guerre mondiale, l’article de Gilles Forster insiste sur ce passif d’avant-guerre. À la concurrence de la route – qui disparaît au début de la guerre, en même temps que les combustibles liquides désormais réservés à l’armée –, l’auteur ajoute la présence des axes contournant la Suisse – dont le Brenner – et les projets de développement du réseau fluvial ou ferroviaire à voie très large portés par les dirigeants du Reich pour expliquer la croyance de la direction des CFF et des autorités « en la fiction d’une concurrence nécessitant de défendre la place des liaisons suisses ». De là découle une coopération sans faille avec la Reichsbahn et l’établissement d’une coordination internationale des transports marchandises que l’auteur appelle la « stratégie de la double voie » : soit le Brenner, intégré au Reich pour le transport des armes et des troupes, et le Gothard, en territoire neutre, pour le transport de l’approvisionnement. Pour les chemins de fer, l’après-guerre marque l’avènement définitif de ce nouveau concurrent qu’est l’automobile. La contribution de Sébastien Gardon montre qu’au niveau des instances internationales, la route paraît d’autant plus armée pour traiter d’égal à égal avec le rail que depuis les années 1920 elle dispose, au sein de la Société des Nations (SdN), d’un Comité spécial d’étude de la circulation routière. Ce comité, rebaptisé Comité permanent de la circulation routière en 1927, s’occupe notamment de l’uniformisation des codes de la circulation routière et est intégré au sein de la Commission consultative et technique des communications et du transit, qui s’intéressait auparavant principalement au transport ferroviaire, fluvial ou maritime. Mais ce n’est certes pas un hasard si ce comité se forme au moment où Gardon note un changement de paradigme et que « la question du transit et des communications passe […] d’un enjeu de contrôle des déplacements individuels – notamment entre pays – à celui d’un soutien à la mobilité comme support du développement industriel et économique des nations ». Une fois réglés les aspects techniques et juridiques de la coordination routière transnationale au sein du comité de la SdN et des groupes de travail de l’ONU qui lui ont succédé dès 1945, on comprend que, face à la souplesse de l’automobile, les parts de marché dévolues au rail aient subi un recul accentué, ce d’autant plus que le réseau Kirchhofer André, Stets zu Diensten – gezwungenermassen ! Die Schweizer Bahnen und ihre « Gemeinwirtschaftlichkeit » für Staat, Wirtschaft und Bevölkerung, Bâle : Schwabe, 2010, p. 254-264. 13 13 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt routier longue distance européen se constitue et s’interconnecte dès les années 1950 14. Schiefelbusch insiste également sur le fait que les freins mis par les administrations ferroviaires nationales elles-mêmes dans l ’établissement d’une collaboration internationale ont en partie contribué à diminuer les parts de marché des chemins de fer dans le trafic intra-européen. Certains exemples sont symptomatiques. Alors même que la mobilité de personnes longue distance et le trafic de containers sont généralement considérés comme des marchés potentiels pour le rail, ils ne cessent d’être soumis à réévaluation par des administrations ferroviaires qui ne voient pas forcément la longue distance internationale comme un segment porteur. L’auteur prend l’exemple des trains Trans Europ Express (TEE) développés dès les années 1950. Deux décennies plus tard, la fermeture des premières lignes TEE intervient au moment où les compagnies ferroviaires nationales développent la grande vitesse domestique, que ce soit en Allemagne, en France ou en Angleterre. Le constat est sévère : même si l’on note certaines convergences dans la mobilité ferroviaire longue distance des personnes, Schiefelbusch mentionne que « […] compared to the fast development of international transport by other modes, the results achieved in the rail sector seem less impressive ». Le bilan tiré par Michèle Merger, dont la contribution couvre plus d’un demi-siècle de tentatives d’établissement de l’intermodalité rail-route dans le trafic marchandises européen, n’est guère différent. Définissant plusieurs périodes, l’auteur identifie pour chacune d’elles les freins à la généralisation du transport combiné. Ainsi, le « foisonne ment d’initiatives et des techniques » a-t-il retardé l’émergence d’un système technique uniforme durant les années 1930 à 1970, alors que les promesses de revitalisation du secteur ferroviaire émanant de la CE dès le milieu des années 1970 n’ont pas toujours été suivies d’effets. Au final, le constat que le transport combiné n’assumait que 9 % de tous les transports de fret européen au tournant du siècle est expliqué en grande partie par le « cadre national » qui a dominé « la conception initiale des réseaux ferroviaires européens ». Cet élément a entraîné des choix techniques différents qui viennent compliquer l’avènement d’une coordination du transport combiné à l’échelle du continent. À cela s’ajoutent d’autres freins, comme la priorité accordée au trafic Voir notamment Mom Gijs, Tissot Laurent (eds.), Road History. Planning, building and use, Neuchâtel : Alphil, 2007, 207 p. 14 14 Introduction et présentation de l’ouvrage voyageurs sur un réseau partagé par les deux types de mobilité, ou les caractéristiques propres à l’industrie européenne, qui exigent de très nombreux flux de transport en petite quantité, ce qui avantage la route. Coordination de la mobilité dans un espace national En 1934, Paul Wohl et A. Albitreccia ont établi, pour le compte de la Chambre de commerce internationale, un rapport de près de cinq cents pages intitulé La route et le rail dans quarante pays 15. C’est précisément durant l’entre-deux-guerres que la concurrence entre le rail et l’automobile devient prégnante et que les premières solutions de coordination sont pensées, et cela dans la plupart des pays européens. Une partie des communications de cette troisième partie s’arrêtent sur l’entre-deux-guerres, témoin de la première vague de tentatives de structuration du secteur des transports. Analysant le cas hongrois, Gàbor Szalkai n’omet cependant pas de mentionner l’importance souvent sous-estimée de la traction animale : ceci est particulièrement vrai en Hongrie pendant la Grande Crise où l’on assiste à une résurgence de ce mode de transport trop vite enterré et qui devient, en quelques années, le « nouvel ennemi public » du rail, selon les termes mêmes de l’auteur. Le chapitre d’Anette Schlimm, consacré aux réflexions sur la coordination rail-route menée au sein de deux commissions gouvernementales britanniques durant l’entre-deux-guerres, présente en préambule le synchronisme du débat sur la concurrence modale dans la majorité des pays occidentaux, mais remarque également la ressemblance des diagnostics posés et des solutions proposées. En Grande- Bretagne, le travail des commissions aboutit au Road and Rail Traffic Act de 1933 qui vise à abolir la concurrence entre modes de transport en favorisant la collaboration et le partage du trafic. Les communications de Bernd Kreuzer (cas autrichien) et de Szalkai confirment cette interprétation. Aussi bien en Grande-Bretagne, qu’en Autriche et en Hongrie, la solution préconisée par les experts aboutit à une division des tâches et à un partage modal du trafic en 1933, similitude temporelle parfaite bien qu’en grande partie due au hasard 16. Wohl Paul, Albitreccia A., La route et le rail dans quarante pays, Tours : Arrault et Cie, 1934, 499 p. et tableaux. Pour un commentaire de ce rapport, cf. Larroque Dominique, « Le rail et la route », Documents pour l’histoire des techniques, n° 16, 2e semestre 2008, p. 198‑200. 16 À noter une concordance également avec le cas helvétique : une convention est signée en mai 1933 entre les CFF et les associations représentant les entreprises de transport routier de marchandises pour un partage du trafic. Soumise à un référendum, la convention est rejetée par le peuple suisse en 1935. 15 15 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt Schlimm fait appel à la notion de social engineering pour expliquer cette tendance lourde qui traverse la majorité des États sans qu’il n’y ait de synchronisation entre eux. En Grande-Bretagne les experts, majoritairement des praticiens du transport, diagnostiquent la crise, provoquée essentiellement par une dynamique de modernité et, tout en considérant celle-ci comme éminemment bénéfique, essaient de maintenir l’ordre existant. Ces social engineers, épris d’efficience économique, ayant une haute idée de ce que doivent être l’intérêt général et le progrès, tentent ainsi de restreindre la dynamique de modernité à quelques zones (par exemple celles où la concurrence modale est acceptée). Ailleurs la coordination, fondée sur une base rationnelle (division des tâches et c oopération), doit prédominer. Une analyse des biographies des membres des commissions agissant au sein des autres pays pourrait confirmer cette hypothèse. Pour sa part, Kreuzer insiste sur la politique ambivalente du gouverne ment autrichien de l’entre-deux-guerres en matière de coordination des transports : d’un côté, les autorités fédérales tentent d’imposer des mesures légales afin de maintenir la prédominance d’un secteur ferroviaire en situation délicate au lendemain de l’éclatement de l’empire austro-hongrois ; d’un autre côté, aussi bien l’opinion publique que certains experts gouvernementaux et des milieux de l’économie sont favorables à une augmentation massive des investissements routiers, le transport par camion ou autocar étant considéré comme plus efficient, moins cher et plus rapide. Cette ambivalence explique que la Loi sur les transports routiers promulguée par Vienne en 1933 et réservant aux chemins de fer le transport marchandises longue distance ne sera jamais respectée par les transporteurs routiers. La loi est supprimée en 1937, mettant fin à toute tentative de coordination légalement imposée entre la route et le rail. Le débat hongrois (Szalkai) dénote également une défense des intérêts ferroviaires, soutenus par la classe politique et l’économie. Dans un pays à l’infrastructure routière encore limitée durant l’entredeux-guerres (sur les 26 800 kilomètres de routes que compte le pays, un petit millier est asphalté), la concurrence intermodale se pose pourtant avec autant d’acuité qu’ailleurs et on note même une précocité dans l’élaboration d’une coordination à l’avantage du rail. Dès 1922, le transport par camion est autorisé pour les petites distances, le trafic sur les longues distances demeurant l’apanage du rail. La mobilité de la fin des années 1920, marquée par une forte croissance de l’automobilisme, demeure toutefois dominée par le rail, florissant, qui monopolise 73 % de tous les transports. La Grande Crise interrompt l’ère des bénéfices 16 Introduction et présentation de l’ouvrage pour le rail et ouvre la voie à une période caractérisée par une coordination intermodale plus équilibrée. En 1933, un accord liant la compagnie ferroviaire nationale (MÁV) aux transporteurs routiers est signé pour le trafic marchandises. La contribution de Gijs Mom consacrée aux Pays-Bas insiste en premier lieu sur l’auto-organisation, dès les années 1920, du transport routier marchandises au sein de la plupart des pays européens, secteur composé essentiellement de petits entrepreneurs indépendants. Aux Pays-Bas, en raison des mauvaises infrastructures routières et des restrictions de circulation adoptées par maintes provinces ou villes avant l’uniformisation législative de 1925, les routiers sont considérés comme de véritables aventuriers. Si la majorité des transports par route se font sur de courtes distances, dans les années 1930 certains routiers hollandais s’aventurent jusqu’à Brême ou Hambourg ; la législation allemande de 1936, réservant au rail les transports de plus de 50 kilomètres, rend ces trajets impossibles. L’immédiat après-guerre est marqué par la volonté de tous les gouvernements européens de maintenir les solutions de coordination rail-route établies durant les années 1930. Alors que les relations de transports ne cessent de s’internationaliser, en partie favorisées par l’uniformisation des standards établie au sein d’organismes internationaux à l’image du Comité des transports intérieurs de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies 17, la confrontation entre la vision anglo-saxonne, basée sur la primauté des mécanismes du marché, et la vision continentale, faisant du transport une activité d’utilité publique, aboutit à l’avantage de la première. Dans la seconde partie de sa réflexion, Mom retrace le rôle des Pays-Bas – « Trojan Horse of liberalism to the continent » – dans la remise en question des politiques d’avant-guerre visant à protéger les intérêts ferroviaires. Le cas helvétique fait l’objet de deux contributions. La première, provenant d’Ueli Haefeli, analyse la coordination des transports durant tout le xxe siècle, alors que la seconde, due à Stefan Sandmeier, pose la focale sur les années 1970 et la Conception globale suisse des transports (CGST). Haefeli constate que durant tout le xxe siècle, les autorités fédérales n’ont été contredites qu’à cinq reprises lors de scrutins populaires concernant la politique des transports. Or, ces cinq refus concernent tous des objets ayant trait Sur cet organisme, voir la contribution de Sébastien Gardon dans la partie « Coordination de la mobilité internationale ». 17 17 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt au domaine particulier de la coordination des transports dont les principes, depuis le refus de 1935 d’avaliser la convention entre les CFF et les transporteurs routiers, n’ont jamais reçu l’aval du peuple. L’auteur analyse les raisons de ce rejet populaire à l’aune des spécificités du système politique suisse (fédéralisme, démocratie directe et coalition gouvernementale), ainsi que l’espace institutionnel susceptible de faire évoluer la coordination fédérale des transports, modeste en comparaison internationale. Dans le même sens, Sandmeier insiste d’emblée sur les inflexions qu’a pu imprimer la CGST à la politique suisse des transports, malgré l’échec de la votation de 1988 (55 % de non). De plus, sa contribution démontre la nouvelle définition que la CGST va donner au concept de coordination des transports. On dépasse désormais le partage du trafic législativement imposé entre la route et le rail, qui a caractérisé les politiques de coordination des années 1930 aux années 1950, pour analyser les problèmes de transport dans une optique systémique. Les questionnements liés à la coordination des transports sont inséparables de problématiques sociales, économiques, démographiques, environnementales, politiques plus larges. Par bien des aspects, la CGST, en recourant aux théories générales des systèmes et aux modélisations complexes des ingénieurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), sonne le glas de la conception purement économique et libérale des transports qui domine les années d’après-guerre et dont l’un des représentants les plus actifs fut sans nul doute Hans-Reinhard Meyer, délégué aux questions économiques au Département fédéral des transports et de l’énergie (DFTE) et professeur à l’Université de Berne. Au-delà, la volonté affichée par le conseiller fédéral Roger Bonvin (1907‑1982) de confier l’expertise à l’extérieur du DFTE – soit auprès de l’EPFZ, soit auprès de structures privées –, ne sonne-t-elle pas le glas de « l’institutionnalisation de l’expertise », notée par Schlimm pour l’entre-deux-guerres ? Coordination de la mobilité dans l’espace urbain Les études historiques sur les transports urbains ont précocement intégré les questionnements propres à l’histoire de la mobilité. La problématique du transport multimodal et de la coordination se prête en effet bien à l’espace urbain moderne. Comme le précise Ueli Haefeli dans sa thèse d’habilitation, le cadre urbain permet, d avantage que le cadre national, de saisir les confrontations nées de l’intervention d’une nouvelle forme de mobilité, de mettre en relation les formes préconisées de circulation avec les processus d ’agglomération et de 18 Introduction et présentation de l’ouvrage suburbanisation propres aux villes de l’après-guerre. La comparaison de modèles urbains permet également d’analyser la croissance de la mobilité, sa répartition modale ainsi que ses effets sur les budgets municipaux 18. La contribution de Caroline Gallez revient d’abord sur les doctrines qui ont guidé la coordination entre urbanisme et transports. En matière d’extension urbaine, le zonage est partout largement utilisé entre 1870 et 1930, ce qui suppose une spécialisation des fonctions au sein de la ville et une multiplication des mobilités. Dès les années 1960 le zonage, pourtant soumis à critique, gagne encore en intensité. Il faut attendre les années 1990 pour que des préoccupations environnementales remettent « la mixité sociale et fonctionnelle » au centre de la planification urbaine. L’auteur analyse ensuite comment ces doctrines ont été appliquées sur le terrain en recourant aux cas des villes de Berne, Genève, S trasbourg et Bordeaux. Si l’auteur note une évolution similaire des normes pour les quatre villes – de la « ville automobile à la ville durable » –, elle relève une mise en place de la planification urbaine de ces trente dernières années très différente suivant les cas et analyse les hypothèses qui en expliquent les raisons. Aurélien Delpirou et Arnaud Passalacqua reviennent sur les échecs répétés, depuis la fin du xixe siècle, des projets de doter Rome d’un réseau de transport souterrain (métropolitain). Parmi les nombreuses raisons qui expliquent qu’aujourd’hui la capitale italienne, malgré sa taille et sa population, ne dispose que de deux lignes de métropolitain, les auteurs retiennent les multiples concurrences : transports collectifs de surface contre transports souterrains ; transports collectifs contre automobile. Au-delà de cet aspect, ils mettent le doigt sur la difficile coordination entre « projets de papier », longs à arriver à maturité, et urbanisation rapide et peu maîtrisée. La coordination entre système de transport et ville elle-même est ainsi régulièrement manquée. Le cas romain, aussi exacerbé soit-il, illustre bien un rendez-vous manqué, visible dans nombre de villes. Coordination de la mobilité, conflits et groupes de pression Les conflits relatifs à la mobilité et à ses tentatives de coordination sont multiples. Ils peuvent être liés à l’exiguïté d’une voirie et d’un territoire qui peinent à accueillir tous les types de transport, aux externalités Haefeli Ueli, Verkehrspolitik und urbane Mobilität. Deutsche und Schweizer Städte im Vergleich 1950‑1990, Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 2008, p. 16‑20. 18 19 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt négatives de certains modes non durables, voire aux distorsions de concurrence observées entre modes de transport en compétition. À travers l’histoire, des groupes de pression défendant l’une ou l’autre sorte de transport se sont le plus fréquemment chargés de mettre en évidence les défauts – supposés ou vérifiés – du système de transport. La multiplication actuelle des lobbies liés à la mobilité a ainsi un solide ancrage historique. Délaissant la traditionnelle confrontation modale rail-route, Wulfhard Stahl et Peter Cox s’intéressent aux conflits entre usagers de la route, notamment en remettant la bicyclette à la place qui fut la sienne entre la fin du xixe siècle et la Seconde Guerre mondiale. D’abord objet de luxe réservé à une classe privilégiée, la bicyclette se démocratise progressivement durant la Belle Époque jusqu’à devenir un phénomène massif dès la veille de la Première Guerre mondiale. En procédant à une relecture des œuvres du juriste allemand Hermann Ortloff (1829‑1920) et du romancier et philosophe Eduard Bertz (1853‑1931) – précoce lobbyiste de la cause cycliste –, Stahl met en évidence le débat enflammé qui oppose, au moment où la bicyclette amorce sa croissance, les tenants d’une stricte et sévère régulation des usages de la route aux défenseurs d’un libre accès à l’espace public pour le nouveau mode de locomotion. Là où le juriste – par ailleurs très critique face à la bicyclette et ses usages – défend une régulation, si possible internationale, sous l’égide de l’Union postale universelle et éventuellement un système d’impôt frappant les utilisateurs de bicyclettes, le défenseur de l’émancipation sociale qu’est Bertz s’en prend aux autres usagers de la route qui tentent d’exclure les cyclistes. Comme tout nouveau mode de mobilité destiné à partager un espace non extensible, la déferlante cycliste – 33 000 engins à Berlin en 1896, 50 000 une année plus tard – a causé nombre de problèmes sur le partage de l’espace public au tournant du siècle et les accidents opposant notamment cyclistes et piétons furent nombreux. Ils mirent sur le devant de la scène la protection à apporter aux seconds, plus vulnérables. Centrée sur le cas britannique, la contribution de Cox analyse le prévisible conflit suivant, celui opposant à nouveau les usagers de la route au moment de la forte croissance de l’automobilisme durant l’entre-deux-guerres. Focalisant son propos sur la volonté d’imposer un feu arrière rouge aux bicyclettes et d’établir des voies cyclables, l’auteur montre en quoi ce débat sur la sécurité des cyclistes consiste à considérer ces derniers – mais également les piétons – comme des obstacles à la motorisation croissante des routes. Le conflit est 20 Introduction et présentation de l’ouvrage exacerbé, à la fois par le rôle éminent que le gouvernement britannique entend donner au transport routier motorisé dans l’approvisionnement du pays, et ce depuis la grande grève de 1926 qui paralysa le transport ferroviaire, et par la ségrégation sociale qui s’exprime dans l’accès aux modes de mobilité dès l’avènement de l’automobilisme. Au moment où la problématique des transports tend à se concentrer – en Grande‑Bretagne comme dans tous les pays occidentaux – sur les formes de coordination à établir entre le rail et la route (cf. à ce sujet la partie « Coordination de la mobilité dans un espace national »), la bicyclette, pourtant le mode de mobilité le plus répandu dans les années 1920 notamment en milieu urbain, est vouée à des attaques incessantes. Au-delà, l’article de Cox s’intéresse, à travers l’évolution du discours du Cyclists’Touring Club (CTC), à l’émergence des cyclistes en tant que communauté organisée en association. Si, à la fin du xixe siècle, le CTC réunit essentiellement des représentants de la classe moyenne supérieure intéressés à faciliter leurs déplacements grâce à un mode de locomotion moderne, la première décennie du xxe siècle, par la démocratisation de la bicyclette, engage une évolution sur le long terme, à la fois dans la structure sociale de l’association et dans ses buts. La CTC connaît d’abord une forte diminution du nombre de ses membres – que l’auteur oppose à la formidable croissance de l’Automobile Association fondée en 1905 – et c’est seulement l’aggravation du conflit lié aux usages de la route à la fin des années 1920 qui inverse la tendance. En même temps, on note un discours plus musclé provenant de la CTC. L’émergence d’un lobby routier structuré dans la Suisse des années 1930 est également au centre de la communication d ’Olivier Perroux et de Gérard Duc. Les auteurs se réfèrent à la théorie de Wisemann et Peacock, qui postule une tendance de l’État à investir toujours davantage de secteurs de l’économie, les crises jouant un rôle d’accélérateur de dépenses non totalement réversible une fois les beaux jours revenus. Ils démontrent comment, à la faveur de l’augmentation des dépenses fédérales induites par les deux crises que sont les guerres mondiales, la Confédération s’ingère de façon de plus en plus évidente dans la gestion des routes. Cette tendance est simultanée à la structuration d’un lobby routier qui s’organise au niveau fédéral. Celui-ci devient capable de s’opposer à toute tentative de coordination rail-route qui se ferait au détriment de la route, en offrant une protection trop marquée au marché ferroviaire, et milite pour un transfert du domaine routier des cantons vers la Confédération. 21 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt Coordonner infrastructures de transport et aménagement du territoire Même si la planification des transports et l’aménagement du territoire n’ont jamais été entièrement déconnectés l’une de l’autre, la tendance à penser la mobilité en termes de flux à organiser entre les grands centres économiques a maintenu une certaine distance entre ces deux champs d’activité, dépendant très largement d’administrations différentes. Ainsi c’est seulement ces dernières années que l’on a redoublé d’efforts afin d’intégrer politiques d’aménagement du territoire et planification des transports 19. La communication de Sandmeier sur la CGST (cf. la partie « Coordination de la mobilité dans un espace national ») insiste sur les tensions qui s’expriment entre les principes des économistes des transports et la vision des planificateurs de l’EPFZ durant les années 1970. À vrai dire, cette difficulté à tisser des liens entre les deux domaines ne provient pas uniquement de la vision, essentiellement libérale, qui domine les transports durant l’après-guerre, mais reflète également la représentation négative des années 1960 quant à l’aménagement du territoire, vu comme une intervention étatique propre aux régimes autoritaires de type soviétique 20. Au seuil de cette décennie, l’introduction d’un ouvrage de la célèbre collection Que sais-je ? cernait bien l’étroit carcan au sein duquel l’aménagement du territoire devait encore se mouvoir : « […] si une planification rigide est interdite à un régime libéral, l’anarchie n’est pas nécessairement la loi de ce régime : le problème concerne les moyens à mettre en action pour surmonter les difficultés inhérentes au libéralisme. » 21 Depuis lors, les infrastructures de transport et les études sur la mobilité sont devenues des pendants essentiels de la politique d’aménagement du territoire et par là même un moyen reconnu à mettre en œuvre afin de résoudre ces « difficultés inhérentes au libéralisme. » Stead Dominic, « Les politiques des transports et de l’aménagement du territoire sont-elles vraiment coordonnées ? », Revue internationale des sciences sociales, n° 176, 2003, p. 371‑387. 20 Voir à ce sujet pour le cas helvétique Walter François, Histoire de la Suisse. Certitudes et incertitudes du temps présent (de 1930 à nos jours), t. 5, Neuchâtel : Alphil, 2010, p. 130‑131. 21 Delmas Claude, L’aménagement du territoire, Paris : Presses universitaires de France, 1962, p. 8. 19 22 Introduction et présentation de l’ouvrage Comme le démontrent les contributions rassemblées dans cette partie de l’ouvrage, les politiques de coordination entre infrastructures de transport et aménagement du territoire, considérées en tant que « […] recherche d’une cohérence, d’une concordance et d’une exhaus tivité, afin d’obtenir des résultats harmonieux ou compatibles » 22 butent fréquemment sur deux temporalités divergentes. Les politiques récentes en matière d’aménagement du territoire doivent en partie se satisfaire soit d’infrastructures de transport héritées de périodes antécédentes (xixe siècle ou première moitié du xxe siècle pour le chemin de fer ou pour les canaux, années 1950‑1960 pour le réseau routier), soit d’un « cadre de référence » déjà ancien 23. La communication de Philipp Hertzog compare le succès variable de deux villes de même taille – Göttingen et Dijon – dans leur tentative de modifier en leur faveur le tracé des lignes ferroviaires grande vitesse (LGV) au cours des années 1960‑1970. Dans le cas français, en matière de planification ferroviaire, certains anciens cadres de référence, privilégiant la ligne droite et des critères de rentabilité économique avant tout, ont prévalu et mis Dijon à l’écart de la LGV sud-est entre Paris et Lyon. Ce n’est pas là un jugement de valeur, mais un élément qui contredit les tentatives de décentralisation, propre à l’aménagement du territoire en France durant ces années-là. Cette réaction désabusée de la Chambre de commerce et d’industrie de Dijon, citée par Hertzog, est ainsi symptomatique d’un manque pressenti dans la coordination entre planification d’infrastructures de transport et aménagement du territoire : « Le projet de turbotrain, tel qu’il est actuellement envisagé, semble être parti de l’idée simpliste que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre, sans se poser le problème de l’effet d’une nouvelle infrastructure sur l’aménagement du territoire. » En Allemagne, les choses ne se passent guère différemment, si ce n’est que Göttingen parvient, contre l’avis des ingénieurs-planificateurs de la Deutsche Bahn et grâce au soutien du Land de Basse-Saxe qui dispose de prérogatives en matière d’aménagement du territoire, à modifier le tracé initialement prévu de la LGV Hanovre-Würzburg. Stead Dominic, « Les politiques des transports… », p. 371. Voir à ce sujet, Gallez Caroline, « La cohérence urbanisme-transport : un mythe ? », in Gallez Caroline, Kaufmann Vincent (dir.), Mythes et pratiques de la coordination urbanisme-transport. Regards croisés sur quatre agglomérations suisses et françaises, Paris : Recherches, 2010, p. 183‑220. 22 23 23 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt L’article de Pierre Tilly, consacré à la coordination des transports dans la région transfrontalière de Lille, retrace, depuis le milieu du xxe siècle, la longue maturation d’une intégration entre politique des transports et aménagement d’un territoire transnational, avec tous les enjeux supplémentaires que cela implique. L’intérêt est multiple : dynamiser une région en pleine conversion industrielle, jouer sur des échelles géographiques différentes – allant de projets régionaux à l’intégration au sein d’une Europe des transports en pleine mutation avec le projet de tunnel sous la Manche – et dépasser les logiques nationales qui, depuis le xixe siècle, ont fait buter les lignes ferroviaires sur la frontière. Au final, la région transfrontalière lilloise semble offrir le visage d’une intégration réussie entre planification en matière de transport et aménagement du territoire. Par rapport à la situation de Dijon, exclue de la LGV sud-est planifiée dès la fin des années 1960, Lille, placée plus tardivement à la fois sur les LGV nord et BruxellesLondres, a pleinement bénéficié des avancées de la décentralisation propre à l’aménagement du territoire en France et de la politique ferroviaire européenne. La troisième contribution de cette partie quitte le mode ferroviaire. Sandro Fehr retrace la lente maturation d’une conception aérienne suisse entre 1935 et 1956, en focalisant son propos sur les aéroports nationaux. L’idée d’aménagement du territoire est sous-jacente à cette politique, puisque la question se pose durant l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale soit du maintien du « triangle d’aérodromes » Zurich-Bâle-Genève, soit de l’élaboration d’un aéroport fédéral dans la région centrale de Berne. Deux conceptions s’opposent, l’une régionale – avec tout l’aspect de concurrence que cela suppose – et l’autre centralisatrice, visant à donner à la Confédération la primauté en matière de politique aérienne. Au final, en 1945, l’idée d’aéroport central est rejetée par les autorités fédérales, alors que se dessine une politique décentralisée en la matière, en reconnaissant l’existence des trois grands aéroports actuels, à Zurich, Genève et Bâle. Au milieu des années 1950, la classification de ces trois aéroports, qui reçoivent le label d’« aéroports nationaux », est définitivement arrêtée : Zurich obtient la dénomination d’aéroport intercontinental, Genève et Bâle celle d’aéroport international. 24 Introduction et présentation de l’ouvrage Coordonner mobilité et tourisme Les liens entre tourisme – qui sous-entend un déplacement physique – et transports ne sont plus à prouver. Dans un pays quadrillé de lignes ferroviaires à vocation touristique comme la Suisse, une partie consacrée à la coordination entre cette activité économique fondamentale et la mobilité s’imposait 24. La lecture chronologique de l’accessibilité des stations de montagne que nous propose Xavier Bernier témoigne des liens entre transport et tourisme. Dans la logique de coordination mobilité/tourisme, il fait se succéder trois étapes qui peuvent se chevaucher en fonction des cas : dans un premier temps, l’arrivée des chemins de fer dans les vallées induit la domination de celles-ci sur la montagne qui devient ainsi périphérie et se dépeuple durant la seconde moitié du xixe siècle. Dans un deuxième temps, au tournant du siècle, intervient la conquête des hauts grâce aux chemins de fer de montagne puis aux téléphériques, avec une mobilité qui évolue peu à peu vers l’automobile à mesure que le xxe siècle avance. La montagne perd alors son statut de périphérie. Enfin, le géographe note l’avènement d’un nouveau type de coordination, un « système de mobilités contenues où les dynamiques spatiales s’inversent pour une maîtrise qui s’opère à nouveau depuis l’aval ». L’une des illustrations les plus éloquentes de cette nouvelle relation intermodale entre la vallée et la montagne est Bourg-Saint-Maurice, en Savoie, relié par TGV aux grandes capitales européennes (Paris, Londres, Bruxelles) et par un funiculaire à l’importante station touristique des Arcs. Ce modèle de coordination multimodale entre la vallée et les stations de montagne se renforce depuis le début du millénaire et est sans doute appelé à se développer ces prochaines années. Dans certains cas, les stations misent carrément sur une interdiction d’accès aux voitures. Les fonds de vallée, accessibles par chemin de fer et autoroute, deviennent ainsi des lieux de rupture de charge, le funiculaire ou les remontées mécaniques prenant ensuite seuls le relais. Pour le cas suisse, de nombreuses publications notamment de Laurent Tissot, et plus récemment de Cédric Humair, établissent le lien entre transport et tourisme. Cf. notamment pour les publications récentes Humair Cédric, Tissot Laurent (dir.), Le tourisme suisse et son rayonnement international (xixe-xxe siècles) : « Switzerland, the playground of the world », Lausanne : Antipodes, 2011, 222 p. ; Tissot Laurent, « D’une Suisse aimée à la Suisse aimante : tourisme, transport et mobilité dans l’historiographie économique de la Suisse aux xixe et xxe siècles », Traverse, Zurich, 2010, p. 156‑170 ; Tissot Laurent, « La philosophie du Saint-Gothard, ou la naissance d’un profil touristique alpin », in Il San Gottardo : dalla galleria di Favre all’Alp Transit : atti del Convegno internazionale di studi sull transversali alpine svoltosi a Locarno, il 17‑19 ottobre 2007, Bellinzone : Salvioni, 2009, p. 147‑159. 24 25 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt Si les liens entre tourisme et transports semblent évidents, « la relation transport/tourisme s’inscrit dans un processus très complexe » 25 et l’un des deux secteurs ne paraît pas mécaniquement entraîner l’autre. Le cas des chemins de fer est à ce niveau éclairant : si une ligne ferroviaire n’a que très rarement créé de toutes pièces une station touristique, celle-ci, de son côté, a également pu se développer sans l’apport ferroviaire 26. Par ailleurs, et pour le tourisme helvétique, on peut même affirmer que « […] l’acteur ferroviaire reste en retrait de l’activité touristique pendant les cinquante années qui précèdent [le début du xxe siècle] laissant ainsi les contours du tourisme helvétique se dessiner sans lui, mais pas en dépit de lui » 27. Le cas hongrois analysé par Márta Jusztin offre des similitudes avec ces conclusions. Durant les cinquante ans qui séparent le Compromis austro-hongrois de 1867 et la Première Guerre mondiale, la Hongrie s’équipe en voies ferroviaires. La motivation dans la construction de ce réseau est économique, liée au commerce des céréales, à l’élevage et à l’exploitation du bois, mais nullement touristique. Malgré le peu d’attention que reçoit le tourisme de la part des chemins de fer, l’accessibilité des lieux touristiques s’en trouve améliorée, notamment le lac Balaton, dont la rive sud est précocement longée par une voie de chemin de fer. Avant même la Grande Guerre, la coopération entre la compagnie ferroviaire et les milieux touristiques est initiée. Au lendemain du conflit, la collaboration entre les milieux touristiques et le rail, qui domine outrageusement un marché du transport où la route est encore quasi absente, se poursuit et la compagnie nationale MÁV joue le « rôle principal dans la promotion touristique » en proposant divers arrangements, comme des billets réduits, des trains spéciaux ou des carnets de circuits qui offrent, hormis des rabais pour les transports, des coupons pour les hôtels et les restaurants de Budapest. Si le train apparaît comme l’élément dominant du système de transport hongrois de l’entre-deuxguerres – la contribution de Szalkai insiste également sur cet élément (cf. la deuxième partie « Coordination de la mobilité dans un espace national ») –, l’auteur n’omet cependant pas de parler des améliorations du système routier et de l’apparition du transport aérien. Durant les Tissot Laurent, « Développement des transports et tourisme : quelles relations ? », Revue suisse d’histoire…, p. 37. 26 Sulmoni Stefano, « Système de transport et développement touristique. Le cas de la ville de Lugano et de ses alentours pendant la Belle Époque, 1880‑1920 », in Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (dir.), Verkehrsgeschichte…, p. 435. 27 Tissot Laurent, « Développement des transports… », p. 37. 25 26 Introduction et présentation de l’ouvrage années 1930, aussi bien la compagnie MÁV, d isposant de bureaux de vente dans toutes les capitales européennes et les grandes villes étatsuniennes, que l’Aéro-club de Hongrie, possédant la liste des détenteurs d’avions privés à l’étranger et des membres des aéro-clubs, c ollaborent activement avec les milieux touristiques. Au final, les rapports transport/tourisme paraissent avoir fonctionné avec une certaine efficacité en Hongrie, facilités certainement par la présence dominante de la compagnie MÁV et la relative faiblesse de la concurrence routière en matière de mobilité touristique. Le cas helvétique étudié par Cédric Humair et Mathieu Narindal dénote une collaboration plus conflictuelle entre tourisme et transport. En se focalisant sur les années 1930 et la crise qui touche le secteur touristique helvétique, à l’image d’autres secteurs d’activité, les deux auteurs mettent au jour le jeu des nombreux acteurs qui prennent part aux tentatives de coordination entre modes de transport et hôtellerie. Les logiques poussant les protagonistes à la coopération peuvent obéir à des objectifs différents : là où les chemins de fer désirent empêcher l’augmentation de la part modale de la route, l’hôtellerie tente de se battre contre la concurrence étrangère. Certaines réussites, à l’image d’Hotelplan et de son offre combinée abonnement régional de transport, hôtel et trajet d’accès mettent également en évidence le rôle des agences de voyages, considérées, suivant la jolie formulation de Laurent Tissot « comme des “agences matrimoniales” facilitant le rapprochement entre le tourisme et le transport » 28. Un rôle, également mis en évidence par Jusztin en ce qui concerne l’agence de voyages hongroise IBUSZ. Aussi complexes que soient les relations entre tourisme et transport, elles visent cependant un but commun : améliorer l’accessibilité des lieux touristiques et fournir de nouvelles recettes au transporteur et à l’opérateur touristique. Que se passe-t-il lorsqu’un de ces deux acteurs refuse « le principe de la mobilité pour tous et dans toutes les situations » ? Cette question est au centre de la contribution de Valérie Lathion qui retrace les discours et les actions menées par les milieux protestants évangéliques entre la fin du xixe siècle et les années 1960 afin de freiner notamment la mobilité de loisirs le dimanche et les jours de fête religieuse. Au tournant du siècle, William Barbey (1842‑1914), riche philanthrope vaudois, tente d’imposer ce modèle au Chemin de fer Yverdon-Sainte-Croix, chemin de fer qu’il finance de sa poche à condition que son exploitation soit entièrement suspendue Tissot Laurent, « Développement des transports… », p. 33. 28 27 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt le dimanche. Alors que les trains de plaisir partout voient le jour, que les trains à crémaillère à vocation touristique – donc destinés à circuler davantage encore le dimanche que la semaine – gagnent les plus hauts sommets, on peut sans peine imaginer l’accueil plutôt froid que les milieux de la finance réservent à William Barbey. Lathion note une filiation avec les mouvances chrétiennes qui développent également, dans les années 1950‑1960, un discours critique face à l’exode citadin du week-end en direction des campagnes qui se fait, cette fois-ci, au moyen de l’automobile. Ce lien, parfois conflictuel à la mobilité, mis en évidence par certains milieux chrétiens du xixe siècle ou du milieu du siècle dernier, mérite réflexion aujourd’hui encore. Il ressurgit dans une société plus pétrie de mobilité que jamais, qui peine encore à prendre pleinement conscience des implications de celle-ci, cette fois-ci non pas sur un plan purement spirituel mais aussi sur le plan des conséquences environnementales et sociétales. Pour clore cette introduction, ces quelques constatations récentes de Gérard Poffet, sous-directeur de l’Office fédéral de l’environnement, sont dignes de nourrir le nécessaire débat actuel et à venir sur notre mobilité : « Les Suisses ne se sont jamais autant déplacés. Nos aïeux auraient peine à le croire : on vit à Nyon, mais on passe les fins de semaine dans le val d’Anniviers ; on travaille à Zurich alors qu’on habite le canton de Schwytz ; ou par passion de l’escalade, on quitte régulièrement Lyss (BE) pour rejoindre le canton du Jura. Sans oublier les vacances : en 2010, nos concitoyens ont entrepris quelque 10 millions de voyages à l’étranger. […] une chose est sûre : même sous forme écologique, la mobilité finit par atteindre ses limites. Quel que soit le mode de dépla cement choisi, il vaudra toujours mieux travailler à proximité de son domicile. Et un week-end à Barcelone aura toujours un plus gros impact environnemental qu’un tour à vélo dans la campagne à notre porte. » 29 Poffet Gérard, « Mobiles et futés », Environnements, n° 3, 2012, p. 3. 29 28 Introduction and presentation of the proceedings The many facets of coordinating mobility Gérard Duc, University of Geneva Olivier Perroux, University of Geneva Hans-Ulrich Schiedt, ViaStoria, University of Bern The decision to hold an international symposium on the mobility of goods and people in Geneva in November 2011 was very timely: issues surrounding mobility are at the forefront of the political agenda of all Western countries. They relate not only to planning for and providing solutions to the ongoing exponential growth of mobility, both in terms of long-distance traffic (regional, national and international) and urban transport, but also to policies on land use and offsetting environmental and sound pollution. The symposium was premised on the belief that, when it came to mobility, historians had as much to say as planners, geographers, sociologists and economists: the current state of mobility and the responses to these complex issues, involving actors with opposing objectives, have a solid basis in history 1. As Gijs Mom has previously described as “the increasing efforts to rethink the useful ness of history for current problems of mobility ”, Mom Gijs, “Historians Bleed Too Much: Recent Trends in the State of the Art in Mobility History ”, in Norton Peter, Mom Gijs, Millward Liz, Flonneau Mathieu (eds.), Mobility in History. Reviews and Reflections, Neuchâtel: Alphil, 2011, p. 20. 1 29 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt The prism of Swiss transport policy To focus specifically on the coordination of mobility, currently viewed as an attempt to optimise the use of various transport modes from an economic, social and environmental standpoint 2, fits with one of the most publicised aspects of Swiss transport policy. The decision in the 1990s to build the new Alpine railway links (Lötschberg and Gotthard) and the adoption a decade later of fiscal measures to incite a switch from road to rail (i.e. a service-based user charge for heavy goods vehicles) propelled Switzerland to the vanguard of countries working towards coordinating freight transport. These actions are among the most visible in recent years in terms of options for rail and road regulation, but only future experience – the Lötschberg base tunnel has been operational since the end of 2007, while the Gotthard Base Tunnel is expected to open at the end of 2016 – will determine their actual efficiency. However, the report of the Alpine Initiative, an association that aims to protect the Alpine region against transit traffic, is for the time being ambivalent 3. Concerns regarding multimodal transport 4 are by no means limited to Switzerland. Elsewhere in Europe, the problem has grown more acute in recent years. In 2004, Hans-Liudger Dienel posed the problem in a collective paper published as part of the European programme COST-340, Towards a European Intermodal Transport Network: Lessons from History, as follows: “(…) we are investigating why responsible actors in transport planning were so late in realizing the value of good intermodal Keller Peter, “Intermodality of Network Points: The Planners’ View”, in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport Networks. European Intermodal Traffic Junctions 1800-2000, Frankfurt a. Main: Campus, 2004, p. 37. 3 See the association’s recent press releases at://www.alpeninitiative.ch/web/initiative-des-alpes/presse/communiques_de_presse.html?topic=c87c7755-f027-4c7a-ab6729a6947bf9f9 (retrieved on 15/10/2012). 4 The terms “intermodal transport”, “combined transport” and “multimodal transport” were defined in 2001 by the United Nations, jointly with the European Commission. The first term refers to freight transport that transits via at least two different modes in succession, without the freight itself changing units (either containers or heavy goods vehicles); the second designates intermodal transport primarily via rail or water, with only the initial and final stages – which are kept as short as possible – are covered by road; and the third refers to any transport using at least two modes (see Schmidt Michael, “Intermodal Junctions in EU Transport Policy & Research”, in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport…, p. 51). In this introduction, we will attempt as much as possible to distinguish between all three terms. 2 30 Introduction and presentation of the proceedings interfaces at transport junctions for the economic development of public transport systems.” 5 Attempts to coordinate mobility are visible at the country and continental transport levels, but also at the regional and local levels, fostered by a resurgence or reorganisation of collective transport systems (trams, subways and suburban trains) and the spread of urban policies of multimodal mobility (e.g. the construction of park-and-rides on the outskirts of towns or near stations) 6. Once again, these policies are also seen elsewhere in Europe. Although we do not yet have the hindsight needed for an objective assessment of these attempts at coordinating mobility 7, one thing is clear: alpine railway links and user charges, two projects submitted to Swiss voters, and the resurgence of urban public transport, on which Swiss citizens have also voted in cantonal or municipal referendums, have contributed to making multimodal mobility a widely discussed issue among Swiss civil society. Such recent elements of mobility coordination may meet new societal imperatives, namely, increasing numbers of commuters, congestion on main roads and its harmful environmental effects, new internal mobility problems stemming from urban sprawl and the implementation of efficient technical solutions to minimise the drawbacks of intermodal transport, especially of freight. However, this does not imply that the past has been devoid of coordination. Coordination is as old as the coexistence of two equally efficient transport modes, hence one of the major motivations behind the symposium. The environment and land use may be overriding concerns nowadays but, as early as the 1920s and the rise of motor vehicles, there has been a need to structure a market that was subject to strong competition and to preserve the massive investments in rail made since the previous century. There are a multitude of aspects to coordinating mobility. Dienel Hans-Liudger, “Why so late? Questions concerning Intermodality of Transport Junctions ”, in Dienel Hans-Liudger (ed.), Unconnected Transport…, p. 11. 6 In spring 2012, the Transport and Environment Association (ATE), a Swiss association promoting environmentally friendly transport policies, dedicated a report to the expansion of tram networks in several Swiss cities (see “De nouveaux trams et trains urbains partent à la conquête du pays”, ATE Magazine, no. 2, 2012, p. 8-18). 7 From the point of view of the ATE, results are mixed. The expansion of collective transport networks has come too late and is struggling to offset mobility that remains heavily dependent on cars. 5 31 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt The revival of a field of study Thanks in part to COST-340, the field of transport history has seen a revival in recent years, owing to a resurgence of these issues. The rise to prominence of mobility problems in the media and politics is not unconnected with the revival. In Switzerland, it has led to the publication every two years since 2006 of three collections devoted to transport history 8. Internationally, the revival of issues linked to transport history and the research shift towards the history of mobility have been most obvious 9 in the wake of the 2003 foundation of Transport, Traffic and Mobility (T2M). In the introduction of a recent paper on the main elements differentiating the history of transport from the history of mobility, Mathieu Flonneau and Vincent Guigeno write: “Built on the basis of the distribution of the various modes – land, sea or air – or of infrastructure, the history of transport examines the supply side, the legal framework and government regulation; whereas the history of mobility focuses more on the practices of agents, controversies and conflicts over the use of public spaces, especially in urban settings. The main result of rejoining the two disciplines has so far been the ‘demodalisation’ of the focus on transport. From now on, studies should be grounded (…) in crosscutting themes.” 10 Gijs Mom, one of the main drivers and observers of the revival of this field, and who served as president of T2M from 2003 to 2009, mentions the relatively high number of statements at T2M annual conferences 11 that adopt a multimodal approach, and lays the groundwork for a research programme in history of mobility of which Revue suisse d’histoire, vol. 56, no. 1, 2006 (special edition on transportation history); Traverse, no. 1, 2008 (special edition on transport and economic development); Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (dir.), Verkehrsgeschichte / Histoire des transports, Zurich: Chronos, 2010, 467 p. 9 Three T2M Yearbooks describing the state of research have been published to date: Mom Gijs, Pirie Gordon, Tissot Laurent (eds.), Mobility in History. The State of the Art in the History of Transport, Traffic and Mobility, Neuchâtel: Alphil, 2009, 260 p.; Mom Gijs, Norton Peter, Clarsen Georgine, Pirie Gordon (eds.), Mobility in History. Themes in Transport, Neuchâtel: Alphil, 2010, 291 p.; Norton Peter, Mom Gijs, Millward Liz, Flonneau Mathieu (eds.), Mobility in History…, 162 p. 10 Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent, “Introduction. De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? Mise en perspective d’un champ”, in Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent (eds.), De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?, Rennes: Presses Universitaires de Rennes, p. 19. 11 Latest statistics in Mom Gijs, “Historians Bleed Too Much… ”, p. 25. 8 32 Introduction and presentation of the proceedings the keys words would be interdisciplinary, transnational approach and multimodal 12. The study of coordinated mobility of goods and people fulfils these thematic requirements through the multimodal approach by which it should be guided, the considerable attention paid to analysing conflicts arising from the emergence of new forms of and new needs for mobility, as well as the frequency and scope of involvement of all actors in the building of solutions (i.e. politicians, network managers and users). The 20 papers that make up these proceedings are primarily, but not entirely, by historians. The proceedings are divided into six chapters, demonstrating the number of definitions ascribed by the authors to the concept of mobility coordination. The remainder of this introduction will provide an overview of the papers, as they relate to the various chapters. Presentation of the proceedings Coordinating international mobility Insofar as it requires infrastructure, mobility implies a coordination effort between the various authorities, public and private, that manage that infrastructure. The example of railways particularly epitomises the problems inherent in such an exercise. Built and then operated primarily by private companies, railways have not been the free infrastructure that some pioneers had envisioned. Early on, coordination had to be set up between railway authorities to allow direct traffic, for freight and travellers alike, between the networks of a single country. Then, the same problem arose internationally: how could transit of freight and passengers from one country to another be ensured without intermediate reloading, a practice both costly and impractical? In the interwar period, the same question arose regarding road traffic, such that international organisations aligned legislation and standards, bringing about international road transport. By opposing two eras, namely, the turn of the 20th century and the post-World War II period, Martin Schiefelbusch sheds light on the attitude of the key players in coordinating international passenger rail transport. In relation to the former period, the author cites the lack of an international body capable of arranging coordination and the part played Mom Gijs, “Inventer et établir l’histoire de la mobilité : aux origines d’un changement de paradigm”, in Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent (dir.), De l’histoire des transports…, p. 34-37 and, in these proceedings, “Transnational Coordination History: A Plea for a Cultural Turn”. 12 33 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt by the Association of German Rail Operators (Verein deutscher Eisen bahnverwaltungen), with its specificity of regrouping companies other than German or Austro-Hungarian ones. As to long-distance passenger travel, European coordination efforts led to the 1884 introduction of a joint fare system among members of the German umbrella association and the development of the famous luxury trains of the Compagnie Internationale des Wagons Lits et des grands Express Européens, founded in 1874 by Belgian George Nagelmackers. During the Belle Époque, international coordination efforts between railway authorities occurred within a monopolistic transport market. In the interwar period, the situation changed with the rise of motor vehicles. The railways feared that their dominance was in jeopardy, so the 1930s saw the first attempts at road-rail coordination (see Coordina ting national mobility). In Switzerland, the people’s rejection in a 1935 referendum of the agreement of May 1933 that proposed traffic-sharing between rail and road was quite traumatising for the Swiss Federal Railways (SBB), under strained financial circumstances 13 at the time. In an analysis of the many reasons behind the cooperation of the SBB with the Reichsbahn in matters of international freight traffic during World War II, Gilles Forster’s paper focuses on the passiveness of the pre-war period. These reasons include competition from road transport – which disappeared with the outbreak of war, as did fuel, then reserved for the army –, the existence of roads bypassing Switzerland, such as the Brenner, and the waterways and broad-gauge railway network development projects which the Reich peddled in a bid to maintain the belief of SBB heads and the authorities in a “fabricated competition that made it necessary to defend Swiss links”. This led to unswerving cooperation with the Reichsbahn and the institution of international freight transport coordination, termed the “two-track strategy” by the author; in other words, the Brenner, a road integrated into the Reich for weapons and troop transport, and the Gotthard supply route located on neutral territory. For the railways, the post-war period marked the definitive advent of its new rival, the car. Sébastien Gardon demonstrates that, at the level of the international organisations, road transport was in a good p osition to compete with railways given that, since the 1920s, the League of Kirchhofer André, Stets zu Diensten – gezwungenermassen! Die Schweizer Bahnen und ihre “Gemeinwirtschaftlichkeit” für Staat, Wirtschaft und Bevölkerung, Basel: Schwabe, 2010, p. 254-264. 13 34 Introduction and presentation of the proceedings Nations had set up a special study committee on road traffic. The committee, renamed the Standing Committee on Road Traffic in 1927, dealt in part with standardising traffic regulations and was integrated into the Advisory and Technical Committee for Communications and Transit, which had until then mainly addressed rail, river and sea transport. It was not a coincidence, however, that the Standing Committee was established at a time when Gardon notes a paradigm shift in which the “issue of transit and communications shifted from a matter of controlling individual movement – especially between countries – to one of promoting mobility to support the industrial and economic develop ment of nations”. Once the technical and legal aspects of transnational road coordination were settled by the Standing Committee and the United Nations working groups that succeeded it from 1945 onwards, it is understandable that, given the flexibility of cars, the market share of rail transport dropped sharply, particularly since Europe’s long-distance road network had been growing and becoming interconnected as early as the 1950s 14. Schiefelbusch also emphasises the fact that it was the breaks which the national railway authorities themselves applied to establishing international cooperation that contributed to lowering the market share of railways in intra-European traffic. Some examples are symptomatic. Although long-distance passenger transport and container traffic were generally considered potential markets for the rail sector, they were constantly reassessed by the railway authorities which did not necessarily see international long distance as a growth sector. The author uses the example of the Trans Europ Express (TEE). Developed in the 1950s, the first TEE lines were shut down two decades later as national railway companies in Germany, France and England were setting up their domestic high-speed rail links. Schiefelbusch findings are harsh: despite some convergence in long-distance passenger transport, he states that “(…) compared to the fast development of international transport by other modes, the results achieved in the rail sector seem less impressive”. The assessment by Michèle Merger, whose paper covers more than half a century of attempts to establish road-rail intermodality in European freight transport, is very similar. The author defines a number of periods and identifies for each one the obstacles to widespread combined See for example Mom Gijs, Tissot Laurent (eds.), Road History. Planning, building and use, Neuchâtel: Alphil, 2007. 14 35 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt transport. For example, the “proliferation of initiatives and techniques” hindered the emergence of a standard technical system between the 1930s and 1970s, while pledges made by the European Community in the 1970s to revitalise the rail sector were not always followed up on. The fact that combined transport still accounted for merely 9 per cent of all European freight transport at the turn of the century was largely due to the “national framework” that dominated the “initial perception of the European railway networks”. This led to varying technical choices that hampered the establishment of coordinated combined transport at the continental level. Other obstacles included priority to passenger traffic on networks shared between both modes of transport and the specificities of the European industry which required very large numbers of small loads, thus favouring road transport. Coordinating national mobility In 1934, Paul Wohl and A. Albitreccia produced for the International Chamber of Commerce a nearly 5,000-page report entitled Road and Rail in 40 Countries 15. It was during the interwar period that competi tion between railways and cars became acute, and the first coordination solutions were devised in most European countries. Some of the papers in this chapter focus on this period, which saw the first wave of attempts to structure the transport sector. In an analysis of the Hungary case, however, Gàbor Szalkai does not fail to include the often downplayed significance of animal traction. It was particularly relevant in Hungary during the Great Depression when this mode of transport, which had been sidelined too quickly, re-emerged and became within a few years the “new public enemy” of rail transport. Anette Schlimm’s paper, devoted to the discussion of road-rail coordination by two British government commissions during the interwar period, notes at the outset the chronological similarity of the debate around modal competition in most Western countries, but also draws parallels between the diagnoses and proposed solutions. In Great Britain, the work of the commissions led to the 1933 Road and Rail Traffic Act, which aimed to end competition between transport modes by fostering cooperation and traffic-sharing. Bernd Kreuzer (the Austrian case) and Szalkai confirm this interpretation in their Wohl Paul, Albitreccia A., Road and Rail in 40 Countries, Tours: Arrault et cie, 1934, 499 p. plus tables. For a commentary on the report, see Larroque Dominique, “Le rail et la route”, in Documents pour l’histoire des techniques, no. 16, 2nd semester 2008, p. 198-200. 15 36 Introduction and presentation of the proceedings own papers: in Great Britain, Austria and Hungary alike, the solution put forward by experts led to a division of labour and a modal separation of traffic in 1933, an exact, if coincidental, temporal similarity 16. Schlimm uses the concept of social engineering to explain how the trend appeared in most countries without prior consultation amongst each other. In Great Britain, the experts, who were mainly transport practitioners, diagnosed the crisis as provoked primarily by a modernising trend but, though they considered the trend highly beneficial, tried to maintain the status quo. These social engineers, blinkered by economic efficiency and having lofty ideas about public interest and progress, thus attempted to circumscribe the modernising trend to a few areas (e.g. where modal competition was accepted). In other areas, rational coordination (i.e. division of labour and cooperation) had to prevail. Studying the biographies of the members of the commissions in other countries could confirm this analysis. In his paper, Kreuzer focuses on the Austrian government’s ambivalent policy regarding transport coordination during the interwar period. On the one hand, federal authorities attempted to impose legal measures to preserve the dominance of the rail sector which, following the break-up of the Austro-Hungarian Empire, was in a fragile state. On the other hand, public opinion as well as some government officials and economists favoured a surge in road investment since transport by truck or bus was considered more efficient, cheaper and faster. For this reason, the law on road transport enacted by Vienna in 1933, which reserved long-distance freight transport for the rail sector, was never observed by road hauliers. The law was repealed in 1937, ending any attempt at statutory road-rail coordination. The debate in Hungary (Szalkai) also shows that railway interests were defended by the political class and the economy. In a country where road infrastructure remained limited in the interwar period (merely 1,000 kilometres of road were paved out of the country’s 26,800 kilometre-long network), intermodal competition was nonetheless as acute as elsewhere, and there was even early coordination in favour of the rail sector. As early as 1922, transport by truck was authorised for short distances, while long-distance traffic remained in the railway domain. Transport at the close of the 1920s, characterised Congruently, in the Swiss case, a traffic-sharing agreement was signed in May 1933 between the SBB and the associations representing road hauliers. Subject to referendum, the agreement was rejected by the people in 1935. 16 37 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt by a strong rise of motor vehicles, still remained dominated by the rail sector, which was booming and monopolised 73 per cent of all traffic. The Great Depression ended the golden era of the railway and paved the way for a period of more balanced intermodal coordination. In 1933, an agreement on freight traffic was reached between the national railway company (MÁV) and road hauliers. Gijs Mom’s paper regarding the Netherlands centres initially on how road freight transport in most European countries, a sector mainly composed of small independent entrepreneurs, began to self- organise from the 1920s onwards. In the Netherlands, owing to poor road infrastructure and restrictions on movement adopted by several provinces and cities prior to the legal harmonisation of 1925, hauliers were considered true adventurers. In the 1930s, although most road transport covered short distances, some Dutch hauliers ventured as far as Bremen and Hamburg. However, legislation adopted by Germany in 1936, reserving transport of more than 50 kilometres for the rail sector, made such trips impossible. In the immediate post-war period, all European governments were keen to preserve the road-rail coordination solutions implemented in the 1930s. As transport relations became increasingly international, fostered in part by the harmonisation of standards undertaken by international organisations, such as the Inland Transport Committee of the United Nations 17 Economic Commission for Europe (for information on this body, see the paper by Gardon under Coordinating international mobility), the opposition between the British vision, based on the primacy of market forces, and the continental vision, which saw transport as being in the public interest, culminated in the triumph of the former. In the second section of his paper, Mom retraces the role of the Netherlands – “the Trojan Horse of libera lism to the continent” – in reassessing pre-war policies that tended to protect the interests of the railways. The Swiss case is considered in two papers. The first, by Ueli Haefeli, analyses transport coordination across the 20th century, while the second, by Stefan Sandmeier, focuses on the 1970s and the Swiss comprehensive transport policy. Haefeli finds that over the entire course of the 20th century, the federal authorities were challenged only five times in popular votes on transport policy. The five rejections all concerned proposals relating to the specific issue of transport coordination, the principles of which had never, since the 1935 rejection of the agreement between the SBB and road hauliers, been sanctioned by the people. The author analyses the reasons behind the rejection in See Sébastien Gardon’s contribution in the part “Coordinating international mobility”. 17 38 Introduction and presentation of the proceedings light of the specificities of the Swiss political system (i.e. federalism, direct democracy and government by coalition) and the domination of the institutional arena by the federal authorities who wished to move forwards with efforts at transport coordination, which were considered a comparative success internationally. In the same vein, Sandmeier focuses on the influence of the comprehensive policy on Swiss transport policy, despite its rejection by 55 per cent of voters in 1988. His paper also illustrates the new definition of transport coordination under the comprehensive policy. It was no longer simply a matter of the statutory traffic-sharing between rail and road that characterised coordination policies from the 1930s to the 1950s, but rather one of taking a systemic approach to transport problems. Questions tied to transport coordination were inseparable from broader social, economic, demographic, environmental and policy considerations. In many ways, the comprehensive policy, through general systems theory and complex models created by the engineers of the Zurich Federal Institute of Technology, was the death knell of the purely economic and liberal approach to transport that dominated the post-war years and of which one of the most active proponents was certainly Hans-Reinhard Meyer, spokesperson for economic affairs at the Federal Transport and Energy Department and professor at the University of Bern. Moreover, as Schlimm points out, the apparent resolve of federal councillor Roger Bonvin (1907-1982) to seek expertise outside the Federal Transport and Energy Department – either from the Federal Institute of Technology or the private sector –also signalled the end of the “institutionalisation of expertise” in the interwar period. Coordinating urban mobility Historical studies of urban transport began integrating issues related to the history of mobility early on. The problems of multimodal transport and coordination lend themselves well to the modern urban landscape. As stated by Ueli Haefeli in his post-doctoral thesis, the urban context, more so than the national context, makes it possible to grasp the oppositions stemming from a new form of mobility and to connect the preferred forms of transit with the expansion and suburbanisation processes typical of post-war cities. Furthermore, comparing urban models makes it possible to analyse the growth of mobility, its modal distribution and its impact on municipal budgets 18. Haefeli Ueli, Verkehrspolitik und urbane Mobilität. Deutsche und Schweizer Städte im Vergleich 1950-1990, Stuttgart: Franz Steiner Verlag, 2008, p. 16-20. 18 39 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt The paper by Caroline Gallez begins by revisiting the doctrines that have guided the coordination of urban planning and transport. In the area of urban expansion, zoning was widely used everywhere between 1870 and 1930, suggesting a functional specialisation of cities and a proliferation of types of traffic. In the 1960s, zoning increased, despite criticism. It was not until the 1990s that, owing to environmental concerns in particular, “social and functional diversity” returned to the heart of urban planning. In the second section, the author analyses, through the examples of Bern, Geneva, Strasbourg and Bordeaux, how these doctrines were transposed in practice. Although Gallez notes a similar evolution of norms in all four cities – from “car-friendly city to sustainable city » – she identifies very different practical realisations of urban planning concepts in the last 30 years and examines the hypotheses explaining why. In their paper, Aurélien Delpirou and Arnaud Passalacqua take a look at the repeated failures, since the end of 19th century, to equip Rome with an underground transport network (subway). Among the many reasons why Rome, despite its size and population, has only two subway lines to this day, the authors point to various levels of competition; for example, above-ground public transport versus underground transport and public transport versus cars. They also put forward the difficulty of coordinating between theoretical projects, which take a long time to come to fruition, and rapid and poorly controlled urbanisation. Coordinating between the transport system and the city itself thus routinely fails. The case of Rome, though quite extreme, undoubtedly expresses a mismatch experienced in a number of cities. Coordination of mobility, conflict and lobbies There are many conflicts connected with mobility and attempts at coordinating it. These can relate to the size of roads or a given territory which makes it difficult to include all modes of transport peacefully, the adverse externalities of certain unsustainable modes or competitive distortions between rival modes. Throughout history, lobbies that defend a given mode of transport have more often than not put forward the disadvantages – real or imagined – of the transport system. Thus the current proliferation of transport lobbies has solid historical roots. Moving away from the usual modal opposition between rail and road, the papers of Wulfhard Stahl and Peter Cox examine the conflicts among road users, including by reinstating bicycles in the position they occupied between the end of the 19th century and World War II. Having begun as a luxury good, bicycles were progressively 40 Introduction and presentation of the proceedings democratised during the Belle Époque, becoming a mass phenomenon as early as World War I. In his rereading of the works of German jurist Hermann Ortloff (1829-1920) and novelist and philosopher Eduard Bertz (1853-1931) – an early lobbyist of the cycling cause – Stahl highlights the impassioned debate that, at the time when bicycles were beginning their ascent, pitted the proponents of strict and harsh regulation of road use against defenders of unfettered access to public spaces for the new mode of locomotion. Ortloff – who was very critical of bicycles and cyclists – defended regulation, if possible international regulation under the aegis of the Universal Postal Union, and even a tax system for cyclists; whereas Bertz, as a defender of social emancipation, went after other road users who tried to exclude cyclists. As with the arrival of any new mode of transportation that requires sharing of a non-expandable space, the cycling tidal wave – some 33,000 bicycles in Berlin in 1896 and 50,000 by the following year – generated a number of problems at the turn of the 20th century relating to shared public space. There were also many accidents involving cyclists and pedestrians, which thrust onto centre stage the protection of pedestrians as the more vulnerable of the two groups. Centred on the British case, Cox’s paper examines the predictable conflict that arose among road users with the considerable rise of cars in the interwar period. Focusing on the determination to impose a red rear light on bicycles and set up special lanes for them, the author looks at how the debate about cycling safety consisted in turning cyclists, and pedestrians, into an obstacle to the growing motorisation of roads. The conflict was exacerbated by both the preeminent part the British government intended to give motorised road transport in supplying the country, following the 1926 General Strike that had paralysed rail traffic, and the social segregation of transport modes resulting from the advent of motorised vehicles. At a time when transport issues tended to focus – in Great Britain as in all Western countries – on the shape of road-rail coordination (see Coordinating national mobility), bicycles, although still the most widespread mode of transport in the 1920s, especially in urban settings, were prone to incessant attacks. The paper by Cox also examines, through the changing rhetoric of the Cyclists’ Touring Club (CTC), the emergence of cyclists as an organised community. At the end of the 19th century, the CTC was mainly composed of members of the upper middle class who wished to make travel easier by way of a modern means of locomotion, while in the first decade of the 20th century, with the democratisation of bicycles, it undertook a long-term shift of both 41 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt its social structure and goals. At first, the CTC saw its membership drop significantly – which the author correlates with the tremendous growth of the Automobile Association founded in 1905 – and it was only when the conflict between road users worsened at the end of the 1920s that the trend was reversed. At the same time, the CTC’s rhetoric became tougher. The emergence of a structured road lobby in Switzerland in the 1930s is the focus of the paper by Olivier Perroux and Gérard Duc. The authors refer to the theory of Wisemann and Peacock that states have a tendency to take over increasingly more sectors of the economy and that crises accelerate these expenditures which are not entirely reversible when prosperous times return. They demonstrate how, through increased federal spending due to the World Wars, the state got more and more visibly involved in road management. Concurrently, a road lobby was set up at the federal level, which became strong enough to oppose any attempts at road-rail coordination that, by affording excessively overt protection to the rail sector, would disadvantage the road, all the while campaigning for the transfer of jurisdiction over roads from the cantons to the federal government. Coordinating transport infrastructure and land-use planning Even though transport and land-use planning have never been entirely disconnected from each other, the tendency to see mobility in terms of organising traffic between large economic centres has maintained a certain distance between these two fields, which usually come under different authorities. It is only in recent years that efforts have been scaled up to integrate land-use policy and transport planning 19. In his paper on the Swiss comprehensive transport policy (see Coordinating national mobility), Sandmeier focuses on the tensions that arose during the 1970s between the principles of transport economists and the vision of planners from the Zurich Federal Institute of Technology. The difficulty of creating links between the two fields did not stem only from the essentially liberal view that dominated transport after the war, but also reflected the negative image of land-use planning that prevailed in the 1960s, when it was considered state intervention Stead Dominic, “Les politiques des transports et de l’aménagement du territoire sont-elles vraiment coordonnées ?”, Revue internationale des sciences sociales, no. 176, 2003, p. 371-387. 19 42 Introduction and presentation of the proceedings of the type seen under authoritarian rule such as the Soviet regime 20. In the early 1960s, the introduction to a piece in the famous Que sais-je ? collection aptly depicted the straightjacket in which land-use planning still operated: “(…) rigid planning may be forbidden in a liberal regime, but anarchy is not necessarily the law of that regime either: it is a matter of which means to employ in order to overcome the difficulties inherent in liberalism” 21. Since then, transport infrastructure and mobility studies have become one of the crucial aspects of land-use policy and a recognised means of resolving the “difficulties inherent in liberalism”. As demonstrated by the papers in this chapter, policies of coordination between transport infrastructure and land-use planning, seen as “(…) a hunt for coherence, congruence and exhaustiveness in order to achieve harmonious or compatible solutions” 22, frequently run up against two diverging temporalities: recent land-use policies must make do with either infrastructure inherited from previous eras (i.e. the 19th century or the first half of the 20th century in the case of railways and the 1950s and ’60s for roads) or an outdated “frame of reference” 23. In his paper, Philipp Hertzog compares the varying success of two same-sized cities, Göttingen and Dijon, in their attempts to have high-speed trains rerouted their way during the 1960s and ’70s. In the case of Dijon, certain old frames of reference in railway planning, which favoured the criteria of straight lines and cost-effectiveness above all else, prevailed and sidelined Dijon from the high-speed link connecting Paris and Lyons. It was not a value judgement, but rather a contradiction of the decentralisation efforts typical of French land-use planning at the time. The disillusioned reaction of the Dijon Chamber of Commerce and Industry, cited by Hertzog, was symptomatic of a lack of coordination between transport infrastructure and land-use planning: “the turbo-train project, as is currently envisioned, appears to have begun with the simplistic notion that straight lines are On this topic, as relates to Switzerland, see Walter François, Histoire de la Suisse. Certitudes et incertitudes du temps présent (de 1930 à nos jours), book 5, Neuchâtel: Alphil, 2010, p. 130-131. 21 Delmas Claude, L’aménagement du territoire, Paris: Presses Universitaires de France, 1962, p. 8. 22 Stead Dominic, “Les politiques des transports…”, p. 371. 23 On this topic see Gallez Caroline, “La cohérence urbanisme-transport : un mythe ?”, in Gallez Caroline, Kaufmann Vincent (dir.), Mythes et pratiques de la coordination urbanisme-transport. Regards croisés sur quatre agglomérations suisses et françaises, Paris: Recherches, 2010, p. 183-220. 20 43 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt the shortest path from one point to another, without considering the effect of new infrastructure on land-use planning”. In Germany, things were scarcely different, except that Göttingen, against the advice of engineers and planners of the Deutsche Bahn and thanks to the support of Lower Saxony, which had jurisdiction over land-use planning, managed to have modified the original route of the Hanover-Würzburg high-speed link. The paper by Pierre Tilly, dedicated to transport coordination in the border region of Lille, retraces from the mid-20th century onwards the long process to integrate transport policy and land use in this trans national area, with all the additional considerations its location implied. Concerns were manifold: revitalising a region undergoing industrial conversion, playing on varying geographic scales (from regional projects to integration into European transport in the midst of change brought on by the Channel Tunnel project) and overcoming nationalistic interests which, since the 19th century, had hampered cross-border railway traffic. In the end, the border region of Lille seems to have been successful in integrating transport and land-use planning. Compared to the situation of Dijon, excluded from the South-East high-speed link devised at the end of the 1960s, Lille, placed after the fact on both the North and Brussels-London high-speed links, has fully benefitted from the advances in decentralisation typical of French land-use planning and in European railway policy. The third paper in this chapter turns away from the rail sector. Sandro Fehr retraces the slow development between 1935 and 1956 of Swiss air transport policy, by focusing his discussion on national airports. The underlying issue was land use: the question arose during the interwar period and World War II as to whether to keep the “triangle of airfields” Zurich-Basel-Geneva or to establish a federal airport in the central region of Bern. Two visions – one regional, with all its competitive implications, and the other, centralising, aiming to give the federal government primacy over air transport policy – were pitted against each other. In the end, in 1945, the idea of a central airport was rejected by the federal authorities, while a decentralised policy was emerging that recognised the existence of the three aforementioned large airports. In the middle of the 1950s, the classification of these three airports, which had been given the label of “national airports”, was definitively decided: Zurich was designated as an intercontinental airport while Geneva and Basel were designated as international airports. 44 Introduction and presentation of the proceedings Coordinating mobility and tourism The links between tourism – which implies physically moving from one place to another – and transport no longer require demonstration. In a country such as Switzerland, crisscrossed by railway lines for tourism purposes, a chapter dedicated to coordination between this fundamental economic activity and mobility was necessary 24. Xavier Bernier’s chronological look at the accessibility of mountain resorts reveals the links between transport and tourism. From the perspective of mobility/tourism coordination, he describes three successive stages which can overlap depending on the case: first, the arrival of railways in valleys led to their domination over the mountains, which thus became peripheral and depopulated in the second half of the 19th century. Then, at the turn of the 20th century, the peaks were conquered thanks to mountain railways and cable cars, transport turned increasingly to cars as the century progressed and mountains lost their peripheral status. Lastly, Bernier indicates the rise of a new type of coordination: a “system of self-contained transport where spatial dynamics are reversed and control is once again exercised upstream”. One of the most telling examples of the new intermodal relationship between valley and mountain is Bourg-St-Maurice, in Savoie, France, which is linked by high-speed train to the great European capitals (i.e. Paris, London and Brussels) and by funicular to the large tourist resort of Les Arcs. This model of multimodal coordination between valleys and mountain resorts has been enhanced since the 2000s and will undoubtedly continue to grow in the coming years. In some cases, resorts bet outright on prohibiting access to cars. Valleys, accessible by rail and highway, are becoming reloading areas, with funiculars or ski lifts then taking over. The links between tourism and transport may seem obvious, but “the transport/tourism relationship is part of a very complex process” 25 In the Swiss case, a number of publications by Laurent Tissot, and more recently Cédric Humair, establish the link between transport and tourism. See for example, Humair Cédric, Tissot Laurent (dir.), Le tourisme suisse et son rayonnement international (xixe‑xxe siècles) : “Switzerland, the playground of the world”, Lausanne: Antipodes, 2011, 222 p.; Tissot Laurent, “D’une Suisse aimée à la Suisse aimante : tourisme, transport et mobilité dans l’historiographie économique de la Suisse aux 19e et 20e siècles”, Traverse, Zurich, 2010, p. 156-170; Tissot Laurent, “La philosophie du Saint-Gothard, ou, La naissance d’un profil touristique alpin”, in Il San Gottardo : dalla galleria di Favre all’Alp Transit : atti del Convegno internazionale di studi sull transversali alpine svoltosi a Locarno, il 17-19 ottobre 2007, Bellinzona: Salvioni, 2009, p. 147-159. 25 Tissot Laurent, “Développement des transports et tourisme : quelles relations ?”, Revue suisse d’histoire…, p. 37. 24 45 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt in which neither of the sectors appears mechanically to drive the other. The railway example is telling on that score: the presence of a railway line has but very seldom generated a tourist resort, and resorts, in turn, can develop without a rail component 26. Moreover, with respect to Swiss tourism, it can be said that “(…) rail was sidelined from tourism during the 50 years prior to the [start of the 20th century], enabling Swiss tourism to take shape without it, but not in spite of it” 27. The case of Hungary, examined by Márta Jusztin, leads to similar conclusions. During the 50 years between the Austro-Hungarian Compromise of 1867 and World War I, Hungary developed its railway infrastructure. The motive behind constructing the network was economic, tied to the grain trade, animal husbandry and lumber, and not in the least due to tourism. Despite the meagre attention the railways paid to tourism, access to tourist attractions did improve, such as Lake Balaton, thanks to the railway line set up early on along its south shore. Cooperation between the railway company and the tourism sector began even before the Great War. Following the War, cooperation between tourism and rail, which outrageously dominated the transport market in areas where roads were virtually non-existent, continued. The national company, MÁV, played the “main part in promoting tourism” by offering various deals, such as discounted tickets, special trains or tour packages that included, in addition to reductions on transport, vouchers for Budapest hotels and restaurants. Although trains were the dominant constituent of the Hungarian transport system in the interwar period – Szalkai also focuses on it (see Coordinating national mobility) – Jusztin does not neglect the improvements to the road network and the emergence of air transport. During the 1930s, both MÁV, with its sales bureaus in all the European capitals and large cities of the United States, and Aero-Club Hungary, which kept a register of all private aircraft owners abroad and aero-club members, cooperated actively with the tourism sector. Transport/tourism relations seem to have run fairly efficiently in Hungary, probably made easier by the dominating presence of MÁV and the relative weakness of competition from the road in terms of tourist travel. In the case of Switzerland, examined by Cédric Humair and Mathieu Narindal, cooperation between tourism and transport was Sulmoni Stefano, “Système de transport et développement touristique. Le cas de la ville de Lugano et de ses alentours pendant la Belle Époque, 1880-1920”, in Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (dir.), Verkehrsgeschichte…, p. 435. 27 Tissot Laurent, “Développement des transports…”, p. 37. 26 46 Introduction and presentation of the proceedings more conflictual. Focusing on the 1930s and the crisis that hit the Swiss tourism sector, much like it did other sectors, the authors shed light on the many actors who took part in the attempts to coordinate between modes of transport and the hospitality industry. The various players sought different goals through cooperation: in places where railways wished to hurt the road’s market share, the hospitality industry tried to fight foreign competition. Some success stories, such as Hotelplan and its package combining a regional transport pass, accommodation and map, also highlight the role of travel agencies, which were considered, as Laurent Tissot aptly puts it, “ ‘matchmaking agencies’ bringing together tourism and transport” 28. Jusztin also emphasises this role with respect to the Hungarian travel agency IBUSZ. As complex as the relationship between tourism and transport may be, both sectors have a common goal, namely, to improve access to tourist attractions and generate new income for transport companies and tour operators. What happens when one of these players rejects “the principle of mobility for all and in all situations”? That is the central question of the paper by Valérie Lathion, who retraces from the end of the 19th century to the 1960s the rhetoric and actions of evangelical protestant groups to stop leisure travel on Sundays and religious holidays. At the turn of the 20th century, William Barbey (1842-1914), a rich philanthropist from Vaud canton, attempted to impose this model on the Yverdon-Sainte-Croix railway, which he funded on condition that it suspends operations on Sundays. At a time when leisure trains were cropping up everywhere and cogwheel trains for tourists – by definition destined to run more often on Sundays than during the week – were reaching the highest peaks, it is not difficult to imagine the rather cold reception William Barbey received from the banking world. Lathion draws a parallel with Christian groups who, in the 1950s and ’60s, were also critical of the weekend exodus of urbanites towards the countryside which, for its part, took place by car. The parallel underscored by some Christian groups in the 19th century or the mid-20th century, sometimes at odds with mobility, still deserves thought to this day. It re-emerges in a society where travel is ever-more present and which still struggles to fully understand the implications of travel, not on a purely spiritual level, but rather in terms of its environmental and societal impacts. To conclude this introduction, the following recent statement by Gérard Poffet, Deputy Director Tissot Laurent, “Développement des transports…”, p. 33. 28 47 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt of the Federal Office for the Environment, feeds the essential current and future debate on mobility: “The Swiss have never travelled more. Our forefathers would have trouble believing it: you can live in Nyon but spend the weekend in Val d’Anniviers; you can work in Zurich yet live in Schwytz canton; or you can regularly leave Lyss (Bern canton) for the Jura to satisfy your passion for climbing. Let us not forget holidays: in 2010, our compatriots undertook some 10 million trips abroad. (…) [O]ne thing is for sure: even in an eco-friendly format, travel will reach its limits. Whatever mode of transportation you choose, it will always be better to work close to home and a weekend in Barcelona will always have a bigger environmental impact than a bike ride in the neighbouring countryside” 29. Poffet Gérard, “Mobiles et futés”, Environnements, no. 3, 2012, p. 3. 29 48 Transnational Coordination History A Plea for a Cultural Turn Gijs Mom, Eindhoven University of Technology Scholars of the “struggle between rail and road” tend to define the issues at stake in the “coordination debate” as efforts towards a rational distribution of transport capacity at lower costs. From a historical point of view, this primarily economic approach not only takes the place of one of the historical actors’ positions (which is fine, but then should be acknowledged), it also leaves an entire realm of human behavior out of the equation: apart from acting as “homo economicus”, human beings also behave as “homo sociologicus” as well as “animal symbolicum” 1. In this introduction, discussion of the scholarly involvement in the coordination debate, including its institutional history, is combined with a plea for a “cultural turn” in this involvement. The following overview of the work done so far does not have the ambition to provide a solid historiographical survey 2. Reckwitz Andreas, Die Transformation der Kulturtheorien; Zur Entwicklung eines Theorieprogramms, Weilerswist: Velbrück Wissenschaft, 2000. I thank Clay McShane (emeritus, Northeastern University, Boston) for his extensive comments on an earlier version of this paper. I also thank the participants of the Geneva workshop. 2 This contribution developed out of an introductory presentation at the conference “Histoire des transports et de la mobilité; entre concurrence et coordination, 1918 à nos jours”, Geneva, 24-25 November 2011. 1 49 Gijs Mom Work done so far An historicized definition of coordination might run like this: it was the struggle between rail and road during the interwar years and beyond. Thus, coordination is seen as part of an ongoing tension between two mobility concepts, each of them representing a type of society: the one based on the railroads (and heavy industry), the other on the road (and retail industry) 3. When we emphasize, in the following pages, this aspect of two clashing cultures of mobility, we are only able to do so due to a foundation of earlier work. Attention to the coordination debate among historians of transport and mobility is scarce, probably because of the complexity of the case. Many historical actors did not have a good overview of what exactly was at stake. As a result, the historical sources contradict each other fundamentally when it comes to costs and allocation of costs. On top of this, the conflict was one between clearly distinguishable “camps”, reflecting the tensions of current-day modality partisanship between historians which is a difference not only between preferences in vehicle type (rail vehicles versus road vehicles), but also between opinions about these vehicles’ usage (public versus private transport). Nevertheless, some exemplary studies have been conducted during the last decade. In the USA, Bruce Seely, Paul Barrett and Mark Rose dedicated a book-length overview to this part of mobility history 4, whereas in the UK the nationalization of public transport by the post-war socialist government provided an extra incentive and led to the publication of various texts. One example, in the Journal of Trans port History, generally took the form of an analysis of public transport by motor bus in opposition to railways 5. In Germany, the coordination debate has been studied against the background of a history of general transport policy (Verkehrspolitik), whereas in France a detailed analysis See: Mom Gijs, “Multiple Mobilities: Road vs. Rail in the North-Atlantic World”, Paper presented at the workshop “Models of Mobility”, York University, Canada, 23 and 24 March 2012. The two categories are not mutually exclusive - a lot of industrial goods move by trucks and a lot of commercial goods by rail. 4 Rose Mark H., Seely Bruce and Barrett Paul F., The Best Transportation System in the World; Railroads, Trucks, Airlines, and American Public Policy in the Twentieth Century, Columbus: The Ohio State University Press, 2006. 5 Hibbs John, The history of British bus services, Newton Abbot: David & Charles, 1968; Glaister Stephen and Mulley Corinne, Public Control of the British Bus Industry, Aldershot: Gower, 1983; Mulley Corinne, “The background to bus regulation in the 1930 Road Traffic Act: Economic, political and personal influences in the 1920s”, in The Journal of Transport History, September 1983, p. 1-19. 3 50 Transnational Coordination History of the very instruments of national, regional and local coordination practices was published by Nicolas Neiertz, who has undoubtedly carried out the most extensive and detailed work so far on this topic 6. Two initiatives undertaken during the last decade to enhance the study of the road-rail controversy deserve special mention: COST 340 and a series of Dutch Rijkswaterstaat workshops 7. While the former emphasized public transport and the freight transport functions and addressed intermodality from within this realm, and while it also tended to take an economic and business history perspective, the latter initiative actually included all modalities and thus also allowed for approaches that looked beyond economic and business history. Both initiatives were international in coverage of topics and in scholarly participation, but while the former resulted in an inventory of national studies, the latter was set up in such a way that participants were invited to respond to a set of basic texts that emphasized international, if not transnational approaches, with the Netherlands as central case for comparison 8. In February 2003, the same year that they would decide to co-found the International Association for the History of Transport, Traffic and Mobility (T2M) at a conference in Eindhoven, the Netherlands, COST 340 and the Mobility History group, within the Tensions of Europe research project, organized a common workshop in Neuchâtel where various coordination-related papers were presented 9. Pohl Hans (ed.), Die Einflüsse der Motorisierung auf das Verkehrswesen von 1886 bis 1986; Referate und Diskussionsbeiträge des 11. Wissenschaftlichen Sympo sium der Gesellschaft für Unternehmensgeschichte e.V. 27./28. November 1986 in Fellbach (Zeitschrift für Unternehmensgeschichte, Beiheft 52), Stuttgart: Franz Steiner, Wiesbaden, 1988; Rohde Heidi, Transportmodernisierung contra Verkehrsbewirtschaf tung; Zur staatlichen Verkehrspolitik gegenüber dem Lkw in den 30er Jahren, Frankfurt a. Main: Peter Lang, 1999; Neiertz Nicolas, “La coordination des transports en France de 1918 à nos jours (Thèse, sous la direction de M. le Professeur François Caron, Septembre 1995, Université de Paris IV - Sorbonne)”. A book appeared four years later: Neiertz Nicolas, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris: Comité pour l’histoire économique et financière, 1999; International: Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (ed.), Verkehrsgeschichte / Histoire des transports, Zürich: Chronos, 2010, 467 p. 7 COST 340 network, “Towards a European Intermodal Transport Network: Lessons from History” (see: cordis.europa.eu/cost-transport/src/cost-340.htm). 8 For an overview in English of the main results, see: Filarski Ruud (in cooperation with Mom Gijs), Shaping transport policy; Two centuries of struggle between the public and private sector – A comparative perspective, The Hague: Sdu Uitgevers, 2011. 9 In particular: Haefeli Ueli, “Stadt und Verkehr; Akteure und Diskurse in Deutschland und der Schweiz 1950-1970”, paper COST 340/Tensions of Europe – Mobility History Group conference, Neuchâtel, Switzerland, 13-15 February 2003. 6 51 Gijs Mom Of the three workshops that took place in 2008 and 2009 in Utrecht, half of the final one was dedicated to the coordination debate. One afternoon was reserved for a discussion between historians and civil servants of the Ministry, resulting in a set of conclusions that may be worthwhile to present here, if only to enhance and incite the further development and diversification of a – hitherto quite modest – tradition of coordination studies. In the first place, the conclusion at the Utrecht workshop was that the 1920s should be an explicit part of the periodization of the coordination crisis, despite the fact that the actual legislative measures were often not taken until the 1930s. This also applies to other countries than the Netherlands. lready in the prior decade, the systems of rail and road started to clash. This is especially important if one prefers not to consider coordination as a sequence of regulations, the result of a “top-down” planning practice, but rather to include the practices of the stakeholders. Indeed, it was on the street and on the rails, as much as in the commissions and in Parliament, that the struggle was fought and that the clash of the cultures took place. Second, the coordination process was characterized by a continuous tension between centralization and decentralization. While the national state used the conflict to intervene ever deeper in society, a process which had reached its first zenith during World War I, regional and local authorities had other interests at stake: they wanted to control access to roads by heavy trucks, decide which roads were to be built where, and grant licenses to tramway companies, to give just a few examples of the many activities constituting “coordination” as a local practice. As part of the classic center-periphery politics, local stakeholders emphasized adverse economic circumstances if national policy did not prioritize local needs. The end result was that the middle level of governance (the provinces, the states, the counties, the Länder, the départements) became the preferential level of execution for measures that were formulated, standardized, and financed centrally, a model that we see reappearing over and over again since then. Third, whereas the conflict seems to lend itself exceptionally well to a (large technical) systems (LTS) approach, such an approach tends to forget that one of the main tensions was between large companies and an ever-growing contingent of small-scale actors, often one-man enterprises. A single (or a single group of) system builder(s) is therefore hard to identify. To put it another way, by choosing the LTS approach, one tends to insert a large-systems bias and thus privilege the railway “camp” over an actor who was much less centrally coordinated and 52 Transnational Coordination History did not speak with just one voice. The historical actors themselves, however, had an advantage, as they could “infiltrate”, so to speak, the system from below, and this is exactly what happened. Indeed, it is at this point that a cultural history of coordination could focus upon: to understand this tension, knowledge of simple cost calculations and business models is not enough. In the 1920s and the 1930s, small enterprises were part of a general wave of private, if not anarchic initiatives, driven by the inflation of the early 1920s (and the subsequent crisis among shippers in inland navigation, for instance) and the Depression of the late 1920s and 1930s 10. The head-on collisions such stakeholders experienced with the powers that were provide an excellent locus for a study of mobility culture, in particular the embryonic emergence of neo-liberalism as opposed to the self-confident and almost paternalistic planning attitude of bureaucrats and technocrats. Partisan historians of mobility may not like it, but there was an embarrassing paternalism and arrogance on the railway side struggling with an equally embarrassing narcissism and self-centered vandalism on the automobile side: one saw mobility-neoliberalism emerge in opposition to a monopolistic attitude that was facing (or fearing) obsolescence. Looking at “local history” provides an opening for a continued debate between historians and policymakers, the aim being to determine to what extent writing about history can contribute to solving current traffic and transport policy problems 11. To tackle such problems, but also to diminish the complexity of the coordination debate, it is worthwhile to analyse this debate from a variety of perspectives. By looking at the differences between freight and passenger transport, the tension between a bottom-up and a top-down approach, the conflict between urban and regional versus a national level of governance, and the difference between small and large countries. Most of all, it is worthwhile to analyse coordination as a highly political phenomenon: when British lorry drivers (educated in the army during the war) started transporting For a similar analysis on the US, see: Hamilton Shane L., “Trucking Country: Food Politics and the Transformation of Rural Life in Postwar America (unpubl. diss., Massachusetts Institute of Technology, June 2005)”; Hamilton Shane L., Trucking Country; The Road to America’s Wal-Mart Economy, Princeton/Oxford: Princeton University Press, 2008. 11 Mom Gijs, “Droit à la mobilité, liberté ou contrainte? Plaidoyer pour des recherches nouvelles sur la mobilité/Freedom of Mobility; A Plea for new mobility studies”, in Gay Christophe, Kaufmann Vincent, Landriève Sylvie, Vincent-Geslin Stéphanie, Mobile Immobile; Quels choix, quels droits pour 2030; Choices and rights for 2030, Paris: Éditions de l’Aube/Forum vies mobiles, 2011, p. 143-151. 10 53 Gijs Mom freight in their army-surplus trucks in the midst of railway strikes, they not only did so to earn money, they also saw themselves acting against the “Red Scare”, which was particularly developed among the ranks of railway workers 12. The two most recent major studies, by Gustav Sjöblom and Anette Schlimm, each resonate, in their own way, with some of the desiderata formulated here 13. Both leave behind the question of national history 14 in that they compare the two countries that could not yet boast a monographic study of the local coordination debate like that of Neiertz: Germany and the UK. But while Sjöblom positions his analysis within the tradition of policy-oriented studies, using, perhaps a bit tautologically, a “private mobility paradigm” as an explanatory concept, Schlimm breaks with this tradition by bringing into her framework the discourse, the shaping of a culture among planners and policymakers. Both thus build bridges to current-day policy issues because they position the topic in a transnational context without losing sight of the specificities of the local cultures. Sjöblom proposes an approach based on the concept of Large Technical Systems, compensating for the absence of a central system builder by proposing to give the mobility users that role. Schlimm comes out of another tradition: a recent wavelet of interest, especially among German historians not necessarily related to Mobility Studies, in (spatial) planning and the culture of “ordering” (Ordnung) and “social engineering”. Such an interest may provide a perspective on history that has even more resonance with current-day debates on Plowden William, The motor car and politics in Britain, Harmondsworth/Ringwood: Penguin, 1971, p. 366. 13 Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs; Arbeit an der Moderne - deutsche und britische Verkehrsexpertise im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript Verlag, 2011; see also: Schlimm Anette Schlimm, “ʻHarmonie zu schaffen, ist Sinn und Zweck’; Der Verkehrsdiskurs und die räumliche Ordnung des Sozialen”, in Etzemüller Thomas (Hg.), Die Ordnung der Moderne. Social Engineering im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript Verlag, 2009, p. 67-86; Sjöblom Gustav, “The Political Economy of Railway and Road Transport in Britain and Germany, 1918-1933 (unpubl. diss., Darwin College, University of Cambridge, 16 April 2007)”; see also: Sjöblom Gustav, “The shift from railways to roads: Four propositions about the interwar period in Britain and Germany”, in Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, 2007, No. 1, p. 55-65. For an excellent overview of the post-war transport policy in the UK, see: Starkie David, The Motorway Age; Road and Traffic Policies in Post-war Britain, Oxford/New York/Toronto/Sydney/Paris/ Frankfurt: Pergamon Press, 1982. 14 Such is still the case in Hey Kevin, “Transport co-ordination and professionalism in Britain; Forging a new orthodoxy in the early interwar years”, in Journal of Trans port History, June 2010, p. 25-41, where the national history is analysed in splendid isolation. 12 54 Transnational Coordination History the limits of neo-liberalism 15. Seen from the perspective of long-term mentality history, the coordination debate fits into a three-phase model proposed by German historian Anselm Doering-Manteuffel, who distinguishes between a first, anti-historicist phase, a second phase (from World War I until the 1960s) governed by “modernization theory” (both characterized by an interventionist attitude as opposed to nineteenth-century laissez-faire), and a post-World War II phase of post-structuralism in a fluid and networked society, culminating in the election of Thatcher and Reagan 16. In other words: the coordination crisis fits into a phase of permanent but ordered change, of “planned progress” and of emergent logistics, based upon the practices of experts and upon the channeled flows along highways. See, for instance: Leendertz Ariane, Ordnung schaffen; Deutsche Raumplanung im 20. Jahrhundert, Göttingen: Wallstein Verlag, 2008, and the edited volume by Etzemüller Thomas (Hg.), Die Ordnung der Moderne… 16 Etzemüller Thomas, “Social engineering als Verhaltenslehre des kühlen Kopfes. Eine einleitende Skizze”, in Etzemüller Thomas (Hg.), Die Ordnung der Moderne…, p. 11-39; Doering-Manteuffel Anselm, “Konturen von ‘Ordnung’ in den Zeitschichten des 20. Jahrhunderts”, in Etzemüller Thomas (Hg.), Die Ordnung der Moderne…, p. 41-64. 15 55 Première partie Coordination de la mobilité internationale First Part Coordinating international mobility Issues and instruments for international rail development 1 Martin Schiefelbusch, nexus Institut Berlin Abstract : Starting from single route-based projects promoted by individual states or companies, rail became the dominant mode of transport in Europe in the 19th century. Railway networks covered nearly every part of the continent. As part of the process of linking the many routes and different companies, solutions for coordinating the various activities had to be found and procedures for cooperation across networks had to be developed. As the advantages of an integrated network quickly became clear, a differentiated system of coordination emerged by the end of the century. After World War II, the railways lost their dominant position to motorised road transport. Although the problems they faced were similar in all countries, and in spite of the fact that the political and economic integration of Western Europe was proceeding steadily, solutions for modernising rail transport were mainly sought on the national level. As a result, European railways presented an increasingly fragmented offer. Only in the more recent past, starting in the 1990s, have activities to (re-)connect them on a continental scale begun. The paper discusses the vision and ideas for international rail services during these two periods, namely, the heyday of railways in the late 19th century and their decline in the mid-20th century. The empirical basis consists mainly of industry sources: the journal of the Association of German Rail Operators (with members from all Central Europe), and industry periodicals and documents from the Union Internationale des Chemins de Fer. The author gratefully acknowledges the assistance of Melissa Gómez and Sonja Ziener in the synthesising of material and the preparation of this article. 1 59 Martin Schiefelbusch The paper concludes that in the first period, integration and cooperation evolved, driven by needs and pragmatism rather than a shared vision. Indeed, different views were expressed and discussed freely in the journal. In the second period, political stakeholders and some industry leaders called for closer cooperation quite early on, but these views were not shared by key industry players who associated the new proposals with loss of influence and excessive risk. The railways and their specific integration challenges Although railways were first built as individual lines in “niches” where they were particularly useful or where circumstances were favourable, their potential as a means of integration and the benefits of a comprehensive network were quickly recognised. The idea of Europe as a single market, as an arena of experience as well as a space of civil identity against the still monarchist and aristocratic governments with their political and military elites, became visible through the railways, and with reference to this technology, the vision of a civil empire of peace was promoted. At the same time, railway technology is a challenging object of integration. “Integrated” railway traffic, meaning its seamless flow across borders, requires the establishment of standards in many fields. It is not sufficient to use the same track gauge; there also have to be agreements on rolling stock, operative regulations and signalling, energy supply, configuration of prices and products, and much more 2. Further challenges arise from the overlapping of different demands on the rail network. Trains stopping frequently or travelling at low speed for other reasons occupy more track capacity than those passing without any stops, and the demand for direct, fast services may conflict with local needs 3. Puffert D. J., “The technical integration of the European railway network”, in Sabbuci P., Giuntini A., Merger M. (eds.), European Networks 19th-20th centuries: New approaches to the formation of a transnational transport and communications system, Milan: Eleventh International Economic History Congress, 1994, p. 129-139; Schot Johan, Buiter Hans, Anastasiadou Irene, “The dynamics of transnational railway governance in Europe during the long nineteenth century”, History and Technology, vol. 27, n° 3, 2011, p. 265-289. 3 Schiefelbusch M., Trains across borders. Comparative studies on international cooperation in railway development, Baden-Baden: Nomos 2013, chapter III; Schiefelbusch M., Dienel, H.-L., “Rom und/oder Ostende? Zielkonflikte und Interessensgegensätze bei der Entwicklung des europäischen Eisenbahnsystems”, in A mbrosius G., Neutsch C., Henrich-Franke C. (Hg.), Internationale Politik und Integration europäischer Infrastrukturen in Geschichte und Gegenwart, 1. Aufl. Baden-Baden: Nomos, 2010, p. 61-86. 2 60 Issues and instruments for international rail development Hence the benefits of a “well-integrated” rail come at a price: extra efforts are necessary to negotiate and maintain “standards” in the interest of integration, even in cases where the need for it may not be obvious. In light of the above, this paper explores the understanding of key stakeholders in the railway industry regarding the attitude to be taken towards international cooperation in the development of rail passenger services. We compare the situation in the late 19th/early 20th century with that of about 60 years later, hence a period in which the basic preconditions for international services – a linked-up network – were in place, and ask what has been made of this asset 4. To get an overview despite the limited resources available, we analysed periodicals issued by the main railway industry associations and some archive sources. For the first period, we used the journal of the Association of German Railway Administrations (“Zeitung des Vereins deutscher Eisenbahnverwaltungen”) 5 published between 1878 and 1914. This journal provides information about practical development in the railway industry (new routes, tariff changes, etc.) and was used to publish and discuss new ideas. It should be noted that, in spite of its name, the Verein had allowed non-German or Austro-Hungarian companies as full or associated members almost since its foundation. Administrations from other countries joined in later years. It thus can be considered an international organisation 6. For period 2, the following journals were examined: “Die Bundesbahn” (the main professional journal issued by the railways in the Federal Republic of Germany), “Internationales Archiv für Verkehrswesen”, “Revue Generale des Chemins de Fer” and “Rail International” (from 1970), the latter issued by the International Union of Railways (“Union internationale des chemins de fer”, UIC). Particular attention was given to reports on international projects as well as to relevant editorials, which A more comprehensive presentation of this issue is provided in Schiefelbusch M., Trains across borders… 5 The abbreviation [short form] “Zeitung” with year and page number is used as reference in the following. Articles are shown [referred to] with their headline due to the frequent lack of a named author […; if the name of the author is known, it is given in brackets after the headline?]. The short forms “Verein” or “VDEV” are used to refer to the organisation. 6 On the history of the association, see Kaessbohrer A., “Der Verein Mitteleuropäischer Eisenbahnverwaltungen”, Archiv für Eisenbahnwesen, n° 56, 1933, p. 12-34 ; p. 345-380; Schot Johan, Buiter Hans, Anastasiadou Irene, “The dynamics of transnational…”, p. 265-289. 4 61 Martin Schiefelbusch were often written by leading railway managers or transport ministers. Archive material for this period was taken from the UIC documentation centre 7 and the German Federal Archive 8. Discussions about international passenger services in the Journal of the Association of German Railway Administrations The railways on the transport market – debates on integration and equity The railways were well aware of their potential to facilitate travel and thus contribute to spatial integration. In 1871, the new German Reich had been founded, which facilitated movement within its territory, although forms of political integration between its individual states had existed for some time. Similar reports from other countries also showed how movement of people, but also of goods, had grown. But in contrast to the image outlined above, the railways were not immune to crises and had to learn to handle loss-making operations, in particular during the late 1870s when the German economy was in a difficult situation. Two strands of arguments emerged from this: to make clear the railways’ contribution to society at large, and to integrate the public’s concerns into the industry’s strategy in order to become (or at least appear to be) responsive to its needs. One argument put forward in favour of railways was the contribution they could make to regional development. A recurring topic was whether the railways should be extended even further to stimulate regional development and, if so, who should organise and plan this. Linked to this is the discussion on the role of the state and the private sector in this industry. Without going into too much detail here – as much has already been written on the subject 9 – it is interesting UIC, Conférences commerciales voyageurs, Groupe Permanent Commun: Avenir du Trafic International voyageurs, Sous-commission mixte commercial-mouvement, and Groupe ad hoc Confort Optimum Voyageur (referred to as DOC UIC in the following). 8 Bundesarchiv Koblenz (referred to as BA KO in the following), Sections B 108 (Federal Department for Transport, Bundesministerium für Verkehr, BMV), and B 121 (Headquarters of Deutsche Bundesbahn). 9 See, for example, Caron F., “The evolution of the technical system of railways in France from 1832 to 1937”, in Mayntz R. H. (ed.), The development of large technical systems, Frankfurt am Main: Campus, 1988, p. 69-103; Fremdling R., “European Railways 1825-2001, an Overview”, in Ehmer J., Fremdling R., Kaelble H. (Hg.), Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, Neue Ergebnisse zum NS-Aufschwung, Köln: 7 62 Issues and instruments for international rail development to note that this issue was discussed in different countries and covered by articles in the Zeitung. Many writers supported the involvement of the state, be it as a planning and coordinating body or as a service provider. In a comprehensive review of railway policy, Heinrich von Wittek (a former Austrian minister) praised the efforts of France and Italy, who developed comprehensive national railway plans already in the late 1870s. He then demanded a “planned completion of the rail network”, describing it as “both a matter of poetic justice, which also allows the less developed parts of the country to participate in the benefits provided by the railways, and a matter of labour and industry policy, calling for a balanced use of manpower and machinery” 10. According to the articles, there seems to have been a preference for a strong state involvement in the late 19th century. But some authors also pointed out that public ownership should not imply low fares and continuous subsidies, as these would undermine the industry’s viability in the long term 11. Instruments for international collaboration and integration These examples show that the railway industry was well aware of its importance for society, but had differing views on how this role should be understood and fulfilled. Turning towards the role of the railways on the international level, we can again distinguish two main arguments: the railways’ role in international exchange, and international cooperation within the railway sector itself. The “Verein” itself can be seen as one of the first institutions for international cooperation, and was also referred to as such in several articles. According to a review from 1886, the organisation had developed into a truly “central European organisation”, and it was time to convince the Swiss and Italian administrations to become members AkademieVerlag, 2003/1, p. 209-221; Gall L. P., Pohl M. (Hg.), Die Eisenbahn in Deutschland. Von den Anfängen bis zur Gegenwart, München: Beck, 1999; Klenner M., Eisenbahn und Politik 1758-1914. Vom Verhältnis der europäischen Staaten zu ihren Eisenbahnen, Wien: WUV-Univ.-Verlag, 2002; Ziegler D., Eisenbahnen und Staat im Zeitalter der Industrialisierung. Die Eisenbahnpolitik der Deutschen Staaten im Vergleich, Stuttgart: Steiner, 1996 - with reference to the present, e.g., Andersen S. S., Eliassen K. A. (eds.), Making policy in Europe. The Europeification of national policy-making, reprinted, London: Sage, 1998, p. 71 seq. 10 “Grundzüge der Eisenbahnpolitik in Anwendung auf die Einzelgebiete des Bahnwesens” (Heinrich Ritter von Wittek), Zeitung 1909, p. 1541-2. 11 “Zur Tarifreform”, Zeitung 1890, p. 772, and “Grundzüge der Eisenbahnpolitik in Anwendung auf die Einzelgebiete des Bahnwesens” (Heinrich Ritter von Wittek), Zeitung 1909, p. 1541-1542. 63 Martin Schiefelbusch as well. The authors also pointed out that other railway associations should not be considered as substitutes, because “they actually derive their regulations from those of the Verein, and so their members have a serious interest in taking part in the development of these original regulations [by becoming member of the Verein, author’s note]”. The time would come when the Verein, reacting to the growth of its territory, would have to change its name – a sacrifice that, according to the author, should be taken without regret 12. This actually took place in 1932 13. The Verein’s standard-setting function was also mentioned in one of the papers on passenger fares, where the author observed that “once the fare issue has been solved by the German and Austrian railways [the main members of the Verein, author’s note], the other Western European administrations will not stick to the current p rinciples […] and the moment will come when one can start to look after international passenger traffic together, without intermediaries” 14. The Verein’s coordinating role covered several fields, including technical standards, rules for joint use of vehicles, and clearing of revenues between its members 15. In passenger transport, the most important activity was the so-called “Vereinsreiseverkehr”, a common fare system for journeys involving its member organisations. These tickets were first issued in 1884, but their spatial availability expanded several times as new administrations joined the scheme. In later stages, non-members of the Verein and non-rail operators (mainly shipping companies in the North Sea and the Mediterranean) also participated. In 1903, a review concluded that practically all of Europe could be “transited by the traveller under favourable conditions” 16. There is no doubt that this service was an important factor in facili tating international travel. In fact, it had already been part of many railway visionaries’ thoughts in the earlier 19th century. But in the later years, the more conceptual articles in the Zeitung did not devote particular attention to the issue of international connections. “Der Verein Deutscher Eisenbahn-Verwaltungen und seine Entwicklung als Mitteleuropäischer Eisenbahnverein”, Zeitung 1886, p. 899. 13 Kaessbohrer A., “Der Verein…”, 1933, p. 345-380. 14 “Die Personenbeförderungsfrage auf den Eisenbahnen und die Personentariffrage”, Zeitung 1889, p. 261. 15 For details see Kaessbohrer A., “Der Verein…”, 1933, p. 345 seq. 16 “Zusammenstellbare Fahrscheinhefte”, Zeitung 1903, p. 1049. The evolution of this tariff will be described in more detail in a later publication by the author. 12 64 Issues and instruments for international rail development Long distance and international service development While the debate on the role of the railways and on topics such as fare systems receive continuous attention in the Zeitung, the number of articles on service design (timetables, service standards, vehicle design and the like) is more limited. Articles worth mentioning deal, for example, with commercial speed 17, and types of accommodation provided. The strategies used in different countries can therefore be compared 18. The most important “international” issues were without doubt the international express and sleeping car services and their main provider, the “Compagnie Internationale des Wagons Lits et des Grands Express Européens” (CIWL). The CIWL had been founded in 1874 by the Belgian George Nagelmackers and was unusual in that it was a genuine private train operator on the one hand, and yet obliged to collaborate closely with the other rail operators on the other. It ran sleeping car services either as individual coaches or as complete luxury trains, but traction was provided by the rail companies whose territory was served. Furthermore, it operated restaurant cars and later set up hotels, travel agencies and restaurants as well. The transfer of the sleeping car concept from America to Europe by Nagelmackers was without doubt a significant improvement for long distance travellers. The company’s income was generated from a supplement of the first class fare, while fare revenues themselves were passed on to the train operators, providing motive power. In 1898, 18 routes were served by complete CIWL trains; single sleeping cars ran on another 57 routes, restaurant cars on 58 and salon cars on four 19. Night trains were also operated on other routes by other companies, but the CIWL remained unique in the level of service it provided and as a symbol of both a truly European service and of peaceful interaction 20. Average speed of a train achieved over a longer distance, hence after including all time losses due to passenger and scheduled service stops. 18 “Unsere Schnellzüge”, Zeitung 1888, p. 881 seq; “Verminderung der Klassenzahl im Personenverkehr”, Zeitung 1902, p. 535-537; “Zur Reform der Personenbeförderung”, Zeitung 1885, p. 37 seq; “Der Personentarif der Eisenbahn”, Zeitung 1889, p. 185 seq; “Personenbeförderung auf den Eisenbahnen u d Personentariffrage”, Zeitung 1889, p. 245 seq. 19 “Internationale Schlafwagen- und Expresszuggesellschaft”, Zeitung 1898, p. 141 seq. 20 “Das 25jährige Jubiläum des Orient-Expresszuges”, Zeitung 1908, p. 868 seq.; cf. also Dienel H.-L., “Die Eisenbahn und der europäische Möglichkeitsraum, 1870-1914”, in Roth R. (Hg.), Neue Wege in ein neues Europa. Geschichte und Verkehr im 20. Jahrhundert, Frankfurt am Main: Campus, 2009, p. 105-123. 17 65 Martin Schiefelbusch In the above list of CIWL’s luxury trains, the Orient Express was the first and clearly the most famous service. It was opened in stages from its first run in 1883 and developed into a group of services. Innovative approaches were tried in various areas such as the shifting of customs procedures into the train to speed up onward connections 21. Locomotives were equipped with cow catchers to reduce problems with cattle on the tracks in the Balkan area. The company sought to speed up the train as much as possible, and the coordination of timetables across the many company and state boundaries was without doubt a major achievement for the time. In spite of this, one has to remember that the Orient Express was a luxury service catering only for a very small elite customer base. This kind of service therefore seemed out of place in the light of other demands made by the public, such as lower fares and faster services 22. The future of international trains in the European transport policy debate in the 1970s International cooperation Although the railways lost much of their market share and thus political importance over the second period, optimistic or even enthusiastic voices praising the opportunities offered by the European integration can be heard throughout this period. They are most evident in the mid-1950s and the early 1970s, when several institutions, in particular the UIC and the then European Economic Community (EEC), started to look for ways of revitalising the rail sector after a period of decline. Statements of “borders being obsolete”, the need to “think international” 23 and go beyond national thinking 24 can be found in particular in the journal editorials. Commentators pointed to progress that had recently been made in European economic integration (Common Market). The rail industry, it was said, needed to adapt, take up this opportunity and learn from it instead of locking itself into a purely national approach of problem solving 25. To revitalise the “Der Orient-Expresszug”, Zeitung 1885, p. 785 seq. “Ein Beitrag zur Reform der Personentarife”, Zeitung 1885, p. 253 seq. 23 Ratter J., “The continental concept of railways”, Rail International, 1970, p. 73. 24 Sudreau P., “Le rail et l’Europe”, Rail International, 1970, p. 113-116; Bruin M. G. de, “Zu einer engeren Zusammenarbeit zwischen den europäischen Eisenbahnunternehmungen”, Schienen der Welt, 1971, p. 479-491; Bruin M. G. de, “Experiences of 50 years of cooperation, orientations to the future”, Rail International, 1972, p. 723-729. 25 Sudreau P., “Le rail et l’Europe…”, p. 115. 21 22 66 Issues and instruments for international rail development railways on a European rather than a national scale would offer significant economies of scale 26. As we shall see below, this enthusiasm about the general thrust of European integration was neither universal nor free from concerns and conditions. But it nevertheless went beyond being a mere slogan put forward in high-level debates and similar occasions. A range of measures was discussed to put integration into practice. The UN ECE’s 27 document from 1969 discussed two main topics: levels of comfort for passenger rail services and the division of transport tasks between road and rail. Both were covered in good detail. In contrast to what might be expected from a political body, the document was detailed regarding service development, but did not consider ways to put these ideas into practice 28. The ECMT’s 29 report from the same year was more comprehensive in the issues addressed and also included reflections on the reasons for the railways’ current situation 30. The document was prepared as part of the ECMT’s work programme and based on consultations with the national delegations. Two main areas of activity were identified: (a) the removal of administrative barriers hindering international rail traffic, and (b) getting the administrations (departments) to develop incentives for the railways to intensify their cooperation in both technical and commercial matters. Two chapters were devoted to each of these two areas, focusing on practical and short- to medium-term issues. The report explicitly acknowledged the specific challenges for collaboration in the rail sector by stating that “the present system of operation is still characterised by each network’s focus on activities on a national scale, and this system has never reached the industrial dimensions which would be adequate for a truly trans-national scale. [This can be] explained without doubt by the singular phenomenon that the railways are the only type of transport which does not ‘export’ its services across the national borders” (p. 25-26). On the political level, there was far-reaching agreement that this was to change. The most radical proposals went as far as to claim that in a unified Europe, the time had come for railways to unite, too, hence a call to merge the national railway companies into some kind Lacarrière P., “L’avenir…”, p. 367. United Nations Economic Commission for Europe. 28 All documents in BA KO B108/28977. 29 European Conference of Ministers of Transport. 30 “Bericht zum Thema der Förderung des internationalen Eisenbahnverkehrs”, CM(70)25, Paris 16 Nov 1970 - BA KO B108/55626. All quotations in this paragraph from this document. 26 27 67 Martin Schiefelbusch of supranational entity 31. A less radical position proposed the formation of new jointly owned companies to take over the most important (and prestigious) tasks on a supranational level. In the discussion of the EEC’s initiative and report on cooperation in the rail industry, the French delegation proposed, for example, a joint commercial organisation to recapture traffic for which “the railways, according to their potential, should be the natural carrier” 32. The proposals of the Dutch delegation went in the same direction and provided further details on how such a joint organisation serving the main traffic flows could be set up 33. International container services and fast international passenger trains were suggested as areas of activity. Another, again less novel approach suggested more intense collaboration of the national rail operators on specific tasks in cross-national coordinative bodies, which could be either existing or new foundations. The UIC, with its system of sub-institutions, working groups, thematic circles, etc., was also proposed as a good forum for developing a more intense cooperation. The need for cross-national collaboration was not challenged in public. However, the unpublished sources examined for this analysis show that this enthusiasm was met with scepticism by important stakeholders. There was a fear that interests organised on the national level would lose influence, a fear expressed through warnings against a premature handing over of competencies or duplication of existing structures, and through the suggestion that existing cooperative structures (mainly those provided by the UIC) should be better used before establishing new ones. In their response to the consultation held in 1970-71 by the EEC on its policy document about the collaboration of Europe’s railways, the rail companies argued that the time for a “European rail company” had not yet come 34. They conceded the need for better cooperation, Lacarrière P., “L’avenir…”, p. 369; Sudreau P., “Le rail et l’Europe…” [ditto], p. 115; Bruin M. G. de, “Zu einer engeren Zusammenarbeit…”; Leber G., “Le chemin de fer…”. 32 “Erklärung der französischen Delegation zur Zusammenarbeit zwischen den Eisenbahnen der Mitgliedsstaaten” at Council meeting 4 Jun 1970, BA KO B108/52907, p. 2. 33 “Note der niederländischen Delegation hinsichtlich kurzfristig zu ergreifender Maßnahmen zur beschleunigten Verwirklichung einer gemeinsamen Verkehrspolitik” at Council meeting 4 Jun 1970, BA KO B108/52907; see also Bruin M. G. de, “Zu einer engeren Zusammenarbeit…”; Bruin M. G. de, “Experiences of 50 years of cooperation, orientations to the future”, in Rail International, 1972, p. 723-729. 34 Statement by the grouping of the railways of the 6 EEC Member States to the EEC Council, 8 Oct 1971, p. 3- BA KO B108/52907. 31 68 Issues and instruments for international rail development but their statement made it clear that they preferred to work together in the existing arrangements as separate entities. A detailed description of current activities, studies and objectives for the coming years was attached to support their claim. Reference was repeatedly made to the UIC’s activities, which would also provide a more suitable geographical area of reference than the six EEC states 35. This “pragmatic” approach can be traced back mainly to German interventions, both from the Department of Transport and the Bundesbahn headquarters 36. In a letter from 15 September 1970 37, the president of the Bundesbahn, Oeftering, recommended that his colleagues welcome the proposals in principle, but work against the establishment of new international organisations (which had been suggested by other countries) to promote cooperation. Nevertheless, according to Oeftering, new working groups and a closer contact of the EEC members’ railways within the UIC should be developed. The German Department of Transport was prepared to agree with the French proposals, but quite explicit in its rejection of the Dutch ideas, which were seen as an illegitimate attempt to increase the Netherlands’ influence on freight traffic to and from the North Sea ports. Any “brainwashing” of the railways and any attack on their commercial independence would be unacceptable 38. The practical scope of this debate was to prevent the Community from formulating too detailed and demanding expectations regarding the railways’ future international collaboration. The EEC Council discussion reflects the different opinions on how much should be expected from them, but the resolution itself also contained alternative wordings on who should be obliged to report on progress 39. Even this issue was regarded with scepticism on the German side because it feared that overly comprehensive and detailed reports could lead to conclusions As before, p. 8. The records in the German archive do not contain detailed information from the other EEC’s railways, but minutes from full group meetings show that Italy, Luxemburg and Belgium agreed with the German position in the subsequent debate. Cf. BA KO B108/52907. 37 Cf. BA KO B108/52907. 38 The term “Gehirnwäsche” (brainwashing) is used in the internal minutes of BMV, unit E2, meeting of transport issues group, Brussels 16 Sep 1970, BA KO B108/52907. On Dutch interests regarding port access, see letter of BMV unit E2 to unit A3, 13 Jul 1970, p. 9 seq., and undated memo of BMV units A3 and E2 - all BA KO B108/52907. 39 “Entwurf für eine Entschließung des Rates über die Zusammenarbeit zwischen den Eisenbahnen” (R/2437/d/70), and minutes of Council discussion on 8 Oct 1970, BA KO B108/52907. 35 36 69 Martin Schiefelbusch which might endanger the railways’ independence 40. As evident from the second draft of the resolution, the railways’ pressure on their counterparts was successful: the final document of 1972 contained numerous requests for the railways to report on or better investigate possible cooperation in various fields, but placed no formal obligations on them 41. Protecting their “independence” from government interventions and control was an interest shared by many European railways, but the German Bundesbahn’s (DB) insistence on this issue is bewildering for two reasons: first, at the same time, DB complained about insufficient financial support from the government. Second, the Bundesbahn was actually among those with the least commercial freedom and the largest dependence on government approval for its actions 42. Market environment The changes in the competitive environment of the railways constituted an important topic in the industry’s reflection on its potential future role. Commentators in the period around 1970 were aware that the railways had experienced a period of decline not only in their market share, but also in terms of perception among users and policymakers. Public interest and confidence could not be taken for granted anymore 43. The loss of their monopoly position was acknowledged in the industry, leading to a debate on what the future role of rail could be in a world where road transport was continuously gaining market share. Another factor which in the end worked against a pro-active approach to international cooperation was the reliance of railway managers on regulation and other types of state intervention as a means to combat losses of market share 44. As above, p. 4 of minutes. Draft translation in internal document, BMV unit E2, BA KO B108/52907. 42 Mäger F.-O., “Die Deutsche Bundesbahn als Verkehrsunternehmen”, Gegenwarts kunde. Zeitschrift für Wirtschaft und Schule, vol. 14, 1965, p. 111-122; Kopper C., Die Bahn im Wirtschaftswunder. Deutsche Bundesbahn und Verkehrspolitik in der Nachkriegsgesellschaft, Frankfurt am Main: CampusVerlag, 2007. 43 Laccarière P., “L’avenir…”. 44 E.g., UIC, Die Lage der europäischen Eisenbahnen. Maßnahmen aus der Denkschrift des UIC vom Februar 1951, Anregungen für in Aussicht zu nehmende neue Maßnahmen, Bundesarchiv Koblenz, B121/493/UIC, Die Lage der europäischen Eisenbahnen von 1953, Bundesarchiv Koblenz, 1953, B121/493; Kopper C., “Die Bahn im…”. 40 41 70 Issues and instruments for international rail development The competitive situation clearly influenced the debate on promising markets for rail. Sometimes this was expressed positively as “areas of competitive advantage” 45, but occasionally also by an explicit acknowledgement that certain activities should be given up 46. Such considerations were developed at about the same time both on the European level and within the different countries, and often led to new policy guidelines or reports on future rail and transport (e.g. the well-known Beeching report in Britain, the Nora report on the French railways, and the transport policy programme developed in Germany after the new Minister Georg Leber took office in 1969) 47. Long distance traffic, container trains and some other aspects of freight transport, and local passenger services in agglomerations were usually recognised as markets with potential for rail. Even within these segments, however, a need for some consolidation and withdrawal of unprofitable activities was considered necessary 48. While the reductions discussed affected mainly short-distance and rural traffic, this does not mean that the long-distance sector was generally seen as an interesting market. International services were not necessarily addressed explicitly. Service development Despite of the negative developments in rail’s market share, the period under review was also a time of progress. Steam traction was replaced by electricity and combustion engines, and the mainline infrastructure was modernised. These technical issues were also discussed on a supra-national level, even though common standards could not always be achieved. One “visionary” strategy for offering something new on this market is clearly the Trans Europ Express or TEE network of fast premium train connections between different European states. This was introduced with the summer timetable of 1957, following an idea first set out by the president of the Dutch Railways, Den Hollander, in 1953. His idea was to connect the most important cities in Europe with a network of fast, direct Lacarrière P., “L’avenir…”, p. 367. UN ECE, Inland Transport Committee, sub-committee “Railways”, Secretariat’s note - W/TRANS/SC2/220, p. 3 seq., BA KO B108/28977. 47 Cf. Kopper C., “Die Bahn im…”, p. 30, Zeilinger S., Wettfahrt auf der Schiene. Die Entwicklung von Hochgeschwindigkeitszügen im europäischen Vergleich. Deutsches Museum – Beiträge zur Historischen Verkehrsforschung, Frankfurt am Main: Campus, 2003, p. 98 seq. 48 UN ECE, Inland Transport Committee, sub-committee “Railways”, Secretariat’s note - W/TRANS/SC2/220, p. 3 seq., BA KO B108/28977. 45 46 71 Martin Schiefelbusch passenger trains of a premium standard, to create yet another symbol of collaboration among Europe’s railways 49. The seven administrations that agreed on the TEE’s introduction 50 formulated a set of quality standards for this service 51. The TEE network was to expand further in the following years, also into countries not yet served, but gradually shrank from the early 1970s onwards, until services officially ended in 1987 52. In terms of integration and standardisation, it is worth noting that the original concept underwent significant changes both before it was first implemented and during its existence, making these “standards” very flexible. The most important deviation from the original concept was the provision of services by the national operators on their own (with bilateral technical collaboration), whereas Den Hollander had originally envisaged TEE trains being run by a new “European” company jointly owned by the national administrations. In the debate that followed, it quickly became clear that the proposed new type of service was welcomed, but that the formation of a separate company was c onsidered too difficult and not necessary 53. The topic was picked up again in the late 1960s in the debate on the railways’ future on the passenger market. In these discussions on a new “standard” model for international passenger services, the TEE concept was still an important, apparently unchallenged model 54, although the first route closures were to be discussed almost at the same time. Working group members agreed that a similar model, but with a wider “Une page nouvelle dans l’histoire du Chemin de fer: le Trans-Europ-Express”, Bulletin de l’Union Internationale des Chemins de Fer, vol. 28, n° 6, 1957, p. 177-178; Ratter J., “The continental…”, p. 73; Bruin M. G. de, “Zehn Jahre TEE…”, p. 303. 50 Belgium, France, Federal Republic of Germany, Italy, Luxemburg, Netherlands, Switzerland. 51 Huber E. W, “Zur kommerziellen Gestaltung des Trans-Europ-Express-Dienstes”, Die Bundesbahn, 1957, p. 598-601; Stöckl F., Trans-Europ-Express. Der Werdegang des TEE-Betriebes, Augsburg: Rösler & Zimmer, 1971; Steenwinkel M. de, “L’organisation du service du Trans-Europ-Express”, Bulletin de l’Union Internationale des Chemins de Fer, vol. 28, n° 6, 1957, p. 180-186; Bruin M. G. de, “Zehn Jahre TEE…”, p. 303. 52 For details, see Mertens M., Trans Europ Express, TEE, Düsseldorf: Alba, 1987; Stöckl F., Trans-Europ-Express… 53 Kopper, C., “Die internationale Zusammenarbeit der Deutschen Bundesbahn”, in Ambrosius G., Neutsch C., Henrich-Franke C. (Hg.), Internationale Politik und Integ ration europäischer Infrastrukturen in Geschichte und Gegenwart, 1. Aufl. BadenBaden: Nomos, 2010, p. 213-231. 54 Note of the GPC to the Pushing Group on issues raised by Mr Wichser (SBB), attachment 4 to agenda of Pushing Group meeting 1 June 1970 (original German), DOC UIC 1375. 49 72 Issues and instruments for international rail development commercial outreach, in particular regarding non-premium customers, would be desirable. But there was no agreement on what this model might look like. At the time of these discussions, the “Intercity” (IC) brand had been introduced for fast, high-quality domestic trains in Germany 55, Britain 56 and some other countries. The first German IC network (introduced in May 1971) consisted of several fixed routes where first class-only trains operated at 2-hour intervals with consistent speeds and stopping patterns. In the UIC’s discussions of the early 1970s, this concept was one of the options discussed, but participants could neither agree on it nor find a convincing alternative. The group’s work was also criticised by insiders. Some initiatives to analyse the decline of international traffic in the 1960s had led to insufficient responses by the member administrations, and efforts to obtain precise data were not taken far enough 57. The wide range of topics was beyond the scope of the restricted time and resources its members could devote to their work 58. On the other hand, the coordination between the different UIC bodies was criticised as leading to unnecessary duplications. In 1971, the GPC’s president resigned because of the lack of support and progress 59. Already in 1967, a “Commission for Prospective Research” had been set up following a decision by the UIC to develop conceptual long-term planning. It submitted its report to the Executive Committee in March 1970 60. Under the presidency of the French SNCF, a survey of member administrations’ activities and ideas was conducted. Regarding the status quo analysis, a convergence of ideas and tendencies regarding the improvement and development of the rail offer was noted. However, compared to the fast development of international transport by other modes, the results achieved in the rail sector seem less impressive. Gall, L. P. (Hg.), Pohl M., Die Eisenbahn in Deutschland…. Shin, H., InterCity: the regeneration of Britain’s railways, 1950s-1970s, 8th T2M Annual Conference, New Delhi, December 2010. 57 Minutes of Commercial Conference on Passenger Services, section on the analysis of international passenger traffic (original French), Basel, 23 Sept. 1968, p. 146, DOC UIC 3902. 58 Method of working of GPC, attachment B to agenda of 14 Dec 1970 (original: German), DOC UIC 1377. 59 Letter of Mr Weber to Mr de Bruin as acting president of the Pushing Group, attachment C to PG meeting 7 June 1971 (original German), DOC UIC 1372. 60 UIC Recherche Prospective, “La recherche prospective dans les chemins de fer”, Revue générale des chemins de fer, 1970, p. 537-553; “Le Comité de gérance de l’Union Internationale des Chemins de fer”, Rail International, n° 4, 1970, p. 273-274. 55 56 73 Martin Schiefelbusch Analysis and outlook If we compare these findings, the role of the “international dimension” in the two periods shows interesting differences. Simplifying as far as possible we may conclude the following: in the first period, no common vision – in the form of a commonly discussed and agreed document – emerged from the documents studied. No call for such a vision could be identified either. On the other hand, the “internationality of railways” was practised in various ways, in particular through the ongoing expansion of networks and services and through the necessary evolution of cooperation within the industry. This “internationalising” tendency arguably kept pace with the evolving needs of the public. The fact that rail development was to a larger extent driven by profit-oriented both public and private interests certainly contributed to this, and may explain why international issues were less controversial. The references made to the situation in other countries in the Zeitung’s articles show that, as a frame of reference and source of ideas, international exchange was lively and useful. In the second period, not one but several visions were put forward (from technical cooperation via service standards to a pan-European rail operator), but on the whole the outcome was less impressive. In the 1950s, railway industry leaders were caught up in the enthusiasm for European integration like many others, and developed the TEE brand as their contribution. At the same time, however, as shown in section 3, rail lost ground in the transport sector. Industry leaders had some of the railway managers as their allies, and in the early 1970s the first plans for a European network were presented at last. However, the references in this paper also show that the rail industry did not agree on the way forward in every respect. While this might not have been a major problem in itself, it is also evident from the sources that the future vision for the industry was closely linked to influence and control. Influential parts of the industry tried to prevent the formation of new, competing bodies and to keep the role of outsiders to a minimum. Thus there may have been visions, but no visionaries to implement them. 74 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux (CFF) durant la Seconde Guerre mondiale – Entre concurrence fantasmée et coopération effective Gilles Forster, HEAD – Genève (HES-SO) Abstract : Rail transit through Switzerland increased significantly during World War II (the volume of transit traffic was four times pre-war volumes). This article highlights the main reasons behind the growth: the historical and geostrategic context, the law and the policy of neutrality, the financial interests of the Swiss Federal Railway (SBB), and competition in international freight transport. Through its specific focus on the economic perspective, the article provides a new point of view of Swiss transport policy during World War II. Comment expliquer la très forte croissance du trafic à travers la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale ? En quoi la concurrence, principalement de la ligne ferroviaire du Brenner, constituet-elle un facteur explicatif de l’augmentation du trafic par le Gothard et le Loetschberg-Simplon ? Voici quelques-unes des interrogations auxquelles cet article a l’ambition d’apporter réponse. Mais avant, il convient de décrire l’augmentation du trafic international en Suisse pendant la guerre et les différentes raisons qui expliquent cette croissance inédite. Outre la concurrence, nous en avons déterminé trois : le contexte historique et géostratégique, le droit et la politique de neutralité et les intérêts financiers des Chemins de fer fédéraux (CFF). En conclusion, nous discuterons de la notion de concurrence dans ce contexte particulier. Auparavant, un bref rappel du rôle des chemins de fer durant la Seconde Guerre mondiale s’impose. 75 Gilles Forster Le quasi-retour au monopole des chemins de fer durant la Seconde Guerre mondiale Alors que depuis les années 1920, mais surtout 1930, le trafic routier s’érige en véritable concurrent du train, tant pour le trafic marchandises que de personnes, la guerre et ses restrictions vont consacrer le chemin de fer comme « l’unique moyen de transport » 1. Les carburants liquides qui sont désormais – et dans toute l’Europe – réservés aux seuls convois militaires font disparaître tout mode de transport concurrent. L’historien Philippe Burrin estime ainsi que le Troisième Reich est avant tout un empire ferroviaire 2. Cette nouvelle réalité va se traduire concrètement par une très forte augmentation du trafic ferroviaire international à travers la Suisse. Tandis que durant les années 1930 les volumes transportés plafonnent entre 2 et 3,54 millions de tonnes 3, la guerre va représenter une rupture. Le bond quantitatif (jusqu’à plus de 8 millions de tonnes) est remarquable. Le volume record de 1941 ne sera rejoint qu’en 1965, et il faudra attendre douze ans – de 1945 à 1957 – pour transporter autant de marchandises en transit que durant la Seconde Guerre mondiale, soit environ 32 millions de tonnes 4. Entre 1940 et l’été 1943, le volume de ce transit nord‑sud est en moyenne près de quatre fois plus important qu’en 1938 5. À lui seul, le charbon constitue 90 % du trafic entre 1938 et 1940 et plus des trois-quarts ensuite 6. « Die Eisenbahn als einziges Transportmittel », p. 12, Bundesbahnen im Kriege, Archives fédérales suisses (AF), E 8300 (A) 1998/246, vol. 75a. Le thésaurus a été effectué par les Archives fédérales suisses. Les cotes ont été changées lors du transfert de ces fonds à la Fondation pour le patrimoine historique des CFF. Des tables de conversion permettent néanmoins de retrouver les documents. 2 Burrin Philippe, in Association pour l’histoire des chemins de fer (AHICF), Une entreprise publique dans la guerre : la SNCF, 1939-1945, Paris : Presses universitaires de France, 2001, p. 173. 3 Burkhardt Peter, Der schweizerische Gütertransitverkehr – Eine Untersuchung über die Bedeutung des schweizerischen Eisenbahn und Strassennetzes für den europäischen Güterverkehr, Winterthour : P.G. Keller, 1960, p. 29. 4 Forster Gilles, Transit ferroviaire à travers la Suisse (1939-1945), Zurich & Lausanne : Chronos & Payot, 2001, p. 42‑44 ; Forster Gilles, « L’importance de la ligne du Gothard pendant la Seconde Guerre mondiale », in Panzera Fabrizio, Romano Roberto (a cura di), Il San Gottardo. Dalla galleria di Favre all’AlpTransit, Bellinzone : Salvioni, 2009, p. 133‑139. 5 Moyenne de 1938 : 108 000 tonnes. Moyenne mensuelle de 1940 à juillet 1943 : 423 000 tonnes. Données : « Statistische Ausgabe für internen Gebrauch », AF, E 2001 (D) -/3, vol. 348 ; « Notiz Mitteilung von Herrn Stabler », AF, E 2001 (D) -/3, vol. 347. 6 Transit de charbon entre 1938 et 1940 : 7 927 000 tonnes ; transit total nord‑sud : 8 776 000 tonnes. Entre 1941 et 1944, transit de charbon : 16 739 000 tonnes ; transit total nord‑sud : 21 860 000 tonnes. 1 76 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux Graphique 1 : Évolution du trafic ferroviaire de transit à travers la Suisse en millions de tonnes nettes (1885‑1980) mio t 12 10 7 6 5 4 3 2 1 0 1885 90 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 Source : Ratti Remigio, « Les relations commerciales européennes à travers les Alpes : l’espace de marché du Saint-Gothard », in Dokumente und Informationen zur Schweizerischen Orts-, Regional- und Landesplanung (DISP), n° 68, Zurich, 1982, p. 26. Tous parcours confondus, c’est toutes les vingt minutes qu’un train de charbon se met en route d’Allemagne vers l’Italie, soit 72 trains par jour 7. Il passe ainsi entre 1 000 et 1 500 wagons par jour, avec des pointes à 1 800 8. On imagine sans peine les problèmes techniques que pose un pareil trafic. Le charbon n’est pas seul en cause. L’économie de guerre de l’Italie dépend encore de l’importation de métaux, fer et acier surtout, et de Piekalkiewicz Janusz, Die Deutsche Reichsbahn im Zweiten Weltkrieg, Stuttgart : Motorbuch Verlag, 1979, p. 107 ; Rieder Maximiliane : « Zwischen Bündnis und Ausbeutung – der deutsche Zugriff auf das norditalienische Wirtschaftspotential 1943‑1945 », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, Tübingen, 1991, Bd 71, p. 628. 8 Tanner Jakob, « Or & Granit. La défense nationale et les liens économiques entre la Suisse et le Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale », Les Annuelles, Lausanne, 1990, p. 38. 7 77 Gilles Forster céréales 9. Le transit des métaux croît sensiblement durant les hostilités. Entre 1941 et l’été 1943, la Suisse en voit passer entre 950 000 et 1,1 million de tonnes 10. Le tunnel du Gothard offre en effet le lien le plus direct entre les grands centres sidérurgiques allemands et le pôle industriel italien le plus dynamique 11. Enfin, pour l’Italie qui connaît des conditions alimentaires particulièrement précaires, le partenaire allemand expédie en 1943 300 000 tonnes de céréales, dont tout laisse supposer que la plus grande partie est passée par la Suisse 12. Dans le sens sud-nord, le trafic augmente également fortement, surtout avec le pillage économique de l’Italie qui se met en place à partir de l’invasion allemande de septembre 1943. Ce trafic répond toutefois à une logique spécifique qu’il est difficile de mettre en relation avec celui du Reich vers la Péninsule. Du reste, les autorités suisses ont reconnu les bouleversements et adopté une politique différenciée. Pour ces raisons, le trafic sud-nord ne sera pas traité dans le présent article 13. Le contexte historique et géostratégique D’un point de vue géographique, la Suisse se situe véritablement entre les deux puissances de l’Axe que sont le Troisième Reich et l’Italie mussolinienne (cf. carte 1). Avec la guerre, les relations économiques entre les deux régimes se resserrent grandement. L’historienne Angela Raspin le souligne : « L’Allemagne était de loin le principal fournisseur de l’Italie, et l’Italie le plus gros client de l’Allemagne. » 14 Le rapprochement italo-allemand se traduit principalement par l’envoi de charbon allemand à destination de l’Italie qui en est presque « Das Entscheidende sei, dass die fünf Schlüsselpositionen der italienischen Kriegs wirtschaft, nämlich Kohle, Eisen und Stahl, Mineralöl, Aluminium, und Kautschuk gesichert seien. » (Botschaft in Rom – Auswärtiges Amt, 22 février 1941, Akten zur deutschen auswärtigen Politik (ADAP), D12, n° 71, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1969, p. 104‑107, p. 105). 10 On estime qu’entre 45 % (1941) et 76 % (1942) des importations italiennes de fer brut passent par la Suisse. Forster Gilles, Transit…, p. 64‑65. 11 Tissot Laurent, « Les traversées ferroviaires alpines suisses et leur rôle sur l ’économie européenne (1880‑1939)», Histoire, économie et société, no 1, 1992, p. 95. 12 Forster Gilles, Aspects internationaux du trafic ferroviaire suisse pendant la Seconde Guerre mondiale : enjeux humanitaire, économique, politique et stratégique, thèse de doctorat, Université de Bâle, 2004, p. 78‑79. 13 Sur le trafic sud-nord, on peut se référer à Forster Gilles, Transit…, p. 91‑110 ; Forster Gilles, Aspects…, p. 110‑129. 14 Raspin Angela, The italian war economy with particular reference to italian relations with Germany, New York : Garland Pub., 1986, p. 378. 9 78 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux totalement dépourvue. En février 1939, l’Allemagne s’engage à lui fournir 12 millions de tonnes par an. Or à cette date, ce ne sont encore que 26 % de ces exportations qui empruntent le rail ; le reste est acheminé par voie maritime via le détroit de Gibraltar. Mais avec le blocus maritime anglo-saxon de mars 1940, les Allemands sont obligés de tout expédier à travers les Alpes, un million de tonnes mensuelles, et uniquement par chemin de fer 15. C’est alors que le transit à travers la Suisse prend une importance stratégique cruciale : le charbon allemand est désormais indispensable à la survie économique de l’Italie et « le ravitaillement en charbon n’est plus un problème de production, mais de transport » 16. Transports qui sont, comme le remarque le ministre de la Propagande Goebbels, la clef de la guerre 17. Si l’on compare les volumes en transit et le total des importations italiennes, c’est plus de 45,5 % des importations italiennes de charbon qui traversent la Suisse 18. Les données fournies par Carl Clodius en septembre 1943 nous indiquent la proportion voisine de 42,7 % 19. En outre, la part du charbon en transit a tendance à augmenter au cours de la guerre. Avant le conflit, la part suisse n’était que d’environ 15 % ; elle dépasse deux fois les 50 % pour les trois premières années des hostilités. Elle atteint même 62 % en 1944. Par rapport au charbon consommé en Italie, on remarque qu’environ un quart a transité par la Suisse entre 1940 et 1943 et que cette proportion frôle les 50 % en 1944. C’est donc lorsque l’Italie est occupée par les nazis et que son économie est complètement asservie à une stratégie de guerre totale que son approvisionnement dépend le plus des liaisons transalpines suisses. Les lignes du Loetschberg-Simplon et du Gothard sont en effet avec le Brenner les principales voies de transports ferroviaires reliant les deux pays (cf. carte 1). Aufzeichnung Schmidt (Büro RAM), 10 mars 1940, ADAP, D8, n° 665, BadenBaden & Frankfurt/Main : P. Keppler, 1961, p. 695‑702. Sur la prise de conscience par les autorités suisses des conséquences de ce changement : Masson au Département politique, 19 mars 1940, Documents diplomatiques Suisses (DDS), vol. 13, n° 254, Berne : Benteli, Cop. 1991, p. 599‑601. 16 Raspin Angela, The italian war economy…, p. 147. 17 Cité par Hildebrandt Klaus, « Die Deutsche Reichsbahn in der nationalsozialistischen Diktatur 1933‑1945», in Gall Lothar, Pohl Manfred (eds.), Die Eisenbahn in Deutschland : von den Anfängen bis zur Gegenwart, Munich : C.H. Beck, 1999, p. 224. 18 Forster Gilles, Transit…, p. 58-60. 19 Clodius indique qu’entre le 1er avril 1940 et le 31 août 1943, la quantité de charbon livrée aux Italiens est de 40 260 000 tonnes. C’est à partir de cette donnée que nous trouvons la proportion de 42,7 % (Aufzeichnung Clodius, 11 septembre 1943, ADAP, E6, n° 309, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1979, p. 528‑532). 15 79 Mont-Cenis Nice Lausanne SUISSE 80 Gênes Milan Chiasso ITALIE Bregenz Florence Bologne Verone Bolzano San Candido Brenner Innsbruck ALLEMAGNE Villach Venise Trieste Udine Piedicorte Tarvisio Spital Source : Forster Gilles, Transit ferroviaire à travers la Suisse (1939‑1945), Zurich & Lausanne : Chronos & Payot, 2001, p. 169. Vintimille Turin Simplon Gothard Goldau Zurich Schaffhouse Lucerne Loetschberg Bienne Bâle Carte 1 : Lignes ferroviaires directes entre l’Allemagne et l’Italie (1938‑1945) Klagenfurt Ljubljana Assling Gilles Forster Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux Dans ce contexte, les voies suisses présentent quelques avantages 20. Le premier repose sur la situation géographique des tunnels helvétiques : ils offrent la liaison la plus directe entre les grandes régions industrielles du bassin rhénan et de la Lombardie. Le deuxième atout est la capacité de transport des voies suisses : le Gothard et le Simplon supportent des trains de 1 200 tonnes, alors que la capacité du Brenner ne dépasse guère 750 à 850 tonnes. Le chef des renseignements de l’armée suisse, le colonel Masson, souligne la faiblesse relative du Brenner. En mars 1940, il estime que celui-ci ne peut assurer plus de 30 % du transport de charbon pour l’Italie. Le troisième avantage des infrastructures ferroviaires suisses tient à leur performance. Le réseau helvétique servant au transit est électrifié, la ligne du Gothard presque entièrement doublée. Il n’en est pas de même au Brenner. L’électrification du réseau permet à la Reichsbahn d’économiser de l’énergie et de bénéficier de la traction des locomotives suisses pour rallier l’Italie. Un droit et une politique de la neutralité favorables au développement du trafic ferroviaire international Le deuxième facteur qui explique la forte croissance du trafic est le contexte juridique. De manière générale, les conventions du Gothard et de La Haye qui régissent ce trafic prévoient la liberté de transit. Certains articles permettent néanmoins aux autorités de la limiter en temps de guerre. L’article 2 de la cinquième Convention de La Haye de 1907 précise en effet qu’il « interdit aux belligérants de faire passer à travers le territoire d’une Puissance neutre des troupes ou des convois soit de munitions, soit d’approvisionnements ». La Suisse a respecté à la lettre cet article. À aucun moment, elle n’a toléré – à la différence de la Suède – le passage de troupes, d’armes ou de munitions. En revanche, l’interprétation du terme, assurément imprécis, d’« approvisionnements » a posé problème. Berne l’a d’abord interprété dans son sens étroit, celui des « approvisionnements » directement liés aux combats, soit des armes, munitions, véhicules de guerre. Mais à partir de 1943, et sous la pression des Alliés, fut adopté un sens progressivement plus large englobant les biens qui faisaient l’objet de la guerre économique. Des marges de manœuvre existaient pour réduire le trafic. Elles n’ont pas ou peu été utilisées 21. Forster Gilles, Transit…, p. 41‑42. Schindler Dietrich, « Fragen des Neutralitätsrechts im Zweiten Weltkrieg », in Commission indépendante d’Experts Suisse – Seconde Guerre mondiale (éd.), 20 21 81 Gilles Forster Au-delà des discussions juridiques et des interprétations de ces conventions, il est utile d’analyser la liberté de transit aussi comme un élément de la politique de neutralité. Le Conseil fédéral, seul juge en la matière, octroie le libre transit à travers le Gothard et le Simplon en espérant obtenir la même chose pour les exportations suisses et les produits à destination de la Suisse qui doivent traverser le Reich et les territoires sous son contrôle. Dans les faits, cela ne fonctionne pas vraiment. Avant janvier 1945, il n’est jamais fait de lien entre importation et transit 22. Cela n’empêche pas les autorités fédérales, les CFF et les différents acteurs de se montrer très attachés à la notion de liberté de transit, dont l’interprétation bénéficie pleinement aux transports allemands. En effet, pour les CFF, cette liberté signifie « l’obligation de transporter tout ce qu’ils [les CFF] sont à même de transporter » 23. Elle se traduit sur le terrain par une série de pratiques et de décisions concrètes. D’une part, il y a la faiblesse, voire l’absence d’un contrôle sérieux du trafic de transit. Le manque de collaboration entre Douanes et CFF et les contraintes techniques liées au grand trafic l’expliquent. La densité de circulation des trains était telle qu’une immobilisation prolongée à des fins d’inspection aurait paralysé le trafic. En refusant jusqu’à la fin de la guerre un examen frontalier des marchandises, les autorités fédérales font primer le trafic sur son contrôle 24. Dans le même sens, il y a la décision d’accepter, à partir de juillet 1940, la circulation en transit des wagons chargés d’une tonne supplémentaire à la limite autorisée. Ainsi, les CFF prennent le risque d’accidents pour lutter contre le manque chronique de matériel roulant de la Reichsbahn 25. Ou encore, les exceptions accordées par le Conseil fédéral aux chemins de fer en matière d’obscurcissement. Elles visent, La Suisse, le national-socialisme et le droit, vol. 1 : Droit public, Zurich : Chronos, 2001, p. 79‑126 ; Forster Gilles, Transit…, p. 44‑48 ; Forster Gilles, Aspects…, p. 58‑63, p. 199‑202. 22 Forster Gilles, Transit…, p. 55‑56. 23 Paschoud Maurice, Procès-verbal du conseil d’administration (PVCA) des CFF du 29 mai 1941, p. 6. AF E 8300 (A) 1999/78, vol. 165. 24 Ce que déplore un officier : « Tant que la frontière reste ouverte, les trains la passent sans y être contrôlés. Des accords ont en effet été passés avec les pays voisins pour désigner les gares, soit sur notre territoire soit sur le leur, où auront lieu les contrôles. Un contrôle ne sera opéré à la frontière que lorsque celle-ci sera fermée. » Züblin (major EMG, chef de la section des opérations de l’État-major général de l’armée) au colonel EMG Streiff, 10 juin 1944, AF, E 27, vol. 13187. 25 Mierzejewski Alfred Carl, The most valuable asset of the Reich : a history of the German National Railway, vol. 2 (1933‑1945), Chapel Hill N.C : The Univ. of North Carolina Press, 2000 p. 90, p. 116. 82 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux elles aussi, à augmenter le trafic sur les axes de transit. Comme le dit Marcel Pilet-Golaz, ces exceptions conduisent néanmoins à « […] une contradiction entre obscurcissement des villes et celui de[s] voies ferrées » 26. Ces différents exemples illustrent le très large consensus qui existe chez les différents acteurs en matière de transit 27. Une perspective financière intéressante ? La forte augmentation du trafic peut également s’expliquer par l’intérêt financier qu’on y trouve. La perspective d’importants revenus provenant du transit est en effet rapidement jugée intéressante. Ainsi, dès avril 1940, le colonel Simon de la Section des chemins de fer constate que : « La Suisse, elle aussi, a un intérêt financier à accepter un trafic aussi grand que possible ; un train de 100 essieux en transit pour l’Italie laisse un bénéfice de paraît-il fr. 9 000. » 28 La situation financière difficile des CFF dans l’entre-deux-guerres explique certainement cet intérêt. Le trafic international lui permet de sortir enfin des chiffres rouges. Ce fait n’est pas passé inaperçu auprès des autorités allemandes. En février 1944, le SS-Brigadeführer Harster écrit au Reichssicherheitshauptamt (RSHA) que : « Dans l’entourage du délégué général à l’armement et à la produc tion de guerre, à Milan, on a appris que le trafic de transit intéresse la Suisse elle-même, notamment parce qu’il permettrait de renflouer les caisses des Chemins de fer fédéraux dont la situation financière n’est guère reluisante. » 29 Du point de vue des finances globales des CFF, il faut néanmoins relativiser l’intérêt financier du trafic de transit. Ce n’est pas par cupidité que les CFF y consentent. Ce trafic représente au maximum 16 % des recettes totales (contre 3,7 % en 1930 et 6,4 % en 1938). De plus, les Italiens et les Allemands payent mal. Inclus dans le clearing italo-suisse depuis le 1er juillet 1940, le compte spécial concerné est chroniquement Notice de Pilet-Golaz concernant la visite du chargé d’affaires d’Italie, M. Allessandrini, 25 mars 1943, AF, E 2809 (-) -/1, vol. 3. 27 Forster Gilles, Aspects…, p. 80‑83. 28 Colonel Simon au sous-chef d’État-major transports, 8 avril 1940, AF, E 27, vol. 13187. 29 Dr Harster (SS-Brigadeführer u. Generalmajor d. Polizei), à RSHA, 25 février 1944, Archivio Centrale dello Stato, Roma (ACS), archivi diversi, uffici di Polizia e comandi tedeschi in Italia, b.4, f. 3, stf 15, Transitverkehr Schweiz/Trasporti in transito per la Svizzera. 26 83 Gilles Forster Graphique 2 : Compte profits et pertes des Chemins de fer fédéraux en milliers de francs courants (1929‑1946) 40000 en milliers de francs courrants 20000 1929 0 -20000 1939 1930 1931 1937 -40000 -60000 -80000 1932 1933 1938 1934 1935 1940 1946 1941 1942 1943 1945 1945 1936 Source : Abschlüsse der Betriebsrechnung und der Gewinn- und Verlust rechnung 1903‑1948, Geschäftsbericht und Rechnungen der Schweizerischen Bundesbahnen, Bern : Generaldirektion SBB, 1948, p. 47. sous-alimenté par les autorités italiennes. Les administrateurs de la régie fédérale s’inquiètent vivement pour leurs créances 30. Considérant le transit comme « surtout une prestation d’ordre politique » 31, les CFF vont adresser leurs revendications en premier lieu au Conseil fédéral. Le vice-président du Conseil d’administration des CFF, Emil Klöti, estime alors : « Les Chemins de fer fédéraux ont avantage à faire valoir aux yeux du Conseil fédéral qu’il leur est impossible, du point de vue purement commercial, d’accepter le fardeau que constituent ces transports gratuits. » 32 À partir du 1er septembre 1942, les autorités obtiennent que les expéditions de charbon en Italie soient envoyées franco frontière italienne et qu’ainsi les frais de transport soient imputés au clearing Allemagne-Suisse. À la fin de la guerre, la Confédération détient tout de même, du fait du transit, des créances envers les pays vaincus, donc fort douteuses, de 89 millions de francs. Une somme considérable puisqu’elle dépasse le montant des recettes cumulées du transit de 1943 et 1944 33. Frech Stefan, Clearing : Der Zahlungsverkehr der Schweiz mit den Achsenmächten, Zurich : Chronos, 2001, p. 195‑206; Forster Gilles, Transit…, p. 145‑147. 31 Laur, PVCA des CFF, 19 mai 1942, p. 5, AF, E 8300 (A) 1999/78, vol. 167. 32 Klöti, PVCA des CFF, 19 mai 1942, p. 5, AF, E 8300 (A) 1999/78, vol. 167. 33 Frech Stefan, Clearing…, p. 195‑206 ; Forster Gilles, Transit…, p. 145‑147. 30 84 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux On peut aussi arguer que la grande proximité administrative et la « solidarité de métier » qui lient les compagnies allemande et suisse joue un rôle dans la forte croissance du trafic. Cette « solidarité de métier » entre administrations concurrentes a pu se développer par exemple au sein d’organisations internationales réglant les horaires et les échanges de matériel roulant. Le compte rendu d’une réunion tenue à Munich en janvier 1941 pourrait l’illustrer : « Les discussions se sont déroulées dans la même atmosphère de cordialité que celles des précédentes conférences. Les Allemands n’ont formulé aucune observation permettant de conclure qu’ils désiraient modifier quoi que ce soit à l’organisation de la Conférence européenne des horaires et par exemple confier la présidence à une autre adminis tration. Ils voudraient au contraire que cet organisme international fut reconstitué le plus tôt possible, et cela sous la présidence des Chemins de fer fédéraux. » 34 Si elle peut expliquer la relative facilité avec laquelle les autorités ferroviaires suisses accèdent aux demandes allemandes, cette proximité ne constitue certainement pas un facteur explicatif décisif de l’augmentation du trafic international. La lutte contre la concurrence étrangère apparaît par contre comme un facteur déterminant. Un marché concurrentiel qui requiert une politique commerciale offensive Lorsqu’on aborde la question de la concurrence, nous nous trouvons face à un paradoxe. Car, comme nous l’avons vu, le trafic est presque à la limite des capacités de transport et il n’est donc pas influencé ou influençable par la concurrence. Celle-ci est néanmoins vécue de manière forte par les CFF qui continuent, malgré la guerre, de percevoir le marché en terme concurrentiel. Ainsi, en septembre 1941, lorsque les CFF discutent de diminuer éventuellement le nombre de trains en transit, le représentant du service commercial s’indigne : « Le service commercial souhaite également que l’on évite, dans la mesure du possible, de diminuer le nombre de trains traversant notre territoire. Une telle diminution aurait pour effet, d’une part, de discréditer nos lignes de transit et, d’autre part, d’entraîner un manque à gagner qui pourrait se chiffrer en millions. Le discrédit jeté Réponse de Paschoud à une question de Walther, PVCA des CFF, 29 mai 1941, p. 5, AF, E 8300 (A) 1999/78, vol. 165. 34 85 Gilles Forster sur nos lignes de transit aurait en particulier des effets néfastes après la guerre, lorsque nous offrirons à nouveau nos services de transport. » 35 Cette compétition sur le marché ferroviaire international est significative des craintes causées par la volonté allemande de redessiner la carte ferroviaire européenne. Il est vrai que la Reichsbahn est perçue comme un acteur particulièrement dynamique. Dans le domaine des transports, comme dans la plupart des autres secteurs économiques, la prise de pouvoir de Hitler va coïncider avec un rétablissement rapide de l’économie. Les chemins de fer et, en particulier la Reichsbahn, contribuent à ce renouveau national et mettent en avant leurs performances techniques 36. Rappelons qu’en 1939, la Reichsbahn exploite les trente-deux trains les plus rapides d’Europe, dont le fameux fliegender Hamburger qui atteint les 160 km/h. Même si une composante de propagande est évidente, il est indéniable que la Reichsbahn est perçue comme un modèle par beaucoup de compagnies de chemins de fer européennes. La compagnie nationale allemande va aussi s’intégrer progressivement dans la réorganisation de l’économie européenne voulue par les nazis selon l’idée générale d’un Grosswirtschaftsraum. À cet égard, le réseau allemand à voie très large (Breitspur-Fernbahn) est exemplaire et suscite de fortes craintes. Diverses liaisons nord-sud sont en effet envisagées : un Hambourg-Berlin-Leipzig-Nuremberg-MunichLinz‑Vienne-Budapest-Belgrade-Bucarest-Istanbul et un Berlin-DresdePrague-Vienne 37. La Suisse serait alors contournée. Le fait que le Reich et l’Italie aient désormais une frontière commune renforce ces craintes. Le Conseil d’État argovien s’en inquiète en tous les cas : « Depuis que l’Allemagne et l’Italie ont une frontière commune au Brenner, la politique internationale des transports a sensiblement « Besprechung vom 1. September 1941 mit Herrn Schwalm vom Kommerziellen Dienst betreffend Herabsetzung der Anzahl Kohlenzüge Deutschland–Italien », AF, E 8300 (A) 1999/152, vol. 8. 36 Mierzejewski Alfred Carl, The most valuable asset… ; Mierzejewski Alfred Carl, « The German Nation Railways confronts its competitors (1920-1939) », Business and Economic History, no 25, 1996, p. 89‑102. 37 Bachelier Christian, La SNCF sous l’occupation allemande 1940-1945, 1996, chapitre 5-2-2 (disponible sur le site : www.ahicf.com) ; Gottwaldt Alfred, Julius Dorpmüller, die Reichsbahn und die Autobahn : Verkehrspolitik und Leben des Verkehrs ministers bis 1945, Berlin : Argon, 1995, p. 207 ; Joachimsthaler Anton, « Gigantomanie auf Rädern, Die Breitsspureisenbahn Adolf Hitlers », in Zug der Zeit – Zeit der Züge, Deutsche Eisenbahn 1835‑1985, Berlin : Siedler Verlag, 1985 ; Joachimsthaler Anton, Die Breitsspureisenbahn Hitlers : eine Dokumentation über die geplante trans kontinentale 3-Meter- Breitspureisenbahn der Jahre 1942‑1945, Freiburg in Br. : Eisenbahn Kurier Verlag, 1981 ; Hildebrandt Klaus, « Die Deutsche Reichsbahn… », p. 226. 35 86 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux changé et il est à craindre que le Gothard doive faire face à une forte concurrence. De nouveaux grands projets, telle la construction de la nouvelle ligne alpine Leermos–Imst–Landeck–Mals, sont évoqués et, vu le rythme auquel on construit en Allemagne nationale-socialiste, leur réalisation paraît loin d’être impossible. » 38 De larges milieux, y compris syndicaux, partagent ces appréhensions et la menace est même perçue comme provenant des pays occupés par l’Allemagne. En décembre 1940, le secrétaire général du syndicat des cheminots s’inquiète : « Un nouveau danger nous guette dans le domaine du trafic de transit : les puissances de l’Axe pourraient contourner la Suisse en passant par la France. » 39 Face à ces inquiétudes, les CFF vont poursuivre la politique d’alignement de leurs tarifs sur ceux de la concurrence. Le fait que la situation ne soit désormais clairement plus concurrentielle ne la modifie en rien 40. À noter que la concurrence peut aussi être interne à la Confédération. Lorsqu’en 1941, les CFF décident de faire passer une partie des convois de charbon par la ligne Bâle-Bienne-Lausanne-Brigue-Domodossola, les dirigeants de la Compagnie de chemin de fer des Alpes bernoises (BLS) se sentent floués et écrivent aux représentants des chemins de fer italiens et allemands pour se plaindre de cette décision 41. La question de la concurrence internationale n’est pas le seul fait du train. La concurrence fluviale est également prise au sérieux avec le développement de grands projets de réorganisation de la carte fluviale Le Conseil d’État d’Argovie au Conseil fédéral, 19 juillet 1940, AF, E 27, vol. 15188. Il faut préciser que le Conseil d’État argovien espère ainsi obtenir une amélioration de son réseau ferroviaire. 39 « Protokoll über die Sitzung des Verbandsvorstandes SEV vom 14/15. Dezember 1940 », p. 7, archives SEV. La place du Gothard, « épine dorsale du réseau CFF [et] première ligne de transit d’Europe », va être défendue dans le journal des cheminots en faisant abstraction du contexte politique :« Ainsi, pour leur permettre d’accomplir leur mission européenne, doit-on non seulement prendre les mesures tarifaires requises en l’occurrence, mais encore donner à ces lignes [de transit] le meilleur équipement possible. [On peut dès lors se réjouir de l’électrification qui] témoigne en effet que la Suisse est consciente du rôle que jouent ses voies de communication dans le cadre de l’économie européenne et qu’elle fut et qu’elle reste décidée à se montrer à la hauteur de sa tâche. […] Les chemins de fer suisses sont d’une telle valeur pour le pays et l’ensemble de l’Europe qu’il apparaît comme une des tâches capitales de l’État d’en poursuivre sans cesse le perfectionnement ». « La ligne du Gothard », in Le Cheminot, 3 janvier 1941. 40 Une tonne de charbon de la Sarre à l’Italie coûte 10,49 RM par la Suisse et 11,6 RM par le Brenner. Une tonne de charbon de la Ruhr à l’Italie coûte 13,7 RM par la Suisse, 12,9 RM par le Brenner et 16,7 RM par la France. Forster Gilles, Transit…, p. 130‑131. 41 Le chef de l’exploitation des CFF regrette le « peinlicher Eindruck » qu’a fait cette plainte à l’étranger. Forster Gilles, Transit…, p. 128. 38 87 Gilles Forster européenne 42. L’arrivée au pouvoir de Hitler fait éclore ou ressortir des tiroirs des projets de nouvelles liaisons. Par exemple une liaison compétitive entre le Danube et le Rhin – via l’Oder et un agrandissement du Ludwigskanal (Main-Donau). Ce projet inquiète en Suisse car il est en concurrence avec une liaison Danube-Rhin par le lac de Constance et Bâle. Nombre d’hommes politiques – jusqu’au sein du Conseil d’administration des CFF – vont alors tenter de réactiver la réalisation de la voie navigable du Haut-Rhin. Des personnalités de premier plan déposent des interpellations devant le Parlement et poussent les autorités à montrer que la Suisse entend compter au niveau des transports fluviaux européens. On évoque aussi un Haut-Rhône navigable, une liaison entre le lac Majeur et Venise ou encore un canal transhelvétique qui permettrait de relier le Rhône au Rhin par la Suisse. Aujourd’hui, cette concurrence paraît risible et ressemble davantage à un fantasme qu’à une réelle menace. Même si ces projets retournent rapidement dans les tiroirs, leur rôle dans l’augmentation du trafic de transit pendant la guerre ne peut être négligé. Conclusion : une intégration économique que peu de personnes ont su concevoir Pour conclure, la concurrence dans le marché international des transports ferroviaires durant la Seconde Guerre mondiale est assurément faible. Toutes les infrastructures sont mises à contribution suite au blocus britannique du Reich de mars 1940. Pour les Allemands, la question n’est pas de gagner des parts de marché. Pour eux, les voies suisses s’avèrent en effet indispensables à la réalisation de leur programme de transport. Utiliser les lignes helvétiques permet de bénéficier d’une grande capacité, de diminuer les manœuvres de formation de convois, et d’économiser une quantité substantielle d’énergie et de matériel de traction. Pendant un certain temps, ces transports ont même l’avantage d’être effectués gratuitement. La politique allemande vise à maximiser les transports vers l’Italie en organisant le trafic en fonction du territoire traversé. C’est ce que Forster Gilles, « Le canal du Rhône au Rhin, 1900‑2006. Projets, contextes et discours », in Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (Hg.), Verkehrsgeschichte/Histoire des transports, Zurich : Chronos, 2010, p. 291‑302 ; Forster Gilles, « Projets nazis de réaménagement des réseaux de transport européen et réactions suisses », in Polino Marie-Noëlle (éd.), Transports dans la France en guerre : 1939‑1945, Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2007, p. 122‑130 ; Forster Gilles, Aspects…, p. 171‑176. 42 88 Politique commerciale internationale des chemins de fer fédéraux j’appelle la stratégie de la double voie. En dirigeant vers la Suisse des armes et des troupes, les autorités du Reich auraient mis Berne dans l’embarras et l’auraient contrainte à prendre des mesures. En effet, la Convention de La Haye et un respect d’une neutralité également profitable à l’Allemagne 43 interdisent aux Suisses d’accepter de tels transports. La stratégie consiste alors à expédier charbon et matières premières par le territoire helvétique afin d’alléger le trafic des cols autrichiens et réserver ceux-ci aux transports d’armes et de troupes. C’est ainsi que pour le trafic du nord au sud des Alpes, la Confédération est intégrée au dispositif d’approvisionnement allemand de l’Italie 44. C’est un état de fait, pas forcément une volonté. Pourtant peu de personnes en Suisse ont, semble-t-il, été conscientes de cette stratégie et de cette réalité. Beaucoup ont préféré continuer à croire en la fiction d’une concurrence nécessitant de défendre la place des liaisons suisses. Peu de gens ont réalisé la coopération effective dans laquelle ils s’étaient lancés avec les autorités ferroviaires a llemandes. Les représentations mentales des acteurs expliquent ainsi en partie l’explosion du trafic ferroviaire à travers la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. Si les Suisses autorisaient les Allemands à faire transiter des armes et des troupes par leur territoire, les Alliés n’auraient aucune raison d’épargner la Suisse dans leurs bombardements. 44 Forster Gilles, Aspects…, p. 198‑199. 43 89 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU comme espaces d’harmonisation et de coordination des problèmes de transports dans l’entre-deuxguerres et l’après-Seconde Guerre mondiale Sébastien Gardon, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse Abstract : This article focuses on the emergence and evolution of transnational discussions concerning transport issues held at the international organizations in Geneva and later in New York. Specifically, it examines the role of technical committees, first under the League of Nations then the United Nations, as platforms for the coordination and harmonisation of national transport policies. Dès ses premiers développements, l’automobile suscite de fortes interrogations sur les plans économique, social et politique. L’essentiel des débats internationaux s’organise rapidement autour d’une vision technique du problème du développement automobile (par exemple à travers les questions de congestion ou d’accidents). Cette contribution propose de revenir sur les usages politiques d’une telle technicisation du débat par-delà les frontières nationales. Plus précisément, il s’agit d’étudier l’impact d’une formulation technique de la question du développement de l’automobile sur le choix des acteurs autorisés à animer et prendre part au débat. Notre étude repose sur l’exploitation de sources décrivant le travail quotidien d’associations, de commissions, de comités techniques et de groupes de travail liés principalement à la Société des Nations (SdN), puis à l’Organisation des Nations Unies (ONU) 1. En sciences sociales, peu de recherches se sont intéressées Plusieurs cartons d’archives de la SdN (A SdN) et d’archives de l’ONU (A ONU) ont été consultés à Genève (Suisse), plusieurs cartons d’archives ministérielles (AN) 1 91 Sébastien Gardon à la place et au rôle des comités et groupes de travail dans l’action publique que ce soit à l’échelle locale, nationale ou internationale. Quelques travaux ont analysé le fonctionnement des groupes de travail de l’ONU 2 ou la place des groupes d’experts européens 3, mais dans la plupart des études les commissions constituent plutôt une sorte d’impensé de l’action publique 4. Nous voudrions donc proposer une contribution à l’analyse du rôle des comités techniques dans un cadre international. Au-delà de l’étude du fonctionnement et de l’activité de ces comités techniques, cette contribution revient sur la naissance et l’évolution de ces scènes transnationales de discussion des problèmes de transport. Notre objectif est double. Il s’agit d’une part de montrer qui sont les acteurs et les institutions légitimés à intervenir au sein de ces espaces transnationaux de discussion des problèmes de transport. D’autre part, il s’agit de percevoir comment les enjeux nationaux ou politiques se trouvent médiatisés dans ce cadre par la construction d’une vision technique des problèmes débattus. Notre présentation suivra un fil chronologique présentant dans un premier temps l’espace d’échanges et de débats autour des comités techniques de la SdN, puis dans un second temps le renouvellement de cet espace à partir des groupes de travail liés à l’ONU. ont été consultés au Centre des Archives contemporaines de Fontainebleau (France), cf. Gardon Sébastien, Gouverner la circulation urbaine : des villes françaises face à l’automobile (années 1910‑1960), thèse de sciences politiques, IEP de Lyon, 2009, 678 p. Ce travail a été réalisé dans le cadre de l’ANR RESENDEM (coord. P. Griset) : Les grands réseaux techniques en démocratie, Innovation, usages et groupes impliqués dans la longue durée (France et Europe, fin xixe‑début du xxie siècle). 2 Voir sur ce point Bernardin Stève, Grafos Harrison, « Making the Automobile Safe for the World ? A Transnational Perspective on Car Safety Standards, 1958‑1998 », Entreprises et Histoire, vol. 2, n° 51, 2008, p. 69‑87 ; et Bernardin Stève, Grafos Harrison, « Car Safety Standards », in Iriye Akira et Saunier Pierre-Yves (eds.), The Palgrave Dictionary of Transnational History from the Mid-19th century to the Present Day, London : Palgrave Macmillan, 2009, p. 120‑122. 3 De Maillard Jacques, Fouilleux Ève, Smith Andy, « Technical or political: the working groups of the Council of ministers », Journal of European Public Policy, vol. 12, n° 4, août 2005, p. 609‑623 ; Robert Cécile, « Les groupes d’experts dans le gouvernement de l’Union européenne. Bilans et perspectives de recherche », Politique européenne, n° 32, p. 7‑38. 4 Soulignons toutefois les travaux de Jean Orselli (Usages et usagers de la route, Requiem pour un million de morts (1860‑2010), Paris : L’Harmattan, 2011, 600 p.) et ceux de Bruno Marnot (Les ingénieurs et le Parlement sous la iiie République, Paris : CNRS Éditions, 2000, 322 p.). 92 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU Quand la SdN s’occupe de technique : la Commission consultative et technique des communications et du transit et le Comité permanent de la circulation routière La SdN est créée en 1919 à la suite du Traité de Versailles. Elle tient sa première réunion à Londres le 10 janvier 1920 5. Regroupant au départ 45 États (dont 26 non-européens), elle compte 58 États membres à la date du 31 décembre 1935 6. Les États-Unis n’en font pas partie et l’Allemagne est intégrée seulement entre 1926 et 1933. Elle est composée d’une Assemblée (qui réunit les représentants des États membres), d’un Conseil (qui réunit les quatre membres permanents : Royaume-Uni, France, Italie, Japon, puis Allemagne à partir de 1926, et neuf membres non-permanents), d’un Secrétariat et d’une Cour permanente internationale de justice à La Haye 7. Contrairement à la place qui lui est faite dans les manuels d’histoire, l’activité de la SdN s’étend bien au-delà des questions diplomatiques et politiques. Pour comprendre son rôle au cours de l’entre-deux-guerres, il faut prendre en compte une vision très large des relations internationales qui resitue plus fidèlement la dynamique d’échanges autour de l’institution genevoise. La contribution de la SdN aux débats et discussions techniques et économiques est en effet apparue rapidement très importante malgré les contraintes propres au droit international. « L’extension des tâches techniques de la Société est apparue comme étant “dans la ligne du Pacte” et comme allant de soi. […] Ces activités non politiques de la Société des Nations sont naturellement, elles aussi, subordonnées au principe du respect de la souveraineté nationale. » 8 Concernant ces activités techniques, face aux États et aux autres organisations internationales, la SdN joue le rôle d’« un organisme de consultation et de coordination. Ses progrès et ses succès dépendant, au premier chef, du désir effectif qu’ont les gouvernements d’utiliser Sur la création de la SdN, voir Bertrand Maurice, L’ONU, Paris : La Découverte, 1994, p. 16‑19. 6 Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations, ses fins, ses moyens, son œuvre, Genève, 1935, p. 236. 7 Sur le fonctionnement et l’organisation de la SdN (assemblée, conseil et secrétariat), voir : Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 35‑39. 8 Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 74. 5 93 Sébastien Gardon ses rouages » 9. Dans cette mission, la SdN s’appuie sur le travail réalisé par d’autres organisations et associations internationales liées ou non à l’institution genevoise. « Il va sans dire que toute l’œuvre de coopération internationale n’est pas concentrée à Genève. Il existe des organisations inter nationales indépendantes. » 10 Ainsi dans le champ des transports déjà bien structuré autour d ’associations et d’organisations nationales et internationales, l’« Organi sation des communications et du transit a pour principe, inspiré par une recherche d’efficacité et d’économie de moyens, de ne pas faire doublon avec ce qui existe déjà » 11. Pour accomplir cette tâche technique, la SdN a recours à des experts internationaux dont la représentativité et les critères de sélection ne sont pas sans poser problème. « La Société a dû nécessairement pouvoir disposer du concours et de l’avis d’experts en mesure d’étudier les problèmes avec des compé tences techniques et selon un point de vue international. […] De par leurs fonctions habituelles, ils doivent être de préférence en relations précises et suivies avec les autorités techniques nationales, qui sont elles-mêmes chargées de conseiller leur gouvernement. […] aussi, même lorsque les Comités techniques de la Société ne se composent pas d’experts gouvernementaux […], et que leurs membres sont nommés à titre personnel […] le choix des personna lités appelées à siéger dans les comités qui secondent la Société dans ses activités de coopération technique est de première importance. Le soin en incombe au Conseil, qui tient le compte le plus large des trois sortes de qualifications requises : scientifiques, nationales et internationales. » 12 Au-delà des membres « permanents » siégeant dans les comités techniques, plusieurs membres sont appelés à représenter épisodique ment telle institution ou tel point de vue. Parmi la multitude de questions sociales et économiques abordées, la thématique des transports est l’une des plus développées au sein de l’institution genevoise. Ce champ de discussion s’institutionnalise sous la forme Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 74. Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 74‑77. 11 Laborie Léonard, L’Europe mise en réseaux, La France et la coopération internationale dans les postes et les télécommunications (années 1850-années 1950), Bruxelles : Peter Lang, 2010, p. 280. 12 Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 82‑84. 9 10 94 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU d’une Organisation des communications et du transit (OCT). Jouissant dans le cadre très large de la SdN d’une autonomie statutaire par rapport à d’autres organismes similaires (son statut l’autorisait à admettre les États non-membres de la SdN), l’OCT « possédait une structure tripartite quasi parfaite » 13 : Commission consultative et technique des communications et du transit (à composition non gouvernementale) ; Conférence générale des communications et du transit (sur le modèle de la Conférence générale du travail) périodique (et conférences « partielles » auxquelles n’étaient invités qu’un certain nombre d’États en vue de questions limitées les intéressant particulièrement) ; Section des communications et du transit au Secrétariat permanent de la SdN à Genève 14. Le projet de création d’une Commission consultative et technique des communications et du transit est évoqué dès la séance du Conseil de la SdN le 13 février 1920 à Londres : « Le Conseil a décidé de demander à la Commission pour l’Étude de la Liberté des Commu nications et du Transit de lui soumettre un projet de création d’un organisme permanent qui traiterait, au sein de la SdN et sous le contrôle du Conseil, tout ce qui a rapport à ces problèmes. » 15 Elle se réunit lors des assemblées de la SdN et fonctionne avec un président et un secrétaire général. Elle est constituée de comités permanents. De trois au départ 16, ils seront jusqu’à sept au début des années 1930 (voir tableau page suivante) 17. L’OCT est « une des organisations techniques dont l’œuvre apparaît la plus imposante. […] la caractéristique des quinze dernières années n’est-elle pas le foisonnement et l’accélération des moyens de commu nication et de transit soit terrestres, soit maritimes, soit aériens, et cela non pas seulement sur le plan national […] mais surtout sur le plan international […] Il s’est donc posé d’emblée à l’Organisation Ghebali Victor-Yves, « Aux origines de l’Ecosoc : l’évolution des commissions et organisations techniques de la Société des Nations », Annuaire français de droit international, vol. 18, 1972, p. 487. 14 Laborie Léonard, L’Europe mise en réseaux…, p. 278. 15 Lors de la Conférence générale des communications et du transit, rapport présenté par le représentant de l’Espagne, M. Quinonen de Léon, et adopté par le Conseil de la SdN réuni à Rome le 19 mai 1920, cf. A SdN SdN R 1091. 16 La sous-commission des transports par voie ferrée, la sous-commission des transports par eau et la sous-commission des affaires générales, voir la session tenue à Genève du 25 au 28 juillet 1921 de la Commission consultative et technique des communications et du transit qui permet l’élaboration de son règlement intérieur, cf. A SdN R 1090. 17 Au 2 juin 1932, voir A SdN R 2579. 13 95 Sébastien Gardon Tableau 1 : Les comités techniques permanents de la Commission consultative et technique des communications et du transit de la SdN en 1932 Comité permanent des ports et de la navigation maritime Un président Comité des ports 7 membres Comités de la navigation maritime 7 membres Comité permanent de la navigation intérieure Un président 8 membres Comité permanent des transports voie ferrée Un président et un bureau de 6 membres 6 autres membres 3 conseillers techniques adjoints et président Comité permanent des questions électriques Un président 5 membres 4 représentants Comité permanent de la circulation routière Un président et un secrétaire 10 à 15 membres Représentations ponctuelles d’organismes et d’associations Comité juridique permanent Un président et un vice-président 6 membres Sous-commission du budget Un président 6 membres Sources : A SdN R 2579 d’importants problèmes de communications et de transit qui devaient et pouvaient être traités en eux-mêmes sous leurs aspects purement juridiques et techniques, à l’exclusion de toutes considérations politiques. La Société avait là un vaste champ d’action et elle a su inscrire de nombreuses et utiles réalisations. » 18 L’OCT participe ainsi à la tenue en 1920 d’une conférence inter nationale pour l’amélioration des communications postales et ferroviaires, télégraphiques et téléphoniques et radiotélégraphiques en Europe 19. Elle organise ensuite à Barcelone, en 1921, une Conférence générale sur la liberté du transit et des communications 20. Une deuxième, puis une troisième Conférence générale des communications et du transit se tiennent ensuite à Genève en 1923 et 1927 21. La conférence de 1921 et celle de 1923 se fixent comme objectif de favoriser toutes « les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et maintien de la liberté des communications et du transit » 22. Il s’agit Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 150. Laborie Léonard, L’Europe mise en réseaux…, p. 278. 20 A SdN R 1090. 21 A SdN R 1140 et A SdN R 1176. 22 Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 150 et 151. 18 19 96 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU de « restaurer les moyens matériels de transports et de garantir la liberté des échanges dans un contexte de grande désorganisation et de créations de nouvelles frontières » 23. Au-delà de cette mission importante de réorganisation des échanges après le premier conflit mondial, l’OCT peut jouer un rôle de médiateur entre États tout comme fournir un appui technique aux gouvernements désireux de développer certains projets de transports : « L’Organisation des Communications et du Transit a prêté son concours à certains gouvernements qui l’ont sollicité. C’est ainsi que des experts ont été mis à la disposition du Gouvernement polonais pour certaines questions de navigation intérieure, du Gouvernement chinois en vue du développement des routes et de l’aménagement de certains fleuves, et du Gouvernement siamois en vue de l’amélioration des accès maritimes et des installations du port de Bangkok. » 24 La SdN devient donc progressivement l’un des interlocuteurs principaux des associations et gouvernements sur le thème des communications et du transit. Jusqu’en 1924, les discussions portent principalement sur les modalités d’accord entre nations ou régions sur les transports maritimes, fluviaux et ferroviaires 25. La route apparaît véritablement cette même année en tant qu’enjeu avec la création d’un Comité spécial d’étude de la circulation routière au sein de la Commission consultative et technique des communications et du transit. Au milieu des années 1920, la question du transit et des communications passe donc d’un rôle de contrôle des déplacements individuels – notamment entre pays – à celui de soutien à la mobilité, support du développement industriel et économique des nations 26. Un tel mouvement souligne les motifs d’une institutionnalisation du thème automobile. Le Comité spécial d’étude de la circulation routière est en effet créé en 1924 27 pour préparer la Conférence internationale relative à la circulation automobile et routière qui se tient à Paris Laborie Léonard, L’Europe mise en réseaux…, p. 278. Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 157 et 158. 25 A SdN R 1091. 26 Voir le « Mini-special issue : European infrastructures » (Schot Johan, Anastasiadou Irene, Badenoch Alexander, Schipper Frank), in The Journal of Transport History, vol. 28, n° 2, september 2007. 27 Décision du 13 mars 1924 de la Commission consultative et technique des communications et du transit de la SdN, cf. A SdN R 1131. 23 24 97 Sébastien Gardon en 1926 28. L’année suivant cette conférence, il est rebaptisé Comité permanent de la circulation routière 29. Les membres du comité permanent de la SDN se réunissent annuellement pour formuler des avis et prendre position sur la question de la circulation routière face aux particularismes juridiques des États. Ces sessions durent généralement plusieurs jours. Elles réunissent le président du comité, son secrétaire et la dizaine de membres – élus pour quatre ans avec un mandat renouvelable – dont les qualités d’expertise sont internationalement reconnues. Tout comme le Bureau international du travail à la même époque, le comité permanent suscite rapidement l’intérêt d’associations internationales en quête de r econnaissance. Au-delà de l’activité quotidienne et de la gestion des dossiers particuliers réalisées par le secrétariat de la Commission consultative et technique des communications et du transit, étant donné la fréquence des sessions du comité (voir tableau 3), l’essentiel de son travail porte sur la préparation de grandes manifestations et conventions internationales 30. En matière de circulation automobile, la Tableau 2 : Sessions du Comité permanent de la circulation routière de la SdN Sessions Dates Lieux 1 session du Comité spécial 27 au 31 octobre 1924 Paris 2 session du Comité spécial 9 au 14 mars 1925 Milan 3e session du Comité spécial 1er au 3 mars 1926 Paris 4 session du Comité permanent 25 au 28 avril 1927 Vienne 5e session 23 au 26 novembre 1927 Genève 6e session 13 au 17 novembre 1928 Paris 7 session 23 au 31 mai 1930 La Haye re e e e 8 session 29 mai au 1 juin 1933 Genève 9e session 17 au 21 juin 1935 Genève 10 session 1 au 5 novembre 1935 Genève 11e session 5 au 8 juillet 1937 Genève 12e session 25 au 30 avril 1938 Genève e e er er Sources : A SdN 1131 – 1132 – 2578 – 4291 – 4294 et 4295 Ministère des Affaires étrangères, Conférence internationale relative à la circulation automobile et routière, Paris : Imprimerie nationale, 1927, 148 p, cf. A SdN R 1132. 29 A SdN R 1131. 30 Qui donne ensuite lieu à l’écriture d’une convention internationale, qui sera éventuellement ratifiée puis mise en vigueur. 28 98 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU Tableau 3 : Composition du Comité permanent de la circulation routière de la SdN (1924‑1938) Président Stiévenard (Belgique) puis Nordberg (Finlande) Secrétariat M. Romein, puis Mlle Rasmussen, puis Mlle Bigard, puis Mme Lehmann Secrétariat de la Commission consultative et technique des communications et du transit de la SdN Haas puis Metternich Membres (représentants des ministères des Transports nationaux) Reinhardt (Norvège), Franklin (Angleterre), Mellini (Italie), Pflug (Allemagne), Schönfeld (Pays-Bas), Bilfeldt (Danemark), Walckenaer (France), Grünebaum (Autriche), Prince Ghika (Roumanie), Roubik (Tchécoslovaquie), Rothmud (Suisse), Urgoiti (Espagne), Valsinger (Suède) Membres (experts et représentants indépendants invités) Amunategui (Paris, France), ingénieur des ponts et chaussées Chaix (France), Conseil Général du Tourisme Crespi (Milan, Italie), vice-président de la Fédération internationale des Automobiles-Clubs reconnus et président de l’Automobile-Club de Milan Delaquis (Berne, Suisse), professeur, chef de la section de police du département fédéral de Justice et de Police Représentations ponctuelles d’organisations internationales Sources : A SdN 1131 – 1132 – 2578 – 4291 – 4294 et 4295 première grande convention internationale avait été signée à Genève le 11 octobre 1909 (convention relative à la circulation internationale des véhicules automobiles) bien avant la création de la SdN. Le comité permanent de la circulation routière avait ensuite été justement institué pour rénover cette première convention et ainsi préparer la conférence relative à la circulation automobile et routière qui a été organisée à Paris en 1926 31. Prime donc la volonté d’harmoniser et de mieux coordonner les réglementations nationales. Le dernier moment fort de l’entre-deux-guerres se situe autour de la conférence Remplaçant la convention internationale de 1909 sur la circulation automobile, elle permet l’édification d’une convention internationale relative à la circulation automobile qui ne sera ratifiée que le 24 octobre 1929 par la France et vingt autres pays, voir la lettre du 2 septembre 1925 de Romein (secrétaire du Comité permanent de la circulation routière de la SdN) à Delaquis (membre du Comité permanent de la circulation routière de la SdN) et la lettre du 12 mai 1930 de Pflug (membre du Comité permanent de la circulation routière) au secrétaire du Comité permanent de la circulation routière (A SdN R 1132 et R 2579). 31 99 Sébastien Gardon européenne de la circulation routière tenue à Genève et qui s’est conclue par l’adoption d’une convention internationale sur la signalisation routière du 30 mars 1931 32, remplaçant et complétant celle de Paris de 1926 33. « En matière de circulation routière – question sur laquelle l’Orga nisation travaille depuis de nombreuses années et qui s’impose à elle plus que jamais en raison du développement continuel du trafic automobile –, elle a obtenu quelques résultats pratiques par le fait que sont à présent en vigueur trois conventions ou arrangements d’unification préparés par elle et conclus à Genève en 1931. […] Le second [de ces 3 instruments] contient un code international de signaux routiers permettant aux automobilistes étrangers, ignorants de la langue du pays sur le territoire duquel ils circulent, d’interpréter correctement tous les signaux qu’ils rencontrent. » 34 Parallèlement à cet espace transnational 35 de discussion des problèmes automobiles, il faut également souligner le travail réalisé par d’autres organisations, associations, réseaux ou experts qui participent également aux échanges techniques favorisés ou non par les institutions genevoises que ce soit en termes de signalisation, de réglementation, de construction de liaison à caractère international et d’autoroutes ou de sécurité routière. L’Association internationale permanente des Congrès de la route (AIPCR), l’Alliance internationale du tourisme (AIT), l’Association internationale des Automobiles-Clubs reconnus (AIACR qui devient ensuite la Fédération internationale automobile), puis plus tard l’Union internationale des villes (UIV) et le Bureau international des autoroutes (créé en 1931), participent activement à ces d iscussions 36. Par contre, l’accès à la SdN se trouve assez logiquement facilité pour les associations comme l’AIPCR, l’AIT ou l’AIACR qui ont une tradition d’expertise a priori proche de l’« inter-étatisme » cher à la SdN. Les représentants A SdN R 2584 et R 2585. Ces conventions étant à nouveau complétées et rénovées par celles de Genève en 1949 et de Vienne en 1968, voir sur ce point Schipper Frank, Driving Europe, Building Europe on Roads in the twentieth Century, Eindhoven : Aksant Academic Publischers, 2008. 34 Secrétariat de la Société des Nations, La Société des Nations…, p. 155 et 156. 35 Saunier Pierre-Yves, « Circulation, connexions et espaces transnationaux », Genèses, n° 57, 2004, p. 110‑126. 36 Voir sur ce point Gardon Sébastien, Goût de bouchons, Lyon, les villes françaises et l’équation automobile, Paris : Descartes et Cie, 2011, 154 p. 32 33 100 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU des échelons locaux, les villes notamment, sont plus fréquemment écartés de ces discussions 37. « Les commissions et les Organisations techniques furent conçues et fonctionnèrent jusqu’au terme de l’existence de la SdN comme de simples organes annexes du Conseil et de l’Assemblée. » 38 « Travaillant “sous l’impulsion d’une pléiade de hauts fonction naires [elles] réalisèrent au terme d’une expérience de deux décennies, une œuvre d’une imposante richesse” 39. Ainsi elles “introduisirent, par leur fonctionnement continu, deux éléments nouveaux dans les relations internationales : l’universalité et la promotion de l’expert” 40. Après la Seconde Guerre mondiale, les différentes méthodes d’action de la SdN ont été adoptées par l’ONU qui les a développées et “dont la plus notable demeure aujourd’hui l’assistance technique octroyée sur demande aux gouvernements”. » 41 Une technicisation des questions de transports autour des groupes de travail de l’ONU L’Organisation des Nations Unies (ONU) a été créée en 1945 à la suite de la Conférence de San Francisco (25 avril au 26 juin 1945) 42. Le siège se déplace à New York même si certaines activités sont maintenues à Genève. Les organes principaux de l’ONU sont l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Secrétariat et la Cour internationale de justice. A la différence de la SdN, l’ONU est également organisée régionalement. La Commission économique pour l’Europe (CEE) a été créée le 28 mars 1947 pour encourager la coopération entre les États membres 43. C’est l’une des cinq commissions régionales du Conseil économique et social des Nations Unies. L’Asie et l’Extrême-Orient (CEAEO, Voir sur ce point Payre Renaud, Une science communale ? Réseaux réformateurs et municipalité providence, Paris : CNRS Éditions, 2007, 344 p. 38 Ghebali Victor-Yves, « Aux origines de l’Ecosoc… », p. 484. 39 Ghebali Victor-Yves, « Aux origines de l’Ecosoc… », p. 498. 40 Ghebali Victor-Yves, « Aux origines de l’Ecosoc… », p. 501. 41 Ghebali Victor-Yves, « Aux origines de l’Ecosoc… », p. 511. 42 Sur la création de l’ONU, voir Bertrand Maurice, L’ONU, p. 20‑28. 43 Elle comprend initialement 29 États « européens » dont les États-Unis, en plus de la Suisse qui participe à titre consultatif. Ultérieurement, le Canada, Israël et les républiques d’Asie centrale les rejoignent, ce qui correspond à la plupart des pays de l’hémisphère nord et forme un ensemble de 56 Etats-Membres. 37 101 Sébastien Gardon 28 mars 1947), l’Amérique latine (CEPAL, 25 février 1948) et l’Afrique (CEA, 29 avril 1958) ont également leur commission économique 44. En termes de fonctionnement : « La Commission se réunit chaque année en une session de deux semaines dont les séances sont publiques. Pendant le reste de l’année, des comités des sous-comités et des groupes de travail se réunissent en séances privées pour étudier, sur le plan technique, les questions que les gouvernements souhaitent voir traiter dans ce cadre multilatéral. Le travail pratique et quotidien de la Commission s’accomplit entièrement dans les comités et autres organes subsidiaires. Ces organes sont […] des corps consultatifs et administratifs intergouvernementaux. Ils n’ont, bien entendu, aucun pouvoir supranational mais ils constituent un point de rencontre où ont lieu des délibérations collectives et où les gouvernements intéressés prennent des décisions en vue d’harmoniser les différentes politiques nationales et même dans certains cas de favoriser des entreprises communes. » 45 Dans la lignée des activités mises en place par la SdN, l’étude de questions techniques tient donc une place importante au sein de la CEE. Pour contourner certains problèmes sensibles politiquement ou diplomatiquement, les discussions sont censées se focaliser essentiellement sur les volets techniques. La mobilisation d’experts internationaux et compétents sur les points discutés est au centre de cette démarche. En termes organisationnels, la CEE met également en place des comités répartis par questions économiques et qui comportent chacun de manière permanente ou ponctuelle des groupes de travail spécialisés en fonction des problèmes abordés. « Les organes subsidiaires de la Commission ont dès le début adopté une méthode de travail selon laquelle les problèmes les plus impor tants sont traités sous leur aspect technique. Cette méthode permet aux experts gouvernementaux de discuter entre eux les aspects techniques de chaque problème et de rechercher des accords. […] La Commission utilise fréquemment des groupes de travail spéciaux et de petits groupes d’experts. » 46 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous. La structure et les activités de l’Organisation des Nations Unies et des institutions qui lui sont rattachées au cours des années 1945 à 1958, Genève, 1960, p. 280. 45 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 283. 46 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 283. 44 102 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU Tableau 4 : Les organes subsidiaires de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies Comité du charbon Comité de la main-d’œuvre Comité de l’énergie électrique Comité de l’acier Comité de l’habitat Comité du bois Comité de l’industrie et des produits de base Comité pour le développement du commerce Comité des transports intérieurs Comité des problèmes agricoles Sources : Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous. La struc ture et les activités de l’Organisation des Nations Unies et des institutions qui lui sont rattachées au cours des années 1945 à 1958, Genève, 1960, p. 25. À l’inverse du cadre international proposé a priori par la SdN 47, la plupart des questions de transport sont donc réglées sur un plan régional comme la majorité des problèmes économiques. « Confor mément à une décision adoptée par le Conseil en mars 1947, un grand nombre de questions relatives aux transports intérieurs sont réglées sur le plan régional ». Seuls quelques points qui intéressent l’ensemble du monde – par exemple les questions relatives aux transports routiers internationaux et aux aspects de la coordination à long terme des transports intérieurs – sont étudiés par la Commission des transports et des communications en vertu de plusieurs résolutions adoptées par le Conseil de l’ONU 48. Au-delà des transports intérieurs, les organisations intergouvernementales qui existaient déjà et qui s’occupaient des questions d’aviation, de postes, de télécommunications et de météorologie 49 sont reliées à l’Organisation des Nations Unies à titre d’institutions spécialisées. À ces institutions s’est ajoutée l’Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime (décision prise en 1948, convention entrée en vigueur en 1958) 50. Dès sa création en 1947, la Commission économique pour l’Europe a institué un Comité des transports intérieurs auquel ont été transférées les tâches dévolues à l’Office central des transports Même si les discussions techniques de la SdN s’inscrivaient de fait dans un cadre très européen voire « vieille Europe » en dehors même du champ de l’intervention américaine. 48 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 272. 49 Respectivement l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Union internationale des télécommunications, l’Union postale universelle et l’Organisation météorologique mondiale. 50 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 272. 47 103 Sébastien Gardon intérieurs européens qui était une organisation spéciale mise sur pied par les pays alliés immédiatement après la Seconde Guerre mondiale 51. Le Comité des transports est le principal organisme inter gouvernemental utilisé pour formuler une politique générale des transports en Europe. « Les objectifs de cette politique consistent essentiellement à organiser les transports de manière à fournir les services requis aussi économiquement, efficacement, sûrement et uniformément que possible ; à faciliter le commerce ; et à réduire le coût des marchandises transportées. » 52 Successivement plusieurs sous-comités, groupes d’experts, groupes de travail et groupes de rapporteurs (par groupe de travail) sont organisés au sein du Comité des transports intérieurs de la CEE. Parmi les groupes de travail du Comité des transports intérieurs, le groupe de travail sur la construction des véhicules, plus connu sous le nom de WP 29, est l’un de ceux qui ont le plus d’incidence économique et diplomatique sur le plan international 53. C’est un véritable organe de régulation qui définit les règles et normes de construction (dimension, organes de sécurité…) des véhicules destinés au marché européen. La plupart des autres groupes de travail sont davantage des instruments de connaissance au service du secteur des transports européens (production de données économiques, statistiques, amélioration des connaissances en matière de droit ou de sécurité), comme peuvent l’être sur un plan infranational les offices ou observatoires régionaux de transports liés aux chambres de commerce et d’industrie en France 54. Par ailleurs, des publications comme le Bulletin annuel de statistiques de transports européens et les Statistiques annuelles des accidents de la route en Europe sont proposées par le secrétariat du Comité des transports intérieurs. Elles favorisent l’échange d’informations et de connaissances sur les transports dans le cadre de l’Europe. Ainsi les activités organisées au sein de la CEE sont tournées essentiellement vers l’échange d’expériences en encourageant la réciprocité de ces relations et les liens entre pays avec des contextes politiques différents : Voir Schot Johan, Schipper Frank, « Experts and European Transport Integration 1945-1958 », Journal of European Public Policy, vol. 18, n° 2, 2011, p. 278‑279. 52 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 298. 53 Voir sur ce point Bernardin Stève, Grafos Harrison, « Making the Automobile… », et Bernardin Stève, Grafos Harrison, « Car Safety Standards ». 54 Voir sur ce point Bardet Fabrice, « L’expertise dans le diagnostic des problèmes publics. Ingénieurs et statistiques des politiques de transport en France », Revue française de science politique, n° 6, vol. 54, 2004, p. 1005‑1023. 51 104 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU Tableau 5 : Les groupes de travail du Comité des transports intérieurs de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies en 1967 et 1968 Sous-comités Groupes d’experts Groupe de travail de la sécurité de la circulation Sous-comité des transports routiers Sous-comité des transports par chemins de fer Sous-comité des transports par voie navigable Groupe de travail (comprenant des groupes de rapporteurs) Groupe de travail de la construction des véhicules Groupe d’experts chargé de l’étude de certaines questions techniques ferroviaires Groupe d’experts Groupe de travail du développement des voies chargé de l’unifica- navigables tion des règlements de police et de Groupe de travail du droit fluvial la signalisation en navigation intérieure Groupe de travail des statistiques de transports Groupe de travail des problèmes douaniers intéressant les transports Groupe de travail du coût des infrastructures Volet transversal Groupe d’experts en documents statistiques Groupe de travail du transport des denrées périssables Groupe de travail des transports combinés Groupe de travail des transports de marchandises dangereuses Groupe de travail de la coordination des transports Sources : Archives nationales 19770444 ART 12 et 19770444 ART 17 « En 1952, la Commission a approuvé une résolution reconnaissant que la productivité du travail peut être accrue grâce à l’échange d’informations techniques au niveau international. […] elle a cherché surtout pour résoudre ces problèmes à accroître les contacts entre les pays de l’Europe orientale et de l’Europe occidentale. […] La Commission a recommandé à ses comités d’accorder […] une place plus importante à l’échange, dans des conditions de réciprocité, de renseignements relatifs à l’expérience acquise 105 Sébastien Gardon en matière de production et d’information d’ordre scientifique, technique et statistique. » 55 Ainsi dès « 1949, les divers comités et sous-comités avaient été créés par la Commission, et la structure fondamentale de la CCE n’a pas varié depuis » 56. Dans un cadre cette fois étendu au plan international, une Conférence des Nations Unies sur les transports routiers et les transports automobiles s’est tenue en août et septembre 1949 avec pour objectif de reprendre les deux conventions de 1926 et 1931. La Convention sur la circulation routière est entrée en vigueur le 26 mars 1952. Au 31 décembre 1958, trente-neuf États avaient ratifié la Convention. Entre 1950 et 1952, un groupe d’experts a étudié avec la Commission des transports et des communications un projet de protocole relatif à un système uniforme de signalisation routière. En raison de la lourdeur des systèmes déjà existants, ce projet n’a toutefois pas été adopté. Seules des recommandations ont été préconisées en cas de révision des systèmes de signalisation des États 57. Après le second conflit mondial, les discussions entre experts portent sur des questions de plus en plus techniques et très spécialisées. Il s’agit moins de mettre à l’agenda des autorités locales, nationales et internationales les problèmes de transports que de participer à la gestion de ce secteur à présent durablement installé dans les pays industrialisés. Les champs de l’économie des transports 58 et de la sécurité routière se développent notamment massivement. Sur les scènes d’échanges transnationales, de nouvelles organisations participent aux discussions aux côtés des historiques Union internationale des transports publics et AIPCR, comme l’Organisation mondiale du tourisme et de l’automobile (OTA), la Fédération routière internationale (FRI), la Prévention routière internationale (PRI), la Fédération internationale des fonctionnaires supérieurs de police (FIFSP) et l’Organisation de coopération et de développement économique. Enfin dans un cadre européen toujours, la Conférence européenne des ministres des Transports est créée en 1953. Elle relève de l’OCDE et son siège se trouve à Paris. Elle structure durablement le secteur des transports en Europe en proposant des sessions de travail régulières qui renforcent les Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 285. Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 284. 57 Service de l’information des Nations Unies, L’ONU pour tous…, p. 273. 58 Voir sur ce point Mazoyer Harold, Les calculs de la puissance. Socio-histoire d’une science de gouvernement : l’économie des transports (1960-1982), thèse de sciences politiques, IEP de Lyon, 2011, 637 p. 55 56 106 Les comités techniques de la SdN et de l’ONU c onnaissances dans ce domaine. Il faudra attendre la session de Dublin en 2006 pour voir se créer sur cette base le Forum international des transports, au-delà des frontières de l’Europe. Concernant les transports, une dynamique d’échanges se met en place progressivement dès la fin de la Première Guerre mondiale autour de la SdN puis de l’ONU. Plusieurs comités et groupes de travail se développent au sein de ces organisations internationales. Celles-ci fournissent aux représentants étatiques comme aux acteurs associatifs, privés et locaux un cadre pour comprendre les enjeux d’harmonisation et de coordination des problèmes de transports. En effet, malgré des contextes politiques difficiles, les possibilités d’uniformisation en matière de réglementation et de signalisation de la circulation routière sont renforcées et encouragées au travers de plusieurs conventions internationales. En termes de participation, on est frappé par l’omniprésence des représentants des États, lors de discussions fortement « inter-étatistes » chères à la SdN et l’ONU. Cependant toutes les discussions ne se concentrent pas à Genève. D’autres manifestations de plus en plus techniques et spécialisées, en particulier après la Seconde Guerre mondiale, se tiennent en dehors des instances genevoises. Si les débats ouverts par les comités de la SdN permettent surtout de traiter les questions liées à l’automobile avec des enjeux politiques et diplomatiques forts, après la Seconde Guerre mondiale les échanges s’inscrivent dans un cadre plus technique et professionnel. Pour ces deux périodes, ces discussions constituent de formidables occasions d’échanges de connaissances et d’expériences qui favorisent la compréhension des problèmes de transport dans un contexte plus large. 107 L’intermodalité rail-route en Europe occidentale des années 1930 à la fin du xxe siècle Un défi permanent Michèle Merger, IHMC/CNRS Paris Abstract : Combined transport, which emerged in the 1930s, involves two approaches : unaccompanied transport using loading units (containers, swap bodies and semi-trailers) or rolling motorways where heavy goods vehicles travel on special trailers and drivers either do not accompany the load or follow it by passenger coach. The paper describes the evolution of combined rail-road transport techniques up to the end of the 20th century and, after examining actions of the European Commission, demonstrates that combined transport growth has been obstructed by persistent difficulties, stemming especially from the railway sector. Les termes « intermodalité » et « transport intermodal » sont entrés progressivement dans le langage des Européens depuis une quarantaine d’années. Dans leur acception actuelle, ils correspondent à la définition qu’en ont donnée la Directive européenne en 1992 et la Conférence européenne des ministres des Transports en 1996 : « Le transport intermodal constitue une organisation du transport de marchandises par le biais d’une chaîne de porte-à-porte, par un transfert de ces marchandises sans changement de contenant. Plus précisément encore, le transport combiné se fonde sur une unité de transport intermodal (UTI) dans laquelle la marchan dise est transportée de bout en bout sur les modes les plus appro priés : la route seulement en desserte d’extrémité (trajet initial et terminal), le rail et/ou la voie navigable et/ou le maritime 109 Michèle Merger à courte distance à condition que le transfert se passe entre les véhicules des modes de transport de manière optimale selon l’iti néraire retenu. » 1 Le transport combiné rail/route (TCRR) correspondait alors à deux grands types de techniques : le TC non accompagné qui procédait à l’acheminement d’unités de chargement (semi-remorques, caisses mobiles ; conteneurs) et la route roulante dite aussi autoroute ferroviaire qui assurait le transport des ensembles routiers avec ou sans les chauffeurs. Ces deux systèmes étaient apparus bien avant que ne soit proposée la définition officielle rappelée précédemment. En Europe occidentale, le premier s’est développé au cours des années 1920, mais il est resté très limité jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Son usage sur une plus grande échelle a eu lieu au cours des décennies 1950‑1970. C’est d’ailleurs durant cette période que les entreprises ferroviaires ont créé des filiales spécialement chargées de ce type de transport et que les premières grandes entreprises de transport combiné rail-route ont vu le jour. Le transport combiné n’a pas tardé à être considéré comme une technique d’avenir face à l’essor sans précédent du transport routier, c’est la raison pour laquelle il est devenu l’une des préoccupations de la Commission européenne. L’objectif principal qu’ont prôné avec insistance, à partir des années 1975‑1980, les autorités de Bruxelles était de réaliser une mobilité durable dite soutenable, c’està-dire au moindre coût pour l’ensemble de la société et favorable à l’environnement. En dépit des encouragements et des aides financières dont il a bénéficié tant au niveau national qu’européen, le transport combiné rail‑route (TCRR) n’a pas connu le succès qu’avaient pronostiqué les conjectures les plus optimistes de certains consultants européens au début des années 1980. Confronté à de multiples défis, le TCRR n’a cessé de progresser jusqu’à la fin du xxe siècle, mais il s’est heurté à de nombreux obstacles. Notre étude, qui ne saurait être exhaustive face à l’ampleur des questions que pose ce type de transport, s’attachera à analyser non seulement l’évolution des différentes techniques de TCRR depuis les années 1930, mais aussi le rôle joué par la Commission européenne qui s’est montrée favorable à leur développement. Elle tentera de dresser un bilan général concernant l’essor et les Conférence européenne des ministres des transports (CEMT), Rapport sur la situation actuelle du transport combiné, Paris : CEMT, 1998, p. 7. 1 110 L’intermodalité rail-route en europe occidentale composantes du trafic afin de mettre en valeur les obstacles rencontrés par le TCRR, « spécialité dont tout le monde disait du bien et qui ne parve[nait] pas franchement à décoller » 2. Le foisonnement d’initiatives et de techniques des années 1930 à la fin des années 1960 Les techniques qui ont été successivement mises au point des années 1920 jusqu’à la fin des années 1960 étaient très variées et toutes fondées sur le principe que les unités de transport ou de chargement devaient s’adapter au rail, c’est-à-dire aux infrastructures et aux wagons ferroviaires. Elles étaient le fruit de recherches menées par les chemins de fer, les industries de construction de matériel ferroviaire et les premières grandes entreprises de TC créées sous l’impulsion des sociétés de transport routier. Les premières initiatives ferroviaires Elles sont nées en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et en Italie : ce sont les réseaux ferroviaires de ces pays qui ont cherché à organiser un service de porte à porte en utilisant soit des cadres (conteneurs) dont les premiers exemplaires étaient apparus aux États‑Unis durant la Première Guerre mondiale, soit des caisses ou des semi-remorques de gabarit assez réduit. À la fin des années 1930, les réseaux britannique et allemand disposaient respectivement de 11 300 et 14 000 conteneurs, mais un peu plus de 1 250 unités seulement étaient recensées en France. Au lendemain de 1945, cette technique du cadre a continué à se développer. En France, la SNCF a créé, en 1948, une filiale de location de conteneurs, la Compagnie nouvelle des cadres (CNC), avec la participation d’entreprises de groupage. La CNC avait pour tâche de fournir des conteneurs aux chargeurs et de favoriser l’acheminement groupé de ces caisses d’un volume de chargement de 3 à 18 m3. Une initiative identique a vu le jour en Italie sous l’impulsion des Chemins de fer de l’État (Ferrovie dello Stato, FS) : la CEMAT (Costruzione e esercizio di mezzi ausiliari di trasporto) a été fondée à Milan en 1953, avec la participation de l’Institut national des transports (INT), une filiale des FS 3, d’entreprises de transport routier et de chargeurs. Propos tenus par Jean-Claude Berthod lors de l’Assemblée générale de la société Novatrans en 1993. 3 Fondé en 1928 par les FS, l’INT avait pour mission de transporter les marchandises vers les centres, urbains ou ruraux, non desservis par le rail. 2 111 Michèle Merger Ses activités étaient identiques à celles de la CNC puisqu’elle devait favoriser le transport rail-route au moyen de petits conteneurs. Quelques années plus tard, en 1967, les réseaux ferroviaires de onze pays (Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, RFA, Suède, Suisse) ont créé Intercontainer, une filiale commune, dans le but de développer le transport combiné international. Ils montraient ainsi leur volonté de mener une politique globale, intégrant le chemin de fer dans une stratégie supranationale. Installée à Bâle et implantée dans de nombreux pays par l’intermédiaire des réseaux ferroviaires et leurs filiales, cette société coopérative de droit belge avait pour mission de coordonner les services intermodaux des chemins de fer et d’assurer à ceux-ci leur propre accès au marché international. Dans un premier temps, elle s’est consacrée au transport de conteneurs maritimes au départ ou à destination des régions limitrophes des ports. Les conteneurs maritimes introduits en Europe occidentale en 1963 4 commençaient alors à être de plus en plus utilisés : d’une hauteur de 2,44 m (8 pieds), ils pouvaient être acheminés sur des wagons plats dotés de roues ayant un diamètre de 92 cm. À partir de 1964, l’ISO a fixé les dimensions de deux grands types de conteneurs 5 : les conteneurs de 20 pieds (longueur 20 pieds soit 6,05 m ; largeur et hauteur 8 pieds soit 2,44 m) et les conteneurs de 40 pieds (longueur 40 pieds soit 12,19 m ; largeur 8 pieds et hauteur 2,90 m). Le premier correspondait à un volume de 30 m3, le second à un volume de 65 m3. L’émergence de nouvelles techniques en France Des techniques ayant recours à d’autres unités de chargement ont été mises au point et ont connu des succès divers. Dès 1935, la France, pays pionnier du TCRR, a expérimenté le transport de petites remorques spéciales sur des wagons plats de conception courante et, à partir Rappelons que c’est l’entrepreneur américain MacLean qui, en 1956, a eu l’idée de transporter des conteneurs sur un navire et a ainsi permis le développement de ce type de transport à travers le monde. 5 L’ISO (International Standards Organization) a été créée à Londres en 1946 par les délégués de vingt-cinq pays. Elle a pour mission d’unifier les normes appliquées dans le secteur industriel. Installée à Genève en février 1947, elle s’est intéressée, à partir des années 1960, à la normalisation des paramètres techniques des conteneurs. Le futur conteneur ISO devait répondre de manière identique aux exigences des divers modes de transport. Pour le transport combiné, il ne devait pas être trop lourd, mais offrir une solidité suffisante pour résister aux sollicitations du transport ferroviaire dont la plus importante était le tamponnement des wagons dû à la gravité lors des manœuvres à partir d’une butte de triage. 4 112 L’intermodalité rail-route en europe occidentale de 1946‑1947, cette technique s’est développée avant de connaître un réel succès jusqu’aux années 1965‑1970. Les semi-remorques – dites UFR car construites par la Société pour l’Union des transporteurs ferroviaires et routiers – étaient équipées de roues auxiliaires en métal à l’avant, et de jantes de guidage à l’arrière qui permettaient le roulement sur des rails dont étaient équipés les wagons. Les wagons à deux essieux de 12 mètres de long pouvaient transporter deux semi-remorques, ceux de 10 mètres une seule. Le chargement et le déchargement de ces unités étaient effectués en marche arrière par des tracteurs routiers, à partir d’un quai à hauteur ou d’une rampe mobile. Les wagons étaient acheminés séparément ou regroupés dans des trains classiques de la SNCF. Seuls quelques trains spéciaux uniquement composés de wagons UFR circulaient entre certaines villes, notamment entre Paris et Marseille. Ces transports étaient organisés par un Groupement technique des transporteurs mixtes (GTTM), une association indépendante fondée en 1947 et réunissant des sociétés de transport routier. En dépit de ses grandes facilités d’utilisation ferroviaire, cette technique présentait de graves inconvénients : la charge utile (7 à 10 tonnes) des semi-remorques était assez réduite et celles-ci ne pouvaient pas effectuer de longs parcours routiers, ce qui impliquait une utilisation réservée uniquement au transport combiné. L’apparition de la technique « kangourou » en 1959 a permis de transporter des semi-remorques plus longues et plus hautes : la surface de chargement du nouveau wagon pouvait être abaissée jusqu’à 35 cm au-dessus de la surface du rail, et il était ainsi possible de transporter des semi-remorques dont les roues étaient logées dans un évidement du wagon, qui constituait une sorte de poche, d’où le nom donné à ce procédé. Le chargement et le déchargement des semi-remorques, dont les plus lourdes pouvaient atteindre 29 tonnes, étaient effectués horizontalement à l’aide d’un tracteur spécial. La Société de traction et d’exploitation de matériel automobile (STEMA), créée en 1959 avec la participation de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), a été chargée d’exploiter cette technique qui s’est développée progressivement et qui entraînait une modification fondamentale des rapports entre les transporteurs routiers et la SNCF 6. Sous l’impulsion de la STEMA, la société Trailstar, dont les principaux actionnaires étaient La technique kangourou permettait d’utiliser des véhicules routiers ordinaires susceptibles de retourner à chaque instant à un service purement routier et elle ne nécessitait plus de liens obligatoirement durables entre la SNCF et les transporteurs routiers. 6 113 Michèle Merger des sociétés de transport et des expéditeurs hollandais, a été fondée à Rotterdam en 1964. La nouvelle entreprise a commencé à assurer des services de transport par semi-remorques sur des wagons kangourou entre Rotterdam et la France. Deux ans plus tard, en juillet 1966, afin d’éviter une concurrence absurde, le GTTM et la STEMA ont fusionné pour donner naissance à la Société nouvelle des transports combinés qui, en avril 1967, a pris le nom de Novatrans. Les actionnaires majoritaires restaient les transporteurs routiers mais la SNCF était indirecte ment présente par l’intermédiaire de ses deux filiales, la Société de contrôle et d’exploitation de transports auxiliaires (SCETA) 7 et la Société d’équipement des grands itinéraires (SEGI) 8. C’est précisément à partir des années 1966‑1967 que la technique kangourou a connu un succès grandissant. En accord avec les réseaux ferroviaires des pays voisins, la France a pu obtenir la création de liaisons journalières sur des axes stratégiques et l’installation de centres de transbordement à Bruxelles et à Novare (1966), à Milan (1968), à Anvers (1970), à Charleroi et à Rome (1971), enfin à Liège (1972). En outre, d’importantes améliorations techniques ont été mises au point. De nouveaux wagons dotés de bogies, ayant une charge utile de 33 tonnes, en service dès 1966 ont permis d’accepter des semi-remorques plus longues. Quelques années plus tard, Novatrans a introduit en France la technique du transbordement vertical grâce à l’utilisation de portiques de forte puissance de levage (40 tonnes) qui ont été mis en service à partir de 1969 sur les principaux réseaux européens pour la manutention des transconteneurs 9. Un autre pays pionnier : l’Allemagne En Allemagne – pays pionnier comme la France –, des techniques différentes ont été développées. La Deutsche Bahn a d’abord eu recours à de simples wagons plats, puis à des wagons surbaissés dont Fondée en 1941, la SCETA résultait de la fusion des filiales routières créées par les anciens réseaux ferroviaires qui n’avaient pas été dissoutes au moment de la création de la SNCF en 1937. La SCETA était chargée de différentes missions relatives aux services routiers de voyageurs et aux services de camionnage à Paris en correspondance avec le chemin de fer. Cf. Neiertz Nicolas, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris : Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 181. 8 Il s’agissait d’une filiale de location de wagons. 9 La technique des grands conteneurs d’une capacité de charge utile de 10 à 40 tonnes appelés transconteneurs a été introduite en Europe en 1963 et s’est développée à partir de 1966. 7 114 L’intermodalité rail-route en europe occidentale les premiers exemplaires étaient apparus à la fin des années 1930 pour transporter des caisses amovibles. Dotés de petites roues, les wagons surbaissés pouvaient acheminer des semi-remorques standard sans les adaptations particulières qu’exigeait la technique kangourou. À partir de 1962, des wagons à plancher mobile pourvus de deux essieux ont été mis en service : ils permettaient de charger et de décharger horizontalement n’importe quelle semi-remorque à l’aide de n’importe quel véhicule articulé. Au cours des années 1950, l’Allemagne a eu recours également à des semi-remorques routières à bogies à suspension pneumatique, détachables : elles pouvaient être placées, par chargement latéral, sur un wagon spécial muni de deux poutres longitudinales sur lesquelles reposaient deux traverses, l’une coulissante pour recevoir l’arrière de la caisse, l’autre fixe pour recevoir le pivot de l’attelage. En dépit du fait que les opérations de transbordement des semi-remorques étaient très délicates, cette technique a connu un certain succès. Enfin, dès 1954, la Deutsche Bahn a fait circuler à titre expérimental les premiers trains d’ensembles routiers transportés sur de simples wagons plats. Expérimentée également en France en 1960 puis en Suisse en 1964, cette technique de route roulante, ou autoroute ferroviaire, a été adoptée d’une manière régulière en juillet 1969 entre Cologne et Ludwigburg (360 km) par la société Kombiverkehr qui venait d’être créée à Francfort par plusieurs entreprises de transport routier et des commissionnaires de transport. Cette jeune société a aussi développé le TCRR par caisses mobiles. Elle a mis au point une technique de transbordement vertical pour les caisses mobiles de 6 m de long, au moyen de grues équipées de cordes. Parallèlement, elle s’est spécialisée dans le transport des caisses mobiles de 7 m de long sur des wagons dotés d’un châssis porteur de deux essieux et présentant une longueur de chargement, inhabituelle pour l’époque, de 14,60 m. La création de l’Union internationale rail-route Durant les années 1960, parallèlement aux initiatives spécifiques du monde ferroviaire, d’autres entreprises de transport combiné ont été créées. En mars 1967, Hupac a été fondée à Chiasso par trois entre preneurs venus du transport routier (Sandro Bernasconi de Chiasso, Hans Bertschi de Dürrenäsch 10, Ueli Maeder du canton du Tessin) Dès 1964, H. Berstchi avait mis en place un service de transport combiné entre Ludwigshafen et l’Italie pour ses camions-citernes transportant des produits chimiques pour le compte de l’entreprise allemande BASF. 10 115 Michèle Merger auxquels se sont associés les Chemins de fer fédéraux suisses et la société Danzas pour l’Italie et le canton du Tessin 11. Un an plus tard, les premiers wagons de l’entreprise ont été mis en circulation entre Bâle et la petite ville de Melide située à la périphérie de Lugano pour transporter les semi-remorques et les véhicules routiers des sociétés fondatrices. En 1969, Hupac a effectué les premiers transports combinés internationaux entre Cologne et Milan (Rogoredo). Fondée à Vienne cette année-là, l’entreprise Hucketrans (Ökombi à partir de 1983) est venue compléter la liste de ces sociétés pionnières dont la présence constituait une véritable révolution et éveillait la méfiance des deux mondes concernés. Beaucoup d’employés des chemins de fer considéraient le transport combiné comme une forme de concurrence déloyale, et certains transporteurs routiers pensaient que c’était une trahison de s’allier au rail. En fait, personne ne pouvait prévoir le devenir des entreprises assurant ce type de transport. Celles-ci ont vite compris que leur intérêt était de s’unir afin de promouvoir le transport combiné rail-route. Au lendemain des travaux préparatoires qui ont débuté, sous l’impulsion d’Hucketrans, à Vienne en novembre 1969, et ont été poursuivis à Paris au printemps suivant, les entreprises Kombiverkehr, Novatrans, Trailstar, Hupac, Hucketrans et Ferpac 12 ont créé à Munich en octobre 1970 l’Association internationale de transport par fer de remorques routières 13. Devenue, à partir de 1971, l’Union internationale des sociétés de transport combiné rail/ route (UIRR), il s’agissait d’une association sans personnalité juridique qui avait comme objectifs de promouvoir le TC rail-route et de mettre au point une collaboration internationale non seulement pour définir des normes relatives à la construction des unités de chargement routières et des wagons adoptés, mais aussi pour uniformiser l’organisation commerciale du transport rail-route. Le nom Hupac a été suggéré par le directeur de Danzas pour l’Italie et le Tessin Pietro Ris ; il s’agit de l’abréviation du terme allemand « huckepack », qui signifie porter sur l’épaule. 12 Cette société italienne avait été fondée en 1969 par quelques transporteurs routiers lombards, notamment par l’entreprise Borghi de Milan. Elle sera reprise par CEMAT en 1986. 13 La société Aktiebolaget Svenska Godscentraler (ASG) de Stockholm a également participé à la fondation de l’UIRR. 11 116 L’intermodalité rail-route en europe occidentale De nouveaux espoirs, de nouveaux défis, de nouveaux progrès Au cours des trois décennies du siècle dernier, les techniques mises au point par les opérateurs ont cherché à tenir compte des exigences du rail et de la route : elles devaient non seulement s’adapter aux modifications répétées des dimensions et du poids des unités de chargement, mais aussi aux infrastructures ferroviaires (tunnels et ponts) qui, sur les axes transnationaux à travers les Alpes et en direction de l’Europe méditerranéenne, présentaient des gabarits insuffisants. Encouragés par la Commission européenne à partir des années 1975‑1976, les opérateurs ont également été à l’origine d’importantes innovations commerciales et organisationnelles, lesquelles ont constitué de véritables ruptures par rapport au passé. Le rôle de la Commission européenne Souhaitant favoriser le développement du transport rail-route qui demeurait encore trop limité à ses yeux, la Commission de Bruxelles a, dans un premier temps, cherché à mettre en place un cadre juridique unitaire. La directive 75/130 fut en effet la première initiative européenne qui invitait les États à développer les différents modes de transport en fonction de leur complémentarité, mais elle demeurait très laconique car elle stipulait que chaque État devait libérer les transports combinés de toute restriction quantitative (contingentement) et administrative (autorisation) avant le 1er octobre 1975. En outre, elle se montrait favorable à la réduction de la fiscalité sur les transports routiers utilisés dans les transports combinés internationaux. Trois ans plus tard, la Commission a créé un Comité consultatif dont la mission était de veiller à la sauvegarde des intérêts communautaires en matière d’infrastructures et, par une autre directive, elle a élargi le champ d’application du transport combiné en y incluant tout transport utilisant en priorité le chemin de fer pour surmonter un obstacle naturel. L’étape suivante a été franchie en 1982 : le Conseil des ministres des Transports a déclaré que le transport combiné relevait de l’intérêt général et qu’il devait être à la fois libéré de certaines contraintes et stimulé par des mesures d’encouragement. La directive 82/603 a confirmé cette volonté car elle prévoyait que les mesures nécessaires pour définir des centres de transbordement en vue de l’évolution du transport combiné devaient être fixées avant le 31 décembre 1984. Cette volonté a été à nouveau affichée deux ans plus tard, mais c’est surtout à partir de 1991 que l’action communautaire est devenue 117 Michèle Merger plus décisive, avec notamment les premiers textes fondateurs de la libéralisation du secteur ferroviaire. Les ministres des Transports des Douze ont souligné que le transport combiné constituait une solution de remplacement au transport routier intracommunautaire sur longue distance, et la directive 91/224 du 27 mars 1991 envisageait non seulement l’exonération de la tarification obligatoire et la libéralisation du transport routier associé à un autre mode, mais aussi et surtout l’accès au marché. Cela signifiait que tous les transporteurs établis dans un État membre et habilités à effectuer des transports internationaux seraient autorisés à assurer les parcours routiers initiaux et terminaux faisant partie intégrante du transport combiné intracommunautaire. La célèbre directive 91/440 du 29 juillet 1991 qui préconisait la séparation entre réseau et exploitation des lignes, le droit d’accès au réseau, s’inscrivait clairement dans la perspective d’une meilleure performance du rail et répondait aux attentes des opérateurs de TC. Deux directives complémentaires publiées en 1995 ont fixé les critères requis pour l’obtention d’un droit d’accès et les règles relatives aux capacités d’infrastructures. L’action de Bruxelles ne s’est pas limitée au cadre juridique car, dès 1970, la Commission a cherché à encourager l’intermodalité en légalisant les aides publiques visant à faciliter la recherche et le développement de techniques de transport plus économiques. Conformément au règlement du 10 juin 1982 qui fut mis en vigueur dès le 1er juillet suivant, ces aides pouvaient également être attribuées pour faire face aux coûts de mise en exploitation des équipements fixes et mobiles nécessaires au transbordement. Sous la pression des pays de transit et notamment de la Suisse, ce régime des aides a été élargi aux coûts d’exploitation des transports combinés transitant par les pays tiers en 1989, année à partir de laquelle il a été prorogé tous les trois ans. Enfin, en 1992, la Commission a lancé le programme PACT 14 (Actions pilotes de transport combiné) pour une durée de cinq ans. Il visait à financer 50 % des dépenses relatives à des études de faisabilité de projets (faisabilité technique et commerciale) et 30 % des dépenses liées à la mise en place de ces projets à titre expérimental pour en mesurer la validité. Il présentait ainsi une triple originalité : il concernait toutes les mesures liées au démarrage d’actions opérationnelles susceptibles d’améliorer la compétitivité du transport combiné par rapport à la route, mais il excluait tout plan d’infrastructure exigeant de lourds investissements ; PACT est l’acronyme de Pilot Actions of Combined Transport. 14 118 L’intermodalité rail-route en europe occidentale il permettait à toute entreprise privée ou publique de soumettre un projet à la Commission ; enfin, toute idée se révélant non rentable devait être abandonnée. Prolongé jusqu’en décembre 2001, ce programme a financé 167 projets malgré un budget assez modeste (53 millions d’euros). Enfin, en 1988‑1990, sous la pression notamment de l’UIRR 15, les autorités de Bruxelles ont fixé leur attention sur deux sujets bien précis : l’étude d’un réseau européen de transport combiné et l’étude des aspects techniques et opérationnels visant à définir des normes et standards européens. S’appuyant sur le rapport publié en septembre 1989 par le consultant bruxellois A.T. Kearney 16, la Commission a tenté de définir une série de recommandations relatives à l’amélioration de l’offre sur 30 axes représentant 75 % des grands flux routiers internationaux de distance supérieure à 500 km ; elle identifiait les besoins d’investissements en infrastructures notamment en matière d’amélioration des gabarits ferroviaires. Ses recommandations concernaient tous les partenaires de la chaîne du transport combiné puisqu’elles envisageaient l’accroissement de capacité des chantiers de transbordement et la polyvalence de leurs équipements, l’augmentation du parc des wagons spécialisés, la standardisation des gabarits et des profils des conteneurs, des caisses mobiles et des engins routiers et enfin une gestion administrative moins lourde des opérations ferroviaires. Des innovations techniques, commerciales et organisationnelles Au début des années 1970, le TCRR a bénéficié de la mise au point de nouveaux wagons poches permettant de transporter à la fois des semi-remorques et des caisses mobiles. Au moyen d’une grue, et non plus par traction comme l’exigeait la technique du kangourou, il était désormais possible de transborder verticalement des semi-remorques de plus de 30 tonnes de façon rapide. La semi-remorque pouvait prendre place dans un compartiment « poche » destiné à recevoir ses essieux. La partie inférieure de cette poche se situait entre les essieux du wagon, c’est-à-dire à un niveau très bas par rapport à la face supérieure du rail. L’UIRR créa un Bureau de liaison à Bruxelles en juillet 1988 ; trois ans plus tard, elle prit la forme d’une Société coopérative et établit son siège à Bruxelles afin d’avoir des contacts plus fréquents avec la Commission européenne. 16 Ce rapport était aussi le fruit des travaux du cabinet Logitech d’Utrecht et d’une équipe d’une cinquantaine d’experts, représentant non seulement les entreprises de transport combiné faisant partie de l’UIRR mais aussi les filiales des réseaux ferroviaires liées à Intercontainer. 15 119 Michèle Merger Cela supposait le renforcement de la structure de la remorque afin d’éviter une éventuelle rupture 17. Le succès indéniable de cette technique a été renforcé grâce à l’allongement des wagons, celui-ci étant dû également à l’augmentation des dimensions des caisses mobiles et des conteneurs. Pour les premières, les longueurs de chargement sont passées de 12,50 à 14,60 m puis à 16,10 m ; pour les seconds, de 12,40 à 18,40 m. Leur charge utile a elle aussi augmenté : celle des wagons conteneurs de 60 pieds, introduits par la Deutsch Bahn en 1996, atteignait 70 tonnes ; celle du nouveau wagon que la société Hupac a mis en service la même année s’élevait à 68 tonnes. Tous étaient dotés de quatre essieux, caractéristique technique qui s’est généralisée aux dépens des wagons à deux essieux, progressivement abandonnés au cours des années 1980. Le gabarit des tunnels transalpins par lesquels transitaient les convois de transport combiné et la nécessité de répondre à l’utilisation d’unités de chargement de plus en plus hautes ont contraint les opérateurs à utiliser des wagons très particuliers. Ainsi, dans le tunnel du Saint-Gothard les convois de route roulante ne pouvaient transporter que des poids lourds ayant une hauteur d’angle de 3,5 m et, en 1980, lorsqu’elle a mis en service la route roulante entre Singen et Milan, l’entreprise Hupac a employé des wagons poches dotés de petites roues d’un diamètre de 38 cm (contre les 90 voire 100 cm des roues normales), permettant ainsi d’obtenir un surbaissement de la plate-forme. Malgré leur coût et une usure assez précoce des roues qui rendait leur entretien onéreux, ils ont été utilisés pendant plus de vingt ans 18. De même, le développement des conteneurs ISO mesurant plus de 2,90 cm de hauteur à partir des années 1990 et l’introduction en 1997 des caisses mobiles dépassant 3,3 m de hauteur ont contraint les opérateurs à recourir à des wagons ayant une plate-forme aussi basse que possible. L’une des plus importantes innovations d’ordre logistique a lieu au début des années 1970 avec la mise en exploitation des trains complets circulant entre un point de départ et un point d’arrivée, sans aucune recomposition des convois en cours de route. L’absence d’opérations En France, avec le soutien de la SNCF, Novatrans a présenté, dès le printemps 1970, un nouveau wagon de ce type sur lequel une semi-remorque a pu être transbordée verticalement à l’aide d’une grue équipée de pinces de préhension et ayant une puissance de levage de 33 tonnes. 18 En juin 2002, Hupac a soumis à des essais d’exploitation des wagons dotés d’un plancher situé, entre les bogies, à 31,6 cm seulement de la partie supérieure du rail, obtenant ainsi 20 cm supplémentaires pour permettre le transit de poids lourds de 4 m de hauteur dans le tunnel du Saint-Gothard. 17 120 L’intermodalité rail-route en europe occidentale de triage par gravité des wagons susceptibles d’être soumis à des chocs garantissait une plus grande sécurité pour les unités transportées et une régularité accrue des convois. Cette innovation a révolutionné le transport du fret ferroviaire effectué traditionnellement par des trains de ramassage et de distribution et nécessitant plusieurs opérations de triage des wagons. Elle a rencontré un vif succès puisque, vingt ans plus tard, les 21 entreprises membres de l’UIRR faisaient circuler en moyenne chaque année 20 000 trains complets internationaux. Une autre innovation a été expérimentée avec succès en 1990 par l’entreprise Hupac : les premiers trains navette dits Shuttle Net ont circulé entre Cologne et Milan. Il s’agissait d’un système fondé sur une approche toute nouvelle de l’exploitation du trafic. D’une longueur comprise entre 500 et 550 m, ces trains comprenaient un nombre fixe de wagons et circulaient, sans s’arrêter dans des gares intermédiaires et en fonction d’un horaire fixe, entre deux terminaux où l’opérateur – et non pas l’entreprise ferroviaire – procédait aux manœuvres de triage et de transbordement. Le train navette a permis aux entreprises ferroviaires de réduire considérablement leurs coûts et aussi d’améliorer l’offre de transport là où la demande était importante, ce qui répondait aux attentes des chargeurs. Comme la précédente, cette innovation a été adoptée par d’autres entreprises sur les axes situés entre d’une part les grands ports de l’Europe de l’Ouest (Rotterdam, Amsterdam, Anvers, Hambourg) et les principaux ports intérieurs allemands (Ludwigshafen, Duisbourg) ainsi que Bâle, et d’autre part, l’Italie du Nord. La nécessité de mettre au point des systèmes de réservation concernant non seulement l’aller mais aussi le retour des convois a conduit très tôt les opérateurs à concevoir des programmes informatiques, pour obtenir une meilleure planification des capacités de transport en fonction des clients et faciliter leur travail en tant qu’acheteurs de capacités de trains complets auprès des entreprises ferroviaires et en tant que revendeurs à des transitaires et à des entreprises de fret routier. Au début des années 1990, les liaisons informatiques étaient le plus souvent bilatérales ou limitées aux expéditeurs, aux transporteurs et aux destinataires 19, et c’est sous l’impulsion de l’UIRR qu’un groupe de travail a été créé pour étudier un projet pilote d’échange de données. Lancé en 1997 grâce au programme-cadre de C’était le cas, par exemple, pour le système DISK (Operatives Dispositions) qui a été mis en service au début des années 1990 dans vingt-huit chantiers intermodaux allemands. 19 121 Michèle Merger la Commission européenne et au soutien financier du ministère suisse de l’Enseignement et des Sciences, le projet CESAR (Cooperative European System Advanced Information Redistribution) visait une transmission en régime continu d’informations relatives aux corridors importants de l’axe européen nord-sud passant par le Saint-Gothard. Géré par un fournisseur Internet basé à Amsterdam (Cesar Information Services CIS), il est devenu opérationnel en novembre 2000. Il permet aux opérateurs Hupac, Cemat et K ombiverkehr de « disposer d’un instrument de coopération les a ssimilant à une entreprise virtuelle » 20. Il constitue en quelque sorte une véritable « intermodalité dans l’archi tecture des systèmes d’information » 21, puisqu’il fournit, d’une manière permanente, de nombreuses informations logistiques relatives au déroulement du transport, à la suppression éventuelle du train et aux retards des convois aux différents intervenants dans la chaîne de transport. Il permet également d’atteindre un degré de collaboration qui ne pouvait être obtenu a uparavant qu’au sein d’une même entreprise 22. De bons résultats mais de sérieuses difficultés La connaissance du trafic intermodal européen demeure imparfaite : en effet, les données dont nous disposons sont hétérogènes et incomplètes car établies en fonction d’unités de référence différentes (tonnes/km ; unités de chargement ; nombre d’envois). Cependant, les statistiques élaborées par l’UIRR permettent de dégager de grandes tendances : – le TCRR a fortement augmenté jusqu’à la fin du xxe siècle Le nombre des envois UIRR est passé de 252 000 en 1975 à 1 883 000 en 1998 ; le taux moyen annuel de croissance a atteint 16 % de 1975 à 1980, 13,5 % de 1980 à 1989 et 10 % de 1989 à 1998. Cette progression n’a été interrompue qu’à trois reprises : en 1974 au lendemain du premier choc pétrolier, en 1988‑1989 et en 1999 ; – il s’est de plus en plus internationalisé comme l’atteste le tableau suivant : Burkhardt Martin, « Le défi : la coopération et Internet », in Uirr, Rapport annuel 2010, Bruxelles : UIRR, 2010, p. 7. 21 CEMT, Rapport sur la situation… 1998, p. 10. 22 En 2009, 500 clients d’opérateurs de TC seront raccordés au système CESAR et chaque jour ouvrable le système CESAR émettra plus de 55 000 rapports sur la situation des unités de chargement, cf. Seidelhman Christoph, 40 ans de transport combiné rail-route en Europe. Du ferroutage au système de transport international, Bruxelles : UIRR, 2010, p. 71. 20 122 L’intermodalité rail-route en europe occidentale Tableau 1 : Trafic combiné rail-route des entreprises membres de l’UIRR (en milliards de t/km) Trafic Trafic national international Trafic total 1985 5 6 11 1990 12 7 19 1995 17,7 7,2 24,9 2000 24,3 8,1 32,4 Source : Rapports annuels de l’UIRR Alors qu’en 1985 la quote-part de l’international ne représentait que 45 % du trafic total, en 2000 elle s’élevait à 75 %. C’est surtout à partir des années 1993‑1994 que le trafic international a connu les plus forts taux de croissance grâce au développement des trains complets et des trains navettes. Ce sont les axes nord-sud, Allemagne-Italie, Belgique-Italie et Allemagne-Autriche qui, à eux seuls, se partageaient plus de 50 % du trafic, preuve indéniable que le trafic transalpin a acquis une place prépondérante, le principal axe bénéficiaire de cette progression étant celui du Saint-Gothard qui devance le Brenner et le Mont Cenis. – L’analyse de la répartition des techniques révèle la réduction à long terme des semi-remorques au profit des conteneurs et des caisses mobiles. De 1985 à 2000, le pourcentage de chacune de ces techniques a évolué comme suit : Tableau 2 : Répartition des techniques de transport combiné rail-route (en %) Caisses Semi-remorques et conteneurs Route roulante 1985 26 63 11 1990 20 62 18 1995 14 67 19 2000 9 68 23 Depuis le début des années 1990, les caisses mobiles sont devenues les unités de chargement les plus employées pour le transport combiné rail-route. Certes, elles sont moins résistantes et moins lourdes que les conteneurs maritimes standard de 40 pieds de longueur, conçus pour affronter les tempêtes, le levage par le haut et l’empilage (gerbage), et utilisés également en transport terrestre, mais elles peuvent contenir 123 Michèle Merger un poids plus élevé. Offrant une largeur interne de 2,44 m, les plus longues d’entre elles proposent une capacité de transport supérieure de 25 % par rapport à celle du conteneur de 40 pieds 23. Le tableau 2 montre que la technique de la route roulante a occupé une place de plus en plus importante grâce notamment à l’accroissement de ce type de transport sur les axes Allemagne-Italie, Allemagne- Autriche. Moins avantageuse sur le plan des coûts que le transport combiné non accompagné tant pour les chemins de fer que pour les opérateurs, la route roulante est une technique qui, contrairement au transport combiné non accompagné, ne nécessite pas une profonde modification des chaînes logistiques et n’impose pas une gestion complexe. Elle peut être organisée assez rapidement et permet d’alléger le transport routier, mal supporté dans les espaces sensibles au premier rang desquels figurent les vallées alpines. La politique menée par la Suisse depuis plusieurs décennies 24 nous aide à comprendre une telle évolution, qui s’est effectuée aux dépens des routes roulantes nationales 25, corroborant ainsi l’internationalisation du TCRR. Un transport confronté à des obstacles persistants Malgré une progression indéniable, le TCRR ne représentait que 25 % du trafic ferroviaire en Europe à la fin du siècle et, par rapport à l’ensemble du trafic marchandises (tonnage kilométrique) dans la Communauté européenne, sa quote-part demeurait inférieure à 9 % 26. Un tel constat laisse entendre que la collaboration rail-route s’est heurtée à de réelles difficultés dont les plus importantes concernaient l’infrastructure et l’offre ferroviaires 27. En 1996, les 215 000 caisses recensées en Europe représentaient 81 % des unités de chargement et, en 2002, leur nombre s’élevait à 337 000 unités, ce qui correspondait à une hausse de plus de 55 %. 24 Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à Merger Michèle, « Le report modal de la route vers le rail du trafic de marchandises dans les Alpes suisses : un modèle à suivre ? », in Panzera Fabrizio e Romano Roberto (a cura di), Il San Gottardo : dalla galleria di Favre all’AlpTransit, Quaderni del Bollettino Storico della Svizzera Italiana, Bellinzone : Salvioni Edizioni, 2009, p. 225‑249. 25 En 1994, l’Allemagne a abandonné la technique de la route roulante pour le trafic intérieur. 26 De 1990 à 1998, elle est passée de 5 % à 8,6 %. Cf. European Commission, EU Energy and Transport in Figures Statistical pocketboook 2003, fig. 3.4.18. 27 L’accroissement du trafic rail-route a été entravé par d’autres facteurs Cf. à ce sujet Merger Michèle, « L’intermodalité des transports de marchandises du xixe au xxe siècle : l’histoire d’une “mélopée mélancolique?” », in Transports et réseaux : continuités et ruptures, Paris : Conseil général des Ponts et Chaussées, 2004, p. 33-36. 23 124 L’intermodalité rail-route en europe occidentale La conception initiale des réseaux ferroviaires européens dans un cadre national a entraîné des choix différents et les cheminements technologiques ont ultérieurement contribué à maintenir et accentuer les processus de différenciation. Ainsi, le développement du transport combiné rail-route avec l’Espagne a souffert de la différence d’écartement des voies ferrées entre le pays et le reste du continent. L’histoire de l’électrification des réseaux illustre également la divergence des cheminements technologiques et nous aide à comprendre le problème de l’interopérabilité auquel se sont trouvés confrontés les opérateurs de transport combiné. La configuration et le manque de capacité des lignes ferroviaires ont également constitué des obstacles à la rapidité des convois. La circulation des trains TC en Suisse est fortement ralentie sur les rampes d’accès aux tunnels. De Frutigen à Brigue et de Bellinzone à Erstfeld, celles-ci offrent des pentes de 25 à 27 ‰ et un tracé très sinueux. En outre, avant de pénétrer sur le territoire italien, les convois en direction de Chiasso et de Milan doivent emprunter le tronçon de montagne allant de Bellizone à Lugano qui présente des pentes de 26 ‰ dans le sens nord-sud et de 21 ‰ dans le sens sud-nord. Lorsque les infrastructures ferroviaires ne faisaient pas défaut, ce sont leurs conditions d’exploitation qui ont freiné l’essor du TC. Ainsi, les relations entre le continent et la Grande‑Bretagne, pénalisées par l’absence d’un lien fixe jusqu’en 1994, ont été dès le début entravées par les impératifs de sécurité régissant les opérations de transport dans le tunnel sous la Manche. Ces impératifs ont introduit de nombreuses contraintes : les déclarations administratives effectuées au minimum vingt-quatre heures avant tout chargement et les formulaires qui décrivent, en détail, la composition de celui-ci étaient de nature à repousser voire à « saboter le transport combiné » 28. Elles ont constitué une menace permanente au regard de la fiabilité du service : le moindre retard obligeant le chargeur à reporter de plusieurs heures le contrôle des chargements, effectué par des officiers habilités à vérifier qu’il n’y ait pas d’explosif dans l’unité de transport intermodal, cette perte de temps devenait catastrophique sur un parcours relativement court. La qualité du service ferroviaire sur certaines relations a été très souvent source de nombreuses préoccupations. La priorité accordée CEMT, Transport combiné Audition des organisations et des entreprises de transport combiné, déclaration du directeur général de Novatrans, Jacques Dumerc, au nom de l’UIRR, Paris & Bruxelles : CEMT, 1995, p. 60. 28 125 Michèle Merger systématiquement aux trains de voyageurs, le manque de conducteurs aux gares frontières entraînaient des retards qui ont toujours constitué un véritable talon d’Achille pour le trafic combiné. Un autre facteur non négligeable a eu tendance à éloigner les chargeurs du transport ferroviaire : ce sont les grèves des cheminots. Celles qui ont frappé la SNCF en 1995, en 1997 et en 1999 ont eu sans aucun doute des conséquences désastreuses. En outre, les chemins de fer ont offert aux opérateurs des prix fondés sur les coûts réels du transport qui ne correspondaient pas à la situation du marché dominé par le transport routier. Une telle stratégie a continuellement fragilisé la compétitivité des entreprises de transport combiné. Plus généralement, le TCRR a eu du mal à s’adapter à un marché dont l’évolution était très rapide. Depuis une trentaine d’années, l’économie du monde occidental est caractérisée par une plus grande spécialisation des unités de production, la diminution des stocks et un système de livraison « juste à temps ». Cela a entraîné une fragmentation des envois, une plus grande fréquence des flux ; la demande de transport a privilégié et renforcé l’emprise du mode routier. Les chargeurs dont les attentes se fondaient auparavant sur plusieurs critères (le prix, les délais, la fiabilité et la réactivité) ont eu tendance à accorder de plus en plus d’importance au respect des délais et ont ainsi favorisé le développement des transports routiers. En dépit des efforts incessants dont elle a fait preuve depuis trente ans, la Communauté européenne s’est montrée incapable de résoudre les épineux problèmes économiques et techniques que soulevaient les grandes orientations et les projets proposés par ses nombreuses directives. Le financement des infrastructures, les multiples dispositifs réglementaires, les distorsions de concurrence dues notamment à la diversité des fiscalités et des conditions de travail dans chacun des États membres, sont autant d’obstacles auxquels s’est trouvé confronté le TCRR. En fait, les nombreuses propositions de Bruxelles n’ont pas été suivies d’effets immédiats ; la libéralisation du rail en est l’exemple récent le plus frappant 29. Enfin, certaines mesures prises par la Commission en faveur du transport routier (taxe de roulage des camions) étaient diamétralement opposées aux déclarations d’intention en faveur du transport combiné. Le projet de création de réseaux de En 1997, le président de l’UIRR W. Küpler estimait que la libéralisation du rail avançait « à petits pas » et deux ans plus tard, il soulignait que chaque écart dans le processus de libéralisation représentait « un frein au développement du transport combiné » ; cf. Rapports annuels de 1997 et de 1999 de l’UIRR, p. 1. 29 126 L’intermodalité rail-route en europe occidentale fret transeuropéens confirme parfaitement la permanence de ces jeux de pouvoir aboutissant à discréditer l’efficacité des instances européennes. Le manque de cohérence concerne également la politique des transports des gouvernements européens. Même s’ils ont toujours affiché leur désir de satisfaire les besoins des usagers au moindre coût pour la collectivité, presque tous ont continué à prendre des décisions isolées, reflétant avant tout une logique de l’offre dans une optique de concurrence et une approche encore largement « unimodale » dans les schémas directeurs, la tarification de l’usage des infrastructures. Les États ont eu une attitude ambiguë en dispersant leurs interventions en une multitude de projets et en tentant de s’immiscer dans ceux élaborés par les pouvoirs régionaux ou locaux dont les objectifs répondaient à des logiques bien précises, accordant le plus souvent la priorité aux infrastructures routières. Quelques remarques conclusives Le TCRR exige de véritables relations de confiance et un partage équilibré des responsabilités entre les opérateurs, mais il n’a pas pu faire table rase en quelques décennies des effets à long terme que les cloisonnements et les luttes du passé ont laissés dans les mentalités et les habitudes des acteurs publics ou privés. Victime du fait que « la hache de guerre entre le rail et la route [n’a pas été] définitivement enterrée » 30, son essor a été également entravé par la rigidité et la qualité insuffisante de l’offre ferroviaire. À la fin du xxe siècle, il était légitime de se poser la question suivante : les prestations ferroviaires et les talents d’organisation des opérateurs de transport combiné allaient-ils profiter de la libéralisation du rail pour permettre au rail-route de connaître enfin la « grande envolée » 31 qui se faisait attendre depuis les années 1980 ? Boccara Albert, « Euromodal 90… Euromodèle ! », Revue générale des Chemins de fer, n° 4, 1990, p. 10. 31 Propos tenus par le directeur de l’UIRR Rudy Colle lors de l’audition des organisations et des entreprises de transport combiné réunies à Paris le 22 novembre 1994 ; CEMT, Transport combiné Audition des organisations…, p. 40. 30 127 Deuxième partie Coordination de la mobilité dans un espace national Second Part Coordinating national mobility Social Engineers in Transport Policy Co-ordination Efforts in Governmental Commissions in Britain during the Interwar Years Anette Schlimm, Ludwig-Maximilians-Universität, München Abstract : The interwar years in Britain were marked by efforts to coordinate transport infrastructure. Various government boards tried to shape a new transport order, characterized by both competition and virtual monopolies. These boards, as well as their recommendations, were built on a common rational and static order. Thus both the institutions and ideas were part of social engineering, a historical phenomenon apparent in a number of European societies in the first half of the 20th century. The interwar years were a phase of significant upheaval in transport economics, politics and policy, not only in Great Britain, but throughout Europe. Motorized road transport appeared on streets and roads as well as in transport debates, especially those concerning transport of goods. The British transport economy underwent a slightly stronger transformation than other European transport economies, even though the road hauliers remained for the most part limited to short distance traffic on the British Isles until the early fifties 1. But with or without Cf. Aldcroft Derek Howard, British transport since 1914: an economic history, North Pomfret, Vt.: David & Charles, 1975, 336 p.; Bagwell Philip Sidney, Lyth Peter, Transport in Britain: From Canal Lock to Gridlock, 1750-2000, London & New York: Hambledon Press, 2002, 272 p.; Dyos Harold James, Aldcroft Derek Howard, British Transport. An economic survey from the seventeenth century to the twentieth, Leicester: Leicester Univ. Press, 1971, 473 p.; Scott Peter, “The Growth of Road Haulage, 1921-58: an Estimate”, The Journal of Transport History, 3rd Series, no 19, 1998, p. 138-155. Scott estimates that the proportion of road haulage of total road and 1 131 Anette Schlimm any quantitative economic impact, road traffic became a dominant topic all over Europe between the end of the First World War and the early 1930s. Whether called the “Road and Rail Transport Problem” 2 as in Great Britain or the “Eisenbahn-Kraftwagen-Problem” 3 as in the German Reich – the relation between the hitherto dominant inland transport form, the railways, and the new and upcoming medium on four wheels was discussed and debated between transport experts in all European countries, in transport ministries, parliaments and even in super-national institutions like the European Chamber of Commerce. The relationship was regarded as a dangerous form of competition and a climactic crisis 4. In most cases the debaters tried to find ways to regulate this competition and transform it into co-operation. The causes of the transformation of the European transport economy were manifold, and some of them help us to understand why there was a European transformation in a highly nationalized branch of industry. There are of course technical factors – the improvements in the a utomobile industry as well as in road building or fuel supply 5 – which were present in all countries in Europe, although to varying degrees. The prosperity gap between western and eastern parts of Europe as well as between northern and southern regions must be carefully analysed. But perhaps more important are the non-technical rail tonnage rose from 6.3 to about 25.1 percent between 1921 and 1932. But these figures do not tell us anything about the economic significance of the shift from rails to roads, because there is no reliable statistical data either about the ton mileage or about the classes of goods, i.e. the losses in rates for the railway companies. 2 Mance Osborne Harry, The Road and Rail Transport Problem, London: Sir Isaac Pitman, 1940, 166 p. 3 Napp-Zinn Anton Felix, “Verkehrswissenschaftliche Kritik des Eisenbahn-KraftwagenProblems”, in Napp-Zinn Anton Felix (ed.), Eisenbahn und Kraftwagen. Verhandlungen auf der von dem Verein zur Wahrung der gemeinsamen wirtschaftlichen Interessen in Rheinland und Westfalen und dem Institut für Verkehrswissenschaft an der Universität Köln am 27. Mai 1930 in Düsseldorf veranstalteten Verkehrstagung; mit Anschluß einer verkehrwissenschaftlichen Kritik, Köln: Köln Universitäts-Buchhandlung Oskar Müller, 1931, p. 146-182. 4 Schlimm Anette, “Handeln im Angesicht der Krise: Zukunftswissen und Expertise deutscher Verkehrswissenschaftler in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts”, in Hartmann Heinrich, Vogel Jakob (Hg.), Zukunftswissen. Prognosen in Wirtschaft, Politik und Gesellschaft seit 1900, Frankfurt am Main: CampusVerlag, 2010, p. 175-194; Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs. Arbeit an der Moderne – deutsche und britische Verkehrsexpertise im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript, 2011, p. 181-201. 5 For Great Britain cf. Barker Theodor, Gerhold Dorian, The Rise and Rise of Road Transport, 1700-1990, Cambridge: CUP, 1993, p. 62-63; Dyos Harold James, Aldcroft Derek Howard, British Transport…, p. 365-371; Scott Peter, “The Growth of Road Haulage…”, p. 143. 132 Social Engineers in Transport Policy factors. The new transport industry can be seen as a reaction to new requirements after the First World War, especially in the manufacturing industry. Because of capital shortages, the storehouse stocks shrank, and conversely the transport requirements changed. The infrequent transport of huge bulks was replaced by more frequent services of smaller amounts of freightage 6. This form of transport was better suited to road haulage than to railway transport. Another cause for the rise of road transport in the interwar years was the First World War as well as the de-mobilization. The war made the demand for lorries rise, and the soldiers learned to drive the new and improved vehicles. After 1918, the European armies reduced their stock of lorries, and many former soldiers tried to build up a new life in road haulage. For Great Britain alone, it is estimated that about 60,000 lorries were sold by the army at a very low price 7. The First World War served as a catalyst for the issue of rail and road competition in another regard as well. In most European countries the transport sector had been centrally administered during the war. This experience of a centralized inland transport may have helped to form the idea of transport as an entity and not just an umbrella for different forms of transport: transport as one object that had to be coordinated 8. This may explain why transport ministries were founded in most European countries during the period immediately after the First World War – institutions where all kinds of transport were to be coordinated and regulated, even if the political and legal powers of these new institutions differed significantly. The new entity of transport was so quickly naturalized that the process, in which it was constructed, became invisible immediately. Now, in the perceived crisis of the present, the object transport seemed to pass by and break apart – a threat which was apparently caused by the new transport medium, by the motorized road transport. The new competition was regarded as uneconomic 9 and inefficient, a dominant interpretational pattern in both interwar politics and the Cf. contemporary discussions: Whyte Hamilton, “Influence of Transport on Industrial Development”, The Journal of the Institute of Transport, no 9, 1928, p. 344-354; Gattie Alfred Warwick, The Great Transport Problem in its Relation to Labour Unrest. A Paper read before the Royal Automobile Club on 17th April, 1912, London, [1913], 12 p.; cf. also Vahrenkamp Richard, Die logistische Revolution. Der Aufstieg der Logistik in der Massenkonsumgesellschaft, Frankfurt am Main: Campus, 2011, 390 p. 7 Scott Peter, “The Growth of Road Haulage…”, p. 142. 8 Cf. Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs…, p. 41-74. 9 Cf. Royal Commission on Transport (ed.), Final Report. The Co-ordination and Development of Transport, London, 1931, p. 17. 6 133 Anette Schlimm social sciences 10. The main task for all transport experts and politicians was to create a system of transport where the highest degree of efficiency could be achieved. Other rivalling values – like liberal markets, free enterprise, or free choices – were subordinated under this dominating objective. These factors were in force in most (central) European countries, but, of course, the proportions of the factors differed. In all these countries, various groups of experts, politicians and interest groups were involved in the diagnosis of the problem as well as the identification of solutions. They contextualized the new situation within the framework of different cultural patterns, different political, scientific and economic traditions, and different (economic) experiences 11. This article concentrates mainly on the British coordination issue in the interwar years. I will reconstruct and analyse the transport experts’ interpretative framework to explain an interesting observation: not only is the resemblance of the transport debates throughout Europe apparent, but the resemblance in the diagnoses, descriptions and proposals, on the one hand, and the social forms of the policy debate on the other hand, is also noteworthy. First, I will reconstruct the debate and its protagonists. In the following step, I will analyse the findings and recommendations and describe their similarities. Finally, I will explain the specificities of this historical episode and connect it to the social and cultural history of British society, a society which has been analysed as a professional society since 1880 12. I will continue and amend this analysis by suggesting that the British society in inter-war years can be seen as a society of social engineering just like other European societies. Hey Kevin, “Transport co-ordination and professionalism in Britain. Forging a new orthodoxy in the early inter-war years”, The Journal of Transport History, 3rd series, no 31, 2010, p. 25-41. 11 The varying impact of the Great Depression may also be an important condition affecting the extent to which co-ordination debates occurred, but it can also be overestimated: in Germany, transport experts even welcomed the Depression to a limited extent, because they hoped the Depression would limit the “Wildwuchs” (i.e. uncontrolled growth), especially in the area of road haulage. See Beckerath Erwin von, “Kapitalknappheit und Verkehrsmittel”, in Diehl Karl, Beckerath Erwin von, Bonn Moritz Julius, Lotz Walther, Sering Max, Wiedenfeld Kurt (Hg.), Wirkungen und Ursachen des hohen Zinsfußes in Deutschland, Jena: Fischer, 1932, p. 285-296. 12 Cf. Perkin Harold, The Rise of Professional Society. England since 1880, London, New York: Routledge, 1989. 10 134 Social Engineers in Transport Policy The Task of Co-ordinating the Transport System in Interwar Britain During the 1920s, the problems between the two dominant media of inland transport became increasingly visible. As early as 1925, when the annual meeting of the Chartered Institute of Transport was held in London, the topic of road and rail coordination appeared in the transport professionals’ discourse. David Lamb gave a paper titled “The Co-ordination of Rail and Road Transport” 13, which was widely discussed. The Railway Gazette attached great importance to the lecture as well as to the topic: “We are glad to see that, as a result of the full ventilation of the subject in the paper and discussion, steps are to be taken by the Institute of Transport to consider in what way the various conflicting interests can be brought together to render possible co-ordination between road and rail transport. Obviously, the first stage would be to attempt the formation of some comprehensive organisation in the road transport industry, and then, in consultation with all interested parties, to essay the framing of a scheme which, with due regard to those concerned, would lead to the most economical transportation. That is what the public and the traders desire – and in the long run is a national question on the solution of which much depends.” 14 In this article, the main topics of the coordination debate were already presented: the attempt to transform the competition into a form of coordination, the need of a higher degree of organisation within the road transport branch, the necessity to form an efficient transport system, and finally, the emphasis on the public as well as on the nation as a whole. Nevertheless, it took three more years before the first step in a new transport policy was made. In 1928, the Royal Commission on Transport, presided by the former MP Arthur Griffith-Boscawen, a then experienced head of investigative committees, was formed. The Commission’s task was Lamb David, “The Co-ordination of Rail and Road Transport”, The Journal of the Institute of Transport, no 6, 1925. 14 Transport Co-ordination (Newspaper clipping from the Railway Gazette, n.d.), Records of the Chartered Institute of Logistics and Transport (Corby, UK), Congress Reports I, London Congress 1925. 13 135 Anette Schlimm “[t]o take into consideration the problems arising out of the growth of road traffic and, with a view to securing the employment of the available means of transport in Great Britain […] to the greatest public advantage, to consider and report what measures, if any, should be adopted for their better regulation and control, and, so far as is desirable in the public interest, to promote their co-ordination and development.” 15 By 1931, three reports – one questioning the security of road vehicles, one concerned with the licensing of buses, and a general report on the co-ordination issue – had been published. Only the last one, “The Co-ordination and Development of Transport”, will be analysed here 16. Apart from many other proposals, the Commission asked that a permanent expert council be formed to set out the concrete terms of co-ordination of haulage on roads and rails. This task was too complex, the Commission declared, for a Royal Commission, as the body would need to be completely neutral and unprejudiced. Every decision in this labyrinthine field of goods transport tended to be judgmental. “Who is to decide, for example, what rail services are desirable in the public interest and what amount of coastwise shipping? Or what goods should in the national interest be sent by rail, road, canal or ship?” 17 In 1932, in the year following the Royal Commission’s final report, the Ministry of Transport installed the next commission: the Conference on Road and Rail, well-known as the Salter-Conference and named after Sir Arthur Salter, economist and international planner from the League of Nations, who was also the Conference’s president. It consisted of four representatives from the four railway companies as well as four emissaries from four big road haulage associations. They were instructed to determine “what would be a fair basis of competition and division of function between rail and road transport of goods” 18. The findings of the conference were intended to form the basis for a new legal order of the haulage industry. And, in fact, the Road and Rail Traffic Act of 1933 generally followed the recommendations. A new licensing system was introduced for the road haulage industry. Terms of Reference, in Royal Commission on Transport (ed.), Final Report. Royal Commission on Transport (ed.), Final Report. 17 Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 141. 18 Terms of Reference in: Conference on Road and Rail/Ministry of Transport (ed.), Report of the Conference on Rail and Road Transport, London 1932, p. 4. 15 16 136 Social Engineers in Transport Policy The well-established hauliers were provided automatically with the licences for the existing connections, while new hauliers had to prove a specific requirement by the consumer, a requirement that might not be met by existing transport connections like the railways. This regulation was made to avoid duplication of the same service. The Royal Commission and the Salter Conference constituted different types of political consultation within the British political system. Royal Commissions were mainly active in the 19th century, when state action expanded to new fields, especially social policy, and there was no public administration mandated to collect information about social problems 19. An important feature of these consulting bodies was their (assumed) neutrality and independence, which meant that their reports could be used as a basis for governmental action 20. Transforming Competition into a New and Stable Order Both committees, the Royal Commission on Transport and the Salter Conference, were encountered with the same problem. Both were assigned to address wasteful competition, a problem that had been diagnosed by both transport experts and politicians. The main characteristic of the transport crisis was the fact that it was seen as an increasingly serious issue: “If allowed to continue unchecked or uncontrolled the evil results of this competition will become even more serious, and will not only adversely affect the financial stability of those who provide trans port facilities but will also hamper the development of trade and the economic progress of the nation.” 21 This new and dangerous form of competition did not serve the progress of the industry and the nation as a whole, but rather put the entire system at risk. This was the main difference between the competition of Cf. Thompson Francis (ed.), The Cambridge Social History of Britain 1750-1950, vol. 3: Social Agencies and Institutions, Cambridge: CUP, 1990, p. 15; Rass Hans-Heinrich, “Royal Commissions in Großbritannien”, in Lompe Klaus, Rass Hans-Heinrich, Rehfeld Dieter (Hg.), Enquête-Kommissionen und Royal Commissions. Beispiele wissenschaftlicher Politikberatung in der Bundesrepublik Deutschland und in Großbritannien mit einem Beitrag zur Paritätischen Kommission in Österreich, Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1981, p. 71-177. 20 Cf. Bulmer Martin, “Introduction”, in Bulmer Martin (ed.), Social Research and Royal Commissions, London: George Allen & Unwin, 1980, p. 1-8; p. 2. 21 Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 5. 19 137 Anette Schlimm the different forms of transport before and after the First World War, the Royal Commission argued. Another common characteristic of the boards was that they were commissioned to safeguard the imperilled efficiency for the entire transport sector. Efficiency was a key issue for transport, the Royal Commission pointed out, not only because of the magnitude of the economic sector, but especially because of the crucial importance for the entire national economy. “Regarded in the narrower sense, solely as an industry, its magnitude may be illustrated by the fact that […] fully one and a-half million people, or nearly 8 per cent of the whole employed population, are directly engaged in one or other of its branches. From this point of view alone it is obviously of the utmost importance that the trans port industry should be maintained by efficient management and wise administration and the highest possible standard of efficiency, and that all the available means of transport should be developed to the fullest economic extent. Taking a wider view and regarding it as an integral and indispensable component of the national structure, the importance of adequate, efficient and cheap transport facilities cannot be overestimated, particularly in a country such as Great Britain whose trade consists to so great an extent in the importa tion of food and raw materials and the exportation of manufactured goods.” 22 Besides this mainly economic motivation behind the efficiency issue, there was also another, more general and social cause for the significance of the transport sector 23. Already in 1909, W. Bolland had asserted that “[f]rom the national point of view a well-ordered transit system is a vital necessity” and that “[t]he primary function of a railway system is social” 24. These truths remained valid during the interwar years 25, even if the concrete steps to secure this social function created controversy. Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 4. This “wider view” is a characteristic feature of the transport experts’ debates in the period between the 1920s and 1950s. See Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs…, esp. p. 61-70. 23 Cf. Crompton Gerald, “Good Business for the Nation’: The Railway Nationalisation Issue, 1921-1947”, The Journal of Transport History, 3rd series, no 20, 1999, p. 141-159. 24 Bolland, William, The Railways and the Nation. Problems and Possibilities, London: T. Fisher Unwin, 1909, p. 7 and 138. 25 Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, e.g., p. 15, 17, 45. 22 138 Social Engineers in Transport Policy In order to build up a new, efficient system of transport, the members of the two transport boards sought to avoid competition in transport: “No doubt if a state of affairs could be reached whereby every passenger travelled, and every ounce of goods was consigned, by the most econo mical route and form of transport, many of our present transport difficulties would disappear” 26, as the Royal Commission of Transport envisioned outcome of the negotiations. The ideal of the railway members of the Salter Conference was a system like a monopoly, but without its negative impacts. They imagined a d e-centralized system which would nevertheless function like “a single administration, without divergence of financial interest, [which] were solely occupied in meeting the needs of the public by the most convenient and economical arrangement of transport.” 27 So far, the complete unification of transport, which some transport executives had favoured in the direct aftermath of the First World War, seemed to be impossible – the liberal thinking was still strong, and the practical problems even for the amalgamation of the railway companies in the period between the Railways Act in 1921 and the realisation of the Great Four Railways in 1923 had been too complex. Generally speaking, the complete transport monopoly remained the railway experts’ utopia. At the same time, it was the road transport experts’ dystopia. Though they were advocates of a co-ordinated transport system as well, they, and especially the road hauliers’ representatives in the Conference on Road and Rail, insisted that the new form of transport needed freedom to expand and develop, for the well-being of the motor-car industry as well as for the public. But the different sides found a compromise between monopoly and freedom. The recommendations of the two boards were similar in many regards. Both boards first called for the internal rationalisation of every transport medium and/or company. The main section of the Final Report of the Royal Commission was even dedicated to this internal rationalisation issue, aiming to secure the highest possible rate of efficiency. But on the second demand – that a way be found to co- ordinate rail and road in practice and every-day operation – the Royal Commission on Transport gave in. It was not in the position to force the industry to establish a new order. Instead, the recommendation was Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 141. Conference on Road and Rail/Ministry of Transport (ed.), Report of the Conference on Rail and Road Transport, p. 13. 26 27 139 Anette Schlimm to establish an experts’ council at the Ministry of Transport. According to the Commission, the whole transport system should be kept under “constant observation” 28, and the Advisory Council should be given the duty to “advise the Minister [of Transport] as to the action which he might usefully take to promote the co-ordination, improvement and development of transport generally.” 29 These advisors were not to be elected by the industry itself, so that they would be independent of companies and transport branches. The Royal Commission recommended a kind of permanent, neutral commission like itself. However, the Salter Conference was quite a different commission than the Royal Commission had proposed. Its members were not unprejudiced but biased, because they were representatives of their company. However, the members of the Conference were obligated to keep in mind not only their own interests but also all the other interests involved in the problem of road and rail. While the Royal Commission had given in to the problem of the co-ordination of road and rail, the Salter Conference recommended a licensing procedure to avoid the doubling of transport services 30. The wasteful competition between road and rail was to be superseded by a fair basis of competition, to safeguard the (financial) interests of the railway companies, the trade and industry as a whole and the “general public interest” 31. The new, fairer form of competition was based on two non-competitive forms of co-ordination: division of function and co-operation. The new form of competition was to find its place in between these forms of non-competition. At first sight a paradox, these concepts of co-operation and competition were in fact not antagonistic. The idea behind the division of function was based on the assumption that every form of transport had its special advantages and disadvantages, which were generally constant. For example, the railways were seen as the best means of transport for heavy commodities and long distances, while the road haulage was able to serve house-to Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 142. Royal Commission on Transport (ed.), Final Report, p. 142. 30 Cf. Shaw Stephen, Transport. Strategy and Policy, Cambridge/MA: Blackwell, 1993, p. 107-109. 31 Conference on Road and Rail/Ministry of Transport (ed.), Report of the Conference on Rail and Road Transport, p. 8. Further on, co-ordination in the sense of the Conference on Road and Rail was not only meant as co-ordination of the two transport media, but also as “the co-ordination of different forms of transport service with […] the needs they serve”. Ibid., p. 9. 28 29 140 Social Engineers in Transport Policy house transport. These fields of activity were to be the fixed basis of the division of function in transport. The different means of transport were called to co-operate with other specialised carriers, for example to secure the distribution of heavy goods from the final rail station to the customer. The division of function implied new needs and possibilities for co-operation, so that every transport company could benefit from a well-regulated transport system 32. On top of these forms of division and co-operation, transport experts, the Royal Commission, and the Salter Conference were keen to secure spheres of competition – fair competition, which implied that all means of transport would have the same starting conditions, such as a fair share of highway costs, for example. This fair competition, which was seen as the most important instrument for securing the progress of transport for the future, was limited to certain spheres, namely the functional and/ or spatial zones between the fixed fields of activity reserved to only one of the means of transport 33. This pattern of a co-ordinated transport system, well-regulated and divided into spheres of virtual monopolies, of desired co-operation and of competition, was present in several European countries, including Great Britain and Germany, in the interwar years. The important and unique characteristics of the British model were a gradually stronger emphasis on competition, a regional system of regulation instead of the centralised (and more authoritarian) policy in place in Germany even before 1933, and the stronger position of the road haulage industry. But the most interesting feature of these ideas of co-ordination is their resemblance to the institutional patterns of co-ordinating efforts. There are several examples of co-operation and division of function which played an important role in transport experts’ discourse, in the interwar years and beyond. One of them, a report about the milk collecting transport scheme in Cornwall, is analysed in my dissertation. Cf. Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs…, p. 240-243. 33 This coordinated transport system resembles, in some ways, the railway system which was created by the Railways Act in 1921. More than one hundred railway c ompanies had been amalgamated into four railway companies. Each of them had a topographical monopoly, but they still had to compete with each other because of the doubling of main routes. This effect was intended by the planners in the 1920s, but criticized as wasteful competition in the 1930s, similar to the competition between rail and road. See Fenelon Kevin Gerard, Transport and Communications, London: Sir Isaac Pitman & Sons, 1931, p. 32-33. 32 141 Anette Schlimm Similarities between Discursive and Institutional Patterns The resemblances between the commissions themselves and their recommendations can be addressed through two analytical questions. First, which forms of demarcation were constitutive for the new order to be established? Second, how was the new internal order to be realised, and what would it look like? First, the importance of the demarcation lines cannot be overestimated, though they may not be apparent at first glance. They were constitutive for the transport discourse. The first demarcation line concerned rationality. The pattern of argumentation had to be perceived as a rational one by the dominant participants of the discourse. The question of rationality was mainly challenged in the field of necessity and needs. For example, if a road haulage company applied for a new transport licence, it had to prove that this new transport possibility was needed. And this necessity was greatly shaped by the political and/or social definitions of necessity. Was the new possibility really necessary, or was it perhaps in fact a luxury? The demarcation line between real and imagined transport necessities was on the whole not as clear as it was in the German transport debate. However, mainly during (perceived) crises, there were major attempts to limit transport using national and economic justifications – especially during the Second World War, when the Railway Executive Committee asked using big posters and in newspaper advertisements, “Is your journey really necessary?” 34. But the demarcation between the rational and the irrational was also made on the institutional level. One finds, for example, the evidence taken by the Royal Commission on Transport, documented in big blue books. Everybody was free to bring his or her position in front of the Commission, which had published an appeal in the press in 1928, but it was mainly the reports given by the big transport companies, economic associations and scientific consultants which found their way into the official reports. This had consequences, particularly for marginalised positions like that of pedestrians. They were not part of the co-ordination efforts, not mentioned in urban transport debates, and not even subsumed under the entity “transport”. In addition, customers were not taken into account, whereas they now play quite an important role in transport debates. Schlimm Anette, Ordnungen des Verkehrs…, p. 298. 34 142 Social Engineers in Transport Policy The most visible and best-known demarcation line was e stablished by the Salter Conference. It consisted, as reported above, of four representatives of the Big Four, the four railway companies, and four r epresentatives of another Big Four – the four most dominant road haulage companies. No small or single-person company was represented. The conference was conscious of this problem, so they promised to also keep in mind the interests of these small companies. But the recommendations of the Conference discriminated against the developing companies – those which did not yet exist, but would first have to prove that there was a strong and as yet unsatisfied demand for their new service. The demarcation lines of the commissions had two main effects. First, they established an order where only rational and economic transport demands and positions were represented. We can conclude that the recommendations for a new transport order were made for a special image of society, that is, a fairly centralised and highly industrialised one where efficiency and economic rationality were the dominant values. They were not fit for a highly participation-oriented consumer society coming into existence during the second half of the twentieth century. The second effect was that this rational and efficient order was a static one. It was developed from the existing order, optimised and then conserved for the future – a future which was seen not as a completely new period but as an extension of the present. But what kind of order characterized the recommendations as well as the institutional practice by transport experts? What other similarities can be found between the institutional and discursive forms of transport policy? In the paragraphs above, I argued that the Royal Commission and the Salter Conference were two quite different forms of consultancy boards. While the Royal Commission was to be a neutral forum to collect information, take into account the positions of interested parties and provide the parliament with some form of recommendation, the Salter Conference was founded as a body of two competing parties – the conflict was an integral characteristic of the Conference. It consisted of representatives whose task was to support the positions of their companies and to fight for a good compromise. But there was also an important commonality – both the institutions are characterised by a position of neutrality – Arthur Salter, the chairman of the Salter Conference, on the one hand, the whole Royal Commission on the other –, and a controversial part – the eight representatives in the case of the Salter Conference, the interested parties’ statements collected and carefully archived in the blue books by the Royal Commission. The neutral position made it possible to control the conflict and harmonise the different positions in 143 Anette Schlimm order to facilitate fairness and achieve a satisfying ending. Conflict-laden communication was canalised and mediated by the neutral position in order to serve a higher goal: protection of the public and national interest. This form of mediated conflict is also found on the level of transport itself. Indeed, the new system of transport consisted of these elements: conflicting interests, a neutral position which guaranteed order and fairness, and finally the overriding need for a functioning, economically sound transport sector. The different forms of transport were left independent: a unified transport system was not built, a transport monopoly was not formed. The means of transport were to compete with each other, but there was a mediating level. Institutionally, there were regional transport commissioners to regulate transport, to evaluate the applications for transport licences and to guarantee a high grade of security in transport. The transport legislation can be understood as being part of this mediating level as well. Both the transport legislation and the transport commissioners were put in place to establish and secure the system through a division of function, co-operation and competition in order to guarantee the technical, economic and social progress of the nation as a whole. The new transport order imagined and recommended by the transport commissions was a kind of organic, harmonious and co-ordinated order, where conflict was, to a significant degree, replaced by a system of co-operation and functional division. The outcome was to be an economically sound, just and efficient transport system. However, transport experts had to pay a high price for this orderly system, a price they were not aware of. The orderly transport system was possible because of the exclusion of supposedly irrational positions, of consumers, pedestrians or small transport enterprises. But this discrimination was concealed through the institution of a supposedly independent mediator who was to guarantee the rationality and impartiality of the co-ordination practice. Thus any interest not regarded as “rational” by this mediator was excluded, and the status quo was conserved in a system which was meant to be flexible. Perhaps the failure of this co-ordination scheme was a result of this lack of flexibility. Conclusion: A Society of Social Engineering? The parallels described between the discursive and institutional forms of co-ordination debates in interwar Britain lead to at least one conclusion: The description illustrates how dominant the cultural patterns of problem solving were in this historical period. Attempts to cope with 144 Social Engineers in Transport Policy the dynamics in transport were intertwined with social diagnoses about disorder as well as with forms of social communication and the institutionalisation of expertise. This suggests that the analysis of historical policies should not lead us to judgements about the adequacy of these attempts, because they are situated in a specific historical period and culture and therefore not transferable to other contexts. On the contrary, we should analyse these policies as constituent parts of a culture which contribute to the organisation of society. The implication of this more epistemological position is that we have the opportunity to analyse these policies, these efforts by different political, social and scientific protagonists, as part of a society challenged by the dynamics of modernity. The diagnoses, the practices and the findings of the two transport commissions can be interpreted as examples of the modes through which a modern society deals with conflicts and disorder – modes we also find in other European societies. I suggest calling these specific historical modes social engineering, which – following Thomas Etzemüller’s considerations – can be defined by combining different elements 35: – The historical actors of social engineering were mainly experts – whatever this meant in the societies of Great Britain or the German Reich. In Great Britain in particular, most of these experts were practitioners with a strong regard for higher values like efficiency, public interest and national progress. – These actors were diagnosing a crisis, which was triggered by the dynamics of the modern world: urbanisation, technical progress, class conflicts, demographic changes, etc. These factors were regarded as essential for progress, but at the same time they seemed to threaten the established order which was seen as vital for social cooperation as well as for the nation as a whole. The actors, or social engineers, had quite an ambivalent view of modernisation. – The social engineers made an effort to restrict these modern dynamics to special zones in between stable regions of order (like transport regions, neighbourhood units, etc.). They tried to develop a new system where progress and traditional order would be co-ordinated. But The concept of social engineering, which is used in this article, is presented in Etzemüller Thomas, “Social Engineering”, Docupedia Zeitgeschichte 2010, 6.2.2012 (https://docupedia.de/zg/Social_engineering?oldid=75535); Etzemüller Thomas (Hg.), Die Ordnung der Moderne. Social Engineering im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript, 2009. 35 145 Anette Schlimm unlike the vision of society put forward by supporters of modernisation theory, modernity and order were still two different things, even contradictions sometimes, in the image of society the experts described. According to the social engineers, it was not possible to build a new order upon modern dynamics. The Britain of the interwar years can be seen as a society where this form of social engineering was quite influential, above all in the social sciences and in the area of political consultancy, even though the Parliament tended to a mere traditional form of policy. But social engineers were found throughout the political landscape of Britain (as well as of Europe) and over twenty or thirty years they defined the predominant perspective on social problems, combining the image of a stable and harmonious order with limited spaces for dynamic processes. This was not just a special feature of transport debates, but can be found in many other social fields (e.g. industrial sociology, demography, town planning) throughout Europe (Sweden, Germany, the Netherlands, Great Britain) 36, so that the phenomenon of social engineering helps us to analyse a historical period which was characterised by strong national policies as well as European similarities. The influence of social engineers in defining and solving social problems was one of these similarities, partly because of the experts’ international communication. Thus the existence and practice of social engineering throughout interwar Europe may be another reason for the similarity of European transport issues: these problems were defined and handled in similar ways by similar protagonists. Etzemüller Thomas, Die Romantik der Rationalität. Alva & Gunnar Myrdal. Social Engineering in Schweden, Bielefeld: transcript, 2010 ; Kuchenbuch David, Geordnete Gemeinschaft. Architekten als Sozialingenieure – Deutschland und Schweden im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript, 2010 ; Luks Timo, Der Betrieb als Ort der Moderne. Zur Geschichte von Industriearbeit, Ordnungsdenken und Social Engineering im 20. Jahrhundert, Bielefeld: transcript, 2010 ; see also the forthcoming examination of the social engineering connected with the Zuiderzee project in the Netherlands by Liesbeth van de Grift. 36 146 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport – The Case of Austria and Switzerland During the First Half of the 20th Century Bernd Kreuzer, Johannes Kepler Universität Linz Abstract : Austria’s Federal transport policy of the 1920s and 1930s was rather ambivalent and inconsistent as both push and pull factors were used at the same time: on the one hand, the Railways were given preference to by legal measures while on the other hand road transport was fostered by large investments in road building and by abolishing the tax on motor vehicles in use. The Federal Railways, on the other hand, had to cope with a difficult situation after the fall of the Habsburg Empire in 1918 and underwent a process of modernization and rationalization. But in the long run, the railway continually lost market shares to road transport. Compared to the Swiss case it seems as if in Austria the problem of co-ordination and competition between road and rail was much less successfully solved. Transport in the Habsburg Monarchy and the impact of 1918 With the defeat of 1918 and the fall of the Habsburg Empire, the Austrian Railways had to cope with a difficult situation in many respects. First, the engines, carriages and wagons had to be distributed among the successor states, but more than a proportionate part of the administrative staff remained in Austria. Its number was much too high for the now small country, causing an increasing deficit. Secondly, the Austrian Railways depended almost entirely upon coal as a source of 147 Bernd Kreuzer energy because Austria had largely neglected to develop alpine water power as Switzerland had begun to do. The coal, however, came from Silesia and Bohemia and now had to be imported from Poland and Czechoslovakia. But Austria lacked the money to pay for the importing of coal, so the trains often did not run as scheduled – or did not at all – in the period just after war. Thirdly, the railway network had some gaps due to the new borders because Austria had had to cede some important railway nodes to Czechoslovakia, Hungary, Yugoslavia, and Italy 1. Nearly all important railway lines connecting the former capital with the remotest parts of the empire were now cut off by the new borders. Austria-Hungary, like Germany, but to a much lesser extent, was a key country for European railway transit. Passenger and especially freight transport between Russia and Italy, between Germany and the Balkans and, to a lesser extent, between Switzerland and Eastern and South-Eastern Europe, had to pass through Austria-Hungary. This strategic position was partly lost after 1918, though the freight transit corridor from the Adriatic to North-Eastern Europe remained important. As some of Austria’s formerly most frequented tourism resorts, the Bohemian spas and the Austrian Riviera on the Adriatic coast, were now less easily accessible, summer holiday resorts along the Western railway in Tyrol, in Salzburg and in the Salzkammergut region saw a remarkable rise in tourism. The main axis of transport shifted from north-south (Silesia-Bohemia-Vienna-Trieste) to east-west (Vienna-Linz-Salzburg-Germany/Tyrol and Switzerland). This was not only due to the new borders, but mainly to the economic situation in central Europe after 1918. Despite all these changes, the railway kept its dominant and overarching position in the transport sector. In fact, until 1918 the railways had hardly known any competition at all. Suburban, interurban and long-distance passenger transport was nearly exclusively provided by the railway, whereas in urban areas the tramways occupied a leading position. Only in rural areas hitherto insufficiently serviced Mechtler Paul, “Internationale Verflechtung der österreichischen Eisenbahnen am Anfang der Ersten Republik”, Mitteilungen des Österreichischen Staatsarchivs, 17/18 (1964/65), p. 399-426; Staudacher Peter, “Die österreichischen Eisenbahnen 1918-1938. Problemgeschichte eines Transportsystems”, in Schmid Georg, Lindenbaum Hans, Staudacher Peter, Bewegung und Beharrung. Transport und Transportsysteme in Österreich 1918-1938. Eisenbahn, Automobil, Tramway, Vienna: Böhlau, 1994, p. 15-105, esp. 18 seq. 1 148 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport by the railways did road transport still prevail. If the railways had to face any competition at all, it did not derive from any mode of transport within the country, but rather from international sea transport, mainly in the form of freight transport, of course. Under these circumstances it becomes clear that reliable and short connections to Austria’s most important sea harbour, Trieste, always played a crucial role within the country’s transport economy. The Habsburg Monarchy was characterised by a severe lack of internal waterways, as river transport on the Danube, flowing “in the wrong direction” to the Black Sea, could never be compared to the one on the Rhine or the Elbe. In 1912, only 2.7 million tons were transported on the Danube, whereas on the Elbe, which could be used by steam ships only in a very short section, 3.7 million tons were shipped 2. Nevertheless, the Austrian Danube Steam Navigation Company (Donau-Dampfschiffahrtsgesellschaft) by far dominated transport on the Danube. When in 1901 a large infrastructure building programme (Koerber-Plan) passed Parliament, it comprised not only new railway lines, but also new internal waterways (Wasserstraßenvorlage) 3. Only the railways, however, were realised. Hertz Friedrich, Die Produktionsgrundlagen der österreichischen Industrie vor und nach dem Kriege, Berlin and Vienna: Verlag für Fachliteratur, 1917, p. 58; cf. Bachinger Karl, “Das Verkehrswesen”, in Brusatti Alois (Hg.), Die wirtschaftliche Entwicklung, Vienna: Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 1973, p. 311 (Die Habsburgermonarchie 1848-1918, vol. 1). 3 Binder Harald, “Die Wasserstraßenvorlage und die wirtschaftlich-politische Lage Österreichs im Jahre 1901”, Österreichische Zeitschrift für Geschichtswissenschaften, 3 (1992), no. 1, p. 43-62. 2 149 Bernd Kreuzer Table 1: Passenger and Freight Transport in Austria (Cisleithania), 1913 Passenger Transport Passengers Transported (in 1,000) Railways Approximate Modal Split Share (%) Freight Transport Freight Tons Transported (in 1,000 t) Approximate Modal Split Share (%) 301,915 84 158,818 96,1 53,746 14,9 586 0,4 Internal Waterways (Danube, Elbe) 2,748 0,8 5,719 3,5 Motorized Public Road Transport (Postal and Private Services) 1,187 0,3 359,596 100,0 165,123 100,0 Urban Transport (including electric, steam and horse-drawn tramways) Total Source: Österreichisches Statistisches Handbuch für die im Reichsrathe vertretenen Königreiche und Länder 1913, Vienna: K.K. Statistische Zentralkommission, 1914. Note: Cisleithania comprised the Alpine countries, Bohemia, Moravia, Silesia, Galicia, Bucovina, Krain, Istria and Dalmatia, but not Hungary and Croatia. Growing competition between road and rail During the 1920s, and still more during the 1930s, this traditional modal split pattern gradually began to change in favour of road transport, even though the railway managed to keep its leading position. In general, transport still meant railway transport and, consequently, transport policy still meant railway policy. The transport crisis following the end of the war was largely a railway crisis. Very soon after the armistice, the first proposals for modernization and rationalization were made, and in 1922, the League of Nations, which was supposed to give a huge loan to the Austrian Federal Government in order to put the Austrian budget back on its feet, called for far-reaching reforms within the railways: staff reduction, new tariffs, the introduction of business principles, etc. In fact, in 1923, the Austrian Railways, which had hitherto been part of the Ministry of Railways, now became a business enterprise, thus separating ministerial administration from management – a measure almost simultaneously taken by the German government, too. The number of 150 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport staff was radically reduced, from 228,000 in 1919 to 85,000 in 1926 4. Nevertheless, the railways kept on suffering from high debts and a general lack of funds for investment, with the State constantly obliged to cover the deficits. The interwar period was undoubtedly characterised by the competition between road and rail transport in short-distance transport and by the governmental struggle to co-ordinate these two transport modes. Like in many other European countries, questions such as how to organize and co-ordinate road and rail transport, which transport mode to invest in, who should pay the social costs of transport, and what should be the role of the State, continued to be discussed throughout the interwar period 5. There is a wealth of contemporary literature on these questions 6. Apart from that, the rising importance of the aeroplane and of aviation in general as another emerging competitor in long-distance travel and transport must not be underestimated. The aeroplane, as the fastest, the most modern, the most luxurious and, therefore, the most elitist means of transport, proved to be a formidable competitor, at least for the luxury long-distance train. When, in 1922, the Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne opened an air route running from Prague via Vienna to Belgrade, and then even to Constantinople, flying was not only faster, but also more prestigious and therefore, far more attractive to upper-class travellers than taking the Orient Express train. This aerial competition only affected the very small market segment of luxury travel, but it drove the wealthiest travellers to opt for the aeroplane whenever possible and apparently made the luxury trains unprofitable. The famous Orient Express was consequently opened to second-class travellers after 1922 in order to gain new customers 7. Moreover, long-distance trains were speeded up in order to stay competitive in relation to the aeroplane, and the Austrian Federal Cf. Metz Ernst, Beamteneinsparung aufgrund der Genfer Protokolle unter beson derer Berücksichtigung der Österreichischen Bundesbahnen, PhD thesis, University of Vienna 2003. 5 Wohl Paul, Albitreccia Antoine, Road and Rail in Forty Countries. Report prepared for the International Chamber of Commerce, London: Oxford University Press, 1935. 6 Cf. Hanel Georg, Eisenbahn und Automobil in Österreich, Vienna: Manz, 1932 ; Österreichisches Kuratorium für Wirtschaftlichkeit (Hg.), Eisenbahn und Kraft wagen, Vienna: Julius Springer, 1936. 7 Warmuth Heinrich, “Eisenbahn, Automobil und Flugzeug als Konkurrenten in der Ersten Republik”, in Gutkas Karl, Bruckmüller Ernst (Hg.), Verkehrswege und Eisen bahnen, Vienna: Österreichischer Bundesverlag, 1989, p. 135-168; 152. 4 151 Bernd Kreuzer Railways sought to look after their interests by acquiring capital shares in the newly founded aviation companies. This strategy would also be pursued with the bus and haulage companies that were becoming the new competitors in road transport. The competition in road transport did not derive, as one might suppose, from the privately used automobile, but mainly from the bus, and then later, from the 1930s onwards, from the lorry. The bus had already proven its reliability before the war. Soon after the turn of the century, when the building of a network of local railways was at its height, the first motor post bus line had been inaugurated in 1907 in today’s Southern Tyrol and Trentino. Because of its success, in the same year another line was opened in Upper Austria between Linz and Eferding. This line, however, became partly obsolete when a local railway was built there, and it was finally reduced to a short section. Nevertheless, even this reduced service was well frequented and led to the establishment of new bus lines throughout the country, above all where there had been long discussions about whether to build a local railway or not. The first transnational lines were put in service and in May 1914, five motor buses began the first long-distance package tour from Vienna to Bozen. In Vienna, however, the motor bus, for the time being, was not successful: the privately owned Vienna General Omnibus Company Ltd., which had a huge stock of horse-drawn omnibuses, established a motor bus service for just six weeks in 1905. Two other lines operated by the Municipality of Vienna in 1907 were soon replaced by tramways. It seems as if the motor bus could not yet compete with the tramway. Only in 1913 was another – this time successful – attempt made to introduce motor buses into Vienna’s urban public transport, involving various bus types already in use in London, Paris, Berlin and Leipzig. Aside from this late start in Vienna, motor bus services saw a remarkable rise before the outbreak of war, hindered only by the often poor state of roads, which did not allow any heavy motor transport. By 1914, 37 motor bus lines were in service, eleven of them in Tyrol alone, where the newly built alpine road through the Dolomites attracted many tourists. In general, the motor buses in rural areas did not really compete with the railways, but rather complemented them. Some of these lines were only run in summer because they primarily served the needs of tourism. This promising early development of the motor bus was then suddenly interrupted by the outbreak of World War I. 152 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport During the war, the lorry, too, proved its reliability and fitness. In the 1920s and 1930s, when the Austrian Railways had to overcome a deep crisis, the lorry gradually replaced horse-drawn transport and local railways and represented strong competition for short-distance railway transport. Using the higher-speed lorry instead of the horse meant that easily perishable goods like milk, meat, vegetables, fruits and flowers could now be more rapidly delivered to even more distant markets. A transport economist in 1928 judged the lorry to be competitive with the railway not only in short-distance transport but even up to a distance of 200 km, due to its many advantages 8. In fact, when complaining about their competitors, the Federal Railways could never say precisely how much transport they really lost due to this competition. Only in 1930 were the first official post-World War- I railway statistics published. They contained the figures for the year 1927, but nothing was to be read there about competition between road and rail. If we examine the numbers of passengers and goods transported by the Austrian Federal Railways from 1927 onwards, we see an increase in both passenger and freight transport during the short period of economic recovery – and even prosperity – in the late 1920s. But as early as 1928/29, the volume of freight transport began to fall off dramatically due to the world economic crisis. The same then happened to the volume of passenger transport with a delay of some months. It is remarkable, however, that the volume of freight transport started to rise again in 1933 when the economic crisis seemed to have been overcome, whereas passenger transport kept on decreasing and only recovered slightly from 1935 onwards. It seems as if freight transport was much more dependent on macro-economic factors than passenger transport, and that the latter, on the contrary, suffered more from competition on the part of the motor bus than from economic recession. The volume of heavy goods usually transported by the railways – goods such as wood, fuel, coal, ore, and stones – saw a more significant decrease than goods that could also be efficiently transported by motor lorries. These losses in heavy transport may therefore be interpreted as an impact of the economic crisis. Teubert Wilhelm, Die Welt im Querschnitt des Verkehrs, Berlin: Kurt Vowinckel, 1928, p. 404. 8 153 Bernd Kreuzer Table 2: Passenger and Freight Transport in Austria, 1927 and 1936 Passengers Transported (in 1,000) 1927 Freight Tons Transported (in 1,000 tons) 1936 1927 1936 Railways (Federal and Private Railways) 108,051 63,350 27,806 25,380 Urban Transport: Electric Tramways 690,878 508,162 206 75 1,938 1,668 0,5 1,097 Internal Waterways: Danube Motorized Public Road Transport 693 674 Post 1,705 3,048 KÖB – 5,410 Oberkraft 485 Municipal Services Aviation (all companies) 16 41 Sources: Statistisches Handbuch für die Republik Österreich, vol. 9, Vienna 1928. – Statistisches Jahrbuch für Österreich 1938, Vienna 1938. – Amtliche Eisenbahnstatistik der Republik Österreich für das Jahr 1927, Vienna 1930, p. 276-277 – Amtliche Eisenbahnstatistik des Bundesstaates Österreich für das Jahr 1936, Vienna 1938, 55-56. According to a contemporary expert, the modal split shares in 1932 were as follows: railways 71.2%, motor bus transport 6.9%, motor transport (without bus transport) 21.3%, river navigation 0.5%, aviation 0.1% 9. If we look at the number of passengers transported, the motor bus had a share of 11.2%. The average travel distance with the motor bus was only 7 km, but if we take inter-urban and long-distance transport only, the average travel distance is nearly the same as with the local railways. Only 2.6% of all registered motor cars in 1932 were motor buses, but nearly a quarter (24.2%) of all motorised road transport was provided by buses 10. According to the official timetables, in 1919, only nine motor bus lines were in service, but the number rapidly increased, from 23 lines in 1920 to 76 in 1924, and to nearly 500 in 1932. By far the largest motor bus network was operated by the Austrian Postal Service, which had been the pioneer of public motor transport before 1914. In order to compete with the bus and the lorry, the Federal Railways founded a bus Zumtobel Walter, Der Kraftfahrlinien-Personen-Verkehr Oesterreich’s, Dornbirn: Höfle, 1934, annex 2. 10 Zumtobel, Kraftfahrlinien…, p. 12 seq. 9 154 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport company of their own, the Bundesbahn-Kraftwagen-Unternehmung, in 1933, known under the abbreviation “KÖB” (Kraftwagenbetrieb der Österreichischen Bundesbahnen). This motor bus company often operated lines that ran parallel to the railway in order to keep any other company from competing with her. In 1931 she took over one of the most powerful competitors, the LOBEG company (Lastwagenund Omnibus-Betriebs-Gesellschaft m.b.H.), which had built up large regional bus networks, together with her subsidiary companies. Besides these two big companies under the influence of the state, there were many small companies that sometimes operated only one or two lines. Table 3: Motor Vehicles in Use, 1921-1939 Others Total Number of Motor Vehicles 17,974 18,160 68,138 13,372 19,821 22,409 76,153 2,407 14,088 26,414 24,926 91,015 5,125 2,353 13,746 26,645 26,232 92,242 18,891 5,062 2,324 13,687 27,146 28,244 95,354 1935 21,789 5,021 2,458 13,921 29,066 30,756 103,011 1936 25,149 4,939 2,494 13,599 30,219 34,210 110,610 1937 28,081 4,292 2,392 13,817 58,872 12,131 119,585 1939 59,708 1,395 21,743 105,402 1,229 189,477 Year Private Cars Taxi Cabs 1921 7,687 1925 8,095 2,932 1930 12,392 4,963 1931 13,499 1932 Motor Coaches Lorries Motor Cycles 3,234 2,592 6,190 15,963 2,133 12,516 4,914 2,138 17,960 5,220 1933 18,141 1934 Sources: Statistik der Kraftfahrzeuge in Österreich 1930-1937, Vienna 1931-38; Statistisches Jahrbuch für das Deutsche Reich 1939/40, p. 236. In 1930 and 1931 motor vehicles were counted on September 30, and from 1932 onwards on December 31; 1939: July 1. Statistical data published before 1930 were judged to be rather imprecise already by contemporaries of the 1930s. On the other hand, in Upper Austria, the local g overnment founded a motor bus company called “Oberösterreichische Kraftwagenverkehrs-AG” (Oberkraft, 1923) which grew very fast: in 1925, more than 444,000 155 Bernd Kreuzer passengers were transported in 48 vehicles. By 1930, the Oberkraft was the leading bus company in Upper Austria, with more than a million passengers (Post: 252,000, KÖB: 199,000). During the second half of the 1920s, new motor bus services were inaugurated in many larger Austrian cities. The Railways react: the Austrian and Swiss Federal Railways compared How did the Austrian Federal Railways (“Österreichische Bundesbahnen”, ÖBB) react? As we have seen above, one strategy consisted in founding a bus company of their own. On the other hand, the Railways tried hard to make suburban and short-distance travel more attractive, especially for commuters, among other things by renewing the rolling stock and reducing travel times through the use of light railways. Beyond that, the management sought to keep expenses as low as possible and to operate as efficiently as possible. Reduced tickets were offered to tourists, especially during the summer, customs clearance for freight was speeded up, and special freight tariffs were offered. Following the example of the American Railways, engineers even thought of introducing high-comfort express trains running between Vienna and Salzburg – Austria’s most frequented railway line – conceived to be used by wealthy travellers and, above all, by tourists. As to the infrastructure, which had to be adapted to the new spatial structures, there was no money to build new railway lines, except for two secondary lines. The only success was the electrification of a large part of the network in the western states. These efforts were mainly driven by the lack of coal. By 1930, the whole network in the west of Salzburg and the Salzkammergut region was electrified, a total of 835 km, though this success was achieved five years later than planned. Due to the world economic crisis, works had to be stopped. In Switzerland, on the contrary, electrification works were speeded up because of the crisis in order to give work to the unemployed. Then, the Tauern railway line was electrified until 1935. Let us have a look at the Swiss Federal Railways (“Schweizerische Bundesbahnen”, SBB) and see how they coped with competition from the road. Like the Austrian Federal Railways, the SBB enjoyed a de facto monopoly in long-distance transport at the beginning of the century. The traditional horse-drawn postal service was not reduced by the railway, but instead saw a remarkable rise because the railways had caused a general rise of transport volume, and the stage coach could take 156 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport advantage of this by transporting passengers to and from the railway stations. Nevertheless, stage-coach transport in 1910 only transported 1.9 million passengers, whereas 240 million people used the railways 11. The Swiss Federal Railways had only emerged at the turn of the century from the merger of five big railway companies which were bought up by the Federal State in the years between 1900 and 1909. Between 1913 and 1948, another four small privately owned companies followed 12. The new company started with high debts from these purchases, which proved to be a great burden until 1944, when the Federal State finally released the SBB from a great deal of the debts and injected fresh capital 13. The existing railway network was dense and well adapted to national transport needs, but the infrastructure and, above all, the rolling stock were somewhat neglected. Until the outbreak of World War I, the SBB managed to renew both the rolling stock and the infrastructure (stations, workshops). Although the country was not directly involved in the war, Switzerland also suffered from a severe lack of coal. The SBB were therefore not capable of maintaining full service during the war, which meant that public opinion gradually turned against the railways because customers, politicians and even the railway staff doubted the SBB’s reliability. Moreover, with the outbreak of war, wealthy tourists from abroad no longer visited Switzerland, and after 1918, they did not return. This setback was all the greater because foreign tourists constituted the most important clientele, even more important than the home market. Under the pressure of growing dependence on coal imports from abroad, the electrification of the railway network soon became a key issue in railway modernization, even though the first attempts and proposals had already been made since 1901 and the Lötschberg- Simplon line had been electrified as early as 1913. In 1918, the SBB’s Administrative Board decided to adapt the most important lines to Frey Thomas, “Eine funktionale Bestandsaufnahme der Pferdepost, 1850-1920”, Traverse. Zeitschrift für Geschichte, 1999/2, p. 89-107; Bretscher Ulrich, Von der Postkutsche zum Postauto. Geschichte der Reisepost, Schaffhausen: Meier, 1982. 12 Paquier Serge, “Options privée et publique dans le domaine des chemins de fer suisses des années 1850 à l’entre-deux-guerres”, Schweizerische Zeitschrift für Geschichte. Revue suisse d’histoire, 56 (2006), p. 22-30. 13 Buchli Felix, Schweizer, steh zu deinen Bahnen! Die Sanierung der Schweizerischen Bundesbahnen (1920-1945), Nordhausen: T. Bautz, 2006 ; Meyer Hans-Reinhard, “Die Sanierung der Schweizerischen Bundesbahnen”, in Eidgenössisches Amt für Verkehr (Hg.), Ein Jahrhundert Schweizer Bahnen 1847-1947, Band 1, Frauenfeld: Huber, 1947, p. 409-417. 11 157 Bernd Kreuzer electric traction, with the electricity coming from Swiss hydro-power. 55% of the whole network was electrified by 1928, and 77% on the eve of World War II. This extraordinarily high degree of electrification soon became a symbol of Swiss economic performance and independence and was unique in Europe 14. Swiss railway electrification was a model not only for Austria but also for other countries 15. In order to compensate for the lack of foreign tourists, the SBB sought to gain new customers after 1918 by making railway travel more attractive to the Swiss. From 1924 on, travelling in and through Switzerland with the SBB was heavily promoted. At the same time, the Swiss Postal Service decided to switch from the horse to the motor bus, because the Swiss army gave her a great number of lorries that were no longer needed after the war. These lorries were now converted to motor buses (cars alpins). Both the network and the number of passengers transported by the postal motor bus service grew very fast. The motor bus replaced other transport modes but also complemented them 16. Like in Austria, road transport was furthered by improving the road network. This was largely financed by car owners and the gas taxes (“Benzinzoll”, “Treibstoffzoll”) they paid 17. At first, the SBB did not cope particularly well with growing competition from road freight transport. Attempts to influence the process of law-making in order to hinder haulage transport did not succeed. Then, around 1930, there seems to be a paradigm shift within the SBB management, towards co-operation with the haulier companies instead of confrontation. Following the recommendations of a special committee, Bairoch Paul, “Les spécificités des chemins de fer suisses, des origines à nos jours”, Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Revue suisse d’histoire, 39 (1989), p. 35-57. 15 Staudacher Peter, “Die Elektrifizierung der Eisenbahnen in der Schweiz und in Österreich während der Zwischenkriegszeit”, Blätter für Technikgeschichte, 56 (1995), p. 71-110. 16 Merki Christoph Maria, “Der Umstieg von der Postkutsche aufs Postauto. Zur Motorisierung des öffentlichen Überlandverkehrs in der Schweiz”, Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte 85 (1998), p. 94-112. 17 Merki Christoph Maria, “Der Treibstoffzoll aus historischer Sicht: von der Finanzquelle des Bundes zum Motor des Strassenbaus”, in Pfister Christian (Hg.), Das 1950er Syndrom. Der Weg in die Konsumgesellschaft, Bern/Vienna: Haupt, 1996, p. 311-332; Pfister Christian, “Finanzierung des Strassenbaus: Das Karussell kommt in Schwung”, Wege und Geschichte. Les chemins et l’histoire. Strade e storia, 2004/1, p. 26-30; Ochsenbein Gregor, Strassenbau und Strassenkosten ohne Ende. Eine system theoretische Analyse eines sich selbst verstärkenden Prozesses im 20. Jahrhundert, Lizentiatsarbeit, University of Bern, 1999. 14 158 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport the “Schweizerische Express A.G.” (SESA) was founded in 1926 as a first step towards a closer co-operation between road and rail. The SESA helped to gather experience in the new field of combined freight transport 18. Together with privately owned railway companies, the SBB offered a door-to-door road-rail haulage service, which allowed them to maintain a strong position in the parcel service market. In 1934, the SBB and the road hauliers even came to an agreement as to how rationally divide the freight transport market among them. The draft bill was approved. It provided for a compulsory concession for any professional road freight transport and a division of tasks regulated by law. In May 1935, however, when the law was submitted to a referendum, the Swiss clearly voted against it 19. Table 4: Passenger and Freight Transport in Switzerland, 1927 and 1936 Passengers Transported (in 1,000) Transport Mode Railways: Swiss Federal Railways Urban Transport Internal Waterways Electric Tramways Motor Bus 1927 1936 1927 1936 113,065 106,933 17,867 12,804 203,639 203,222 111 3,315 21,009 138 197 Navigation on Lakes Rhine at Basel Postal Horse Carriages Road Transport Aviation Freight Tons Transported (in 1,000 t) 76 14 Postal Motor Bus Service 2,854 5,246 Licenced Motor Bus Companies (non-urban traffic) 1,891 3,559 5,600 30,000 740 2,291 21 36 Source: Ritzmann-Blickenstorfer Heiner (Hg.), Historische Statistik der Schweiz. Statistique historique de la Suisse. Historical Statistics of Switzerland, Zürich: Chronos, 1996. Brüschweiler Paul, “Die Ergänzungsdienste der Eisenbahn”, in Eidgenössisches Amt für Verkehr (Hg.), Ein Jahrhundert Schweizer Bahnen 1847-1947, vol. 4, Frauenfeld: Huber, 1955, p. 546-563. 19 Mühlethaler Jan, “Schiene versus Strasse”. Von den Anfängen eines verkehrs politischen Grundsatzdiskurses und dessen Leitbilder in der Schweiz (1921-1935), Lizentiatsarbeit University of Zurich, 1994. 18 159 Bernd Kreuzer The Austrian Federal Government reacts Switching back to Austria, we shall now see which measures the Austrian Federal Government took. The Federal Government was of course interested in keeping the Federal Railways competitive, and sought to do so through legal measures. But we also see a slow shift from railway to road transport not only in the government’s transport policy but also in public opinion. Already in January 1925, a meeting of transport experts from government and business and representatives of pressure groups had called for higher investments in road building because, as many of them argued, road haulage had proven a more efficient, cheaper and faster mode of transport than the railway despite being much hindered by the poor condition of roads 20. In fact, in 1928, in order to adapt national roads to the needs of modern motor car traffic, the Federal Government started a long-term national road building initiative (“Neuzeitliche Ausgestaltung der Bundesstraßen”). By the end of 1931, nearly 500 km were completed, but then the economic crisis nearly brought all work to a stop due to the resulting lack of funds. It was only in 1934 that the Austro-Fascist regime again began paying considerable attention to road building and road improvement, using the labour of the numerous unemployed and investing significant funds 21. But these measures focused above all on the building of tourist roads like the “Großglockner Hochalpenstraße” 22. In 1931 a federal tax on gas (“Benzinsteuer”) and another on motor vehicles in use that depended on cylinder capacity (“Kraftwagenabgabe”) were introduced which put an end to the confusing variety of taxes. Previously, each federal state and even major cities had imposed their own motor vehicle taxes, the amount differing considerably from state to state. The main reason, however, for introducing these two taxes was to yield higher revenues for the budget. The introduction of Schmid Georg, Staudacher Peter, Lindenbaum Hans, “Das Automobil holt auf”, in Schmid Georg, Staudacher Peter, Lindenbaum Hans, Bewegung und Beharrung. Trans port und Transportsysteme in Österreich 1918-1938. Eisenbahn, Automobil, Tramway, Wien: Böhlau, 1994, p. 173 seq. 21 Kreuzer Bernd, “National Road Networks in the 1930s: The Case of Austria’s roads”, in Mom Gijs and Tissot Laurent (eds.), Road History. Planning, Building and Use, Neuchâtel: Alphil, 2007, p. 105 seq.; Rigele Georg, Die Wiener Höhenstraße. Autos, Landschaft und Politik in den dreißiger Jahren, Vienna: Turia + Kant, 1993, p. 49. 22 Rigele Georg, Die Großglockner-Hochalpenstraße. Zur Geschichte eines österrei chischen Monuments, Vienna: WUV, 1998. 20 160 Competition and Co-ordination of Passenger and Freight Transport a federal tax on gas was accompanied by the abolition of all remaining road and bridge tolls. Though the burden of taxation for road transport thus was considerably raised, bus travel and road haulage still seemed to be capable of offering their services much more cheaply than the Railways. The tax on vehicles in use was abolished in 1935 in order to foster motorization. In 1933, in order to protect the highly indebted Federal Railways against growing competition from road transport, the Federal Government, again following the German example, promulgated the so-called “Road Haulage Act” (“Lastkraftwagenverkehrsordnung”). It was directed at road haulage and not at motor bus transport because the Federal Railways thought the lorry to be their most dangerous competitor; in fact, it was the bus. According to this Act, road haulage was, simply speaking, restricted to short-distance and business-to-business transport, whereas long-distance transport was reserved for the Federal Railways. Freight rates were prescribed by the government. Without any doubt, this law was made in favour of the Federal Railways. But it was not a law that favoured the railway in general, because privately owned railways were not given preference in the same way. Nevertheless, the law proved a failure: it was largely ignored by hauliers, could not be enforced and did not have the desired impact of saving the Federal Railways from competition. In 1937 the Road Haulage Act was abolished. The idea of co-ordination between road and rail transport by legal measures had failed. In Switzerland, however, governmental regulation was more successful. In August 1940, road transport was regulated by the “Autotransportordnung” (ATO) which also followed the German model. This finally proved to be a fair solution because it reduced competition between road and rail as well as among the haulage companies 23. Conclusions Austria’s Federal transport policy of the 1920s and 1930s was clearly rather ambivalent and inconsistent. One might even say that there are hardly any signs of a rational federal transport policy. Hardly Sager Fritz, “Spannungsfelder und Leitbilder in der schweizerischen Schwerverkehrspolitik 1932 bis 1998”, Schweizerische Zeitschrift für Geschichte. Revue suisse d’histoire, 49 (1999), p. 307-332; Nellen Alfred, Die Regelung des gewerblichen Strassenverkehrs in der Schweiz von 1920 bis 1960 unter besonderer Berücksichtigung der Vereinbarung Schiene/Strasse vom Mai 1952, Winterthur: P.G. Keller, 1963. 23 161 Bernd Kreuzer any consistent strategy can be discerned, as both push and pull factors were used at the same time: on the one hand, the Railways were given preference by legal measures, while on the other hand, road transport was fostered through large investments and, though later, through the abolishing of the “Kraftwagenabgabe”. The Federal Government was well aware of how strange it was that there were two big, stateowned road transport companies competing with each other (the Postal Service and the “KÖB”, owned by the Federal Railways), but did not engage very much in merging them; in 1937, a committee was asked to discuss a merger but nothing happened. The Federal Railways, on the other hand, tried to compete with the motor bus and the lorry by taking multiple measures which proved to be at least partially successful. Nevertheless, in the long run, the railway continually lost market share to road transport. 162 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector Gábor Szalkai, Eötvös Loránd University, Budapest Abstract : Since the 1920s, there has been an ongoing struggle between road and rail transport. In the 20th century, technological aspects of road transport were improved and railways attempted to hinder the sector’s development through administrative arrangements. As a consequence of the Great Depression, however, both sectors faced considerable difficulties. Competition intensified, but an agreement eventually led to cooperation. That said, the clear winner was animal traction, which re-emerged as a mode of transport. In the case of Hungary, like elsewhere in the “Western” world, the decade after World War I was one of an evolving struggle between road and railway transportation. Although the latter was in a strong position, road transportation had been making significant progress, despite being hindered not only by its technological backwardness, but also by the railway itself. The railway sector’s monopolist contracts did not include references to motor-driven vehicles, since the latter did not yet exist when the Hungarian railway network was established. Therefore, the railway faced a competitor which, while technologically limited, was subject to no legal restrictions, and this competitor started to take over the railway market. The railway system became inflexible, as it had to accomplish its contractual engagements based on fixed prices, whereas road transporters could haggle on prices and only took on cargoes which they found profitable. Furthermore, the railway’s position was inauspicious 163 Gábor Szalkai because the first cost of “standing” railway was 75% of those actually transporting. Hence, a non-transporting railway produced enormous economic losses 1. In order to defend its positions, Hungarian State Railways (MÁV) mobilised the economic and political lobby supporting railways which had, owing to its historical traditions and its close connection with the state, “helped” to decide several questions in favour of the railway sector. As early as 1922, due to the amendment of the Industrial Act, industrial-scale road transportation became subject to permission, for the very first time anywhere in the world. Since permissions were granted for a distance of up to 20-30 km maximum, the monopoly of the railway on long distance transportation was thereby guaranteed 2. Owing to the pressure from the railway lobby, further restrictions were introduced in 1926; state authorities issued permissions for road transporters, but with additional restraints. Indeed, from that year onwards, road transportation companies were not allowed to take on cargoes that could have been transported by rail, except for cases where the place of departure and the place of destination were both 5 km away from the nearest railway station. However, the implementation of this regulation was very difficult to control, so that the railway protection zone was not efficient. Nevertheless, yet another restriction was enacted in 1927: road transportation was rearranged on a sectoral basis, and permissions were only valid within newly established sectors with a maximum diameter of 60 km. As a consequence of all these legal proceedings, the number of those illegally transporting steadily increased 3. In addition to administrative arrangements, road transportation had to face infrastructural challenges as well, posed by the need to transform vehicles technologically for the road network. After World War I, 26,800 km of public road remained in the territory of Hungary. Approximately 60% of this network was professionally constructed, and the length of hard surface roads only slightly exceeded Visegrády József, “A vasút és a szabad közlekedési eszközök versenye (The competition between the railway and other modes of transportation)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 11th March 1928, p. 168. 2 Lendér Jenő, Magyarország közúti közlekedésének fejlődése (The Development of Hungary’s Road Tansportation), Budapest: KM Archives, Manuscript No. 1051, n.d, 13 p. 3 Hegedűs Gyula, Közlekedésgazdaság, közlekedéspolitika (Transportation Economics, Transportation Policy), Győr: Novadat, 1995, 611 p. 1 164 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector 1,000 km 4. In 1924, in connection with the expenditure on road modernisation, 50% of the national roads and 30% of the municipal roads were improved to the pre-war technological level 5. However, the improvement of the road network accelerated significantly in the second half of the 1920s. The Hungarian government spent 29% of the huge state loan approved by the League of Nations in 1924 on the establishment of a modern road network. Between 1925 and 1929, 541 km of road was built 6. By the middle of the 1920s, along with the growth of the paved road network, the number of motor-driven vehicles also increased. Within only a couple of years, their total number increased from 7,000 to nearly 30,000. In 1930, in addition to more than 13,000 automobiles, the number of motorcycles exceeded 10,000, and there were almost 5,000 lorries in the country. Internationally, however, Hungary still ranked low on the list (Fig. 1), even though – in contrast to the majority of the world’s countries – it was already listed among slightly motorised states (Fig. 2). Figure 1: Rate of motorised vehicles by country, 1933 Cars per 1,000 capita 200 150 100 50 N ew US Ze A al an Ca d na A da us tra l Fr ia an c Br e D itain en m A ark rg en t U ina ru gu Sw ay ed Be en Sw lgiu itz m er Cz G land ec erm ho a slo ny va ki A a us t H ria un g Ru ary m Ju an go ia sla vi Po a la Bu nd lg ar ia 0 Data source: malduri MAléter Jenő, “Az automobilizmus fejlődése és annak akadályai (The Development of Automobilism and its Difficulties)”, in Magya rország Útügyi Évkönyve 1934 (Road Yearbook of Hungary 1934,) Budapest: Magyar Királyi Kereskedelemügyi Minisztérium, 1935, p. 244-275. Tóth László, Magyarország közútjainak története (The History of Hungary’s Public Roads), Győr-Budapest: KHVM, 1995, 165 p. 5 Hegedűs Gyula, Közlekedésgazdaság…, p. 417. 6 Tóth László, Magyarország közútjainak…, p. 58. 4 165 Gábor Szalkai Figure 2: Modes of transportation in the 1930s Rail, Car, Horse Horse, Donkey Cattle, Buffalo Camel Sled dog, Reindeer On foot Source: Csinády Gerő, Általános földrajz (General Geography), Budapest: Magyar Földrajzi Intézet R.T., 1940, 97 p. The ongoing road construction required significant internal resources which were in part covered by imposing a tax on motor-driven vehicles, a tax which was established by the law of “The taxing on vehicles”, Clause VI of 1928. The revenues generated by the tax were given to the National Road Development Fund, but later on, private capital was also incorporated into the modernization process. Concerning the tax on vehicles, diverse opinions have been expressed. Some saw it as an opportunity to improve the road network 7; others, on the contrary, believed this regulation slowed the increase in the number of automobiles, as the tax was not imposed in accordance with the vehicles’ actual participation in transportation 8. The era of the economic crisis Although the tax was affordable under normal circumstances, the expansion of the worldwide economic crisis made it a significant burden. According to data from the period, the amount of annual tax paid for the same type of vehicle was 867 CHF in Switzerland and 1208 CHF in Tóth László, Magyarország közútjainak…, p. 64. Gölniczbányai Elischer Pál, Magyarország Útügyi Évkönyve 1934 (Road Yearbook of Hungary 1934), Budapest: Magyar Királyi Kereskedelemügyi Minisztérium, 1935, 132 p. 7 8 166 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector Hungary, with the latter considered as one of the highest vehicle taxes in the world 9. These enormous financial burdens eventually led to the mass stoppage of use of motor-driven vehicles (Fig. 3). Figure 3: Change in number of motor-driven vehicles, 1910-1934 Number of vehicles 15000 10000 Cars Motorcycles Lorries 5000 0 1910 1912 1914 1916 1918 1920 1922 1924 1926 1928 1930 1932 1934 Data source: Magyarország népessége és gazdasága (Population and Economy of Hungary), Budapest: KSH, 1996 The road tax, along with high purchase prices and maintenance costs and a number of other tolls and taxes (such as fuel tax and tolls, luxury tax, rubber tax on tires, urban pavement tolls, title transfer costs, etc.), led to a significant decrease in the number of motor-driven vehicles. Between 1930 and 1933, more than 5,000 automobiles and nearly 2,000 lorries were withdrawn from traffic, altogether reducing the total number of vehicles by 40%. Hungarian politicians did not accept the arguments made in the 1920s, according to which motorised vehicles should not be considered as luxury goods, but rather as productive tools and a great opportunity to gain economic power. They also did not subscribe to the idea that the rapid expansion of automobile use could have a significant positive impact on expansion of related services as well 10. Breuer B. Armand, “A magyar automobilizmus fejlődésének feltételei (Conditions of the Development of the Hungarian Automobilism)”, Mérnök- és Építész-Egylet Közlönye, n° 41-42, 1934, p. 245-248. 10 Streihammer Antal, « Az automobilizmus terjedését befolyásoló tényezőkről (On the Factors Affecting the Expansion of Automobilism)”, Magyar Mérnök- és Építész-Egylet Közlönye, n° 41-42, 1925, p. 221-225. 9 167 Gábor Szalkai However, despite all the above-mentioned difficulties, it was already proving true that “it is no longer possible to push the automobile back into the inventor’s brain 11”. In addition, the fact that more than 10,000 km of railway had been withdrawn in the USA within 10 years was also an important warning signal. Such changes made many afraid that the rapid spread of automo biles might weaken the position of the country’s largest company, the Hungarian State Railways (MÁV) 12. This company, however, owing to its strong technological preparedness, prosperous agricultural exports, legal regulations and the ultimate trust from the state, was able to keep its strong position until the end of the 1920s and remain profitable even until 1930. Its share of the transportation sector exceeded 70% (Fig. 4). Figure 4: Distribution of the volume of carried goods by modes of transportation, 1927 Horse-cart 15% Lorry 2% Ship 10% Rail 73% Data source: Pallavicini György, “Parlamenti felszólalás (Parliament speech)”, in Az országgyűlés képviselőházának 97. ülése, 1932. június 4. szombat (97th Session of the Parliament’s Chamber of Deputies, 4th June 1932, Saturday), Budapest: Athenaeum, 1932, p. 175. Nevertheless, the outbreak of the global economic crisis of 1929 shook the country’s largest company as well. After 1930, as a result of the decrease in transportation caused by the crisis, MÁV started to show Visegrády József, “A vasút és az autó problémája (The Problematics of the Railway and Automobiles)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 28th September 1930, p. 677-679. 12 Várady Jenő, “Az útvámok szerepe a vasút és a gépkocsi gazdasági versenyében (The Role of Road Tolls in the Economic Competition Between the Railway and Automobiles)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 16th March 1930, p. 210-212. 11 168 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector losses. By 1932, the Hungarian railway’s grain export was reduced to one-third of the 1929 level. Overseas grain and Romanian and Russian rye became cheaper, so that Hungary, a predominantly agricultural country, lost its biggest export market, Western Europe. Only H ungarian fruits remained exportable; therefore MÁV, in an attempt to save what could be saved, provided its personnel with specific training about the proper transportation of fruits 13. In order to improve the railway company’s financial situation, several ideas were proposed. One of the issues raised was the temporary closure of supplementary railway lines, constituting 71.9% of the entire network but only 41.4% of total transportation, and the need to relocate transport from the railway to public roads. In the case of light traffic, this would have not only freed the railway from unnecessary burdens but, at the same time, created an opportunity for the road transportation sector, and expanded its supply area 14. The state, however, did not want to solve the problem with a decrease in railway network length but with tariff and ownership changes, as there were several railway networks in Hungary. Only slightly more than 3,000 km were under the maintenance of MÁV out of the 7,500 km total network. Around 4,000 km of railway were maintained by various local companies, and one could only get from these local lines to state-run railways by paying a “broken tariff”. When the crisis intensified, these differences became more significant than ever before, hence state authorities decided to nationalise HÉV lines (Railways of Local Interest) in 1931. In order to support the agricultural sector, MÁV implemented a tariff reform in 1931. Tariffs for passenger transport were raised (with an increase of up to 12%, depending on distance), while certain agri cultural products were listed in a lower transportation category, meaning that transportation of these goods became cheaper. In 1932, the “Danube-Sava-Adriatic Railway Company” (the Hungarian successor of the former Southern Railway Company, which had been divided among four countries) was also nationalised, Udvarhelyi Dénes, “A világgazdasági válság hatásai a hazai vasúti közlekedés helyzetére 1931-32-ben (The Effects of the Global Economic Crisis on the Hungarian Railway Transportation in 1931-32)”, in Mezei István (ed.), Vasúthistória Évkönyv (Yearbook of Railway History), Budapest: KÖZDOK, 1990, p. 469-490. 14 Gáll Imre, “Közlekedési hálózatunk fejlesztéséről (On the Development of our Transportation Network)”, Mérnök- és Építész-Egylet Közlönye, n° 47-48, 1936, p. 325-333. 13 169 Gábor Szalkai so that the broken-tariff system was abolished throughout almost the entire territory of the country. As a result, for certain destinations, railway transportation prices decreased by up to 30%. These changes were especially beneficial to the transport of livestock and agricultural products from the Great Hungarian Plain to the Adriatic Sea (Fiume) 15. In order to preserve competitiveness against road transportation, house-to-house railway transport was introduced in December 1931. As the entire road transportation sector was doing well, railway transporters (with the aim to hinder road transportation’s prosperity) organised house-to-house single-item transport with significant discounts on the most frequented railway lines, and hired their own transporters 16. However, at the same time, the railway’s position was weakened because of the so-called “átkezelés”, a kind of trans-shipment that had to be done in Budapest, affecting all kinds of cargo transported between the eastern and western parts of the country. In the case of “átkezelés”, all freights were stopped for a long time, and then re-despatched again. Furthermore, MÁV’s efficiency was also negatively affected by its bureaucratic and highly inflexible structure and the often impolite behaviour of its personnel 17. No satisfactory solution was found for road-toll collecting, one of the most controversial issues of the railway sector, either. Road tolls were collected at railway stations, before the despatch of goods by rail. This practice dates back to the approval of the Road Act in 1890, when – aside from railways – there were no other, modern and long-distance modes of overland transportation. Therefore, apart from local traffic, all road users were clients of the railway as well, and traders transported their goods to market by relying upon both the road and the railway transportation systems. Hence, it would have been irrational to establish a separate institution for collecting road tolls; it was more reasonable to collect them at railway despatch points. In the current situation, however, collecting road tolls at railway stations kept traffic on the roads and thus contributed to a decrease in toll revenues. As a consequence, railway transportation became 5-90% more expensive. Moreover, if the place of destination had urban status Udvarhelyi Dénes, “A világgazdasági válság…”, p. 482. Hegedűs Gyula, Közlekedésgazdaság…, p. 425. 17 Mendlik Béla, “Az autóverseny (The Automobile Competition)”, Vasúti és Közleke dési Közlöny, 15th January 1933, p. 43. 15 16 170 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector (urban toll) or a pavement toll had to be paid, this increase sometimes reached 160% 18. In addition, although the railway company was responsible for the collection of the toll, MÁV was allowed to keep only 10% of the revenues. The majority of the amount was spent on the maintenance of municipally owned roads, so that the railway sector, albeit not intentionally, “supported” road transportation. Road tolls should have been collected on the roads, separately from railway, based on road amortisation. Even the state administration did not have a coherent opinion about the persistent conflicts between railway and road transportation. Several contradictory cases from that period are known, some favouring the railway and others favouring road transportation. In one of his Parliament speeches, Deputy György Pallavicini noted that gendarmeries, in order to safeguard the railway’s interests, often stopped lorries and forced drivers to certify that they were transporting their own goods. In addition, in the case of companies’ automobiles transporting their own workers from one work site to another, drivers were asked to present their permissions for passenger transport 19. According to other reports, policemen did not charge the drivers because they did not want to ruin small-scale transporters’ businesses, even though many of them advertised their illegal services in daily newspapers. Some cases even resulted in an assault against a railway employee, after accusing a road transporter of illegal transport, was reportedly beaten up 20. According to another, quite convincing point of view, the railway should have offered more competitive services rather than hiding behind regulations. However the division of labour between modes of transportation should have been seen not as a concurrency struggle but rather as a form of cooperation that was beneficial to the national economy 21. Finally, a solution was found through an agreement between MÁV and MATEOSZ (The National Central Co-operation of Hungarian Lorry Transporters) in 1933, although MÁV still remained the most important player in the transportation market 22. Várady Jenő, “Az útvámok szerepe…”, p. 211. Pallavicini György, “Parlamenti felszólalás…”, p. 175. 20 Mendlik Béla, “Az autóverseny”, p. 43. 21 Pavláth Jenő, “A közúti gépjárművek okozta verseny befolyása a közforgalmú vasutakra (The Impact of the Competition Caused by Motorised Road Vehicles on Public Railways)”, Mérnök- és Építész-Egylet Közlönye, n° 19-20, 1926, p. 107-113. 22 Lendér Jenő, Magyarország…, p. 12. 18 19 171 Gábor Szalkai With the agreement, MÁV was granted exclusive rights for regional transportation, but it could only be effected via MATEOSZ. As a result of this pioneering regulation which aimed to serve their cooperation, the country was divided into (7, then 6) traffic sectors again, within which road transportation was not restricted. The new regulatory framework enabled the railway to gain control over the transport of certain goods to certain destinations, but also provided road transporters with the opportunity to transport goods that were unprofitable for the railway. Furthermore, the new rules specified several types of goods which were practical to be transported directly by road (food, other perishables) outside of the boundary as well. Basically, single-item transport between the capital and the country’s larger cities became the competence of the railway, but it was also the railway that provided return cargo for lorries transporting food to Budapest. The aim of the regulation was to put an end to the devastating price war which was responsible for the railway’s deficit, while at the same time legalising road transportation, a sector providing a livelihood for many people 23. Due to the new system, a relatively balanced and well-developed form of cooperation was established between the road and railway transportation sectors by the end of 1933 24. Animal carriage, the new public enemy Although the majority of related research focuses on the struggle between the railway and motor-driven vehicles, the latter had very little significance in Hungary in the first half of the 20th century, even within the road transportation sector. According to the results of the traffic count carried out in 1927-28, the average rate of motorised vehicles was 12%, out of which the share of lorries was only 3% 25. In that period, the main road users were still draught carriages and carts; in 1935, aside from some ten thousand motorised vehicles, there were 645,000 draught carts and 43,000 passenger horse carriages in Hungary. Given this enormous potential, and as a specific effect of the global economic crisis, long-distance animal carriage saw Gáll Imre, “Közlekedési hálózatunk…”, p. 330. Merkler József, “A háztól-házig fuvarozás gazdasági és közlekedéspolitikai jelentősége (The Economic and Political Significance of House-to-House Transport)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 15th October 1933, p. 665-666. 25 Szalkai Gábor, A közúti forgalom változása Magyarországon /1869-2006/ (Changes in Public Road Transportation in Hungary /1869-2006/), Budapest: ELTE, PhD Dissertation, Manuscript, 2008, 174 p. 23 24 172 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector a significantly re-emergence in the 1930s, whereas prior to that – by the 1920s – it only played a considerable role in the transport of agricultural products, along with intra-urban and short-distance (regional) transportation. Before the 1930’s, long-distance transportation had only been generated by the economic potential of Budapest, within a 100 km radius of the capital. However, impoverished smallholders attempted to use their spare capacities, particularly in wintertime. As an example, a transporter from Dunaföldvár effected a 90 km house-to-house transport to Budapest for 50-60 pengő (the Hungarian currency between 1927-46, 1 USD = 5,731 pengő /1932/). With a cargo weight of 15 quintal, it took him 24 hours to get there, and he only spent 10-12 hours in Budapest before effecting his return journey; apart from his own food and the forage for the animals, he earned around 4-6 pengő per day 26. The rise in animal carriage, taxed only in a few cities and solely in the form of a pavement toll, was one of the last renewals of a self-sufficient and near-natural mode of transportation to evolve independently from the global market. Owing to low forage prices and the reproductive ability of draught animals, it was the only remaining low-budget form of transportation. On the improving road network, rubber-wheeled carriages had a 3-4 ton carrying capacity, and were able to travel 60-70 km per day, with an average speed of 8 km/h 27. A typical group of new carriage transporters consisted of former agricultural workers left without jobs. Due to the extremely low (8-10 fillér) firstcost price per ton-kilometre (“fillér” was the 1/100 subdivision of pengő), carriage transporters could get by on relatively small revenues 28. Between 1931 and 1933, the amount of goods transported to Budapest by rail decreased by 30% and those transported by ship by 20%, while animal carriage increased by 35% 29. Although long-distance carriage transportation started to play a significant role in connecting the industrial districts in the north-eastern part of the country as well, Visegrády József, “A vasút és a szabad közlekedési eszközök versenye (The Competition Between Railway and Other Modes of Transportation)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 11th March 1928, p. 168. 27 Ertl István, A közlekedés az 1929-1934. évi világgazdasági válságban (The Trans portation Sector During the Global Economic Crisis of 1929-1934), Budapest: KM Archives, Manuscript No. 1029, n.d, 20 p. 28 Gáll Imre, “Közlekedési hálózatunk…”, p. 332. 29 Zelovich Kornél, “A magyar közlekedési politika bírálata (A Review of the Hungarian Transportation Policy)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 25th November 1934, p. 854-856. 26 173 Gábor Szalkai it was mainly its key role in the Great Hungarian Plain which generated lively debates, even on a parliamentary level 30. Indeed, in his Parliament speech, Deputy György Pallavicini emphasised that the main enemy of the railway were not expanding motorised vehicles, but animal carriage: “The traffic of Hungarian State Railways is not being reduced by automobiles, but by the carriages of smallholders who have become unemployed due to the current situation. I encourage you to consider the peculiar fact that goods are still transported to Budapest on carts and carriages, even from Kecskemét (That’s true! That’s true! from the left – Ödön Dinich: What is more, it’s done on foot!), because smallholders are not able to pay for railway transport and are therefore more likely to travel 99 km to Pest at night and back the next day, in order to sell their goods in Budapest – unfortunately, still at very low prices – with lower transportation costs, rather than sending them by rail” 31. Besides the railway, motorised road transportation and other economic sectors were also affected by the growing significance of animal carriage. For example, according to a paper published in the contemporary journal “Magyar Vaskereskedő” (“Hungarian Iron Trader”), iron traders of the Hungarian countryside complained about cheap, “illegal” animal carriage. They argued that the iron material purchased at a lower price in Budapest was being transported to the countryside “for free”, so that transporters were “ruining” both local iron traders and the railway sector. The phenomenon was even described as a nationwide conflict. As a possible solution, they suggested the legal restriction of animal carriage, along with the reduction of railway tariffs 32. However, state authorities did not intervene, even though the expansion of carriage transportation also reduced state revenues due to the lack of taxes. Moreover, roads were being severely damaged by shod horses 33. Nevertheless, taking legal action against carriage transporters would have been ethically questionable, as it was the only source of livelihood for small-scale agricultural producers transporting their own products to the nearest marketplace, and mostly on unpaved Ertl István, A közlekedés…, p. 18. Pallavicini György, “Parlamenti felszólalás…”, p. 175. 32 Pásztor József, “A vasút és a szekér (The Railway and the Horse Cart)”, Magyar Vaskereskedő, 29th July 1934, p. 9-10. 33 Zelovich Kornél, “A magyar közlekedési…”, p. 855. 30 31 174 The Impact of the Great Depression of 1929 on the Hungarian Transportation Sector roads. Furthermore, several small towns and homesteads could only be reached by carriage, and the “sector” also played a significant role in the supply of major cities with agricultural products; therefore, it would have been inherently difficult to legally restrict animal carriage. Another proposed solution was to develop a set of regulations, according to which carriage transporters would be required to pay charges, except for those for whom it was the only possible mode of transportation 34. However, as authorities saw animal carriage as a temporary phenomenon most likely to be erased by the agricultural evolution, no legal actions were initiated 35. As a consequence, long-distance carriage transportation maintained its position even after the Great Depression, and rapidly spread across the entire country by 1935 36. Animal carriage remained the most significant sector of road transportation even until 1955, and its disappearance became the symbol of the expansion of a new, global, technocratic world order. Sz. F., “Szekérfuvarozás, vasút és az államkincstár (The Animal Carriage, Railway and the Treasury)”, Vasúti és Közlekedési Közlöny, 28th January 1934, p. 52. 35 Gáll Imre, “Közlekedési hálózatunk…”, p. 333. 36 Frisnyák Zsuzsa, “A közúti közlekedés az 1950-es években (Road Transportation in the 1950s)”, in Hüttl Pál (ed.), A Közlekedési Múzeum Évkönyve XII, 1999-2000 (Annals of the Transport Museum XII, 1999-2000), Budapest: Közlekedési Múzeum, 2001, p. 257-282. 34 175 Struggle of the Systems Freight mobility from a Transatlantic Perspective, 1920-2000 Gijs Mom, Eindhoven University of Technology Abstract : This contribution is an attempt to write a cultural history of transport coordination. It focuses on European trucking, taking the Dutch case as an example. There, as in every other industrializing country between the World Wars, a struggle raged between two societal systems (heavy industry and railways versus retail and trucking), which in the Dutch context became especially fierce as the ‘wild truckers’ appeared only to be willing to become ‘domesticated’ after intervention by the transport elite, including a former transport minister. After the Second World War, when ‘coordination’ became superceded by ‘harmonization’, the trucking interests aligned further with the State when it came to conquering as large a part of the European trucking market as possible. This took place within the United Nations’ TIR (Transport Internationaux Routiers) regulatory system, where the Dutch managed to capture a quarter of the market, whereas its share in the European GNP was only 5%. In the following pages, I intend to bring the Dutch case into the framework of the new mobility studies as explained in my introduction at the start of this volume, emphasizing the freight-hauling part of the mobility spectrum and focusing upon those elements that can reveal the essence of the cultural history of coordination, while acknowledging that a general overview (and a focus on the passenger side of mobility) has been provided elsewhere 1. Part of the coordination effort of the national states was driven by the growing political and economic self-organisation of the road Mom Gijs and Filarski Ruud, Van transport naar mobiliteit; De mobiliteitsexplosie (1895-2005), Zutphen: Walburg Pers, 2008; Mom Gijs, “Multiple Mobilities: Road vs. Rail in the North-Atlantic World”, paper presented at the workshop “Models of Mobility”, York University, Canada, 23 and 24 March 2012. 1 177 Gijs Mom interests, particularly the thousands of individual owner-drivers of trucks. German truckers tried in vain to control their own tariffs through the founding of the Deukafracht Company in 1933. In France, self- organisation of the sector was explicitly proposed to enable the regional coordinating committees to “exercise control”. The aim here was to discourage long-distance road haulage. This failed, and so the policy was intensified during the Vichy regime. A decree of 15 October 1940 made membership in authorized transport groups (such as the Comité d’Organisation des Transports Routiers – Organisation Committee of Road Transport) mandatory. Clearing houses (Bureaux de Répartition du Frêt) were set up, with a pivotal role given to the engineers of the Ponts et Chaussées, the “servants of the state” 2. In the Netherlands, individual truckers founded an association in 1922 (the League of Commercial Car Owners in the Netherlands, Bond van Bedrijfsautohouders in Nederland, BBN) as an instrument in the battle against those that threatened the existence of individually owned trucking, such as the railroads, the “engineers” and the transport experts that supported them, but most of all the central state 3. Among the founders were the furniture haulers (in many countries, the pioneers of long-distance road trucking) and the automobile trade. Not related to any existing political institution, the BBN published a periodical, De Bedrijfsauto (The Commercial Car), striking for the historian because of its amateurism in both lay-out and linguistic skills. The BBN soon included most of the small trucking businesses (5,500 members in 1932, more than 7,000 ten years later). The erratic growth pattern of the league can be seen from the annual gain and loss figures: often a thousand new members per year came in, while 500 others left. The reason for the rapid growth of the organisation was the pressure to legitimize the truck, in the face of the destruction of the Dutch roads, which made the editor of De Bedrijfsauto, looking back a decade or so later, lament that truckers were “the pariahs (uitgestotenen) of society” 4. For these truckers, the Netherlands were a real wilderness that could only be crossed if one possessed Borscheid Peter, “Lkw kontra Bahn; Die Modernisierung des Transports durch den Lastkraftwagen in Deutschland bis 1939”, in Niemann Harry and Hermann Armin (Hg.), Die Entwicklung der Motorisierung im Deutschen Reich und den Nachfolge staaten, Stuttgart: Franz Steiner Verlag, 1995, p. 23-38; here p. 35; Jones Joseph, The Politics of Transport in Twentieth-Century France, Kingston/Montreal: McGill-Queen’s University Press, 1984, p. 124-126; Wolkowitsch Maurice, L’économie régionale des transports dans le Centre et le Centre-Ouest de la France, Paris: SEDES, 1960, p. 198. 3 Mom Gijs and Filarski Ruud, Van transport naar mobiliteit… 4 “Als men zijn oor te luisteren legt”, Bedrijfsauto, 16, 1936, p. 138. 2 178 Struggle of the Systems Freight mobility courage and inventiveness. Before the law of 1925 which prescribed a uniform maximum axle load, many provinces and cities had their own regulations, allowing them to prohibit truck traffic on their roads. Even after 1925, the country was largely divided between a northern and a southern part because of the lack of road bridges over the large rivers. BBN staff managed to arrange the collaboration of individual Waterstaat engineers who drafted weekly maps with all obstructions indicated, and these maps were published in the association’s journal. It was also the BBN (and not the automobile and touring clubs) that published maps showing all Red Cross emergency posts along the roads. BBN’s activism is also understandable because it led, unlike any other expert or policymaker in the country, to the slow but steady emergence of long-distance trucking, something the central planners were often not aware of. And if they were, they were convinced this should be discouraged because it was seen as part of the ‘natural’ tasks of the railways. By the end of 1939 there were 3,000 express trucking services in the country, performing 15,000 trips per week. Although most of these trips were shorter than 50 km, the Ministry of Transport estimated after the Second World War that by 1939, about 7% of all trips were longer than 100 km, and 14 % were between 50 and 100 km. It was therefore a small minority of truckers who, just like their colleagues in the passenger transport business 5, ventured abroad, gaining a lot of publicity in the trade’s journals. From the end of the 1920s on, adventurous truckers ventured into Germany, often driving in convoys of thirty to forty trucks, and often at night. Bedrijfsauto dedicated long articles to the dare-devils who drove to Bremen and Hamburg with fruit, or all the way to Czechoslovakia with heavy glass plates, “falsifying all the theories of the so-called transport economists.” The image of the heroic dare-devils was created by the sector itself: the “adventure in new regions” necessitated “navigation without a compass”, clear allusions to the country’s 17th-century Golden Age. Truckers, the journal’s editor wrote, were “sporty lads” with “good-humoured broad faces, mighty, strong and secure hands, and trained hard bodies” 6. These images stood in dramatic contrast to the work done by the trade unions, who depicted the job of truckers as degrading and harsh, and tried to include the regulation of working hours in the coordination legislation (which happened in 1936). Although no research exists on this topic, it is possible that we are dealing here 5 6 See Mom Gijs, “Multiple Mobilities…” “Een afgeluisterd gesprek”, Bedrijfsauto, 18, 1938 [no pagination]. 179 Gijs Mom with two types of truck users: the “proletarian” drivers of large transport companies, and the small “entrepreneurs” of owner-drivers, who were often recruited from the same ranks. In 1936 the luck of the BBN started to turn. That year, trucking in Germany “was practically made impossible” by German legislation that made trucking over distances of more than 50 km dependent on licensing, while the French government also took measures against foreign trucking. In fact, only the route to Belgium stayed open: between the first months of 1934 and the peak of January 1939, the haulage into this southern neighbour coordinated by BBN increased from 100 to 1,400 trips. And although international trucking only represented 1.3% of the Dutch international freight traffic (in tons), the psychological effect of the importance of this type of freight transport may have helped the BBN officers to accept that they should try to get some kind of recognition from the Dutch authorities. Tellingly, in 1936 the league lost 500 members for the first time in its history 7. A year later, founder-chair A. J. ten Hope was replaced by engineer M. Bongaerts. This was a very remarkable manœuver indeed, because the latter had been a member of the touring club ANWB’s road commission and minister of Waterstaat, which was responsible for the road building and car tax laws of the late 1920s; he was also an ardent proponent of the building of road bridges across the large Dutch rivers. This happened one month after coordination legislation had been passed in parliament which had made motor bus traffic dependent on licensing. At the same time, fear of a “catastrophe” started to spread, fuelled by news from the neighbouring countries that the railroads were about to win the battle of the systems and that hopes for a victory of the road (which seemed to be secured through the coming to power of the Nazi regime) appeared to be false. It made some within BBN fear a general prohibition of long-range trucking 8. After confirmation as chair of BBN, Bongaerts immediately installed a Committee for Group Formation in Commercial Trucking and asked Fuchs J. M., “De wettelijke regeling van het autogoederen vervoer in Duitschland”, Bedrijfsauto, No. 36, 8 September 1938, p. 542; “Het vervoer en de Benelux”, Beroeps vervoer, No. 39/40, 1 October 1948, p. 582-583; Jongma Johan W. D., Geschiedenis van het Nederlandse wegvervoer, Drachten/Leeuwarden: FPB Uitgevers, 1992, p. 174. 8 Diepen Harms, “De nieuwe Voorzitter van den B.B.N., Oud-Minister Ir. M.C.E. Bongaerts”, Bedrijfsauto, No. 12, 25 March 1937, p. 151-152; “De ontwikkeling van bruggen en de economische beteekenis van vrachtauto’s; uit een interview met Ir. M.C.E. Bongaerts”, Bedrijfsauto, No. 24, 25 June 1936, p. 4-11; “Alle lange afstand transport in gevaar?”, Bedrijfsauto, No. 45, 5 November 1936, p. 656-658. 7 180 Struggle of the Systems Freight mobility another former Waterstaat minister to be its chair 9. Apparently, leading BBN officers believed that very high-placed persons were needed so that the association could follow the example of touring club ANWB, which meanwhile had managed to move close to the national political centre, so much so that it was given the epithet of “fifteenth ministry”. This corporatist move (meant to make the stakeholders themselves active in their own control through coordination “from below”) was accompanied by a well-known form of rhetoric which had been labeled “stick and carrot” by Joseph Jones, scholar of French coordination : now that road traffic had started to become long-range as well, it was important, according to the BBN leadership that the sector itself would make “trucking into a better controllable branch” to prevent “the government from intervening in the affairs of trucking and inland navigation” and to make sure that “in case of mobilisation for war, of dike ruptures (!) or national disasters,” trucking would be performed on the basis of “free decision” instead of “coercion”. Hence, the idea was that the fragmentation of the sector should be stopped (Bongaerts enumerated eighteen organisations in the trucking sector) and that order (ordening) was necessary 10. In less than two years, the two former ministers managed to reorganise the entire branch into twelve “groups” built “from the bottom upwards” and chaired by a well-known figure from each sub-sector. These groups dealt with regulated trucking (line trucking), trucking for cattle, minerals, fodder, vegetables and fruit, furniture, fish and other special transport, and agriculture-industry trucking 11. An internal tariff discussion followed, resulting in four reports, one of which was an entire draft law formulated with the help of a distinguished Member of Parliament. Furthermore, in 1939 the director of the national railroads was invited to give a keynote speech at the annual BBN congress, after he had made ATO (the railways’ national bus and truck company) a member of BBN. On 16 August of that year, the law went through “En thans de hand… aan den ploeg! De officieele mededeeling van den B.B.N. omtrent de medewerkers aan den Organisatorischen Opbouw van het beroepsvervoer”, Bedrijfsauto, No. 43, 28 October 1937, p. 536. 10 H.T., “… een moeilijk grijpbaar geheel… Ir. Bongaerts ontwikkelt verdere denkbeelden op de Hoofdbestuursvergadering van den BBN”, Bedrijfsauto, No. 40, 7 October 1937, p. 499; Bongaerts M. C. E., “Organisatorische opbouw van het transportwezen”, Bedrijfsauto, No. 19, 13 May 1937, p. 246-248; Jones Joseph, The Politics of Transport…. 11 “Installatie-rede uitgesproken door den algemeen voorzitter van den B.B.N. het Kamerlid Ir. M.C.E. Bongaerts”, Bedrijfsauto, No. 36, 8 September 1938, p. 534-537. 9 181 Gijs Mom Parliament without any problems, shortly after a decree was issued about the working hours of truckers 12. Now, BBN started to be abandoned by its members on a massive scale. Commercial truckers founded their own separate association and were soon followed by the transporters on own account, the latter representing the internal transport departments of trading and production companies. These two organisations, NOB and EVO respectively, hardly had time to develop their own policy before the German army forced them to cooperate with each other soon after the invasion of the Netherlands in May 1940. They installed a forced membership in the Autobevrachtingsdienst ABD (Truck Loading Service) which was run by engineers from Waterstaat. The ABD prescribed tariffs and prohibited trips that were empty at levels of 20% or more of truck loading weight. The latter measure, a direct attack on the own-account transport sector, coincided in fact with the opinion of a part of the former BBN leadership, which during the war was allowed to reorganise the NOB. The former BBN leaders transformed the NOB into a monopolistic state organisation run by (a part of) the sector itself, the ideal structure for a corporatist organisation. The NOB was, in the words of its leaders, “in the good sense of the word a coercive organisation” (dwangorga nisatie) 13. But while the new wartime chair of the collaborating NOB praised the “leadership principle” of the new transport organisation, the occupying powers could not (or would not?) suppress the own-account organisation, which directly after the war became an important force in the Dutch transport landscape 14. Postwar freight transport During the Second World War in many countries an emergency war regime of transport coordination often introduced new legislation or reinforced existing regulation which before the war had appeared impossible to implement. In most countries the war circumstances were “Inleiding over ʻsamenwerking op het gebied van personenvervoer’, belicht van de zijde van het railvervoer door Prof. Dr.Ir. J. Goudriaan Jr., Utrecht, President-Directeur der Nederlandsche Spoorwegen”, Bedrijfsauto, No. 26, 29 June 1939, p. 16-17; “Rijtijdenbesluit”, Bedrijfsauto, No. 23, 8 June 1939, p. 13. 13 “Autobevrachtingsdienst ingesteld; Met ingang van 13 Januari 1941”, Bedrijfsauto, No. 3, 16 January 1941, p. 45-48; “Is de N.O.B. een oorlogskindje?”, Beroepsver voer, No. 12, 22 March 1941, p. 183; “Verslag van de N.O.B.-vergadering gehouden te Arnhem op 18 November j.l.”, Beroepsvervoer, No. 47, 22 November 1941, p. 753. 14 Nolen J. in Beroepsvervoer, No. 48, 29 November 1941, p. 766-767, In a review of Behrens J., De organisatie van het Nederlandsche Bedrijfsleven, Den Haag,1941. 12 182 Struggle of the Systems Freight mobility advantageous for the railways, because their competitors were either sunk by submarines (water carriers) or suffering from fuel and material shortages 15. This was especially the case in countries (or parts thereof) occupied by the German armies, such as Vichy-France and the Netherlands, where factions interested in state intervention took advantage of the circumstances. After the war, at the national level, road transport was often quicker to regain its pre-war strength than the more infrastructure-dependent rail and inland navigation systems, and it thus gained a crucial competitive advantage. At the international level, however, the European Coal and Steel Community (ECSC; enabled through the Treaty of Paris of 1951) put the emphasis nearly fully on the railways, because the road tariffs were set extremely high 16. That was before the Marshall Plan started to support road building 17. Pre-war coordination continued in most countries, although it often became a pure economic matter of costing rather than an expression of social policy (such as protecting the jobs of railway workers) 18. In France, by the end of the 1950s short-distance road traffic was liberalized, whereas long-distance transport was subject to an agreement on quotas between the state railways SNCF and the Fédération Nationale des Transporteurs Routiers (FNTR), which did not seem to work. Only during the 1960s did the French railroad’s performance (in ton-kilometre) get dissociated from general industrial production and start to follow agricultural production indexes more closely. The changes led to a boom in truck purchases, setting France apart from Germany (just like in the pre-war years: see figure 1) 19. Hoogenboom Ari and Olive, A History of the ICC; From Panacea to Palliative, New York: W. W. Norton & Company, 1976, p. 143. 16 Button K. J., Road Haulage Licensing and EC Transport Policy, Aldershot: Gower, 1984, p. 27; Stevens Handley, Transport Policy in the European Union, Houndsmill/ New York: Palgrave McMillan, 2004, p. 92; high tariffs: Mom Gijs and Filarski Ruud, Van transport…, p. 305. 17 Mom Gijs and Filarski Ruud, Van transport… 18 For an example of such an approach see: Oort C. J., “Costing and rate-setting in the Netherlands’ railway system”, Bulletin of the Oxford University Institute of Statistics, No. 1, February 1962, p. 105-112; here p. 105. 19 Darrot Pierre, “La concurrence dans les transports routiers de marchandises (Deuxième partie)”, Economie et statistique, No 40/41, 1972, p. 17-28; here p. 24; Renouard Dominique, Les transports de marchandises par fer, route et eau depuis 1850, Paris: Librairie Armand Colin, 1960, p. 77; Neiertz Nicolas, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris: Comité pour l’histoire économique et financière, 1999, p. 339-355, 480. 15 183 Gijs Mom Figure 1: Relative truck fleet size in Germany and France Trucks per 1000 inhabitants in Germany and France (Source: Jünemann, 152-154, Tables I-III) 70 60 Trucks per 1,000 inhabitants Germany 50 trucks per 1000 inhabitants France 40 30 20 10 0 1921 1924 1927 1930 1933 1936 1939 1942 1945 1948 1951 1954 1957 1960 Source: Jünemann Elmar, Die Entwicklung des Güterverkehrs auf der Strasse in Deutschland und Frankreich; Eine vergleichende Analyse, Münster: Vorträge und Beiträge aus dem Institut für Verkehrswissenschaft an der Universität Münster, 1964, p. 152-154, Tables I-III. Initially, such a boom also seemed to be occurring the case in the UK. The Transport Act of 1947 nationalized not only railways, canals and airways, but also the long-distance parts of the trucking industry, and led to enormous growth in own-account trucking, while several long-distance transporters converted their businesses to short haulage of less than 25 miles. The British Transport Commission became the largest employer in the nation (with 900,000 employees in 1951) 20. Ironically, when the Conservative government (back in power in 1951) started to denationalize road haulage (through the Transport Act of 1953), this formed the start of a neo-liberal rule which would have a great influence Plowden William, The motor car and politics in Britain, Harmondsworth/Ringwood: Penguin, 1971, p. 428. 20 184 Struggle of the Systems Freight mobility on developments in Europe as a whole. Without much regulation, the maximum total weight of trucks rapidly increased to 40 tons 21. Another factor in the post-war reorganisation of transport was the Inland Transport Committee of the United Nations Economic Commission for Europe. The UN committee introduced measures such as the TIR system (Transports Internationaux Routiers) to make border crossings for trucks easier. When, in 1953, the European Conference of Ministers of Transport (ECMT) was founded which linked OECD states, a new buzz word, “harmonization”, replaced pre-war coordination and raised hopes of a market approach to the transport problem. Indeed, harmonization was meant to standardize transport technically, fiscally, infrastructurally and in relation to pricing between the partners, in preparation for the establishment of a Europe-wide market 22. All in all, coordination shifted from restrictive measures to investment in infrastructures, or, as an analyst of the German transport policy described it, from a “traffic policy as an instrument of order” to an investment policy governed by market principles. In 1990, most c ountries transported far more freight over the road than by other modes, with Portugal as an extreme on one end (91% of all freight transported by road), and Norway at the other end (with 25%). The European average was then 40% 23. Cooperation between countries was difficult but steady: as already stated, most countries started the post-war reconstruction phase by reinstating or continuing pre-war measures, which resulted in strict capacity control to protect their railways. Most of them introduced long-distance trucking quotas, but the Netherlands (and Italy) opted for a more loose system of capacity regulation, while the UK abandoned its quota system altogether in 1968. This divergence points to what policymakers have since called a dilemma between an “Anglo-Saxon philosophy of transport policy” based on market mechanisms and a “Continental philosophy” which saw transport as a public utility. Most histories of European Bagwell Philip and Lyth Peter, Transport in Britain; From Canal Lock to Gridlock, London/New York: Hambledon and London, 2002, p. 132-138; Savage Christopher I., An Economic History of Transport, London: Hutchinson University Library, 1966, p. 181-192. 22 Button K. J., Road Haulage Licensing and EC Transport Policy, Aldershot: Gower, 1984. p. 26-27; on “harmonization”, p. 44-48. For post-war trucking regulation at the European level, see: Schipper Frank, Driving Europe: Building Europe on Roads in the Twentieth Century, Amsterdam: aksant, 2008. 23 Banister David and Berechman Joseph, “Transport Policies and Challenges in a Unified Europe: Introduction”, in Banister David and Berechman Joseph (eds.), Transport in a Unified Europe; Policies and Challenges, Amsterdam/London/New York/Tokyo: North-Holland, 1993, p. 1-25; here p. 13. 21 185 Gijs Mom transport policy describe the process as a slow but steady victory of the Anglo-Saxon approach, safely embedded in national British policy by a Conservative Party that stayed in power from 1979 to 1997. In this story, one could say that the Netherlands invited the Trojan horse of liberalism to the continent to fight against the front of “railway protectors” represented by Germany, France and Italy. In reality, every country showed a local mix of liberalized and protective policies, dependent upon its particular domestic interests, but as a general trend the expansion of the EEC with Britain in 1973 strengthened the case of liberalization, whereas the fall of the Wall in 1989 and the subsequent expansion with new member states re-emphasized public transport’s role and brought new attention to transport infrastructures. Between 1985 and 1992 a new common transport policy was formulated, a step-by-stepapproach (in the three crucial areas of quota, licensing and tariffs) as opposed to the grand schemes of the Treaty of Rome. This “patchwork of such mildly useful mono-modal initiatives as the Council might be prepared to endorse”, with the Single European Market of 1992 as an important milestone, had to be fully implemented by every EU member in 1998. In ‘Brussels’ this process was steered by a surprisingly powerful group of British civil servants who, together with their equally motivated colleagues from other countries, managed to set up a policy agenda of bilateral negotiations for all three transport modes. Meanwhile the Netherlands (and sometimes Belgium) functioned as an example of a “middle ground,” showing “that it was perfectly possible to combine a liberal approach with strong policies of state leadership and intervention within the market.” Crucial in this process, a former British civil servant concludes, was the shift towards liberalism of the German government in 1983 and 1984. Whereas supranationalism reigned at the technical, systemic level, internationalism (inter- governmentalism) was more prominent at the political level 24. Button K. J., Road Haulage Licensing…, p. 58-59, p. 113; for details on national coordination policies in haulage licensing see: p. 64-68; Klenke Dietmar, “Freier Stau für freie Bürger”; Die Geschichte der bundesdeutschen Verkehrspolitik 1949-1994, Darmstadt: Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1995, p. 145-146, p. 153; Stevens Handley, Transport Policy…, p. 2-3, p. 23-24, p. 34, p. 49-55, p. 107, p. 223 (quotations: p. 60, p. 204). For the continent, Stevens also distinguishes between a state-led policy (France) and a corporatist policy (supervised by the state) in Germany and the Netherlands, for example (p. 23). On the structure of the European Council and Commission, see p. 66-73. The examples of the Netherlands and Belgium, and two trajectories: Button Kenneth, “Freight transport”, in Banister David and Berechman Joseph (eds.), Transport in a Unified Europe…, p. 154 and p. 159. 24 186 Struggle of the Systems Freight mobility Dutch liberalism on a dirigiste continent How then did the Dutch government manage to play such a special role in the story of European transport integration? This cannot be understood without taking into account the role of the country as a European transit area, especially regarding the connection between Rotterdam and the German hinterland, and the culture that was constructed around that role. German post-war transport policy was an uneasy mix of truck regulation and passenger car liberalism, the latter seen as crucial in a Cold War context which imposed ’a double “anti- totalitarian” demarcation from both national socialism and communism.’ During the post-war Allied occupation, the British and American armed forces forbade the pre-war Reichs-Kraftwagen-Betriebsverband (RKB) as a coercive cartel, but the law of 1952 nonetheless took over many pre-war principles of coordination. German truck transport had expanded enormously between 1948 and 1953, and this led to a transport crisis during the following four years which was marked by large railway deficits and a very restrictive policy towards trucking. In 1953, traffic minister Hans-Christoph Seebohm not only increased taxes and prohibited the long-range road transport of bulk, he even restricted road transport on own account and lowered the maximum truck weight from 40 to 24 tons in order to protect the roads. But contrary to the pre-war phase, the trucking lobby (consisting of the shipping lobbyists, liberal transport economists and a group of Christian Democrats) was now well organized and played the card of “Europe” whenever it needed to use the liberal argument. It was backed by the powerful employers’ association BDI (Bundesverband der Deutschen Industrie, Federal Union of German Industry) after an internal struggle between the steel industry, backer of the railways, and the automobile manufacturers, producers of the very symbol of the economic miracle. In the end, Seebohm had to give in to “Europe” in terms of the dimensions (16.5 meters instead of 14 meters in length) and the total weight of trucks (32 instead of 24 tons) allowed. German liberalization started in earnest in 1961 with the “small traffic regulation reform” (Kleine Verkehrsordnungs reform) which led to what economists have called Ordoliberalismus, the German version of neoliberalism 25. For the Dutch trucking sector, Klenke Dietmar, “Freier Stau für freie Bürger”…, p. 4-5, p. 14-24, p. 29, p. 56-57 (quotation: p. 163); Willeke Rainer, “40 Jahre Verkehrswissenschaft und Verkehrspolitik”, Zeitschrift für Verkehrswissenschaft, No. 66, 1995, p. 167-186 (second quotation: 25 187 Gijs Mom the German developments necessitated careful maneuvering, all the more so as Dutch truckers soon conquered a large part of the German long-range trucking market. After the war, the 15,000 small commercial truckers who were part of the NOB (Nationale Organisatie voor het Beroepsgoederenvervoer Wegtransport, National Organisation for Commercial Road Transport) revived their adventurous pre-war tradition of cross-border trucking, which illustrated the “typical entrepreneurial spirit” of the Dutch people with its combination of “courage, reliability and desire for adventure”. When convoys of trucks were deployed to transport relief cargo “at full American speed” to support the moderate Czechoslovakian president Beneš against the Communists, reminiscences of the Dutch Golden Age were reactivated through the creation of the image of the “hauliers of Europe”. Even the well-known Dutch novelist Anton Coolen dedicated a “Czech suite” to the national pride 26. The Dutch trucking sector was characterized during this phase by a special balance between c ommercial and own-account trucking. Right after the war, the memory of the pre-war “transport chaos” was such that the own-account association EVO (Algemene Verladers en Eigen Vervoer ders Organisatie, General Organisation for Shippers and Transporters on Own Account) openly speculated about the introduction of “nationalization, unification and other such measures”, against a background of Dutch debate about corporatist “public organisations” (publiekre chtelijke organisaties). Later, EVO officials observed the emergence of the commercial middle class, a “fully new class of vehicle users”, which caused membership to grow to nearly 40,000. Nevertheless, commercial truckers managed to conquer a larger part of the domestic market than their colleagues in other countries. By 1950, only 73% of the trucks and vans belonged to own-account transporters, whereas this percentage was 80% in many other European countries (Norway, UK, Austria) or even higher (France, Belgium, Switzerland, all p. 170); Kopper Christopher, Handel und Verkehr im 20. Jahrhundert, München: R. Oldenbourg Verlag, 2002, p. 57. The shift from one type of system to another was clearly visible in the US when car manufacturers started to use highway rack trucks instead of trains to transport their products to dealers. Goddard Stephen B., Getting There; The Epic Struggle between Road and Rail in the American Century, New York: Harper Collins, 1994, p. 175. Ordoliberalismus: Van der Vaart Joost, “Duitsland zal hard worden getroffen”, NRC, 8-9 November 2008, p. 16. 26 Jongma Johan W. D., Geschiedenis van het Nederlandse…, p. 73; Dankers Joost and Verheul Jaap, Twee eeuwen op weg; Van Gend & Loos 1796-1996, Den Haag, 1996, p. 101; “Strijd om de N.I.W.O.”, Bedrijfsauto, No. 6, 16 March 1946, p. 128. 188 Struggle of the Systems Freight mobility between 87 and 90%). The Dutch ratio of commercial trucking was comparable to that in the US, but contrary to that in Japan (18% in 1945) 27. After a highly regulatory proposal for a coordination law by a social-democrat minister of transport (Hein Vos) had been rejected twice by Parliament, a de facto regulation of the sector was set up, at least as rigorous and based on a quota system of truck licensing. Excluding the own-account truckers (who remained largely unregulated), the quota system was meticulously supervised by a commission in which the NOB as well as civil servants of the Waterstaat department of the Transport Ministry played a prominent role. It introduced a ceiling of 150,000 tons of total capacity for the Dutch fleet (increased to 160,000 tons in 1957), to be distributed among the 10,000 licence holders. Thus the commission formed a second centre of power after the national government, and followed a very strict policy lasting two decades, including a complete interruption of quota distribution during the recession of 1958. After that year, a period of “controlled growth” followed, from 250,000 tons in 1961 to no less than 600,000 tons ten years later. The regulation was successful in that the industrial index, calculated by national statistics offices, was followed closely 28. In the conquest of the foreign transport market, the chair of the other organisation, EVO, was crucial. Stationed in The Hague, EVO leader F. E. Spat, employed by Philips, was one of the first lobbyists, part of an international network related to the International Chamber of Commerce (ICC) in Paris. He became the first chair of the International Road Transport Union (IRU) in Geneva. Spat founded a new road transport office, which received a monopoly from the Dutch government on international road transport, aimed at “preventing unwanted foreign entrepreneurs from entering the country” and at defending “the freedom of transport on own account (…) which benefits our harbors and ocean shipping.” When the European “De hooge prijzen van het beroepsvervoer ”, Bedrijfsauto, No. 4, 18 August 1945, p. 1-2, here p. 2; statistics in Beroepsvervoer of 9 October 1945, p. 6; 16 February 1951, p. 93; 10 April 1953, p. 283 and 12 March 1965, p. 348; commercial middle class: Stants C. W., “Met de dag belangrijker: de combinatiewagen”, Bedrijfsvervoer, No. 5/6, 1 February 1955, p. 150-152. 28 Verheij Jac., Wetten Voor Weg en Water (1923-1998); Het experiment van de Wet Autovervoer Goederen en de Wet Goederenvervoer Binnenscheepvaart en de jaren erna, Delft: Eburon, 2001, p. 200-238. 27 189 Gijs Mom countries in 1949 agreed upon an international customs union, they set up a quota system of international TIR permits, the distribution of which was given to the IRU 29. Figure 2: TIR licences per country 180000 Belgium France 160000 Italy Number of TIR licenses 140000 Netherlands 120000 Western Germany 100000 all other 17 countries involved in the IRU system 80000 120000 100000 Number of TIR licenses 60000 80000 60000 40000 20000 40000 0 1952 1954 1956 1958 1960 1962 20000 0 1952 1954 1956 1958 1960 1962 1964 1966 1968 Source: Beroepsvervoer, No. 4, 21 February 1968, p. 310; No. 14, 3 July 1964, p. 952; No. 8, 14 April 1968, p. 378. The annual statistics of the TIR release shows the results of the coordinated efforts of the Dutch government and the trucking branch in conquering international road haulage (figure 2). In this struggle, the use of the liberalism argument was striking, although, as we have seen, the opposite was practised domestically. Yet Dutch legislation made it relatively easy for a foreign trucker to enter the Netherlands. This concession was not very painful, because Camijn Aart, Wegvervoer, een grensverleggende activiteit; 50 jaar Stichting NIWO, Nationale en Internationale Wegvervoer Organisatie, n.p., 1996, p. 21-35, p. 84-103; IRU 1948-1998; “Défis d’hier et d’auhourd’hui”; Le transport routier à l’aube du 21e siècle, Genève: n.d., 1998, p. 20. 29 190 Struggle of the Systems Freight mobility it did not harm the Dutch railway company in any way since its share in the freight modal split was modest and its first modernization had been already completed before the war. At the start of the negotiations between The Six (the first six countries that constituted the EC: Belgium, France, Germany, Italy, Luxembourg, the Netherlands), the share of the Netherlands in the international road quota was proportionally set at 19% (whereas the actual share had reached 40%). After the Dutch government started to “defend the strong Dutch speciality”, the percentages were corrected. The subsequent years were characterized by a constant defence of Dutch interests in the many bilateral agreements, including a struggle against the German ministers Seebohm and Leber. Meanwhile the Dutch share in German road transport decreased from 60% in 1955 to 40% in 1961. This happened in the context of a huge expansion of European road freight transport, especially after the founding of the EEC in 1957, from 800,000 tons in 1953 to four million tons in 1960, the year in which the truck superseded the train in border-crossing freight transport (measured in metric tons). In total, all Dutch modalities combined transported one-third of all the international traffic in the EEC in 1963, a share which decreased to one quarter ten years later (when the Dutch share in EEC’s GNP was 5%). It then stayed at this level until the end of the century 30. Conclusions From an overview of the interwar period, it is clear that despite the belligerent language between railways and (large) trucking companies, only a coalition between the two sectors could result in a coordination of transport, a coordination which was established without consulting the users (and in several countries also without including the small truckers). This coordination started much earlier than historiography suggests. Once centralized (and removed from the control Camijn Aart, Wegvervoer, een grensverleggende activiteit…, p. 41, p. 49, p. 51-55, p. 69, p. 108-110, p. 127-135; Jongma Johan W. D., Geschiedenis van het N ederlandse…, p. 176; 19%: “Gevraagd: een andere Europese vervoerpolitiek”, Beroepsvervoer, No. 20, 25 September 1964, p. 1334-1336; “Het internationale wegvervoer staat nog voor zeer grote problemen”, Bedrijfsvervoer, No. 17, 23 August 1963, p. 965; “Staatssecretaris reageert scherp op plannen Leber”, Beroepsvervoer, No. 20, 6 October 1967, p. 1392; one-third: Van Haaren, “Enorme groei van goederenvervoer tussen E.E.G.landen”, Beroepsvervoer, No. 23, 18 November 1966, p. 1702-1704; Stevens Handley, Transport Policy…, p. 47. According to Button K. J., Road Haulage Licensing…, p. 61, the Dutch share in the early 1980s (probably in tons) was 40%. The Netherlands did not need permits for Italy (p. 70). 30 191 Gijs Mom of Parliament), the coordination could be made to fit a general trend towards a corporatist society, which it helped to strengthen. But did it work? Most historians agree that coordination may have benefited the truckers, but does not seem to have benefited the railways. In Germany, despite the Nazi rhetoric of a radikaler Neuan fang (radical new start), coordination policy showed continuity with the Weimar republic and did not seem to have been advantageous for trucking, although the trucking on own account did benefit from the “perfect market regulation” 31. In the UK, coordination does not seem to have benefited the railways, either, which is not surprising if we are to believe Chancellor Neville Chamberlain, who declared in 1933 that taxation was only raised to increase revenue and not to influence transport organisation. No focus was put on road freight, one of the declared aims of coordination. For France, too, the verdict by historians has been that coordination did not result in any financial advantages for the railways, although it did result in long-lasting disadvantages for road interests 32. Regarding the Netherlands, it was already proven shortly after the war that in the interwar period, the train was hardly adversely affected by the passenger car or the truck, in the case of the truck because it had a mainly regional function 33. Perhaps, then, it is fair to conclude that trucking did not significantly endanger the railways that were first and foremost hurt by the passenger car and the bus. Despite this, after the war it was railway passenger transport that proved to be the most enduring (except in the United States). In any case, coordination did not prevent trucking from slowly becoming long-range. To give just one example from the largest economy in Europe: although the share of long-range trucks in Germany in 1989 was only 15%, their performance (in ton-km) was 70% (consisting of 30% international and 40% domestic long-range trucking) 34. As we have seen, the “wedge function” of trucking on own account was instrumental in this development, and therefore merits more research by country than has hitherto been conducted. The most c onvincing evidence (keeping in mind the lack of data on Rohde Heidi, Transportmodernisierung contra Verkehrsbewirtschaftung; Zur s taatlichen Verkehrspolitik gegenüber dem Lkw in den 30er Jahren, Frankfurt am Main: Peter Lang, 1999, p. 305, p. 225. 32 Neiertz Nicolas, La coordination des transports en France…, p. 165. 33 Kuiler H. C., Verkeer en vervoer in Nederland; schets eener ontwikkeling sinds 1815, Utrecht: A. Oosthoek’s Uitgevers Mij, 1949, p. 220-221. 34 Verkehr in Zahlen, Ausgabe 1990, Berlin, 1990. 31 192 Struggle of the Systems Freight mobility actual long-range trucking) is the general increase in freight mobility between 1890 and 1940 in the USA, which reflects “a lengthening of the (…) average haul of freight shipment, consequent upon the denser settlement of the west” 35. Long-distance haulage was only 7% in the US at the beginning of the 1930s 36. A similar indication can be found for Germany, where between 1933 and 1938 the number of trucks increased nearly fivefold on average, but the heaviest class increased thirteen-fold. One-third of the truck fleet’s performance (in ton-km) was long-distance in 1937, which represented only a 2% share in overall freight transport 37. In the UK, long-distance haulage gained a certain foothold before the war: a commentator of the time estimated that 20,000 (13.3%) of the 150,000 trucks were making hauls of 70 miles and beyond, whereas one-third of them performed medium-distance hauls of between 20 and 70 miles 38. Nevertheless, by 1938 French long-distance trucking in tons was equal to short-distance trucking (110,000 tons versus 118,000 tons respectively), which shows that Autobahnen were not necessary to “invite” automobiles to become long-range vehicles, as some historians had assumed previously 39. In any case, British recovery from the Depression (in contrast to France) seems to have had less to do with government action than with “increased activity in the private sector, notably the new light industry and housing,” supporting our earlier assumption that the battle of the systems was in reality a battle between two opposing societies 40. This conclusion is supported by an earlier scholar of the German and American railway decline, Glenn Yago: “Transit decline is rooted in Barger Harold, The Transportation Industries 1889-1946; A Study of Output, Employment, and Productivity, New York: National Bureau of Economic Research, 1951, p. 2. 36 Childs William R., Trucking and the Public Interest; The Emergence of Federal Regulation 1914-1940, Knoxville: The University of Tennessee Press, 1985, p. 51. On the authority of one scholar of the interwar American transport sector at the time, “a considerable amount of long-distance hauling of a variety of commodities is being done (…). Occasional hauls up to 2,500 miles are not uncommon”. Moulton Harold G., The American Transportation Problem (Prepared for the National Transportation Committee), Washington D.C.: The Brookings Institution, 1933, p. 523. 37 Rohde Heidi, Transportmodernisierung contra Verkehrsbewirtschaftung…, p. 52, p. 46. 38 Gibson Thomas, Road Haulage by Motor in Britain; The first forty years, Aldershot/ Burlington/Singapore/Sydney: Ashgate, 2001, p. 235; Plowden William, The motor car…, p. 384; Hurcomb Cyril, “The co-ordination of transport in Great Britain during the years 1935-1944”, Journal of the Institute of Transport, May-June 1945, p. 90-105, here p. 94, estimates: p. 95. 39 Neiertz Nicolas, La coordination des transports en France…, p. 153. 40 Jones Joseph, The Politics of Transport…, p. 104-106. 35 193 Gijs Mom the internal relations of old and new industrial coalitions” 41. In the end, the state appeared incapable of controlling the quantitative relationship between rail and road, mostly because of the buffering role of trucking on own account, but also because this relationship appeared virtually impossible to calculate. This difficulty is due not only to the fundamentally different cost structure of the railways and trucking (ad valorem versus marginal costs) but also to the fact that the statistics are so very unreliable 42. To analyse this process further would require not only a transnational approach, but also a move beyond the focus on economic aspects of costs to include a discourse analysis of the coordination debate, since there is evidence that quite a lot of this debate was rhetoric. After all, economists themselves still dispute the role of freight transport in economic development 43. One component of that rhetoric was (and is, among historians) the sharp dichotomy between a liberal and a regulatory approach; our analysis shows that “even” in the sanctuaries of liberalism (the UK and the USA) freight mobility was regulated, so much so, in fact, that in the end all countries investigated here resembled each other significantly in this respect. Given the common root of the problem (the rapid expansion of trucking after the First World War) and the different solutions proposed, this analysis results in the conclusion that every country seems to devise measures such that in the end, Western societies do not differ too much from each other. This also applies to the Netherlands, which appears less exceptional than some historians have suggested 44. In all these societies (except the US), the long-distance freight task of the railways appeared to be a myth. It was the French regional economist Maurice Wolkowitsch who formulated this view shortly after the war 45. By the end of the century, most railway Yago Glenn, “Corporate Power and Urban Transportation: A Comparison of Public Transit’s Decline in the United States and Germany”, in Zeitlin Maurice (ed.), Classes, Class Conflict, and the State; Empirical Studies in Class Analysis, Cambridge, Ma.: Wunthrop Publishers, Inc., 1980, p. 320. 42 On the elusive costs of the American trucker, see for instance: Childs William R., Trucking and the Public Interest…, p. 178; on unreliable statistics: Walker Gilbert, Road and Rail; an enquiry into the economics of competition and state control, London: George Allen and Unwin Limited, 1947, p. 127. 43 Button Kenneth, “Freight…”, p. 143. 44 Especially Jones Joseph, The Politics of Transport…, p. 205-209. 45 “Les formules: le lourd au rail, la petite distance à la route, qu’on emploie toujours pour parler de la coordination, ne correspondent à aucune réalité”. Wolkowitsch Maurice, “La bourgeoisie française devant l’évolution des techniques de transport”, La pensée; revue du rationalisme moderne, Novembre 1951, p. 85. 41 194 Struggle of the Systems Freight mobility systems functioned (and functioned well) in metropolitan commuter systems and in intercity corridors, and, where inland navigation was non-existent, in the transport of very heavy bulk, which since 1970 has grown along with the EU-15’s GDP. The idea that the railways are for long-range transport is a very persistent myth, as the share of border-crossing trade in Europe in 1994 was 7% of all the tonnage transported within the countries, exactly the amount of the long-range share of truck transport in the USA in the early 1930s 46. One wonders, then, what exactly the societal function of this long-distance myth has been, given the fact that “investment in roads and railways, ports and airports, benefits first and foremost the country on whose territory the development takes place. Neighboring countries may not benefit at all; they may even lose out (…).So there was not much enthusiasm for contributing to the cost of essentially national facilities through the Community budget. The force of that argument has declined over the years as the proportion of international traffic using national roads and railways has grown (and, I would add, it has been crucial for those small countries that depended, or were thought to depend, on “transit”, GM), but it is still reflected in the priority which has been given to the national, as opposed to the international, segments of the Community’s trans-European road and rail network” 47. The only decision left to the discretion of these societies, a German analysis of European integration concluded in 1968, is that of choosing “between a static and a dynamic basic conception or (…) between a conserving and an innovating traffic policy” 48. Given the predominance of the neoliberal stance during the last quarter-century, this has meant that those countries with the highest emphasis on restrictive control have had to make the most adjustments. What no government could change, however, was the remarkable resistance of the trucking sector against concentration: it is still a highly fragmented sector and as such still reflects its ancestor, the individually motorized civilian. And yet, European truckers can boast one transnational feat already: they were the ones, in 2000, to launch “the first more or less spontaneous pan-European strike” 49. Stevens Handley, Transport Policy…, p. 16, p. 22. Stevens Handley, Transport Policy…, p. 171-172. 48 Jürgensen Harald and Aldrup Dieter, Verkehrspolitik im europäischen Integrations raum, Baden-Baden: Nomos Verlagsgesellschaft, 1968, p. 55. 49 Stevens Handley, Transport Policy…, p. 1. 46 47 195 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke auf die schweizerische Verkehrspolitik im 20. Jahrhundert Eine Abstimmungsanalyse Ueli Haefeli, Universität Bern Abstract : In the area of transport policy, voting advice from the Federal Council and the Parliament is largely followed by voters. It is therefore that much more surprising that the political elite’s guidance was not heeded in any of the 20th century referendums on transport coordination (there were five proposals put to the vote between 1935 and 1994). An analysis of speeches related to the five referendums hints at an institutional explanation: strong federalist impulses fighting the new powers of the Confederation could partially explain the voting results. However, more significantly, voters seemed to reject complex and comprehensive proposals because of specific aspects and increasingly weigh personal inconveniences, real or imagined, against the advantages. Yet, the analysis also demonstrates that the influence of ballot box results on federal policy should not be overestimated. The political elite has always found absolutely legitimate ways of reaching consensus, even after a searing defeat at the ballot box. During the 1930s and 1940s, that meant emergency legal interventions and organising freight transport much like a cartel. In the 1980s and 1990s, the comprehensive transport policy was unpacked into tangible projects that were all approved in referendums. The five referendums on transport coordination did delay things, but in the end did little to hinder the progress of federal transport policy. When compared internationally, Swiss transport coordination can be considered a model. Switzerland’s agreement system has made it possible, at least in traffic policy, to flexibly manage the unexpected resulting from direct democracy and ballot initiatives. Am Anfang dieses Beitrags stehen zwei bemerkenswerte Beobachtungen: Erstens war die Akzeptanz der schweizerischen Verkehrspolitik 197 Ueli Haefeli an der Urne im Quervergleich zu anderen Politikbereichen in der Vergangenheit überdurchschnittlich hoch. Eine politikwissenschaftliche Analyse von 27 eidgenössischen Abstimmungen mit Verkehrsbezug im Zeitraum von 1977 bis 1998 ergab, dass das Volk in 93 Prozent der Fälle den Empfehlungen von Bundesrat und Parlament folgte. Die durchschnittliche Quote für alle Politikbereiche lag dagegen nur bei 71 Prozent 1. Der Blick weiter zurück zeigt, dass das Volk über das gesamte 20. Jahrhundert hinweg nur in fünf verkehrspolitisch relevanten Urnengängen den Abstimmungsempfehlungen von Bundesrat und Parlament widersprach 2. Damit sind wir bei der zweiten bemerkenswerten Beobachtung: Aus Sicht der Verkehrskoordination sieht die Bilanz nämlich völlig anders aus 3. Sämtliche fünf Abstimmungen mit Dissens zwischen Volksmeinung und politischen Eliten befassten sich mit Aspekten der Verkehrskoordination. Darüber hinaus gab es keine weiteren Urnengänge mit einem direkten Bezug zur Verkehrskoordination, Bundesrat und Parlament konnten sich also bei Fragen zur Verkehrskoordination in keinem einzigen Fall durchsetzen! Diese doch recht erstaunlichen Beobachtungen sind der Anlass zu den folgenden Ausführungen. Wie lässt sich erklären, dass bei Fragen der Verkehrskoordination auf der Bundesebene immer wieder gegen die sonst bei Urnengängen so erfolgreichen politischen Eliten entschieden wurde? Die Frage gewinnt an Bedeutung, wenn berücksichtigt wird, dass die schweizerische Verkehrspolitik im internationalen Vergleich bezüglich wichtiger Aspekte der Verkehrskoordinationen (verkehrsträgerüber- Vatter Adrian, Sager Fritz, Bühlmann Marc, Maibach Markus, Akzeptanz der schwei zerischen Verkehrspolitik bei den Volksabstimmungen und im Vollzug, Bern : Bericht D 12 des NFP 41, 2000. Überdurchschnittliche Erfolgsquoten zeigen sich auch in kantonalen Vorlagen, welche im Rahmen des vorliegenden Beitrags nicht thematisiert werden. Trechsel Alexander H., «Volksabstimmungen», in Klöti Ulrich et al., Handbuch der Schweizer Politik, Zürich: NZZ-Libro, 1999, p. 557-588, zeigt für den Zeitraum 1947-1995 eine durchschnittliche Unterstützung der Behörden von 77 % (p. 567); deutlich niedriger war die Unterstützung der Behörden in den ersten Jahrzehnten des Bundesstaates nach 1848 (p. 577). 2 Linder Wolf, Bolliger Christian, Rielle Yvan, Handbuch der eidgenössischen Volks abstimmungen 1848-2007, Bern: P. Haupt, 2010, 754 p. Selbstverständlich ist die Abgrenzung nicht immer ganz leicht, beispielsweise standen die Abstimmungen zum Strassenverkehrsgesetz von 1927 und 1932 diskursiv im Kontext der Verkehrskoordination, der Aspekt der Verkehrskoordination konnte dann aber typischerweise nicht in die Vorlage eingebracht werden. Vgl. dazu: Mühlethaler Jan, «Schiene versus Strasse». Von den Anfängen eines verkehrspolitischen Grundsatzdiskurses und dessen Leitbildern in der Schweiz, Lizenziatsarbeit an der philosophischen Fakultät I der Universität Zürich, 1994. 3 Vgl. dazu auch: Mollet Thomas, Die Quadratur des Kreises? Schweizer Verkehrsko ordinationspolitik zwischen 1935 und 1988, Bern: Historisches Institut, 2005, p. 164. 1 198 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke greifende Abstimmung, Rollenteilung zwischen Schiene und Strasse, Erreichbarkeit usw.) als überdurchschnittlich erfolgreich gelten kann 4. Der Beitrag geht von einem Erklärungsansatz aus, welcher die Bedeutung institutioneller Faktoren betont. Als Ausgangshypothese richtet sich der Blick deshalb weniger auf inhaltliche Aspekte der einzelnen Vorlagen, sondern vielmehr auf das für die Schweiz charakteristische Zusammenspiel dreier institutioneller Elemente: erstens der ausgeprägte Föderalismus, zweitens die grosse Bedeutung von Volksabstimmungen und drittens die breite Beteiligung der wichtigsten Parteien an der Regierungsbildung im Sinne von dauerhaft etablierten grossen Koalitionen. Im Folgenden wird zunächst die Verwendung des Begriffs der Verkehrskoordination dargelegt. Daran schliessen einige Ausführungen zu institutionellen Aspekten des schweizerischen politischen Systems an. Im dritten Abschnitt werden die fünf Urnengänge zu Fragen der Verkehrskoordination vorgestellt. Der Beitrag schliesst – vor dem Hintergrund der Auswirkungen der Urnengänge auf die schweizerische Verkehrspolitik – mit einer zusammenfassenden Interpretation der beobachteten Diskursmuster. Verkehrskoordination: Historische Phase oder analytische Kategorie? Verkehrskoordination im Sinne einer effektiven und effizienten Bereitstellung von Verkehrsinfrastrukturen und Verkehrsdienstleistungen hat die gesellschaftlichen Akteure im Allgemeinen und die Verkehrspolitik im Besonderen in den letzten Jahrhunderten immer wieder beschäftigt. Die Verteilung von Mobilitätschancen musste angesichts der wachsenden Bedeutung des Transports von Menschen und Gütern zwangsläufig Gegenstand konfliktiver Aushandlungsprozesse werden. Eine wichtige, aber meist nur implizit mitgedachte Voraussetzung der Diskurse über Verkehrskoordination war dabei die Existenz eines wie auch immer gearteten Wettbewerbs zwischen den Verkehrsmitteln: Haefeli Ueli, Verkehrspolitik und urbane Mobilität. Deutsche und Schweizer Städte im Vergleich 1950-1990, Stuttgart: Steiner-Verlag (Beiträge zur Stadtgeschichte und Urbanisierungsforschung, Band 8), 2008, Vgl. dazu auch die verschiedenen Beiträge in der Sondernummer von Transfers, interdisciplinary journal of mobility studies, Vol. 1 Issue 2, Summer 2011. Und für Deutschland: Sack Detlef, «Governance Failures in Integrated Transport Policy – On the Mismatch of ‘Co-opetition’ in Multi-Level Systems», German Policy Studies, vol. 7, 2011, p. 43-70, sowie: Schöller-Schwedes Oliver, «The failure of integrated transport policy in Germany: a historical perspective», Journal of Transport Geography, Vol. 18, 2010, p. 85-96. 4 199 Ueli Haefeli Sobald die Vorrangstellung eines einzelnen Verkehrsmittels gesellschaftlich breit akzeptiert war, verlor die Frage der K oordination an Brisanz. Unter Verkehrskoordination im engeren Sinn verstehen die Verkehrshistoriker zurzeit in erster Linie die Debatte um die Rollenverteilung zwischen Schiene und Strasse, welche mit der sich in den 1920er-Jahren abzeichnenden Motorisierung des Strassenverkehrs einsetzte und welche nach dem Zweiten Weltkrieg mit dem Durchbruch zur Massenmotorisierung und dem endgültigen Ende der Vorherrschaft der Schiene in den 1950er-Jahren mehr oder weniger abgeschlossen wurde. In diesem Sinne kann Verkehrskoordination als zeitlich klar eingrenzbare historische Phase verstanden werden. Obwohl dieser eher eng gefassten Definition die Berechtigung nicht ganz abgesprochen werden soll, spricht meines Erachtens doch mehr für ein weiter gefasstes Begriffsverständnis von Verkehrskoordination als einer zentralen analytischen Kategorie der Verkehrsgeschichte. Zum Ersten zeigt gerade das zurzeit grosse Interesse an der historischen Analyse von Verkehrskoordination die ungebrochene Aktualität dieser Frage. Mit der in den 1960er-Jahren erreichten Autodominanz waren die Verteilungsfragen im Verkehr offensichtlich keineswegs gelöst. In der Schweiz zeugen davon beispielsweise die Versuche der 1970er-Jahre, eine koordinierte Verkehrspolitik im Rahmen der Gesamtverkehrskoordination zu implementieren, oder die vielfältigen Anstrengungen zur Attraktivitätssteigerung des öffentlichen Personenverkehrs sowie die Politik zur Verlagerung des Gütertransitverkehrs auf die Schiene. Aus dieser Perspektive wird klar, dass die Verkehrspolitik trotz der relativen Langlebigkeit von Verkehrsinfrastrukturen die Mobilitätsoptionen immer wieder neu verteilen muss. Darüber hinaus gibt es noch einen zweiten Grund, welcher für ein weiter gefasstes Verständnis von Verkehrskoordination spricht: Diese lässt sich nämlich nicht nur auf den intermodalen Wettbewerb beziehen, sondern betrifft durchaus auch den intramodalen Wettbewerb. Beispiele für einen solchen intramodalen Wettbewerb sind die Auseinandersetzungen zwischen grossen und kleinen Unternehmen im Güterverkehr oder die Koordination der verschiedenen Anbieter des Tourismus und des öffentlichen Verkehrs im Rahmen der Tarif- und Fahrplangestaltung 5. Aus dieser Sicht greift Verkehrsko ordination zudem über den eigentlichen Bereich der Verkehrspolitik hinaus und bezieht auch Verhandlungen und Absprachen zwischen einzelnen Akteuren der Verkehrswirtschaft mit ein. 5 Vgl. dazu den Beitrag von Cédric Humair und Mathieu Narindal in diesem Band. 200 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke Die Schweiz: ein schwacher Zentralstaat, starke Kantone und direktdemokratische Mechanismen Die Bedeutung der vertikalen Gewaltenteilung in der Schweiz ist ausserordentlich hoch. Die Schweiz gilt zusammen mit den USA und Kanada als einer der drei klassischen föderalistischen Staaten 6. In Artikel 3 der Bundesverfassung ist eine generelle Subsidiaritätsklausel festgehalten: «Die Kantone sind souverän, soweit ihre Souveränität nicht durch die Bundesverfassung beschränkt ist; sie üben alle Rechte aus, die nicht dem Bund übertragen sind». Das parlamentarische System mit zwei Kammern ähnelt demjenigen der USA. Während der Nationalrat das Volk repräsentiert, bilden die Kantone die zweite Kammer, den Ständerat. Damit ist die Bevölkerung der kleinen und meist ländlich-konservativen Kantone überproportional vertreten. Weil bei Verfassungsänderungen das Prinzip der doppelten Mehrheit gilt, können deshalb kleine Kantone oft als Veto-Spieler auftreten und ihre Interessen überdurchschnittlich gut einbringen. Neben dem ausgeprägten Föderalismus wird das schweizerische System durch die Mechanismen der direkten Demokratie charakterisiert. Über Initiativen und Referenden wird in Volksabstimmungen entschieden. Auch dabei gilt in vielen (aber nicht allen) Fällen das Prinzip der doppelten Mehrheit an der Urne (Volks- und Ständemehr). Bei der Entscheidungsfindung innerhalb dieses institutionellen Rahmens spielt deshalb die breite Abstützung der Vorlagen eine im Vergleich zu anderen politischen Systemen besonders wichtige Rolle. Unter anderem aus diesem Grund zeigte der schweizerische Bundesstaat früh die Tendenz, alle wichtigen politischen Strömungen in die Bildung der Exekutive einzubeziehen. Unter dem Begriff der Konkordanz hat sich deshalb ein System herausgebildet, in welchem im Sinne einer permanenten «grossen Koalition» die grossen Parteien gemeinsam die Regierung bilden 7. Verkehrspolitik ist in der Schweiz vor diesem Hintergrund als typische Mehrebenenpolitik zu verstehen. Obwohl eine klare Trennung der Aufgaben im Rahmen eines föderalistischen Systems an sich denkbar wäre, kennzeichnet die Zusammenarbeit mehrerer politischer Ebenen zur Lösung ein und desselben Problems die v erkehrspolitische Praxis in Linder Wolf, Vatter Adrian, «Institutions and Outcomes of Swiss Federalism: The Role of the Cantons in Swiss Politics», in Lane Jan-Erik (ed.), The Swiss labyrinth: institutions, outcomes and redesign, London: Frank Cass, 2001, p. 95-122. 7 Zwischen 1959 und 2003 hat sich die parteipolitische Zusammensetzung des Bundesrates sogar überhaupt nicht verändert. 6 201 Ueli Haefeli weiten Teilen. Dies wird von der Politikwissenschaft als «kooperativer Föderalismus» oder auch als «Politikverflechtung» bezeichnet. Insgesamt muss zur verkehrspolitischen Entscheidungsfindung eine grosse Zahl von Akteuren herangezogen werden 8. Gescheiterte Koordination an der Urne Der Behandlung der fünf Vorlagen im Einzelnen sei hier einführend ein kurzer Überblick über die fünf Vorlagen vorangestellt (vgl. auch Tabelle 1). Die ersten drei Vorlagen befassten sich zwischen 1935 und 1951 im Zeichen des Aufstiegs des Lastwagens in erster Linie mit dem Güterverkehr 9. Im Vordergrund stand dabei die Frage der Koordination zwischen Schiene und Strasse, im Hintergrund ging es aber auch immer um den Konflikt zwischen grossen und kleinen Anbietern des Strassentransports. Anders als in vielen anderen europäischen Staaten oder in den USA wurde damit die Frage des Personenverkehrs weitgehend ausgeklammert 10. Nach 1951 dauerte es fast vierzig Jahre bis zur nächsten Abstimmung über eine Frage der Verkehrskoordination. 1988 bei der Abstimmung über die Koordinierte Verkehrspolitik und auch beim Urnengang zur Alpeninitiative 1994 waren nun sowohl der Güter- als auch der Personenverkehr Gegenstand der Vorlagen. Bezüglich des Rechtstyps kam fast das ganze in der Schweiz verfügbare Instrumentarium an Abstimmungsverfahren zum Einsatz: fakultatives und o bligatorisches Referendum, Initiative und Gegenvorschlag. Der Rechtstyp scheint im Gegensatz zur «normalen» Praxis das Abstimmungsergebnis nicht beeinflusst zu haben. Beispielsweise haben Volksinitiativen in der Regel an der Urne kaum Chancen, die Alpeninitiative wurde aber angenommen 11. Schliesslich fällt auf, dass die Urnengänge im Laufe des 20. Jahr hunderts immer knapper ausfielen. Linder Wolf, Schweizerische Demokratie: Institutionen, Prozesse, Perspektiven, Bern: P. Haupt, 1999, p. 159. 9 Vgl. zur Geschichte des schweizerischen Güterverkehrs im 20. Jahrhundert: Sager Fritz, «Spannungsfelder und Leitbilder in der schweizerischen Schwerverkehrspolitik 1932 bis 1998», Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Jg. 49, 1999, p. 307-332. 10 Dies dürfte mit der Rolle der schweizerischen Post als Monopolistin im überlokalen Personentransport zusammenhängen. Vgl. dazu: Merki Christoph Maria, «Der Umstieg von der Postkutsche auf das Postauto», Vierteljahresschrift für Sozial- und Wirtschafts geschichte, Jg. 85, H. 1, 1998, p. 94-112. 11 Seit der Gründung des Bundesstaates wurden von 159 Volksinitiativen auf Bundesebene nur 15 angenommen. <http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/17/03/ blank/key/eidg_volksinitiativen.html>, besucht am 27.12.2011. 8 202 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke Tabelle 1: Überblick über die fünf Vorlagen Jahr Vorlage Rechtstyp Ja-Anteil Stimmbeteiligung 1935 Verkehrsteilungsgesetz Fakultatives Referendum 32,3% 63,2% 1946 Gütertransport ordnung Gegenvorschlag 33,7% 65,2% 1951 Autotransport ordnung Fakultatives Referendum 44,3% 52,4% 1988 Koordinierte Verkehrspolitik Obligatorisches Referendum 45,5% 41,9% 1994 Alpeninitiative Initiative 51,9% 40,8% Quelle: Linder Wolf, Bolliger Christian, Rielle Yvan, Handbuch der eidgenös sischen Volksabstimmungen 1848-2007, Bern: P. Haupt, 2010, diverse Seiten. 1935: Verkehrsteilungsgesetz Am 5. Mai 1935 lehnten die Schweizer Männer (erst ab 1971 durften die Frauen auf nationaler Ebene mitbestimmen), das «Bundesgesetz über die Regelung der Beförderung von Gütern und Tieren mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen» mit 67,7 Prozent sehr deutlich ab. Lediglich die Transitkantone Graubünden und Tessin wollten das Gesetz annehmen. Vor dem Hintergrund der zunehmenden Konkurrenz durch die Strasse strebten die Vertreter der Eisenbahn seit den 1920er-Jahren an, den Gütertransport auf der Strasse ebenfalls einer Konzessionspflicht zu unterstellen 12. Die Bahnen argumentierten im Sinne der so genannten «Entrahmungsthese», wonach die gesetzlich fixierte Beförderungs- und Tarifpflicht die Bahnen zur Übernahme auch der unrentablen Transporte zwingen würde, während die Anbieter auf der Strasse solche Aufträge ablehnen könnten 13. Die Wirtschaftskrise der 1930er-Jahre sowie der Eintritt der SBB als Anbieter in den Strassengütermarkt mit der 1926 gegründeten «Schweizerischen Zur Geschichte des Schiene-Strasse-Konflikts in den 1920er-Jahren: Mühlethaler Jan, «Schiene…»; zur Geschichte der Motorisierung in der Schweiz: Merki Christoph Maria, Der holprige Siegeszug des Automobils, 1895-1930. Zur Motorisierung des Strassenverkehrs in Frankreich, Deutschland und der Schweiz, Wien: Böhlau, 2002. 13 Kunz Robert, «Verkehrsteilung», Schweizerische Gesellschaft für Statistik und Volks wirtschaft (Hg.): Handbuch der Schweizerischen Volkswirtschaft, Bd. II, p. 463-468, hier p. 465; Kauer Ernst, Untersuchungen zur Verkehrsteilungsfrage Bahn-Auto in der Schweiz mit Berücksichtigung ausländischer Verhältnisse, Diss. Bern: Verbandsdruckerei AG, 1939, 168 p., hier p. 100; zur Position der Bahn vgl. auch: Schrafl Anton, «Das Verkehrsteilungsgesetz vom Standpunkt der Eisenbahnen», Mitteilungen des Kantonal- bernischen Handels- & Industrievereins, 11. Jg. Nr. 3, Bern, 1935, p. 73-87. 12 203 Ueli Haefeli Express AG» (SESA), welche 1929 in die «Automobil-Stückgut- Transport-Organisation» (AStO) überging, verschärfte aber auch den Wettbewerb zwischen den Anbietern auf der Strasse. So waren 1934 plötzlich auch private Spediteure, vor allem die grossen, an einer gesetzlichen Aufteilung des Marktes interessiert, und die Akteure konnten sich relativ rasch auf eine gemeinsame Stossrichtung bei der Gesetzeserarbeitung einigen 14. Auch der Bundesrat wollte im staatsinterventionsfreundlichen Klima dieser Jahre dem «verhängnisvollen Spiel des ungeregelten Wettbewerbs» ein Ende bereiten 15. Gleichzeitig argumentierte er aber auch als Bahneigner: «Die Milliardenwerte, die in den Eisenbahnen […] angelegt sind, dürfen nicht ohne produktive Verwendung bleiben» 16. Vorgelegt wurde dem Parlament schliesslich eine Lösung, welche die Transporte über Distanzen bis 10 Kilometern ungeregelt liess, für Strecken von 10 bis 30 Kilometern aber eine Konzession verlangte und alle längeren Transporte der Bahn überliess. Nicht reguliert wurde der Werkverkehr, welcher in Artikel 2 des Gesetzesentwurfs definiert wurde als «Beförderung von Gütern und Tieren mit eigenen Motorfahrzeugen für eigene Bedürfnisse und mit eigenem Personal». In der Praxis hätte diese Regelung mit einiger Sicherheit die Umgehung des eigentlichen Zwecks des Gesetzes begünstigt 17. Die Vorlage passierte die beiden Kammern fast oppositionslos, der Nationalrat stimmte ihr mit 82 zu 2 Stimmen zu, der Ständerat mit 25 zu 1 18. Etwas überraschend ergriff nun aber ein Westschweizer Komitee das Referendum gegen die Vorlage. Obwohl die Bahnen und die Verbände des Strassengüterverkehrs die Vorlage weiter unterstützten, wandten sich nun mit den Katholisch-Konservativen, den Sozialdemokraten und der Bauern-Gewerbe- und Bürgerpartei drei grosse Parteien gegen das Gesetz, welches ihre Vertreter im Parlament noch durchgewinkt hatten. Die Neue Zürcher Zeitung sah dementsprechend eine unheilige Allianz am Werk: «Politisch marschieren extrem Vgl. dazu: 25 Jahre ASPA 1921-1945. Festschrift des Verbandes Schweizerischer Motorlastwagenbesitzer, Bern 1946, p. 52-55; sowie: Eingabe des Verbandes Schwei zerischer Motorlastwagenbesitzer (ASPA) an den Bundesrat vom 30. März 1936, Bern 1936. 15 «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung betreffend den Erlass eines Bundesgesetzes über die Regelung der Beförderung von Gütern mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen (Vom 23. Januar 1934)», Bundesblatt, 86. Jg., Bd. 1, Bern, p. 89. 16 «Botschaft…», p. 90. 17 Dies befürchtete beispielsweise auch Nationalrat und SBB-Verwaltungsrat Bratschi (Mühlethaler Jan, «Schiene…», p. 144). 18 Mühlethaler Jan, «Schiene…», p. 133. 14 204 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke konservative Leute, Fronten und Bünde, die Sozialdemokraten und die Kommunisten in der gleichen Richtung» 19. Tatsächlich glaubte die Linke, die Vorlage ruiniere die Eisenbahn, während auf der politisch rechten Seite eine unzulässige Behinderung des Automobilverkehrs sowie preistreibende Monopole befürchtet wurden 20. Daneben scheint es schwierig gewesen zu sein, die Inhalte der Vorlage verständlich zu kommunizieren: So verwirrte beispielsweise der Begriff Werkverkehr gerade kleine Unternehmen, zu deren Schutz er unter anderem dienen sollte. Darüber hinaus engagierten sich die befürwortenden Akteure im Abstimmungskampf nur wenig, beide Seiten hatten bei der Erarbeitung der Vorlagen Kompromisse machen müssen und kämpften nun auch gegen eine interne Opposition 21. Eine gemeinsame schlagkräftige Kampagne der in dieser Frage ausnahmsweise einigen Kontrahenten SBB und Automobilverbände war angesichts der nach wie vor tiefen Gräben offensichtlich undenkbar. Dazu kam, dass es 1935 auf dem Höhepunkt der politischen Krise der 1930er-Jahre vergleichsweise einfach war, eine Vorlage an der Urne zu Fall zu bringen; zwischen Ende 1931 und 1937 wurde an der Urne nur eine einzige Vorlage angenommen, acht wurden abgelehnt. Der Politologe Leonhard Neidhart spricht in diesem Zusammenhang von einem Zusammenbruch der plebiszitären Konfliktregelungsmuster 22. 1946: Gütertransportordnung Die Situation nach der Ablehnung des Verkehrsteilungsgesetzes wurde 1945 in der Festschrift zum 25-jährigen Bestehen des «Verbandes Schweizerischer Motorlastwagenbesitzer» (ASPA) 23 wie folgt beschrieben «Die Vorlage hat das typische Schicksal einer jeden Kompromissformel, die einer Volksabstimmung unterbreitet werden muss, gefunden: Sie wurde von den extrem eingestellten Interessenvertretern auf Bahn- und Automobilseite verhältnismässig leicht zu Fall gebracht. Damit wurde die Frage aufgeworfen, ob sich überhaupt solch komplizierte, verkehrswirtschaftliche Fragen eignen, NZZ 28.4.1935, zit. nach Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 177. Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 178. 21 Mühlethaler Jan, «Schiene…», p. 135. 22 Neidhardt Leonhardt, Plebiszit und pluralitäre Demokratie. Eine Analyse der Funktion des schweizerischen Gesetzesreferendums, Diss. Bern: Francke Verlag, 1970, hier p. 221 ff. 23 1979 schlossen sich der Verband Schweizerischer Motorlastwagenbesitzer (ASPA), welcher 1924 gegründet wurde, und der Treuhandverband des Autotransportgewerbes (TAG) zur ASTAG zusammen. 19 20 205 Ueli Haefeli vom Volk entschieden zu werden, oder ob künftig nicht danach getrachtet werden sollte, nur einige klare Richtlinien aufzustellen, die vom Volk zu genehmigen sind, unter Vorbehalt der Regelung aller Einzelheiten im Rahmen besonderer Vereinbarungen zwischen den hauptinteressierten Parteien» 24. Die Zukunft sollte zeigen, dass auch dieser Lösungsansatz nicht funktionierte. Vorerst wurde aber trotz der Ablehnung des Verkehrsteilungsgesetzes, jedoch im Einklang mit dem Zeitgeist im In- und Ausland, der staatskorporatistische Weg entschlossen weiter beschritten. 1940 setzte der Bundesrat, wie so häufig in den 1930er-Jahren, mit dringlichem Bundesrecht und damit ohne Möglichkeit einer Urnenabstimmung die so genannte «Autotransportordnung » (ATO) für fünf Jahre in Kraft 25. Die ATO brachte unter anderem eine Bewilligungspflicht für Güter- und Personentransporte auf der Strasse. Die Inbetriebnahme neuer Lastwagen wurde dabei vom Nachweis der volkswirtschaftlichen Notwendigkeit abhängig gemacht und damit dem Markt entzogen. Zumindest während des Zweiten Weltkriegs erwies sich die ATO als tragfähiger Kompromiss, 1945 wurde sie für weitere fünf Jahre verlängert. Damit bestimmten dringliches und befristetes Bundesrecht und staatskorporatistische Ansätze faktisch die schweizerische Verkehrskoordination der 1940er-Jahre, war doch der Personenverkehr schon vorher weitgehend reglementiert worden war. Parallel dazu liefen aber die Bemühungen weiter, eine definitive Verfassungsgrundlage für die Aufteilung des Güterverkehrsmarktes zu schaffen. Der Druck dazu kam sowohl von der Strassen- als auch von der Schienenseite. Die ASPA machte in einer Eingabe an den Bundesrat von 1936 deutlich, dass sie weiterhin an einer Verkehrskoordination interessiert war, und vermutete, «dass nicht sachliche, sondern eher politische und teilweise höchst unsachliche Argumente» die Vorlage zu Fall gebracht hätten 26. Die Interessenvertreter der Bahn gingen einen etwas anderen Weg: 1935 wurde eine neue Organisation zur Vertretung der Bahninteressen gegründet, und zwar unter dem bezeichnenden Namen «Schweizerische Liga für eine rationelle Verkehrswirtschaft» (LITRA). Deren 1938 mit einer sehr hohen Zahl von Unterschriften 25 Jahre ASPA…, p. 55. Zimmermann Adrian, «‘Zunftordnung’ oder ‘erster Schritt’ […] zur Koordination. Die Autotransportordnung (ATO)» in Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (Hg.), Verkehrsgeschichte. Histoire des transports, Zürich: Chronos, 2010, p. 405-418. 26 «Eingabe…», p. 4. 24 25 206 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke zustande gekommene Initiative für eine neue Gütertransportordnung verlangte, dass der Güterfernverkehr in erster Linie auf der Schiene abgewickelt werden sollte. Der Bundesrat stellte der Initiative einen Gegenvorschlag gegenüber, welcher darauf verzichtete, die Verkehrsteilung schon auf der Verfassungsstufe regeln zu wollen 27. Vielmehr wurde im Sinne eines reinen Kompetenzartikels der Bundesrat beauftragt, den Verkehr «unter Wahrung der Interessen der Volkswirtschaft und der Landesverteidigung» gesetzlich zu ordnen. Die Initianten zogen daraufhin 1945 ihre Initiative zurück und unterstützten den Gegen vorschlag des Bundesrats 28. Im Abstimmungskampf sprachen sich alle grossen Parteien und Wirtschaftsverbände ebenso wie die SBB für die Vorlage aus 29. Das Autotransportgewerbe blieb gespalten: Während der 1938 gegründete Treuhandverband des Autotransportgewerbes (TAG) zustimmte, lehnte die ASPA ab. Klar gegen die Vorlage votierten die Strassenverkehrsverbände «Touring-Club Schweiz» (TCS) und «Automobilclub der Schweiz» (ACS) sowie die 1936 gegründete und aufstrebende wirtschaftsliberale Partei des «Landesrings der Unabhängigen» (LdU). Die Argumente der Befürworter und Gegner ähnelten denjenigen von 1935 sehr stark: Die Befürworter argumentierten erneut damit, dass ein Kampf gegen einen ruinösen Wettbewerb auf der Strasse vonnöten sei. Sie betonten aber auch in Abgrenzung zu nun nicht mehr zeitgemäßen staatskorporatistischen Ansätzen, bei der Vorlage handele sich um eine freiheitliche Lösung. Die Gegnerschaft bezeichnete die Vorlage wiederum als wettbewerbsund autofeindlich und betonte darüber hinaus, dass der Einbezug des Werkverkehrs eine zusätzliche Gefahr darstelle 30. Am 10. Februar 1946 wurde die Vorlage ähnlich deutlich verworfen wie 1935 das Verkehrsteilungsgesetz; einzig der Kanton Graubünden stimmte ihr zu. Die Kommentatoren erklärten das Volksnein wiederum damit, dass der eigentliche Inhalt der Vorlage nicht verstanden worden und angesichts der emotional geführten Debatte um vermeintliche Einschränkungen des Automobilverkehrs generell in den Hintergrund getreten sei. Zudem sei das Volk der kriegswirtschaftlich bedingten «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über die Änderung der Bundesverfassung für den Transport auf der Eisenbahn, der Strasse, zu Wasser und in der Luft (vom 19. Dezember 1941)», Bundesblatt, 93. Jg., Bern, p. 1120-1139. 28 Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 207-208. 29 Allerdings fassten vor allem in der Westschweiz einzelne Kantone von ihrer Mutterpartei abweichende Parolen (Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 207-208). 30 25 Jahre ASPA…, p. 59-60. 27 207 Ueli Haefeli Einschränkungen müde gewesen 31. Das Vollmachtenregime des Bundesrats stiess parallel zur abnehmenden militärischen B edrohung mehr und mehr auf Widerstand, was sich beispielsweise 1949 in der Annahme der Initiative «Rückkehr zur direkten Demokratie» zeigt 32. Eine grundsätzlich bahnfeindliche Stimmung lässt sich jedenfalls aus dem Abstimmungsergebnis nicht ableiten, denn 1944 hatte das Schweizer Volk die finanzielle Sanierung der Bundesbahnen in einer Referendumsabstimmung noch recht deutlich gutgeheissen. Sager betont darüber hinaus auch zu Recht das schlechte Image des Lastwagens in der B evölkerung 33. 1951: Autotransportordnung Mit der Ablehnung der Gütertransportordnung verblieb die ATO als einzige Grundlage für die staatliche Koordination des Güterverkehrs. 1950 wollten der Bundesrat und das Parlament diese aus ihrer Sicht grundsätzlich erfolgreiche Koordinationsgrundlage deshalb leicht modifiziert um drei weitere Jahre verlängern 34. Im Umfeld des LdU wurde jedoch mit dem bekannten Argument der Wettbewerbsfeindlichkeit erfolgreich das Referendum ergriffen. Immer stärker in den Vordergrund rückte in der Argumentation der Gegner die als kartellistisch bezeichnete Koordination innerhalb des aufstrebenden Strassentransportgewerbes, während der Schiene-Strasse-Konflikt eher etwas in den Hintergrund rückte. Zehn Jahre nach Inkrafttreten der ATO konnte das Volk mit dem Referendum das erste Mal zu ihr Stellung nehmen. Und wieder verweigerte es den geschlossenen politischen Eliten und den betroffenen Wirtschaftsakteuren beider Lager die Gefolgschaft und lehnte die ATO am 25. Februar 1951 mit 55,7 Prozent Neinstimmen relativ klar ab. Immerhin stimmten 6 von 26 Kantonen zu (Basel, Berchtold Walter, «Die Verkehrspolitik der Schweiz», in Ein Jahrhundert Schweizer Bahnen 1847-1947: Jubiläumswerk des Eidgenössischen Post- und Eisenbahndepar tementes in fünf Bänden unter Mitwirkung der schweizerischen Eisenbahnen und in Zusammenarbeit mit zahlreichen Fachleuten, Eidgenössisches Amt für Verkehr (Hg.), Frauenfeld: Huber, 1947-1964, Bd. 1, p. 276-297, hier p. 292. 32 Zimmermann Adrian, «‘Zunftordnung’…», p. 412. 33 Sager, Fritz, «Spannungsfelder…», p. 313. 34 Vgl. dazu: «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung zum Entwurf eines Bundesbeschlusses über den Transport von Personen und Sachen mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen (Autotransportordnung) (vom 29. Juli 1949)», Bundesblatt, 101. Jg., Bd. 2, H. 31, Bern, p. 212-246, sowie: «Bundesbeschluss über den Transport von Personen und Sachen mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen (Autotransportordnung) (vom 23. Juni 1950)», Bundesblatt, 102. Jg., Bd. 2, H. 26, Bern, p. 292-304. 31 208 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke Graubünden, Tessin, Waadt, Neuenburg und Genf) 35. Zweifellos hat die in den 1950er-Jahren sehr deutlich zu spürende Abneigung gegenüber einem regulierenden Staat zu dieser Ablehnung beigetragen 36. Eine gesetzliche Fundierung der Koordinationsfrage war damit für längere Zeit gescheitert. Selbstverständlich musste der Staat diesbezüglich aber weiterhin Entscheide fällen. Darauf kann hier nicht im Einzelnen eingegangen werden, grundsätzlich lässt sich aber festhalten, dass das Problem nicht durch Regulierung, sondern durch Subventionierung der Bahnen gelöst wurde, während der Strassengütertransport sich verstärkt dem Wettbewerb ausgesetzt sah. Eine grundsätzliche Lösung der Koordinationsfrage verlor der Gesetzgeber aber nie ganz aus den Augen, was sich beispielsweise in den Aktivitäten der 1949 eingesetzten «Eidgenössischen Kommission für die Koordinierung des Verkehrs» widerspiegelte 37. Angesichts der einsetzenden Massenmotorisierung befasste sich der Diskurs um Verkehrskoordination nun mehr und mehr auch mit dem Personenverkehr 38. 1988: Koordinierte Verkehrspolitik Die Vorgeschichte der Abstimmung zur Koordinierten Verkehrspolitik reicht bis in die 1960er-Jahre zurück. Die enorme wirtschaftliche Dynamik der Nachkriegszeit zeigte nun immer mehr auch ihre Schattenseiten, was dazu führte, dass in Abkehr vom regulierungskritischen Zeitgeist der 1950er-Jahre nun der intervenierende Staat wieder an Akzeptanz gewann. In Form übergeordneter Gesamtplanungen und unter vermehrtem Einbezug wissenschaftlicher Expertise sollte nun die zunehmend als überbordend wahrgenommene Entwicklung in die gewünschten Kanäle gelenkt werden. So auch im Verkehr: 1968 stellte der Bundesrat in den Legislaturzielen erstmals die Erarbeitung einer «Gesamtverkehrskonzeption» in Aussicht. 1972 rief er dazu eine breit abgestützte K ommission Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 226-227. Vgl. dazu: Blanc Jean-Daniel, «Planlos in die Zukunft? Zur Bau- und Siedlungspolitik in den 1950er-Jahren», in Blanc Jean-Daniel, Luchsinger Christine (Hg.), Achtung: die 50er-Jahre! Annäherungen an eine widersprüchliche Zeit, Zürich: Chronos, 1994, p. 71-94. 37 Vgl. dazu beispielhaft die «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau der Bern-Lötschberg-Simplon-Bahn (BLS) auf Doppelspur (vom 4. Februar 1976)», Bundesblatt, 128. Jg., Bern, p. 581-625, besonders p. 593. 38 Vertieft mit diesen Themen befassen sich zwei aktuelle Dissertationen: Kirchhofer André, Stets zu Diensten – gezwungenermassen! Die Schweizer Bahnen und ihre «Gemeinwirtschaftlichkeit» für Staat, Wirtschaft und Bevölkerung, Basel: Schwabe Verlag, 2010, 525 p.; Steinmann Jonas, Weichenstellungen. Die Krise der schweizeri schen Eisenbahnen und ihre Bewältigung 1944-1982, Bern: Peter Lang, 2010, 365 p. 35 36 209 Ueli Haefeli ins Leben. Die sehr umfassenden, erst 1977 abgeschlossen Arbeiten dieser Kommission müssen hier nicht im Einzelnen erläutert werden (vgl. dazu auch den Beitrag von Sandmeier in diesem Band) 39. Die in vierzig Thesen veröffentlichten Vorschläge trugen in einer für die Schweiz völlig neuen Art und Weise den vielfältigen Wechselbeziehungen zwischen der Verkehrs-, Raum- und Umweltentwicklung Rechnung. Gefordert wurde eine Stärkung der Bundeskompetenzen im Bereich der Verkehrskoordination und eine teilweise Abkehr von der verkehrsträgerbezogenen Finanzierung der Verkehrspolitik. Aufgrund kritischer Stimmen in der Vernehmlassung und im Parlament wurden die Vorschläge der Kommission gerade bezüglich der beiden letztgenannten Bereiche mehrfach überarbeitet, bis 1986 endlich unter der Bezeichnung «Koordinierte Verkehrspolitik» eine abstimmungsreife Vorlage verabschiedet werden konnte 40. Trotz der Unterstützung durch alle grossen Fraktionen gab es bereits im Parlament abweichende Stimmen aus den grossen Parteien. Vor allem Volksvertreter aus der Westschweiz warnten vor zu vielen Bundeskompetenzen, welche künftig autofeindliche Interventionen erleichtern könnten. Im Abstimmungskampf wandten sich denn auch die FDP und die SVP gegen ihre Bundeshausfraktionen und gaben eine Nein-Parole aus. Auch die Dachorganisation der Wirtschaft, der Vorort (heute Economiesuisse), und insbesondere der Gewerbeverband und die Verkehrsverbände (ausser dem umweltnahen «Verkehrsclub der Schweiz» VCS) plädierten für ein Nein. Für die Vorlage setzten sich neben den Umweltverbänden unter anderem die CVP, die SP und die Grünen, aber auch der Bauernverband ein. Am 12. Juni 1988 lehnte das Volk die Vorlage mit 54,5 Prozent ab. Lediglich die Transitkantone Uri, Tessin und Graubünden sowie beide Basel stimmten der koordinierten Verkehrspolitik zu. Insgesamt war die Ablehnung vor allem auf dem Land und in der Westschweiz stark, während hauptsächlich die Deutschweizer Städte der Vorlage deutlich zustimmten 41. Zudem ergab die Nachbefragung, dass vor allem die Automobilisten und die Automobilistinnen die Vorlage abgelehnt hatten 42. Haefeli Ueli, «Der grosse Plan und seine helvetische Realisierung: die Gesamtverkehrskonzeption 1972-1977 und ihre Wirkung auf die schweizerische Verkehrspolitik», Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Vol. 56, 2006, p. 86-95. 40 «Botschaft über die Grundlagen einer koordinierten Verkehrspolitik (Teilrevision der Bundesverfassung) (vom 20. Dezember 1982)», Bundesblatt, 135. Jg., Bd. 1, H. 11, Bern, p. 941-1061. 41 Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 455-546. 42 Linder Wolf et al., Detail-Analyse der Volksabstimmung über die Koordinierte Verkehrspolitik KV. Studie im Auftrag des Stabs für Gesamtverkehrsfragen, EVED, Bern, Bern: Forschungszentrum für schweizerische Politik, 1988. 39 210 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke Damit war die Idee einer Gesamtverkehrskonzeption auf Bundes ebene nach 20-jährigen Vorarbeiten endgültig gescheitert. Trotzdem prägten die Arbeiten der Kommission für eine Gesamtverkehrskonzep tion die schweizerische Verkehrspolitik der 1980er- und 1990er-Jahre entscheidend. Ein grosser Teil der in den vierzig Kommissionsthesen enthaltenen Vorschläge sind umgesetzt worden, so beispielsweise zentrale Projekte wie die «Bahn 2000» mit dem integralen Taktfahrplan oder die «Leistungsabhängige Schwerverkehrsabgabe» (LSVA). Allerdings musste jedes dieser Projekte im politischen Prozess isoliert bestehen, eine koordinierte Verkehrspolitik im eigentlichen Sinn blieb Wunschdenken. Insbesondere gelang es kaum, die in der Gesamtverkehrskonzeption ebenfalls enthaltenen restriktiven Massnahmen zur Dämpfung des Verkehrswachstums umzusetzen, so beispielsweise die volle Kosteninternalisierung oder die raumplanerischen Eingriffe 43. 1994: Alpeninitiative Die «Initiative zum Schutz des Alpengebiets vor dem Transitver kehr (Alpeninitiative)» nimmt als fünfte hier vorgestellte Vorlage eine Sonderstellung ein. Zum ersten und bisher einzigen Mal stimmte das Schweizer Volk einer Vorlage zur Verkehrskoordination zu und bewies damit, dass solche Vorlagen an der Urne nicht in jedem Fall chancenlos sein müssen. 1989 reichte ein Komitee bestehend aus Umweltschutzgruppen der Kantone die Initiative ein, welche verlangte, dass der Bund das Alpengebiet vor den negativen Auswirkungen des Transitverkehrs zu schützen habe 44. Im Vordergrund stand dabei die Forderung, den grenzüberschreitenden Güterverkehr in Zukunft auf der Schiene abzuwickeln. In dieser Festschreibung der Aufgaben im Güterfernverkehr liegt denn auch der verkehrskoordinatorische Kern der Vorlage. In seiner Botschaft von 1992 empfahl der Bundesrat vor allem auch aus europapolitischen Motiven die Ablehnung der Initiative. Diese diskriminiere Ausländer und verstosse gegen das Prinzip der freien Verkehrsmittelwahl. In der damals instabilen Situation der Schweiz im Kontext ihrer politischen Situierung in Europa kam dem Bundesrat die Vorlage offensichtlich besonders ungelegen. Darüber hinaus sei, so der Bundesrat, bereits eine Reihe von Massnahmen ergriffen worden, welche dem Anliegen der Initianten entgegenkäme 45. Beide Haefeli Ueli, «Der grosse Plan…», p. 93-95. Vatter Adrian, Akzeptanz…, p. 18-19. 45 «Botschaft über die Volksinitiative ’zum Schutz des Alpengebietes vor dem Transitverkehr’ (vom 12. Februar 1992)», Bundesblatt, 144. Jg., Bd. 2, H. 13, p. 877-921. 43 44 211 Ueli Haefeli arlamentskammern schlossen sich der Meinung des Bundesrates P an. Allerdings fällt auf, dass die Entscheide im Vergleich zu anderen Verkehrsvorlagen recht knapp ausfielen. Im Abstimmungskampf bestätigte sich, dass die Initiative vor allem die bürgerlichen Parteien spaltete. Insbesondere ergriff eine ganze Reihe von Kantonalsektionen der CVP und der FDP die Ja-Parole, entgegen dem Votum der nationalen Dachparteien. Gegen die Vorlage plädierten die Verkehrsverbände (mit Ausnahme des VCS) und die Arbeitgeberverbände. Für ein Ja setzten sich die grünen und linken Parteien sowie der LdU, aber auch die rechtsaussen politisierenden «Schweizer Demokraten» ein. Am 20. Februar 1994 sprachen sich eine knappe Mehrheit von 51,9 Prozent sowie 16 von 23 Ständen für die Alpeninitiative aus. Die grössten Mehrheiten fanden sich in den Kantonen entlang der Gotthardachse, während sich alle mehrheitlich französisch sprechenden Kantone gegen die Vorlage entschieden 46. Eine Nachbefragung zeigte, dass das Ja zur Alpeninitiative in erster Linie als umweltpolitisches Ja zu verstehen war. Verkehrspolitischen Motiven kam demgegenüber eine etwas geringere Bedeutung zu. Eine geringe Rolle spielten europakritische Motive, aber angesichts des knappen Ausgangs waren sie wohl um das Zünglein an der Waage 47. Letztlich entscheidend war die negative Einstellung der Schweiz zum Schwerverkehr auf der Strasse, welche durch das ganze 20. Jahrhundert immer wieder konstatiert worden war 48. Die Frage, wieso Verkehrskoordination ausgerechnet im Fall der Alpeninitiative mehrheitsfähig geworden ist, lässt sich vor diesem Hintergrund recht gut beantworten. Erstens handelte es sich um keine abstrakt-umfassende, sondern lediglich um eine auf die Güterverkehrskorridore durch die Alpen beschränkte, sehr konkrete und fassbare Vorlage. Zweitens verlangte sie von den Autofahrern keine Verhaltensänderung, sondern erleichterte ihnen sogar den Verkehr auf den Autobahnen – mit viel weniger hinderlichem Schwerverkehr. Drittens nahm die Vorlage wichtige Anliegen ausserhalb der eigentlichen Verkehrspolitik auf und mobilisierte dadurch zusätzliche Wählerinnen und Wähler: Zum einen trug sie dem Umweltschutz gedanken Rechnung, welchem gerade in Bezug auf den mythisch Linder Wolf et al., Handbuch Volksabstimmungen…, p. 519-520. Hardmeier Sibylle, Linder Wolf, «Analyse der eidgenössischen Abstimmungen vom 20. Februar 1994», Hg. [hrsg.] vom Forschungsinstitut der schweizerischen Gesellschaft für praktische Sozialforschung, Büro Bern, und Universität Bern, Institut für Politikwissenschaft, Vox Analyse Nr. 52, Bern, 1994. 48 Sager Fritz, «Spannungsfelder…», p. 313. 46 47 212 Verkehrskoordination im schwachen Staat Institutionelle Blicke überhöhten Gotthardpass besondere Popularität zukam. Zum anderen bediente die Vorlage auch europakritische Kreise, welche im ausländischen Transitverkehr ein gewisses Trittbrettfahrerverhalten zu erkennen glaubten. Die knappe Annahme der Alpen initiative beruht also auf einer historisch wohl seltenen Konstellation. Immerhin gibt die Abstimmungsanalyse Hinweise darauf, wie Anliegen der Verkehrskoordination an der Urne bestehen könnten. Flexible Demokratie: Hohe Koordinationsleistung trotz fehlenden Erfolges an der Urne Die Analyse der Vorlagen zur Verkehrskoordination zeigt zunächst vor allem eines: Während die politischen Eliten im föderalen Konkordanzsystem nach teilweise langen und harten Auseinandersetzungen letztlich immer wieder einen für alle Seiten akzeptablen Kompromiss fanden, hatten diese Verhandlungslösungen beim Stimmvolk als letzter und höchster Instanz keine Chance. Dies ist umso bedeutsamer, wenn wir uns nochmals vergegenwärtigen, dass der Grad der Übereinstimmung zwischen Volk und Behörden im Allgemeinen in der Schweizer Bundespolitik ausserordentlich hoch ist. Verkehrskoordination birgt demnach eine eminent starke Tendenz zu elitendesavouierendem Abstimmungsverhalten. Wie lässt sich dies erklären? Die Rolle des Föderalismus scheint zumindest auf den ersten Blick nicht unmittelbar zentral zu sein, denn keine einzige der Vorlagen scheiterte ausschliesslich an der Hürde des Ständemehrs. Allerdings spielte der Föderalismus auf den zweiten Blick durchaus eine wichtige Rolle, weil die Vorlagen zur Verkehrskoordination immer auch zu neuen Bundeskompetenzen geführt hätten, was, wie die Analyse der verschiedenen Abstimmungskampagnen zeigt, bei grossen Teilen der B evölkerung föderalistischen Reflexen gegen neue Bundeskompetenzen Vorschub leistete 49. Entscheidend scheint aber vielmehr die Neigung grosser Teile des Stimmvolks zu sein, bei komplexen und umfassenden Vorlagen aufgrund von Einzelaspekten zu entscheiden und dabei reale oder vermutete persönliche Nachteile gegenüber Vorteilen immer stärker zu gewichten. Zudem ist aus der Abstimmungsforschung bekannt, dass kleine, gut organisierte und mit konkreten Nachteilen einer Vorlage konfrontierte Gruppen immer viel stärker mobilisieren und deshalb an der Urne überproportional erfolgreich sind. Immer wieder verfangen hat in diesem Zusammenhang das Argument der Einschränkung der Vatter Adrian et al., Akzeptanz…, p. 225. 49 213 Ueli Haefeli individuellen Mobilität 50. Im Gegensatz dazu dürfte eine oft unterstellte Risikoaversion als Entscheidungsheuristik weiter Teile der B evölkerung aufgrund aktueller Forschungsergebnisse keine bedeutsame Rolle spielen 51. Der institutionelle Erklärungsansatz erklärt also recht gut, weshalb Vorlagen zur Verkehrskoordination an der Urne einen schweren Stand hatten. Die Analyse zeigt aber auch, dass der Einfluss von Urnenentscheiden auf die schweizerische Bundespolitik nicht überschätzt werden darf. Die politischen Eliten fanden immer wieder (durchaus legale) Wege, den erzielten Konsens auch nach einer Abstimmungsniederlage in weiten Teilen umzusetzen: in den 1930er- und 1940er-Jahren mit notrechtlichen Interventionen und einer kartellähnlichen Organisation des Güterverkehrs, in den 1980er- und 1990er-Jahren mit der Aufschnürung des Pakets «Gesamtverkehrskonzeption» in konkrete Projekte, welchen dann an der Urne auf Bundesebene stets zugestimmt wurde. Die fünf Abstimmungen zur Verkehrskoordination haben damit sicher einiges verzögert, letztlich aber wohl nur wenig verhindert. Die Koordinationsleistung der schweizerischen Verkehrspolitik kann im internationalen Vergleich als überdurchschnittlich bezeichnet werden 52. Das Konkordanzsystem der Schweiz hat zumindest in der Verkehrspolitik gelernt, flexibel mit den Unwägbarkeiten direktdemokratischer Urnengänge umzugehen. Vatter Adrian et al., Akzeptanz…, p. 213. Milic Thomas, Ideologie und Stimmverhalten, Zürich: Rüegger Verlag, 2008, besonders p. 139 f. Vgl. allgemein dazu auch: Kriesi Hanspeter, Direct democratic choice: the Swiss experience, Lanham: Lexington Books, 2005. 52 Vgl. dazu auch die in Fussnote 4 erwähnte Literatur. 50 51 214 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Systemanalytischer Versuch einer koordinierten Verkehrspolitik Stefan Sandmeier, Universität Basel Abstract : In January 1972, the Swiss Federal Council appointed an expert commission to elaborate a Swiss comprehensive transport policy. The main purpose of the policy was to coordinate the technical, economic, financial, environmental, social and political aspects of traffic and transport in Switzerland, thus providing the foundations of a transport policy for the next 25 to 30 years. One goal was to overcome the policy segmentation along transport modes (rail, road, air transport, shipping) by coordinating the needs of all transport modes. Another goal was to extend the reach of future transport policy: in addition to making decisions about new transport infrastructure and its financing, aspects such as spatial planning, regional policy and the environmental protection should be taken into account as well. This article shows that the political demand for transport coordination was not merely a constraint of the policy planning models, but influenced the choice of methodology, the results of the planning process and the policy suggestions derived from it. In order to meet the politicians’ demand for coordination the experts chose a systems analysis procedure characterized by its interlocking cybernetic planning and policy models. It provided the experts with a conceptual and methodological framework for their task. Transport models and simulations could be integrated into this framework and yielded input values for the system of predefined goals and indicators. Based on these models and calculations the experts devised two possible development scenarios. From the scenarios they then derived 40 policy suggestions presented in the final report. Ende Januar 1972 beauftragte der schweizerische Bundesrat eine Expertenkommission, im Rahmen einer « Gesamtverkehrskonzeption 215 Stefan Sandmeier Schweiz» (GVK-CH) Vorschläge für eine zeitgemässe Verkehrspolitik zu erarbeiten. In ihrem Schlussbericht vom Dezember 1977 p räsentierte die Kommission zwei Entwicklungsszenarien, aus denen vierzig Politikempfehlungen abgeleitet wurden. Nach dem beinahe zwei Jahre dauernden Vernehmlassungsverfahren formulierte der Bundesrat Vorschläge für die notwendigen Verfassungs- und Gesetzesänderungen, die ab 1982 vom Parlament beraten wurden. Schliesslich kamen die GVK-Vorschläge Mitte 1988 unter der Bezeichnung «Koordinierte Verkehrspolitik» (KVP) an die Urne, wo sie von 54,5 Prozent der Stimmbürger abgelehnt wurden 1. Trotz des Volksneins beeinflusste die GVK-CH die schweizerische Verkehrspolitik nachhaltig, was mit dem für die GVK-CH gewählten systemanalytischen Planungsansatz zusammenhängt. Im Zentrum dieses Beitrags stehen deshalb die damals noch neue Planungsmethodik und die Frage, wie sie die Vorstellung einer koordinierten Verkehrspolitik veränderte. Ein Blick auf frühere Ansätze zur Verkehrskoordination, die verkehrspolitische Situation der ausgehenden 1960er-Jahre sowie die Entstehungsgeschichte der GVK-CH soll helfen, das Koordinationsverständnis der GVK-Planer in seine historischen und verkehrspolitischen Kontexte einzuordnen. Frühere Versuche der Verkehrskoordination Versuche der Politik, koordinierend in das Verhältnis der verschiedenen Verkehrsträger einzugreifen, gab es vor der GVK-CH schon mehrere. Als Erstes kam 1935 das «Bundesgesetz über die Regelung der Beförderung von Gütern und Tieren mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen» («Verkehrsteilungsgesetz») vor das Volk, 1946 der «Bundesbeschluss über den Transport von Personen und Sachen mit Motorfahrzeugen auf öffentlichen Strassen» («Autotransportordnung») und 1951 dessen Neuauflage 2. Alle drei Vorlagen waren Ausdruck eines staatsinterventionistischen Verständnisses von Verkehrskoordination, das den Wettbewerb zwischen Schiene und Strasse im Gütertransport eingeschränkt und bestimmte Verkehre je einem der beiden Verkehrsträger fest zugeteilt hätte. Sie fanden alle die Zustimmung des Parlaments, wurden jedoch von den Stimmbürgern ablehnt 3. Auch ein auf Freiwilligkeit basierender Linder Wolf, Bolliger, Christian u. Rielle, Yvan (Hg.), Handbuch der eidgenös sischen Volksabstimmungen 1848-2007, Bern: Haupt 2010, p. 455. 2 Linder Wolf, Bolliger Christian u. Rielle Yvan (Hg.), Handbuch…, p. 177 f., 207 f., 226 f. 3 Siehe dazu Ueli Haefelis Beitrag in diesem Band. 1 216 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz oordinationsversuch verlief im Sande. Der Bundesrat hatte 1949 K eine mit Vertretern von SBB und Strassentransporteuren besetzte «Eidgenössische Kommission für die Koordinierung des Verkehrs» eingesetzt. Ihr ursprünglicher Auftrag war die Vorbereitung der Überführung der Autotransportordnung in ein Verkehrskoordinationsgesetz. Nachdem diese von den Stimmbürgern endgültig versenkt worden war, regte der Bundesrat an, im Rahmen der Kommission eine privatrechtliche Vereinbarung zwischen den Bahnen und den Strassentransporteuren auszuhandeln und so für ein gewisses Mass an Koordination zu sorgen. Der entsprechende Vertrag trat 1952 in Kraft. Nachdem das Volumen im Schweizer Güterverkehr aufgrund der konjunkturellen Entwicklung zwischen 1950 und 1960 stark angestiegen war und die SBB ihre Transportleistung beinahe verdoppeln konnten, glaubten die SBB-Verantwortlichen, nicht weiter auf die Regelung angewiesen zu sein und kündigten den Vertrag 1960 4. Trotz der Skepsis, auf welche die Versuche gestossen waren, durch Vorschriften die Wahlfreiheit der Verkehrsbenützer einzuschränken, verschwand das Thema Verkehrskoordination nie für sehr lange von der politischen Tagesordnung. Verantwortlich für die andauernde Aktualität des Koordinationsgedankens in der verkehrspolitischen Debatte war paradoxerweise dieselbe Entwicklung, welche die SBB zur Aufkündigung des Koordinationsvertrags mit den Strassentransporteuren verleitet hatte. Der langanhaltende wirtschaftliche Aufschwung, den die Schweiz nach dem Ende des Zweiten Weltkriegs erlebte, verdoppelte nicht nur das Gütertransportvolumen der Eisenbahnen, sondern beschleunigte auch die Massenmotorisierung. Innerhalb von lediglich zwei Dekaden verachtfachte sich die Anzahl von Personen- und Lastwagen. 1950 verkehrten noch 188ʹ512 Motorfahrzeuge auf den Schweizer Strassen, 1970 waren es bereits 1ʹ524ʹ036 5. Die Gemeinden und Kantone reagierten auf die Engpässe mit einem massiven Ausbau ihrer Strassennetze, und 1954 begannen auf Bundesebene Planungsarbeiten für ein schweizerisches Nationalstrassennetz. 1958 wurden die verfassungsmässigen und gesetzlichen Grundlagen dafür Hirter Hans, «Koordinierte Verkehrspolitik. Die Entstehung und Verwirklichung einer Gesamtkonzeption», in Hablützel Peter, Hirter, Hans, Junker, Beat (Hg.), Schweizerische Politik in Wissenschaft und Praxis, Festschrift für Prof. Dr. Peter Gilg, Bern: Forschungszentrum für schweizerische Politik, 1988, p. 162 f. 5 Bundesamt für Statistik (BfS), Strassenfahrzeugbestand nach Fahrzeuggruppe 1910-2011, in http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/11/03/blank/key/ fahrzeuge_strasse/bestand.html [22.02.2012], sowie Ritzmann-Blickenstorfer Heiner (Hg.), Historische Statistik der Schweiz, Zürich: Chronos, 1996, p. 779. 4 217 Stefan Sandmeier geschaffen 6, worauf das Parlament ein Netz von insgesamt 1811 Kilometern Länge festlegte, das auf 760 Kilometern als vierspurige Autobahn ausgebaut werden sollte 7. Es wurde mit einer Bauzeit von 20 Jahren gerechnet, die Gesamtkosten wurden anfänglich auf 3,8 Milliarden Franken veranschlagt. Beide Prognosen erwiesen sich jedoch als viel zu optimistisch. Der von der Planungskommission für 1980 erwartete Motorfahrzeugbestand, 800ʹ000 Automobile und 200ʹ000 Motorräder, wurde bereits 1965 übertroffen, was den Bundesrat dazu veranlasste, weitere Teilstrecken zu mehrspurigen Autobahnen aufzuklassieren. Die dadurch notwendigen Planungsanpassungen sowie die markante Steigerung der Baukosten führten dazu, dass der Zeitrahmen für die Realisierung ausgedehnt werden musste, um die Finanzierung durch den zweckgebundenen Teil der Treibstoffzollgelder gewährleisten zu können 8. Zudem begann sich anfangs der 1970erJahre zivilgesellschaftlicher Widerstand gegen die Umsetzung der Nationalstrassenplanung zu regen, da diese als undemokratisch und zu wenig an den Bedürfnissen von Menschen und Umwelt orientiert empfunden wurde 9. Trotz dieser Verzögerungen verlief der Autobahnbau bemerkenswert schnell: Bis zur Mitte der 1970er-Jahre waren 952 Kilometer fertiggestellt, und 253 Kilometer befanden sich im Bau 10. «Bundesbeschluss über das Volksbegehren für die Verbesserung des Strassennetzes», Amtliche Sammlung der Bundesgesetze und Verordnungen der Schweize rischen Eidgenossenschaft [AS], Jg. 1958, p. 770 ff.; «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über das Ergebnis der Volksabstimmung vom 6. Juli 1958», Bundesblatt [BBL], Jg. 1958, p. 621-624; «Bundesgesetz über die Nationalstrassen (vom 08.03.1960)», AS, Jg. 1960, p. 525-540; «Bundesbeschluss über die Verwendung des für den Strassenbau bestimmten Anteils am Treibstoffzollertrag», BBL, Jg. 1959, p. 1438-1444. Siehe auch Ackermann Michael, Konzepte und Entscheidungen in der Planung der schweizerischen Nationalstrassen von 1927 bis 1961, Bern: Peter Lang, 1992, p. 248-257. 7 «Beschluss der Bundesversammlung über die Festlegung des Nationalstrassennetzes vom 21.06.1960», BBL, Jg. 1960, p. 872-876. «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über die Festlegung des Nationalstrassennetzes», BBL, Jg. 1960, p. 617-664. Siehe auch Ackermann, Konzepte und Entscheidungen…, p. 240-245, 264 f. 8 Année Politique, Jg. 4 (1968), Bern, 1969, p. 86 ff. 9 Année Politique, Jg. 8 (1972), Bern, 1973, p. 95. Siehe auch Haefeli Ueli, «Stadt und Autobahn – eine Neuinterpretation», Schweizerische Zeitschrift für Geschichte [SZG], Nr. 2, 2001, p. 181-202; Gutknecht Bernard, «Proteste gegen den Nationalstrassenbau 1957-1990: Von punktueller Opposition zu grundsätzlichem Widerstand», in Altermatt Urs (Hg.), Rechte und linke Fundamentalopposition. Studien zur Schweizer Politik 1965-1990, Basel: Helbing & Lichtenhahn, 1994, p. 62-134. 10 Année Politique, Jg. 11 (1975), Bern, 1976, p. 109, sowie BFS Streckennetz nach Verkehrsträgern 1950-2010, in http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/ themen/11/03/blank/key/infrastruktur.html [03.02.2012]. 6 218 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Bereits 1967 hatte Rudolf Gnägi, der Vorsteher des Eidgenössischen Verkehrs- und Energiewirtschaftsdepartements (EVED), gefordert, ange sichts der «in der Verkehrswirtschaft investierten und im Hinblick auf eine wirtschaftliche Gesamtbetrachtung noch zu investierenden Milliarden beträge» müsse die Verkehrspolitik zu umfassenden und «gründlich studierten Lösungen» geführt werden 11. Ein Blick auf die Auswirkungen des Autobahnbaus bestätigt seine Einschätzung: Das leistungsfähige neue Verkehrsinfrastrukturnetz, das alle wichtigen Städte und Regionen des Landes verband, steigerte die Attraktivität sowohl des motorisierten Individualverkehrs als auch des Gütertransports per Lastwagen. Die Bahnen bekamen die schnell wachsende Konkurrenz von der Strasse schmerzhaft zu spüren. Obwohl die konjunkturelle Entwicklung für stetig steigende Transportvolumina im Güterverkehr sorgte, verringerte sich der Anteil der Bahnen von 71 Prozent im Jahr 1950 auf 55 Prozent im Jahr 1972 12. Beim Personenverkehr verlief die Entwicklung sogar noch wesentlich dramatischer: 1960 betrug der Anteil der Eisenbahnen noch rund 30 Prozent und bis 1972 sank er auf knapp 16 Prozent 13. Die massive Verkehrsverlagerung von der Schiene auf die Strasse trug dazu bei, die ohnehin angespannte Finanzlage der Bahnen weiter zu verschlechtern, was bei den SBB ab 1970 zu hohen Defiziten führte. Diese Probleme wurden durch eine strukturelle Verzerrung des Verkehrsmarktes noch akzentuiert. Im Gegensatz zu den Strassentransporteuren mussten die Bahnen ihre Infrastrukturen zum grössten Teil selber bezahlen, und ihre Konzessionen waren an die Erbringung gemeinwirtschaftlicher Leistungen geknüpft, beispielsweise den Betrieb unrentabler Nebenlinien. Die Kosten, die den SBB und den Privatbahnen aus den Konzessionsauflagen entstanden, waren durch die Erträge aus dem Güter- und Personenverkehr nicht voll zu decken und mussten deshalb vom Bund teilweise abgegolten werden. Allerdings genügten diese Gelder nicht, sodass die Bahngesellschaften dauernd auf zusätzliche Subventionen angewiesen blieben 14. Gnägi Rudolf «Aktuelle Verkehrsprobleme. Referat vor der Statistisch-volkswirtschaftlichen Gesellschaft Basel vom 28. November 1967», Schweizerisches Archiv für Verkehrswissenschaft und Verkehrspolitik, Nr. 1, 1968, p. 1-16. 12 Berechnet unter Weglassung der Verkehrsträger Wasser, Luft und Pipeline. BFS, Verkehrsleistungen im Güterverkehr 1950-2010, in http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/ de/index/themen/11/05/blank/key/verkehrsleistungen0/leistungen.html [22.02.2012]. 13 Berechnet unter Weglassung des öffentlichen Strassenverkehrs (Trams, Busse etc.) sowie der Verkehrsträger Wasser und Luft. BFS, Verkehrsleistungen im Personenverkehr 1960-2010, in http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/de/index/themen/11/05/blank/ key/verkehrsleistungen/leistungen.html [22.02.2012]. 14 Kirchhofer André, Stets zu Diensten – gezwungenermassen! Die Schweizer Bahnen und ihre «Gemeinwirtschaftlichkeit» für Staat, Wirtschaft und Bevölkerung, Basel: Schwabe, 11 219 Stefan Sandmeier Zustimmung und Uneinigkeit Angesichts dieser Probleme kam der Bundesrat in seinem Bericht an das Parlament über die Richtlinien für die Regierungspolitik in der Legislaturperiode 1968-1971 zu dem Schluss, dass die «bedeutsame Aufgabe, eine Gesamtkonzeption der schweizerischen Verkehrspolitik zu erarbeiten, […] unabwendbar geworden» sei 15. Die meisten Parlamentarier stimmten dem grundsätzlich zu. Trotzdem blieb die Gesamtverkehrskonzeption noch beinahe vier Jahre lang ein Phantom, das zwar in der verkehrspolitischen Diskussion allgegenwärtig war, sich aber trotz aller Absichtserklärungen nicht sichtbar konkretisierte. So einig sich die politischen Akteure im Grundsatz über die Notwendigkeit und Dringlichkeit waren, so weit gingen ihre Meinungen über die konkreten politischen Ziele und Inhalte auseinander 16. Auch bezüglich der Organisation und der methodischen Ansätze, die für die Erarbeitung einer Gesamtverkehrskonzeption herangezogen werden sollten, gab es unterschiedliche Meinungen. Hans-Reinhard Meyer, seit 1951 Delegierter des EVED für Wirtschaftsfragen sowie Extraordinarius für Verkehrslehre und Verkehrspolitik an der Universität Bern, vertrat die Meinung, dass das Verkehrswesen «[n]icht nur den Problemen und der Fachliteratur nach, sondern auch den Lehrstühlen nach […] den Wirtschaftswissenschaften» zuzuweisen sei 17. Zudem bestehe «unter den führenden Wirtschaftswissenschaftern der westlichen Welt Übereinstimmung über die Fragen der Gesamtverkehrspolitik» 18. In der Gesamtverkehrskonzeption sah er deshalb eine Aufgabe für Verkehrsökonomen, welche die vorhandenen Probleme einzeln nach wirtschaftlichen Gesichtspunkten lösen sollten. In diesem Sinne war Meyer bereits 1966 mit Vorschlägen für ein «Verkehrswirtschaftliches 2010; Steinmann Jonas, Weichenstellungen. Die Krise der schweizerischen Eisen bahnen und ihre Bewältigung 1944-1982, Bern: Peter Lang, 2010; Kirchhofer André, Steinmann Jonas, «Staatsintervention oder Wettbewerb? Ordnungspolitische Paradigmen im Schweizer Eisenbahnwesen seit 1852», in Kirchhofer André et al. (Hg.), Nachhaltige Geschichte. Festschrift für Christian Pfister, Zürich: Chronos, 2009, p. 331-346. 15 «Bericht des Bundesrates an die Bundesversammlung über die Richtlinien für die Regierungspolitik in der Legislaturperiode 1968-1971 (vom 15. Mai 1968)», BBL, Jg. 1968, p. 1231. 16 Kaspar, Claude, «Die Bedeutung einer schweizerischen Gesamtverkehrskonzeption», Wirtschaftspolitische Mitteilungen, Nr. 12, 1968, p. 3. 17 Meyer Hans-Reinhard, «Redaktionelle Anmerkung», Schweizerisches Archiv für Verkehrswissenschaft und Verkehrspolitik, Nr. 2, 1971 p. 157. 18 BAR E8001C § A.90.8, Akten Prof. Meyer 1966-69, Meyer Hans-Reinhard, Zum Verkehrswissenschaftlichen Gesamtkonzept der Schweiz. Studie zuhanden des Herrn Departementchefs vom August 1966, p. 1. 220 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Gesamtkonzept der Schweiz» an den Bundesrat herangetreten 19. Er war davon überzeugt, dass aufgrund des «theoretischen und praktischen Wissens über das Verkehrswesen» ein auf die Schweiz zugeschnittenes «verkehrswirtschaftliches Gesamtkonzept» rasch umgesetzt werden könne 20. Nachdem der Bundesrat im Mai 1968 seine Legislaturziele präsentiert hatte, fertigte Meyer eine «Diskussionsgrundlage zur Erarbei tung und Verwirklichung eines verkehrswirtschaftlichen Gesamtkonzeptes der Schweiz» 21 an. Er schlug darin «Einzelmassnahmen einer natio nalen Gesamtverkehrskonzeption» vor, die von den betroffenen Departementen und Bundesämtern «Punkt für Punkt» umzusetzen waren. Die Vorschläge der «Diskussionsgrundlage» sollten zunächst in einer interdepartementalen Verkehrskommission bereinigt und dann einer «Kommis sion mit breiter Basis» vorgelegt werden, in der «alle Verkehrsträger, die Wirtschaftsverbände, die Wissenschaft, die beteiligte Bundesverwal tung sowie Fachleute der Orts-, Regional- und Landesplanung» Einsitz nehmen sollten 22. Der daraus resultierende Massnahmenkatalog hätte sodann von einem zu «strengster Objektivität» verpflichteten eidgenössischen Verkehrsrat «unter dem Blickwinkel der Gesamtverkehrspolitik, der allgemeinen Wirtschaftspolitik, der Finanzpolitik, der Konjunkturund Wachstumspolitik sowie der Regional- und Landesplanung» beurteilt und nach einer «koordinierte[n] Vorbereitung aller Einzelmassnahmen» dem Bundesrat unterbreitet werden sollen 23. Zunächst sah es danach aus, als ob die GVK-CH nach Meyers Vorstellungen erarbeitet werden würde. Im September 1969 beauftrage der Bundesrat das EVED, die Einsetzung der interdepartementalen Verkehrskommission auf Chefbeamten-Ebene vorzubereiten und abzuklären, wann und in welcher Form die Wirtschaftsverbände und Vertreter der Wissenschaft an den GVK-Arbeiten beteiligt werden könnten 24. Der Vorbereitungsprozess verlief jedoch zäh, da inhaltliche Aspekte, Meyer Hans-Reinhard, Zum Verkehrswissenschaftlichen…. Meyer Hans-Reinhard, Zum Verkehrswissenschaftlichen…, p. 1 f. 21 Meyer Hans-Reinhard, Diskussionsgrundlage zur Erarbeitung und Verwirklichung eines verkehrswirtschaftlichen Gesamtkonzepts der Schweiz vom August 1969. 22 Meyer Hans-Reinhard, «Verkehrswissenschaftliche Betrachtungen zur schweizerischen Gesamtverkehrskonzeption», Schweizerisches Archiv für Verkehrswissenschaft und Verkehrspolitik, Nr. 2, 1974, p. 117. 23 Meyer Hans-Reinhard, Diskussionsgrundlage, 1969, p. 44 f., u. Meyer HansReinhard, «Verkehrswissenschaftliche Betrachtungen…», p. 117. 24 Bundesratsbeschluss vom 10.09.1969, zit. nach Vorberatender Ausschuss GVK-CH, Bericht über die Vorbereitungen zur Einsetzung einer Kommission für die Schweize rische Gesamtverkehrskonzeption (GVK-CH), erstattet an den Vorsteher des EVED, Bern: EDMZ, 1971, p. 4. 19 20 221 Stefan Sandmeier aber auch die Kompetenzen der einzusetzenden Kommission sowie die Aufgabenverteilung innerhalb der betroffenen Departemente umstritten waren 25. Die Uneinigkeiten liessen sich nicht ausräumen, weshalb die Idee der interdepartementalen Kommission schliesslich fallengelassen wurde. Deren Aufgabe wurde einer externen Kommission übertragen, die ursprünglich als «beratende Kommission für Verkehr» das verwaltungsinterne Gremium «als Organ für die Interessenvertretung der Öffentlichkeit» hätte ergänzen sollen und in etwa Meyers «Kommission mit breiter Basis» entsprach 26. Bundesrat Roger Bonvin, seit Mitte 1968 Vorsteher des EVED 27, hatte bereits früher versucht, das Verfahren zu beschleunigen und das Eidgenössische Amt für Verkehr (EAV) 28 veranlasst, unabhängige Abklärungen zu treffen 29. Die Zürcher Planungsund Beratungsfirma Basler & Hofmann (B & H) erhielt daher anfangs 1970 den Auftrag, eine Vorstudie für die Gesamtverkehrskonzeption zu erstellen, in der Begriffe, Ziele und Inhalte sowie mögliche Methoden und Vorgehensweisen abgeklärt werden sollten 30. Zusammen mit dem Entscheid, direkt das externe Expertengremium mit der Ausarbeitung der Gesamtverkehrskonzeption zu betrauen, besiegelte dieser Auftrag das Ende von Meyers Ambitionen, führend an der GVK-CH mitzuwirken und seine theoretischen Ideen umzusetzen. Diese Rolle beanspruchten nun die Verkehrsplaner der ETH Zürich: Martin Rotach, ordentlicher Professor für Verkehrsingenieurwesen und Leiter des Instituts für Orts-, Regional- und Landesplanung (ORL), hatte den bestimmten Wunsch geäussert, sein Institut an der GVK zu beteiligen und die am ORL erarbeiteten «Landesplanerischen Leitbil der» 31, insbesondere das von Carl Hidber erarbeitete «Teilleitbild BAR E8001C § A.90.8, 1979/44#677, Mitberichte. BAR E3212B § 2.107.57-1#1978/25-22, Bericht und Antrag des EVED an den Gesamtbundesrat betreffend die Kommission für die Schweizerische Gesamtverkehrskommission vom 20.11.1970. 27 Der bisherige EVED-Chef Rudolf Gnägi hatte per 1. Juli 1968 die Leitung des Militärdepartements übernommen, Bonvin das EVED. 28 Heute Bundesamt für Verkehr (BAV), http://www.bav.admin.ch. 29 BAR E8002 § 17-20, 1971/58-22#277, Brief Meyers an Bundespräsident Ludwig von Moos vom 31.07.1969. Meyer beklagt sich darin über Bonvins Vorgehen und beansprucht die Zuständigkeit für die GVK unter Verweis auf das Pflichtenheft des Delegierten des EVED für Wirtschaftsfragen für sich. 30 Recherchegespräche mit André Allemand vom 06.04.2010 und Samuel Mauch vom 10.01.2011. Allemand und Mauch waren bei Basler & Hofmann an der Ausarbeitung der Vorstudie beteiligt. Basler & Hofmann, Vorstudie zur Gesamtverkehrskonzeption. Im Auftrag des Eidgenössischen Amtes für Verkehr, Zürich 1971. 31 Rotach Martin, Ringli Hellmut, Oetterli Jörg et al. (Hg.), Landesplanerische Leitbilder der Schweiz. Schlussbericht (3 Bde.), Zürich 1971 (Schriftenreihe zur Orts-, Regional- und Landesplanung, Nr. 10). 25 26 222 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Verkehr» als Grundlagenmaterial zu verwenden. Am 8. Dezember 1970 verfügte der Bundesrat schliesslich die Einsetzung eines «Vorbe ratenden Ausschusses », der den Auftrag hatte, « alle geeigneten Abklärungen und Vorbereitungen zu treffen, damit das EVED dem Bundesrat bis Mitte 1971 Antrag auf die Konstituierung der Gesamt kommission für die schweizerische Gesamtverkehrskonzeption stellen kann» 32. Die Leitung des Ausschusses war dem Zuger CVP-Nationalrat Alois Hürlimann übertragen worden. Die weiteren Mitglieder waren Carl Hidber, Professor an der ETH Zürich, der frühere TCS-Präsident Fritz Ramseier, Autogewerbeverbandspräsident Robert Rivier, SBB-Generaldirektor Arnold Schärer sowie EAV-Direktor Peter Trachsel 33. In zwölf Sitzungen erarbeitete der Ausschuss einen Bericht, der auf der B & H-Vorstudie sowie den Leitbildarbeiten des ORL-Instituts basierte. Er schlug darin Zielsetzungen, Inhalte, Organisation, Arbeitsabläufe und Methoden für die GVK-CH vor 34. Gestützt auf diesen Bericht beschloss der Bundesrat am 19. Januar 1972 die Einsetzung einer Kommission für die Erarbeitung der schweizerischen Gesamtverkehrskonzeption 35. Der Vorberatende Ausschuss wurde als Geschäftsleitender Ausschuss in die Kommission eingegliedert. Diese umfasste insgesamt 62 Vertreter von Politik, Verwaltung, Wissenschaft, Wirtschaft und Verkehrsträgern. Ihr wurde zudem ein von Hidber geleiteter Stab mit 16 wissenschaftlichen Mitarbeitern und vier Sekretariatsstellen zur Seite gestellt, der die wissenschaftlichen Grundlagen für die Kommissionsarbeit zu erarbeiten und in Form von «Arbeitsunterlagen» der Kommission vorzulegen hatte 36. BAR E3212B § 2.107.57-1#1978/25-22, Verfügung des EVED betr. Kommission für die schweizerische Gesamtverkehrskonzeption vom 08.12.1970. 33 BAR E3212B § 2.107.57-1#1978/25-22, Verfügung des EVED betr. Kommission für die schweizerische Gesamtverkehrskonzeption vom 08.12.1970. 34 Vorberatender Ausschuss GVK-CH, Bericht über die Vorbereitungen zur Einset zung einer Kommission für die Schweizerische Gesamtverkehrskonzeption (GVK-CH). Der Ausschuss formulierte auch Entwürfe für einen Bundesratsbeschluss und eine Verfügung des EVED, die sowohl Aufgaben und Zielsetzungen der GVK-CH als auch die Zusammensetzung der Kommission sowie deren Organisation und Arbeitsabläufe enthielten: BAR E3212B § 2.107.57-1#1978/25-22, Entwurf Bundesratsbeschluss betr. Umschreibung des Auftrages an die Kommission für die schweizerische Gesamtverkehrskommission (GVK-CH) vom 23.10.1971 und Entwurf Verfügung EVED über Organisation und Zusammensetzung der Kommission GVK-CH vom 23.10.1971. 35 BRB vom 19.01.1972, jeweils zit. nach der Abschrift in: GVK-CH, GVK-Grundlagen. Arbeitsunterlage Nr. 0, Bern 1972. 36 Siehe Eidgenössische Kommission für die schweizerische Gesamtverkehrsplanung [GVK-CH], Gesamtverkehrskonzeption Schweiz (GVK-CH). Schlussbericht über die Arbeiten der Eidgenössischen Kommission für die schweizerische Gesamtverkehr 32 223 Stefan Sandmeier Gegensätzliche Auffassungen von koordinierter Verkehrspolitik Der Wortlaut des Auftrags, den der Bundesrat der Kommission erteilte, entsprach zu grossen Teilen dem Entwurf, den der vorberatende Ausschuss in seinem Schlussbericht formuliert hatte. Dort hiess es, «den politischen Behörden verschiedene […] gangbare Wege aufzuzeigen», wie das «System des privaten und öffentlichen Verkehrs» weiterzuentwickeln sei, so dass es die Verkehrsbedürfnisse der Schweizer Bevölkerung und Wirtschaft möglichst effizient, wirtschaftlich und umweltfreundlich befriedigen könne 37. Die GVK-CH sollte dabei «dem unverfälschten Wettbewerb so viel Spielraum belassen, als ohne Fehlin vestitionen einerseits und ohne Vernachlässigung unren tabler oder uninteressanter, aber für die allgemeine Wohlfahrt wichtiger Verkehrs bedürfnisse andererseits möglich ist» 38. Diese Aufgabenstellung tönte zunächst nach einem «klassischen» Ansatz politischer Verkehrskoordination und bildete einen erheblichen Gegensatz zu den Vorstellungen von Verkehrskoordination, wie sie vom Delegierten des EVED für Wirtschaftsfragen vertreten wurden. Hans Reinhard Meyer betonte stets, dass die Fragen der «Zusam menarbeit und des Wettbewerbs zwischen den Verkehrsmitteln, der Verkehrskoordination und der Gesamtverkehrskonzeption […] als vorwiegend wirtschaftliche Fragen» zu behandeln seien 39. Sein Begriff von Verkehrskoordination war entsprechend stark von wirtschaftsliberalem Denken und ökonomischen Theorien geprägt. Die herkömmlichen Methoden der Verkehrskoordination, beispielsweise durch gesetz geberische Eingriffe in die Wahl des Transportmittels oder Subventionierungen, lehnte Meyer entschieden ab. Er sah die «praktische Lösung der Aufgabenteilung auf die verschiedenen Verkehrsträger» darin, dass «die Verkehrspolitik die Grundlagen eines gesunden Wettbewerbs schafft. Massgebend für den Einsatz der einzelnen Verkehrsträger in einem konkurrenzwirtschaftlichen Verkehrssystem werden demzufolge ihre komparativen Kostenvor teile sein» 40. Meyer erwartete, dass sich eine «natürliche Koordi nation der Verkehrsinvestitionen» von selbst ergeben werde, wenn splanung, erstattet zuhanden des Schweizerischen Bundesrates, Bern: EDMZ, 1977, p. 346-354. 37 BRB vom 19.01.1972, p. 2. 38 BRB vom 19.01.1972, p. 2. 39 Meyer Hans-Reinhard, «Redaktionelle Anmerkung…», p. 157. 40 Meyer Hans-Reinhard, Diskussionsgrundlage…, p. 7. 224 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz alle Verkehrsmittel für ihre Infrastruktur und Betriebskosten selber aufkommen müssten: «Denn nur was sie aufgrund ihrer Erträge […] selbst zu finanzieren vermöchten, würden sie für Verkehrsinvestitionen verwenden können. Im Rahmen der technischen Bedingungen und der ökonomischen Rechnung würden sie die verfügbaren Investitionsmittel jenen Projekten zuführen, wo der grösste Ertrag zu erwarten ist» 41. Obwohl die nun für die GVK-CH tonangebenden Verkehrs- und Raumplaner viele von Meyers verkehrswirtschaftlichen Grundsätzen in ihre Überlegungen miteinbezogen, hatten sie vollkommen anders geartete Vorstellungen von Verkehrskoordination. Im Unterschied zu Meyer orientierten sie sich an Planungskonzepten, in denen ökonomische Aspekte nur Teile eines viel komplexeren Ganzen waren. Aus ihrer Sicht mussten Verkehrsprobleme als Effekte betrachtet werden, die sich aus den dynamischen Wechselwirkungen zwischen verschiedenen Einflussgrössen wie Soziodemographie, Siedlungsstruktur, Wirtschaft, Standortgunst für Industriebetriebe, Regionalpolitik oder Umweltschutz ergaben. Zweck der Gesamtverkehrskonzeption war, diese teilweise gegensätzlichen Faktoren gegeneinander abzuwägen und die sich daraus ergebenden volkswirtschaftlichen Aufwendungen zu koordinieren 42. Diese Auffassung von Verkehrskoordination war sehr viel weiter gefasst als die in den Ansätzen aus den 1930er- bis 50er-Jahren oder gemäß Meyers Verkehrskoordination durch den Markt: Sie bedeutete, technische, ökonomische, finanzielle, ökologische, rechtliche, soziale und politische Aspekte des Verkehrs aufeinander abzustimmen und in einer ganzheitlichen Verkehrspolitik zusammenzufassen. Dieser holistische Ansatz war in zweifacher Hinsicht neu: Erstens sollte sich die zukünftige Schweizer Verkehrspolitik nicht mehr in Einzelmassnahmen erschöpfen, die nur den sektoriellen Bedürfnissen einzelner Verkehrsträger dienten. Und zweitens sollte durch die Ausrichtung der GVK-CH an vordefinierten politischen Zielen die etablierte Planungsphilosophie überwunden werden, dass die erwartete Verkehrsnachfrage durch den Bau neuer Infrastrukturen befriedigt werden müsse – statt Symptome zu bekämpfen, sollten mit der neuen Verkehrspolitik die Ursachen der Probleme angegangen werden 43. Im Vordergrund der Meyer Hans-Reinhard, Diskussionsgrundlage…, p. 28. BRB vom 19.01.1972, p. 3. 43 «In der Verkehrsplanung […] soll nicht mehr dem aus der Vergangenheit abgelei teten Trend vorbehaltlos zum Durchbruch verholfen werden, sondern an erster Stelle steht die Festlegung von Zielen und Massnahmen, welche die Erreichung der Ziele gewährleisten sollen (zielorientiertes Planen).» GVK-CH, Leitstudie GVK-CH. I. Teil: Grundlagen, Methodik und bisherige Verkehrspolitik, Bern: EDMZ, 1978, p. 9 f. 41 42 225 Stefan Sandmeier Planungsbemühungen stand deshalb «nicht die beste Lösung von Einzel fragen, sondern die Suche nach zielgerichteten Massnahmen auf allen Gebieten des Verkehrs, um gesamthaft einen möglichst grossen Beitrag zur Förderung der Lebensqualität in unserem Lande zu erreichen» 44. «Ganzheitliche Methode der Problembewältigung»: Systemanalyse Sowohl die Vielfalt an Wirkungszusammenhängen, die in der GVK-CH einzubeziehen waren, als auch die angestrebte politische Neuausrichtung verlangten «gebieterisch nach einer neuen, ganzheit lichen Methode der Problembewältigung» 45, welche die Planer in der Systemanalyse («Systems Analysis») identifiziert hatten. Die Methodik war ursprünglich von der RAND Corporation, einem Think Tank im Dienste der US-Luftwaffe, entwickelt worden mit dem Ziel, Entscheidungsgrundlagen für die nuklearen Abschreckungsstrategien gegenüber der Sowjetunion zu erarbeiten 46. Das theoretische Fundament dafür bildeten die Funktionsprinzipien und Steuerungskonzepte der Allgemeinen Systemtheorie und der Kybernetik. Drei Punkte waren kennzeichnend für die von RAND praktizierte Systemanalyse: erstens die holistische Sicht, die darauf abzielte, alle identifizierbaren Systemelemente in die Analyse einzubeziehen, um die Funktionsweise des betrachteten Systems so akkurat wie möglich erfassen zu können; zweitens der Einsatz mathematischer Analyseverfahren und Bewertungsmodelle des Operations Research (OR), um die Leistung beziehungsweise das Funktionieren eines Systems zu beurteilen; und drittens die Kombination dieser Ansätze mit ökonomischen, politik-, sozial- und verhaltenswissenschaftlichen Methoden und Theorien 47. GVK-CH, Auszug aus dem Schlussbericht über die Arbeiten der Eidgenössi schen Kommission für die schweizerische Gesamtverkehrskonzeption. Einleitung und Übersicht. Schlussfolgerungen aus den Kommissionsarbeiten. Zusammenfassende Empfehlungen, Bern: EDMZ, 1977, p. 6. 45 GVK-CH, Auszug aus dem Schlussbericht…, p. 5. 46 Siehe z. B. Edwards Paul N. The Closed World. Computers and the Politics of Discourse in Cold War America, Cambridge (Mass.): MIT Press, 1996 ; Hughes Thomas P., Hughes Agatha C. (eds.), Systems, Experts, and Computers. The Systems Approach in Management and Engineering, World War II and After, Cambridge (Mass.): MIT Press, 2000 ; Brandstetter Thomas, Pias Claus, Vehlken Sebastian (Hg.), Think Tanks. Die Beratung der Gesellschaft, Zürich: Diaphanes, 2010 ; Pias Claus, «Abschreckung denken. Herman Kahns Szenarien», in Pias Claus (Hg.), Abwehr. Modelle, Strategien, Medien, Bielefeld: Transcript, 2009, p. 169-187. 47 Miser Hugh J., «Operations Research and Systems Analysis», Science, Nr. 4452, 1980, p. 139-146; Levien Roger E., «RAND, IIASA, and the Conduct of Systems 44 226 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Modelle und Computersimulationen dienten der Vorhersage zukünftiger Systemzustände und der Beurteilung möglicher Lösungsvarianten 48. Die Verschmelzung dieser Komponenten schien «Systems Analysis» zu einem idealen Arbeitsinstrument zu machen für Manager, öffentliche Verwaltungen und politische Gremien, die Entscheide für komplexe Problemlagen treffen mussten. Es ist kaum verwunderlich, dass sich ab den frühen 1960er-Jahren auch amerikanische und britische Städte-, Verkehrs- und Raumplaner angesprochen fühlten und «Systems Analysis» aufgegriffen 49. In Europa dauerte es bis zum Ende der 1960er-Jahre, bis sich die «Systems View of Planning» durchzusetzen begann 50. Die Anwendung systemanalytischer Planungstechniken bei Verkehrs-, Infrastruktur- und Raumplanungsvorhaben war noch neu. Hidber, Rotach sowie einige ihrer Mitarbeiter hatten jedoch bereits bei der Erarbeitung der Landesplanerischen Leitbilder am ORL erste Erfahrungen damit gesammelt 51. Obwohl sie ihre Vorbilder in den GVK-Arbeitsunterlagen und -Publikationen nirgends nannten, lehnten sie ihre GVK-Methodik klar an die Konzepte und Schemata der «Systems View of Planning» an: «Bei komplexen Problemstellungen wie einer Gesamtverkehrskonzeption handelt es sich um einen iterativen Prozess mit Rückkoppelungen. Wie zahlreiche biologische Vorgänge ist auch das Verkehrssystem einem Regelkreis unterworfen, wo Ursachen und Wirkungen nicht mehr klar auseinandergehalten werden können, Analysis», in Hughes Thomas P., Hughes Agatha C. (eds.), Systems, Experts, and Computers…, p. 434 ff. 48 Findeisen Wladyslaw, Quade Edward S., «The Methodology of Systems Analysis: An Introduction and Overview», in Miser Hugh J., Quade Edward S. (eds.), Handbook of Systems Analysis, Vol. I: Overview of Uses, Procedures, Applications, and Practice, Chichester: Wiley & Sons, 1985, p. 117-149; Hughes Thomas P., Rescuing Prometheus. Four Monumental Projects That Changed the Modern World, New York: Pantheon Books, 2000. 49 Forrester Jay W., Urban Dynamics, Cambridge (Mass.): MIT Press, 1969 ; ders., «Systems Analysis as a Tool for Urban Planning», in Goland Martin (ed.), The Engineer and the City, Washington: National Academy of Engineering, 1969, p. 44-53; McLoughlin J. Brian, Urban and Regional Planning. A Systems Approach, New York: Praeger, 1969; ders., Control and Urban Planning, London: Faber & Faber, 1973; Chadwick George A., A Systems View of Planning. Towards a Theory of the Urban and Regional Planning Process, Oxford: Pergamon, 1971. Siehe auch Faludi Andreas, Planning Theory, Oxford: Pergamon, 1973, p. 35-39. 50 McLoughlin J. Brian, Urban and Regional Planning…, p. 91. 51 GVK-CH, Systemanalyse. GVK-Arbeitsunterlage Nr. 5, Bern: EDMZ, 1972, p. 6, sowie Rotach Martin, Ringli Hellmut, Oetterli Jörg et al. (Hg.), Landesplanerische Leitbilder… 227 Stefan Sandmeier sondern sich gegenseitig bedingen» 52. Indem sie «die vielschichtigen Verkehrsprobleme mit modernen wissenschaftlichen Methoden» einer «möglichst ganzheitlichen Betrachtungsweise» unterwarfen 53, hofften die GVK-Planer, der Komplexität und wechselseitigen Abhängigkeit der Verkehrsprobleme Herr zu werden. Entsprechend gliederte ihr systemanalytisches Vorgehen den Arbeitsprozess in iterativ verschlaufte Phasen, in deren Verlauf es notwendig war, «Zwischenresultate aus früheren Arbeitsschritten aufgrund späterer Ergebnisse so lange zu überarbeiten, bis auf allen Stufen widerspruchsfreie und ausgewogene Resultate erreicht werden» 54. In der ersten Phase wurde ein Problemkatalog dahingehend festgelegt und definiert, was zum Verkehrssystem der Schweiz gehören sollte 55. Aus dem Auftrag des Bundesrats und den Legislaturzielen von 1968 wurde eine detaillierte Zusammenstellung der Planungsziele («Zielsystem») abgeleitet, die den drei wichtigsten Zielbereichen «Befriedigung der Verkehrsbedürfnisse», «Wirtschaftlicher Mitteleinsatz» und «Verbes serung der Auswirkungen des Verkehrs» zugeordnet wurden. Die Gewichtung der Ziele erfolgte aufgrund wiederholter Befragungen der Kommissionsmitglieder, einer repräsentativen Bevölkerungsbefragung sowie programmatischer Aussagen von Behörden, Parteien, Verbänden und Organisationen 56. Die zweite Phase bestand darin, aus der Analyse des Ist-Zustands und von Trendprognosen verschiedene Varianten zu erarbeiten, in denen jeweils ein Zielbereich besonders stark gewichtet wurde. Das systemanalytische Verfahren bot den Planern aber nicht nur die Möglichkeit, den Arbeitsablauf zu gliedern; es stellte ihnen auch ein methodisches Gerüst zur Verfügung, in das sie konkrete Verkehrsmodelle integrieren konnten, die Werte für das am Anfang definierte Ziel- und Indikatorensystem lieferten. Diese Werte dienten dazu, den Grad der Zielerfüllung der Verkehrssystemvarianten zu messen 57. Auf der Basis ihrer Modellrechnungen destillierten die Planer in der dritten Phase zwei mögliche Entwicklungsszenarien heraus, die «Schlussvarianten», die ebenfalls auf ihre Erfüllung der im Zielsystem definierten GVK-CH, Leitstudie…, p. 9. GVK-CH, Auszug aus dem Schlussbericht…, p. 6. 54 GVK-CH, Leitstudie…, p. 9. 55 GVK-CH, Zusammenstellung von Problemen einer schweizerischen Gesamtver kehrskonzeption, GVK-Arbeitsunterlage Nr. 2, Bern: EDMZ, 1973; GVK-CH, System abgrenzung, GVK-Arbeitsunterlage Nr. 3, Bern: EMDZ, 1973. 56 GVK-CH, Schlussbericht…, p. 63-71. 57 GVK-CH, Leitstudie…, p. 14. 52 53 228 Die Gesamtverkehrskonzeption Schweiz Anforderungen hin bewertet wurden 58. Schliesslich leitete die Kommission daraus ihre vierzig Empfehlungen für die zukünftige Verkehrspolitik ab 59. Entsprechend den Gewichtungen der GVK-Ziele legte die Kommission das Hauptgewicht ihrer Vorschläge auf die Zielbereiche «wirtschaftlicher Mitteleinsatz» und «Berücksichtigung der direkten und indirekten Auswirkungen des Verkehrs». Konkret sollten alle Verkehrsleistungen und -infrastrukturen nach ihrem volkswirtschaftlichen Nutzen beurteilt und ihre Kosten verursachergerecht finanziert werden. Ausserdem sollten Verkehrsfolgen wie Lärm, Luftverschmutzung, Landverbrauch, (negativ beurteilte) Veränderungen der Bodennutzung und der Siedlungsentwicklung sowie die Notwendigkeit neuer gesetzlicher Regelungen oder der Finanzbedarf zum Bau und Betrieb von Infrastrukturen in die zukünftige Verkehrspolitik einbezogen werden. Trotz dieser verkehrspolitischen Neuorientierung figurierten im Zielbereich «Befriedigung der Verkehrsbedürfnisse» auch Vorschläge für neue Infrastrukturen; die «neue Eisenbahn-Haupttransversale (NHT)» war dafür das prominenteste Beispiel. Fazit Hans-Reinhard Meyer hatte durchaus recht, wenn er bemerkte, dass die wissenschaftlichen Prämissen und die Planungsmethodik der GVK-Planer «ganz anders» seien als jene, die er selber in seiner Gesprächsgrundlage von 1969 vorgeschlagen hatte 60. Seine Hoffnung, nach dem – aus seiner Sicht absehbaren – Scheitern der systemanalytischen Planungsbemühungen der GVK-CH mit seinen Ideen doch noch zum Zug zu kommen, erfüllten sich allerdings nicht. Trotz all ihrer Mängel und trotz der Abstimmungsniederlage von 1988 waren die im Rahmen der GVK-CH geleisteten Planungsarbeiten und die im Schlussbericht enthaltenen Empfehlungen in mehrfacher Weise wegweisend für spätere Entwicklungen: Erstens trugen die GVKArbeiten nicht unwesentlich dazu bei, systemtheoretisch-kybernetische Planungskonzepte sowie computergestützte Modellierungs- und Simulationsmethoden in der schweizerischen Verkehrs- und Raumplanungspraxis zu verankern. Zweitens fanden diverse GVK-Vorschläge, welche die GVK-Planer als «System von aufeinander abgestimmten Grundsätzen und Massnahmen» 61 verstanden, ihren Weg in die Verkehrspolitik und GVK-CH, Schlussbericht…, p. 209-212. GVK-CH, Schlussbericht…, p. 309-319. 60 Meyer Hans-Reinhard, «Verkehrswissenschaftliche Betrachtungen…», p. 115 f. 61 GVK-CH, Auszug aus dem Schlussbericht…, p. 9. 58 59 229 Stefan Sandmeier wurden, wenn auch in teilweise modifizierter Form, umgesetzt 62. Und drittens etablierten die Planer mit ihrem holistischen Systemansatz ein neuartiges Verständnis von Verkehrskoordination. Anders als die früheren Versuche politischer Verkehrskoordination zielte die GVK-CH nicht darauf ab, den Güterverkehr per Gesetz zwischen Strasse und Schiene aufzuteilen. Die Koordination ergab sich vielmehr aus dem Einbezug aller Verkehrsträger und Verkehrsarten, durch die Berücksichtigung zahlreicher ausserverkehrlicher Faktoren in der Planung sowie die Ausrichtung der Verkehrspolitik an entsprechenden Zielsetzungen. Zwar ist es bis heute nicht gelungen, dieses umfassende Verständnis von Verkehrskoordination politisch mit letzter Konsequenz umzusetzen. Die Zeit, in der sich schweizerische Verkehrspolitik in mehr oder weniger zusammenhangslosen, verkehrsträgerspezifischen Einzelmassnahmen erschöpfte, war jedoch mit dem Erscheinen des GKV-Schlussberichts abgelaufen. Berger Hans-Ulrich et al., Verkehrspolitische Entwicklungspfade in der Schweiz. Die letzten 50 Jahre, Zürich: Rüeger, 2009 ; Haefeli Ueli, «Der grosse Plan und seine helvetische Realisierung. Die Gesamtverkehrskonzeption 1972-1977 und ihre Wirkung auf die schweizerische Verkehrspolitik», in SZG, Nr. 1, 2006, p. 86-95, sowie Walter Felix (Hg.), 20 Jahre Gesamtverkehrskonzeption – wie weiter?, Bern: EDMZ, 1998, insbes. die Beiträge von Christian Küng u. Wolf Linder. 62 230 Troisième partie Coordination de la mobilité dans un espace urbain Third Part Coordinating urban mobility Coordonner transport et urbanisme ? Doctrines, représentations et pratiques locales (1960‑2000) Caroline Gallez, Université Paris-Est, IFSTTAR-LVMT Abstract : In Europe, the idea that coordinating transport and urban planning is a necessary condition for setting in motion sustainable urban development has spread across academic and professional circles. Although this concern is not new, the objectives underpinning transport and urban planning coordination have changed profoundly since the late 1960s, as seen in the perspective shift from adapting the city to the automobile to promoting sustainable cities and mobility. Placing the analysis of global doctrines along with local views and practices of transport and urban planning in their historical context makes it possible to question the apparent consensus about the necessity of coordinating transport and urban planning and to examine the scope of current changes, both in terms of concepts and local policies. La coordination entre transport et urbanisme fait partie des préconisations largement reconnues aujourd’hui comme nécessaires à la mise en œuvre d’un développement urbain durable. Si cette question n’est pas nouvelle, les objectifs politiques qui la sous-tendent ont sensiblement évolué, notamment au cours des cinquante dernières années. Dans les années 1960, la vision dominante était marquée par l’hégémonie de la circulation automobile alors que depuis les années 1990 ce sont les valeurs d’urbanité, de partage de la voirie ou d’apaisement des circulations qui s’imposent dans la conception ou la requalification des voies de circulation urbaine 1. Wachter Serge, La forme et le flux. Figures urbaines et architectures de la mobilité, Note du Centre de prospective et de veille scientifique, n° 18, Paris : MELT, 2003. 1 233 Caroline Gallez Le consensus autour de la nécessité de mieux coordonner transport et urbanisme tend cependant à gommer les aspérités des débats scientifiques et politiques autour des questions du développement des circulations automobiles ou de leur régulation. Pour dominante soit-elle, la logique du « tout automobile » qui prévalait dans les années 1960 soulevait déjà un certain nombre de critiques. Les plus virulentes, illustrées par les écrits de Mumford 2 ou d’Ivan Illich 3, dénonçaient les excès et les dérives de cette hégémonie alors qu’une critique plus « conciliatrice », exprimée entre autres dans le rapport Buchanan Traffic in Towns, paru en 1963, préconisait une adaptation mesurée de la ville à l’automobile. De même, la généralisation des concepts de ville et de mobilité durable qui accompagne la montée en puissance de la question environnementale depuis les années 1990 suscite un certain nombre de controverses. De nombreux travaux récents mettent notamment l’accent sur les conséquences potentiellement négatives d’une régulation qui toucherait d’abord les populations les plus fragilisées 4. La vivacité des débats autour des objectifs politiques associés à la coordination urbanisme-transport et l’évolution de ces objectifs au cours des cinquante dernières années appellent à questionner le caractère a priori consensuel de cette préconisation en la replaçant dans une perspective historique. Pour ce faire, nous revenons tout d’abord sur les doctrines et les outils développés par les urbanistes et les spécialistes des transports, afin d’éclairer l’évolution de la conceptualisation des interactions entre ville et transport. Puis nous nous intéressons à l’évolution des représentations et des pratiques locales de la coordination urbanisme-transport en nous appuyant sur les résultats d’une analyse croisée des trajectoires 5 des politiques de transport et d’urbanisme mises en œuvre dans quatre agglomérations suisses et françaises Mumford Lewis, The City in History : Its Origins, Its Transformations and Its Prospects, New York : Harcourt, Brace and World, Inc., 1961. 3 Illich Ivan, Énergie et équité, Paris : Seuil, 1973. 4 Orfeuil Jean-Pierre (éd.), Transports, pauvretés, exclusions. Pouvoir bouger pour s’en sortir, La Tour d’Aigues : Éditions de l’Aube, 2004 ; Hine Julian, « Travel Demand Management and Social Exclusion », Mobilities, vol. 2, n° 1, 2007, p. 109‑120. 5 Par trajectoire, nous entendons le parcours constitué par l’évolution des enjeux et des orientations définis dans les deux champs sectoriels, des dispositifs organisationnels, procédures et instruments de régulation ainsi que des principaux moyens mis en œuvre, à différentes échelles spatiales. Les études diachroniques ont été réalisées à partir d’une analyse documentaire approfondie (documents de planification, documents techniques, études, travaux universitaires), complétée par une vingtaine d’entretiens semi-directifs avec des acteurs locaux (élus, techniciens, associatifs) sur chaque site. 2 234 Coordonner transport et urbanisme ? (Berne, Genève, Strasbourg et Bordeaux) depuis la fin des années 1960 6. L’analyse des représentations nationales et locales du rapport entre ville et transport est appréhendée à travers la question de la régulation du développement urbain et des circulations automobiles. L’évolution des pratiques locales de la coordination urbanisme-transport est ensuite abordée par la manière dont les acteurs locaux défendent et confrontent des intérêts divergents à l’occasion de démarches de planification ou d’opérations d’aménagement concrètes. Fabrique et sédimentation des doctrines et des outils d’analyse Si la préconisation d’une meilleure coordination entre transport et urbanisme connaît depuis une quinzaine d’années un nouvel essor du fait de l’importance croissante de la question environnementale et de la multiplication des réflexions sur la mise en œuvre du développement durable, la question de l’articulation entre formes urbaines, développement des réseaux et organisation des circulations est loin d’être nouvelle. Elle se pose de manière récurrente depuis le développement des réseaux de transport et a fait l’objet de très nombreux travaux de recherche 7. La manière de conceptualiser cette question apparaît très marquée par la segmentation des cultures techniques des deux champs principalement concernés, celui de l’urbanisme d’un côté et des transports de l’autre. La résistance de l’urbanisme à la notion de réseau Selon Dupuy 8, l’urbanisme ne s’est que très sommairement saisi du concept de réseau. Les quelques rares urbanistes à s’être intéressés à l’articulation entre formes architecturales et urbaines et développement des réseaux techniques urbains, comme Cerda, Soria y Mata avec Gallez Caroline, Kaufmann Vincent (éd.), Mythes et pratiques de la coordination urbanisme-transport, Regards croisés sur les trajectoires de quatre agglomérations suisses et françaises, Recherches INRETS n° 281, Paris : Lavoisier, 2010. Cette recherche, cofinancée par le CNRS et l’Ademe, a associé des chercheurs de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), de l’Institut d’urbanisme de Paris (IUP) et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). 7 Offner Jean-Marc, Ollivier-Trigalo Marianne, « Introduction », in Commission of the European Community (éd.) COST 332 Transport and Land Use Policies : Innova tions in Institutional Arrangements for Co-ordination, Final Report, European Commission, DG for Energy and Transport, 2000. 8 Dupuy Gabriel, L’urbanisme des réseaux. Théories et méthodes, Paris : Armand Colin, 1991. 6 235 Caroline Gallez son fameux projet de Cité linéaire de 1886 (Lineal Ciudad), ou, plus tard, F.R. Wright avec son projet de cité idéale Broadacre City, auraient vu cette partie de leur réflexion presque ignorée ou tombée dans l’oubli. S’interrogeant sur les raisons de cette « déconnexion », Dupuy rappelle que les caractéristiques générales du développement des grands réseaux techniques urbains, marquées par le poids des technologies et des capitaux privés, l’importance des logiques de rentabilité et le rôle des intérêts fonciers qui ont eu tendance à freiner leur diffusion, expliquent le divorce entre le point de vue des spécialistes des réseaux et celui des urbanistes, dont l’ambition était d’élaborer une doctrine orientée vers l’intervention publique et dont la finalité était avant tout « sociale, globalisante et surtout référée à la forme urbaine et à l’action sur le bâti ». De leur côté les urbanistes, qui ne pouvaient ignorer totalement le développement des réseaux, appréhendent cette question sous un angle essentiellement technologique et peinent à anticiper les conséquences en termes d’évolution des comportements ou d’usages de l’espace urbain. Dans la doctrine et la pratique urbanistiques, le recours généralisé au zonage, en imposant une « vision aréolaire » de la production urbaine, constitue, selon Dupuy 9, une autre limite à la prise en compte du réseau et à l’avènement d’un urbanisme réticulaire. La définition de zones apparaît pour la première fois en Europe dans les villes allemandes à la fin du xixe siècle 10. Dans la majorité des pays qui adoptent entre 1870 et 1930 une démarche de plan d’extension visant à gérer l’extension urbaine, le zonage est progressivement utilisé comme un moyen de planifier et de fixer l’usage des sols. Dans le contexte d’une forte croissance urbaine liée à l’industrialisation, la planification par zone vise à limiter les nuisances en séparant l’industrie du commerce et de l’habitat, à organiser l’extension urbaine, en séparant la ville ancienne de la ville nouvelle. La diffusion du zonage se révèle ensuite étroitement liée au développement des réseaux de transport. Entre la fin du xixe et le début du xxe siècle, la volonté des urbanistes de réformer les villes, de les adapter aux exigences de l’expansion industrielle, d’ouvrir de nouvelles voies se heurte principalement aux intérêts des propriétaires fonciers et immobiliers 11. Dans Dupuy Gabriel, L’urbanisme des réseaux…, p. 62‑63. Claude Viviane, « Une solution pratique aux problèmes urbains au début du xxe siècle : le zonage », Annales des Ponts et Chaussées, n° 93, 2000, p. 23‑29. 11 Gaudin Jean-Pierre, « La genèse de l’urbanisme de plan et la question de la modernisation politique », Revue française de science politique, vol. 39, n° 3, 1989, p. 296‑313. 9 10 236 Coordonner transport et urbanisme ? ce contexte, le recours à l’expropriation par zone, bien que soulevant de fortes oppositions en pratique, apparaît comme une manière de définir les règles qui légitiment l’intervention publique en s’appuyant sur la défense d’un intérêt général face aux intérêts particuliers et en imposant une régulation du marché foncier. Par ailleurs, si le recours au zonage offre un moyen aux urbanistes de préparer l’extension des réseaux de transport à travers les réserves foncières, à l’inverse, le développement des réseaux rend possible la pratique du zoning, qui vise à la spécialisation fonctionnelle et sociale des espaces urbains et à la séparation entre les quartiers résidentiels, les quartiers industriels, et les quartiers d’affaires et commerciaux 12. La critique de l’urbanisme fonctionnel et du zonage se développe très tôt, dès les années 1960, en particulier chez certains praticiens de l’urbanisme, chez les militants des luttes sociales et dans le champ de la recherche urbaine. Alors que le zonage est présenté comme l’outil, voire l’agent essentiel de la ségrégation urbaine et de la spécialisation fonctionnelle de l’espace, ses pratiques n’ont pourtant jamais été aussi importantes 13. À partir des années 1990, le constat de faillite du zonage fonctionnaliste est cependant de plus en plus partagé dans le champ de l’urbanisme 14. Les enjeux de régulation des circulations motorisées associés aux préoccupations environnementales semblent condamner définitivement une planification urbaine fondée sur la séparation des fonctions urbaines. Désormais, l’équilibre, la cohérence et la mixité sociale et fonctionnelle sont érigés en principes directeurs d’une planification qui considère le projet comme garant de leur mise en œuvre, avant la règle. Machine circulatoire et effets structurants des réseaux : l’approche des spécialistes des transports Du côté des spécialistes du transport, la conception dominante, particulièrement dans les premières phases du développement des réseaux, est avant tout circulatoire. Pour les opérateurs et les responsables, les logiques de gestion, de régulation des flux, de rentabilité l’emportent sur une approche intégrée et territorialisée des services offerts aux usagers. Gaudin Jean-Pierre, « Le zoning ou la nuit transfigurée », Culture technique, L’usine et la ville. 1836‑1986, n° hors-série, 1986, p. 56‑63. 13 Scherrer Franck, « Retour sur un réquisitoire : le zonage en aménagement et ses effets pervers », Annales des Ponts et Chaussées, n° 93, 2000, p. 16‑22. 14 Melé Patrice, « Introduction. Territoires d’action et qualifications de l’espace », in Melé Patrice, Larrue Corinne (éd.), Territoires d’action, Paris : L’Harmattan, 2008, p. 15‑45. 12 237 Caroline Gallez Le terme de réseau doit d’ailleurs être utilisé avec précaution, puisqu’il faut attendre la généralisation de la desserte pour que le fonctionnement en réseau soit perçu comme une réalité : dans un premier temps, c’est la vision de la ligne qui prévaut 15. Ainsi la logique d’exploitation des réseaux de transports collectifs à la fin du xixe siècle dans de nombreuses agglomérations européennes est celle d’une juxtaposition des lignes urbaines, suburbaines et interurbaines, exploitées par de multiples opérateurs. Le maintien d’une forte concurrence entre les opérateurs de transport, par ligne et par mode (ferré et routier), constitue un frein à la construction d’une vision unifiée et multimodale de l’offre de déplacements urbains et à l’appréhension du développement du réseau de transport dans ses conséquences à la fois sociales et territoriales. En France, l’instauration d’un périmètre urbain en 1949, qui délimite un espace au sein duquel les transporteurs interurbains ne sont pas autorisés à effectuer de desserte, illustre bien cette tendance à la segmentation entre les problèmes de gestion des lignes et les transformations des pratiques de déplacement. Le maintien de cette barrière protectionniste est apparu de plus en plus problématique à mesure que la logique concurrentielle s’est déplacée d’une opposition entre lignes urbaines et interurbaines à une opposition entre voiture individuelle et transports collectifs 16. Néanmoins, les logiques de gestion et de financement des différents sous-réseaux s’opposent encore fortement à la formalisation d’une offre de transport intermodale à l’échelle des régions urbaines. Dans le domaine du transport routier, l’importance historique de la lutte contre la congestion atteste du poids de l’approche circulatoire. Avant même l’essor de la circulation automobile en Europe, l’encombrement des voies urbaines, dû au mélange de véhicules se déplaçant à des vitesses différentes, constituait déjà un problème majeur dans les grandes villes 17. Ces problèmes récurrents suscitent dans un premier temps une réglementation des circulations, notamment aux carrefours, places, et dans les rues étroites. À partir des années 1920, aux États-Unis, l’augmentation des trafics automobiles requiert des solutions plus radicales d’adaptation des voies de circulation. La structuration d’une nouvelle discipline universitaire, appelée science Dupuy Gabriel, L’urbanisme des réseaux…, p. 38. Gallez Caroline, « Intercommunalité, transports urbains et pouvoir d’agglomération. Cinq trajectoires urbaines », Flux, n° 66‑67, octobre 2006-mars 2007, p. 43‑61. 17 Barles Sabine, Guillerme André, « Gestion des congestions : seculum miserabile », Annales des Ponts et Chaussées, n° 94, La congestion urbaine, 2000, p. 4‑12. 15 16 238 Coordonner transport et urbanisme ? du trafic (traffic engineering), répond à la demande des municipalités mais é galement à celle des milieux économiques qui considèrent que le problème relève de la compétence des sciences appliquées et non pas des sciences sociales 18. Dans les années 1960, face à l’essor rapide des circulations et dans un contexte de soutien à l’industrie automobile, la problématique change de perspective temporelle : d’une recherche de solutions à court terme, la réflexion technique s’oriente vers la mise au point d’outils de prévision du trafic, destinés à rationaliser la construction des infra structures routières. Les modèles de prévision élaborés aux États-Unis dans les années 1950 sont importés en Europe durant la décennie suivante et leur usage se généralise à la plupart des villes européennes pour la programmation des besoins en infrastructures routières. Comme souvent, les termes du problème (répondre à l’augmentation des circulations automobiles) sont structurés par la solution envisagée (développer les infrastructures routières) 19. Dans l’optique de facilitation de la circulation automobile qui représente leur objet premier, la minimisation des temps de déplacement constitue une hypothèse majeure de la formalisation. Alors que ces modèles sont utilisés pour prévoir le besoin en infrastructures à un horizon de dix-quinze ans, leur domaine de validité est celui de la simulation des comportements de déplacement à très court terme. En particulier, les conséquences à moyen ou long terme du développement des réseaux de transport sur la localisation des ménages et des entreprises ne sont pas prises en compte. Malgré les nombreuses critiques dont ces modèles ont fait l’objet, leur usage dans l’évaluation des infrastructures de transport tend à se pérenniser. Plusieurs transformations modifient toutefois la conceptualisation des interactions entre transport et urbanisme à partir des années 1970. D’une part, la forte augmentation des flux routiers qui se manifeste dans les agglomérations européennes dès le milieu des années 1970 montre les limites de la logique proroutière, au moment où le premier choc pétrolier pose la question de la dépendance énergétique et entraîne un ralentissement – provisoire – du rythme des investissements publics Lannoy Pierre, « L’automobile comme objet de recherche, Chicago, 1915‑1940 », Revue française de sociologie, vol. 44, n° 3, 2003, p. 497‑529. 19 Dupuy souligne les caractéristiques autoprédictives de ces modèles, dont l’utilisation est avant tout « liée à la nécessité de réaliser dans le long terme un programme d’investissement routier urbain pour accompagner le développement de l’industrie automobile » (Dupuy Gabriel, Urbanisme et technique. Chronique d’un mariage de raison, Paris : Centre de recherche d’urbanisme, 1978). 18 239 Caroline Gallez pour le développement des infrastructures. Durant cette période, l’articulation entre les transports et l’urbanisme est envisagée comme un moyen de lutter contre l’engorgement du réseau routier aux heures de pointe 20. D’autre part, dans les années 1980, la généralisation des préoccupations environnementales impose un changement de perspective plus radical : l’heure n’est plus à l’optimisation du fonctionnement des réseaux routiers, mais à la régulation de la demande de déplacement et à la diminution de la dépendance automobile. Dans cette nouvelle perspective, la coordination entre transport et urbanisme est envisagée, en rupture avec le modèle précédent, comme une articulation entre réseaux de transport publics et urbanisme. De nombreux travaux de recherche sont engagés pour développer un concept de ville structurée autour des réseaux de transport publics. Aux États-Unis, ce concept a été formalisé sous les termes de « Transit Metropolis », puis plus tard de « Transit Oriented Development (TOD) » et popularisé notamment par les travaux de Robert Cervero 21. Une abondante littérature a été produite au cours des dernières années dans le champ des transports sur cette thématique, notamment dans le cadre de projets européens. Cette figure de la « Transit Metropolis » est considérée comme un nouveau paradigme du développement urbain durable, qui s’oppose à la ville émiettée, éclatée, étalée. Dans cette représentation, les réseaux sont pensés comme des éléments structurants de l’urbanisation. Les doctrines et leurs traductions Ce rapide survol des doctrines et des outils utilisés dans la conceptualisation des interactions entre ville et transport permet d’identifier certaines logiques de continuité des pratiques et une segmentation des cultures techniques. Quelle référence les politiques nationales d’aménagement et de transport et les démarches de planification locales font-elles à ces doctrines ? La comparaison des trajectoires des agglomérations de Berne, Genève, Strasbourg et Bordeaux apporte quelques éléments de réponse à cette question. En première approche, les quatre trajectoires urbaines révèlent une évolution relativement similaire des idées, des valeurs et des normes qui sous-tendent les représentations locales en matière d’urbanisme et Downs A., Stuck in traffic : Coping with peak-hour traffic congestion, Washington, DC : Brookings Institution and Cambridge, MA : Lincoln Institute of Land Policy, 1992. 21 Cervero Robert, The Transit Metropolis. A Global Inquiry, Washington, DC : Island Press, 1998. 20 240 Coordonner transport et urbanisme ? de transports. De la ville automobile à la ville durable, la proximité des argumentaires qui légitiment l’intervention publique atteste de la force de doctrines globales, largement diffusées à l’échelle internationale dans les milieux professionnels. Une analyse plus approfondie révèle néanmoins des différences idéologiques entre la Suisse et la France, dont on retrouve des traces plus ou moins marquées à l’échelle locale. En particulier, les politiques d’aménagement du territoire en Suisse et en France renvoient à des visions initialement très divergentes du fait urbain. En Suisse, la conception de l’aménagement du territoire fut à l’origine influencée par des idéologies anti-urbaines, associées aussi bien à des considérations d’ordre moral – « la ville est mauvaise pour l’homme » –, qu’à un rejet de la domination politique des villes 22. L’attitude réservée de la Confédération helvétique à l’égard du fait urbain peut être interprétée, sur le plan politique, comme une résultante de l’organisation fédéraliste, fondée sur le strict respect de l’autonomie cantonale. Sur le plan idéologique, on retrouve par ailleurs l’influence très nette des doctrines ruralisantes caractéristiques de la première moitié du xxe siècle 23. Le principe d’autosuffisance alimentaire, instauré dans les années 1940, perdure après la guerre et contribue à faire de l’agriculture le secteur privilégié de l’économie. Jusqu’à une période récente, ni la politique d’aménagement du territoire ni la politique régionale de soutien aux territoires en difficulté ne prenaient en compte les espaces urbains. L’utilisation mesurée du sol s’impose durablement comme un principe directeur de la politique d’aménagement du territoire en Suisse. Jusqu’en 1999, la Confédération doit veiller à conserver le territoire agricole, mais elle n’a aucune compétence concernant le territoire urbain 24. Les effets de ce protectionnisme sur la coordination urbanisme-transport varient en fonction des contextes cantonaux, comme en témoigne l’exemple du canton-ville de Genève. Eu égard à ses contraintes géographiques et topographiques et à l’ampleur de la pression urbaine sur son territoire, le canton de Genève s’est lancé très tôt dans une politique foncière volontariste, bien avant que la loi fédérale d’aménagement du territoire de 1979 ne fasse de l’élaboration de plans directeurs cantonaux une obligation légale. Salomon Cavin Joëlle, La ville, mal aimée. Représentations anti-urbaines et aménagement du territoire en Suisse : analyse, comparaison, évolution, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005. 23 Walter François, La Suisse urbaine, 1750‑1950, Carouge & Genève : Zoé, 1994. 24 Salomon Cavin Joëlle, La ville, mal aimée…, p. 82. 22 241 Caroline Gallez Progressivement, le canton concentre à son échelle les principales compétences en matière d’aménagement et d’organisation des déplacements 25. Au sein de ce territoire restreint et densément peuplé, la priorité a été accordée dès la fin du xixe siècle au développement d’un réseau de transports collectifs finement maillé. En 1925, le canton dispose ainsi d’un des réseaux de tramway les plus denses d’Europe. Presque entièrement démantelé dans les années 1950 pour laisser place à la voiture, il est remplacé par un réseau de bus, de trolleys et d’autocars également performant. Toutefois, cette stratégie de densification et de desserte à courte distance ne s’accompagne pas, comme à Berne, d’une restriction de l’usage de la voiture. Plusieurs raisons expliquent ce choix. D’une part, il existe une tradition automobile ancienne et vivante à Genève, comme en témoigne l’activisme des défenseurs de ce mode, vivement engagés dans les débats autour de la place de la voiture en ville. D’autre part, l’accessibilité interurbaine de cette place financière et internationale de premier plan est essentiellement assurée par le réseau routier et autoroutier, alors que les liaisons ferroviaires, longtemps jugées non indispensables au fonctionnement cantonal, sont très peu développées. L’efficacité de ce modèle original de « ville dense automobile » est aujourd’hui remise en cause par la forte augmentation des flux de déplacements transfrontaliers, qui causent un engorgement important des réseaux routiers d’accès à Genève et imposent un changement d’échelle des problématiques d’aménagement et de transport. En France, la question urbaine est constitutive de la politique nationale d’aménagement du territoire qui se met en place dans les années 1960. Ce ne sont pas les contraintes de rareté de l’espace mais l’équilibre entre les grandes agglomérations urbaines et la redistribution de la croissance économique qui en sont les orientations majeures. Cette vision relève à la fois de principes malthusiens à l’égard de la croissance de l’agglomération parisienne et d’une volonté de soutenir le développement et l’équipement des grandes agglomérations de province. Les schémas de développement et d’aménagement urbain (SDAU) des années 1970 et les « villes nouvelles », censées polariser l’urbanisation périphérique, renvoient à une approche hiérarchique de l’armature urbaine. La loi d’orientation foncière de 1967 consacre le recours aux zonages d’intervention (schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme, plans d’occupation des sols, zones d’aménagement État de Genève, L’aménagement du territoire à Genève. Institutions et procédures, Département des travaux publics et de l’énergie, Cahier de l’aménagement n° 3, Genève, 1994. 25 242 Coordonner transport et urbanisme ? concerté, zones d’urbanisation prioritaire, etc.) dans le pavage exhaustif des territoires urbanisés. Les pratiques de la planification urbaine à Strasbourg et à Bordeaux attestent de l’impact de ces doctrines d’aménagement. Les SDAU des deux agglomérations affichent à la fois des objectifs ambitieux en matière de croissance urbaine et de développement du réseau routier, tout en soulignant la nécessité de prévenir le risque de congestion à travers le rapprochement entre zones d’emplois et d’habitat et de prévoir la mise en circulation de transports collectifs en site propre dans la ville centre afin de garantir l’accès au centre. Cependant, des nuances apparaissent dans la traduction locale de ces doctrines. Alors que la logique proroutière et la référence à l’urbanisme moderniste sont dominantes dans les démarches de planification de l’agglomération bordelaise jusqu’à la fin des années 1980, l’élaboration des documents de planification et la programmation des infrastructures de transports dans l’agglomération strasbourgeoise font référence, dès les années 1970, à deux doctrines a priori antagonistes de l’aménagement urbain : la première privilégie la logique routière, alors que la seconde se réfère aux valeurs patrimoniales plus proches d’une approche culturaliste de l’urbanisme. L’élaboration du dossier d’agglomération de Strasbourg, en 1975, illustre de manière concrète la façon dont ces visions se confrontent et cherchent à s’accorder. Le maire de Strasbourg de l’époque, Pierre Pfimlin, fermement opposé à « l’envahissement automobile » et cherchant à protéger le patrimoine historique de sa ville, saisit l’occasion de cette procédure pour tenter d’imposer un aménagement piétonnier du centre-ville. Dans sa démarche, qui s’oppose aux intentions des ingénieurs routiers de l’État de développer des accès autoroutiers au centre, le maire bénéficie de l’appui de l’agence d’urbanisme qui assure la médiation entre l’État et les services municipaux de l’urbanisme. Le savoir-faire technique routier de l’agence est ainsi mis au service d’un projet d’aménagement qui supprime le transit automobile par le centre, piétonnise une large zone centrale et prévoit la mise en circulation d’un tramway. Pour diverses raisons d’ordre politique, les mesures contenues dans le dossier d’agglomération seront ajournées. Elles préfigurent néanmoins, pour l’essentiel, le projet de tramway mis en œuvre par l’équipe de Catherine Trautmann, au début des années 1990. 243 Caroline Gallez Contingences et raisons politiques : les réseaux contre les territoires ? Le développement des réseaux et la diversification des mobilités remettent en cause les découpages politico-administratifs, soulevant la question de la dépossession des pouvoirs politiques dont la légitimité est construite sur un territoire borné 26. Comment, dès lors, pour reprendre une distinction opérée par Dupuy 27, la coordination peut-elle se construire entre l’urbanisme, dont l’approche reste fondamentalement forgée par une vision aréolaire des territoires, c’est-à-dire définie par des zones et des frontières, et l’organisation des déplacements, qui renvoie à une approche réticulaire, dans laquelle les réseaux et les flux sont constitutifs de l’urbain ? La trajectoire bernoise atteste de l’importance productive des conflits d’intérêts entre ces deux visions, tant du point de vue de la formulation des problèmes que de la mise en œuvre de solutions concrètes. Tout commence en 1972, au moment du rejet en votation populaire d’un projet autoroutier au centre de Berne, au nom de la défense de la qualité de vie. Deux places centrales sont alors fermées à la circulation automobile. Durant la première décennie suivant cette décision, la municipalité de Berne s’efforce d’adapter l’offre de transports collectifs et la régulation du trafic automobile à ces nouvelles contraintes. Face à l’augmentation des flux pendulaires due à l’étalement urbain, ces mesures se révèlent toutefois insuffisantes. Prenant conscience du problème causé par la fuite des habitants du centre vers la périphérie, les autorités bernoises s’engagent dans une réflexion sur l’articulation des politiques de transport et d’urbanisme. Pour la première fois, la problématique du rapport entre ville et automobile est inversée : il n’est plus question d’adapter la ville à l’automobile, mais d’agir sur le trafic automobile pour l’adapter à la ville. Le principal objectif de cette stratégie d’ensemble, énoncé dans un rapport pionnier de 1982, intitulé « Environnement, Ville, Transport », était de maintenir la qualité de vie et l’attractivité de la ville-centre, afin de contrebalancer l’attrait qu’exerçaient sur ses habitants les communes périphériques. Le dernier acte du processus débute avec l’entrée en scène du canton, à la fin des années 1980. Jusque-là peu intéressées par les enjeux d’aménagement Offner Jean-Marc, « Territorial “deregulation” : local authorities at risk from technical networks », International Journal of Urban and Regional Research, vol. 24, n° 1, 2000, p. 165‑181. 27 Dupuy Gabriel, L’urbanisme des réseaux…, p. 13. 26 244 Coordonner transport et urbanisme ? urbain, les autorités cantonales font le constat du manque d’espaces constructibles dans les endroits bien desservis par les transports publics, en particulier par le S-Bahn, dont le réseau est en voie de modernisation. Le canton de Berne s’engage alors dans la politique dite des « Pôles de développement économique », qui vise à favoriser le développement de zones d’activités à proximité des nœuds du réseau de S-Bahn. Cette stratégie marque le début de la coordination entre transport et urbanisme tant au niveau de l’agglomération bernoise qu’à l’échelle cantonale, comme en atteste la production de nombreux documents de planification, d’études, de rapports durant les années 1990. Le cas des agglomérations transfrontalières présente plusieurs particularités relatives à la problématique de la coordination urbanisme- transport. D’une part, les différentiels de salaires, de fiscalité locale et de coûts du foncier ont un impact direct sur l’ampleur des flux pendulaires, sur l’évolution de l’urbanisation ainsi que la régulation des déséquilibres de recettes et de dépenses publiques. D’autre part, la coupure politique et institutionnelle de la frontière complique singulièrement la gestion collective et la coopération des acteurs au sein de l’espace urbain transfrontalier. Du point de vue de l’articulation urbanisme-transport, le poids des logiques économiques apparaît relativement faible dans la construction d’une coopération transfrontalière entre l’agglomération strasbourgeoise et le Kreis d’Ortenau, comparativement à ce que l’on observe dans le cas franco-valdo-genevois. L’arrivée récente du TGV-Est à Strasbourg renforce les priorités accordées aux projets de connexion interurbaine : c’est à cette échelle, plus qu’à celle du bassin d’emploi transfrontalier, que se focalisent les demandes de subvention adressées à l’État, selon une rhétorique qui entend conforter Strasbourg dans son positionnement de « carrefour européen », en référence à son rôle de capitale politique de l’Union européenne. À Genève, les questions d’aménagement urbain et de déplacements sont prégnantes dans l’histoire des relations entre les collectivités suisses et françaises et dans l’accélération récente d’une ouverture transfrontalière en gestation depuis plus de trente ans. Dès la fin des années 1980, l’accélération de l’étalement urbain s’est accompagnée d’une augmentation des flux pendulaires entre la Suisse et la France, provoquant l’engorgement des voies routières d’accès à Genève. Le développement d’un transport collectif lourd entre la Suisse et la France devient alors une urgence et prend la forme, dans les années 1990, d’un projet de réseau express régional. L’intervention d’un nouvel acteur sur la scène locale, la Coordination économique et sociale transfrontalière (CEST), 245 Caroline Gallez est décisive dans l’amorce de négociations franco-suisses autour de la mise en place d’une desserte transfrontalière en transports collectifs 28. Malgré l’efficacité de sa médiation, les négociations entre le canton de Genève et les communes de l’agglomération annemassienne s’enlisent, chacune des parties renvoyant à l’autre une fin de non-recevoir à propos du financement de la ligne. Au début des années 2000, face à l’explosion des flux pendulaires et à la montée en puissance des manifestations hostiles aux travailleurs transfrontaliers, le canton de Genève a pris l’initiative d’un projet de ligne ferroviaire reliant Cornavin, Eaux-Vives et Annemasse (projet CEVA). La relance de ce projet ancien s’explique par l’opportunité d’une participation financière de la Confédération helvétique, sur la base d’une convention entre le canton et la Confédération signée en 1912. L’initiative du canton de Genève d’abandonner le projet de métro au profit d’une ligne ferroviaire a bouleversé le jeu d’acteurs local, en écartant les communes françaises, non compétentes en matière de transport ferroviaire, au profit de l’État et de la Région Rhône-Alpes. Face aux réticences des autorités françaises à participer au financement de la ligne, le canton de Genève a menacé en 2011 de ne plus abonder le Fonds genevois 29. Bien que les derniers recours des riverains contre le projet aient été rejetés à la fin de l’année 2011, l’avenir du projet CEVA comme fer de lance de la politique d’aménagement transfrontalière ne semble pas encore totalement scellé. Conclusion En replaçant l’analyse des doctrines globales, des représentations et des pratiques locales des politiques de transport et d’urbanisme dans une perspective historique, nous avons pu questionner dans cet article l’apparent consensus autour de la nécessité de coordonner transport et urbanisme, en nous interrogeant sur la portée des changements à l’œuvre. Assiste-t-on à un véritable changement de paradigme en matière d’interaction entre ville et transport ? L’analyse des doctrines élaborées Jouve Bernard, Urbanisme et frontières. Le cas franco-genevois, Paris : L’Harmattan, 1994. 29 Le Fonds genevois a été créé dans les années 1970 à la suite de négociations entre l’État, les collectivités locales françaises et le canton de Genève. Les communes françaises de la zone transfrontalière, confrontées à l’afflux de travailleurs trans frontaliers résidant en France, réclamaient au canton de Genève une participation au financement des équipements collectifs. Ce Fonds est abondé par le canton à hauteur de 3,5 % de la masse salariale des travailleurs frontaliers français. 28 246 Coordonner transport et urbanisme ? dans les champs du transport et de l’urbanisme nous invite à nuancer cette hypothèse, en soulignant les continuités des approches, des outils et de leurs usages, continuités qui renvoient également au poids des cultures techniques. Le recours systématique à la notion de zonage, quoique fortement critiqué en raison de ses effets ségrégatifs sur l’organisation urbaine et de son incompatibilité avec le concept d’urbanisme réticulaire, s’explique par son efficacité politique. Jean-Pierre Gaudin 30 rappelle ainsi que le zonage reste un instrument de la gestion concertée du marché foncier et surtout qu’il organise, dans le temps mais aussi dans l’espace, le phasage du mouvement d’urbanisation. Dans le champ des transports, la pérennisation des outils classiques de prévision et d’évaluation des infrastructures négligeant les conséquences à long terme du développement des réseaux et la difficulté à appréhender les contingences territoriales et individuelles de la dépendance automobile contribuent à « essentialiser » le rapport entre ville et transport, à travers le concept idéal d’une ville structurée par ses réseaux. Le détour par les représentations et les pratiques locales offre un autre regard sur les évolutions politiques de la coordination urbanisme- transport. Aux visions idéales et statiques de la cohérence véhiculées par les doctrines globales s’opposent les réalités des politiques urbaines, marquées par la diversité des enjeux locaux de l’aménagement et des transports. Les caractéristiques géographiques et topographiques, tout comme les dynamiques démographiques, influencent directement la définition des problèmes politiques et des solutions retenues. De manière concrète, la coordination entre transport et urbanisme se pose aux acteurs publics comme un problème de régulation des décalages permanents entre le développement des réseaux, la croissance urbaine et l’évolution de l’usage des réseaux. Comme le souligne Scherrer 31, la désynchronisation des rythmes des acteurs du développement urbain tient au fait que les infrastructures de ces réseaux, au-delà de la pérennité de leur dispositif matériel, évoluent à travers leurs services et leurs usages. Selon les contextes locaux, les enjeux d’adaptation de la ville à l’automobile, de régulation du développement urbain ou des circulations automobiles diffèrent. De même, les politiques de transport et d’urbanisme sont marquées par le poids des décisions passées, qui empêche un ajustement immédiat des stratégies locales à une évolution des orientations stratégiques. Gaudin Jean-Pierre, « Le zoning ou la nuit transfigurée… », p. 62. Scherrer Franck, « Désynchroniser, resynchroniser », in Lamizet Bernard (éd.) Les rythmes urbains, Lyon : Musée Gadagne, 2004, p. 45‑53. 30 31 247 Caroline Gallez La difficile transformation du paradigme en matière de coordination urbanisme-transport ne relève donc pas uniquement d’une crise conceptuelle. Elle atteste également de la vivacité des tensions et des conflits autour de la question de la régulation des mobilités spatiales. Ainsi, la coexistence de plusieurs registres de légitimité des politiques locales de transport et d’urbanisme, se référant aux nécessités de la compétitivité métropolitaine, aux contraintes de protection de l’environnement ou à la lutte contre les inégalités sociales, est-elle la preuve que le débat sur les objectifs et les moyens de gérer les mobilités spatiales est loin d’être tranché. La coordination entre transport et urbanisme résulte de la confrontation de ces points de vue divergents sur l’aménagement urbain, dans le cadre d’un processus adaptatif qui invite à une reconstruction permanente de la vision collective. 248 Une capitale sans métro ? – Les échecs du transport souterrain à Rome, entre enjeux techniques, choix urbains et concurrences modales Aurélien Delpirou, Université Paris-Est Créteil Arnaud Passalacqua, Université Paris Diderot – Paris 7 Abstract : This paper analyses the structural weakness of the underground in Rome compared to the networks of comparable cities. Beyond traditional arguments, it points to the idea of competition between various transport systems in order to shed light on faltering transport planning. Taking the long view, from the beginnings of Roma capital to the 1960s, the paper addresses the inertia of underground projects, which has led Romans to find other ways of getting about. L’Italie fait depuis longtemps figure de « mauvais élève » de l’Union européenne en matière de transports collectifs urbains, dans un contexte de sous-investissement chronique et d’incitation politique et culturelle à l’« automobilité ». La capitale semble cristalliser les dysfonctionnements du pays : la Ville éternelle est souvent présentée comme le cas paradigmatique de l’« anomalie génétique » des villes italiennes, qui résiderait dans une croissance urbaine désordonnée, opérée sans le soutien de réseaux modernes de communication. La médiocrité du réseau métropolitain capitolin constitue sans doute l’une des manifestations les plus notables de ces dysfonctionnements. Les deux lignes du métropolitain romain ont été réalisées tardivement par rapport aux autres grandes capitales européennes : la construction de la ligne B fut décidée en 1938, afin d’assurer le transport des visiteurs étrangers vers le site de la future Exposition universelle de 1942, mais 249 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua le premier tronçon ne fut inauguré qu’en 1955, près d’un siècle après Londres ; désignée comme « réalisation prioritaire » en 1959, la ligne A ne fut finalement ouverte qu’en 1980, au terme d’innombrables péripéties. Avec deux lignes, 36 kilomètres de réseau et 300 millions de passagers transportés annuellement, le métro romain est l’un des plus modestes parmi ceux des grandes métropoles du continent 1. Comment s’étonner, dans ces conditions, que Rome soit la ville la plus motorisée d’Europe et que le déséquilibre du partage modal au profit des modes individuels y prenne une ampleur singulière ? 2 Cette communication souhaite s’interroger sur les causes de cette « anomalie romaine » à l’aune de la double grille de lecture de la concurrence et de la coordination. En effet, la chronique des projets de métropolitain témoigne d’une longue alternance de consensus et d’oppositions sur certaines questions (maturité de la ville pour la construction d’un métro, planification des tracés dans une ville riche en vestiges archéologiques…), mais aussi et surtout d’une coordination difficile et parfois conflictuelle avec les modes de surface, qu’ils soient individuels ou collectifs. En se fondant sur une approche à long terme des processus de planification et de décision, articulée chronologiquement autour de trois périodes charnières dans l’évolution des transports urbains romains, il s’agira donc de se demander dans quelle mesure les oppositions et les concurrences modales ont contribué à freiner la réalisation du métro. Quelles furent les incompréhensions ou rivalités entre des acteurs souvent issus de milieux différents ? Le statut de capitale a-t-il joué un rôle dans ces blocages, en laissant à l’État une place de premier plan ou en alimentant des projets démesurés ? S’affranchir des explications traditionnelles Le prétexte archéologique Pour expliquer la modestie du métropolitain romain, la population, l’administration et la presse capitolines évoquent souvent spontanément la densité des vestiges enfouis sous le sol de la Ville éternelle. Dans les années 1970, les péripéties de la réalisation de la ligne A ont ancré dans l’opinion l’idée qu’« il suffit de tomber sur le moindre fragment de construction ancienne pour que les travaux soient immédiatement Paris possède 16 lignes et 250 km, Londres 12 lignes et 380 km, Madrid 11 lignes et 270 km. 2 En 2011, le taux de motorisation atteignait huit voitures pour dix habitants. Voir ATAC, Carta dei servizi del trasporto pubblico a Roma, Roma : ATAC, 2011. 1 250 Une capitale sans métro ? stoppés » 3 : de très nombreux restes, d’inégale importance, furent trouvés pendant le chantier, contribuant à ralentir et à renchérir considérablement le projet 4. Mais s’il est incontestable que les richesses du sous-sol romain entraînent d’importantes contraintes techniques (essentiellement pour l’aménagement des stations) et financières, leur intégration aux projets a été envisagée depuis longtemps 5. Par ailleurs, d’autres villes à la structure complexe ont su concilier conservation archéologique et développement du métropolitain : l’exemple athénien a récemment montré que la planification intégrée et la collaboration interdisciplinaire permettaient de surmonter les difficultés techniques les plus ardues. Le « complexe de Proserpine » Plusieurs travaux d’histoire sociale 6 ont mis en évidence la diffusion dans les milieux techniques et politiques italiens d’une « culture de l’automobile » et d’une défiance envers les transports collectifs. De façon beaucoup plus caricaturale, la presse locale a longtemps relayé l’idée que les Romains, « peuple de conducteurs », souffraient du « complexe de Proserpine », c’est-à-dire la « répulsion instinctive des peuples méditerranéens à descendre sous terre » 7. « Les Romains considèrent le métro comme une véritable profanation faite à la ville du soleil, des arbres et des fontaines cristallines. […] Imaginez les vibrations du monstre alors que vous vous promenez dans les ruelles tranquilles du Trastevere. » 8 Si les premiers travaux cités sont dignes d’attention et invitent au débat, il en va différemment des clichés énumérés par la suite. La limite est parfois mince entre l’approche culturelle et une perspective culturaliste très répandue, au point d’être devenue un lieu commun. Mariotti Bianchi Umberto, I trasporti a Roma, Roma : Tascabile, 1995, p. 45. Federico Fellini en a livré un témoignage fantasmagorique dans une célèbre scène de Fellini Roma (1972). 5 Ainsi, les études préalables au projet de 1928 (voir plus loin) inclurent d’importantes campagnes d’exploration du sous-sol, qui permirent de réunir un précieux matériel scientifique ; les tracés furent définis en accord avec les meilleurs archéologues du moment et le projet final fut approuvé par la direction des beaux-arts. 6 Voir par exemple Marchesini Daniele, Cuori e motori. Storia della Mille Miglia, Bologna : Il Mulino, 2001, 288 p. ; Paolini Federico, Storia sociale dell’automobile in Italia, Roma : Carocci, 2007, 160 p. 7 Citations tirées de Ascarelli Giovanni, Architettura dei trasporti urbani, Appunti per un’analisi, Roma : Kappa, 1997, p. 39‑40. 8 Gazzetti Gian Luigi, « La metropolitana a Roma », Capitolium, n° 1953‑3, 1953, p. 70. 3 4 251 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua En effet, à Rome, une grande partie de la périphérie est dépendante de l’automobile, de telle sorte que l’utilisation d’un mode privé est beaucoup moins un choix qu’une contrainte pour se déplacer. En outre, la relation entre les Romains et leurs transports est au moins autant une conséquence qu’une cause des lacunes de l’offre dans la capitale italienne. Bien souvent, c’est l’offre qui crée la demande : à Madrid, capitale comme Rome d’un pays méditerranéen longtemps sous-équipé en infrastructures de transport public urbain, le développement spectaculaire du réseau de métro au cours des deux dernières décennies a entraîné une évolution spectaculaire du partage modal en faveur des modes collectifs 9. Rome Capitale : l’introuvable consensus sur la solution métropolitaine (1870‑1922) La question de la « maturité » de la ville Au cours des premières années de Rome Capitale 10, la réflexion sur le transport urbain souterrain releva d’initiatives individuelles, souvent issues de membres éminents des cercles d’ingénieurs. Largement inspirés de l’exemple londonien, plusieurs projets de réseau furent soumis à l’avis de « commissions spéciales » créées ad hoc par la Commune ou par l’État. Ils furent tous refusés au motif que la ville, qui était encore en 1870 une cité provinciale de 220 000 habitants restée à l’écart de l’industrialisation, n’était pas « suffisamment mûre » pour accueillir un mode de transport lourd et souterrain. « Le projet présenté n’a pas réellement étudié les besoins à satisfaire et reste vague et flou. […] La population et les distances dans Rome sont encore trop faibles pour justifier les dépenses engendrées par la traversée souterraine de la ville par des lignes métropolitaines. » 11 L’étendue du réseau a plus que doublé dans la capitale espagnole, passant de 115 kilomètres de lignes en 1994 à près de 280 kilomètres en 2008. Au cours de ces quinze années, le partage modal s’est sensiblement rééquilibré au profit des modes collectifs. 10 Unifiée depuis 1861, l’Italie n’acheva véritablement son Risorgimento qu’avec la prise de Rome en septembre 1870 et la décision de faire de la ville la capitale de la nouvelle monarchie. 11 Archivio storico capitolino, fonds « Strade ferrate », 1884, opuscule n° 15/78, p. 4. 9 252 Une capitale sans métro ? La concurrence du chemin de fer et du tramway Dans un deuxième temps, les projets évoluèrent vers des lignes circulaires, périphériques à l’aire habitée, qui proposaient de contourner la ville au plus près afin d’assurer une double fonction de desserte urbaine et de ligne ferrée de ceinture. Mais ce compromis fut lui aussi jugé insatisfaisant : selon les autorités locales comme nationales, le métropolitain serait moins efficace que le tramway et moins économique qu’une véritable ligne ferrée de ceinture à l’air libre. « Les projets présentés, envisagés comme lignes de service urbain interne, ne peuvent présenter une utilité supérieure aux tramways et omnibus [à cheval] qui traversent la ville sans interférer avec le transit. […] Considérés comme tronçons de liaison entre les futures gares de Rome, ils ne présentent que peu d’intérêt en raison de leur efficacité limitée. » 12 En réalité, ces projets se heurtèrent à l’indifférence, voire à l’hostilité, de deux acteurs majeurs des transports à Rome. D’un côté les compagnies de chemins de fer, en proie à de graves difficultés financières – elles furent finalement nationalisées en 1903 –, n’avaient développé aucune compétence ou expertise relative aux réseaux souterrains ; aussi la création d’une ligne ferroviaire de ceinture, sur le modèle viennois ou parisien, était-elle privilégiée 13. De l’autre la compagnie locale de transport urbain – la SRTO –, en position de monopole, n’avait aucun intérêt à se lancer dans une entreprise aventureuse, alors que l’exploitation de son réseau d’omnibus et de tramways lui assurait de confortables bénéfices. À ce jeu d’acteurs stérile s’ajouta, selon l’historien de l’urbanisme Italo Insolera, une défiance plus profonde envers le métropolitain. En effet, au seuil de la grande vague de développement du métro dans les villes européennes, construire en souterrain n’était pas perçu par la classe dirigeante italienne et romaine comme un gage de modernité technique ; au contraire, « enfouir les lignes sous terre aurait été ressenti comme un échec, un renoncement à une certaine image de la ville » 14. Aussi la construction d’un métro ne fut-elle jamais envisagée comme un élément possible dans l’œuvre de modernisation de la nouvelle capitale. Archivio storico capitolino, fonds « Strade ferrate », 1888, opuscule n° 15/81, p. 9. Voir sur ce point Guzzanti Corrado, « I trasporti urbani », Unione romana ingegneri e architetti, La terza Roma, Lo sviluppo urbanistico edilizio e tecnico di Roma Capitale, Roma : Palombi, 1971, p. 227‑232. 14 Entretien avec Italo Insolera, 10 janvier 2007. Voir aussi Insolera Italo, Roma moderna, un secolo di storia urbanistica, Torino : Einaudi, 1962, rééd. 1993. 12 13 253 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua Les ambiguïtés de la période fasciste : une entrée paradoxale dans le club des « métro-poles » (1922‑1950) La conversion au métro : une conjonction de facteurs Le basculement idéologique intervint au milieu des années 1920 : le 29 décembre 1924, alors que la solution métropolitaine semblait définitivement enterrée, un avis du Conseil supérieur des travaux publics relançait les études. « Il n’y a absolument aucun doute sur le fait qu’une capitale moderne ayant la dimension et la force expansive de Rome ait besoin de ce moyen de communication [le métropolitain]. […] Il paraît donc opportun d’étudier un plan organique de métro, qui tienne compte du développement démographique et édilitaire de la ville et de l’urgence de mettre en œuvre des communications rapides entre le centre et la périphérie. » 15 De fait, l’élan démographique et urbain des années 1920 avait engendré un changement d’échelle de l’organisme urbain, qui atteignait 800 000 habitants en 1926 et s’étendait désormais jusqu’à six kilomètres du Capitole. Ces évolutions entraînèrent une différenciation croissante entre le centre historique, dense et riche en équipements publics, et des périphéries résidentielles à la croissance mal encadrée. Aussi la nécessité d’apporter des réponses aux nouveaux besoins de mobilité de la population romaine, notamment par la mise en service de moyens de transport collectif adaptés, contribua-t-elle à poser en des termes nouveaux la question du métropolitain. En attestent les recommandations quelque peu incantatoires du comité technique interministériel qui fut chargé en 1926 de définir les caractéristiques constructives d’un nouveau métro. « Il convient d’adapter les moyens de communication à la forme et la maturité de la ville : après la ville pédestre (un kilomètre de rayon et environ 60 000 habitants) et la ville des tramways (trois kilomètres de rayon et environ 600 000 habitants) est arrivé le temps de la ville des métros (six kilomètres de rayon et environ un million d’habitants). » 16 La relance du métro fut également l’une des expressions des ambitions fascistes pour la capitale. En effet, la rhétorique fasciste Extrait du rapport cité in Capitolium n° 1926‑6, 1926, p. 370. Comitato tecnico interministeriale per una metropolitana, Progetto di metropoli tana per la città di Roma, Roma, 1928, p. 2. 15 16 254 Une capitale sans métro ? avait fait de Rome la vitrine non seulement de l’urbanisme « officiel », mais aussi de la modernité du régime 17. En construisant un métropolitain, la capitale italienne donnerait un témoignage de la vitalité technique et industrielle du pays, tout en s’alignant sur les standards européens. Le rapport du Conseil supérieur multipliait d’ailleurs les références à Londres, à Paris, mais aussi à Madrid, qui était alors en plein développement. En cet entre-deux-guerres marqué par une intense circulation des idées et des modèles, le métropolitain s’était enfin imposé en Italie comme le mode symbolisant la modernité technique et urbaine. Le caractère autoritaire du régime permit, en outre, de limiter voire d’annihiler les oppositions locales au métro : alors que la compagnie de transport urbain fut nationalisée, la Commune de Rome fut transformée en « gouvernorat » placé sous la tutelle directe du gouvernement. Cette nationalisation de la question du métro fut parachevée par l’émergence d’un nouvel acteur fort : le Conseil supérieur des travaux publics. Dominée par les ingénieurs des grandes écoles italiennes et dotée d’une véritable capacité d’expertise, cette structure devint sous le fascisme l’organe principal de contrôle et de validation des projets dans les champs technique et urbanistique. Enfin, la réhabilitation du métro fut liée à l’affirmation d’une discipline urbanistique alors naissante. En 1916, le jeune Marcello Piacentini fut le premier urbaniste à présenter un projet de métro inséré dans le cadre d’un programme global d’aménagement de Rome. Il s’agissait d’un réseau de dix kilomètres de lignes radiales ménageant des liaisons directes entre les grands équipements du centre, les gares, les parcs et les quartiers les plus importants de la périphérie. Une différenciation claire était établie entre linee di circonvallazione, qui « se développent autour du périmètre urbanisé d’une ville et relient entre elles les principales gares du réseau ferro viaire » et linee metropolitane, considérées comme des « moyens de desserte rapide de la périphérie depuis le centre » 18. En 1918, le projet de son collègue et concurrent Gustavo Giovannoni témoigna d’une prise en compte encore plus fine des liens entre métropolitain et aménagement urbain : le métro y était présenté à la fois comme un instrument de décongestion et de sauvegarde du centre historique Voir Cederna Antonio, Mussolini urbanista. Lo sventramento di Roma negli anni del consenso, Roma & Bari : Laterza, 1979. 18 Piacentini Marcello, Sulla conservazione della bellezza di Roma e sullo sviluppo della città moderna, Roma : Aternum, 1916. 17 255 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua de Rome et comme un moyen de connecter au centre les nouveaux quartiers résidentiels appelés à se développer en périphérie 19. Les réflexions se poursuivirent de façon informelle, notamment dans le cadre de l’Exposition générale sur les plans régulateurs de Rome de 1926, qui présenta des projets réalisés par les meilleurs représentants de l’urbanisme romain de l’entre-deux-guerres. Les tracés de métropolitain constituaient désormais un élément central des dessins des plans, au service de la transformation urbaine. C’est dans ce contexte qu’un décret royal du 18 août 1926 institua un comité technique interministériel, chargé de planifier un véritable réseau métropolitain. Le projet définitif fut remis au gouvernement en 1928 (carte 1). La solution du métro semblait donc s’imposer au moment où la ville s’affirmait comme la vitrine du régime et atteignait la dimension physique et fonctionnelle d’une métropole. Les travaux devaient commencer en 1932 et s’étaler sur une décennie. Mais en janvier 1931, la mise en œuvre fut reportée par le ministère des Travaux publics à une « époque non définie ». Si l’historiographie n’a pas encore éclairci les causes de ce nouveau revirement, il semble toutefois plausible qu’il soit en partie lié à la dynamique nouvelle qui toucha alors les réseaux de surface, qui captèrent en effet l’attention à l’heure où leur exploitation était unifiée au sein de l’ATAG en 1927. Le redéploiement du réseau de surface : le détournement de l’attention portée aux projets de métro La période fasciste vit effectivement la circulation automobile s’intensifier au cœur de Rome, alors que ce nouveau moyen de déplacement était encore un bien de luxe. À partir du milieu des années 1920, les tramways furent décrits comme le principal obstacle à la fluidité du trafic dans les zones les plus centrales. La critique la plus célèbre demeure celle de Benito Mussolini lui-même, qui demanda dès 1925 que le gouverneur de Rome « débarrasse les rues monumentales de Rome de la sotte contamination des tramways » 20. Giovannoni Gustavo, Le questioni edilizie romane attinenti al Piano delle comunica zioni cittadine, Roma : Tipografia dell’Unione, 1918. 20 Chiapparo Maria Rosa, « Le mythe de la Terza Roma ou l’immense théâtre de la Rome fasciste », Nuovo Rinascimento [article mis en ligne le 19 septembre 2011], p. 21‑22. 19 256 Une capitale sans métro ? Carte 1 : Projet définitif de métropolitain de 1928 Source : Comitato tecnico interministeriale per una metropolitana, Progetto di metropolitana per la città di Roma, Roma, 1928 257 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua Néanmoins, le Duce s’était empressé d’ajouter que l’édile devrait « doter les nouveaux quartiers qui naîtraient en anneaux autour de la ville ancienne de moyens de communication ultra-modernes ». De fait, c’est une puissante modernisation des réseaux de surface qui s’opéra en janvier 1930 : si les tramways disparaissent alors de la zone centrale délimitée par les murailles auréliennes, ils sont redéployés au service de la desserte des périphéries en croissance, le long de vingt-quatre radiales venant se connecter à deux nouvelles lignes circulaires concentriques. Le centre reste desservi par un mode à la modernité assumée : l’autobus. Hiérarchisation, modernisation et adaptation au territoire : l’innovation se trouve bien en surface. Le régime fit d’ailleurs entrer ces systèmes de surface, notamment ceux à propulsion électrique, dans son jeu d’autocélébration, en raison de la situation énergétique catastrophique de l’Italie fasciste ; isolée sur la scène internationale après son intervention en Éthiopie en 1935‑1936. Ainsi, le tramway bénéficia d’une innovation technique de tout premier plan : la mise au point d’une rame articulée, issue en 1940 de la collaboration entre l’ATAG et la Stanga. Mais, surtout, les rues de Rome furent progressivement parcourues par des centaines de trolleybus. À l’image de ce que connut Londres à la même époque, la capitale italienne s’appuya sur ce nouveau système pour assurer un service de surface fiable, rapide et de capacité satisfaisante 21. À partir de janvier 1937, FIAT fournit ainsi des trolleybus pour desservir les nouveaux lieux les plus prestigieux de la capitale, à l’instar du complexe sportif et culturel du Foro Italico et des espaces devant accueillir l’Exposition universelle de 1942 (EUR), véritable vitrine que le régime espérait présenter au monde. Ainsi est-il possible de considérer que l’entre-deux-guerres – notamment les années 1930 – fut marqué par un intérêt certain porté aux transports de surface. Les plans les concernant aboutirent rapidement, les matériels furent modernisés et les réseaux redéployés. De telles évolutions furent d’ailleurs constatées dans d’autres agglomérations européennes comme Paris ou Londres. Les modes de surface – thermiques ou électriques – bénéficiaient d’une modernité encore assurée, alors que l’automobile individuelle demeurait un objet socialement élitiste. La dynamique démographique spécifique de Rome vint ajouter à ce tableau la rapidité de l’expansion de son urbanisation, Voir Taylor Hugh, London Trolleybuses, a class album, Harrow : Capital Transport, 2006. 21 258 Une capitale sans métro ? que les modes de surface semblaient seuls capables de suivre, avec toutefois un certain décalage. Après la Seconde Guerre mondiale, les dynamiques du métro et, surtout, de l’automobile vinrent bousculer cet équilibre. Temps long du métro et enlisement du réseau de surface (1950‑1970) Finalement, le métro En 1955, Rome inaugura sa première ligne de métro. Cette ligne, dont le parcours se faisait alternativement en surface et souterrain, reliait la gare de Termini au quartier où aurait dû se dérouler l’Exposition universelle, dont le projet avait été abandonné en raison du conflit mondial. Elle s’appuyait dans son parcours aérien sur une partie du tracé de la ligne ferroviaire reliant Rome au Lido d’Ostie. Il s’agissait ainsi pleinement de l’héritage d’un projet fasciste, dont les premiers tunnels avaient été percés au début des années 1940. Sa reprise par l’Italie républicaine ne s’était d’ailleurs pas opérée sans de nombreuses réticences. Surtout, cette première ligne de métro était issue d’un projet événementiel. Que l’exposition elle-même n’ait pas eu lieu n’empêcha pas le quartier de l’EUR d’accueillir progressivement des institutions publiques importantes, des activités tertiaires et du logement. La desserte de ce quartier neuf était donc assurée depuis le centre-ville et la gare. Mais l’accumulation des embouteillages sur la via Cristoforo Colombo, l’axe routier principal desservant l’EUR, témoigna rapidement du décalage entre les besoins de mobilité et la nouvelle infrastructure ferrée. Conçue pour desservir un lieu de prestige, elle était incapable de répondre à la demande de déplacements des populations parties s’installer en périphérie, notamment à l’est de la ville, où les constructions illégales (borgate abusive) sans lien avec les réseaux de transport public se multipliaient. Le parallèle avec Paris est ici saisissant. Le projet de métro parisien a également connu des difficultés et controverses multiples pendant un demi-siècle avant d’aboutir, l’Exposition universelle de 1900 jouant le rôle de catalyseur. Mais si l’infrastructure fut ouverte pour coïncider avec l’événement, elle n’était pas fondamentalement conçue pour desservir les sites de l’exposition, d’ailleurs multiples. Il s’agissait bien du début d’un réseau qui se développa rapidement au cours des années suivantes. En revanche, à Rome, si l’événement a joué le rôle de catalyseur, il a également défini les zones à desservir, au risque de provoquer un décalage avec l’urbanisation et la dynamique de réseau. 259 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua En 1962, les pouvoirs publics confièrent donc au Plan régulateur général (PRG) la mission d’organiser le développement de l’agglomération, notamment à partir de l’idée d’un axe structurant nouveau s’étendant à l’est de la capitale. Les mobilités associées à la structure fonctionnelle et zonale définie par le PRG reposaient avant tout sur l’automobile, mais aussi sur de puissantes lignes de métro à construire. Las, la mise en œuvre du plan se heurta à de multiples difficultés, laissant ainsi la voie libre à l’abusivismo. La réalisation de la seconde ligne témoigna de ces difficultés et des lenteurs d’avancement des projets, dans un contexte économique pourtant florissant. Inscrite à l’agenda en 1959, cette nouvelle infrastructure vit ses travaux débuter en 1964. Mais le chantier s’avéra complexe, notamment du fait du choix technique d’avoir recours à des tranchées ouvertes, à l’origine de gigantesques problèmes de circulation. L’inauguration de cet axe ouest/sud-est n’eut finalement lieu qu’en 1980. La démocratisation de l’automobile et le repli des modes collectifs de surface L’évolution la plus spectaculaire de la mobilité romaine d’aprèsguerre ne se joua donc pas véritablement dans le champ des transports collectifs, mais concerna l’automobile individuelle. En effet, la décennie 1955‑1965 vit les taux de motorisation romains progresser rapidement, au fur et à mesure que l’agglomération s’étendait et que sa démographie s’accroissait. Cette démocratisation trouva dans le contexte italien une expression spécifique, en lien avec le triomphe des petits véhicules produits par le constructeur national FIAT, dont le modèle vedette, la FIAT 500 (1957), s’imposa comme une icône du mode de vie italien. Du point de vue des transports collectifs, cette motorisation de masse se traduisit par une désaffection de la clientèle et un certain discrédit d’une part, par une pression nouvelle sur la chaussée de l’autre. La faiblesse de l’offre ferroviaire romaine eu effectivement comme corollaire la grande sensibilité des transports collectifs aux conditions de circulation sur une voirie rapidement perçue comme trop exiguë pour assurer la fluidité des différents trafics. Ainsi, la compagnie municipale ATAC, qui avait remplacé l’ATAG, lança au cours des années 1950 une politique de déplacement de ses installations fixes en vue de dégager au mieux l’espace circulatoire. Contrainte par des finances qui l’empêchaient de suivre l’urbanisation galopante par l’extension des services existants, l’ATAC pratiqua 260 Une capitale sans métro ? un jeu de substitution des modes de transport de surface, si bien qu’elle fit évoluer son offre à parc pratiquement inchangé – et donc vieillissant. Alors que les tramways furent remis en cause du fait de l’espace qu’ils occupaient dans les zones les plus centrales – même s’ils avaient quitté le cœur de Rome depuis 1930 –, l’ATAC choisit de leur substituer des autobus et de les redéployer en périphérie. Le jeu se compliqua sur certaines lignes lorsque le trolleybus intervint dans ces substitutions. Alors que s’ouvrait un métro incapable de répondre à l’ampleur des besoins de déplacement d’une ville en croissance rapide, les transports de surface tentèrent ainsi d’assurer une offre minimale, qui cherchait à rallier des pôles d’urbanisation déconnectés les uns des autres. Aussi la coordination qui se construisit s’opéra-t-elle sous de multiples contraintes : finances délicates, extension de l’urbanisation, congestion, vieillissement du parc, etc. Cette pression permanente conduisit à redistribuer les cartes au sein du monde des transports de surface. Alors que tramways, trolleybus et autobus avaient trouvé leur pertinence pour la desserte d’une ville encore faiblement motorisée avant la guerre, la solution du site propre – d’abord conçue comme étant celle du métro – s’imposa comme une voie de salut pour les transports publics. La modernité, qui fut celle de l’autobus et du trolleybus de l’entredeux-guerres, sembla donc s’effacer au profit de la nouvelle venue : l’automobile. C’est de nouveau un événement international, qui cette fois se déroula comme prévu, qui marqua alors l’histoire de la mobilité romaine : les Jeux olympiques de 1960. Les Jeux olympiques de 1960 et la construction d’une Rome moderne Conçus comme le symbole du retour sur la scène mondiale d’une Italie nouvelle débarrassée du fascisme, les Jeux olympiques furent l’occasion pour la métropole italienne d’intégrer pleinement le système automobile en son sein. Donnant lieu à des réaménagements d’ampleur dans la ville, l’événement vit se multiplier les réalisations en faveur de la fluidité du trafic routier. Les principales figures de cette intervention, déterminée par l’idéologie de la séparation des flux, furent les passages souterrains permettant d’éviter au maximum les carrefours. L’autre transformation liée à la politique circulatoire alors mise en œuvre fut la suppression des marciatram, ces espaces réservés à la circulation des tramways le long de la voirie. Leur démantèlement, engagé ponctuellement jusqu’alors, devint un objectif au début de l’année 1960. L’espace ainsi libéré fut généralement ouvert à la circulation automobile, même si certains marciatram furent longuement laissés à l’abandon. 261 Aurélien Delpirou, Arnaud Passalacqua Les tramways virent donc leur territoire se réduire : leur substitution par des autobus et trolleybus fut inscrite dans un plan de l’ATAC de 1959 visant à assouplir et fluidifier au mieux un espace de circulation devenu le visage que Rome voulait présenter au monde lors des Jeux olympiques. De nombreuses lignes furent donc transformées, la mutation la plus emblématique étant sans doute le remplacement partiel des tramways sur la ligne circulaire empruntant les quais du Tibre, du fait de leur mise en sens unique en août 1960, juste avant l’ouverture des Jeux. Grand vainqueur du nouveau jeu modal, dans un contexte morose pour les transports publics, l’autobus remplaça le plus souvent le tramway ou le trolleybus… quitte à ce que l’ATAC loue des véhicules sur une durée pouvant être de plusieurs années, notamment auprès des constructeurs italiens. Ainsi, face à ces réalisations en faveur de l’automobile, les véritables projets de transport public apparaissent modestes : une nouvelle ligne de métro fut tardivement lancée en 1959, tandis que les réseaux de surface furent plutôt réduits que véritablement promus. Il fallut attendre la fin de la décennie 1960 pour que s’impose l’idée que le site propre pourrait également être un moyen de préserver une offre de transport de surface de qualité. Après l’élection d’une municipalité dans laquelle la démocratie chrétienne partageait le pouvoir avec les socialistes, les premiers couloirs d’autobus furent ouverts en 1968, avant que les grands axes romains (Tiburtina, Nomentana, Prenestina, etc.) en soient finalement équipés au début des années 1970. Conclusion Finalement, les tensions entre le métro et les modes de surface romains, individuels comme collectifs, contribuent à expliquer les carences du réseau souterrain desservant actuellement la capitale italienne. Loin d’être le résultat d’une politique de coordination, le métro romain résulte plutôt d’avancées par à-coups, au gré des changements de regard sur l’un ou l’autre des systèmes de transport. Au-delà des explications traditionnellement avancées, ce sont bien les difficultés d’émergence d’un consensus, les ambiguïtés fascistes et l’avènement d’une urbanisation incontrôlée qui sont successivement à l’origine de la faiblesse romaine en la matière. Le rôle des transports collectifs de surface, concurrents plutôt qu’alliés sur les trois périodes considérées ici, explique également la lenteur des réalisations souterraines. Aujourd’hui, après un programme volontariste de création et de rénovation des infrastructures ferroviaires romaines – la Cura del ferro 262 Une capitale sans métro ? (1993‑2008) –, l’agglomération doit toujours faire face à un lourd déficit de desserte en transports ferrés. La troisième ligne du métro, dont les travaux ont été engagés à la suite d’un financement obtenu à la fin des années 1990, devrait être probablement inaugurée dans les prochaines années. Quant au réseau de tramway, sa relance, par la création de la ligne 8 en 1998, s’est essoufflée. D’une façon générale et pour dépasser le contexte romain, cette histoire des transports urbains de la capitale italienne pose la question des terrains où se portent les notions de concurrence et de coordination. En effet, s’il y a bien un jeu de tensions entre transports collectifs de surface et métro, et entre transports collectifs et automobiles, les enjeux ne s’y limitent pas. Tout d’abord, au sein de chaque système – métro, transports de surface et automobile –, la différence entre la planification et sa mise en œuvre est sensible. La nécessaire longue durée de la mise en œuvre des projets – liée à des difficultés techniques, à leur poids financier ou à des blocages institutionnels – conduit à un décalage entre la réalisation et la planification, alors que l’urbanisation n’a elle-même pas directement suivi les lignes préalablement définies. La coordination doit donc se comprendre comme opérant entre des projets de papier qui suivent leur propre cheminement. Ensuite, il semble qu’entre concurrence et coordination il existe une voie médiane, qui serait celle de l’hybridation. Le cas romain l’illustre à partir des substitutions entre modes de surface : un système peut prendre la place d’un autre. D’autres villes et d’autres époques montrent également comment des systèmes hybrides parviennent à capter les qualités du mode dominant : le site propre n’est-il pas une forme d’adaptation de ce qui fait la force du métro à la surface ? Enfin, la bataille que se livrent les modes de transport se joue dans un contexte urbain qui ouvre la voie à une autre coordination, celle de ces systèmes avec la ville elle-même. C’est probablement sur ce plan que Rome présente un visage extrêmement particulier : elle donne le sentiment d’une ville dont la coordination avec les transports collectifs est régulièrement manquée, malgré les discussions nombreuses portant sur la mobilité romaine. 263 Quatrième partie Coordination de la mobilité, conflits et groupes de pression Fourth Part Coordination of mobility, conflicts and lobbies Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? Wulfhard Stahl, World Trade Institute (Universität Bern) Abstract : Hermann Ortloff (1829-1920) and Eduard Bertz (1853-1931) represent opposite positions regarding the status of bicycles circa 1900. Ortloff, an estab lished lawyer, stated his case in detail in his book Das Fahrrad im öffentlichen Verkehr (The Bicycle in Public Traffic; 1899) and argued that the newly introduced means of transportation should be allotted as little public space as possible. Bertz, a writer and philosopher who was in favour of as much public space and freedom for cyclists as possible, touched on the legal aspects in his Philosophie des Fahrrads (Philosophy of the Bicycles; 1900). He nonetheless conceded that for cyclists’ vital interests, certain rules and regulations were necessary. Juxtaposing both sides as “conservative” or “progressive” may define the opposition between them, but does not reflect the content. Although Ortloff’s views provoked a harsh reaction from Bertz, they were less idealistic and turned out to be more relevant in day-to-day life than Bertz’s who backed the new invention based on its promise. Schon vor 1918 hatte die Koordination des Verkehrs eine Geschichte – sie reichte, bezogen auf das Fahrrad, zurück bis ungefähr in die Mitte der 1890er-Jahre. In diesen Jahren gewann mit dem Aufkommen des Fahrrads als Massenverkehrsmittel das Problem an Schärfe, wie die einzelnen Verkehrsteilnehmer sich auf der Strasse verhalten sollten. Zwei Autoren seien im Folgenden vorgestellt, die auf anregend unterschiedliche Weise zum Fahrradwesen im öffentlichen Raum Stellung bezogen haben. Auf der einen Seite steht Hermann Ortloff (1829-1920), Landgerichtsrat, ausserordentlicher Professor des Kriminalrechts, Verfasser gewichtiger, umfangreicher Rechtstexte, eine heute 267 Wulfhard Stahl eher vergessene Koryphäe der Jurisprudenz des 19. Jahrhunderts 1; auf der anderen Seite Eduard Bertz (1853-1931), Romancier, Philosoph, Kritiker, gelegentlich erwähnt in Büchern über das nervöse Wilhelminische Zeitalter und zur Fahrradgeschichte 2. Berührung miteinander hatten sie nur auf dem Papier, im Streit um die Verkehrswegerechte des Fahrrads. Ortloff ist der streng, konsequent und normativ argumentierende Jurist, seiner Tradition verpflichtet, sich rundum absichernd, als könne er haftbar gemacht werden für seine Herleitungen und Gesetzesentwürfe, denen er ein ganzes Buch widmet: Das Radfahren im öffentlichen Verkehr 3. Bertz hingegen eignet ein gewisser Freigeist, er argumentiert appellativ und bleibt insofern kursorisch, als er die genannte Problematik nur in zwei Kapiteln seiner Philosophie des Fahrrads anschneidet 4. Es ist demnach ein ungleiches Paar, das uns hier begegnet und dessen Positionen wir, aus historischer Distanz, zu Teilen nur zur Kenntnis nehmen können. Hermann Ortloff publizierte zwischen 1857 und 1905 mindestens zwanzig grössere Arbeiten, darunter Titel wie Die Enzyklopädie der Rechtswissenschaft in ihrer gegen wärtigen Bedeutung (1857), Der fiskalische Strafprozeß (1859), Der Verkehr mit Nahrungs- und Genußmitteln (1882) und Reform des Studiums der Rechts- und Staats wissenschaften (1887). 2 Eduard Bertz’ Œuvre ist schmal: Er verfasste drei Romane und – auf englisch – eine Jugenderzählung, neben dem Fahrradbuch zwei weitere philosophische Abhandlungen sowie drei grössere Arbeiten über den Dichter Walt Whitman. Biographische und bibliographische Details siehe in Stahl Wulfhard, «‘Denker Ihrer Art hat Deutschland mehr als jemals nötig.’ – Eduard Bertz (1853-1931). Eine Spurenlese», Aus dem Antiquariat NF 6, 2008, Nr. 3, p. 155-161. 3 Jena: Hermann Costenoble, 1899, VII + 224 p. Ein Vorläufer zu diesem Buch war Ortloffs Artikel «Polizeiliche Regelung des Radfahrens», Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft, 1897, p. 437-472. – Als ergänzende Lektüre sei empfohlen Schumacher Johannes, «Das Recht des Radfahrers», in Lessing Hans-Erhard (Hg.), Fahrradkultur 1: Der Höhepunkt um 1900, Reinbek bei Hamburg: Rowohlt Taschenbuch Verlag 1982, p. 475-538. 4 Die Erstausgabe mit 254 Seiten erschien 1900 im Verlag von Carl Reißner, Dresden und Leipzig, und wurde nachgewiesen elfmal rezensiert; 1984 besorgte Reinhard Kuballe, Osnabrück, einen photomechanischen Nachdruck von 50 Exemplaren; 1997 gab der Verfasser eine Neuausgabe heraus, erweitert um vier weitere Aufsätze von Bertz zum Fahrradwesen sowie um ein Namenregister samt Nachwort (Paderborn: Snayder Verlag, 265 p.); 2012 erschien eine vom Verfasser in Anmerkungen, Register und Nachwort gründlich überarbeitete Ausgabe (Hildesheim/Zürich/New York: Georg Olms, 306 p.). – Auszüge brachten BZ-Magazin [Freiburg i. B.], 8./9. Sep. 1984, p. 2; Die Zeit [Hamburg], 15. Juni 1990, Nr. 25, p. 73; Wochenpost [Berlin], 15. Juli 1993, Nr. 29, p. 34-35; Universitas. Orientieren! Wissen! Handeln!, Nr. 792, Juni 2012 (Schwerpunkt Mobilität), p. 57-73; Badische Zeitung [Freiburg i. B.], 11. August 2012, Magazin, p. III. 1 268 Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? Ortloff ist der von Bertz am häufigsten genannte Autor und avanciert damit zu dessen Lieblingsgegner bei der Klärung der Frage, wo und wie sich RadfahrerInnen am besten bewegen sollten. Sein Buch sei daher im Folgenden kurz skizziert. In Teil I beschreibt Ortloff die herrschenden Verhältnisse im Fahrradwesen. Dieser mit «Allgemeine Betrachtungen» überschriebene Abschnitt ist in sieben Artikel unterteilt, die uns einen Einblick in seine Wahrnehmung und Wertung gestatten. Den Sieg, den das Fahrrad «über alle Fuhrwerke» errungen hat und der sogar ein «internationaler» zu werden verspricht, räumt Ortloff in Artikel I «Das Radfahren eine Verkehrsmacht» unumwunden ein. Er anerkennt zudem die Vorteile des Fahrrads, das seinen Platz im Alltagsleben erobert hat, «als ein leicht handliches und zugleich elegantes Fuhrwerk». Fürchtet er sich aber nicht auch ein wenig davor? Er bedauert «die armseligen Fussgänger, denen es nicht vergönnt ist, sich der dahin sausenden Flug- und Rollmaschine bedienen zu können» 5, und bei den Radfahrern konstatiert er ein «unangemessenes Selbst bewusstsein, das oft nahe an Selbstüberschätzung grenzt» 6, ebenso das «Machtbewusstsein einer Überlegenheit des Radfahrers, so lange dieser auf dem Rade sitzt» 7. Diese Einschätzungen gleich am Anfang seines Buches machen es der Diktion wegen nicht gerade leicht, sich mit Ortloff anzufreunden. «Eine Ausscheidung der Unvernünftigen und eine Fügung der Vernünftigen in die allgemeine Verkehrsordnung ist durchaus zu verlan gen» 8 – dies das Fazit des mit «Die Radfahrerklassen» überschriebenen Artikels II. Von denen gibt es zwei: die «Geschäfts- oder Berufsfahrer» bilden die Hauptklasse 9 ; die «Sportfahrer, denen das Rad […] zum Wohlbefinden, zur Erholung, zur Unterhaltung, zum nervenkitzelnden Vergnügen dient – oft nur als ein vornehmes Spielzeug und Parade mittel» 10, sind die andere Klasse, unterteilbar noch in ernstzunehmende Rennbahnwettfahrer und touristisch orientierte Radler versus solche, die der «Bummelei» 11 frönen und sich durch Rücksichtslosigkeit und Feigheit auszeichnen. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 8. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 8. 7 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 9. 8 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 18. 9 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 10. 10 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 11. 11 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 11. 5 6 269 Wulfhard Stahl «Die Gefährlichkeit des Radfahrens für den Fahrer», so der Titel von Artikel III, und damit die Notwendigkeit einer Ordnung liegt nach Ortloff im Fahrrad selbst begründet: Zwei Räder, die auf nur punktgrossen Flächen Verbindung zum Erdboden haben, sorgen nicht eben für Stabilität (von Wind- und Wegeverhältnissen ganz abgesehen); «Rasanz oder Trieb- und Flugkraft der Maschine» 12 verleiten zu hoher Geschwindigkeit, die wiederum nicht allen Fahrern zuträglich ist – folglich soll die polizeiliche Fahrerlaubnis von einem ärztlichen Zeugnis abhängig gemacht werden. Ortloff rekurriert in seiner Argumentation auf den Stand medizinischer Erkenntnisse, wie sie pro und contra Radfahren seinerzeit von deutschen, englischen und französischen Ärzten massenhaft publiziert wurden und auf die er in extenso verweist. Fragen nach der charakterlichen Eignung zum Benutzen eines Fahrrads (Übertreibung versus Selbstbeherrschung und Masshaltung sind Stichwörter der Diskussion) und grundsätzliche kulturelle wie auch sozialpolitische Erwägungen fallen dabei in eins. «Die Lust [am Radfahren] überwiegt» 13 – medizinische Argumente prallen da genauso wirkungslos ab wie ins Feld geführte ästhetische Überlegungen: so seien die Strampelbewegungen beim Radfahren, von hinten gesehen, schon beim Mann unschön, bei der Frau sogar doppelt. Das Neue des Massenphänomens Fahrrad, noch dazu, wenn es für das probate Mittel gegen die Nervosität des Zeitalters gehalten wird, überwiegt und verführt dazu, real nachvollziehbare Gefährdungen zu negieren. Ortloffs mitunter kühl sezierender Blick auf die Radlerszene mag nicht gerade sympathisch sein, sich betulich anhören – und zu der Frage führen, inwieweit seine Sorge um das körperliche Wohl der RadlerInnen eine aufrichtige ist. Sein Appell an die Eigen- und an die gesellschaftliche Verantwortung kommt oft genug im Gewand einer spitzfindigen, boshaften Bemerkung daher 14. Das widerspricht nicht seinem fachlich hohen Informationsstand, wie die zitierte Literatur und die Fülle an Beispielen belegen, erlaubt aber Skepsis gegenüber seinen Beobachtungen und scheinbaren Sicherheiten, Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 21. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 32. 14 So heisst es z.B. bei Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 38, Fussnote: «Dem scharfen Beobachter kann es nicht entgehen, wie sich bei vielen Fahrern beiderlei Geschlechts dieses auf Unnahbarkeit und Nichterreichbarkeit sich stützende Selbst bewusstsein gerade im Strassenverkehr auf den Gesichtern bemerkbar macht. Ein an brutale Herrschsucht erinnernder Zug macht auf vielen Gesichtern, selbst der Fahre rinnen vom emanzipierten Schlage, sich erkennbar als Verräter der Psyche, zumal bei Gesellschaftsfahrten, wenn der Korporationsgeist dem einzelnen zu Kopfe steigt. Auf die Frauenseele wirkt der Radfahrersport sicher n icht vorteilhaft.» 12 13 270 Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? wenn er z.B. behauptet, die «zur Manie werdende Radlerlust» habe dazu geführt, «dass sie gar manche Stunde und Tage zu ihrer Befriedigung erfordert, die sonst der Arbeit gehörten» 15. Demnach werde schlicht «weit weniger gearbeitet […] Hier läge ein volkswirtschaftlicher Grund vor, das Sportfahren in engere Grenzen zu bannen, was besonders für eine polizeiliche Beschränkung des Sportbetriebes im öffentlichen Verkehr und für eine starke Heranziehung der Sportfahrer [im Gegen satz zu den Berufs- und Geschäftsfahrern] zur Besteuerung spräche» 16. Wenn Ortloff darüber zu einer Radfahrerordnung gelangt, deren Vorschriften nur als eine Erfahrungen verarbeitende Nachschrift zu verstehen sind, so ehrt ihn das, trotz seines paternalistisch-überheblich vorgetragenen Anliegens. Dass seine Vorsicht und Voraussicht dem neugewonnenen Freiheitsgefühl beim Radfahren, der «griserie allègre de la vitesse» 17, entgegensteht, ist die Kehrseite der Medaille. In Artikel IV erfahren wir, wie sich «Die Gemeingefährlichkeit des Radfahrens im öffentlichen Verkehr» darstellt. Was Ortloff dazu anhand einer Vielzahl in- und ausländischer Polizeiberichte und Zeitungsmeldungen über Regelverstösse, Karambolagen und schwere Unfälle eindrücklich belegen kann, beweist den erschreckend niedrigen Stand der «Cyklisation» [= Cycle plus Zivilisation], der ja angeblich so positiv mit der Einführung des Fahrrads einhergegangen sei. Dessen rasante Zunahme beispielsweise allein in Berlin um fünfzig Prozent innerhalb eines Jahres (von 33’000 Fahrrädern im Jahr 1896 auf 50’000 1897) macht eine Häufung von Konflikten zwischen den Verkehrsteilnehmern geradezu zwangsläufig; die Strassenverhältnisse (Sandpisten, Kopfsteinpflaster) tragen ein Übriges zur Unfallstatistik bei. Die Zeit für Leute wie Ortloff scheint damit gekommen zu sein – die Zeit ist reif für eine Radfahrerordnung, und wenn es auch noch keine internationale sein kann, dann zumindest eine interterritoriale, das heisst eine das Deutsche Reich umfassende. Artikel V macht «Radfahrer-Abgaben» zum Thema. Auch von Gebühren und Steuern ist die Rede 18. Letztere treffen Ortloffs Anliegen Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 38. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 39-40. 17 Zola Emile, Paris [dritter Band der Romantrilogie Trois Villes] (1898), 4. Buch, 3. Kapitel (hier nach Edition presentée, établie et annotée par Jacques Noiray, Editions Gallimard, 2010, p. 451 [= folio classique 3735]). 18 Vgl. dazu Ortloff Hermann, «Vorschläge neuer Reichssteuern», Finanz-Archiv. Zeitschrift für das gesamte Finanzwesen, 1902, 2. Bd, p. 220-247 [besonders ab p. 224: Abschnitt II: Eine Reichssteuer der Rad- und Automobilfahrer]. Siehe auch H ochenegg Adolf W. K., Radfahrsteuer oder nicht? Leipzig: Werner 1898, 53 p. 15 16 271 Wulfhard Stahl am besten: steuern nämlich möchte er den Strassenverkehr, der zunehmend gefährlicher werde und deshalb «besondere Sicherheitsmassre geln» 19 nötig mache. «[D]ie Behördenthätigkeit für Feststellung der zum Gebrauch erforderlichen Fähigkeit», eine «Erlaubniserteilung» 20 also, solle demzufolge mit einer Gebühr abgegolten werden; gleiches beträfe die jährlich durchzuführende Radkontrolle. Die Sportfahrer, die nach Ortloff den grössten Teil aller Radfahrer ausmachen und den öffentlichen Verkehr am stärksten behindern, könnten mit einer Vergnügungssteuer belegt werden. Verkehrssicherheit hat Priorität; ihr gilt auch der Gedanke, ob nicht «eine Personalsteuer einzurichten wäre, die sich als Gebrauchssteuer für einen dem Fahrer vorteilhaften Gebrauch eines Verkehr- oder Sportmittels, dem übrigen öffentlichen Verkehr gegenüber aber als eine Entschädigung für die Einbusse an der bisherigen Verkehrssicherheit und als Schutzmittel gegen eine noch weitere Ausbreitung des Fahrsports» rechtfertigen liesse 21. Andere Länder kennen ähnliche Steuer(ungs)systeme – Ortloff, der Frankreich, Holland, Italien, Belgien nennt (Russland kann noch ergänzt werden), argumentiert also vor einem abgesicherten Hintergrund 22. Um «Selbsterziehung zum ordnungsgemässen Fahren» geht es in Artikel VI. Diese sei von «Grundregeln der Vernunft und der dieser entsprechenden Gesetzgebung» 23 geleitet und setze zudem ein Rechtsbewusstsein der Verkehrsteilnehmer für die Einhaltung der Strassenordnung voraus – dies aus eigenem Sicherheitsinteresse wie dem anderer. Je stärker der gute Wille, je fester der Charakter, «desto weniger bedarf es einer Einwirkung zwingender Ordnungsregeln auf Wollen und Handeln» der Lenker 24. Die Berechtigung zur Strassennutzung ist durch Verpflichtungen begrenzt: Die Eigenarten des Fahrrads – G eräuschlosigkeit dank der Luftreifen, Schnelligkeit – gemahnen zu b esonderer Vorsicht Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 61. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 62. 21 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 64. 22 Vgl. Harbulot Maurice, «Das Budget Frankreichs für das Jahr 1893 und die Rechnung von 1891», Abschnitt II.1. «Die Velocipedsteuer», Finanz-Archiv. Zeitschrift für das gesamte Finanzwesen, 1893, 1. Bd., p. 216-217; Mühling C., «Das italienische Gesetz über die Velocipedsteuer. Vom 22. Juli 1897», Finanz-Archiv. Zeitschrift für das gesamte Finanzwesen, 1898, 1. Bd., p. 477-481; Sodoffsky Gustav, «Russisches Gesetz vom 20. Januar 1903 [a. St.] über die Einführung einer Steuer von den Velocipeden und Automobilen zu Gunsten der Städte», Finanz-Archiv. Zeitschrift für das gesamte Finanzwesen, 1903, 2. Bd., p. 383-401. Siehe auch «Die Fahrradsteuer in Frankreich», Statistische Korrespondenz, 1899, Nr. 4, 28. Januar 1899, p. 2. 23 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 80. 24 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 80. 19 20 272 Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? und Rücksichtnahme, um ein Gefühl der Unsicherheit vor allem bei Fussgängern zu vermeiden. Es geht schlicht um «die Gewinnung eines Radfahrercharakters» 25, der sich durch Selbstbeherrschung und Selbstbeschränkung auszeichnet und sich damit wohltuend abgrenzt von deutschen Rüpeln, französischen pédards, englischen scorchers. Als erzieherisch hilfreich haben sich in dieser Hinsicht Vereine erwiesen. Ihren Statuten gemäss sorgen sie für die Erhaltung der Disziplin ihrer radelnden Mitglieder und helfen ihnen unter anderem dabei, «eine Ehre darin zu suchen, gegen Fahrvorschriften nicht zu verstossen» 26 – es ist dies eine «Selbstpolizeiübung» 27 oder, besser, Selbstverwaltung, die zur «gegenseitigen Eingewöhnung» aller Verkehrsteilnehmer, zum «gegen seitigen Ineinanderfinden» 28 und damit zum Frieden auf der Strasse massgeblich beiträgt. Als Eldorado der Radfahrer, so das Berliner Tageblatt, könne diesbezüglich Dänemark gelten. Abschliessend erwägt Artikel VII «Eine allgemeine Radfahrer- Ordnung». Erstrebenswert ist eine solche, orientiert am Weltpostverein, «als internationale, ja sogar als Welt- oder Erdfahrordnung» 29, doch Ortloff ist Realist genug, um sich auf das nächstliegende Ziel zu konzentrieren, «eine einheitlich gleiche Fahrordnung» für das Deutsche Reich 30, die an die Erfahrungen in Städten und Provinzen anknüpfen könnte. Einen Aspekt betont Ortloff besonders: «Angesichts des inter nationalen Fahrtourismus und des täglichen Grenzverkehrs mit dem Fahrrade erscheint es […] geboten, eine einheitlich gleichmässige Fahrordnung im Deutschen Reiche zu haben, in der auch für Ausländer das Legitimations- und Zollwesen geregelt werden soll.» 31 Die «Sicherung des öffentlichen Verkehrs gegen Störungen» 32 bleibt das Hauptanliegen, das alle Gedanken, Argumente und Beispiele Ortloffs bestimmt, zu der aber eingestandenermassen Folgendes in Konflikt steht: «Das Streben nach Befreiung von polizeilichen Beschränkungen geht psychologisch erklärbar aus der Natur der Bewegungsfreiheit und Flugkraft des Fahrrades hervor, deren sich jeder Fahrer gar bald bewusst wird, sobald er das Rad beherrschen gelernt hat.» 33 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 83. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 85. 27 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 85. 28 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 86. 29 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 94. 30 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 94. 31 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 99. 32 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 95. 33 Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 96. 25 26 273 Wulfhard Stahl Danach folgt der «Entwurf einer Deutschen allgemeinen adfahrer-Ordnung mit Erläuterungen». Er macht mit 111 eng gesetzten R Seiten den Teil II des Buches aus. In 33 Paragraphen, mit Erläuterungen und unzähligen Beispielen aus dem In- und Ausland untermauert, geht es detailliert um «Allgemeine Bestimmungen für den Fahrrad-Gebrauch», «Die einzelnen Fahrradvorschriften» und «Besondere Bestimmungen für den Fahrzeug-Gebrauch in öffentlichen Diensten». Wie nimmt sich dagegen nun Bertz aus? Er hat es schwer, in seiner Philosophie des Fahrrads einen inhaltlich vergleichbaren Schwerpunkt zu setzen, allein schon des Aufbaus und des grossen Umfangs seines Buches wegen. Er kennt Ortloffs Werk und geht in zwei der zehn Kapitel (Kap. 9: «Die Feinde des Fahrrads»; Kap. 10: «Ein werdendes Recht») ausführlich darauf ein, aber anerkennt er es auch? Es drängt sich der Eindruck auf, dass der unterschiedlichen Sichtweise auf das Thema ein klassischer Generationenkonflikt zugrunde liegt. So sagt Bertz zum Beispiel: «Ortloff und Leo 34, die beiden typischen Vertreter des Vorurteils gegen den Radsport, sind alte, alte Männer, und so haben sie Anspruch auf unsere Nachsicht. Wir hoffen auf die Jugend.» 35 – Er selbst ist da 47, Ortloff 71 Jahre alt. Zudem wendet er gegen Ortloff ein: «Nur eine völlig kritiklose, unwissenschaftliche, von der Leiden schaft getrübte Betrachtungsweise kann den Vorwurf der Gemeinge fährlichkeit erheben.» 36 Man mag einiges gegen Ortloffs redundante Argumentation vorbringen, ihm gar Verwaltungsmanie unterstellen, doch gerade in punkto Gemeingefährlichkeit geht Bertz’ Gegenvorwurf nicht auf, sagt er doch nur wenige Zeilen vorher: «Gefährlich kann das Rad unter Umständen sein, wenn es von Stümpern oder Flegeln vorschriftswidrig gehetzt wird.» 37 Und weiter: «Dieser Übelstand könnte leicht abgewendet werden, wenn Eltern, Lehrer, Meister sich’s angelegen sein ließen, ihre Pflichtbefohlenen in den Regeln des öffentlichen Verkehrs zu unter weisen, ehe sie ihnen das Radfahren gestatten.» 38 D.i. Leo Richard, ein Arzt, dessen Broschüre Das weibliche Radeln. Eine wohlmei nende, populär-medicinische Besprechung für Eltern, Erzieher etc. 1899 erschien. 35 Bertz Eduard, Philosophie des Fahrrads. Erweiterte Neuausgabe, hg. von Wulfhard Stahl, Hildesheim/Zürich/New York: Georg Olms, 2012, p. 187. 36 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 177. 37 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 177. 38 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 178. 34 274 Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? Bertz, der mit der Philosophie des Fahrrads auch ein Erziehungstraktat verfasst hat 39, stimmt somit nolens volens dem Ortloffschen Plädoyer zu, durch Vorschriften und Fahrerlaubnisse die Gefährdung vor allem der Fussgänger als schwächste Verkehrsteilnehmer zu mindern. Deren Recht auf Sicherheit und Unversehrtheit ist für Bertz unumstritten, gleichwohl nimmt er sie in die Pflicht zu erhöhter Aufmerksamkeit und zu Wohlverhalten auf der Strasse. Wir sehen ihn quasi auf dem hohen Ross – oder hier besser: Rad – sitzen, wenn er feststellt: «Die Radfahrer unserer Zeit sind noch immer Pioniere. Sie erkämpfen der kommenden Generation die Anerkennung, die ihr gewiß ist, sobald die Erkenntnis durchdringt, daß das Recht des Fahrrads mit dem wohlverstandenen Interesse der Gesamtheit zusammenfällt.» 40 Das Fahrrad kommt mit Bertz’ Worten als «Friedensstörer in die Welt» 41, denn es mischt alte, liebgewonnene Verhältnisse auf und repräsentiert die fortgeschrittene Entwicklung. Was kann da anregender, befreiender, beflügelnder sein als der «fröhliche Rausch der Schnel ligkeit» 42 ? Genau hier setzt Bertz an, wenn er die psychologische und die kulturelle Bedeutung des Radfahrens betont und sich gegen die von Ortloff angeblich intendierte Bevormundung und Einengung der neugewonnenen Bewegungsfreiheit verwahrt. Letzterer hinterlässt den Eindruck, als sei er bei aller fachlichen Aufgeklärtheit schlicht überrumpelt vom Zeitgeist, von den freigesetzten Energien auch des Marktes, die sich im Fahrrad manifestieren, und befürworte deshalb Restriktionen; Bertz dagegen ist die grundsätzliche, wenn auch nicht unkritische Begeisterung über das neue Massenverkehrsmittel anzumerken. Bei ihm frönen die Leute ihrer Bewegungslust, wenn sie ihre Maschinen «tummeln». Seine eigenen Tagebucheintragungen von einer Radtour sind sinnlich und decken sich mit zeitgenössischen Berichten über Siehe Stahl Wulfhard, «Philosophy of the Bicycle – An Educational Treatise of 1900», in Ritchie Andrew, Sanderson Gary (Hg.), Cycle History. Proceedings of the International Cycling History Conference, Paris, France, May 2011. Cheltenham: Cycle History (Publishing) Ltd, 2012, p. 241-245. 40 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 169. 41 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 176. 42 Siehe auch Fussnote 17. In der Ausgabe Leipzig: Verlag Sammlung Dieterich 1991 (Übersetzung Irmgard Nickel), p. 378, heisst es im Zusammenhang: «Da überkam sie infolge der Geschwindigkeit eine fröhliche Trunkenheit, das berauschende Gefühl des Gleichgewichts, während man in blitzartigem Tempo dahinfährt, so daß man fast außer Atem gerät.» Bertz zitiert nach der ersten deutschen Übersetzung (von A.[dele] Berger), in neun Teilen erschienen in: Aus fremden Zungen. Halbmonatsschrift für die moderne Roman- und Novellenliteratur des Auslands, 1898, Bd. 1. 39 275 Wulfhard Stahl Fahrradausflüge. Kleinlich mutet vor diesem Hintergrund seine Attacke auf Ortloffs Buchmotto an – dessen «Allen zum Heil!» lautete demnach besser «Allen Nichtradlern zum Heil, den Radfahrern aber zum Unheil!», denn das entspräche der hinlänglich bewiesenen Haltung des Autors. Polemisch erfrischend hingegen lesen sich Bertz’ Gedanken, in Erwiderung auf Ortloff, zur «Benutzung der Chausseebankette», technisch korrekt: «Materialienbankette». Diesen Sandstreifen zu befahren sei des Rades «Naturrecht, vorausgesetzt, daß ihm nicht noch bessere, eigene Wege zur Verfügung stehen.» 43 Der Grundkonflikt mit den Fussgängern, die sich als «berechtigte Besitzer der Bankette» gesehen hatten und denen es gelungen war, mithilfe der Presse und des Gesetzgebers die Radfahrer auf die Chaussee zurückzudrängen, ist somit skizziert. Ortloff wiederum hatte in seinen aus Verordnungen einzelner deutscher Länder gespeisten Ausführungen konstatiert: «Alle Bürgersteige, Bankette, Promenaden- und Fusswege, inner- und ausserhalb von Ortschaften sind vom Be- und Durchfahren ausgeschlossen.» 44 Bertz Eduard, Philosophie…, p. 198 bzw. 199. Ortloff Hermann, Das Radfahren…, p. 170. § 18 seines «Entwurfes», der Bertz’ Unmut erregte, lautet vollständig: «Nur die für Fuhrwerke bestimmte Fahrbahn (Fahrdamm, Strassenweg) darf befahren werden; ebenso ist ein Fahrrad nur auf dieser an der Hand zu führen. Alle Bürgersteige, Bankette, Promenaden- und Fusswege, innerund ausserhalb von Ortschaften sind vom Be- und Durchfahren ausgeschlossen. Das Aufsteigen auf Fahrräder und das Absteigen davon darf nur auf der Fahrbahn erfolgen; aus und nach den Grundstücken sind Fahrräder quer über dazwischenlaufende Fussgän gerwege zu führen. Etwa für das Radfahren besonders hergerichtete Fahrbahnen oder dazu besonders überlassene Wege sind von Radfahrern allein zu benutzen und auch Fussgängern verboten, ausser bei einem notwendigen Überschreiten derselben. Das Befahren von Rinnsteinen (Gossen) längs der Bürgersteige ist untersagt. Auch muss das nicht abgegrenzte Bankett der Landstrassen in einer Breite von mindestens zwei Metern von seinem Rand her frei vom Fahren gelassen werden.» Es folgen elfeinhalb dicht gesetzte Seiten mit Erläuterungen. – Einen Vorläufer zu Ortloffs «Entwurf» können wir entdecken in einer «Polizei-Verordnung betreffs Velocipedfahrens in Berlin» vom 24. März 1884. Dessen § 1 nennt knapp vierzig Strassen im Stadtzentrum, die zu befahren verboten ist; § 2 legt das Mindestalter für das Radfahren auf 16 Jahre fest und untersagt «Wettfahrten, Umkreisen von Fuhrwerken und ähnliche Handlungen, welche geeignet sind, den Verkehr zu stören oder Pferde scheu zu machen»; § 3 bestimmt: «Uebertretungen vorstehender Bestimmungen werden mit Geldbusse von drei bis dreissig Mark, im Falle des Unvermögens mit verhältnismässiger Haft bestraft.» (laut Abbildung bei Maes Jochen, Fahrradsucht, Köln: DuMont, 1989, p. 181). 43 44 276 Eduard Bertz contra Hermann Ortloff – oder: Wohin gehört das Fahrrad? Wird damit der «Radfahrerkrieg» heraufbeschworen, von dem Bertz spricht? Beide Autoren, so viel kann zusammenfassend und mit wohlwollender Distanz festgehalten werden, ergänzen einander. Wohin das Fahrrad gehört, ist klar: auf gute, gesicherte Wege und in verantwortungsbewusst lenkende geschulte Hände. Für das Erste zu sorgen ist eine öffentliche, behördliche Aufgabe, für das Zweite, eine private, persönliche. Ortloffs Sicht auf die Dinge ist, allein wegen ihrer juristischen Detailversessenheit und Regulierungswut, Zumutung und lohnende Auseinandersetzung zugleich; die von Bertz ist nicht frei von Idealismus, dafür weniger erdenschwer, ausgesprochen wohltuend – und zuversichtlich: «Das Alte stürzt, es ändert sich die Zeit» 45. Abschliessend sei eine kurze Bemerkung zum heutigen Verhalten zweirädriger Verkehrsteilnehmer gestattet: Das Chaos abgestellter beziehungsweise schlicht deponierter Fahrräder am Berner Hauptbahnhof, Ausgang West, nicht erst im Jahr 2013, lassen den Verfasser nur enttäuscht oder wütend zu Ortloff flüchten oder aber mit Bertz hoffen auf weniger egoistische, rücksichtsvolle «Pioniere […] der kommenden Generation». Schiller Friedrich, Wilhelm Tell, IV, 2, Vers 2425, zitiert in Bertz Eduard, Philosophie…, p. 203. 45 277 Road Safety and Class Conflict in Britain, 1926-1935 1 Peter Cox, University of Chester Abstract : Increasing conflict over the use of road space in Britain during the 1930s can be seen in the rapid growth of casualty figures. In particular, concerns were raised over the rising number of cyclists’ deaths as part of the overall numbers. Reports and comments in Parliament, coroners’ reports and newspapers placing responsibility for road safety on non-motorised road users led to considerable reaction from cycle users and, ultimately, to the formation of a vociferous campaign group uniting previously disparate factions and interests from cycle users, sporting clubs and industry. Drawing on contemporary sources, in particular on the coverage of the conflict by the Cyclists’ Touring Club, and on parliamentary debate surrounding the 1930 and 1934 Road Traffic Acts, this paper examines the discursive production of cyclists as a previously invisible body of road users. It considers the complexities of the conflict over road safety and the location of responsibility for road safety in terms of class, representation, power and status of the groups of actors in relation to the governance of road space. The arguments over legitimacy and safety produced by the conflicting interests of different road user groups articulated in this period continue to have significant bearing on transport policy and practice today. This is especially the case given recent renewed interest in promoting cycling as a sustainable mode of urban mobility and the often vociferous debate between advocates of separate infrastructure and supporters of integrated road use. A reworked version of this paper is published as Cox Peter, “’A denial of our boasted civilisation’: Cyclists and Conflicts over Road Use in Britain, 1926-1935”, Transfers 2 (3), 2012, p. 4-30. 1 279 Peter Cox Increasing physical conflict over the use of road space in Britain during the late 1920s and early 1930s is attested by the rapid growth of casualty figures (see Table 1). In particular, concerns were raised over the rising number and proportion of pedestrian and cyclists’ deaths and injuries as part of the overall casualty figures. Reports and comments in Parliament, coroners’ reports and newspapers all sought to place responsibility for road safety on non-motorised road users – the victims – and led to considerable reaction from cycle users and pedestrians and, ultimately, to the formation of a vociferous campaign group uniting previously disparate factions and interests from groups of cycle users, sporting clubs and industry. The title quotation of this paper is but one response to the suggestion that cyclists’ safety would best be served by removing them from the highways onto segregated paths. The arguments over legitimacy and safety produced by the conflicting interests of different road user groups articulated in this period continue to have significant bearing on transport policy and practice today – especially given recent renewed interest in promoting cycling as a sustainable mode of urban mobility – and on the relation of the cycle user to other mobility practices, together with the often vociferous debate between advocates of separate infrastructures and supporters of integrated road use. Drawing on contemporary sources, in particular on the coverage of the conflict by the Cyclists’ Touring Club (CTC), and on parliamentary sources, this chapter examines the discursive production of cyclists as a previously invisible body of road transport users and the way that they emerge as a sectoral community with agency, focusing on the period from 1926, when detailed transport accident data was first compiled, to 1939. Further, it considers the complexities of the conflict over road safety and the location of responsibility for road safety in terms of class, representation, power and status of the groups of actors in relation to the governance of road space. These considerations are discussed within the framework of the pressure for cycle users to be given separate spaces and paths within mobility systems and with regard to the appropriate location of responsibility for mobility safety, especially as represented in the historic debates as to whether cyclists should be required to carry rear lights. The paper proceeds using a loosely chronological frame, combining input from recorded discussions in Hansard and from the monthly CTC Gazette. Broader discussion of the implications of the history is held in the concluding sections. 280 Road Safety and Class Conflict in Britain The cyclist, the law and the road in Britain – early years In 1877, during discussion of the “Locomotives on Common Roads Bill”, appears perhaps the earliest entry of the bicycle in UK parliamentary annals. Its advent was not an auspicious one, the issue being raised by one Colonel Chaplin who opined that, “bicycles were really more dangerous than locomotives” 2. Although it was considered that the rapidity of technological change in all forms of road transport made legislative restrictions of any kind unfeasible, the tenor of the discussion was established for considerable years to come. The following year, in the “Highways and Locomotives Amendment Act 1878”, bicycles became subject to regulation only inasmuch as they were required to carry a bell and, after dark, “a clear light” in order to give notice of approach to any other road user (i.e. a front light) 3. During the subsequent decade, as bicycles and tricycles were seen to move from a status as “toys, and comparatively little used”, to being conceived as more practical vehicles, authority was granted to Corporations (Local Authorities) to deal with them under their powers “to control nuisances” through local by-laws 4. However, this resulted in a bewildering variety of inconsistent legislation between districts. In order to clarify matters and to provide uniform regulation, and after considerable lobbying through the representations by the Cyclists’ Touring Club (hereafter CTC; founded 1878 though initially planned in 1876), an amendment was passed whereby, “bicycles, tricycles, velocipedes, and other similar machines, are hereby declared to be carriages within the meaning of this Act and the Highway Acts” 5. This legally enshrined the right of the bicycle to the highway, subject to the requirements of all vehicles to carry a lamp after dark and to give sufficient warning of approach, by bell or whistle, to any other road user. Proposals to tax or register bicycles were not adopted. This definition of the bicycle as a carriage – with the same and equal right to use the road as any other vehicle – was to become hereafter the fundamental basis of both legislation and argument over the status and place of the bicycle on British roads; an argument with important consequences in later years. Chaplin HC Deb 20 June 1877 vol 235 c39. All Parliamentary debates are referenced in standard Hansard notation (HC = House of Commons or HL = House of Lords, Deb = Debates; Date; Volume; Location). 3 See HC Deb 09 July 1878 vol 241 cc1078-8. 4 Dorington HC Deb 17 July 1888 vol 328 cc1546-94 5 Dorington HC Deb 17 July 1888 vol 328 cc1546-94. 2 281 Peter Cox In the 1890s, as the technology of the “ordinary” (high wheeler) bicycle was displaced by the innovation of the “safety” (diamond frame), bicycles appear in the parliamentary record repeatedly associated with “recklessness” and as “a menace”, accompanied by calls for further regulation and registration 6. Even advances in technology were interpreted as potential threats – the pneumatic tyre being decried by Lord Churchill for its capacity to allow the bicycle to “come silently and stealthily upon one” 7. Despite the apprehension of members of both Houses, registration of bicycles was repeatedly deemed impracticable. Growing problems linked to motor vehicle use came under scrutiny in the 1913 Select Committee on Motor Traffic, but their deliberations failed to result in legislation. The general laissez-faire policy towards all road use continued until the introduction of lighting regulations during the First World War, under the auspices of the Defence of the Realm Act (DORA), which mandated the carrying of a rear light by cyclists. This ruling was maintained until annulment in August 1920. The rescinding of the legislative requirement for rear lights was not without controversy, however. Just as the portrayal of cyclists as a reckless peril dominated discussion in the 1890s, so the issue of rear lighting came to dominate through the 1920s and beyond, framing an entire set of debates around road use, safety and responsibility. Initial advocacy for the carrying of a rear light was framed in terms of “recommendations made by coroners that rear lights on bicycles are essential as a protection for the cyclist » 8. Interventions by several Chief Constables, in the form of the issuing of posters, “calling upon pedal-cyclists to carry rear lamps or reflectors on their bicycles”, prompted reaction by both the CTC and the National Cyclists’ Union (NCU) 9. Representing touring and racing cyclists respectively, these bodies were quick to respond to the imposition of rear lights with a number of objections. The first ground was that of practicality. The technology available for lighting during this period was neither reliable nor universal. Carbide (acetylene gas) lamps and electric (battery) lamps appeared side by side in trade catalogues, HC Deb 06 May 1892 vol 4 cc275-6; HC Deb 02 May 1893 vol 11 cc1725-6; HC Deb 28 May 1894 vol 24 cc1409-10; HC Deb 24 July 1894 vol 27 cc796-7; HC Deb 18 February 1896 vol 37 cc564-5; HC Deb 24 February 1896 vol 37 cc946-7. 7 Churchill HC Deb 28 May 1894 vol 24 cc1409-10. 8 Holbrook HC Deb 01 May 1923 vol 163 c1163. 9 Thomson HC Deb 25 June 1925 vol 185 cc1687-8. 6 282 Road Safety and Class Conflict in Britain making the previous generations of oil lamps obsolescent. Yet neither technology was yet fully reliable, and, being rear facing, would not be visible to the user when in use. If the continued functioning of lights could not be reasonably guaranteed, it could not reasonably be expected that the cyclists should be liable and reliant on them for legal protection. The second ground for questioning the requirement was much more fundamental. If the cyclist was expected to carry a rear light for their own protection, then the whole element of responsibility for road safety was being transferred from those posing the risk to their potential victims. Rear lamps could only indicate the presence of a cyclist to another – presumably faster and more powerful – road user: i.e. a motor vehicle. Instead of the negotiated interaction on the principle that steam gives way to sail, compulsory carriage of rear lights indicated accession to the principle of “might is right”. Further, while the lighted cyclist might be more visible, the risk was that pedestrians and other road users not covered by the legislation would become even more vulnerable to the motorist. Compulsory lighting for all vehicles in order to see ahead (and therefore be able to take responsibility for their interaction with other road users) had been supported by the CTC from its early days, and had been behind earlier attempts to legislate in this area, and so the position was consistent 10. The issues at stake were not simply those of principle on the roads. What was becoming clear, even within the pages of the historically relatively genteel and conservative CTC Gazette, was that there existed a rapidly growing class divide between different sectors of the travelling public. The arguments were vividly framed in an article from January 1926, describing the negative impacts of car use under the title of “This Motoring Age”: “This last-but-one locomotive invention would have been generally inoffensive, and useful enough, on a road system devised for its energies. Instead of that… monied interests and ‘the spirit of the age’ have successfully backed the monsters against… all other opposi tions: and thus things are as they are with us. We are killed by our thousands a year primarily because our rulers (pledged to foster the general well-being) lacked imagination and foresight and welcomed a new industry with the one-sided, blind enthusiasm of the wealthy See Plowden William, The Motor Car and Politics in Britain 1896-1970, London: The Bodley Head, 1971, p. 233 ff for a valuable overview of developing legislation. 10 283 Peter Cox class concerned in its development. Doubtless they meant well for the community as a whole, but what a pity they knew no better.” 11 In its foundation, the CTC had been a middle class, bourgeois society formed to assist its members in the expanding tourism market, but by the latter part of the 1920s, although many core members remained from the earlier generation, the profound social changes of the period had clearly not left the club unaffected. The General Strike as a mobility conflict Conflicts over class, mobility and the roads came into stark conflict during the events of the general strike of May 1926. Safeguarding transport provision against disruption had been seen as a key problem area for successive post-war governments seeking to manage an increasingly organised and self-determining labour force. Union membership had almost doubled during the period of the First World War, with a total membership of just over 8 million by the time the Representation of the People Act of 1918 came into effect in the elections of December that year. Government defence against union militancy was initiated after the vulnerabilities revealed by the transport strikes of 1911 and consolidated legislatively under the provisions of the Defence of the Realm Act (DORA). Following the railway strikes of 1919, the inter-departmental Governmental organization established to deal with increasing industrial militancy was renamed as the Supply and Transport Committee – reflecting its antagonism to the “triple alliance” of union interests represented by the combined strength of railwaymen, transport (especially dockers’) and miners’ unions 12. The committee was empowered by the Emergency Powers Act of 1920 (ch. 55 10 and 11 Geo 5), effectively the peacetime extension of the wartime DORA regulations, enabling it to plan for the maintenance of “the essentials of life”, defined as the “distribution of food, water, fuel… light… [and]… the means of locomotion”. As Maguire indicates, “If railway workers were involved in a dispute, the only way to move vital supplies within the country would be by road. Consequently, the Haulage Committees Edwardes C., “This Motoring Age”, CTC Gazette, vol XLV No 1, Jan 1926, p. 4-5. All references to the CTC Gazette are hereafter referred to simply as Gazette; year; page, except where specific headline or article title is provided. 12 See Desmarais Ralph H., “The British Government’s Strikebreaking organization and Black Friday”, Journal of Contemporary History 6 (2), 1971, p. 112-117; Maguire Richard, “Reassessing the British Government’s Emergency Organisation on ‘Red Friday’, 31 July 1925”, Contemporary British History 18 (1), 2004, p. 1-24. 11 284 Road Safety and Class Conflict in Britain were the veritable core of the organization” 13. The Ministry of Transport during this period, “was preoccupied with railroad problems and dominated by men with railroad backgrounds”; thus the roads, road haulage and private motoring came to epitomise an alternative to railways and tramways, whilst being untainted by the increasingly proletarian image and association of the bicycle 14. It should be noted that the then Home Secretary, William JoynsonHicks, overseeing the preparations of the Supply and Transport Committee, was – perhaps unsurprisingly – also a founder member of the Automobile Association, its chairman from 1908-1923, and a strong advocate of the rights and privileges of motorists, both inside and outside of parliament. He had been proposing legislation on the compulsory carriage of rear lights by cyclists since 1922 15. The motorist at this point in time was not simply another class of road user but typified “the prosperous upper-middle professional class” of which Joynson-Hicks was himself an archetypal example 16. Promotion of the rights of the private motorist, alongside private enterprise motor haulage, represented not only a means of bypassing, or even subverting, the power of the railways over the transport sector, but also a means to avoid problems of growing unionisation. Even large road haulage firms’ depots did not present unified workplaces in which large numbers of workers shared the same space – factors conducive to large scale unionisation and workers’ militancy. Impedances to the motorist, in whatever form, thus emerged as not simply an inconvenience, but part of a much greater threat of class conflict – a challenge to the right of the ruling class to rule. Concern over physical mobility was mirrored by fears of social mobility and class mobilisation. In consequence, state power was organised to reinforce class power. During the strike, with public transport paralysed, motor transport was seen as the means by which the country could be kept mobile 17. Maguire Richard, “Reassessing the British Government’s Emergency Organisation…”, p. 7. 14 Dunn James A., “The Importance of Being Earmarked: Transport Policy and Highway Finance in Great Britain and the United States”, Comparative Studies in Society and History 20 (1), 1978, p. 29-53, p. 36. 15 Plowden William, The Motor Car…, p. 241. 16 Clayton Huw, “The Life and Career of Sir William Joynson-Hicks, 1865-1932: A Reassessment”, Journal of Historical Biography 8, 2010, p. 1-38, p. 13. For a more extensive discussion see O’Connell Sean, The Car In British Society: Class, gender and motoring 1896-1939 Manchester: Manchester University Press, 1998, 208 p. 17 See e.g. Mason A., “The government and the general strike, 1926”, International Review of Social History 14 (1), 1969, p. 1-21; Farman, Christopher, The General Strike, May 1926, London: Panther, 1974. 13 285 Peter Cox Not only did this lead to some of the first instances of widespread severe congestion and traffic jams but also, emphasising their privileged status, legal action against motorists was suspended during the strike: no action was to be taken against any infringement of the law by motorists, the use of unlicensed vehicles was temporarily permitted, and speed limits and other restrictions were set aside. Moreover, it later became apparent that magistrates – unpaid and in a position to make pronouncements reliant on opinion rather than law despite their de jure obligations – were setting aside summonses issued prior to the strike 18. Yet it also became apparent that the bicycle was the most numerous means of transport on the roads. As the Gazette’s senior columnist John Urry, wrote (clearly trying to pursue a non-political line): “Would it not be safe to say that there were more bicycles on the road during May than in any other month since the game began… the bicycle is not only a vehicle of pleasure and utility, but… an absolute necessity when traffic trouble comes along since it is the only vehicle that is independent of any other thing than the human power of its rider.” 19 The independence, indeed the degree of autonomy enabled by the bicycle, was clearly visible. From Social Club to Campaigning Body – the transformation of the CTC Prior to strike, the beginning of 1926 had seen a notable growth of press portrayals of the cyclist as a danger and a nuisance on the road. These complaints were not confined to the motoring press but appeared with increasing frequency in national and regional newspapers as well. The CTC Gazette responded by introducing a monthly feature entitled “Scissors and Paste”, consisting of a compendium of cuttings and reports pertaining to cyclists, and the professed attitudes to or perceptions of cyclists portrayed in these, together with short comment. The rationale, and the strength of feeling provoked by press comment and reaction to it, is revealed in the words of the Gazette’s February editorial: “Any person who reads a newspaper, of whatever kind, will be able to understand that the biggest rear light offensive yet organised is in progress. After many disappointments, the motoring interests, in anticipation of a new road bill in the next session of parliament, have released a veritable deluge of propaganda, and this is being Gazette, 1926, p. 192 and 364. Urry John, “Notes of a Nomad: The Bicycle Triumphant”, Gazette, 1926, p. 207. 18 19 286 Road Safety and Class Conflict in Britain poured in torrents over the gullible populace by the agitators acting on behalf of the wealthy and powerful motoring associations… no argument is too stupid, no action too mean, no trick too shabby in this disgraceful attempt to make the cyclist’s position on the road at night intolerable… every rear light fallacy should be nailed down as soon as it appears in print…. a new edition of the club’s rear light booklet has been printed for distribution to the press, the public and parliament.” 20 “Scissors and Paste” took up at least a page, frequently more, in each edition of the Gazette throughout this period of conflict over road rights and safety, ending in October 1935, when it was replaced by a more occasional “Pickings from the Press” column. Simultaneously, the CTC introduced third-party insurance cover for its members, while it continued to pursue negotiations for compensation for members suffering injury or damage from other road using parties (there being no legal necessity for motorists to carry third-party insurance). Reports of compensation resulting from the actions of the Rights and Privileges Committee were presented regularly in the Gazette, again usually taking a page or more of space in a litany of accident listings suffered by members through no fault of their own. It can be seen that the CTC – in its journal at least – was dramatically transforming from a genteel, middle class club to a campaigning body. As a representative body the CTC had something of a dilemma. For its founding membership, the club served a particularly upper-middle class function, facilitating travel at the height of a modern fashion 21. Through the first decade of the 20th century, while cycle ownership remained financially out of the reach of the masses, CTC membership can be seen as largely representative (in social and political terms) of bicycle riders in the UK in general 22. As cycle use spread and the bicycle became “democratised” into a vehicle of mass use, so CTC members “Editorial”, Gazette, Feb 1926, p. 35. Compare Westaway Jonathan, “The German Community in Manchester, MiddleClass Culture and the Development of Mountaineering in Britain, c. 1850-1914”, English Historical Review, cxxiv 508, 2009, on the social position of mountaineering clubs. 22 Pinkerton John, “Who Put the Working Man on A Bicycle?”, in Oddy Nicholas, van der Plas, Rob (eds.), Cycle History 8 Proceedings of the 8th International Cycle History Conference, Glasgow, San Francisco: Van der Plas Publications, 1998, p. 101-106; Cox Peter, “The co-construction of cycle use: reconsidering mass use of the bicycle”, Paper delivered at “Re/Cycling Histories: Users and the Paths to Sustainability in Everyday Life”, Rachel Carson Center, Munich, 27-29 May 2010. 20 21 287 Peter Cox became less and less synonymous with the wider ridership. This gap can be witnessed simply in terms of membership: as cycle ownership and use increased after 1906, so simultaneously CTC membership stagnated and declined. It was only with the rising conflicts of the latter 1920s that membership once more rose, and it only matched pre-1906 levels in 1933 23. Rounded membership figures compiled from the Gazette indicate the changes in membership from 7,000 members in 1918 to 25,000 in 1928, reaching 30,000 in 1933 and 36,000 during 1937. Yet even by 1925, Cyclists’ numbers were perhaps as many as 5 million and possibly as many as 10 million by the mid-1930s 24. CTC membership offered few clear benefits to the growing numbers of working class cyclists until it started campaigning on the wider issues of rights for all road users. Contrasts may be drawn with the AA (Automobile Association) founded in 1905. Its primary function in its early years was to establish patrols and warnings for motorists to avoid police speed traps, to which was subsequently added the provision of mechanical assistance to members. The continued threat of police persecution of motorists maintained the AA’s universal appeal of practical protection and legal representation for all motorists as the years passed, until the final abolition of the limit. Consequently, AA membership shows a steady post-World War I growth, from 36,000 at the Armistice in 1918 to 100,000 in February 1920; 150,000 in October of the same year; 200,000 in 1924; and 300,000 in 1926. At the same time, there were only 1,300,000 privately owned vehicles licensed, in other words there was an AA member for about 1 in 4 motor vehicles. In 1933, the 500,000th AA member was enrolled and in 1936 the number had risen by a further 100,000, also reflecting the rapid expansion of motorists’ numbers 25. Although membership calculations are not compatible, the scale of the difference is clear. While the explicit foci of concern for the CTC were the issues of accident numbers and the compulsory carrying of lights, both issues involved the rights and responsibilities of road users. Overwhelmingly Gazette, 1933, p. 301. Kenworthy Commander Hon. Joseph, “Rear reflectors on cycles”, HC Deb 02 March 1926 vol 192 cc1249-5; Banfield, “Accidents (Pedal cyclists)”, HC Deb 28 February 1935 vol 298 cc1281-2. A similar figure is calculated from sales volumes and vehicle lifespan in Camm F. J., Every Cyclist’s Handbook, London: Newnes, 1936, p. 1-10. 25 Kier, David “The Early Years” in Kier, David, Morgan, Bryan (eds.), Golden Mile stone: 50 years of the AA, London: The Automobile Association, 1955, p. 19-88. 23 24 288 Road Safety and Class Conflict in Britain the victim in the majority of road casualty figures, the cyclist, was being charged with responsibility for being a victim of others’ illegal and dangerous behaviours. In Coroners’ reports, the standard verdict applied to any cyclist killed on the roads, even if wheeling a bicycle, was accidental death, with no censure of culpability on those causing the accident. However, as mentioned previously, the problem was not simply an issue of the relationship between individual users of different types of vehicle, but was compounded by complexities of class and privilege and of their respective cultural representations. As a letter in Car and Golf in Spring 1926 reported: “[t]his question of rear lights is complicated by a political issue. The cyclist is commonly supposed to be a poor man, a man of the working classes, a Trade Unionist in other words, and to compel him to carry a red lamp would not increase the popularity of any government, it would not bring any additional revenue to the treasury, and it might possibly be used by the Trade Unions and other political bodies as a club with which to belabour any government that introduces such legislation.” 26 The difference between motorist and cyclist was more than one of means of locomotion. It clearly had class dimensions, as private motoring in the 1920s remained firmly an activity largely limited to those not simply with wealth, but with access to the social privileges with which wealth was associated. Indeed, this dispute provides a classic example of what Ralph Miliband would later describe as the exercise of class power in an ideological struggle, with the dominant class acting “to maintain and defend its predominance in ‘civil society’” 27. In addition to the calls for compulsory lighting, the issue of segregation and cycle paths prompted vociferous discussion in the Gazette before the year was out. The editorial stance was typified by observations made by “Robin Hood” in his regular Comment column: “Those of us who oppose the construction of cycle paths alongside English country roads firmly believe that any such paths would be inferior in quality to the roads, and would generally be neglected, on the ground that ‘anything will do for push-bikes’; that the presence of such paths would imply – or would be held by motorists to imply Cited in “Scissors and Paste”, Gazette, June 1926, p. 194. Miliband Ralph, Marxism and Politics, Oxford: Oxford University Press, 1977, p. 55. 26 27 289 Peter Cox – that cyclists were banished from the carriage-way; that coroners, judges and jacks-in-office everywhere would be inclined to censure a cyclist who was involved in an accident on the road when a path has been provided for him; and that in the end we should forfeit the rights that were won for us by the pioneers of the pastime in days gone by. All these fears may be groundless, but they will not be easily removed. The advocates of cycle paths, with few exceptions, are the most violent enemies of cyclists, which in itself is significant.” 28 These fears of cycle paths need to be understood in their historical context: one often obscured today by differing national experiences and subsequent histories. That significant numbers of British roads were constructed with macadamed surfaces (that is, graded with equal diameter stones), coupled with the early organisation of cyclists in Britain and their triumphant campaigns for asphalting, had ensured the ubiquity of quality surfaced roads eminently suitable for cyclists’ use. With cyclists’ rights to use the roads enshrined in the 1888 legislation, the 1890s were remembered by some as halcyon days for riding 29. The 30-year gap between the late 1890s and the late 1920s meant that those who had such riding experiences in their most formative young adult years were also those now in their late 50s and 60s, risen in status and attaining the place of elders within cycling organisations. Any attempt to suggest that cyclists ought not, for any reason, to continue to use these roads was to take away existing rights and privileges. On the jubilee of the first planning of the club in 1876, GK Chesterton’s comments on the enclosure of the commons were invoked as a parallel to the dangers of giving ground on the issues of rights. “Let us, as cyclists, heed lest our liberties be filched in a similar manner. We must not stand in the way of progress. The motor is here to stay, but might ought not to be allowed to pose as right, to usurp the freedom of the roads.” 30 The Accident Problem and Parliamentary responses The scale of the road accident problem can be gauged from the figures for London in 1926, where 47,089 casualties were reported, of which 1,003 were fatalities. Of these latter only 29 were held to be caused by cyclists, 38 by horse-drawn traffic and the rest by motor vehicles 31. “Robin Hood”, Gazette, October 1926, p. 332. Gazette, 1926, p. 301. 30 Cited in Gazette, December 1926, p. 413. 31 Gazette, 1927, p. 216. 28 29 290 Road Safety and Class Conflict in Britain This was at a time when there were only 1,729,000 motor vehicle licences and 2,132,900 driving licences issued nationally 32. At this point, the holding of driving licenses was not subject to any consideration of capability or fitness to drive, their issue merely indicating payment of the requisite fee, not competence. Unusually for legislation, a draft of a new Road Bill was announced and circulated to interested parties in March 1927, including among its provisions a proposal that applicants should sign a disclaimer as to any disability that would prevent driving. Regulations for the compulsory use of rear reflectors on bicycles were withdrawn from the draft Bill (which was not introduced into Parliament) and brought to the House instead in a separate Road Transport Lighting Bill, which mandated the carrying of a red rear light for all motor vehicles and either a rear lamp or a reflector for bicycles, and which came into force on April 2nd 1928, although a list of certified and tested models was not issued until the 28th of the month 33. The separation of lighting from other issues and the use of a draft bill enabled considerable consultation to go on in private, and the Vehicle Lighting Act of 1927 was seen retrospectively by the CTC as “not a party measure but an honest attempt to solve a series of difficult problems and put an end to a long controversy” 34. Behind the scenes, however, considerable negotiations had taken place and, since the bill in its final form conceded the cyclists’ right to carry a reflector rather than a light, it was the motorists’ lobby that felt betrayed 35. Ceding to the reflector allowed the cyclists’ lobby to demonstrate its willingness to compromise while still ensuring the onus on the motorist to have adequate lighting and to drive within the capacity of the lighting to illuminate the road ahead: in other words, to uphold a principle of co-operative co-existence without retreating from its basic principles. The passage of the bill was facilitated by considerable input in debate in the House of Commons from the CTC-supporting Colonel Wedgewood 36. Wedgwood’s other notable contribution to the debate was that he couched cyclists’ identity in class terms, noting that those most likely to suffer prosecution would be those workers who relied on the bicycle as their transport to and from work. He also pointed out that the situation in Britain could not be compared to the USA since Gazette, 1927, p. 293. See HC Deb 01 April 1927 vol 204 cc1577-62. 34 “An Ex-Minister’s Criticism”, Gazette, June 1932, p. 166. 35 Plowden William, The Motor Car…, p. 243. 36 See “Road Transport Lighting Bill”, HC Deb 01 April 1927 vol 204 cc1577-623. 32 33 291 Peter Cox the bicycle was not used as a means of mass transport there, having already been intimidated from the roads. His implication that this could also be the future in Britain was clear. Following [the?] publication of the findings of the Royal Commission on Transport in July 1929, a new Road Traffic Bill was introduced at the end of 1929. Its proposals included raising the license age from 14 to 16 for motor cycles and requiring that all drivers should make a declaration on application of their fitness to drive. Third-party insurance was to be made compulsory for vehicle owners. Most importantly of all, the abolition of the 20 mph speed limit, the highest-profile provision of the Bill, recognised the significant advances in technology made since 1903. That a 20 mph limit had remained on the statute books was the basis of continued complaints by motorists, not only for its obsolescence (and general non-observance) but also due to the potentially capricious policing that could (and frequently did) result at any point. The Bill imposed a limit of 30 mph in some urban areas and upon certain classes of heavy vehicles, including coaches and buses. The infrequently used charge of Dangerous Driving was joined by a new offence of Careless Driving, and there were to be restrictions on the hours of driving allowed (5 hours continuously, or 10 in any 24-hour period) by all but private motorists. Further duty of care was put on motorists, now compelled to stop after any accident involving a person, vehicle or animal, thus in theory eliminating the problem of hit-and-run drivers. A final recommendation called for a Code of directions for road users, indicating both relevant regulations by law and by common practice (or recommendation). The “Highway Code” was first published in April 1931, and this peculiar genesis accounts for its “semi-legal” status. It is clear that the intention and desire behind the 1930 Road Traffic Act was to promote more harmonious co-existence on the roads, with the code acting almost as a guide to appropriate etiquette. Factors not taken into account were the imbalances of power inherent in, and exercised by, different sectors of the travelling public. Not only did the interests of motorists conflict with the safety of other road users, but motorists as a body and as a social class – given that some 70% of them were of an upper social class – had unequal and disproportionate representation and support within the institutional life of the country 37. Those empowered to oversee and enact legislation, those passing The spread of motor car use among the lower middle classes was a phenomenon of the late 1930s – see O’Connell Sean, The Car in British Society…, 1998. 37 292 Road Safety and Class Conflict in Britain judgment in courts of all kinds, the medical establishment and other professions were all the principal users of motor vehicles, and read the consequences of social interaction from a position of significant privilege. The CTC, not yet in a fully oppositional frame of organisation, responded to these measures with broad approval, anticipating that “the Bill is certain to make for increased safety for all classes on the roads” 38. While the Bill passed through its readings without overmuch contention, Plowden notes the degree to which its discussion in committee became dominated by “the theme of the motor car as a symbol of privilege” 39. Through the rest of the decade, the debates over rights and privileges on the roads could not but be read through the issue of class conflict, however well-disguised. Cycle paths: segregation and safety At the same time as the Road Traffic Bill was under discussion, the Minister of Transport convened a separate Conference on Street Accidents (Jan 14 & 15, 1930), which, despite objections from the vice-president and secretary of the CTC, passed resolutions recommending both the carriage of red lights by cyclists and the institution of special paths for cycles 40. This provided the impetus for increased circulation, in the following months, of letters to newspapers urging the provision of separate paths for cyclists and their removal from the roads as the means to greater road safety. In a similar vein, the “Scissors and Paste” columns throughout 1930 note the persistence of calls for taxation on cyclists. The increasingly exasperated and sarcastic comments appended to the excerpts reiterated the cyclists’ right to the road, and pointed out that the conditions and licensing attached to motor vehicle use on the public highway indicated that these users were there on sufferance. This fundamental position became increasingly important in the CTC’s negotiation and campaigning for cyclists’ rights. An additional factor that framed growing CTC opposition to the separation of cyclists from other users was the historic role played by cyclists in the formation of the Roads Improvement Association. That road conditions were such as to allow good progress and steady speeds by all users was largely due to the continued lobbying of the RIA. “The Road Traffic Bill”, Gazette, Jan 1930, p. 14. Plowden William, The Motor Car…, p. 261. 40 Gazette, 1930, p. 42, 57. 38 39 293 Peter Cox Despite the recent actions of the RIA in “improving” roads to facilitate the faster passage of motor vehicles – and thus increasing the risk to cyclists and other road users – CTC needed to maintain its support for integrated traffic, governed by a code of civility and mutual respect. The RIA, as a part creation of the CTC was one obvious means to ensure this latter outcome. While fine in principle, CTC support for the RIA became increasingly problematic as numbers of motor vehicles and accidents rose through the 1930s. Ultimately, the increasingly clearly defined identity of the RIA as a pro-motoring lobby group was the reason for the withdrawal of CTC support. Until the 1930s, questions of conflict over road space and whether cyclists should be placed on separate paths remained academic. Cyclists’ status as vehicular traffic meant that they (cyclists) were legally part of the traffic flow – indeed they remained the most numerous vehicles on the road by a considerable margin. One cannot overstate the degree to which cycle paths were understood as a threat because they removed the right of cyclists to use roads. This largely theoretical argument was transformed, however, as local authorities took steps to incorporate cycle paths in the intended construction of trunk roads. CTC had argued that the conflict between classes of vehicles might be better resolved, not by forcing cyclists from the existing historic highway system, but, where necessary, by building new roads for motor traffic. The fear that cyclists would be forced into using inferior roads would thus be alleviated, and the desire for faster motoring facilitated. These arguments did not come to a head until late 1934 upon the opening of a cycle path alongside Western Avenue, in North London. By this time, changing parliamentary legislation and debate might easily have been interpreted as a form of betrayal of earlier aspirations for co-operation. The cycle path issue had increasingly become framed in terms of a safety debate in light of the rapidly rising casualty rates among all classes of road users, and through the vociferous lobbying of the Pedestrians Association, chaired by Lord Cecil. Just as the CTC looked with horror upon the courts’ preference to side with motorists in exonerating their accidents while blaming victims, the Pedestrians Association similarly presented numerous examples in its newsletter where pedestrians were accused of being a danger to both motorists and cyclists 41. The most significant move to alter the growing situation of direct Plowden William, The Motor Car…, p. 267 ff. 41 294 Road Safety and Class Conflict in Britain conflict was the Road Traffic (Compensation for Accidents) Bill resulting from proposals in 1932 by the Pedestrians Association, backed by the CTC, introduced into the House of Lords by Conservative peer Lord Danesfort 42. The Bill as proposed would have placed the onus of proving negligence for a road traffic accident on the motorist rather than on the victim. Thus a duty of care would have been introduced into the roads as a means of regulating interaction and behaviours. Although it was given a second reading, passed through the committee stage and even passed a third reading in the Lords, dragging through parliamentary procedure until June 1934, it was not given a Commons reading 43. Lord Danesfort proposed its reintroduction in the next session of Parliament but it remained unsupported and had no prospect of becoming law (especially given Danesfort’s death in July 1935 and the presence of the notably anti-cyclist Hore-Belisha as Transport Minister). The decision not to proceed marked a rigidifying of the power and class asymmetries at work on the roads. If the capacity to co-operate without coercion depends on participants having relatively equal power, then the decision to block the bill can be interpreted as the moment in which the inequalities of power were formally institutionalised. Some indication of the public concern over the impact of cars on public safety during this period may be garnered from the way in which even the bold enthusiast for the motor car, Rudyard Kipling, was moved to write: “When men grew shy of hunting stag/ For fear the Law might try ’em,/ The Car put up an average bag/ Of twenty dead per diem./ Then every road was made a rink/ For Coroners to sit on;/ And so began, in skid and stink,/ The real blood-sport of Britain!” 44 The rising casualty rates through the early 1930s were cited as a failure of the abolition of the speed limit under the 1930 legislation. As Lord Danesfort had noted, of the nearly 20,000 convicted of dangerous driving since the Act, only 8 had received any punishment other than a fine 45. Consequently, speed limits were the primary subject of debate in the introduction of the 1934 Road Traffic Act, alongside the introduction of a driving test and the provision of pedestrian crossings. Speed limits HL Deb 04 May 1932 vol 84 c290; HL Deb 04 May 1932 vol 84 cc290-1;HL Deb 02 June 1932 vol 84 cc543-83. 43 HL Deb 14 June 1934 vol 92 cc1133-4; HL Deb 21 June 1934 vol 93 c130. 44 Kipling Rudyard, Fox-hunting, (1933) in The Collected Poems of Rudyard Kipling, London: Wordsworth 194, p 843. 45 Gazette, 1932, p. 217. 42 295 Peter Cox produced volumes of discussion in Parliament and in committee and a limit of 30 mph came into force on 18th March 1935. The consistent lobbying from the CTC resulted in little legislation directly concerned with cyclists, only the introduction of a compulsory 12-inch white patch on the rear mudguard being a requirement brought into force almost without warning in October 46. That the overall position of the Ministry of Transport continued to regard cyclists as responsible for their own safety, and to be merely a nuisance to the motorist is demonstrated by comments from Leslie Hore-Belisha, the newly appointed Minister of Transport (29 June 1934), that “cyclists are the most dangerous people on the roads today”, and Viscountess Astor’s plea in Parliament about “whether some system could be devised to prohibit pedal cycling in very crowded areas” 47. Hore-Belisha’s position in regard to cyclists’ opposition to increased regulation, both with respect to lighting and to restriction on segregated paths, is best summed up by his description of them as acting “like a lot of hysterical prima donnas” 48. When the composition of the Transport Advisory Committee was discussed in May 1935, Hore-Belisha was challenged as to whether, since cyclists represented the most numerous road users in the country, they ought to have more than one representative on the committee. His reply was simply that “I think the views of cyclists can be well expressed by the present representative” 49. Meanwhile, antagonism between cyclists and motoring interests increased. The language used became more intemperate, with “Scissors and Paste” noting an accusation in the Birmingham Mail that “cyclists are the parasites of the road” and with the CTC being described in the Motor as “Guardians of the Poor” because of their actions on behalf of cyclists 50. Of note as a regular author of letters singling out cyclists as an undesirable presence on the roads was Sir Malcolm Campbell, and among newspapers the Daily Express was seen to provide the greatest volume of derogatory comment 51. Gazette, 1934, p. 372. Hore-Belisha Leslie, cited in Gazette, 1934, p. 302; Astor, “Transport (Pedal Cycles)”, HC Deb 23 April 1934 vol 288 cc1383-4. 48 Hore-Belisha Leslie, “Cyclists (Regulations)”, HC Deb 07 November 1934 vol 293 cc1027-8. 49 HC Deb 01 May 1935 vol 301 cc353-5. 50 Gazette, 1932, p. 87; Gazette, 1932, p. 88. 51 “Scissors and Paste”, Gazette, 1933, p. 13. 46 47 296 Road Safety and Class Conflict in Britain The campaign against segregated cycle paths The issue of cycle paths was explicitly linked to the previous changes in practice that had been imposed upon riders, or proposed as being the means by which cyclists could best be protected from harm. Taken together, these ways of treating the issue meant that the burden of responsibility for risk was transferred from those creating the danger to those upon whom danger was being imposed. Consequently, the CTC, newly empowered as its membership reached 30,000 – at its highest since 1906 – began to organise a series of public “protest” meetings from the end of 1933. The campaign commenced with a joint meeting with the Pedestrians Association at Friend’s House, London, on November 22nd, 1933. The rationale was explained as follows: “For months past the motoring interests, conscious of the rising public feeling against the daily butchery, have been seeking to divert attention to the alleged iniquities of cyclists, and have scattered their propaganda broadcast through professional publicity agents. Cyclists, they urge, should be more severely disciplined. They should be compelled to carry rear lamps, to ride in single file at the extreme edge of the road, to pay a tax and carry a number plate, to keep off the ‘motor roads’ altogether – all new roads constructed at the public expense are now motor roads – and generally be kept in their place. Well we have had enough of this. We are now going to carry the war into the enemy’s camp, and we shall not cease until something is done to make British roads safe for law-abiding British citizens.” 52 Similarly powerful prose was employed in the Quarterly News Letter of the Pedestrians Association. All the calls for pedestrians and cyclists to act for their own protection were labelled a distraction and diversion from the real problem of aggressive and dangerous driving. Why, pondered the Pedestrians Association, is this not the issue brought before the public: “Is it because the Government considers that it is more important to pander to the selfish lust of speed of a few than to discharge its primary duty of safeguarding the lives of all citizens?” 53 The formation of the National Safety First Association (later to become RoSPA in 1941) could have gone some way to begin to address these issues, but failed to confront this central argument, not least because of its financial backing by, and dependence upon, motoring interests. O’Connell makes “Editorial”, Gazette, November 1933, p. 366. Cited in Gazette, 1933, p. 371. 52 53 297 Peter Cox a convincing case that the NSFA was one of the principal means by which discourses of road safety were framed around the normalisation of the motor car and the marginalisation of other road users 54. Although the 1934 Road Traffic Act at the end of the year gave the safety issue some consideration, and although the government did not attempt to make rear lights for cyclists compulsory, parliamentary debate on pedestrians and cyclists remained focused on means by which they should be segregated to leave the roads clear for motor traffic, not on constraints upon motor traffic to ensure its passage with due regard to all other users of the highway. In opposing segregated paths in particular, CTC saw its task as preventing an imminent attempt “to strangle pleasure cycling in this country, so that a road monopoly may be established by the motoring interests…. we shall be confined to special paths upon which cycling for pleasure will be out of the question, and subjected to all kinds of restrictive legislation aiming at our gradual extinction” 55. Individual local groups opposed particular proposals, and watch committees were formed in the Midlands to contact County officials and to provide deputations to official bodies to argue for the rights of cyclists on the highway 56. The whole campaign amounted, in the Club’s words, to “A New Crusade” 57. Notably, support from the bicycle trade was also forthcoming, most immediately from Sir Edward F. Crane, founder and chair of the Hercules Cycle company, whose actions in cutting the purchase price of cycles over the previous 30 years had been instrumental in making the bicycle a form of mass transport in Britain 58. Crane specifically identified the difference between “Continental” and UK practice as hinging on the origination of the paths. Those on the Continent reflected cyclists’ desires for a solution to poorly paved roads. In the UK cyclists organised through the Roads Improvement Association to ensure smooth road surfacing for general use 59. P. J. Hannon of BSA was another highly visible supporter, and BSA printed and distributed 50,000 copies of an open letter to the Minister on the subject 60. O’Connell, Sean, The Car In British Society…, p. 112-149. Gazette, Feb 1935, p. 42. 56 Gazette, Feb 1936, p. 64. 57 “A New Crusade”, Gazette, 1935, p. 82 ff. 58 Pinkerton John, “Who Put the Working Man…” 59 Gazette, 1935, p. 83; see also Gazette, 1936, p. 132. 60 Gazette, 1935, p. 132. For extensive discussion of the relation of the cycle trade to political action during this period, see Millward Andrew, “A ‘considerable strain upon the resources of the hospitals’. A Discussion of the politics of cycling promotion in the 54 55 298 Road Safety and Class Conflict in Britain Further meetings were held around the country, attracting significant numbers. Over 2,000 were present on 23rd Feb. at Birmingham Town Hall, where the platform featured a number of key representatives from the cycle trade and was chaired by Major H. R. Watling, director of the Cycle and Motorcycle Manufacturers Union 61. In Liverpool, Picton Hall had been booked for a meeting on 28th Feb., and even the use of St George’s Hall as an overflow venue was unable to accommodate the more than 3,000 in attendance, where the CTC joined the NCU (Liverpool Centre) and the Liverpool Time Trials Association to form a Merseyside Cyclists’ Protest Committee 62. Interestingly, at this gathering, it was proposed that if segregation of road users was to be enacted, it should be fast motor traffic that was segregated and only allowed on specially constructed routes. Other meetings took place across the country in almost every district 63. A summary of the whole position of the CTC in relation to the cycle paths debate was presented (as evidence) by the Club Secretary G. Herbert Stancer to the Road Accidents Parliamentary Group at the House of Commons on February 28th. The CTC’s arguments were also summarised for a wider public in leaflets such as “The Perils of the Cycle Path” (1935). The Gazette editorial from January 1935 described a recent motoring lobbyist’s wish that existing roads be “fenced off like railways and reserved for cars and commercial vehicles”, and cited the view expressed by the Daily Telegraph that this path would “reduce accidents”. Pertinently the Gazette posed the question of what exactly “reducing accidents” might mean in this context – did it mean preventing cyclists killing one another, or was it a pretext for other concerns? The framing of the road safety debate in this manner was to have dramatic long-term consequences for policy in the UK and remained at the heart of road safety as defined by the NSFA (later RoSPA). Once this discourse is taken into account, one logical inference is that a simplistic desire to lower accident rates might be best met by simply eliminating a class of vehicle: the bicycle (or the pedestrian) since this would inevitably reduce accident rates. These fears over segregated paths surfaced at the CTC annual general meeting in 1935, where a number of significant points were raised. interwar period”, Paper presented to Cycling and Politics symposium, University of Lancaster, 16 September 2010. 61 Gazette, 1935, p. 96. 62 Gazette, 1935, p. 144. 63 Gazette 1935, p.132, 145 f, 186-189. 299 Peter Cox First, that comparison between the UK and continental practices where cycle paths were more common are not viable, as both road conditions and cycling practices are dissimilar. Second, and the key argument deployed, is that the recommendation of separate paths represented a retreat from the legal status of cycles as road vehicles. “[T]o segregate one section of the community is to trifle with a state of affairs which is a denial of our boasted civilisation.” 64 Ensuing reported comments reiterate the view of cycle paths as a means to transfer responsibility for accidents from perpetrators – principally motorists – to their victims: cyclists. “It was the person who did the most killing who formed the major problem of the roads. To suggest that because cyclists were being killed they should be pushed off the road was as absurd as to say in the case of railway accidents that as people had obviously been killed because they were travelling on the railway, this method of travelling should be forbidden in future.” 65 Whilst the practical opposition engendered appears to have significantly changed the climate for the introduction of cycle paths in this period, the broader implications of the discourses mobilised remained. What is highly significant about these events is the degree to which they marked the progression of the CTC from an historically genteel, bourgeois touring club, representing the interests of a relatively wealthy sector of the population, to a campaigning organisation, understanding its task as the representation not only of its membership (relatively small in relation to the millions of quotidian bicycle users), but also of the wider interests of this newer mass of users. Yet this role also had explicit class conflict dimensions as well. Among motorists, the bicycle was overwhelmingly understood to be the transport of the poor – or at least of the working classes. Given the simultaneous issues of mass unemployment and the social concern over economic inequalities, the association of bicycles with the working class made them a potentially explosive political issue as well. Although Joynson-Hicks’ anti-socialism no longer guided the Home Office after 1929, those same concerns continued to dominate the governance of dissent: governmental priorities were to protect the interests of those represented by the traditional political elites. In the end it was not the arguments that overcame the government desire to remove cyclists from the highway, but the sheer impracticality Robinson W. M., reported in Gazette, 1935, p. 68. Gazette, 1935, p. 12. 64 65 300 Road Safety and Class Conflict in Britain of doing so, as eloquently argued by CTC’s Frank J. Urry in his dissenting view on the Alness Committee at the end of the decade. F. J. Urry was the son of John Urry, and had taken over the Gazette’s “Notes from a Nomad” column upon his father’s death. The committee itself clearly saw segregation as a universal panacea and recommended the removal of cyclists from the highway wherever possible. As The Commercial Motor put it, “The case for the fair-minded motor driver has been put forward admirable. There is little need to read between the lines to appreciate that the Committee is fully aware how the good driver is constantly "nursing" the careless pedestrian and, often, the cyclist” 66. Only the events of the Second World War were to intervene. Again, it was wartime emergency legislation that finally brought in compulsory rear lighting, and this was made permanent by the Road Transport Lighting (Cycles) Act of 1945. It wholeheartedly endorsed the recommendations of the Alness Committee, brought in early, despite considerable unease at the lack of proper representation of cyclists 67. Domestic road accident figures roughly stabilised through the 1930s, only to rise rapidly after the imposition of wartime blackout restrictions, and reaching an all-time high in 1941 (see Table 1). This pattern is indicative of the fundamental problem of road safety, the failure of motor vehicle users to drive within the limits of their capacity to see and respond. That so many of the casualties were pedestrians demonstrates the problem of visibility and lack thereof. In principle, the CTC’s arguments over reflectors and rear lights were absolutely correct. Conclusions Re-examining the debates over rear lights and cycle paths allows us to move from a simple consideration of the artefacts concerned toward and examination of the political processes at work in shaping the discursive production of different classes of mobile subjects 68. While both light and path debates were ostensibly framed around concerns for the safety of cyclists, they succeeded in depicting the cyclist – the largest category of vehicular road users – as a “problem”, and as deviant when measured against the “norm” of motor car travel. Although public aspirations for change were expressed in the language of co-operation, The Commercial Motor, April 14 1939, p. 30. HC Deb 02 February 1945 vol 407 cc1794-85. 68 See Bonham Jennifer, “Transport: disciplining the body that travels”, in Böhm Stephan, Land C., Jones C., Paterson M. (eds.), Against Automobility, Blackwell: London, 2006, p. 57-74 66 67 301 Peter Cox the reality of the asymmetry of power – social, political and physical – resulted in further marginalisation of the victims of road safety. This same asymmetry can be further illustrated in the calls for behavioural change put forward as solutions, which almost exclusively called upon cyclists and pedestrians to become “more responsible” for their own safety and “not to put themselves at risk”, rather than confronting the potential abuses of power by those posing the risk. That these abuses were exacerbated by pre-existing social and structural inequalities is both partial explanation and compounding factor in the debate. Co-operation is only possible where mutual respect and parity of access to power exists between parties: imbalances of power tend towards creating coercive outcomes. The issue of safety for cyclists (and pedestrians) is still the source of lively debate among policy makers and cyclists (and pedestrians) themselves 69. A deeper understanding of the problems involved and the deeply emotional responses that are often generated, to the puzzlement of policy makers, can be gained from understanding the issue not as one of safety but as one of threat. The imposition of regulations and restrictions, however much couched in the rhetoric of protection, appears as threat to those in marginal power positions in society, regardless of their numeric strength. As Mikael Colville-Andersen, creator of the Copenhagenize and Cycle Chic blogs (a supporter of segregated provision in the current context) has written, “Producing behavioural campaigns focused on cyclists only serves to continue the marginalisation of cycling… [and] serves no good purpose if you don’t point the fingers at the other traffic users at the same time. Behavioural campaigns aimed at everyone remove this focus on cyclists and also serve to place the bicycle on an equal footing in the public psyche” 70. From the outside, if judged solely on what they appear to be concerned with – refusal of rear lights and cycle paths – the campaigns of the 1930s appear almost absurd. Only by understanding the actors involved and their social positions do the campaigns against supposed safety provisions become intelligible. See e.g. Pooley Colin (et al.), Understanding walking and cycling: Summary of key findings and recommendations, EPSRC grant EP/G00045X/1, 2011, (http://www. lec.lancs.ac.uk/research/society_and_environment/walking_and_cycling.php), and the published media and online debate that this report generated. 70 Colville-Andersen M., Behavioural Challenges for Urban Cycling, Copenhagenize. com (Posting date 11/11 2009). 69 302 Road Safety and Class Conflict in Britain Table 1: UK Reported Road Accident Statistics 1926-1945 Deaths Other casualties (to nearest 1000) 1926 4,886 134,000 1927 5,329 149,000 1928 6,138 165,000 1929 6,669 171,000 1930 7,304 178,000 1931 6,691 202,000 1932 6,667 206,000 1933 7,202 216,000 1934 7,343 232,000 1935 6,502 222,000 1936 6,561 228,000 1937 6,633 226,000 1938 6,648 227,000 1939 8,272 – 1940 8,609 – 1941 9,169 – 1942 6,926 141,000 1943 5,796 117,000 1944 6,416 124,000 1945 5,256 101,000 Source: Keep Matthew, Rutherford Tom, Reported Road Accident Statistics, SN/SG/2198 3, House of Commons Library, Social and General Statistics section, October 2011. 303 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse (1918-1945) Autour de la structuration du lobby routier Olivier Perroux, Université de Genève Gérard Duc, Université de Genève Abstract : The debate around transport coordination emerged in the interwar period, when the road industry became a credible rival of rail transport. During this period, Wagner’s law – according to which public spending and areas of State intervention grow continuously over time – was clearly proven. Trends in public spending, which might encourage more intensive economic intervention by the State at a time when the transport industry was in need of coordination, imply that conditions were ripe for strong State intervention in transport. Thus transport coordination instantly highlights the interactions between three actors of very diverse origins and interests: the State, which had spent great sums to finance the railway industry, defenders of rail transport, and a multitude of motley associations defending road transport. The latter were able to organise even more easily because the State, through an array of transport coordination projects, first attempted to take control of road transport, as it had done with the railways at the end of the 19th century. In the end, the failure of all attempts at road-rail coordination immediately following the war and the denial of greater legislative powers for the central government in this field appear to contradict Wagner’s theory. However, in the face of a growing road lobby, the federal authorities did want greater legislation. From the moment the Confederation was forced to abandon strict regulation of road traffic and compulsory coordination with rail transport, full collaboration between the federal authorities and road lobbies to develop road infrastructure – the other aspect of State intervention – was successful. 305 Olivier Perroux, Gérard Duc En Suisse comme ailleurs, la période de l’entre-deux-guerres voit émerger le débat sur la coordination des transports 1. Dans cette contribution, nous nous proposons d’observer la question de la coordination et de l’émergence des lobbies routiers sous le prisme de la loi de Wagner sur les dépenses publiques 2. Cette théorie économique, émanant d’un économiste allemand et datant de la fin du xixe siècle, stipule que les dépenses publiques tendent à croître plus vite que le produit intérieur. Au fil des ans, l’État investit de plus en plus de secteurs de l’économie, notamment sous la pression des besoins de confort de sa population. Bien que les travaux qui ont initié cette théorie datent du début des années 1870 et concernent l’État allemand, cette loi a souvent été reprise, au point de devenir une référence de l’histoire économique 3. Précédant de plusieurs décennies la création des États providence, elle doit surtout sa force à une vérification empirique de son énoncé, auquel la Suisse n’échappe pas. Parmi les nombreuses études autour de la question de l’augmentation des dépenses publiques, celle des économistes anglais Peacock et Wiseman joue un rôle clé dans la popularisation de la loi de Wagner 4. En étudiant le cas de l’Angleterre des années 1951 à 1955, ces deux auteurs confirment la loi de Wagner et la diffusent dans le monde anglo-saxon en la complétant. Ils démontrent qu’il existe un écart important entre les attentes de la population relatives aux dépenses publiques et le niveau de tolérance de la fiscalité, moteur de l’action publique. Par conséquent, les gouvernements ne peuvent ignorer les demandes faites par leur population concernant les différentes prestations publiques, en particulier lorsque la collecte des recettes est en augmentation à taux fiscal constant. Selon ces deux économistes, la tendance d’un État à suivre le modèle de Wagner n’est pas linéaire dans le temps. L’État augmente son intervention en période de crise en élargissant la structure fiscale Notamment Kirchhofer André, Stets zu Diensten – gezwungenermassen ! Die Schweizer Bahnen und ihre « Gemeinwirtschaftlichkeit » für Staat, Wirtschaft und Bevölkerung, Basel : Schwabe, 2010, p. 240-264 ; Sager Fritz, « Spannugsfelder und Leitbilder in der schweizerischen Schwerverkehrspolitik 1932 bis 1998 », Revue suisse d’histoire, n° 3, 1999, p. 307-332 ; voir également la contribution de Haefeli Ueli dans cet ouvrage. 2 Du nom de son auteur, Wagner Adolph, qui la décrit pour la première fois dans son Lehrbuch der politischen Ökonomie, Düsseldorf : Verl. Wirtschaft und Finanzen, 1876. L’ouvrage connaît depuis cette date de nombreuses rééditions et traductions. 3 À commencer par Rendu André, La loi de Wagner et l’accroissement des dépenses dans les budgets modernes, Paris : A. Rousseau, 1910. 4 Peacock Alan, Wiseman Jack, The growth of public expenditure in the United Kingdom, Princeton : Princeton University Press, 1961. 1 306 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse afin de générer davantage de fonds pour répondre à l’augmentation des dépenses, par exemple militaires lors d’une guerre. Or, à la fin de la période de crise, les nouveaux taux d’imposition et les structures fiscales sont maintenus, tandis que les dépenses militaires décroissent, ce qui ouvre la voie à de nouveaux domaines pour l’action publique. Il résulte de l’étude de Peacock et Wiseman un effet de cliquet : les dépenses publiques demeurent bloquées à un niveau supérieur à celui qui était le leur avant la crise. Graphique 1 : Évolution des dépenses de la Confédération (1913‑1959) Milliers de frs 1400 1200 1000 Dépenses (Frs de 1914) 800 600 400 1959 1957 1955 1953 1951 1949 1947 1945 1943 1941 1939 1937 1935 1933 1931 1929 1927 1925 1923 1921 1919 1917 1915 0 1913 200 Source : Ritzmann-Blickenstorfer Heiner (éd.), Siegenthaler Hansjörg (dir.), Statistique historique de la Suisse, Zurich : Chronos, 1996, p. 952. Dans le cas helvétique, l’effet de cliquet lié à la Seconde Guerre mondiale, une crise incontestable du xxe siècle, est flagrant, comme le montre le graphique 1. Les accélérations liées aux deux guerres mondiales sont visibles, et la décroissance de la fin du conflit, 307 Olivier Perroux, Gérard Duc p rovoquée par un dégonflement des dépenses militaires, n’entraîne pas un retour à la situation antérieure, mais à un niveau supérieur de dépenses. L’évolution du niveau des dépenses publiques, favorisant potentiellement une intervention plus intensive de l’État dans la vie économique, au moment même où le secteur des transports se trouve confronté à un besoin de coordination par l’émergence de l’automobilisme, joue un rôle central. Il y a, pendant cette période, des conditions favorables à une intervention législative de l’État dans le secteur des transports routiers. Aux origines du protectionnisme ferroviaire Selon Wagner, l’augmentation des dépenses se compose de deux éléments différents, soit les investissements et les nouvelles demandes de consommation. Dans le cas des dépenses liées aux transports, on note que ces deux natures jouent un rôle : au xixe siècle, les investissements d’infrastructures ferroviaires furent lourds 5. Leur importance est par ailleurs une des raisons qui poussèrent les États à passer par des concessions octroyées à des compagnies privées, seul système susceptible de fournir les capitaux nécessaires à la construction des premières lignes de chemin de fer. Autant que pour le rail, les dépenses d’investissement en faveur de la route participent pour une part très importante aux coûts générés par le secteur des transports. À ce sujet, l’historien sera très sensible à la chronologie différente qui affecte rail et route concernant ce type de dépenses. En Suisse, mais également ailleurs en Europe, l’État investit massivement dès la fin du xixe siècle dans l’industrie du rail. Quand l’industrie de la route naît, au tournant du siècle, l’engagement de l’État en matière de politique des transports est presque exclusivement associé au chemin de fer. La problématique de l’augmentation des demandes de consommation en matière de transports, qui concerne très directement l’histoire des lobbies, est moins abordée par les historiens, du moins sous l’angle Sur l’importance des investissements ferroviaires au xixe siècle, cf. notamment Beck Bernhard, Lange Wellen wirtschaftlichen Wachstums in der Schweiz, 1814-1913. Eine Untersuchung der Hochbauinvestitionen und ihrer Bestimmungsgründe, Bern & Stuttgart : P. Haupt, 1983 ; Schwarz Jutta, Bruttoanlageinvestitionen in der Schweiz von 1850 bis 1914. Eine empirische Untersuchung zur Kapitalbildung, Bern & Stuttgart : P. Haupt, 1981. 5 308 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse d’une histoire économique de l’action publique. Or, l’action des lobbies est essentielle à cerner pour comprendre le développement de ces nouvelles exigences de consommation. Appliquées au chemin de fer, les demandes d’amélioration des dessertes, de modification des tarifs, d’augmentation des cadences, voire simplement du confort du matériel roulant, sont à placer dans cette problématique. Pendant l’entre-deuxguerres, les nouvelles demandes, émanant des lobbies – routiers comme ferroviaires –, concernent également l’intervention de l’État, que ce soit par la promulgation d’actes législatifs réglant la concurrence rail-route ou permettant d’ordonner le secteur du transport routier, ou pour l’amélioration des routes. Le lien très fort qui se construit en Suisse entre pouvoir fédéral et secteur ferroviaire résulte notamment d’un concours de circonstances. La Suisse, en tant qu’État fédéral, naît en deux étapes. En 1848, après l’adoption de la première Constitution, alors que le chemin de fer effleure encore à peine le paysage helvétique, et en 1874, au moment de l’approbation en votation populaire d’une nouvelle Constitution qui renforce les prérogatives de la Confédération 6. À cette date, les chemins de fer, développés depuis 1852 sur la base d’une loi octroyant de larges compétences aux cantons, ne sont plus caractérisés par des lignes éparses mais forment un réseau déjà solidaire qui se dessine au niveau de l’ensemble du pays. Le rail rejoint ainsi la politique de construction d’une unité nationale qui fait défaut avant 1874. Le 23 décembre 1872, quelques mois après l’échec en votation populaire d’un premier projet de révision de la Constitution fédérale, une nouvelle loi sur les chemins de fer, qui donne à Berne la primauté en matière d’octroi de concessions ferroviaires, est adoptée 7. La Suisse n’est pas un État centralisé et le pouvoir confédéral se limite à l’union de forces éparses, à l’origine peu importantes. Il appartient à ces forces de rendre cohérent un ensemble fait de clivages. L’un des fondements de ce pouvoir va être de lancer le principe de la « solidarité confédérale », soit le rassemblement de régions différentes, parfois rurales et très excentrées voire inaccessibles, à des Voir Schweizer Rainer J., « Die Totalrevision der Bundesverfassung von 1872 und 1874 : Erfahrungen im Blick auf die laufende Verfassungsrevision », in Zen-Ruffinen Piermarco, Auer Andreas (éd.), De la constitution. Études en l’honneur du professeur Jean-François Aubert, Bâle & Francfort : Helbing & Lichtenhahn, 1996, p. 101‑114. 7 Duc Gérard, Les tarifs marchandises des chemins de fer suisses (1850-1913). Stratégie des compagnies ferroviaires, nécessité de l’économie nationale et évolution du rôle régulateur de l’État, Berne : Peter Lang, 2010, p. 159-169. 6 309 Olivier Perroux, Gérard Duc centres urbains et industriels qui concentrent une bonne part de l’activité économique et politique 8. En reliant les régions entre elles, en les plaçant sur un certain pied d’égalité, en servant également d’épine dorsale au service postal, les chemins de fer apparaissent comme un instrument utile à l’unification identitaire du pays 9. Les premières tentatives de la Confédération de reprendre en main les chemins de fer sont un échec. Dès les dernières années du siècle cependant, avant même le rachat des compagnies privées, la Confédération, afin de développer le rail également dans une vision d’unification du pays et d’amélioration des dessertes, investit des sommes considérables comme le montre le graphique 2 10. Le rachat, accepté en votation populaire en 1898, œuvre gigantesque de 1,3 milliard de francs – soit près de 50 % du PIB helvétique de 1900 –, scelle définitivement l’union – quelque peu contrainte par les sommes colossales en jeu – des autorités suisses de la première moitié du xxe siècle aux chemins de fer 11. Comme on l’a dit, Adolf Wagner n’explique pas uniquement la croissance des dépenses publiques par les coûts d’investissement et leurs prévisibles explosions. Selon lui, les nouveaux besoins de consommation des populations des États démocratiques provoquent tout autant l’augmentation des dépenses publiques. Appliqué au secteur des transports, cela concerne très directement l’histoire de la mobilité et la nature de l’évolution de celle-ci. La demande de mobilité toujours plus forte, sur des distances toujours plus grandes et dans un univers toujours plus confortable est en cause. Il s’agit là de dépenses qu’il est cependant plus difficile de chiffrer. Au sujet de cette notion très helvétique, voir notamment Bernhard Roberto, Isler Ruth, Zwischen Selbstverwirklichung und Solidarität, 1995-1996, Aarau & Frankfurt a.M : Verl. Sauerländer, 1995. 9 Voir à ce sujet Berchtold Walter, « La politique suisse des transports » in ibidem, p. 297‑318. 10 Le Compromis du Gothard de 1878 inaugure cette politique. L’intervention finan cière de la Confédération s’oriente ensuite en direction du rachat d’actions des compagnies, politique inaugurée par le conseiller fédéral Emil Welti (1825‑1899) dans les années 1880. Cf. Strebel Heinrich, Die Diskussion um den Rückkauf der schweize rischen Privatbahnen durch den Bund 1852-1898, Zurich : Diss. Phil. I, 1980. 11 Duc Gérard, Les tarifs marchandises…, p. 298. 8 310 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse Graphique 2 : Évolution du réseau ferré et des dépenses ferroviaires de la Confédération (1872-1913) 6000 5 4.5 5000 4 3.5 4000 investissements (mio de frs) 3 Voies ferrées (Km) 2.5 3000 2 2000 1.5 1 1000 0.5 12 10 19 08 19 06 19 04 19 02 19 00 19 98 19 96 18 94 18 92 18 90 18 88 18 86 18 84 18 82 18 80 18 78 18 76 18 18 18 18 74 0 72 0 Source : Ritzmann-Blickenstorfer Heiner (éd.), Siegenthaler Hansjörg (dir.), Statistique historique…, p. 769, p. 946. La dualité du secteur routier durant l’entre-deux-guerres : entre monopole fédéral et absence de la Confédération La focale que nous avons mise sur la période de l’entre-deux-guerres est liée à l’émergence, durant cette même période, de l’automobilisme comme alternative valable au rail 12. Sans un secteur routier solide, en l’occurrence qui dépasse le cadre de simple curiosité ou d’objet d’amusement pour une élite dispendieuse qui a les moyens de s’offrir une technologie balbutiante, la question de la coordination n’a aucune raison d’être. Au niveau du secteur routier, deux problématiques, en partie complémentaires mais nécessitant des interventions législatives souvent Sur la croissance du secteur routier, cf. Merki Christoph Maria, Der holprige Siegeszug des Automobils, 1895-1930 : zur Motorisierung des Strassenverkehrs in Frankreich, Deutschland und der Schweiz, Wien : Böhlau, 2002. 12 311 Olivier Perroux, Gérard Duc distinctes, sont à différencier. La première concerne l’organisation d’un transport de fret et de personnes par la route, pendant du transport ferroviaire. En raison de la probable concurrence qu’un tel service ferait au rail, la question d’une étatisation du transport routier – à défaut d’une coordination légalement imposée – se pose en Suisse, mais également dans tous les pays européens 13. La seconde problématique a davantage trait aux répartitions entre échelons administratifs différents des charges financières pesant sur l’amélioration ou la création de l’infrastructure routière, ainsi que sur l’édification des lois et règlements. À ces deux niveaux, des lobbies interviennent, développent des solutions propres à remplir leurs objectifs et parviennent à imposer leurs vues d’autant plus efficacement qu’ils sont bien représentés au sein de l’hémicycle fédéral. Graphique 3 : Nombre de voyageurs empruntant les diligences de la Poste suisse (1850‑1950) 2000000 1800000 1600000 1400000 1200000 1000000 800000 600000 400000 1950 1945 1940 1935 1930 1925 1920 1915 1910 1905 1900 1895 1890 1885 1880 1875 1870 1865 1860 1850 0 1855 200000 Source : Merki Christoph Maria, « Der Umstieg von der Postkutsche aufs Postauto. Zur Motorisierung des öffentlichen Überlandverkehrs in der Schweiz », Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, n° 85, 1998, p. 95. Pendant tout le xixe siècle, le transport public routier par excellence est la diligence, incluse dès la moitié du siècle au sein du monopole établi par la Poste fédérale. Le graphique 3 montre une claire évolution La Chambre de commerce international définit le monopole des deux moyens de transport comme une solution envisageable. Cf. Journal de Genève, 12 mai 1933. 13 312 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse du nombre de passagers des diligences postales pendant toute la seconde moitié du siècle. Les deux grands creux sont de nature conjoncturelle, alors que la chute, liée d’abord à la Première Guerre mondiale, provient également de l’émergence de l’automobile, qui se traduit en l’occurrence par une mécanisation du service des postes. Au début du xxe siècle, alors même que la Confédération investit massivement dans le rail, l’automobilisme émerge. En toute logique, l’État fédéral tarde à tenir compte de cette industrie concurrente du rail, ce qui a pour conséquence de laisser la route dans un désert législatif. À la volonté manifeste de ne pas investir dans un domaine qui pourrait à terme remettre en question la prédominance du rail s’ajoutent deux raisons. La première est que les innovations liées à la route apparaissent d’abord comme des curiosités expérimentales. Légiférer pour organiser un futur qu’on ne connaît pas a toujours été une douce utopie. De plus, les premières automobiles ne sont pas destinées à parcourir de grandes distances. Or, le domaine d’intervention de la Confédération, par principe, relève de tous les aspects intercantonaux, comme ce fut le cas pour le chemin de fer, dans un premier temps abandonné à l’appréciation des cantons. Ainsi la Confédération ne reprend en main le rail qu’à partir de la loi fédérale de 1872 sur la construction et l’exploitation des chemins de fer, tandis que les lignes ferroviaires traversent les frontières cantonales et que la décision d’abandonner le rail aux cantons est source de conflits depuis une vingtaine d’années. Tandis que le chemin de fer relève du domaine de la Confédération, la route va peu à peu s’organiser sous la supervision des pouvoirs cantonaux, dans l’indifférence du pouvoir fédéral, à l’exception des quelques voies de transit et des stratégiques routes des cols alpins 14. La principale conséquence de cette apparente distorsion au sein même de l’État fédéral est de donner un liant aux associations de défense de la route. Dans un premier temps, la répartition entre un rail « confédéral » et un secteur routier « cantonalisé » paraît opportune, sinon logique. Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, le réseau ferroviaire du pays a atteint un palier dans son extension géographique (graphique 4), tandis que le secteur routier n’en est encore qu’à ses balbutiements 15. Toutefois, la Première Guerre mondiale, conformément à la loi de Wagner, entraîne Merki Christoph Maria, « Der Treibstoffzoll aus historischer Sicht : von der Finanzquelle des Bundes zum Motor des Strassenbaus », in Pfister Christian (Hg.), Das 1950er Syndrom. Der Weg in die Konsumgeslleschaft, Bern : Haupt, p. 326‑327. 15 Il n’existe par exemple pas de lignes de dépenses « construction de route » dans les tableaux « finances de la confédération » des statistiques historiques. 14 313 Olivier Perroux, Gérard Duc une augmentation des dépenses fédérales (graphique 1) et va marquer une nouvelle étape dans l’engagement – presque involontaire – de la Confédération envers la route. En 1918, le gouvernement suisse réforme des camions militaires en les léguant au service postal de transports de voyageurs. Celui-ci, attaché exclusivement à la diligence, avait bien tenté un essai avec des camions avant 1914, mais n’avait pas trouvé l’expérience concluante. Graphique 4 : Évolution du réseau ferré et du nombre de véhicules automobiles privés (1854-1954) 250000 6000 5000 200000 Réseau ferré (Km) Véhicules 4000 150000 3000 100000 2000 50000 0 1854 1857 1860 1863 1866 1869 1872 1875 1878 1881 1884 1887 1890 1893 1896 1899 1902 1905 1908 1911 1914 1917 1920 1923 1926 1929 1932 1935 1938 1941 1944 1947 1950 1953 1000 0 Source : Ritzmann-Blickenstorfer Heiner (éd.), Siegenthaler Hansjörg (dir.), Statistique historique…, p. 769. L’amélioration des routes, visible depuis le début du siècle notamment grâce au goudron et à l’asphalte, s’accélère au sortir de la guerre 16 alors que l’on note, dans les années 1920, une première augmentation du nombre de véhicules automobiles privés en circulation, peu comparable cependant avec la croissance qui interviendra durant les Notamment Schiedt Hans-Ulrich, « Die Entwicklung der Strasseninfrastruktur in der Schweiz zwischen 1740 und 1910 », Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, n° 1, 2007, p. 39‑54 ; Schiedt Hans-Ulrich, « Der Ausbau der Hauptstrassen in der ersten Hälfte des 20. Jahrhundert », Les chemins et l’histoire, no 1, 2004, p. 12‑23. 16 314 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse Trente Glorieuses (graphique 4). En 1924, face à la croissance de la mécanisation du transport routier, la Confédération intervient une première fois dans la politique routière afin d’assurer le maintien de son monopole dans le service de transport de personnes 17. Durant cet entredeux-guerres où sont échafaudées les premières solutions en matière de coordination des transports, elle a théoriquement deux options pour mener cette intervention qui ne peut que la placer dans une situation délicate vis-à-vis du rail, dont le monopole est de plus en plus remis en question. Soit la route rejoint le rail dans le giron de l’État, ce qui signifie une très coûteuse étatisation de la route, dont la loi de 1924 sur le service des postes est dans une certaine mesure la première étape, soit la Confédération se désinvestit de tout ou partie du rail dans lequel elle a engagé des sommes considérables depuis une quarantaine d’années. Conformément à la loi de Wagner, la Confédération ne peut que difficilement abandonner ses lourds investissements ferroviaires, d’autant que le défi énergétique posé par une guerre mondiale qui a étranglé la Suisse enclavée au milieu des belligérants pousse dès l’après-guerre à l’électrification du réseau ferroviaire, qui augmente encore les investissements consentis au rail d’environ 25 % 18. Après la loi de 1924 sur le transport des personnes par route, la Confédération va tenter de limiter les effets du transport de fret par route sur « les milliards investis dans les entreprises ferroviaires et dans les entreprises qui en vivent directe ment ou indirectement » 19. En 1934, elle cherche à donner force de loi à un projet de convention de partage du trafic intervenu en mai 1933 entre les transporteurs routiers – secoués par les effets de la crise – et les administrations de chemins de fer, dont les CFF, aux déficits devenus récurrents dès le début des années 1930. Cette première tentative d’organisation globale de la coordination rail-route concernant le transport de marchandises passe facilement la rampe du Parlement, mais se heurte à un référendum populaire soutenu à la fois par l’aile la plus libérale des partis de droite qui craint, à l’image du conseiller aux États valaisan Raymond Evéquoz, « une étape « Loi fédérale sur le service des postes (2 octobre 1924) », FF, vol. 3, 1924, p. 495‑519. 18 Cette estimation a été faite en 1930. Voir Saitzew Manuel, Mission et régime des chemins de fer dans l’économie nationale : contribution à l’étude du problème de la concurrence entre le chemin de fer et l’automobile, Berne : Librairie-Édition, 1932, p. 11. 19 « Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale à l’appui d’un projet de loi réglant le transport de marchandises sur la voie publique au moyen de véhicules automobiles (du 23 janvier 1934) », Feuille fédérale (FF), vol. 1, 1934, p. 89‑90. 17 315 Olivier Perroux, Gérard Duc menant à la nationalisation de tous les transports » 20 et par une frange des socialistes, estimant au contraire que le projet ne va pas assez loin dans la voie de l’étatisation du transport considéré comme un service public. En mai 1935, une majorité du peuple suisse balaie la loi à plus de 67 % 21. Vivement contestées par le lobby de la route, les tentatives de coordination entre la route et le rail se muent dès cet instant en opération de sauvetage des CFF, dont la situation avait été dramatiquement établie par le chef du Département fédéral des postes et des chemins de fer, Marcel Pilet-Golaz (1889‑1958), lors de la campagne référendaire de 1934‑1935 : dette de 3 milliards de francs ; déficit de 50 millions en 1934, soit une perte de 6 000 francs par heure 22. La distorsion entre le rail soutenu à bout de bras par l’État et la route ne manque pas de soulever, dans l’entre-deux-guerres déjà, la critique des défenseurs d’un marché des transports soumis aux règles du marché. Citant un quotidien français, le Journal de Genève, qui s’était en son temps opposé de toutes ses forces à l’étatisation des compagnies ferroviaires suisses, explique en ces termes, en août 1935, la distorsion provoquée par l’intrusion de l’État dans le marché des transports : « Autant on fit jadis disparaître brutalement les voituriers, autant le rail menacé cherche actuellement à détruire le transport auto dont les services sont plus rapides, plus sûrs et moins coûteux. Pourquoi cette guerre ? Parce que le rail est service public et par-dessus le marché souvent propriété de l’État. Les défenseurs du rail agitent le spectre de la ruine des pays propriétaires de chemin de fer ! » 23 La seconde moitié des années 1930 voit ainsi se multiplier les projets législatifs poursuivant le même objectif de défense du rail : arrêté sur l’assainissement des CFF (novembre 1936), arrêté sur le transport routier (juin 1937), arrêté sur le règlement des auto-camions (juin 1937), et finalement initiative populaire sur le transport marchandises lancée par la Ligue suisse pour l’organisation rationnelle du trafic (Litra), le lobby du rail tout juste créé. Cette initiative sera retirée en faveur d’un contre-projet du Conseil fédéral, qui propose l’ajout d’un article 23 ter à la Constitution, stipulant que « le trafic par chemin de Journal de Genève, 7 juin 1934 (Coordination des transports au sein du Conseil des États). 21 Voir la contribution de Haefeli Ueli dans cet ouvrage. 22 Journal de Genève, 20 décembre 1934. 23 Journal de Genève, 5 août 1935. 20 316 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse fer et les transports motorisés par route, par eau et par air, doivent être réglés par la Confédération en vue d’assurer une collaboration ration nelle des différents modes de transports, dans l’intérêt de l’économie publique et de la défense nationale » 24. Cet article sera rejeté par deux tiers de la population votante en février 1946. La notion de coordination qui domine les discours pendant ces vains efforts de construction législative se heurte au déséquilibre flagrant qui sépare la route du rail. Un élu fédéral a beau clamer en 1944 qu’« une coordination rationnelle [des transports] est la condition même de l’assainissement des chemins de fer » 25, la route refuse une intégration par la nécessité de sauver son concurrent public. La structuration d’un lobby routier en mesure d’imposer ses solutions Dès le début du xxe siècle, alors que le transport routier gagne en efficience, le positionnement des routes dans le domaine de compétence des cantons a comme conséquence de multiplier les difficultés pour tout déplacement dans plusieurs cantons. L’automobiliste se trouve en effet confronté à plusieurs législations routières différentes, parfois contradictoires, bien qu’un début d’uniformisation soit rendu possible par l’intermédiaire de concordats intercantonaux. Ceux-ci concernent les règles de circulation, mais pas encore les sanctions, ce qui irrite les associations européennes d’automobilistes qui préconisent à leurs membres d’éviter le territoire helvétique 26. À partir des années 1920, les exigences d’une centralisation législative et d’une redistribution d’une partie des taxes douanières sur les carburants pour la construction des routes vont stimuler les activités des associations de défense de la route. Un premier tissu associatif lié à la route et unissant aussi bien les automobilistes que les cyclistes se crée autour de la demande faite à la Confédération d’intervenir pour organiser la route. Au sein même de ces associations, dont le Touring Club Suisse (TCS), ces débats ne sont pas sans causer des remous. À l’origine, le TCS n’est pas destiné à défendre les intérêts des automobilistes, mais de la mobilité en général. Cité in Journal de Genève, 22 novembre 1943. Cité in Neuvième rapport de l’office national de recherches et d’études pour le développement et la rationalisation de la circulation routière, Via Vita, sur son activité en l’an 1944, p. 47. 26 Journal de Genève, 15 avril 1906. 24 25 317 Olivier Perroux, Gérard Duc L’essentiel de ses membres se déplace à pied, en train ou à bicyclette, les automobilistes étant une catégorie qui n’existe même pas lors de sa création en 1896. L’énergie dépensée par cette association sur les problèmes de législation du secteur routier engendre des tensions internes, qui manquent de déboucher sur une scission. À côté du TCS, un grand rival, cette fois attaché à la seule défense des milieux de l’automobile est fondé en 1898 : l’Automobile Club Suisse (ACS). À la fin des années 1920, la Ligue pour la circulation routière, toute jeune association faîtière des intérêts routiers, lance une initiative populaire englobant la centralisation de la législation et l’utilisation des taxes douanières sur les carburants. Son rejet, par une majorité des cantons et du peuple en mai 1929, s’explique en partie par la décision du Conseil fédéral, une année auparavant, de verser une partie de ces taxes aux cantons afin d’améliorer les routes 27. Les débats qui se durcissent au cours des années 1930 sur la coordination des transports ont notamment pour conséquence de structurer les deux camps. Les positions se figent, alors qu’aucune solution ne semble acceptable de part et d’autre. Au sein de la Litra, organisation fondée en 1936 et disposant de puissants relais au sein de l’Assemblée fédérale via plusieurs de ses membres qui y siègent, s’opposent les défenseurs de la route, dont les gains, obtenus dans les débats publics sur la coordination rail-route et sur l’affectation des taxes douanières sur les carburants, ont permis d’émerger sur le plan politique à un point tel que la même année le député lucernois et membre du Conseil d’administration des CFF Heinrich Walter déclare à la tribune du Conseil national : « Die Automobilverbände sind eine Macht geworden. […] eine Macht […], gegen die nur schwer aufzukommen ist. » 28 Le développement des structures liées à la défense de la route s’est fait en premier lieu sur le plan local, et cela dès la fin du xixe siècle, comme nous l’avons vu pour le TCS ou l’ACS. Les campagnes politiques de l’entre-deux-guerres vont cependant pousser ces organisations à se fédérer. Ce mouvement se produit autour de quelques associations faîtières, comme la Ligue pour la circulation routière ou Via Vita, faîtière formée au milieu des années 1930 lors du mouvement de résistance à l’augmentation des tarifs douaniers sur les carburants. En liant les fédérations routières suisses aux associations économiques transversales, Via Vita acquiert un statut de « référent ». Le gouvernement du canton de Merki Christoph Maria, « Der Treibstoffzoll… », p. 319. Cité par Merki Christoph Maria, « Der Treibstoffzoll… », p. 321. 27 28 318 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse Genève, berceau du TCS, la traite comme tel dès sa création 29. Le temps est venu pour ce lobby de compter ses appuis au sein du parlement 30. Conformément à la loi de Wagner, complétée par Peacock et Wiseman, la perspective d’un nouveau conflit mondial et le déclenchement de ce dernier provoquent une accélération de l’intervention de l’État. Dès 1937, la Confédération lance de larges programmes de réarmement, gourmands en argent public, qui vont durer douze ans. Le reflux des dépenses publiques entre la fin du conflit et 1949 s’opère, mais les dépenses demeurent fixées bien au-dessus du seuil qui était la norme avant 1937 (graphique 1). Pour vérifier l’application de cette théorie au domaine des transports, encore faut-il que la Confédération tente, dans cet intervalle, d’y étendre une nouvelle fois son champ d’action, notamment dans le secteur routier. Cette intervention se produit effectivement durant la forte croissance de dépenses publiques liées à la Seconde Guerre mondiale. En 1936, l’Association suisse des propriétaires d’auto-camions (ASPA/1921), échaudée par les effets de la crise et la croissance anarchique du secteur, demande au Conseil fédéral d’instaurer une législation sur les transports automobiles. On se situe bien dans un processus d’augmentation des exigences face à l’État central de la part d’un lobby, celui des transporteurs routiers, qui s’organise en un puissant cartel en 1938, en fondant la Fédération suisse de l’industrie des transports automobiles ou Treuhandverband für das Autotransportgewerbe (TAG), réunissant à terme une quinzaine d’associations liées au transport routier 31. Nul doute que le Conseil fédéral voit là la possibilité de régler durablement le désormais lancinant « problème des transports et [de] la concurrence Voir lettre du conseiller d’État Albert Picot du 18 janvier 1943, Archives d’État de Genève (AEG), cote rail-route 1322, 13/3 1942. 30 Mémoire de Via Vita adressé aux membres du parlement au sujet du message du 19 décembre 1941 concernant une modification de la constitution par une disposition sur les transports par chemin de fer, par route, par eau et par air, [traduction], 24 février 1942, AEG, fonds transports ; Lettre de Via Vita « aux membres de la commission du Conseil National chargée de l’examen du message et du projet concernant la modification de la Constitution par une disposition sur les transports par chemin de fer, par eau, par route et par air (19 décembre 1941) », du 18 mai 1942, AEG, fonds transports. 31 Zimmermann Adrian, « ’Zunftordnung’oder’ erster Schritt (…) zur Koordination der beiden hauptsächlichen Verkehrsträger’? Die Autotransportordnung (ATO) », in Schiedt Hans-Ulrich, Tissot Laurent, Merki Christoph Maria, Schwinges Rainer C. (Hg.), Verkehrsgeschichte. Histoire des transports, Zurich : Chronos, 2010, p. 409. La fusion de la TAG et de l’ASPA en 1979 donne l’ASTAG, lobby actuel des transporteurs routiers. 29 319 Olivier Perroux, Gérard Duc des moyens de communication ». Comme il le reconnaît lui-même en ouverture du message du 18 juin 1937 concernant un arrêté sur les transports sur la voie publique de personnes et de choses au moyen de véhicules automobiles, cet acte « doit permettre […] de faire les expériences dont on aura besoin pour élaborer plus tard une législa tion à caractère durable » 32. En 1938, cet arrêté, popularisé sous le nom de « Statut des transports automobiles » (STA), est frappé de la clause d’urgence par un Conseil fédéral échaudé par les échecs passés. Il entre en vigueur le 15 août 1940. Outil au service de l’organisation du transport routier, il exige notamment l’obtention d’une concession pour se livrer au transport professionnel et donne au Conseil fédéral le droit de définir les principes réglant les tarifs de transport, en consultation avec les entreprises concernées – entendez la TAG. Le régime des pleins pouvoirs offre à l’exécutif une marge de manœuvre nouvelle en matière de régulation de l’économie, que reflète l’arrêté fédéral STA. La Seconde Guerre mondiale et les restrictions qu’elle impose ont comme effet de structurer durablement le lobby de la route, mouvement né quelques années auparavant. Via Vita, désormais principale fédération nationale de défense des intérêts routiers 33, double le nombre de ses membres entre 1939 et 1941 34. Début 1944, regroupant alors trente-six associations et quatorze entreprises et particuliers, elle absorbe la Ligue pour la circulation routière et forme la Fédération routière suisse (FRS). La nouveauté de la FRS est qu’elle va unir les associations de défense des transporteurs routiers et celles actives dans la mobilité individuelle privée. Si les réquisitions privent les acteurs de la route d’une partie de leurs véhicules ou de pièces essentielles comme les pneumatiques, l’industrie routière se trouve cependant au cœur de l’effort de guerre. Un argument de poids que Via Vita utilise aussi bien pour justifier l’importance vitale du secteur routier sur l’économie du pays que pour s’opposer à toute intrusion trop abusive de ce secteur par le pouvoir public 35. « Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un arrêté fédéral concernant le transport sur la voie publique de personnes et de choses au moyen de véhicules automobiles (Statut des transports automobiles) du 29 juillet 1949 », in FF, vol. 2, 1949, p. 105. 33 Neuvième rapport de l’office national de recherches et d’études pour le développement et la rationalisation de la circulation routière, Via Vita, sur son activité en l’an 1944, p. 2. 34 Neuvième rapport de l’office national de recherches et d’études pour le développement et la rationalisation de la circulation routière, Via Vita, sur son activité en l’an 1941, p. 1. 35 Mémoire de Via Vita adressé aux membres du parlement…, 24 février 1942. 32 320 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse Au lendemain du conflit, le Conseil fédéral tente d’asseoir définitivement sa prédominance législative dans le domaine des transports. Pourtant, sa politique est une première fois sanctionnée par la population helvétique qui rejette massivement 36, comme nous l’avons mentionné, l’article 23 ter, contre-projet proposé à l’initiative de 1936 de la Litra. Mais le seul fait que le gouvernement suisse ait voulu modifier la Constitution, soit l’acte législatif le plus important, confirme dès l’avantguerre une tentative claire d’étendre à la route le champ de compétences de la Confédération, au moment où les dépenses publiques amorcent une nouvelle croissance. Même si en temps de guerre, conformément à la théorie de Peacock et Wiseman, le gouvernement parvient plus facilement à faire adhérer la population à ses demandes, le projet d’article 23 ter suscite des réticences. À tel point que le gouvernement, qui malgré les pleins pouvoirs a besoin d’un vote populaire pour tout changement constitutionnel, tarde à soumettre l’article à l’arbitrage des urnes. Dans le rejet de l’article constitutionnel, la mobilisation des organisations de défense de la route a été unanime et déterminante. Via Vita s’y oppose ouvertement dès la mise en consultation en 1941, déclarant « qu’il n’y a aucune urgence à résoudre le problème de la coordination des transports » 37. Seul demeure l’arrêté fédéral STA, prolongé par le gouvernement en 1945 pour une durée de cinq ans. À la fin de la décennie, à la demande notamment d’acteurs du transport routier membres de la TAG 38, le Conseil fédéral propose de transformer cet arrêté en loi 39. La proposition reçoit l’assentiment de tous les partis du pays et d’une grande majorité des défenseurs de la route qui voient d’un bon œil cette organisation de la concurrence. La contestation vient cette fois du conseiller national et fondateur de la Migros Gottlieb Duttweiler (1888-1962) et de son parti, l’Alliance des indépendants, qui lancent un référendum, s’opposant notamment au corporatisme que défend le projet de loi 40. Selon les termes du conseiller fédéral Josef Escher Par 570 869 non et 288 672 oui. Un seul canton, les Grisons, l’accepte du bout des lèvres. Lors d’une modification constitutionnelle, la double majorité du peuple et des cantons est nécessaire. Voir Journal de Genève, 11 février 1946. 37 Neuvième rapport de l’office national…, Via Vita, sur son activité en l’an 1941, p. 66. 38 Notamment la Société suisse des concessionnaires d’autos-taxis demande lors de son Assemblée générale de 1949 que le STA soit transformé en loi. Journal de Genève, du 18 février 1949. 39 Les débats ont lieu en novembre 1949 (Conseil des États) et en mars 1950 (Conseil national). 40 Sur la campagne contre la loi, cf. Zimmermann Adrian, « ‘Zunftordnung’… », p. 413‑414. 36 321 Olivier Perroux, Gérard Duc (1885‑1954), fraîchement nommé à la tête du Département des postes et des chemins de fer durant la campagne référendaire, la loi est « ein erster Schritt auf dem Wege zur Koordination der beiden hauptsächlichsten Verkehrsträger – Schiene und Strasse » 41. Le 25 février 1951, alors que les référendaires ont peiné à rassembler les signatures, le projet de loi est nettement refusé par la population votante 42. Ce vote marque l’aboutissement des mesures que tentent de prendre les autorités en matière de transports pendant le gonflement des dépenses publiques liées à la Seconde Guerre mondiale. En guise de conclusion : les limites de l’interprétation La démocratie semi-directe helvétique explique en grande partie l’échec final de toute tentative de coordination rail-route et donc d’une extension du pouvoir législatif de l’État en la matière. Cet élément semble contredire la théorie établie par Wiseman et Peacock. Toutefois, le mouvement vers une extension législative existe bien du côté des autorités fédérales durant les deux cliquets liés à l’augmentation des dépenses dues aux deux conflits mondiaux. Mais plus peut-être qu’ailleurs, en raison notamment des outils de démocratie directe (référendum et initiative), le rôle et la montée en puissance des lobbies doivent être pris en considération. Au sortir de la guerre, le lobby routier (regroupé autour des faîtières TAG, ASPA, FRS) a atteint une taille suffisante non seulement pour écarter toute solution ne le satisfaisant pas mais également pour imposer son propre cadre. En mai 1955, alors que la coordination rail-route est enterrée depuis longtemps, les associations liées à la route lancent la campagne de signatures en faveur de l’amélioration du réseau routier, exigeant qu’au minimum 60 % des taxes douanières sur les carburants y soient consacrées, moyennant notamment un meilleur partage des tâches entre cantons et Confédération 43. L’exigence n’est pas nouvelle, datant déjà de l’entre-deux-guerres. Face au contre-projet d’article Der Eisenbahner, n° 3, 1951, p. 2. Cité par Zimmermann Adrian, « ’Zunftordnung’… », p. 408. 42 Par 399 614 non contre 318 121 oui. Seuls les cantons de Genève, Neuchâtel, Vaud, Tessin, Grisons et Bâle‑Ville acceptent le projet. Journal de Genève, 26 février 1951. 43 Cf. notamment Merki Christoph Maria, « Der Treibstoffzoll… », p. 315 ; Bassand Pierre, Burnier Thérèse, Meyer Pierre, Stüssi Robert, Veuve Léopold, Politique des routes nationales. Acteurs et mise en œuvre, Lausanne : Presses polytechniques romandes, 1986, p. 33‑34. 41 322 La théorie de Wisemann et Peacock confrontée à la coordination rail-route en Suisse constitutionnel du Conseil fédéral, l’initiative qui, en quelques mois, avait été signée par plus de 200 000 citoyens est retirée par le lobby routier. Début juillet 1958, près de 60 % des votants acceptent l’article constitutionnel du gouvernement, première étape vers la construction du réseau de routes nationales (autoroutes), plus gros projet de l’histoire de la Confédération. Dans ce cas précis, la théorie de Wiseman et Peacock se vérifie empiriquement : l’État central, profitant de l’élargissement de sa structure fiscale provoquée par les deux crises majeures de la première moitié du xxe siècle, augmente son intervention dans le secteur routier, auparavant quasi exclusivement du domaine des cantons. Dès le début des années 1950, la révision du régime des finances fédérales permet de reverser aux cantons la moitié des droits d’entrée des carburants en échange d’une fixation par la Confédération du réseau des routes principales. La politique des routes nationales est lancée dès ce moment-là. À une intervention financière de la Confédération qui demeure élevée après la Seconde Guerre mondiale (graphique 1), s’ajoutent une demande d’infrastructures routières particulièrement forte – efficacement relayée par les lobbies associés à la route – et des recettes en augmentation constante – entre 1945 et 1961, les taxes douanières sur les carburants qui seront destinées à financer les routes nationales passent de 3 à 378 millions de francs par an grâce à l’essor de l’automobilisme 44. Les éléments mis en évidence par Wiseman et Peacock pour expliquer l’intervention croissante de la force publique au lendemain d’une crise – nouvelles demandes émanant de la population et croissance des recettes à taux fiscal constant – apparaissent dans ce cas précis. Merki Christoph Maria, « Der Treibstoffzoll… », p. 315. 44 323 Cinquième partie Coordonner infrastructures de transport et aménagement du territoire Fifth Part Coordinating transport infrastructure and land-use planing Lokaler Einfluss auf nationale Planungen Ein Verkehrsprojekt zwischen Kirchturm und Gemeinwohl Philipp Hertzog, Technische Universität Darmstadt Abstract : In the 1970s, the Deutsche Bahn was planning the first high-speed traffic links for speeds of 250 km/h or above. It was a matter of making high-impact decisions about infrastructure given that the railway network had barely evolved since the 19th century. As a result, the expectations from rail transport policy were high, especially on the part of the regions which expected windfalls and new links. This paper examines the planning of routes and, more specifically, the decision-making process around linking cities to the planned high-speed network. The case study looks at the debate about Göttingen, Lower Saxony, where local participants voiced their requirements in respect of national planning, in comparison to French planning, where similar discussions arose regarding connecting Dijon to the high-speed network. The most influential opponents to local interests were each country’s national railways. Their interest in the best financial option conflicted with land-use planning: peripheral areas were promoted in the case of Göttingen, while Dijon was seen as an integral part of the decentralising policy underway in France. A detailed analysis of the German approach, requests for route changes, and the attention given to opponents of the project reveal that a culture of consensus was less prevalent in French planning. The technocratic image of a decision emanating from Paris held true for railway planning in the 1970s, despite a few small concessions. However, although both countries began planning simultaneously, there was a 10-year gap between the inauguration of high-speed links by the Deutsche Bahn and the implementation of French projects. In den 1970er-Jahren plante die Deutsche Bundesbahn (DB) die ersten Neubaustrecken für ihren zukünftigen H ochgeschwindigkeitsverkehr mit 250 km/h und mehr. Es galt, weitreichende Entscheidungen über 327 Philipp Hertzog Infrastrukturen zu treffen, nachdem sich das Schienennetz seit dem 19. Jahrhundert nicht mehr wesentlich verändert hatte. Entsprechend gross waren die Erwartungen der Politik an die Bahn, insbesondere dort, wo auf regionaler Ebene die Hoffnung bestand, von den neuen Strecken wirtschaftlich zu profitieren. Der vorliegende Beitrag befasst sich mit der Planung dieser Trassen und, im Speziellen, mit den Entscheidungsprozessen darüber, welche Städte an das kommende Hochgeschwindigkeitsnetz angebunden wurden – und welche eben nicht 1. Im Rahmen einer Fallstudie werden hier die Debatten um das niedersächsische Göttingen untersucht, da die Stadt in ersten Planungen der Bahn nicht für einen Anschluss vorgesehen war; schlaglichtartig wird ein vergleichender Blick auf die französische Planung geworfen, wo es ähnliche Diskussionen um eine mögliche Anbindung der Stadt Dijon gab 2. Am Beispiel der Stadt Göttingen ist herauszuarbeiten, wie die vielfältigen lokalen Akteure argumentierten und mit welchen Einflussund Handlungsmöglichkeiten sie ihre Interessen auf lokaler Ebene artikulierten, gegenüber nationalen Instanzen um politisches Gehör kämpften und welche Durchsetzungschancen sie dabei hatten. Im Unterschied zu anderen Studien, die sich zumeist auf Proteste gegen technische Grossprojekte und den Neubau von Verkehrswegen konzentrieren 3, wird hier der Kampf für Infrastrukturen untersucht. Mit der Forderung, an die neue Strecke angeschlossen zu werden, verbanden die betroffenen Städte die Hoffnung auf wirtschaftliche Vorteile, während Neben Zeitzeugen, Hobbyhistorikern und Eisenbahnfreunden haben sich wissenschaftlich vor allem zwei verkehrshistorische Studien mit der Neubaustreckenplanung befasst, vgl. Zeller Thomas, Straße, Bahn, Panorama. Verkehrswege und Landschafts veränderung in Deutschland von 1930 bis 1990, Frankfurt a. M.: Campus, 2002; Zeilinger Stefan, Wettfahrt auf der Schiene. Die Entwicklung von Hochgeschwindig keitszügen im europäischen Vergleich, Frankfurt a. M.: Campus, 2003. 2 Im Rahmen dieses Aufsatzes liegt der Schwerpunkt auf der Fallstudie zu Göttingen; für den ausführlichen Vergleich mit Dijon sei ein Hinweis auf das laufende Dissertationsprojekt gestattet, aus dem dieser Aufsatz hervorgegangen ist (Arbeitstitel: «Infra-Strukturen der Demokratie? – Akteure und Entscheidungsprozesse der politischen Planung französischer und bundesdeutscher Verkehrsprojekte in den ‘langen’ 1970er Jahren», Cotutelle an der Technischen Universität Darmstadt und der Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Für erste Überlegungen zum Forschungsansatz vgl. Engels Jens Ivo, Hertzog Philipp, «Die Macht der Ingenieure. Zum Wandel ihres politischen Selbstverständnisses in den 1970er Jahren», Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, no 43, 2011, p. 19-38. 3 Vgl. zu den Neubaustrecken beispielsweise die akribische sozialwissenschaftliche Auseinandersetzung mit den Protesten gegen die Trasse Mannheim-Stuttgart von Hagstotz Werner, Betroffenheit und kollektives Handeln im ländlichen Raum. Empirisch-theoretische Studie über Bürgerinitiativen im Konflikt um Planung und Bau der Neubaustrecke Mannheim–Stuttgart, Frankfurt a. M.: Haag und Herchen, 1981. 1 328 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen sie für den gegensätzlichen Fall nicht nur eigene Nachteile befürchteten, sondern vor allem, relativ in Konkurrenz mit anderen Städten oder Regione, «abgehängt» zu werden. Während bei Protestierern vom Sankt-Florians-Prinzip oder vom «NIMBY-Effekt» gesprochen wird 4, riskierten die regionalen Fürsprecher eines eigenen Anschlusses den Vorwurf, übergeordnete Gemeinwohlinteressen im Interesse lokaler «Kirchturmpolitik» 5 zu gefährden. Natürlich hatten regionale Akteure jedes Interesse, einen solchen Eindruck zu vermeiden und im Gegenteil zu betonen, dass ihr Interesse mit übergeordneten raumordnerischen Interessen im Einklang stehe. Aus historischer Sicht stellt sich die Frage, was zeitgenössisch als «übergeordnetes Interesse» angesehen wurde, denn auch das Begriffsverständnis von «Gemeinwohl» und dessen Abwägung gegenüber individuellen Interessen stellt keine überzeitliche Konstante dar. Ebenso wie bei Protesten der Schaden einer kleinen Gruppe (Lärm, Umweltveränderung) gegen das allgemeine Interesse eines effizienten Schienennetzes abzuwägen war, galt es auch für die Entscheidung, welche Städte an ein neues Verkehrsmittel angebunden werden, zu definieren, ob es eher als «Gemeinwohl» angesehen wurde, möglichst schnell von einer Metropole zur anderen zu kommen, oder aber, möglichst viele Menschen auch aus mittelgroßen Städten direkt an einem Verkehrsnetz teilhaben zu lassen. Die Rahmenbegriffe des vorliegenden Tagungsbandes – «Koordination» und «Konkurrenz» – sind in diesem Beitrag somit nicht auf unterschiedliche Verkehrsträger zu beziehen, sondern als politische Aufgabe zu verstehen, nationale, regionale und lokale Interessen miteinander in Einklang zu bringen. Insbesondere die Vertreter der Bahnunternehmen bilden im gewählten Fallbeispiel eine hochinteressante Akteursgruppe, die politische, technische und wirtschaftliche Fragen ebenso berücksich tigen musste wie Forderungen der Öffentlichkeit, als diese in den eigentlich eher im Hintergrund agierenden Planern zunehmend eine machtvolle Gruppe von Entscheidern entdeckte 6. Die Debatten im Zuge der genannten «Heiliger Sankt Florian, verschon’ mein Haus, zünd’ andere an» und «not in my backyard», jeweils als Unterstellung oder Vorwurf gemeint, partikulare Befindlichkeiten zu Lasten anderer Interessen oder gegenüber dem Gemeinwohl in ungerechtfertigter Weise hervorzuheben und gegebenenfalls einzuklagen (dabei aber selbst gern von neuen Infrastrukturen zu profitieren). 5 Die wörtliche Übersetzung «politique de clocher» wird im Französischen analog verwendet. 6 Vgl. dazu meine Analyse der Politisierung technischer Planungsexperten um 1980: Hertzog Philipp, Grenzen der Machbarkeit: Ein neuer Pragmatismus politisch-technischer Planung um 1980, Archiv für Sozialgeschichte, Nr. 52, 2012, p. 379-401. 4 329 Philipp Hertzog erkehrsplanungsprozesse lassen mit diesem Zugang Rückschlüsse V sowohl auf die zeitgenössische Vorstellung von demokratischer Entscheidungslegitimation als auch auf herrschende Leitideen der Raumstrukturierung zu. Das Raumverständnis in der Bundesrepublik, das durch föderale Strukturen und zeitgenössisch die Teilung Deutschlands geprägt war, verdient hier besondere Aufmerksamkeit in Abgrenzung zum stärker zentralisierten Planen in Frankreich. Bei aller Uneinigkeit über die genaue Streckenführung war sich die DB mit lokalen Akteuren einig, dass die Entscheidung über einen Neubau in diesem Umfang und mit derartigen ökonomischen Konsequenzen ein Jahrhundertprojekt war, «technisches Neuland», das eine «sorgfältige Prüfung» der Varianten erforderte 7. Ausgangssituation ohne Neubaustrecken Beide Bahnunternehmen, Bundesbahn und SNCF, planten ab den späten 1960er-Jahren neue Strecken, wobei sich entgegen erster ambitionierter Ideen und Utopien in beiden Ländern schnell die Erkenntnis durchsetzte, dass die Neubauten vor allem die überlasteten alten Streckenabschnitte entlasten müssten. Entsprechend wurde die erste Schnellstrecke in Frankreich für die Verbindung der beiden grössten Ballungsräume Paris und Lyon geplant, in Deutschland für die wichtigste Nord-Süd-Strecke im Abschnitt zwischen Hannover und Würzburg 8. Dabei sah die SNCF vor, möglichst nah an der geraden Ideallinie zu bleiben, eine Anbindung von Dijon hätte einen Umweg bedeutet, den die Planer nicht in Kauf nehmen wollten. Die Bundesbahn legte sich zunächst ebenfalls auf eine Streckenführung ohne Umweg fest: Zwischen Hannover und Kassel sollte diese überwiegend durchs Wesertal führen, was vorübergehend in der dort angrenzenden Kleinstadt Holzminden zu unerwarteten Hoffnungen auf einen neuen Schnellverkehrshalt führte, Göttingen hingegen die wichtigsten Fernverkehrsverbindungen gekostet hätte. Im klassischen Streckennetz waren sowohl Göttingen als auch Dijon im Vergleich zu anderen Städten ihrer Grössenordnung sehr gut versorgt: Die südniedersächsische Universitätsstadt war vollwertig an die Nord-Süd-Hauptstrecke ange bunden und damit im Vergleich zum benachbarten und deutlich «‘Niemand wird überfahren’. Bahn: Raumordnungsverfahren vor Planfeststellung», Göttinger Allgemeine (GA), 09.09.1972. 8 Zudem ging es in der ersten Planungsphase der DB um die deutlich kürzere Strecke Mannheim-Stuttgart; insgesamt wurden somit etwa 425 Kilometer Neubaustrecke geplant und gebaut (Eröffnung 1991), die erste französische Strecke ist ebenfalls gut 400 km lang (Eröffnung 1981). 7 330 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen grösseren Kassel, das nur von Regionalzügen bedient wurde, sogar überversorgt 9. Hierbei darf allerdings nicht vergessen werden, dass Göttingen durch die innerdeutsche Grenzziehung seine zuvor zentrale Lage verloren hatte. Dijon hatte sich historisch zu einem wichtigen Drehkreuz zwischen Paris und dem gesamten Südosten Frankreichs entwickelt 10. Für die Hauptstadt der Bourgogne hatte die französische Bahngesellschaft SNCF angesichts der zahlreichen vor Ort ansässigen Eisenbahner auch arbeitsmarktpolitische Relevanz. Somit verbanden Lokalpolitiker mit der Entscheidung über eine zukünftige Anbindung von Dijon an das modernisierte Streckennetz neben den verkehrlichen Konsequenzen den Erhalt von zahlreichen Arbeitsplätzen, was kommunalpolitisch sicher ein mindestens ebenso grosses Mobilisierungspotenzial hatte. Der Eisenbahn schrieb die lokale Handelskammer eine fast schon kulturell identitätsstiftende Bedeutung zu: « Le rôle et l’impor tance actuels [de la ville de Dijon] se définissent essentiellement par sa place dans le réseau des chemins de fer. » 11 Zur Untermauerung der Argumente wurde an eine historische Parallele erinnert: Bereits 1844 habe es eines speziellen Gesetzes bedurft, um den Konstrukteuren der damaligen Strecke von Paris nach Lyon den Umweg über Dijon vorzuschreiben, was zur weiteren Entwicklung der Stadt nachhaltig positiv beigetragen habe 12. Auch in einer Göttinger Zeitschrift findet sich der Hinweis eines lokalhistorischen Experten, dass Mitte des 19. Jahrhunderts bereits ein ähnlicher Streit um den Anschluss der Stadt an die südhannöversche Eisenbahn geführt worden sei 13. Lokale Institutionen und ihre Interaktionspartner Nach Bekanntwerden der konkreten Bundesbahnpläne (im Frühjahr 1972) wurde in Göttingen schnell offizieller Protest aus der Stadtverwaltung laut. Es war allerdings der zuständige Regionalverband der Industrie- und Handelskammer (IHK), der als erste Institution bei der Göttingen wurde im seinerzeit höchstwertigen Fernverkehr (Intercity-A-Netz) durch zwei von bundesweit vier Linien bedient (Hamburg-Basel/Bremen-München). 10 TEE-Halt unter anderem für die prestigeträchtigen Fernzüge «Mistral» (Paris-Nizza), «Rhodanien» (Paris-Marseille), «Lyonnais» (Paris-Lyon) sowie «Cisalpin» (Paris- Mailand). 11 Chambre de Commerce et d’industrie de Dijon (CCI Dijon), Extrait du registre des délibérations, Réunion du 6 mars 1972 [verschickt an DATAR], Archives Nationales, Centre des Archives Contemporaines (CAC, Fontainebleau), versement 840299-8. 12 Vgl. ibid. 13 Vgl. Meinhardt Günther, Der Streit der Eisenbahntrassierung im Jahre 1848/49. Schon einmal war Göttingen in grösster Sorge, Göttinger Monatsblätter, Mai 1974, p. 5-6. 9 331 Philipp Hertzog niedersächsischen Landesregierung eine Alternativplanung anregte. Neben Stadt und IHK fand sich bald eine breite Allianz aus Nachbargemeinden und -städten, Gewerkschaft und Universität zusammen – natürlich war auch der Fremdenverkehrsverein «in großer Sorge» 14. Gemeinsam gründeten sie ein Jahr nach den ersten öffentlichen Diskussionen eine Interessengemeinschaft, die in der Presse schnell als «IG Trasse» bekannt wurde 15. Obwohl das nordhessische Kassel auch als Konkurrent um den besten Bahnanschluss anzusehen war, zeigten sich der Göttinger Oberstadtdirektor Ernst Busch und Kassels Oberbürgermeister Karl Branner demonstrativ darin einig, gemeinsam für einen Halt in beiden Städten zu kämpfen, wenn nötig nicht nur bei den Landesregierungen in Hannover und Wiesbaden, sondern auch in Bonn 16. Schliesslich wäre «niemandem gedient, wenn eine Stadt die andere abhänge» 17. Während der Protest gegen den Neubau von Infrastrukturen zumeist von Bürgerinitiativen ausgeht, kann man angesichts der institutionell bestens vernetzten Gruppe bei der «IG Trasse» und ihrem Umfeld wohl eher von einer «Bürgermeisterinitiative» sprechen. Konflikt mit den Bahnplanern Die Planer der Bahnunternehmen waren interessiert an der technisch und wirtschaftlich effizientesten Streckenvariante und daher kaum bereit, eine solche Ideallinie auf Grund politischer Betrachtungen zur Regionalförderung oder für die Interessen einzelner Städte aufzugeben. Damit standen sie für die wichtigste Gegenposition zu den Interessen der betroffenen Städte, deren Anschluss aus ihrer Sicht einen Umweg darstellen und eine teurere Strecke erfordern würde. Da die Verantwortlichen der Göttinger Verwaltung schnell «Busch trifft sich mit Lauritzen», Göttinger Tageblatt (GT), 29.03.1973. Mitglieder waren unter anderem der Landkreis Göttingen sowie umliegende Städte und Kreise, Kreishandwerkerschaften, Ortsverbände des Deutschen Gewerkschaftsbundes, die Universität Göttingen, führende regionale Industrieunternehmen sowie zwei Vize-Präsidenten der IHK (vgl. «Mitgliederverzeichnis der Interessengemeinschaft Bundesbahn Nord-Süd-Strecke», o. D. [1973], Stadtarchiv Göttingen (StA Gö), C5 Dez. I Nr. 39); hierbei ist zu bemerken, dass die IHK Hannover-Hildesheim aus «überregionaler Rücksichtnahme» nicht offiziell Mitglied wurde, ihren lokalen Mitgliedern ihr Engagement aber zugestanden (vgl. «Keine Benachteiligung Südniedersachsens», GT, 21.03.1973). Zu vermerken ist auch die Unterstützung durch die Stadt Salzgitter, die selbst von keiner der beiden Varianten profitieren konnte und im Interesse der gesamten Region Südostniedersachsen für die Streckenführung über Göttingen argumentierte (vgl. «Neuer ‘Bundesgenosse’», GA, 05.04.1973). 16 Vgl. «Gemeinsamer Kampf um neue Trasse», GT, 08.11.1972; «Schnellstraße nach Kassel», GT, 04.01.1973. 17 Zitat Ernst Busch in «Busch will mit Branner sprechen», GA, 11.08.1972. 14 15 332 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen merkten, dass die DB für allein politische Argumente wenig empfänglich war, setzten sie auf die Überzeugungskraft der Wissenschaft und forderten, ein gemeinsames Gutachten in Auftrag zu geben. Als die DB sich weigerte, die Expertise ihrer hauseigenen Planer derart in Zweifel zu ziehen, sprach die Göttinger Presse von einem Eklat 18. Allerdings hatte bereits umgehend nach Verbreitung der ersten Planungen das niedersächsische Innenministerium von der Bundesbahn gefordert, eine Streckenführung über Göttingen zu prüfen 19. Es muss Spekulation bleiben, ob ein im Januar 1974 von der Bahn grossflächig verteiltes Hochglanz-Faltblatt absichtlich oder versehentlich eine Streckenskizze enthielt, die deutlich westlich an Göttingen vorbeilief und somit suggerierte, die von der Bahn favorisierte Trassenführung wäre bereits beschlossene Sache 20. Trotz der gegensätzlichen Positionen und der prinzipiellen Ansicht der Bahner, dass die Planung in erster Linie Sache ihrer Experten wäre, kam es bei verschiedenen Gelegenheiten zum Dialog. Führende Vertreter der Stadtverwaltung wurden bei der Zentralen Transportleitung (ZTL) in Mainz vorstellig, wo die Koordination der Neubauplanungen zusammenlief; ihren Hinweis auf die besondere Problematik angesichts der Zonenrandlage nahm die Bahn zwar zur Kenntnis, doch sei eine Rücksichtnahme darauf mit dem Verkehrskonzept der Bahn nicht vereinbar 21. Ebenfalls vor allem symbolischen Wert hatte wohl die Reise des Oberstadtdirektors, der zwar beim Bundesbahnpräsidenten einen Termin bekam und bei ihm Gehör fand, anschliessend aber ohne Zusagen nach Hause fuhr. Konkreter war da schon eine Podiumsdiskussion vor Ort, die 1973 in einem Göttinger Tagungshotel stattfand; hochrangige Bahnplaner stellten sich der Diskussion mit der «IG Trasse». Das vehemente Eintreten für eine Streckenführung über Göttingen veranlasste den DB-Chefplaner immerhin zu der überraschten Anmerkung, er sei bisher nur gewohnt, auf Versammlungen von Interessengemeinschaften zu sprechen, deren Ziele gegen die Trassen gerichtet sind 22. Der Dialog mit der Bundesbahn verdeutlichte, dass in der Sache keine Einigkeit zu erzielen war, die Angelegenheit also auf politischer Vgl. «Eine neue Initiative der CDU nach dem Gutachten-Eklat», GT, 27.09.1973. Vgl. «Göttingen bemüht sich um Haltepunkt», GA, 15.06.1972. 20 Hier abgedruckt im DB-Kundenmagazin «Die schöne Welt», Januar 1973. 21 Vgl. «Göttingen bemüht sich um Haltepunkt», GA, 15.06.1972. 22 Vgl. «Niederschrift über die Mitgliederversammlung der Interessengemeinschaft Bundesbahn Nord-Süd-Strecke», 16.11.1973, StA Gö, C5 Dez. I Nr. 39, p. 10. 18 19 333 Philipp Hertzog Ebene weiterverhandelt werden musste. Es solle nicht der Eindruck entstehen, die Stadt Göttingen und die Bundesbahn stünden «in einem Krieg um die Trassenführung» 23, betonte Wilhelm Linkerhägner von der ZTL. Die letzte Entscheidung, das wusste auch die Bahn, lag natürlich beim Bundesverkehrsministerium, auch wenn dieses sich lange Zeit bedeckt hielt. Bemerkenswert ist, wie die Bahn 1976 nach der Entscheidung des Verkehrsministers pro Göttingen umschwenkte und die de facto politische Niederlage einfach als Planungsänderung präsentierte und plötzlich technische und betriebswirtschaftliche Gründe fand, nunmehr nur noch Varianten über Göttingen zu prüfen 24. Forderungen an die Bundesebene Das nächstliegende und immer wieder angewandte Mittel waren Bundestagsanfragen einzelner Göttinger Abgeordneter an den Bundesverkehrsminister, die aber als Antwort meist nur allgemeine Wohlwollensbezeugungen erhielten sowie den Hinweis, es würden verschiedene Lösungen und Varianten «in baulicher und verkehrlicher Hinsicht» 25 geprüft. Selbstverständlich suchten auch die Verantwortlichen der Stadtverwaltung den direkten Kontakt nach Bonn; mehrmals wurden Besuche des Verkehrsministers 26 in Göttingen anberaumt, jedoch ebenso regelmässig wie kurzfristig wieder abgesagt. Stattdessen kam im Sommer 1973 der Staatssekretär (Karl Wittrock), jedoch nur um mitzuteilen, die gesamte Entscheidungsprozedur befinde sich noch in einem für den Verkehrsminister verhältnismässig frühen Stadium 27. Die Verkehrspolitiker in Bonn und bei der Landesregierung in Hannover, so versicherte Wittrock, seien sich aber der Bedeutung des Knotenpunktes Göttingen bewusst, die Entscheidung über die Trassenführung wurde in dieser Bekundung gar zur «Jahrtausen dentscheidung» 28. Die umfangreichen, fast schon aufdringlichen Bemühungen der Stadt um Gehör beim Verkehrsminister zeigen sich auf bezeichnende Weise an den Umständen der wenigen Treffen, die dann tatsächlich vor Ort in Südniedersachsen zu Stande kamen: «Kein Kampf zwischen Stadt und Bahn um Trassenverlauf», GT, 27./28.01.1973. Vgl. «Bundesbahn lässt alten Plan fallen. Nur noch Varianten über Göttingen», GT, 26.08.1976. 25 Vgl. «Neue Trasse an Göttingen vorbei», GT, 28.06.1972. 26 In der Anfangsphase der Auseinandersetzungen Lauritz Lauritzen, ab Mai 1974 Kurt Gscheidle (beide SPD). 27 Vgl. «Entscheidung über Trasse wird von Politikern in Hannover getroffen», GT, 20.03.1973. 28 Ibid. 23 24 334 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen Einmal besuchte der Oberstadtdirektor 29 den Minister in dessen Kur im Harz, ein anderes Mal holte er ihn «auf dem Weg zu einem Privatbesuch» am späten Samstagabend am Bahnhof ab, wo sich der Minister laut Zeitungsnotiz «zu den Chancen Göttingens, an die neue Trasse angebunden zu werden» äusserte 30. Trotz dieser intensiven Kontaktsuche bekam die Stadt lange Zeit widersprüchliche Aussagen aus Bonn zu hören. So hiess es Anfang März 1973 aus dem Bundesverkehrsministerium, dass «kaum ein Zweifel» 31 daran bestünde, dass die Strecke nicht über Göttingen führen werde; einige Wochen später wurde dann publik, der Bundesverkehrsminister überlasse die Entscheidung der «politischen Ebene des Landes Niedersachsen» 32, neige aber eindeutig zu einer Trasse über Göttingen 33. Typisch waren auch nichtssagende Kurzmeldungen wie im März 1975: «Während einer Sitzung der Niedersächsischen Landesre gierung in Bonn hat Bundesverkehrsminister Kurt Gscheidle noch keine Stellungnahme zur Linienführung der geplanten Bundesbahntrasse […] geben können.» 34 Bewegung gab es erst ab April 1975, als eine Lokalzeitung titelte: «Bundesverkehrsminister für eine Trasse über Göttingen» 35; es ist typisch für den von Ängsten, Hoffnungen und Gerüchten geprägten Diskussionsverlauf, dass auch diese Information nicht offiziell aus dem Bundesministerium kam, sondern auf einer Interpretation des niedersächsischen Landwirtschaftsministers beruhte, der seinerseits dem SPD-Unterbezirk von einem Treffen mit Gscheidle berichtet hatte. In diesem Fall stellte sich die Annahme als endgültig zutreffend heraus, wobei die offizielle Entscheidung über die Streckenführung letztlich erst im Juni 1976 fiel. Vor allem die raumplanerische Argumentation der niedersächsischen Landesregierung hatte letztendlich die Bonner Verkehrspolitiker überzeugt 36. Seinerzeit nach der Norddeutschen Ratsverfassung hauptamtlicher Leiter der Stadtverwaltung, im Unterschied zu einem Oberbürgermeister mit repräsentativen Aufgaben. 30 GT, 26.04.1973, 15.10.1973. 31 «Staatssekretär Haar: Nicht über Göttingen», GT, 07.03.1973. 32 «Entscheidung über Trasse wird von Politikern in Hannover getroffen», GT, 20.03.1973. 33 Vgl. «Trasse der DB an Göttingen anbinden», GA, 26.04.1973. 34 «DB-Trasse: Gscheidle konnte keine Stellungnahme abgeben», GT, 14.03.1975. 35 «Bundesverkehrsminister für eine Trasse über Göttingen», GT, 09.04.1975. 36 Vgl. «Ohne Alternative und von der Sache her begründet», GT, 02.06.1976. 29 335 Philipp Hertzog Unterstützung durch die Landesregierung Die Repräsentanten der Stadt Göttingen setzten grosse Hoffnungen auf die Landesregierung in Hannover, die mit grösserem Gewicht gegenüber der Bahn und dem Bundesverkehrsministerium auftreten konnte als eine einzelne Kommune. Auch die oppositionelle CDU – tatsächlich war die Union im Untersuchungszeitraum sowohl im Bundestag als auch im niedersächsischen Landtag und im Göttinger Stadtrat minoritär – formulierte deutliche Erwartungen an das Landeskabinett, wobei in manchen zugespitzten Aussagen ein rabiates Rechtsstaatsverständnis zum Ausdruck kam: «Ein niedersächsischer Innenminister kann im Raumordnungsverfahren so lange Widerstand leisten, bis der Bund es satt hat und uns die Trasse durch das Leinetal [über Göttingen] lässt. Man muss das offen bekennen und das werde ich in der nächsten Woche auch im Landtag auf den Tisch legen.» 37 Die Tatsache, dass auf allen in die Streckenentscheidung involvierten Ebenen die SPD in Regierungsverantwortung war, liess ihre Kritiker allerdings auch mutmassen, dass der Stadtrat aus «Parteiloya lität» 38 die offene Auseinandersetzung scheue. Göttingen konnte als südniedersächsisches Oberzentrum durchaus auf die prinzipielle Unterstützung der Landesregierung hoffen, die sich in der Konferenz der Verkehrsminister und auch gegenüber der DB eher für eine Strecke über Göttingen aussprach 39. Das Wirtschaftsministerium gab ein eigenes Gutachten an der (damals «Technischen») Universität Hannover in Auftrag 40, um der Bahn nicht nur politisch, sondern auch sachlich fundiert widersprechen zu können. Später beauftragte die Staatskanzlei ein Essener Consultingbüro, das im Sommer 1974 sein Gutachten vorlegte und sich klar für eine Strecke über Göttingen aussprach 41. Damit hatte die Landesregierung eine Legitimation in der Hand, sich aus vorrangig raumordnerischen Gründen offiziell für die Variante über Göttingen einzusetzen; vorher waren die Repräsentanten mit eindeutigen Positionen vorsichtig gewesen, da das ebenfalls im eigenen B undesland Heinz Müller, Abgeordneter aus Bovenden bei Göttingen, Landtagspräsident 1974-1982 (zuvor Vizepräsident), zitiert nach GT, 11.03.1974. 38 «Aufwachen Göttinger Bürger! Wir haben die falschen Männer in Bonn und Hannover!», GT, 10./11.03.1973. 39 Vgl. «Göttingen kann noch hoffen», GA, 06.01.1973. 40 Vgl. «Geradezu ein Schildbürgerstreich» [Gastbeitrag von Landwirtschaftsminister Klaus Peter Bruns], GT, 26.01.1973. 41 Vgl. Jansen Georg-Dietrich, Schmidt Jürgen, Regionalwirtschaftliche Untersuchung zur Trassenführung der Neubaustrecke Hannover-Kassel, Essen: Planco Consulting GmbH, ca. 1975. 37 336 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen liegende Holzminden nicht verprellt werden sollte. An der Diskussion um einen möglichen Halt in Holzminden lässt sich ablesen, welche Blüten die föderale Konkurrenz angrenzender Bundesländer mitunter treiben kann: Das Land Nordrhein-Westfalen (NRW), so kolportierte das Göttinger Tageblatt, mache der Bundesbahn günstige Angebote, da es grosses Interesse an einer Aufwertung seiner östlichen Landesteile rund um Höxter habe 42. Diesen Gerüchten widersprach der NRW-Wirtschaftsminister mit dem Hinweis, dass in dieser ländlichen Gegend ohnehin kein Schnellzughalt zu erwarten wäre und im Gegenteil der Weserraum besser ohne Neubaustrecke als Erholungsgebiet erhalten bleiben solle 43. Engagierte Lokalpresse Die jahrelangen Diskussionen zwischen Stadt, Land, Bund und Bahn garantierten der Lokalpresse nicht nur ein dauerhaft aktuelles und schlagzeilenträchtiges Thema; indem die ortsansässigen Zeitungen «auf den Zug aufsprangen», wurden sie selbst zu Akteuren, die voller Lokalpatriotismus einhellig für die Streckenvariante über Göttingen warben. Sobald die Planungen 1972 bekannt geworden waren, überschlugen sich die Zeitungsmeldungen. Fortan wurde mit jeder vermeintlichen Vorentscheidung in die eine oder andere Richtung sofort gross aufgemacht 44. In den Überschriften fällt dabei eine zugespitzte, teilweise martialische Rhetorik auf, wenn es etwa hiess «Südnieder sachsen fest geschlossen» oder «Politiker an die Front». Mitte März 1973 wirbelte ein Artikel viel Staub auf, der unter dem provokanten Titel «Aufwachen, Göttinger Bürger! Wir haben die falschen Männer in Bonn und Hannover!» 45 erschien. Der Text kulminierte in einer Aufforderung zur öffentlichen Rebellion – was im Bemühen für Infrastrukturen gemeinhin ein weniger verwendetes Mittel als im Kampf gegen Infrastrukturen sein dürfte: «Eigentlich müsste die Göttinger Bevöl kerung derart massiv werden, dass dem Herrn Verkehrsminister Lauritzen bei seinem Besuch […] in Göttingen der Schrecken in die Glieder fährt. Man sollte Straßensperren errichten!» 46 Vgl. «Aufwachen Göttinger Bürger! Wir haben die falschen Männer in Bonn und Hannover!», GT, 10./11.03.1973. 43 Vgl. «Minister will Trasse prüfen», GA, 23.03.1973. 44 So hiess es am 05.01.73 in der GA: «Seibert gibt Göttingen keine Chance mehr» (Seibert war Vorsitzender der Gewerkschaft der Eisenbahner); am nächsten Tag schrieb dieselbe Zeitung: «Göttingen kann noch hoffen» und berief sich dabei auf das niedersächsische Verkehrsministerium. 45 GT, 10./11.03.1973. 46 Ibid.; der besagte Besuch des Ministers fiel übrigens aus – freilich nicht wegen dieses Artikels. 42 337 Philipp Hertzog Das Göttinger Tageblatt machte sich hier zum Sprachrohr einer wahren Pressekampagne, die wenige Tage später mit einer Unter schriftenaktion fortgesetzt wurde. Redakteure verteilten in der Innenstadt ein «Extrablatt, mit dem die Bürger aufgefordert wurden, um die Trasse zu kämpfen»; es gehe «um die Lebenschancen und die Zukunft für jeden Einzelnen»; wenn die künftige Strecke nicht über Göttingen führe, «herrscht hier in zehn Jahren Totenstille» 47. Es blieb unklar, was die Redaktion mit den gesammelten Unterschriften machte, wen diese überzeugen sollten und ob sie jemals an die Entscheidungsträger abgeschickt wurden. Ähnlich folgenlos blieb die Ankündigung der CDU-Opposition im Stadtrat, eine Bürgerabstimmung zu den Trassenvarianten zu initiieren. Wenn die Lokalzeitung die Bürger zum «Kämpfen» auffordern musste, mag das als Zeichen dafür gewertet werden, dass das Thema die lokale Öffentlichkeit weniger interessierte, als es die publizierte Meinung vermuten liesse. Von Seiten der Göttinger Bevölkerung ist jedenfalls kein organisiertes bürgerschaftliches Engagement für die Neubaustrecke überliefert, abgesehen von gelegentlichen Leserbriefen – wobei bemerkenswert ist, dass diese mitunter ausgewogener waren als die journalistische Berichterstattung. Wichtigstes Argument: Raumordnung Um von vornherein den Eindruck einer «Kirchturmpolitik» zu vermeiden, argumentierten die Befürworter eines Haltes in Göttingen mit dessen übergreifender Bedeutung; immer wieder wurde hier insbesondere die Zonenrandlage im geteilten Deutschland angeführt. Wegen ihrer zudem «fehlenden Verkehrsverbindungen zum Westen» weise die Stadt «erhebliche Strukturschwächen in verkehrlicher Hinsicht mit den daraus resultierenden Folgen» auf 48. Zur Stützung dieser überregionalen Argumentation bat die IG Trasse den Bundestagsverkehrsausschuss und den Bundesverkehrsminister zu prüfen, «inwieweit das erhebliche finanzielle Engagement des Bundes bei der Bundesbahn auch eine Berücksichtigung strukturpolitischer und ostpolitischer Ziele der Bundesregierung erwarten läßt» 49. Insbesondere die grenznahe Lage zur DDR sollte hier offensichtlich als übergreifendes Interesse unterstrichen werden. Auch bei der GT, 17./18.03.1973. «Entwurf einer von der Interessengemeinschaft ‘Bundesbahn Nord-Süd-Strecke’ in der Sitzung vom 20. März 1973 zu verabschiedenden Resolution», StA Gö, C5 Dez. I Nr. 39. 49 Ibid. 47 48 338 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen Opposition fand sich eine Spitze auf die Neue Ostpolitik der Regierung Brandt mit dem Hinweis, diese müsse sich auch am westdeutschen Engagement für die Grenzregion messen lassen: Es gehe «nicht nur um die optimalste (sic) Trasse und um regionale Entwicklungspolitik, sondern auch um die Glaubwürdigkeit unserer derzeitigen regierung samtlichen Politik» 50, erklärte die Göttinger CDU. Freilich darf die tatsächliche Bedeutung einer neuen grenznahen Infrastruktur für die vorsichtige Öffnung gegenüber der DDR zumindest bezweifelt werden 51. Auf die rhetorische Wirkung dieses politisch gewichtigen Themas setzte allerdings auch der bereits zitierte Landtagsabgeordnete Müller: «Es geht ja nicht darum, ob man in Göttingen mehr oder weniger bequem einen der Superzüge besteigen kann», behauptete er, aber «eine Schnellstrecke, die an Göttingen vorbeiführt, würde den ganzen Zonenrandraum […] in eine zusätzliche und die Wirtschaft schädigende Isolation führen. […] Hier geht es um den Anschluss eines wirtschaftlich bedeutenden Raumes an eine Verkehrsader der Zukunft». Er schloss seine Ausführungen mit einem mahnenden Plädoyer: «Die Entscheidungen dieser Monate sind maßgeblich für das Göttinger Verkehrsnetz der achtziger Jahre. Es heißt also aufpassen und Forderungen stellen für ein Gebiet, das wohl leider auch dann noch ‘Zonenrandgebiet’ heißen wird.» 52 Als die niedersächsische Landesregierung im Frühjahr 1975 ihren endgültigen Beschluss für eine Strecke über Göttingen fasste, war die spezielle Förderung des Zonenrandgebietes allerdings nur ein Teilargument in der übergeordneten Begründung, nur diese Variante entspreche den Zielen der Raumordnung und der regionalen Wirtschaftsförderung 53. Vergleichender Blick auf Dijon Die niedersächsische Argumentation mit der Raumordnung und dem Hinweis, die Streckenführung könne nicht allein nach «wirtschaft lichen und betriebstechnischen Gesichtspunkten» 54 entschieden werden, entsprach fast wörtlich jenem der 1963 gegründeten französischen Erklärung der CDU im GT, 12.03.1973. Hier dürften allenfalls die Transitverbindungen zwischen der Bundesrepublik und Berlin eine wichtige Rolle gespielt haben, nicht aber, ob die Nord-Süd-Neubaustrecke 30 km weiter westlich oder östlich geplant wurde. 52 «Maßgeblich für die achtziger Jahre», Gastbeitrag von Heinz Müller, Landtagsabgeordneter, in: GT, 28.01.1973. 53 Vgl. «Landesregierung entscheidet sich für Trasse über Göttingen», GT, 17.04.1975. 54 «Entwurf…» der «IG Trasse» vom 20. März 1973 (wie Anm. 48). 50 51 339 Philipp Hertzog Raumplanungsbehörde DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale): « Les décisions concernant un grand équipement de transport, tel que la ligne TGV Paris-Lyon ne relèvent pas uniquement de critères économiques; elles doivent aussi tenir compte des orientations à long terme de l’aménagement du territoire. » 55 Eine direkte Strecke, die der SNCF zwar die grösste Rentabilität verspreche, aber den «espace intermédiaire» ausgrenze, drohe schliesslich, «l’effet centralisateur du schéma ferroviaire du xixe siècle» 56 noch zu verstärken. Auch die in dieser Frage naturgemäss sehr engagierte Handels kammer von Dijon betonte, dass eine direkte Strecke zwischen den beiden grössten Agglomerationen des Landes jeder Idee einer Dezentralisierung und der Aufwertung sogenannter «métropoles d’équilibre» widerspräche; die Kammer wandte sich an die DATAR, die sie prinzipiell auf ihrer Seite wusste. In der Tat war die Schaffung und Stärkung von «métropoles d’équilibre», von regionalen Wirtschaftszentren, eine ausdrückliche Priorität der DATAR. Am Seitenrand eines Schreibens der Handelskammer Dijon – « le projet de turbotrain, tel qu’il est actuellement envisagé, semble être parti de l’idée simpliste que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre, sans se poser le problème de l’effet d’une nouvelle infrastructure sur l’aménagement de territoire » 57 – notierte der Empfänger bei der DATAR : « C’est vrai ». Das ebenfalls in der DATAR erörterte Argument, durch einen direkten Hochgeschwindigkeitsanschluss werde Dijon (oder auch Lyon) quasi zu einem Vorort von Paris degradiert und verliere gerade durch den Anschluss sein eigenständiges Potential als Hauptstadt des Burgund, blieb minoritär 58. Auf Drängen der DATAR wurde eine «étude complé mentaire» zum Streckenverlauf angefertigt, letztlich konnte sie sich aber gegenüber SNCF und dem Transportministerium nicht durchsetzen; dieses berichtete zum Abschluss lapidar, DATAR und SNCF hätten sich darauf geeinigt, dass der SNCF-Vorschlag für den geringsten Preis die meisten Vorteile biete. Der Umgang mit den DATAR-Vorschlägen lässt darauf schliessen, dass die Ziele der Raumplanung (obwohl als eigene Behörde beim Premierminister angesiedelt) letztlich in der französischen Regierung als nicht ausschlaggebend angesehen wurden 59. DATAR, le chargé de mission: Note à l’attention de M. le Ministre, Objet: Transports terrestres à grande vitesse sur l’axe Paris-Sud Est, 5 avril 1974, p. 8, CAC 840299-10. 56 Ibid. 57 CCI Dijon: Réunion du 6 mars 1972 (wie Anm. 11). 58 Vgl. DATAR, Transports terrestres… (wie Anm. 55). 59 Es wäre näher zu untersuchen, ob diese Entscheidung Ausdruck eines grundsätzlichen Machtgefälles darstellt, und zwar zwischen der an «Grandes Écoles» (Polytechnique, 55 340 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen Anders als in Göttingen, wo die Stadt sich zügig in die Planungen einmischte, sind die verantwortlichen Politiker in Dijon erst aktiv geworden, als die Planungen der SNCF bereits fast abgeschlossen waren 60. Dabei ist kaum zu vermuten, dass die Pläne für dieses nationale Grossprojekt am Bürgermeister Robert Poujade unbemerkt vorbeigegangen sind, schliesslich war er gleichzeitig in Paris Umweltminister; er muss also seine Gründe gehabt haben, warum er sich in seiner Doppelrolle zunächst still verhielt 61. Der wichtigste Träger des Protestes gegen eine an Dijon vorbeiführende Strecke blieb somit die Lokalpresse; sie wurde maßgeblich durch die aktive Öffentlichkeitsarbeit einer durch junge Unternehmer bereits 1970 gegründeten Vereinigung mit Argumenten und Artikeln versorgt. Eher anekdotische Bedeutung kommt wohl dem unter dem Dach dieser Association d’études des liaisons rapides inter régionales sehr umtriebigen pensionierten Ingenieur Frédéric Rodot zu, der seine ganz eigene Vision einer Schnellverkehrsverbindung nach Dijon entwickelt hatte 62. Nach seiner Ansicht, die er in einer durchaus professionell anmutenden Ausarbeitung präsentierte, sollte das Aérotrain- Projekt 63 Paris über Troyes und Dijon mit Lyon verbinden. Zusammenfassung Die Fallstudie zu den Bemühungen der Stadt Göttingen hat aufgezeigt, wie lokale Akteure sich dafür eingesetzt haben, Planungen der Bahn von bundesweiter Bedeutung in ihrem Sinne abzuändern. Die 1991 eröffnete Neubaustrecke wurde in der etwas längeren Variante über Göttingen gebaut, anders als in den ursprünglichen Planungen der Bundesbahn vorgesehen. Die Unterstützung der niedersächsischen Landesregierung war im föderalen Entscheidungsverfahren hilfreich, wobei die in der Bundesrepublik auf Länderebene verantwortete Raumordnung 64 entscheidenden Einfluss hatte. Auch in Frankreich Ponts et Chaussées) ausgebildeten, politiknahen französischen Ingenieurselite einerseits und der überwiegend von Geographen geprägten DATAR andererseits. 60 So lautete zumindest die Kritik der Zeitung Le Progrès aus Lyon, 13.11.1973. 61 Unter dem Titel «Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Protection de la nature et de l’Environnement» war Poujade ab 1971 das erste Kabinettsmitglied überhaupt in diesem neugegründeten Ressort. 62 Vgl. Rodot Frédéric, Le problème de la future ligne rapide Paris-Lyon à la portée de tous les Francais, CAC 840299-8. 63 Eine letztlich nie in Betrieb genommene Idee eines Luftkissenzuges, vgl. Guigueno Vincent, «Building a High-Speed Society: France and the Aérotrain, 1962-1974», Technology and Culture, No 49, 2008, p. 21-40. 64 Nach dem nationalsozialistischen Missbrauch der zentral organisierten Raumplanung als Legitimationswissenschaft der territorialen Expansionspläne war die Verantwor341 Philipp Hertzog argumentierte Dijon vor allem damit, seine Anbindung stünde im Einklang mit den offiziellen Zielen einer raumplanerischen Politik der Dezentralisierung; trotz aller Willensbekundungen zur Förderung regionaler Grossstädte blieben die Neubaustrecken jedoch der traditionellen Ausrichtung auf Paris verhaftet. Dijon verlor im Personenverkehr seine einstige Position als Eisenbahn-Drehkreuz und erhielt lediglich eine Abzweigung der neuen Hochgeschwindigkeitsstrecke. Durch das gezielte Vorbeifahren auch an mittelgrossen Städten hat der TGV den früheren innerfranzösischen Luftverkehr weitgehend obsolet werden lassen; gleichzeitig wurde eine flächendeckende Anbindung vernachlässigt, wie sie das eher kleinräumige ICE-Netz um den Preis erhöhter Reisezeiten zwischen Metropolen bietet. Freilich begünstigen auch die unterschiedlichen Siedlungsstrukturen in Frankreich und Deutschland eine jeweils andere Dichte an Schnellzughalten, doch hiesse es die politischen Gestaltungsmöglichkeiten ausblenden, sähe man die geographischen Ausgangsbedingungen als einzige Erklärung für Unterschiede in der deutschen und französischen Planung an. Deutsche Planungsingenieure blickten mitunter neidisch über die Grenze und forderten, nach französischem Vorbild weniger ausführlich auf Projektgegner einzugehen – schliesslich sei Frankreich trotz effizienterer, vielleicht technokratischer Planungsstrukturen w eiterhin unbestritten eine Demokratie 65. Dabei übersahen sie allerdings, dass die Abwägung zwischen «Kirchturm» und Gemeinwohl in der Verkehrsplanung vor allem eine Frage der gesellschaftspolitischen Prioritätensetzung darstellte sowie vom zeitgenössischen und traditionsgebundenen Demokratieverständnis abhing, inwieweit Interessen einer Minderheit positiv als «individuell» oder negativ als «partikular» konnotiert waren. Die deutsche Herangehensweise, nicht nur Wünsche zur veränderten Trassenführung eingehend zu prüfen, sondern auch den Projektgegnern – insbesondere Bürgerinitiativen – ausgiebig Gehör einzuräumen, lässt im Rückblick eine Konsenskultur erkennen, auf die bei den französischen Projekten weniger Wert gelegt wurde. Das geläufige technokratische Bild einer von Paris aus per Dekret entscheidenden Verwaltung wurde bei der Bahnplanung der tung für dieses Politikfeld bewusst auf die einzelnen Bundesländer aufgeteilt worden, vgl. Leendertz Ariane, Ordnung schaffen. Deutsche Raumplanung im 20. Jahrhundert, Göttingen: Wallstein, 2008. 65 Vgl. Rossberg Ralf Roman, « Im Schneckentempo zur modernen Bahn. Statt technischer Probleme juristische Hürden – Teures bundesdeutsches Planungsrecht », VDI-Nachrichten, 21.05.1982. 342 Lokaler Einfluss auf nationale Planungen 1970er-Jahre bestätigt, trotz mancher zweitrangiger Zugeständnisse an einzelne Kommunen. Umgekehrt brauchte die Bundesbahn von den etwa zeitgleich begonnenen ersten Überlegungen bis zur Eröffnung der Strecke etwa zehn Jahre länger. Angesichts dieser ambivalenten Bewertung sollte die hier historisch in den Mittelpunkt gestellte Entscheidung zu Gunsten der Stadt Göttingen nicht vereinfachend als «Erfolgsgeschichte» oder «Geschichte eines Siegers» verstanden werden. Sie zeigt den subjektiven Erfolg einer lokalen Bewegung im bundesdeutschen Planungsprozess grossangelegter Infrastrukturprojekte. Eine Entscheidung darüber, ob der französische Fernverkehr unter der relativen Abkopplung von Dijon leidet 66 und der deutsche Fernverkehr von der ungebrochen guten Anbindung der Stadt Göttingen profitiert, ist nicht Aufgabe des Historikers. Einen unbestreitbaren Mehrwert bringt der ICE-Halt in Göttingen allerdings, den jeder deutsche Fernverkehrskunde der Bahn wohl bestätigen dürfte: Die Universitätsstadt Göttingen hat sich zu einem zentralen Stützpunkt der im Bahn-Deutsch sogenannten «mobilen Brezelverkäufer» entwickelt, die dort stets mit frischen Backwaren einsteigen. Durch die erste nicht auf Paris zulaufende («province-province») Hochgeschwindigkeitsstrecke «Rhin-Rhône» dürfte sich in Zukunft die Situation für Dijon deutlich bessern. Ein erstes Teilstück wurde im Dezember 2011 eröffnet. 66 343 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports autour de l’aire métropolitaine de Lille (1950-1980) Pierre Tilly, Université catholique de Louvain Abstract : Transport infrastructure is far from neutral ; it constitutes a major factor in shaping town and country planning. The evolution of this issue between the 1950s and 80s in the cross-border area of Lille is the central concern of this paper. It provides a telling example of a scale change resulting from the reaction of government and socio-economic actors to European challenges in the area of transport. Since the 1980s, these challenges have undermined historically entrenched national practices to dispel the notion of “transport as a bastion of nationalism”. Enjeux de plus en plus importants dans le cadre des échanges frontaliers franco-belges qui se tissent autour de la future métropole lilloise, les transports et les voies de communication vont représenter des domaines clés dans la logique d’aménagement du territoire national et dans les projets de mise en œuvre des réseaux transeuropéens de transports évoqués dans les années 1960. Des problèmes très concrets comme les relations routières entre Calais et Ostende, la création d’une ligne d’autobus entre deux villes frontalières, Mons et Maubeuge, ou encore l’amélioration des relations ferroviaires vont laisser la vedette par la suite à des dossiers « poids lourds » comme le tunnel sous la Manche et l’ouverture aux réseaux de transports européens. Le développement des transports, complexe sur le plan technique et sensible sur le plan politique, se révélera en tous les cas fédérateur d’acteurs par le biais d’un processus d’apprentissage commun. Il réunit des représentants politiques et socio-économiques (chambres de commerce, syndicats, organisations 345 Pierre Tilly professionnelles, entrepreneurs) autour de quelques groupes fondateurs durant cette période de l’après-guerre jusqu’aux années 1980. L’objectif poursuivi est de favoriser l’intégration de la région, alors en pleine conversion industrielle, dans un espace européen en profonde reconfiguration. Avec en toile de fond, une période charnière constituée par les années 1960 qui marque le début d’une coopération transfrontalière institutionnelle entre le Nord-Pas-de-Calais et la Wallonie. Un essor qui s’est poursuivi par la suite avec l’intégration d’autres régions comme la Flandre, le Kent et la Région de Bruxelles-Capitale. L’infléchissement des flux économiques lié au tunnel sous la Manche, l’insertion de la région dans l’Europe du Nord-Ouest ont obligé les acteurs à prendre acte de la géographie et à faire de Lille un point d’éclatement, sinon de convergence, de relations de toute nature. Tout en prenant la mesure des enjeux des transports et des infra structures et en les replaçant dans leur contexte national et général, thème central de notre première partie, nous nous proposons dans une seconde partie d’analyser quels furent les fruits et les résultats des multiples contacts, études, concertations, manifestations publiques ou semi-publiques menés par ces acteurs durant la période de référence choisie. Nous les envisagerons à l’aune tant des fondements que des résultats concrets de cette dynamique historique (diagnostic « partagé », recherche d’un consensus sur une planification stratégique, gestion des déséquilibres et des divergences d’intérêts, autour de l’aménagement du territoire frontalier, reconversion industrielle). Ce processus qui débouche inévitablement sur des échecs comme sur des succès connaît des moments d’élargissement et des freins qui seront identifiés. Il s’inscrit bien dans l’émergence contemporaine d’espaces d’action transfrontaliers, voire d’éventuels territoires transfrontaliers, sujet qui sera abordé également. Il est temps à présent d’inscrire ce processus dans un contexte historique non sans avoir situé, à l’aide d’une carte de l’INSEE basée sur des données de 2004, les dynamiques en matière de transports et d’infrastructures autour des grandes m étropoles de la région. 346 Source : Infrastructures : TéléAtlas (2005) ; Réseau hydraulique : EUROSTAT-GISCO ; Occupation du sol : Corine Land Cover-AEE (2000) ; Population : City Population (2004‑2005) Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports 347 Pierre Tilly Des politiques de conversion et d’aménagement contre la désindustrialisation Le contexte est marqué pour la région du Nord comme pour la Wallonie, côté belge, par la poursuite de la désindustrialisation et la fin de l’exploitation minière qui commencent à faire sentir leurs effets à partir des années 1960 1. Entre 1962 et 1968, une politique d’aménagement et de conversion voit le jour dans le Nord-Pas-de-Calais avec, à partir de 1965‑1966, le lancement d’une politique nationale dite des métropoles d’équilibre qui aboutit au choix de Lille-RoubaixTourcoing concernant la région du Nord et à la création de l’OREAM, un organisme chargé d’élaborer le schéma d’aménagement de l’aire métropolitaine 2. En 1966, les Communautés urbaines sont mises sur pied et le schéma régional qui se donne pour objectif le réaménagement de toutes les structures matérielles et humaines s’inscrit dans une aire centrale associant métropole et Pays minier. Le couplage entre la façade maritime et l’intérieur par un puissant faisceau de communications est envisagé sur une échelle inédite qui permettrait de relier Dunkerque à la Rhénanie par le développement de lignes électriques, d’oléoducs, d’un canal à grand gabarit raccordé au réseau belge, d’autoroutes. Bref, un véritable maillage avec des axes faisant la jonction vers le bassin parisien et l’Europe du Nord-Ouest 3. L’heure de la régionalisation a-t-elle sonné ? Il faut plutôt parler de décentralisation à l’époque. Le 19 novembre 1973, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Lille/Roubaix/Tourcoing évoque devant Olivier Guichard, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Équipement, la n écessité de réaliser un axe structurant sur le plan autoroutier ainsi que l’amélioration de la desserte ferroviaire de la métropole Nord. Il plaide aussi pour une décentralisation tertiaire au profit de cette même métropole, d’un ou de deux services parisiens de haut niveau comme l’Institut de recherche et de transports ou la Direction des transports terrestres. Mais la crise économique de 1973‑1974 va balayer le bel ensemble imaginé. À la fin des Voir notamment Dard Olivier, Eck Jean-François (dir.), Aménageurs, territoires et entreprises en Europe du Nord-Ouest au second xxe siècle, Site de Metz : Centre régional universitaire lorrain d’histoire, n° 38, 2010, p. 87. 2 Hilaire Yves-Marie (dir.), Histoire du Nord Pas-de-Calais de 1900 à nos jours, Toulouse : Privat, 1982, p. 430. Voir également Eck Jean-François, « L’aménagement du Nord-Pas-de-Calais entre vision patronale et programmes technocratiques, des années 1950 aux années 1970 », in Aménageurs, territoires…, p. 61‑82. 3 Hilaire Yves-Marie, Histoire du Nord…, p. 434. 1 348 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports années 1970, le bilan de l’aménagement du territoire dans la région reste plus que mitigé 4. Comme le relève un atlas transfrontalier récent, « dans le domaine des voies de communication, une fois la frontière gommée, apparaissent des situations étonnantes que l’on ne peut comprendre qu’à la lumière de l’Histoire » 5. L’absence de continuité de certains grands axes routiers coexiste avec des voies ferrées en cul-de-sac, à l’image de la ligne ferroviaire Quiévrain-Blanc-Misseron entre la Belgique et la France. On peut y ajouter des canaux qui n’ont pas nécessairement le même gabarit. Ou encore des ports comme Dunkerque, Anvers, et dans une moindre mesure, Ostende qui se livrent à une concurrence séculaire, et des axes parallèles qui se dressent de part et d’autre de la frontière, donnant l’impression de s’ignorer. Le TGV, une opportunité majeure pour le territoire Dès les années 1960, une ligne à grande vitesse internationale est étudiée pour des relations entre Paris, la Belgique et la Grande-Bretagne. Mais le 20 janvier 1975, le gouvernement britannique décide d’abandonner ce projet d’envergure, sous prétexte d’un renchérissement de la ligne projetée entre Londres et le tunnel sous la Manche à travers le Kent. Une consultation des États membres de la Communauté européenne sur ce projet porté par les gouvernements britannique et français, réalisée en février 1974, montre de fortes préoccupations au sein des autres pays partenaires sur les implications de la réalisation du tunnel sur le trafic intracommunautaire 6. Des inquiétudes qui se focalisent notamment sur de possibles discriminations vis-à-vis de certaines catégories de transport. Or, le principe de non-discrimination inscrit dans le traité de Rome était, qui plus est, appuyé par une convention de novembre 1973 introduisant une clause de sauvegarde afin de se prémunir contre une intervention discriminatoire de la part d’un ou de plusieurs gouvernements. Plus fondamentalement encore, ce projet – s’il venait à se réaliser – modifierait de manière structurelle les grands courants de trafic entre la Grande-Bretagne et le continent. Eck Jean-François, « L’aménagement du Nord… », p. 82. Atlas transfrontalier. Tome 9 : Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), Paris, 2009, p. 18. (Voir http://insee.fr/fr/regions/nord-pas-de-calais/ default.asp?page=themes/ouvrages/atlas/ATLF_accueil.htm). 6 Archives historiques des Communautés européennes (AHCE), BAC 5/1981, n° 65. Résultats de la consultation en matière d’investissements d’infrastructures de transport. Projet de tunnel sous la Manche, 25 février 1974. 4 5 349 Pierre Tilly Il fallait à tout le moins, de l’avis de la France et de la Grande-Bretagne, faire preuve de progressivité en fonction des besoins dans l’aménagement des infrastructures des voies d’accès ainsi que sur la nécessité de se placer dans un cadre de prévisions raisonnables. En clair, l’application des trains à grande vitesse et les techniques non conventionnelles de guidage sur les grands axes d’accès n’étaient pas à l’ordre du jour pour le gouvernement français. Quant aux Belges, les projets français ne répondaient pas à leurs attentes en fonction de l’évolution de la construction des autoroutes en cours dans leur pays. Et comme tout était décidément lié, la délégation allemande soulignait que certaines prises de position sur la relation frontière belge-Aachen-Frankfurt étaient subordonnées aux décisions belges. Des Allemands qui insistaient par ailleurs sur l’importance, dans le domaine des transports de marchandises, des réflexions sur la possibilité de transporter par trains directs les véhicules routiers utilitaires au-delà du tunnel grâce à l’équipement approprié des voies d’accès. Une réflexion d’ensemble, mieux une concertation entre États membres, sur le réseau à grande vitesse en relation avec le tunnel s’imposait dans la mesure où des problèmes d’adaptation et de coordination des programmes nationaux se posaient. La Commission européenne, tout en les mettant en exergue, s’engage alors à prendre des initiatives pour assurer un développement harmonieux des liaisons dans la Communauté, un objectif reconnu par le Conseil 7. Les initiatives de la Commission se feront attendre d’autant plus que l’abandon du projet de tunnel sous la Manche fait échouer le dispositif prévu ; la SNCF se réorientera vers la desserte Paris-Lyon et le projet de LGV Sud-Est sera finalement le premier réalisé en France en 1981 8. En France, aucun grand projet d’infrastructure ferrée d’une telle ampleur n’a vu le jour depuis les années 1930. L’occasion offerte par le projet TGV représente donc une opportunité majeure de revoir l’organisation spatiale du territoire du Nord-Pas-de Calais et de faciliter sa promotion au plan international. Les motivations économiques sont loin d’être secondaires. Les (grandes) entreprises sont sensibles aux potentialités offertes par une mise en service du tunnel sous la Manche et de Voir entre autres à ce sujet : Patel Kiran Klaus, Schot Johan, « Twisted paths to European Integration : Comparing Agriculture and Transport Policies in a Transnational Perspective », in Contemporary European History, 20 (4), 2011, p. 383‑403. 8 Beltran Alain, « SNCF and the Development of High Speed Trains, 1950-1981 : Economic Rationale and Technological Choices », in Whitelegg J., Hulten, S., Flink T. (eds.), High Speed Trains : fast tracks to the future, Leading Edge Press : Hawes, Yorkshire, 1993, p. 30‑37. Voir également le site de l’Association pour l’histoire des chemins de fer (http://www.ahicf.com/) qui propose une abondante bibliographie. 7 350 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports la ligne à grande vitesse Londres-Bruxelles dont le tracé reste à déterminer. La dimension européenne dans le dossier des transports s’impose comme un élément incontournable. Pour preuve, B. Le Cour Grandmaison, du Département aménagement transports chez Engins Matra, en charge d’une série d’études et de recherches dans le nord de la France confiées par l’OREAM, la Chambre régionale de commerce et la communauté urbaine de Lille, prend contact avec de Castelbajac de la Direction générale transports de la Commission européenne 9. Le tunnel sous la Manche devient réalité Les voies de communication ont attisé durant des siècles les rivalités étatiques que traduisent des différences techniques, administratives et fiscales. Le train perd résolument du terrain face à la route après 1945 laquelle assure en 1970 environ 50 % des échanges de marchandises entre les États membres de la Communauté européenne 10. C’est l’ensemble du réseau qui subit une transformation profonde avec des voies qui sont déclassées, des gares fermées, des milliers d’emplois perdus et des frontières qui s’ouvrent de plus en plus avec la construction européenne. Lors du sommet franco-britannique du 10 septembre 1981, l’idée d’un lien fixe sous la Manche refait surface, et le projet est remis sur les rails. Dans le même temps, un lien ferroviaire entre Paris, le nord de la France, l’Angleterre et la Belgique est reconsidéré. En juillet 1984, un rapport estime qu’une ligne nouvelle à grande vitesse entre Paris, Bruxelles et Cologne serait financièrement viable, sous condition d’un financement partiel apporté par la Communauté économique européenne. En 1986, une liaison vers Amsterdam est ajoutée. Par le traité de Canterbury, le 29 juillet 1987, la construction du tunnel sous la Manche est officialisée, avec un financement exclusivement privé. La création du TGV Nord est en conséquence initiée. Par ailleurs, le projet complémentaire d’interconnexion des LGV en Île-de-France est décidé le 9 octobre de la même année. En novembre 1989, le Conseil des ministres des Transports européens réuni à La Haye décide du calendrier de réalisation en trois étapes. C’est en novembre 1994 que le premier Eurostar effectuera le trajet Paris-Londres en passant par le tunnel sous la Manche. Le trajet depuis Bruxelles via Lille suivra trois ans plus tard. AHCE, BAC 5/1981, n° 65. Lettre de B. Le Cour Grandmaison à de Calstelbajac du 6 juin 1974. 10 Dumoulin Michel, La Commission européenne (1958‑1972). Histoire et mémoires d’une institution, Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés européennes, 2007, p. 458. 9 351 Pierre Tilly Les problèmes d’harmonisation sur l’espace franco-belge Entre ports et fleuves, un hinterland à développer Ces grands projets d’infrastructure européens vont être à présent replacés dans une dimension transfrontalière, celle de la constitution d’une grande aire métropolitaine autour de Lille au sein de laquelle les nouvelles infrastructures TGV représentent une importance capitale en termes de développement et de croissance régionale. Du côté institutionnel, la planification matérielle, celle des grandes infrastructures par exemple, retient essentiellement les énergies et anime les discours dans l’après-Seconde Guerre mondiale. Un volet des discussions, dès les années 1950, touche à la question des transports qui constitue un point central et permanent des échanges frontaliers au cours de cette période. Il est ainsi question des relations routières entre les deux pays, de la création de lignes d’autobus entre villes frontalières et de l’amélioration des relations ferroviaires même si le train ne constitue pas la priorité à l’époque. Dans les années 1960, l’un des projets porteurs vise à la constitution d’un nœud autoroutier européen. À l’heure de la reconversion, la réorganisation de l’espace s’impose dans l’esprit des décideurs politiques, afin de favoriser, voire de créer, une alternance nécessaire entre espaces urbains et espaces ruraux et d’assurer une complémentarité plus grande entre les principales zones urbaines, au sein d’un véritable réseau de villes. La réflexion et la recherche de solutions dans ce domaine ne peuvent a priori faire l’économie d’une approche transfrontalière, d’autant que la construction européenne a débuté. Celle-ci se révèle pourtant difficile à réaliser sur des bases structurelles. Jusqu’au milieu des années 1960, du fait de l’exploitation charbonnière et de l’activité sidérurgique, les deux points principaux d’insertion de l’expansion régionale du Nord-Pas-de-Calais sont Valenciennes et Dunkerque. Ils sont à mettre en relation côté belge avec la gare de Saint-Ghislain dans les bassins miniers du Borinage et du Centre, et surtout avec le port d’Anvers. L’une des pièces maîtresses de l’Administration des transports en France est constituée par l’aménagement au gabarit international de la liaison par eau Dunkerque-Valenciennes, nommée la grande voie, et plus largement de la connexion des voies fluviales entre les réseaux belge et français. Il s’agit là d’un problème à caractère régional urgent du fait de la conversion/reconversion des anciennes régions minières tant du côté français que belge. Avec trois fleuves de dimension européenne (Rhin, Meuse et Escaut) et des ports qui le sont tout autant, le transport des 352 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports voyageurs et davantage encore le trafic de marchandises constituent un enjeu majeur, avec la voie d’eau qui représente un atout de poids pour cette partie de l’Europe du Nord-Ouest. Cela étant, la construction de canaux censée renforcer cette attractivité est fait surtout l’objet d’une compétition, avec en point de mire la lutte « féroce » entre Rotterdam, Anvers et Dunkerque 11. La mise à gabarit, essentielle pour le développement régional, a longtemps constitué une pierre d’achoppement en raison des retards pris dans la modernisation de canaux. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas qu’une valeur économique ou commerciale du fait de leur rôle, au même titre que les autres voies de communication, dans le maillage de l’espace territorial avec des caractéristiques sociales, militaires et culturelles structurant un espace original à bien des égards. Pour prendre un exemple, le bassin du Borinage en Belgique, qui est traversé depuis les années 1950 par un canal à 1350 tonnes, ne peut en tirer pleinement profit en raison du non-aménagement de la zone du Haut Escaut et de l’absence de modernisation du canal du Centre à l’Est. Le projet d’autoroute Dunkerque-Lille doit par ailleurs faciliter la desserte industrielle des usines du port et la liaison indispensable d’un centre urbain en développement avec la capitale régionale. Quant au réseau primaire formé par les lignes de chemin de fer, il doit être organisé et concentré autour de Lille avec un axe nord en direction de Courtrai, un axe est en direction de Tournai et un axe sud en direction d’Arras 12. La concertation nécessaire entre acteurs de part et d’autre de la frontière doit porter également sur la commutation des modes de transport, les facilités de transbordement, la correspondance des horaires, le titre de transport unique. Ouverture et intégration à l’Europe du Nord-Ouest Comment les acteurs politiques, économiques et sociaux ont-ils accompagné ou non l’ouverture et l’intégration à l’Europe du Nord-Ouest au début de la construction européenne ? Quelle place et quel rôle ont pris l’aménagement du territoire et le développement des transports dans le cadre régional et transfrontalier ? Deux Atlas transfrontalier…, p. 20. La construction du Canal Seine-Nord Europe prévue à l’horizon 2013 permettra d’ouvrir aux « grands gabarits » la liaison entre tous les ports maritimes, mais aussi les ports intérieurs comme Bruxelles. 12 Régions frontalières et aménagement du territoire. Dossier d’étude. Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire, 2e session de la Grande Motte, 25 au 27 septembre 1973, p. 57. 11 353 Pierre Tilly questions essentielles, face auxquelles, comme le souligne le recteur de l’Académie de Lille, lors d’une conférence européenne en 1970 : « Les deux départements français et les deux provinces belges “bénéficient d’un profond atavisme” qu’il faut considérer comme “un atout majeur devant favoriser toute réflexion menée en commun” sur le plan de la concertation “supra-frontalière”. La région du Nord-Ouest, excentrique dans le territoire national français, est en réalité placée à un carrefour essentiel de l’Europe du Nord-Ouest, pour autant que des infrastructures ferroviaires et autoroutières modernes et internationales soient créées. Ceci étant, cette valorisation de la situation géographique de la région fronta lière n’a aucun sens en l’absence d’activités économiques nouvelles […] et d’une réflexion internationale ayant pour thème l’aménage ment du territoire autour de ces grands axes. » 13 Afin d’ancrer la région du Nord dans la politique spatiale du développement industriel français au sein de l’Europe, les décideurs régionaux se battent pour que les grandes infrastructures de transport international soient intégrées dans leurs tracés et réalisées de manière à servir au mieux la compétition avec le Benelux et la conversion des bassins miniers et sidérurgiques. La création d’un aéroport international de nature transfrontalière à Lesquin, à l’image de celui de MulhouseBâle, est ainsi envisagée pour renforcer le rôle de plaque tournante de la métropole. Dans ce but, il faut en améliorer sensiblement l’accessibilité à partir de la Belgique, comme il s’agit de permettre aux Français de rejoindre aisément l’aéroport de Bruxelles. L’idée d’un statut inter national du type Genève-Cointrin est évoquée, l’objectif étant à tout le moins d’assurer de plus grandes facilités aux usagers belges. L’ouverture des autoroutes Gand-Courtrai-Lille et Mons-Tournai-Lille est censée en ce sens améliorer l’accessibilité de l’aéroport de Lesquin à partir de la Belgique, tout en facilitant l’accès à l’aéroport international de « Aire métropolitaine, aménagement franco-belge », rapport présenté par Guy Debeyre, au nom du groupe d’étude n° 3, Conférence des régions de l’Europe du Nord-Ouest, 4e journée d’étude, Maastricht, février 1970, p. 110‑113. Guy Debeyre est alors président du Comité d’études régionales économiques et sociales (CERES) à Lille. Ce groupe de travail est composé de personnalités qui joueront par la suite un rôle politique majeur comme Norbert Gadenne, directeur de l’intercommunale belge SIDEHO, ou Michel Delebarre, un géographe qui était le secrétaire général adjoint du CERES depuis 1968. Directeur de cabinet de Pierre Mauroy en 1982, Michel Delebarre accède à des fonctions ministérielles deux ans plus tard, comme ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. 13 354 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports Bruxelles, Lesquin étant bien positionné pour toutes les agglomérations proches de la frontière tant qu’il peut assurer des connexions autres que sur l’espace aérien français. En ce début des années 1970, la réalisation à nouveau envisagée d’un tunnel sous la Manche, de même que le rapprochement probable de la Grande-Bretagne et du Marché commun peuvent également contribuer à infléchir les courants économiques majeurs. La direction est-ouest redevient dès lors un grand axe d’échanges, dont les effets sur le développement vont être aiguillonnés par la nécessité de convertir rapidement l’économie des vieilles régions minières traversées. Mais cela engendre invariablement des tensions entre régions et villes concurrentes. Cette nouvelle direction des flux reliant l’Angleterre à la Rhénanie va en effet à l’encontre des intérêts flamands ou néerlandais qui, d’Ostende à Amsterdam, ont monopolisé ces trafics depuis plusieurs siècles. En revanche, elle offre à la région du Nord et à la Wallonie une chance de sortir de leur situation quelque peu marginale dans les espaces nationaux français et belge, entre le pôle parisien et le pôle Bruxelles-Anvers. Un grand projet : une aire métropolitaine à vocation frontalière Les premiers mois d’activité d’un nouvel organisme d’aménagement du territoire régional, l’OREAM-Nord installé à Lille, contribuent à modifier une perception des problèmes d’aménagement tournée vers l’intérieur afin de les inscrire dans une vision plus européenne. Il en résulte la publication, à la fin de 1967, d’un Livre blanc. Il vise à répondre à deux questions jugées alors essentielles : pourquoi la région Nord-Pas-de-Calais doit-elle rester une grande région française ? Comment peut-elle y parvenir ? Le principe d’aménagement proposé par le Livre blanc consiste à organiser la région dans l’optique d’un grand carrefour européen et notamment à faire de ses principales zones de peuplement des points privilégiés de convergence et d’alimentation des flux économiques qui irrigueront l’Europe du Nord-Ouest. Tels qu’ils sont élaborés par les autorités belges et françaises, les choix opérés ne constituent pourtant pas un modèle de concertation ; ils rentrent même parfois en contradiction les uns avec les autres. Ainsi, pour s’intégrer au réseau européen, il faut assurer la fluidité des accès vers Paris, Londres et le Sud-Ouest français au départ de Lille grâce au TGV et des flux de trafics de personnes et de marchandises vers l’Angleterre et l’Allemagne via le tunnel trans-Manche. Mais il faut aussi contribuer au développement 355 Pierre Tilly du réseau de communications interne à la zone transfrontalière pour vitaliser les futurs échanges de coopération. Le travail n’est pas mince en matière d’infrastructures, car les États ont longtemps poursuivi des politiques de protection plutôt que d’ouverture de leurs frontières. À partir d’un réseau urbain diversifié, trois grandes zones font l’objet d’un découpage considéré comme naturel en fonction du tracé des grands axes internationaux : le littoral, l’aire urbaine centrale et le Hainaut-Cambrésis. La Chambre de commerce et d’industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing penche en faveur d’un réseau urbain hiérarchisé autour de l’agglomération métropolitaine et de villes-relais. Elle ne cache pas sa crainte de voir le tronçon littoral du Nord tomber, à l’aube de l’an 2000, dans l’orbite de Londres, Anvers et Rotterdam, l’aire urbaine centrale subir l’attraction de la couronne parisienne et le Hainaut-Cambrésis se rattacher à l’hinterland de Bruxelles 14. Autrement dit, le Nord serait bien une région carrefour, mais un carrefour de décisions venues de centres extérieurs à lui. La Chambre préconise donc de centraliser l’aménagement autour de la métropole lilloise tout en déplorant l’inexistence en France de pouvoirs régionaux comme en Belgique ou aux Pays-Bas. Les critiques ne s’arrêtent pas là portant aussi sur l’obsolescence d’une partie de l’appareil productif, l’absence d’une politique vigoureuse de formation des hommes et le déficit des équipements urbains. Des solutions concertées entre les représentants des deux pays s’imposent. Le 14 mai 1968, une rencontre à la préfecture du Nord met en présence des dirigeants politiques de la Flandre occidentale, du Hainaut, du Nord et du Pas-de-Calais pour un examen en commun des problèmes de coordination pour la réalisation des trois grands itinéraires autoroutiers en cours d’exécution entre la région du Nord et la Belgique. Une politique d’aménagement du territoire à l’échelle transfrontalière est-elle envisageable ? Un an après cette réunion, une note de la Mission économique régionale évoquant les problèmes franco-belges et leurs implications dans la région du Nord en montre crûment les limites 15. Selon elle, ce n’est qu’en apparence que la Belgique semble ne pas avoir établi de politique d’aménagement du territoire à long terme, même si Anvers possède sa stratégie dans la compétition internationale Tilly Pierre, « L’aménagement du territoire et le développement industriel dans une perspective transfrontalière. Le cas franco-belge (1950‑1975) » in Aménageurs, territoires…, p. 150‑151. 15 Archives Départementales du Nord (ADN), fonds CERES, 80 J 219, note confidentielle, juillet 1969. 14 356 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports entre les ports de la mer du Nord. L’État belge paraît répondre au jour le jour aux problèmes posés par la disparité des croissances flamande et wallonne. En fait, le développement de fonctions de commandement international et d’unification nationale de plus en plus assumées par Bruxelles d’une part, la recherche d’un contrepoids à la domination trop exclusive des ports néerlandais d’autre part, conduisent à l’affirmation spontanée de la capitale belge comme pôle majeur de développement de l’ensemble Bruxelles-Anvers. Cette tendance attire naturellement, grâce à sa proximité et son dynamisme, la main-d’œuvre des régions wallonnes en difficulté, de Mons à Charleroi. Elle se traduit par l’établissement d’un axe nord-sud, du Hainaut à la Zélande en passant par Bruxelles. À tout le moins, cette situation ne peut être à l’avantage du Nord. « L’affirmation par les Belges d’un axe nord-sud prépondérant irait à l’encontre de la priorité que nous donnons à nos propres liaisons nord-sud et tendrait naturellement à empêcher une solidarité accrue entre la région du Nord ou la Wallonie et le reste de la France – mais pas seulement en direction de Paris. Notre préoccupation doit être de pousser ces axes vers le sud, et notamment vers le sillon rhodanien par la Champagne, alors que les Belges s’intéressent surtout aux liaisons vers Bruxelles et le nord. » 16 Quant à la Chambre de commerce et d’industrie de Lille-RoubaixTourcoing, les comparaisons auxquelles se livre le Livre blanc de l’OREAM-Nord entre la situation régionale et les pays voisins lui paraissent trompeuses 17. Tout d’abord, dans le cas de la région parisienne et de la Randstadt hollandaise, elle estime que le rapprochement avec la métropole lilloise omet un élément essentiel, à savoir que ces « grands ensembles urbains polynucléaires » s’appuient sur d’authentiques villes-capitales auprès desquelles Lille fait encore piètre figure. Le parallèle avec la Ruhr est jugé plus pertinent, encore qu’il néglige le rôle privilégié de Düsseldorf, dû tant à sa fonction ancienne de ville résidentielle des grands industriels de la Ruhr qu’à son élévation depuis la Seconde Guerre mondiale au rang de capitale de la Rhénanie du Nord-Westphalie, avec une bourse et un aéroport international qui se situent à la deuxième place en Allemagne. Pour la Chambre de LilleRoubaix-Tourcoing, la région doit passer de la défensive à une attitude offensive. Son complexe portuaire, mieux placé que les ports belges ou ADN, fonds CERES, 80 J 219, note confidentielle, juillet 1969. ADN, fonds CERES, 80J246, note de Decoster à Debeyre, 7 mai 1968. 16 17 357 Pierre Tilly néerlandais pour accueillir les navires de gros tonnage, doit affirmer une vocation résolument européenne et desservir un hinterland débordant largement la région pour englober aussi bien les espaces français voisins, jusqu’à la Lorraine, qu’une partie du Benelux et de la Rhénanie, et même le sud-est de l’Angleterre grâce au tunnel sous la Manche. « C’est aussi le rôle des liaisons est-ouest d’étendre cet hinter land des ports du Nord. La chance de la région est de pouvoir se saisir des liaisons internationales, détournées à son profit grâce au tunnel sous la Manche et au rapprochement probable de la Grande-Bretagne du Marché Commun, pour réaliser du même coup ses structures internes (axe est-ouest) et ses liaisons externes vers la Rhénanie, la Lorraine et le sillon rhodanien. Cette vocation de la région du nord dans la politique spatiale de développement indus triel français au sein de l’Europe exige seulement que les grandes infrastructures de transport international, de toute façon néces saires, soient infléchies dans leur tracé et réalisées dans le temps, de telle sorte qu’elles servent au mieux la compétition avec le Benelux et la conversion des bassins miniers et sidérurgiques. » 18 Au début des années 1970, le développement des relations internes de la région résulte presque exclusivement d’une amélioration du réseau routier. La croissance et le renforcement du réseau ferroviaire se faisaient attendre alors que cette offre pouvait permettre de favoriser des transferts notables de voyageurs de la route vers le rail. Celui-ci semble néanmoins à nouveau porteur d’avenir. L’augmentation du coût de l’énergie est présentée comme un facteur déterminant d’une dynamique régionale dans les prochaines décennies. Le projet de TGV est censé pouvoir y contribuer dans le cadre d’une politique nouvelle en matière de transports en commun initiée par les trains rapides de première classe Trans-Europ-Express reliant les principales villes d’Europe occidentale, équipés de voitures climatisées de grand confort, et poursuivie par la véritable révolution technologique que constituent les trains à grande vitesse 19. Le projet de TGV « Paris-Nord » s’inscrit dans un plan directeur visant à la constitution d’un réseau ferroviaire européen inter-villes. Les plus grandes agglomérations de l’Europe du Nord-Ouest sont concernées par le projet : Paris, Londres, Bruxelles, ADN, fonds CERES, 80J219, note confidentielle, juillet 1969. « Le secrétariat d’État aux transports aux écoutes de la Chambre de commerce », in Informations, Chambre de commerce et d’industrie de Lille/Roubaix/Tourcoing, n° 17, avril 1974, p. 2. 18 19 358 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports Amsterdam, Rotterdam, Cologne et Francfort. Pour Lille, il s’agit de s’inscrire dans l’axe futur Bruxelles-Londres envisagé pour 1985. Le but est non seulement d’assurer des liaisons rapides et de rétrécir l’espace, mais aussi de créer des liaisons fréquentes, cadencées entre ces grandes agglomérations, et dans le cas de Lille avec le littoral, Dunkerque en particulier. Dans un rayon de quatre cents kilomètres, les durées des trajets de centre-ville à centre-ville ne dépasseraient pas celles du transport aérien, jouant ainsi un peu le rôle de l’avion aux États-Unis pour l’Europe de l’Ouest. Une perspective qui se trouverait très certainement renforcée par l’augmentation durable du prix de l’énergie. Mais si cent millions d’habitants sont concernés par ce nouveau réseau appelé à leur assurer un confort, une sécurité et une régularité sur des bases nouvelles, des négociations complexes entre les trois réseaux de chemin de fer intéressés (France, Belgique, Allemagne) s’imposent. L’espoir est d’infléchir au profit de la région les puissants courants commerciaux qui traversent l’Europe du Nord‑Ouest à l’aide d’un puissant réseau d’infrastructures prenant appui sur le littoral comme pôle de croissance et se raccordant, à partir de là et à travers la région, aux réseaux de pays voisins : autoroutes-canal à grand gabarit, réseau télé-informatique, lignes de transport d’énergie et réseau ferré à grande vitesse. Trois problèmes se posent plus particulièrement : 1°Le nombre et la situation des points d’arrêt régionaux, 2°Le nombre de trains internationaux qui s’arrêteront effectivement, 3°Le rabattement du trafic régional sur ces points d’arrêt. Mais côté français, l’ambition majeure demeure l’amélioration des relations avec Paris. Il s’agit aussi de savoir si ce réseau TGV peut favoriser le renforcement des fonctions urbaines autour du tertiaire de haut niveau dont la région Nord espère bien profiter en envisageant l’organisation d’un réseau de villes autour de la métropole lilloise afin que les agglomérations ne vivent pas en autarcie. Arras serait appelé à jouer pour les relations avec la capitale le rôle que jouera Lille vis-à-vis de l’Europe du Nord-Ouest. Le plan de développement envisagé cherche à résoudre les problèmes spécifiques de chaque agglomération et à éviter que la réalisation de dessertes régionales n’entraîne des distorsions locales d’accessibilité. Cette nouvelle organisation est considérée comme étant de nature, par resserrement de l’espace, à modifier sensiblement la taille des bassins de main-d’œuvre et d’emploi. En cela, le plan de transport comporte un enjeu social, en faveur d’une mobilité accrue des hommes et des femmes susceptible d’appuyer la cohésion régionale et la diffusion de la croissance. 359 Pierre Tilly Comme nous l’avons vu, le réseau ferroviaire a longtemps présenté des carences croissantes dans l’après-guerre avec la fermeture de voies estimées trop peu rentables et la création de « culs-de-sac » comme la ligne Tournai-Douai ou Mons-Valenciennes. Le retard d’électrification entre les deux pays a mis du temps à être résorbé entre logique de concurrence et de coopération. Et pourtant l’électrification de la ligne Amsterdam-Bruxelles-Paris suscitait de grands espoirs en 1970 comme outil de désenclavement du Hainaut belge pour s’inscrire dans les grands courants des transports européens à moyennes et longues distances. Quant à la création d’une ligne TGV sur le terrain wallon, elle fit l’objet d’oppositions qui ont fait place aujourd’hui à de profondes interrogations sur sa rentabilité et sa survie alors que celle menant à Londres au départ de Bruxelles en passant par Lille représente un grand succès. En guise de conclusion, ce cheminement entre enjeux nationaux, régionaux et transfrontaliers montre combien les infrastructures de transport sont loin d’être neutres ; elles constituent un élément essentiel de toute politique d’aménagement territorial. Selon les choix faits, elles peuvent être source de développement ou de désertification. Envisagées sous un angle transfrontalier, elles s’inscrivent dans une autre logique. Les transports se heurtent, quelles que soient leurs formes, à une frontière « filtrante ». Il reste que Lille s’est affirmée comme métropole-pivot, renforcée dans ce rôle par le tunnel sous la Manche, le développement du trafic aérien et des lignes ferroviaires à grande vitesse. Cette évolution du secteur des transports à l’image du trafic fluvial, a révélé d’autres effets de frontière correspondant à des perceptions différentes des transports fluviaux en France et en Belgique où la dimension européenne chère aux Belges cohabitait tant bien que mal avec la vision plus territoriale côté français 20. L’exception confirmant cette règle d’un choix difficile entre préférence nationale et enjeux européens, de plus en plus importants avec le marché unique, fut les infrastructures routières. En effet, elles offraient la vision d’une frontière perméable au point qu’aujourd’hui le transport par camion doit, pour répondre aux objectifs du développement durable, s’inscrire dans une logique d’inter-modalité qui est devenue un courant dominant dans le secteur des transports. Au bout du compte, les réseaux de communication de toute nature ont de plus en plus pris la fonction de « compléments » des comptoirs Contrairement à la Belgique, la France a associé plus étroitement les régions à l’organisation des transports. 20 360 Priorités nationales et maillons transfrontaliers dans les réseaux de transports installés le long des rivages de la mer du Nord 21. Les priorités nationales ont longtemps conduit à privilégier l’aménagement des espaces nationaux face au maillage transfrontalier et européen. Le rôle des pouvoirs locaux, des lobbys patronaux et des syndicats fut à cet égard décisif jusqu’aux années 1980 comme la concurrence entre les modes de transport. La logique effective de desserte et d’aménagement du territoire sur une base nationale tranche avec des projets de nature européenne qui restent au stade des discours jusqu’à la fin des années 1970. Cela étant, une décennie plus tard, l’espace et l’horizon d’action de la puissance publique vont prendre une nouvelle dimension. Transformer des zones de séparation en zones d’union devient, avec la perspective 1992 ouverte par l’Acte unique européen de 1986, un projet particulièrement mobilisateur pour les zones frontalières et un signal fort pour des espaces à la recherche d’une nouvelle dynamique économique et sociale. Cette nouvelle étape du projet européen, incarnée notamment par le Livre blanc de Delors qui prévoit le lancement d’un projet de Schéma Directeur de lignes à grande vitesse, contribue en matière de transport à remettre en question des logiques nationales profondément ancrées dans l’histoire et de s’inscrire résolument contre « les trans ports, bastion des nationalismes » 22. Atlas transfrontalier…, p. 20. Dumoulin Michel, La Commission européenne…, p. 458. 21 22 361 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 Sandro Fehr, Universität Bern Abstract : The dawn of air travel in the early 1920s was also dependent on adequate infrastructure. Prior to World War II, the construction of airfields in Switzerland was not coordinated and took place in a competitive environment with no federal intervention. Contrary to the initial phase of railway development, it was not private companies who competed against each other to build air transport infrastructure, but cities and cantons. Through the promotion and financing of airfields that generally operated at a loss, cities and cantons wished to become involved in air travel which, at the time, held the promise of economic profit and prestige. These general conditions explain why the airfields of the three biggest economic and population centres in Switzerland also became the country’s most prominent centres of air travel. Towards the end of the interwar period, the federal administration attempted to end regional competition and push for coordination. During World War II, the idea of a Swiss airfield policy to prepare the country for the air traffic expected after the war was put forward. The confirmation of the former Geneva-Basel-Zurich triangle of airfields conflicted with the plan for a central Swiss airport in Bern-Utzenstorf. Nevertheless, in 1945, the federal government decided to build an intercontinental airport in Zurich and continental airports in Geneva and Basel. The endorsement of the triangle of airfields upgraded the interwar status quo to the rank of Swiss policy. In 1956, the special status of Zurich was lifted, enabling a standard categorisation of the airport triangle which holds to this day. Die Planung und der Betrieb von Verkehrssystemen standen schon immer im Spannungsfeld unterschiedlichster Vorstellungen und Interessen, wie beispielsweise denen der Prinzipien von Konkurrenz und Koordination. Verkehrskoordination kann zum einen auf der Ebene des 363 Sandro Fehr Gesamtverkehrssystems erfolgen, wobei verschiedene Verkehrs- und Transportarten strukturiert, organisiert und komplementär aufeinander bezogen werden. Zum anderen finden Koordination und Konkurrenz aber auch auf der Ebene der Teilsysteme der einzelnen Verkehrsträger statt, wie etwa im Schienen-, im Strassen- oder im Luftverkehr. Am Beispiel des Schienenverkehrs lässt sich zeigen, dass in der Schweiz bereits unmittelbar nach der Gründung des Bundesstaates Diskussionen über den ordnungspolitischen Rahmen dieses neuen Verkehrsträgers entbrannten. Die eidgenössischen Räte entschieden 1852, den «Bau und den Betrieb von Eisenbahnen […] den Kantonen bzw. der Privattätigkeit» zu überlassen. Da der Einfluss der Kantone auf die Vergabe von Konzessionen beschränkt blieb, führte der eidgenössische Grundsatzentscheid letztlich zu einer von privatem Wettbewerb geprägten Phase der Konkurrenz – ohne nennenswerte staatliche Koordination 1. Wie sich herausstellte, verweigerten sich die privaten Akteure aber auch einer gegenseitigen Koordination, was nicht nur zu einem «Tarifwirrwarr» führte, sondern auch netzübergreifende Transporte erschwerte oder sogar unmöglich machte. Diese Missstände trugen dazu bei, dass der Bund 1872 eine neue Ära des staatlichen Interventionismus und der Koordination einläutete, die 1898 sogar im Ende der privatwirtschaftlichen Epoche und der Gründung der Schweizerischen Bundesbahnen gipfelte 2. Wie im 19. Jahrhundert schon für die neuen Eisenbahnen musste in der Schweiz ab den frühen 1920er-Jahren auch für den einsetzenden Luftverkehr eine geeignete Infrastruktur geschaffen werden. Dazu waren zunächst entsprechend ausgebaute und ausgerüstete Flugplätze erforderlich. Im vorliegenden Artikel wird aufgezeigt, unter welchen ordnungspolitischen Rahmenbedingungen sich die Luftfahrtinfrastruktur in der Schweiz entwickelte. Im Zentrum stehen dabei die ab der zweiten Hälfte der 1930er-Jahre verstärkt einsetzenden Koordinationsund Interventionsbestrebungen auf bundesstaatlicher Ebene und die in diesem Kontext entstandene eidgenössische Flugplatzkonzeption. Zur Beantwortung der Fragestellung wird zuerst die Entwicklung der Luftfahrtinfrastruktur in der Zwischenkriegszeit behandelt. Danach Schweizerisches Bundesarchiv (Hg.), Netze. Verkehr – Telekommunikation – Verkehr, Bern: Schweizerisches Bundesarchiv, 1997, p. 37, 38, 45. 2 Kirchhofer André, Steinmann Jonas, «Staatsintervention oder Wettbewerb? Ordnungspolitische Paradigmen im Schweizer Eisenbahnwesen seit 1852», in Kirchhofer André, Krämer Daniel, Merki Christoph Maria (Hg.), Nachhaltige Geschichte. Festschrift für Christian Pfister, Zürich: Chronos, 2009, p. 333-337. 1 364 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 wird vertieft auf die Entstehung der Flugplatzkonzeption gegen Ende des Zweiten Weltkriegs und deren Erweiterung in den 1950er-Jahren eingegangen, wobei auch den Diskussionen um die Flughafenstandorte die nötige Beachtung geschenkt wird. Das Flugplatzdreieck Zürich-Basel-Genf in der Zwischenkriegszeit Vor dem Ersten Weltkrieg existierte in der Schweiz noch kein Luftverkehr. Wer sich in eines der frühen Tragflächenflugzeuge, Luftschiffe oder in den Korb eines Gasballons setzte, tat dies aus Abenteuerlust und Vergnügen sowie vereinzelt auch aus wissenschaftlichen oder militärischen Gründen. Die kommerzielle Nutzung der Fluggeräte beschränkte sich im Wesentlichen auf Rundflüge und Flugtage, an denen sie den faszinierten Zuschauermassen von wagemutigen Piloten gegen Entgelt präsentiert wurden 3. Als Start- und Landeflächen dienten den Tragflächenflugzeugen geeignete Wiesen, wie etwa städtische Allmenden. Da sich mit der damaligen Luftfahrt nur wenig Geld verdienen liess, waren Flugplätze kaum zu finanzieren. Die Existenz der wenigen permanenten Anlagen – etwa in Dübendorf, Avenches und Collex-Bossy – war daher alles andere als gesichert. So befand sich der Flugplatz Dübendorf im Jahr 1914 beispielsweise bereits in Liquidation, als ihn die im selben Jahr gegründete schweizerische Luftwaffe übernahm und dadurch vor der Auflösung bewahrte 4. Nach dem Ersten Weltkrieg wurden auch in der Schweiz Fluggesellschaften gegründet, die ihre Foto-, Rund- und Reiseflüge zunächst lediglich auf Anfrage anboten und auf staatliche Subventionen angewiesen waren. Die ersten, nach einem Flugplan betriebenen Fluglinien wurden in der Schweiz im Jahr 1922 eröffnet 5. Der damit entstandene Luftverkehr führte auch zu einem Bedeutungswandel der Flugplätze. Waren sie früher primär Start-, Lande- und Abstellplätze für Kampf-, Akrobatik- und Sportflugzeuge, entwickelten sie sich nun immer mehr zu Verkehrsknotenpunkten mit Abfertigungsgebäuden und Hangars. Gegen Ende der Zwischenkriegszeit bestanden mit Zürich-Dübendorf, Merki Christoph Maria, Verkehrsgeschichte und Mobilität, Stuttgart: Verlag Eugen Ulmer, 2008, p. 61, 67. 4 Tilgenkamp Erich, Schweizer Luftfahrt, Bd. 2, Schwerer als die Luft, Zürich: Aero-Verlag, 1942, p. 123-129. 5 Isler Arnold, Dollfus Walter, Der dritte Weg. Ein Beitrag zur Entwicklungsge schichte der Zivilluftfahrt mit besonderer Berücksichtigung der Schweiz, Oerlikon: Verlag Schweizer Aero-Revue, 1933, p. 34, 36, 38-40. 3 365 Sandro Fehr Basel-Birsfelden, Genf-Cointrin, Bern-Belpmoos, Lausanne-La Blécherette, St. Gallen-Altenrhein und La Chaux-de-Fonds-Les Eplatures insgesamt sieben Zollflugplätze für Landflugzeuge, die auch im internationalen Luftverkehr angeflogen wurden 6. Ein Vergleich der Verkehrsleistungen zeigt jedoch, dass die Standorte Zürich, Basel und Genf bereits in der Zwischenkriegszeit erheblich höhere Passagierzahlen als die übrigen Flugplätze hatten. Die mit Abstand höchsten Zahlen wies 1938 mit 30’108 Personen der Flugplatz Zürich-Dübendorf auf, dem Basel-Birsfelden mit 14’319 und Genf-Cointrin mit 8’555 Personen folgten. Die übrigen Zollflugplätze beförderten mit Werten zwischen 4’275 (Bern-Belpmoos) und 115 Personen (La Chaux-de-Fonds-Les Eplatures) pro Jahr deutlich weniger Passagiere. Im Frachtbereich lagen 1938 Genf mit 148 Tonnen an erster, Zürich mit 116 Tonnen an zweiter und Basel mit 65 Tonnen an dritter Stelle. Das Frachtaufkommen der übrigen Flugplätze ist im Vergleich vernachlässigbar. Im Flugpostbereich war Basel-Birsfelden mit 14’857 Sendungen der mit Abstand wichtigste Flugplatz der Schweiz. Ihm folgten mit 6’466 Briefen Zürich-Dübendorf und mit 882 Sendungen Genf-Cointrin 7. Es kann somit festgestellt werden, dass das noch heute bestehende Flugplatzdreieck der wichtigsten und grössten Standorte Zürich, Basel und Genf bereits in der Zwischenkriegszeit existierte – wenn auch mit dem Unterschied, dass Genf damals an dritter und nicht wie heute an zweiter Stelle lag. Doch unter welchen ordnungspolitischen Rahmenbedingungen hatte sich diese Flugplatzstruktur der Schweiz in der Zwischenkriegszeit herausgebildet? Dazu ist zunächst festzuhalten, dass die damaligen Verkehrsflugplätze betriebswirtschaftlich allesamt stark defizitär waren 8. Gleichzeitig wurden sie aber als der volkswirtschaftlichen Entwicklung förderlich erachtet und waren darüber hinaus auch mit Prestige verbunden. Zwischen den Regionen entwickelte sich daher schon früh ein Wettbewerb um Anschlüsse an den Luftverkehr, der unter anderem über die Etablierung und Subventionierung von Flugplätzen ausgetragen wurde. Obschon sich verschiedentlich auch Private beteiligten, waren es in erster Linie die Städte, Gemeinden und Kantone, die den Bau und den Unterhalt der teuren und defizitären Anlagen finanzierten Schweizerische Verkehrszentrale, Aero-Club der Schweiz, Touring Club der Schweiz (Hg.), Schweizer Flugführer, Zürich: Neue Zürcher Zeitung, 1939, p. 10. 7 Dollfus Walter, «Grundlagen und Vorschläge für ein Gesamtausbauprogramm der schweizerischen Zivilflugplätze», Landes-, Regional- & Ortsplanung, Nr. 2, 1942, p. 24, 28, 30. 8 Siehe beispielsweise Lüde Walter, «Förderung des Zivilluftverkehrs durch Kanton und Stadt Zürich», Zürcher Statistische Nachrichten, Nr. 3, 1944, p. 364. 6 366 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 und die dadurch zu den mit Abstand wichtigsten Akteuren wurden. Der Bund hingegen sprach den Flugplätzen weder namhafte Beträge zu, noch koordinierte er ihre Entwicklung. Stattdessen beschränkte er sich darauf, die Anlagen bei der Erfüllung der Vorschriften zu konzessionieren 9. Da sich die Kantone und Städte auch gegenseitig kaum koordinierten, blieb die Entstehung des schweizerischen Flugplatznetzes der Konkurrenz staatlicher Körperschaften überlassen. Die Verkehrsflugplätze entstanden daher grundsätzlich dort, wo die entsprechenden Ressourcen verfügbar waren. Dies führte dazu, dass sich die wirtschaftlich stärksten und bevölkerungsreichsten Zentren, nämlich Zürich, Basel und Genf, auch als Zentren des Luftverkehrs etablierten. Das eidgenössische Flugplatzprogramm Mitte der 1930er-Jahre setzten in der Bundesverwaltung Bestrebungen zur Einnahme einer aktiveren Rolle ein. Das Ziel bestand darin, von den bislang dominanten lokalen und regionalen Perspektiven zugunsten einer nationalen Perspektive abzurücken. Der Phase der Konkurrenz sollte eine Phase bundesstaatlicher Koordination folgen. Erste entsprechende Hinweise finden sich im Exposé des Direktors des Eidgenössischen Luftamts vom 15. Juli 1935, in dem dieser explizit forderte: «Unnötige Konkurrenzkämpfe und Überorga nisationen auf Grund übertriebener lokaler Prestigebetonung müssen vermieden werden». Stattdessen sei im sogenannten «Grundsystem […] eine Konzentration auf ein Minimum von Plätzen und Linien» anzustreben 10. Die Gründe für diese Konzentrationsbemühungen des Luftamts waren gemäss einem zwei Jahre später erschienenen Exposé primär die rasante technische Entwicklung der Luftfahrt und die damit verbundenen Anforderungen an die Flugplätze. Hinsichtlich der weiteren Entwicklung wurde mit dem baldigen Aufkommen eines mit «Riesen-Schnellflugzeugen» betriebenen «Grossdistanzverkehrs» gerechnet, der auch auf entsprechende «Grossflugplätze» angewiesen sei. Damit auch die Schweiz an diesem prognostizierten neuen Luftverkehr partizipieren könne, müsse daher «zum mindesten in unserem Lande ein Platz vorhanden sein, welcher weitere Möglichkeiten in sich schliesst. […] Dollfus Walter, «Grundlagen und Vorschläge…», p. 20-21. Schweizerisches Bundesarchiv (BAR) E 8150 (A) 1968/67, Bd. 266, Exposé des Direktors des Eidgenössischen Luftamts über die allgemeine Situation im Luftverkehr und Ausblick auf die zukünftige Organisation der schweizerischen Luftfahrt, 15. Juli 1935, p. 8. 9 10 367 Sandro Fehr Wir brauchen also eine Überklasse von Flugplätzen (mindestens in einem Exemplar), die wir mit Grossflugplatz für den internationalen Verkehr […] bezeichnen». Dabei diente dem Eidgenössischen Luftamt explizit der deutsche Flughafen und nationalsozialistische Prestigebau Berlin-Tempelhof als Vorbild. Der Standort des zukünftigen schweizerischen Grossflughafens blieb 1937 zwar noch offen, doch zog das Luftamt bereits auch Gebiete ausserhalb des bestehenden Flugplatzdreiecks Zürich-Basel-Genf in Erwägung 11. Spätestens seit 1938 bestand im Luftamt ein «eidgenössisches Ausbauprogramm für Zivilflugplätze», das finanziell auf der Unterstützung ausgewählter Flugplatzprojekte durch Arbeitsbeschaffungskredite basierte 12. Über die genaue Ausgestaltung der zukünftigen Flugplatzstruktur der Schweiz bestand zwar nach wie vor keine Einigkeit. Wie interne Akten zeigen, wurden im Luftamt aber auch Planungsvarianten in Erwägung gezogen, mit denen das etablierte Flugplatzdreieck Zürich-Basel-Genf vollständig überwunden worden wäre. Eine dieser Varianten von 1941 sah vor, in der «Gegend zwischen Kirchberg – Utzenstorf – Koppigen – Ersigen – Kirchberg» einen «schweizerischen Grossflughafen» für die «kommenden Grossflugzeuge» zu errichten. Dieser Zentralflughafen hätte von den Passagieren aus den Schweizer Städten per Eisenbahn mittels «speziellen Schnelltriebwagen» erreicht werden können, in denen die Abfertigung während der Fahrt erfolgt wäre. Zu den übrigen Flugplätzen wurde festgehalten: «Von den beste henden schweizerischen Flugplätzen entspricht keiner den Anfor derungen». Selbst zum Standort Zürich wurde vermerkt: «Solange Dübendorf zugleich Militärflugplatz ist, kommt [auch] er für den unbeschränkten internationalen Luftverkehr nicht in Frage. Die anderen Plätze wie Altenrhein, Basel, Bern und Genf besitzen aus geographischen Gründen absolut keine Chancen» 13. Am 24. April 1942 umriss der Delegierte für Zivilluftfahrt des Eidgenössischen Post- und Eisenbahndepartements im Rahmen einer Konferenz mit Vertretern von Kantonen, Gemeinden und Flugplatz betreibern erstmals offiziell die «Grundsätze des Flugplatzprogramms». Dabei lehnte er die Zusammenlegung aller Schweizer Flugplätze in BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 5, Exposé des Eidgenössischen Luftamts über die Standardisierung der Flugplätze, 23. Mai 1937, p. 1-4. 12 BAR E 8150 (A) 1968/67, Bd. 266, Exposé des Direktors des Eidgenössischen Luftamts über die allgemeine Lage im Luftverkehr, 12. Dezember 1938, p. 2-3. 13 BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Huggler Hans, Flugplatz- und Luftverkehrs probleme der Schweiz, 30. Juni 1941, p. 1-2. 11 368 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 einem einzigen Zentralflughafen ab. Stattdessen sollten in der Schweiz sowohl ein einzelner Grossflughafen für den interkontinentalen Luftverkehr als auch eine Zahl von Stadtflughäfen für den kontinentalen Luftverkehr gebaut werden. Vorschläge für Standorte und Flughafenprojekte konnten beim Luftamt eingereicht werden, das diese in der Folge einem Entscheidungsverfahren zuführte 14. Der Variantenstreit Die Koordinations- und Interventionsbestrebungen der Bundesbehörden und die damit verbundene Möglichkeit eines neuartigen Zentralflughafens, der auch abseits des etablierten Flugplatzdreiecks liegen durfte, entfachten die Hoffnungen diverser kleinerer Flugplatzstandorte – allen voran diejenigen der Bundesstadt Bern. Diese hatte schon vor der Flugplatzkonferenz von 1942 erste Abklärungen über die Möglichkeit der Errichtung eines neuen Flughafens in die Wege geleitet 15. Die Untersuchungen konzentrierten sich schon bald auf die Ebene bei Utzenstorf, die bereits in internen Studien des Eidgenössischen Luftamts empfohlen worden war. Am 2. November 1943 reichten der Kanton, die Stadt und die Flugplatzgenossenschaft Bern beim Chef des Eidgenössischen Post- und Eisenbahndepartements umfangreiche Unterlagen für ein Projekt eines schweizerischen Zentralflughafens in Utzenstorf ein 16. Dieses sah nichts Geringeres als vier Hartbelagpisten von bis zu 2’800 Metern Länge und diverse Hochbauten vor, wie beispielsweise ein grosses Aufnahmegebäude, ein Restaurant, ein Hotel, einen viergleisigen Kopfbahnhof, einen Güterbahnhof, Busperrons, einen Kontrollturm, Flugzeughallen und eine Werfthalle (siehe Abbildung 1) 17. Damit bewarb sich Bern direkt um den vom Luftamt vorgesehenen schweizerischen Interkontinentalflughafen. Staatsarchiv des Kantons Bern (StABE) BB 10, 3.214, Protokoll der Konferenz betreffend das Ausbauprogramm der Flugplätze, 24. April 1942, p. 2-5. 15 BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Schreiben der Flugplatz-Genossenschaft Bern an das Eidgenössische Luftamt, 9. Juli 1941. 16 BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Schreiben des Aktionskomitees für den Schweizeri schen Grossflugplatz Utzenstorf an das Eidgenössische Luftamt, 9. Dezember 1943, p. 1. 17 Flugplatzgenossenschaft Bern, Der Schweizerische Grossflughafen Mittelland. Das Flughafenprojekt Bern-Utzenstorf, Bern: Flugplatz-Genossenschaft, 1945, p. 9, 12, 14. Siehe auch Bratschi Simon, Berner Flughafenprojekte 1942-2003. Bewertungs wandel einer Verkehrsinfrastrukturanlage, Bern: Unveröffentlichte Lizentiatsarbeit, 2003; Bratschi Simon, «Wunschtraum und Wirklichkeit. Berner Flughafenprojekte vom Zweiten Weltkrieg bis heute», Berner Zeitschrift für Geschichte und Heimatkunde, 2005, p. 1-39. 14 369 Sandro Fehr Abbildung 1: Skizze des abgelehnten Projekts des schweizerischen Zentral flughafens Bern-Utzenstorf. Blick vom Rollfeld auf Hotel, Restaurant, Aufnahmegebäude und Kontrollturm (von links nach rechts). Hans Brechbühler und Max Jenni Architekten, Bern, 20. Juni 1943. Quelle: Staatsarchiv Bern, BB X 923. Die Unterlagen enthielten zwar auch eine Projektvariante für einen Kontinentalflughafen Bern-Utzenstorf. Wie nicht nur das Luftamt vermutete, sondern auch die Berner Behörden selber zugaben, bestand diese Projektvariante jedoch nur pro forma, da der Standort Utzenstorf für einen reinen Stadtflughafen nicht geeignet war 18. Neben Bern kam auch in anderen Regionen die Hoffnung auf, das Flugplatzdreieck mit dem Zentralflughafenkonzept überwinden und selber zu einem Luftverkehrszentrum aufsteigen zu können. In Luzern bestand etwa die Idee, den Grossflughafen im Wauwilermoos zu errichten 19. Nachdem sich dieser Standort als ungeeignet herausgestellt hatte, wurde Cham vorgeschlagen, aber letztlich ebenfalls verworfen 20. Zu erwähnen ist auch die Idee des Luftfahrtpioniers Martin Hug, in St. Gallen-Altenrhein am Bodensee nichts Geringeres als einen europäischen Zentralflughafen für interkontinental verkehrende Grosswasserflugzeuge zu errichten 21. BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Interner Bericht zum Subventionsbegehren für die Projektierung eines neuen Stadtflugplatzes Bern und eines Zentralflugplatzes der Schweiz in der Gegend von Utzenstorf – Kirchberg– Koppigen, 2. Oktober 1942, p. 1; StABE BB 10, 3.214, Schreiben des Abteilungschefs der Eisenbahn-Direktion an den Bau- und Eisenbahndirektor des Kantons Bern, 25. April 1945, p. 1. 19 BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Schreiben von Ludwig Friedrich Meyer an Fritz Marbach, 19. August 1941, p. 2. 20 BAR E 8001 (B) 1000/1132, Bd. 8, Étude du service de la sécurité aérienne de l’office aérien fédéral sur le choix d’un aéroport intercontinental suisse, 22. März 1943, p. 10. 21 Hug Martin, «Zur Frage eines schweizerischen Zentralflughafens», Neue Zürcher Zeitung, Abendausgabe 04.08.1942, p. 5; Hug Martin, «Ein europäischer Zentralflughafen für Land- und Wasserflugzeuge am Bodensee», Rorschacher Neujahrsblatt, 1944, p. 15-24. 18 370 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 Während Bern die Konkurrenz Luzerns oder St. Gallens nicht zu fürchten brauchte, standen ihm mit den Vertretern des etablierten Flugplatzdreiecks auch ernstzunehmende Widersacher gegenüber. Insbesondere Genf und Zürich betrachteten den Zentralflughafen als Bedrohung ihrer Interessen. Die beiden Kantonsregierungen beschlossen daher, ihre gegenseitigen Ressentiments vorübergehend in den Hintergrund treten zu lassen und stattdessen gemeinsam gegen das Projekt Bern-Utzenstorf vorzugehen 22. Daneben verfolgten sie aber auch ihre jeweils eigenen Strategien. Die Zürcher Vorgehensweise bestand darin, den ursprünglich vorgesehenen, beschränkten Ausbau des bestehenden Flugplatzes in Dübendorf aufzugeben und Bern-Utzenstorf stattdessen mit dem Projekt eines Interkontinentalflughafens im zürcherischen Kloten direkt zu konkurrenzieren. Als der Zürcher Regierungsrat das Projekt Zürich-Kloten am 31. Juli 1944 beim Bundesrat einreichte, betonte er, dass es dem Utzenstorfer Projekt «weit überlegen» sei. Er beantragte daher, «dass der Flughafen Kloten als schweizerischer Hauptflughafen zu gelten [habe] und dass er für die Aufnahme des interkontinentalen Verkehrs vorzusehen sei» 23. Der Kanton Genf verfolgte währenddessen eine gänzlich andere Strategie: Er wartete die Festlegung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption und die damit verbundenen Kreditzusagen gar nicht erst ab, sondern nutzte die kriegsbedingte Einstellung der Zivilluftfahrt dafür, den Flugplatz Genf-Cointrin in Eigenregie und auf eigene Kosten stark auszubauen. Der Grosse Rat des Kantons Genf bewilligte die erforderlichen Mittel im Umfang von fünf Millionen Franken am 7. Mai 1941, worauf fünf Monate später bereits die Bauarbeiten aufgenommen wurden 24. Als das Projekt Bern-Utzenstorf Ende 1943 bei den Bundesbehörden eingereicht wurde, war die Piste in Genf-Cointrin bereits auf einer Länge von rund einem Kilometer betoniert 25. Die geplante Pistenlänge wurde allerdings noch während der Bauarbeiten auf 1’200 Meter erweitert, wofür der Kanton zusätzliche vier Millionen 22 Staatsarchiv des Kantons Zürich (StAZ) Z 37.313, Schreiben des Conseiller d’État du Commerce et de l’Industrie des Kantons Genf an Regierungsrat Corrodi, 30. April 1942; StAZ Z 37.313, Schreiben des Direktors der öffentlichen Bauten an Staatsrat Picot, 6. Mai 1942. 23 StAZ V V 1.21, Aus dem Protokoll des Regierungsrates des Kantons Zürich vom 31. Juli 1944, p. 9-10. 24 Archives d’Etat de Genève (AEG) 1986 va 9.88.247, Arrêté législatif ouvrant au Conseil d’Etat un crédit de Fr. 5.960.000.- pour financer les travaux d’agrandissement de l’Aéroport de Cointrin, de regroupement des policliniques et divers travaux intéressant les abords de l’Aéroport du 7 mai 1941. 25 Lescaze Bernard, L’envol d’une ville. Une histoire de l’aéroport de Genève, Genève: Slatkine, 2009, p. 116. 371 Sandro Fehr Franken zusprach 26. Im November 1944 war die Piste schliesslich so weit fertiggestellt, dass sie zweckgemäss benutzt werden konnte 27. Die Bundesbehörden befürworteten das Genfer Vorgehen zwar grundsätzlich und unterstützten es auch mit rund 310’000 Franken 28. Dennoch fand es faktisch ausserhalb des eidgenössischen Flugplatzprogramms statt und zielte primär darauf ab, Tatsachen zu schaffen, welche die anderen Akteure nur zur Kenntnis nehmen konnten. Der Status quo wird zur Konzeption erhoben Das Eidgenössische Luftamt und der Delegierte für Zivilluftfahrt führten ihre Arbeit an der eidgenössischen Flugplatzkonzeption während der gesamten Kriegszeit fort. Wie interne Akten zeigen, kam es dabei bereits vor der offiziellen Einreichung aller in Frage kommenden Flughafenprojekte zu weitreichenden Grundsatzbeschlüssen. Als entscheidend sollte sich insbesondere die bereits 1941 erstmals geäusserte Meinung des Delegierten für Zivilluftfahrt, Eduard Amstutz, herausstellen, den Ausbau der Stadtflughäfen zeitlich vor dem Bau des Interkontinentalflughafens vorzunehmen 29. Wohl auch unter dem Eindruck des in Genf-Cointrin bereits im Entstehen begriffenen Kontinentalflughafens wurde die Priorisierung des Ausbaus der Stadtflughäfen anschliessend auch zur offiziellen Doktrin der Bundesbehörden. Am 3. Mai 1944 – also noch vor der Einreichung der Zürcher Projektunterlagen – schrieb Amstutz, die erste und dringlichste Notwendigkeit im Ausbauprogramm der Flugplätze sei nach wie vor der Ausbau von mindestens zwei Flugplätzen – am besten von Zürich und Genf – zu Stadtflughäfen. Diese Stadtflughäfen sollten die Träger des europäischen Luftverkehrs sein, der immer der Hauptanteil des s chweizerischen Luftverkehrs bleiben werde. Im Gegensatz zu diesen Stadtflughäfen sei der «interkontinentale Flughafen Schweiz» ein Projekt auf lange Sicht, das sich über zehn Jahre nach Kriegsende hinaus erstrecken werde 30. «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau des Flughafens Genf-Cointrin vom 20. August 1948», Bundesblatt, Nr. 34, 1948, p. 1251-1252. 27 Lescaze Bernard, L’envol…, p. 119. 28 «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 13. Februar 1945», Bundesblatt, Nr. 4, 1945, p. 186. 29 Gsell Robert, «Flugbetriebsanforderungen an Verkehrs-Grossflughäfen», Landes-, Regional- & Ortsplanung, Nr. 2, 1941, p. 2. 30 BAR E 8001 (B) 1000/1132, Bd. 80, Bericht des Delegierten für zivile Luftfahrt über den Stand der Voraussetzungen für die Errichtung eines interkontinentalen Flughafens Schweiz, 3. Mai 1944, p. 1-4. 26 372 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 Dieser Entschluss entpuppte sich letztlich als wegweisend, weil mit Zürich-Kloten ein Projekt vorgezogen werden sollte, das die Errichtung eines Flughafens vorsah, der nebst dem kontinentalen auch für den interkontinentalen Luftverkehr hätte benutzt werden können. Angesichts der absehbaren Realisierung dieses in unmittelbarer Nähe des wichtigsten Wirtschaftszentrums und Verkehrsknotenpunkts der Schweiz gelegenen Interkontinentalflughafens wurde der Sinn eines zusätzlichen Interkontinentalflughafens im abgelegenen Utzenstorf immer stärker in Zweifel gezogen. Auch der Vorsteher des Eidgenössischen Post- und Eisenbahndepartements Enrico Celio sprach sich bereits am 5. Dezember 1944 gegenüber seinen Bundesratskollegen deutlich zugunsten von Zürich-Kloten aus: «Wir sind der Auffassung, dass Zürich als bedeutendstes Industrie- und Handelszentrum über eine moderne Flughafenanlage verfügen muss, welche auch die Möglich keit zu einem späteren Ausbau zum interkontinentalen Flughafen bietet. Aus diesen Gründen beantragen wir, dem Projekt Kloten den Vorzug zu geben und seine Realisierung nach den gegebenen Möglichkeiten zu fördern.» 31 Das Projekt Bern-Utzenstorf war zu jenem Zeitpunkt aber nicht nur in der Bundesverwaltung weitgehend fallengelassen worden, sondern entpuppte sich auch politisch als chancenlos. Dies insbesondere daher, weil nebst den Standorten des bestehenden Flugplatzdreiecks auch die ganze Ostschweiz, die Mehrheit der Zentralschweizer Kantone, der Aargau und das Tessin gegen Bern-Utzenstorf und für Zürich-Kloten Position bezogen 32. Selbst im Kanton Bern war das Projekt aufgrund des hohen Bedarfs an Wald und fruchtbarem Kulturland umstritten. Die Utzenstorfer Bauern gründeten sogar ein Aktionskomitee gegen den Flughafen und führten Protestveranstaltungen durch, die auf ein beträchtliches Medienecho stiessen 33. Es erstaunte daher nicht, dass sich der Gesamtbundesrat in seiner Botschaft vom 13. Februar 1945 ebenfalls für die Errichtung eines Interkontinentalflughafens in Zürich-Kloten aussprach. Als Begründung BAR E 8001 (B) 1000/1132, Bd. 80, Schreiben des Vorstehers des Eidgenössischen Post- und Eisenbahndepartements an den Bundesrat, 5. Dezember 1944, p. 2. 32 BAR E 8150 (A) 1968/67, Bd. 6, Eingabe der Kantone Graubünden, Glarus, Appen zell Ausserrhoden, Appenzell Innerrhoden, St. Gallen, Schaffhausen, Thurgau, Aargau, Zug, Obwalden, Nidwalden, Uri und Tessin an den hohen Schweizerischen Bundesrat betreffend Flughafen Kloten bei Zürich, 5. Januar 1945. 33 BAR E 8150 (A) 1968/68, Bd. 42, Resolution der Protestversammlung vom 14. Februar 1943. Siehe auch Stalder Fabienne, Widerstand gegen die Berner Flugha fenprojekte 1943-1972, Fribourg: Unpublizierte Lizentiatsarbeit, 2005, p. 25-26. 31 373 Sandro Fehr führte er einerseits die «flugtechnische Eignung», andererseits aber auch das «zu erwartende Verkehrsvolumen» an. Zürich habe «als wichtigstes Industrie- und Handelszentrum der Schweiz» auch «im bisherigen schweizerischen Luftverkehr die weitaus grössten Leistungen» aufgewiesen. Und es lägen «keine Anhaltspunkte dafür vor, dass dies in Zukunft anders sein sollte» 34. Dem Konzept eines Zentralflughafens erteile der Bundesrat eine deutliche Absage: «Man wird keinem Basler, der nach Paris, und keinem Zürcher, der nach München fliegen möchte, zumuten dürfen, nun vorerst noch mit der Eisenbahn in das grosse Moos oder nach irgendeinem andern Ort im Landesinnern zu fahren». Stattdessen bekräftigte er auch die Stellung der beiden übrigen Standorte des Flugplatzdreiecks. Genf und Basel hätten aufgrund ihrer Zugehörigkeit zu den «bisherigen Hauptstützpunkten des schweizerischen Luftverkehrs […] Anspruch […] auf die Flughäfen für den kontinen talen Verkehr (Stadtflughäfen)». Damit sprach sich der Bundesrat für eine weitgehende Aufrechterhaltung des Status quo aus. Eine Neuerung bestand allenfalls darin, dass er Bern aufgrund seiner Bedeutung als Bundesstadt – zusätzlich zum Flugplatzdreieck – ebenfalls das Recht einräumen wollte, einen Kontinentalflughafen zu errichten, während er anderen ambitionierten Projekten, wie etwa Lausanne-Ecublens, diesen Status verwehrte. Wie sich später jedoch zeigte, machte Bern von dieser Möglichkeit keinen Gebrauch. Neben der Skizzierung der zukünftigen eidgenössischen Flugplatzkonzeption sah der Bundesrat auch eine finanzielle Unterstützung der entsprechenden Projekte bis zu 30 Prozent der Baukosten vor. Die in Genf-Cointrin bereits ausgeführten Bauarbeiten sollten auf der Grundlage eines separaten Erlasses rückwirkend unterstützt werden 35. Die bundesrätliche Flugplatzvorlage wurde vom National- und vom Ständerat beziehungsweise von deren vorberatenden Kommissionen nur noch marginal geändert. So erhöhten sie beispielsweise die maximale Beteiligung an den Baukosten von 30 auf 35 Prozent beim Interkontinentalflughafen und von 25 auf 30 Prozent bei Regionalflugplätzen. Die Unterstützung der Kontinentalflughäfen wurde bei 30 Prozent belassen. Im Gegensatz zum bundesrätlichen Vorschlag verzichtete das Parlament auch darauf, die Bundesbeschlüsse für dringlich zu erklären, wodurch «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 13. Februar 1945», Bundesblatt, Nr. 4, 1945, p. 175. 35 «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 13. Februar 1945», Bundesblatt, Nr. 4, 1945, p. 175-176, 184, 192-193. 34 374 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 sie dem Referendum unterworfen wurden. Da von dieser Möglichkeit nicht Gebrauch gemacht wurde, traten die Bundesbeschlüsse vom 21. Juni 1945 «über die Gewährung eines Bundesbeitrags für den Ausbau des Flughafens Genf-Cointrin» sowie vom 22. Juni 1945 «über den Ausbau der Zivilflugplätze» schliesslich in Kraft 36. Der Status quo der Zwischenkriegszeit wurde damit endgültig zur offiziellen eidgenössischen Konzeption erhoben. Ein gewisser Unterschied zur Situation von 1938 bestand 1945 noch darin, dass Zürich in einer höheren Flughafenklasse eingeteilt war als Basel und Genf – eine Unterscheidung, die allerdings schon bald aufgegeben werden sollte. Als die Schweiz am 1. Oktober 1945 in Genf-Cointrin zum ersten Mal überhaupt von einem amerikanischen Interkontinentalflugzeug des Typs DC-4 angeflogen wurde, hatten die Bauarbeiten in ZürichKloten noch nicht einmal begonnen 37. Auch der erstmalige Anschluss der Schweiz an den interkontinentalen Luftverkehr durch die Fluglinie Kairo – New York der amerikanischen Fluggesellschaft TWA am 8. April 1946 erfolgte nicht in Zürich, sondern in Genf. Die Rhonestadt wurde damit faktisch und entgegen ihrer Klassifizierung zum ersten Interkontinentalflughafen der Schweiz 38. Dies war vom Bundesrat aber durchaus so vorgesehen, schrieb er in seiner Botschaft von 1945 doch, dass Genf gewissermassen als Übergangslösung bis zur Inbetriebnahme Klotens «auch für die Aufnahme von Flugzeugen in Betracht [käme], die voraussichtlich im Weltluftverkehr der ersten Nachkriegsjahre zu erwarten sind» 39. Genf-Cointrin erlangte aufgrund seines Vorsprungs jedoch nicht nur ein vorübergehendes Monopol für Interkontinentalflüge, sondern wies in den Jahren 1947 und 1948 mit Passagierzahlen von 153’461 und 166’322 Personen sogar eine höhere Verkehrsleistung auf als der Standort Zürich (Dübendorf und Kloten) mit 119’709 beziehungsweise 132’668 Personen (siehe Abbildung 2) 40. «Bundesbeschluss über die Gewährung eines Bundesbeitrages für den Ausbau des Flughafens Genf-Cointrin vom 21. Juni 1945», Amtliche Sammlung der Bundesgesetze und Verordnungen, 1945, p. 395-397; «Bundesbeschluss über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 22. Juni 1945», Bundesblatt, Nr. 14, 1945, p. 790-792. 37 Dollfus Walter, «Das erste interkontinentale Verkehrsflugzeug in der Schweiz», Aero-Revue, Nr. 11, 1945, p. 338. 38 Swissair Schweizerische Luftverkehr-Aktiengesellschaft, Bericht über das 20. Geschäftsjahr vom 1. Januar bis 31. Dezember 1945, Zürich: Swissair, 1946, p. 8. 39 «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 13. Februar 1945», Bundesblatt, Nr. 4, 1945, p. 178. 40 Eidgenössisches Luftamt, Jahresstatistik 1947, Bern: Eidgenössisches Luftamt, 1948, p. 3; Eidgenössisches Luftamt, Jahresstatistik 1948, Bern: Eidgenössisches Luftamt, 1949, p. 3. 36 375 Sandro Fehr Abbildung 2: Passagierzahlen der Schweizer Flughäfen im gewerbsmässigen Luftverkehr, 1946-1956. 900 000 800 000 Zürich 700 000 Genf 600 000 Basel 500 000 Übrige Flugplätze 400 000 300 000 200 000 100 000 0 1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 Im ersten vollen Betriebsjahr 1949 setzte sich der Flughafen ZürichKloten aber bereits wieder an die Spitze des Flughafendreiecks und behielt diese Position bis heute bei 41. Das nach dem Zweiten Weltkrieg weltweit einsetzende exponentielle Wachstum des Luftverkehrs betraf in der Schweiz aber nicht nur Zürich, dessen Passagierzahlen sich bis im Jahr 1956 auf 781’732 Personen versechsfachten und das damit 54 Prozent des schweizerischen Luftverkehrs trug. Vielmehr fand auch in Genf eine beträchtliche Zunahme bis auf 529’784 Personen statt, was einem Anteil von 37 Prozent des gesamten Luftverkehrs der Schweiz entsprach. Demgegenüber wurde Basel 1956 mit 113’060 Personen beziehungsweise 8 Prozent des Verkehrs deutlich auf den dritten Rang verwiesen. Alle übrigen Flugplätze der Schweiz wiesen zusammen ein Passagieraufkommen von nur 14’170 Personen oder knapp einem Prozent des Gesamtverkehrs auf 42. Da Genf nicht nur ein mit Zürich vergleichbares Wachstum der Verkehrsleistung aufwies, sondern weiterhin auch im interkontinentalen Luftverkehr angeflogen wurde, stellte sich der Bundesrat 1956 die Frage, «ob die Sonderstellung, die der Bundesbeschluss vom 22. Juni Eidgenössisches Luftamt, Jahresstatistik 1949, Bern: Eidgenössisches Luftamt, 1950, p. 3. 42 Eidgenössisches Luftamt, Schweizerische Luftverkehrsstatistik 1956, Bern: Eidgenössisches Luftamt, 1957, p. 3. 41 376 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 1945 dem Flughafen Zürich einräumte, materiell heute noch gerechtfer tigt ist». Dabei stellte er fest, «dass sich der Überseeverkehr durchaus nicht auf den hierfür vorgesehenen Flughafen konzentrierte, sondern im Gegenteil während einer gewissen Zeit in Genf sogar etwas stärker vertreten war als in Zürich». Der Bundesrat kam daher zum Schluss, «dass es nicht der föderalistischen Struktur unseres Landes entspräche, wenn weiterhin an der durch die Tatsachen widerlegten Fiktion festge halten werde, es bestehe nur ein schweizerischer Flughafen für die Aufnahme des direkten interkontinentalen Luftverkehrs». Er schlug vor, den Bundesbeschluss dahingehend zu ändern, dass im Falle einer entsprechenden Entwicklung des Luftverkehrs grundsätzlich auch Genf, Basel und Bern zu Interkontinentalflughäfen ernannt werden sollten 43. Der National- und der Ständerat stimmten dieser leichten Anpassung der eidgenössischen Flugplatzkonzeption von 1945 am 14. Dezember 1956 zu und erachteten Genf-Cointrin im Bundesbeschluss vom 30. September 1957 über dessen weiteren Ausbau zum ersten Mal als Interkontinentalflughafen 44. Nachdem sich die Basler Stimmbürgerinnen und Stimmbürger 1976 zugunsten einer Pistenverlängerung in Basel-Mülhausen ausgesprochen hatten, klassifizierten die eidgenössischen Räte 1977 schliesslich auch den letzten Standort des Flughafendreiecks als Interkontinentalflughafen 45. Seither blieben Zürich, Genf und Basel in der ü bergeordneten Flugplatzkategorie der «Landesflughäfen», wodurch das seit der Zwischenkriegszeit bestehende Flughafendreieck nicht mehr nur in den Luftverkehrsstatistiken, sondern auch in der offiziellen Systematik klar ersichtlich ist 46. «Botschaft des Bundesrates an die Bundesversammlung über die Änderung des Bundesbeschlusses über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 14. Juli 1956», Bundes blatt, Nr. 30, 1956, p. 1582-1585. 44 «Bundesbeschluss über die Änderung des Bundesbeschlusses über den Ausbau der Zivilflugplätze vom 14. Dezember 1956», Bundesblatt, Nr. 52, 1956, p. 1016-1017; «Bundesbeschluss über die Gewährung eines Bundesbeitrages an die Baukosten der vierten Ausbaustufe des Flughafens Genf vom 30. September 1957», Bundesblatt, Nr. 41, 1957, p. 669-671. 45 «Botschaft über einen Bundesbeitrag an die Pistenverlängerung auf dem Flughafen Basel-Mülhausen vom 26. Januar 1977», Bundesblatt, Nr. 8, 1977, p. 653-673; Peyer Peter F., Vom Sternenfeld zum EuroAirport Basel-Mulhouse-Freiburg, Basel: Christoph Merian Verlag, 1996, p. 80-83. 46 Bundesamt für Zivilluftfahrt; Bundesamt für Statistik, Swiss Civil Aviation 2010, Neuchâtel: Bundesamt für Statistik, 2011, p. 2. 43 377 Sandro Fehr Fazit Der Aufbau der Infrastruktur für den in der Schweiz ab den 1920er-Jahren einsetzenden Luftverkehr war in der Zwischenkriegszeit – wie schon in den Anfängen des Schienenverkehrs – von einem Klima der Konkurrenz geprägt und erfolgte in weitgehender Abwesenheit bundesstaatlicher Koordination. Anders als bei der Herausbildung des Schienennetzes konkurrierten beim Bau der Flugplätze jedoch nicht private Unternehmen, sondern vielmehr Städte und Kantone. Sie initiierten und finanzierten die betriebswirtschaftlich durchwegs defizitären Anlagen, weil sie sich von einem Anschluss ihrer Region an den Luftverkehr einen volkswirtschaftlichen Nutzen und einen Prestigegewinn versprachen. Unter diesen Rahmenbedingungen entstand in der Schweiz eine Vielzahl von Flugplätzen, von denen sich Zürich-Dübendorf, Basel-Birsfelden und Genf-Cointrin aufgrund ihrer hohen Verkehrsleistung und ihres Ausbaustandes jedoch schon bald deutlich abhoben. Die drei wirtschaftlich stärksten und bevölkerungsreichsten Zentren der Schweiz konnten sich während der Zwischenkriegszeit somit auch als Zentren des Luftverkehrs etablieren. In der Bundesverwaltung setzten Mitte der 1930er-Jahre Bestrebungen nach einer vermehrten bundesstaatlichen Koordination und Intervention ein, die sich explizit gegen die regionalen «Konkurrenzkämpfe» und «Überorganisationen» richteten. Stattdessen sollte hinsichtlich des erwarteten neuartigen interkontinentalen Luftverkehrs eine nationale Perspektive eingenommen, eine «Konzentration» der Luftfahrtinfrastruktur vorgenommen und ein Grossflughafen errichtet werden. Aus diesem Grund initiierte das Luftamt ein eidgenössisches Flugplatzprogramm, in dessen Rahmen es verschiedene Flughafenprojekte evaluierte und eine eidgenössische Flugplatzkonzeption e ntwickelte. In diesem Zusammenhang brach in der ersten Hälfte der 1940erJahre ein Variantenstreit um die zukünftige Flugplatzstruktur der Schweiz aus. Während die etablierten Standorte des Flugplatzdreiecks Zürich-Basel-Genf die bisherigen Verhältnisse bewahren wollten, versuchten andere Flugplatzstandorte diese zu ihren Gunsten zu überwinden. Dabei tat sich insbesondere Bern mit dem Projekt eines schweizerischen Zentralflughafens in Utzenstorf hervor. Dieses wurde von Zürich jedoch sogleich mit einem eigenen Grossprojekt eines kombinierten kontinentalen und interkontinentalen Flughafens in Kloten konkurrenziert. Genf zog es währenddessen vor, mit dem selbständig initiierten und finanzierten Ausbau seines Flugplatzes in Cointrin Tatsachen zu schaffen. 378 Die Schaffung einer eidgenössischen Flugplatzkonzeption, 1935-1956 Im Jahr 1945 entschieden sich der Bundesrat und das eidgenössische Parlament schliesslich gegen einen Zentralflughafen in Utzenstorf und für einen Interkontinentalflughafen in Zürich, wo sich auch schon bisher der grösste und wichtigste Flugplatz der Schweiz befunden hatte. In Genf und Basel sahen die eidgenössischen Räte den Bau von Kontinentalflughäfen vor. Mit dieser Bestätigung des Flugplatzdreiecks wurde der Status quo der Zwischenkriegszeit faktisch zur eidgenössischen Konzeption erhoben. Das Parlament gestand 1945 zwar auch der Bundesstadt Bern zumindest den Bau eines Kontinentalflughafens zu, doch wurde dieser letztlich nicht verwirklicht. Die Aufhebung der Sonderstellung Zürich-Klotens durch die eidgenössischen Räte im Jahr 1956 ermöglichte schliesslich auch die einheitliche Klassifizierung des Flughafendreiecks in den Jahren 1957 beziehungsweise 1977, die unter der Bezeichnung «Landesflughäfen» bis heute fortbesteht. Ab schlies send kann festgestellt werden, dass die im Kontext regionaler Konkurrenz entstandene Flugplatzstruktur der Schweiz auch unter zunehmender bundesstaatlicher Koordination und Intervention grundsätzlich erhalten blieb. Das im Konzept der Pfadabhängigkeit beschriebene Beharrungsvermögen einmal geschaffener Strukturen hat sich somit auch in diesem Zusammenhang durchgesetzt. 379 Sixième partie Coordonner mobilité et tourisme Sixth Part Coordinating mobility and tourism Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne Les différentes logiques spatiales d’accès aux stations touristiques d’altitude Xavier Bernier, Université de Savoie Bourget-du-lac Abstract : This paper aims to study the accessibility of mountain resorts and its evolution from the end of the 19th century to the present day. It sets out three main models to explain vertical dynamics, specifically in the Alps. Depending on political choices and new infrastructure, these dynamics shifted from downstream to upstream and vice versa. L’accessibilité des territoires de montagne est liée à des dialectiques régulièrement redéfinies d’ouverture et de fermeture Le xxe siècle a vu se développer, selon des modèles variés et sous des formes multiples, des stations touristiques d’altitude 1. Dans les Alpes en particulier 2, l’organisation de leur accessibilité a été dès leur origine, et reste jusqu’à nos jours, un des défis majeurs posés aux différents acteurs. Ce travail se propose d’identifier les diverses logiques spatiales qui ont structuré cette accessibilité dans la v erticalité Debarbieux Bernard, Tourisme et montagne, Paris : Economica, 1995. Guichonnet Paul, Histoire et civilisations des Alpes- T1 : Destin humain, T2 : Destin historique, Toulouse & Lausanne : Privat-Payot, 1980. 1 2 383 Xavier Bernier des territoires montagnards. L’accessibilité routière s’est ainsi tantôt fondée sur l’appropriation de réseaux existants (mis en place par d’autres acteurs des territoires montagnards comme ceux des services des Eaux et Forêts, du secteur hydro-électrique type EDF en France ou ENEL en Italie ou bien encore ceux rassemblés en associations type Automobile Club ou Touring Club), tantôt développée grâce à des infrastructures créées spécifiquement. Le système des transports et de la mobilité touristiques s’est construit selon des logiques modales parfois très cloisonnées, parfois très concurrentielles. Ici, c’est le mode ferroviaire qui a servi de pivot principal avec le développement de réseaux par accumulation. Là, c’est le transport aérien (comment ne pas évoquer ici l’épopée de la compagnie Air Alpes en France ou la place des opérateurs privés en Suisse ?) qui a joué un rôle déterminant avec, par exemple, les liens opérés entre les altiports et les aéroports régionaux, nationaux ou internationaux 3. Dans une période plus récente, la promotion de l’intermodalité a permis, avec plus ou moins de succès, des formes nouvelles de coordination entre plusieurs opérateurs notamment. Les touristes eux-mêmes ont développé des stratégies de mobilité parfois originales. Les formes d’organisation sectorielle qui en résultent doivent être étudiées à différentes échelles spatio-temporelles. Cet article s’attachera à démontrer, grâce à une méthodologie fondée sur la modélisation, une lecture typologique des divers systèmes spatiopolitiques qui résultent des trajectoires territoriales identifiées. Si des dynamiques contradictoires semblent perceptibles (liées à la fois à un accès généralisé et à une montée en gamme souvent significative de l’offre touristique), les représentations tendent à jouer un rôle croissant, tant auprès des acteurs du secteur (qui mettent en avant des mobilités alternatives ou douces pour poursuivre leur activité) 4, que des touristes, soucieux de s’inscrire dans des mobilités dites « durables ». Ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’observer comment ces stratégies produisent parfois, dans un contexte de concurrence exacerbée, des formes de recloisonnement et de réactivation des corporatismes. Elles sont en tout cas souvent à l’origine de nouvelles discontinuités spatiales 5. Des exemples choisis dans les Alpes françaises, suisses, autrichiennes et italiennes serviront à développer cette réflexion. Bernier Xavier, « Regional airports and the accessibility of mountain areas : networks, importance and contribution to development », International Journal of Sustainable Development and Planning, WIT vol. 5, n° 2, 2010, p. 130‑140. 4 Paillard Sylvie, Mermoud Françoise, Lieutier Gilbert (éd.), Circulations douces : organiser les déplacements dans les sites touristiques, Paris : AFIT éditions, 2000. 5 Gay Jean-Christophe, Les discontinuités spatiales, Paris : Economica, 1995 ; Grasland Claude, François J.-C., entretien avec Roger Brunet, « La discontinuité en 3 384 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne Si les Alpes n’ont jamais été à proprement parler une barrière, elles ont été animées par une dialectique d’ouverture et de fermeture qui s’exprime en particulier dans la verticalité de l’espace montagne. Sa mise en tourisme s’est d’abord bâtie sur un système hérité, dominé par les fonds de vallée et les périphéries. Différentes formes de conquête des hauts ont ensuite coïncidé avec les grandes étapes de la mise en tourisme. Mais depuis le début des années 2000, on semble s’orienter sur certains versants vers un système de mobilités contenues où les dynamiques spatiales s’inversent pour privilégier à nouveau une dynamique d’aval. Un système hérité dominé par les fonds de vallée et les périphéries Pour appréhender les enjeux historiques de l’accès touristique, il faut à n’en pas douter prendre en considération le système de mobilités dont héritent les territoires montagnards au début de leur mise en tourisme. Il s’articule autour de quelques lignes de force bien décrites par ailleurs 6. Le xixe siècle correspond, en particulier dans les Alpes, à plusieurs basculements, démographiques, socio-économiques, et finalement spatiaux. Le pic démographique se situe ainsi dans la plupart des massifs alpins aux alentours de 1850‑1860, période à partir de laquelle les hauts vont commencer à se dépeupler au bénéfice des fonds de vallée (où se développe une industrialisation fixée en partie par les ressources hydro-électriques) et des périphéries montagnardes 7. La seconde moitié du siècle voit aussi les mobilités alpines profondément restructurées par le développement ferroviaire 8. De grandes infrastructures de géographie : origines et problèmes de recherche », L’espace géographique, 1997/4, p. 297‑308. 6 Bernier Xavier, « Dynamiques des réseaux de transports et recompositions régionales en zone de montagne : éléments de réflexion à travers les pays de Savoie », Cahiers du CIRTAI, Le Havre, 2002, p. 40‑50 ; Debarbieux Bernard, « La traversée des Alpes, une histoire d’échelles et d’intérêts, d’épousailles et de divorces », Revue de Géographie Alpine, n° 90, n° 3, 2002, p. 11‑24 ; Fontana Jean-Louis, La Route des Grandes Alpes, Paris : Gallimard, 1999 ; Schnekenburger Gudrun, Über die Alpen, Stuttgart : Herausgegeben vom Archäologischen Landesmuseum Baden-Württenberg anlässlich der Austellung “Über die Alpen–Menschen–Wege–Waren”, 2002. 7 Bätzing Werner, « Les Alpes : entre déclin et croissance démographique », in Broggi Mario F. et Tödter Ulf (éd.), 1er rapport sur l’état des Alpes, Aix-en-Provence : Édisud, 1998. 8 Sutton Kevin, Les nouvelles traversées alpines : entre cospatialités de systèmes nationaux et recherche d’interspatialités, une géopolitique circulatoire, thèse de doctorat en géographie, Université de Savoie, 2011, 577 p. 385 Xavier Bernier franchissement voient le jour tandis que des percements tunneliers ou des pénétrantes intravalléennes autorisent désormais un accès beaucoup plus rapide depuis les métropoles régionales ou continentales. Le tunnel ferroviaire du Fréjus (inauguré en 1871), longtemps le plus long du monde avant l’ouverture de celui du Saint-Gothard en 1882, rapproche par exemple Saint-Jean-de-Maurienne de Paris, désormais à seize heures de train. Dans le même temps, un « front ferroviaire » progresse à l’intérieur des vallées. Quelques grandes dates initient des processus cumulatifs très rapides dans la mise en tourisme des premières stations. L’exploitation par machines à vapeur permet par exemple d’atteindre Zermatt dès 1891. La gare de Chamonix Mont-Blanc est quant à elle mise en service en 1901 avec l’inauguration du dernier tronçon depuis Saint-Gervais. Et la ligne de l’Albula (Thusis-Saint-Moritz) est ouverte peu après (1er juillet 1903). Ce basculement modal se traduit dans l’espace par un glissement des itinéraires et des infrastructures vers les fonds de vallées. La figure 1 rend compte de cette situation proto-touristique. Là où le franchissement s’était généralisé par des cheminements à mi-versants, polarisés par les lignes de crête ou les cols (dont la praticabilité annuelle était peu remise en question), le nouveau système de mobilités (que l’on pourrait qualifier de « moderne ») se concentre dans les axes valléens. Il privilégie désormais quelques points de passage et renforce les nodalités métropolitaines. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette modernisation des transports qui se prolongera dans les Alpes au xxe siècle avec le développement des réseaux routiers et autoroutiers. Du point de vue des logiques circulatoires intramassifs, ce double processus d’extériorisation et de valléisation s’accompagnera aussi progressivement d’un « effet tunnel » (caractéristique des espaces traversés mais pas toujours desservis) de plus en plus prégnant. C’est dans ce contexte que se produit l’essor du tourisme dans la seconde moitié du xixe et au début du xxe siècle. Les premières stations (dites de « première génération » d’après le modèle de Rémy Knafou) 9, comme Chamonix, s’inscrivent pleinement dans cette logique. La gare, terminus d’un voyage en train lui-même déjà partie intégrante de la mise en tourisme, est un des piliers de cette géographie proto- touristique. Elle est installée au pied des versants et ouverte sur un panorama montagnard souvent structuré par des sommets redécouverts Knafou Rémy, Les stations intégrées de sports d’hiver : l’aménagement de la montagne à la française, Paris : Masson, 1978, 319 p. 9 386 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne ou inventés comme objets touristiques. L’invention du Mont-Blanc 10 ou du Cervin doit ainsi beaucoup à l’amélioration de l’accessibilité de Chamonix et de Zermatt. « On assiste à la création de nouveaux lieux touristiques situés en bordure du vide et de la verticalité de la haute montagne » 11. Les campagnes d’affiches qui accompagnent cette étape en disent long sur les processus cumulatifs à l’œuvre. Ces affiches mettent en scène autant le touriste que les moyens de sa mobilité 12. Qu’elles véhiculent le message du PLM (Paris-Lyon-Marseille), de compagnies comme BVZ (Brig–Visp-Zermatt Bahn) ou FO (Furka– Oberalp Bahn) bientôt fusionnées dans la MGB (Matterhorn-Gothard Bahn), ou fassent la promotion par exemple de la Route des Grandes Alpes 13, elles célèbrent les transports modernes dans le cheminement vers les lieux touristiques. Les premiers touristes, issus d’une élite socio-économique, y sont fréquemment représentés dans des postures contemplatives. On les voit, curistes, excursionnistes, circuler autour de la gare, à proximité des premiers hôtels de luxe, avec parfois en arrièreplan les premiers aménagements d’une station thermale. La montagne offre ici un cadre qui sert de décor avant de devenir peu à peu le terrain de nouvelles pratiques touristiques. L’alpinisme reste une pratique encore confidentielle qui participe malgré tout au spectacle proposé aux touristes. La gare constitue ainsi un pôle majeur de ces premières stations touristiques, à la fois porte et vitrine pour les mobilités locales. L’architecture, les infrastructures et au-delà les paysages touristiques s’organisent en fonction de l’horizontalité des fonds de vallée ou des plateaux (comme ceux de Davos ou Crans Montana) 14 et de la verticalité des versants. Joutard Philippe, L’invention du Mont-Blanc, Paris : Gallimard, 2001. Sacareau Isabelle, La montagne, une approche géographique, Paris : Belin, 2003, p. 215. 12 Sutton Kevin, « Traverser les Alpes par les affiches », in Fumey Gilles et al. (éd.), Mobilités contemporaines. Approches géoculturelles des transports, Paris : Ellipses, 2009, p. 191‑203 ; Ballu Yves, Les Alpes à l’affiche, Grenoble : Glénat, 1998 ; Favre Thierry, Le train s’affiche, Paris : Éditions de La Vie du Rail, 2005 ; Elsasser Kilian (Hg.), Der Direkete Weg in den Süden, Zürich : AS Verlag, 2007. 13 Martin Jean-Pierre, La traversée des Alpes : cols, routes et tunnels, Grenoble : Éditions Le Dauphiné Libéré, 2000, 51 p. 14 Voir encore Sacareau Isabelle, La montagne…. 10 11 387 Xavier Bernier Figure 1 : Un système de mobilités proto-touristique 388 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne Figure 2 : Un processus d’intériorisation lié aux différentes étapes de la mise en tourisme 389 Xavier Bernier Les différentes formes de conquête des hauts en liaison avec les grandes étapes de la mise en tourisme Très vite va pourtant s’engager une conquête des hauts tandis que se développent de nouvelles pratiques et que progressent de nouvelles infrastructures. Ce rebasculement de l’aval vers l’amont va s’exprimer sur le temps long du xxe siècle. La figure 2 donne une vision modélisée de cette conquête de la verticalité liée à la mise en tourisme. Les chemins de fer de montagne 15 sont un des premiers instruments de cette progression vers des espaces d’altitude. C’est le cas de la ligne métrique de Saint-Gervais à Vallorcine, avec ses déclivités exceptionnelles, qui voit le jour en 1901. Le Tramway du Mont-Blanc (TMB), après une première section ouverte en 1909, atteint quelques années plus tard (1912) sa gare d’arrivée au Nid d’Aigle, à 2372 m d’altitude, devenant le plus haut train à crémaillère d’Europe… La même année est aussi inauguré le train du Montenvers. Les lignes à crémaillère permettent aux ingénieurs et à leurs commanditaires de rivaliser pour réaliser des prouesses techniques et partir à l’assaut de pentes parfois très raides. Si la ligne du Rigi fonctionne depuis 1873, le chemin de fer Aix-les-Bains–Le Revard 16 depuis 1892 – soit la même année que le Rothorn –, celles de la Jungfrau et du Gornergrat sont quant à elles inaugurées en 1898. L’année suivante, la ligne du Pilate devient la plus pentue du monde (48 %). C’est peu dire que toutes ces installations frappent les esprits et suffisent parfois à elles seules à attirer les touristes. Elles marquent à des degrés divers une première marche vers la touristification des hauteurs, abordées d’abord pour leurs panoramas sur les glaciers, les cascades, les précipices… L’épopée des téléphériques 17 va permettre de changer d’échelle. Les transports par câble offrent en effet de multiples opportunités dans la conquête de la verticalité et accélèrent l’inscription du tourisme dans une autre dimension. L’idéalisation d’une certaine forme de modernité et la course aux innovations techniques lancée par les ingénieurs et les politiques conduisent à la diffusion rapide des téléphériques dans les Alpes. Considéré comme le premier du massif, celui de Grindelwald se hisse à partir de 1908 sur les pentes du Wetterhorn. Les Français ne sont Espinasse Isabelle, Trains des Alpes, trains de montagne, Seyssinet : Libris, 2002. Fouger François, Le chemin de fer à crémaillère Aix-les-Bains–Le Revard, Aix-lesBains : Édition par l’auteur, 2000. 17 Bardiau Philippe, L’épopée des téléphériques, Seyssinet : Libris, 2003. 15 16 390 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne pas en reste avec le premier tronçon du téléphérique des Glaciers en 1924 et l’appareil du Brévent, en deux tronçons (1928‑1932), ou encore celui de Serre-Chevalier inauguré en 1941 (!). C’est toujours à Chamonix que l’équipement le plus emblématique voit le jour, à travers un chantier étalé sur plus de quatre décennies (entre 1910 et 1955) : le téléphérique de l’Aiguille du Midi, à l’assaut du pic de 3776 m. Durant cette période, il faudrait aussi faire l’inventaire de tous les projets avortés, par exemple dans les Écrins… Disons-le tout net : ces premiers téléphériques reflètent des pratiques encore largement contemplatives. Ils permettent certes aux randonneurs et aux alpinistes de gagner parfois du temps dans l’ascension des sommets. Mais ces premières installations ne s’inscrivent pas vraiment dans la révolution touristique qui s’annonce : celle du ski. Déjà pointent pourtant les stations dites de « deuxième génération » 18, avec des défis spécifiques dans leur accessibilité. Elles sont un terrain d’expérimentation technique privilégié pour les premières remontées mécaniques. Le Grenoblois Pomagalski se distingue en 1935 avec les premiers téléskis à sellette et à perches débrayables au Col de Porte et à l’Alpe d’Huez. Des techniques moins élaborées permettent d’équiper les pentes de Megève (1933) et des Houches (1936). C’est d’ailleurs toujours à Megève que sera mis en service en 1933 le premier téléphérique dédié à la pratique du ski sur les pentes de Rochebrune. Mais au-delà de ces innovations multiples, l’accessibilité de ces stations touristiques passe d’abord par la voie routière. Avant d’être rendue célèbre par le Tour de France cycliste (première arrivée en altitude dans l’histoire de la Grande Boucle avec la victoire de l’Italien Fausto Coppi en 1952), la montée de l’Alpe d’Huez, en vingt et un virages étalés sur quatorze kilomètres, avec une pente moyenne de 8 % (jusqu’à 12 %), a d’abord eu une fonction d’accès pour la station créée dans les années 1930. Christophe Gauchon 19 rappelle volontiers le caractère non rationnel, voire anarchique, de la mise en place de cette accessibilité routière, avec parfois l’absence de parkings automobiles. À l’Alpe d’Huez, aux Deux-Alpes et à Chamrousse (France), à Breuil-Cervinia (Val d’Aoste-Italie) ou à Saint- Christoph-Am-Arlberg (Autriche), la route est tracée à la va-vite, construite ou recalibrée dans des délais très courts. Les hameaux traditionnels, situés à mi-pente, trouvent ainsi un prolongement en altitude (au-delà de 1600‑1800 m), dans les alpages. Gauchon Christophe, « Le tourisme dans les Alpes : pratiques, aménagement et protection », in Bordessoule Éric (éd.), Les montagnes, Nantes : Éditions du Temps, 2002, p. 153‑182. 19 Gauchon Christophe, « Le tourisme… », p. 153‑182. 18 391 Xavier Bernier Cette conquête très rapide des hauts s’accommode souvent d’un grand désordre infrastructurel et a rchitectural 20. Les « stations de troisième génération » (un modèle que l’on retrouve en particulier dans les Alpes françaises) sont l’expression d’une politique beaucoup plus volontariste qui va bien sûr trouver un prolongement du point de vue de l’accessibilité aux stations 21. Dans le contexte du Plan Neige (ensemble de mesures adoptées par l’État français à partir de 1958 pour développer de façon systématique des stations intégrées, le plus souvent avec l’aide d’un promoteur), l’aménagement passe par des infrastructures routières performantes et par la construction systématique de parkings pour le stationnement des véhicules des touristes. L’accès à la Tarentaise (qui continue à proposer d’importants défis saisonniers aujourd’hui) et à ses stations est un réservoir d’exemples édifiants. La Plagne, Tignes, les Arcs ont, dès leur conception, été des stations dépendantes de leur facilité d’accès. C’est dans ce contexte historique, mais pas seulement en France cette fois-ci, que se développe également l’aviation de montagne 22. Elle va aussi participer à ce processus de projection en altitude 23 à travers en particulier l’épopée de compagnies aériennes comme Air Alpes. Un certain nombre d’infrastructures spécifiques ont pu voir le jour comme les altiports (mot inventé suite au premier atterrissage sur la piste sommaire de Méribel en 1962 et qui caractérise une installation, dotée ou non de tour de contrôle, utilisant la pente de la piste pour les atterrissages et les décollages). Ceux-ci fonctionnent encore aujourd’hui à Megève en Haute-Savoie, Courchevel et Méribel en Savoie ou l’Alpe d’Huez en Isère. Ce type d’installation est bien plus rare dans les autres pays alpins que la France. Mais qu’il s’agisse de Chamois Valtournanche dans le Val d’Aoste (Italie) ou de Croix de Cœur Verbier dans le Valais (Suisse), ces infrastructures ne desservent pas de grandes stations. Il faut plutôt souligner ici le rôle d’aéroports régionaux ou locaux. Wozniak M., « L’architecture dans l’aventure des sports d’hiver. Stations de Tarentaise 1945‑2000 », Mémoires et Documents, L’Histoire en Savoie, Chambéry : Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, Fondation pour l’action culturelle internationale en montagne, 2006. 21 Hélion Christian, « Transports par câbles et sports d’hiver : approche g éographique de la dynamique territoriale du tourisme et des loisirs en espace montagnard », Collection EDYTEM, Transport et tourisme, Chambéry : EDYTEM, n° 4, 2006, p. 105‑114. 22 Bernier Xavier, « Regional airports…», p. 130‑140. 23 Pinto Anthony, La grande aventure de l’aviation dans les Alpes, de 1784 à nos jours, Presse de Deux-Ponts : Éditions 3D Vision, 2008. 20 392 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne Vers un système de mobilités contenues où les dynamiques spatiales s’inversent La plupart de ces plates-formes aéroportuaires sont situées à des altitudes inférieures et participent à un accès privilégié par le bas. Nous sommes ici dans un modèle où les dynamiques spatiales s’inversent à nouveau, ce que cherche à montrer de façon synthétique la figure 3. En Suisse, des aéroports comme Sion ou Lugano par exemple servent de point d’arrivée pour des lignes aériennes à finalité essentiellement touristique. C’est encore plus net pour l’aérodrome de Samedan, le plus haut d’Europe avec ses 1707 m d’altitude et porte quasi directe avec la station huppée de Saint-Moritz. Citons aussi la petite plate-forme de Saanen en liaison avec la station de Gstaad. Au-delà de ces infrastructures proches, certains aéroports, que l’on pourrait appeler « de plaine » ou péri-montagnards, accentuent encore cette tendance. Dans les Alpes du Nord et pour l’accessibilité aux territoires montagnards, l’aéroport de Genève Cointrin tend de plus en plus à fonctionner comme une plate-forme régionale majeure et à concurrencer les aéroports régionaux français voisins. À un niveau moindre, mais toujours en Suisse, l’aéroport de Zurich est une porte vers les stations touristiques d’altitude qui fonctionne d’autant mieux que les liens avec les gares ferroviaires (réseaux des CFF) et routières (desservies par treize lignes régionales de bus et plus de six cents liaisons) sont efficaces. En France, d’autres aéroports « de plaine » jouent un rôle comparable et croissant dans l’accessibilité aux stations. C’est le cas en particulier de Grenoble et de Chambéry. Dans les deux cas, les Jeux olympiques (en 1968 et 1992) ont eu un effet levier indéniable dans l’évolution du trafic des plates-formes. Les sociétés sont nombreuses depuis les aéroports régionaux à proposer de l’avion-taxi ou du taxi-hélico. Des services de bus et de taxis, mais aussi de voitures luxueuses avec chauffeur, permettent ensuite de gagner les stations. Nombre de plates-formes de vallée disposent aussi de terminaux dédiés à l’aviation d’affaires. Conçu ici du point de vue fonctionnel comme une sorte de « téléphérique » ou d’« ascenseur » pour un accès le plus rapide possible aux stations d’altitude, ce service est notamment offert par Helijet basé à l’aéroport de Chambéry, Air Zermatt dans la station suisse éponyme ou Air Glaciers qui propose des transports en avion ou en hélicoptère depuis l’aéroport déjà évoqué de Sion (Suisse). Les flux peuvent se révéler significatifs avec six mille passagers qui, chaque hiver, transitent à Courchevel par voie aérienne et une moyenne annuelle de quinze mille mouvements de vols pour les altiports de l’Alpe d’Huez, Megève et Méribel. 393 Xavier Bernier Ces chiffres recoupent en fait aussi d’autres mouvements comme ceux liés aux nombreux circuits de balade en avion, autour du massif du Mont-Blanc notamment. On s’inscrit davantage ici dans une logique d’aviation sportive ou de loisirs, dont les usagers sont fédérés en associations (AFPM, Association française des pilotes de montagne et EMP European Moutain Pilot). C’est également le point de départ d’une autre activité, autorisée en Suisse et en Italie, mais interdite en France : l’héliski ou le ski héliporté. La Loi Montagne de 1985 interdit en effet en France les déposes de skieurs hors altiports, hélistations et hélisurfaces à une altitude supérieure à 1500 m. Avec cette restriction qui s’ajoute à celle relative aux espaces protégés, on les voit donc se développer aux limites des frontières… D’une manière générale, le développement d’espaces protégés en altitude, type parcs nationaux (Parc national suisse, Parcs nationaux de la Vanoise, des Écrins ou du Mercantour en France, Parc national du Grand Paradis en Italie…) a considérablement contribué à freiner la dynamique d’urbanisation des mondes d’en-haut 24. Il s’inscrit au contraire dans un processus de « sanctuarisation » par rapport à l’expansion des stations touristiques, réduisant là encore l’espace mis en tourisme vers l’aval et vers les périphéries (voir figure 3). La dynamique des réseaux renforce elle aussi cette dynamique spatiale. Depuis un certain nombre d’années, on voit notamment se développer le modèle de domaines skiables interconnectés 25, parfois par-delà les frontières nationales comme pour les Portes du Soleil (France/Suisse) ou pour la Voie lactée (France/Italie). Si l’accessibilité aux pistes de ski est le plus souvent guidée par la recherche de niveaux élevés de connectivité et de connexité 26 aux réseaux de remontées mécaniques, l’accessibilité routière aux différents pôles du domaine touristique pose problème dans beaucoup de cas 27. Des accès multiples, situés plus bas en altitude et parfois depuis des vallées voisines, Bernier Xavier, « Transports, parcs nationaux et parcs naturels régionaux dans les Alpes françaises : les interactions entre les objectifs de l’accessibilité, de la protection et de l’aménagement », Revue de Géographie Alpine, T91, n° 2, 2003, p. 27‑40. 25 Marnezy Alain, Gauchon Christophe, « Les domaines skiables reliés dans les Alpes françaises », Collection EDYTEM, Transport et tourisme, Chambéry : EDYTEM, n° 4, 2006, p. 115‑124. 26 Pumain Denise, Saint-Julien Thérèse, L’analyse spatiale – Localisation dans l’espace, Armand Colin : Paris, 2004. 27 Bernier Xavier, « Transports et montagne : quelle spécificité pour les systèmes nodaux ? Proposition d’un modèle synthétique illustré à travers l’itinéraire transalpin Grenoble-Bourg d’Oisans-Briançon-Suse », Les Cahiers Scientifiques du Transport, n° 48, 2005, p. 81‑97. 24 394 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne Figure 3 : Un système de mobilités contenues 395 Xavier Bernier sont désormais proposés aux touristes. À titre d’exemple, la station d’Orelle joue cette carte à plein pour accéder aux pistes des Trois Vallées en Tarentaise. Dans le même temps, la modernisation des infrastructures dans les fonds de vallée engendre des processus cumulatifs 28 qui accentuent encore ce glissement des portes touristiques vers les bas. Les réseaux routier et autoroutier ont ainsi été considérablement modernisés depuis le début des années 1980 29, avec par exemple en France la mise à deux fois deux voies de la route nationale 90 jusqu’à Moûtiers, le raccordement A6-Genève par Nantua, l’autoroute de Maurienne, la modernisation de la route de la vallée de la Romanche, etc. Il faut aussi rappeler l’arrivée du TGV en gare de Bourg-Saint-Maurice, directement reliée à la station des Arcs grâce à un funiculaire. Et on voit bien poindre là un certain nombre de paradoxes lié à l’accélération 30 des mobilités. Celle-ci tend ainsi à renforcer le rôle des nœuds situés en pieds de versants, érigés en points de rupture de charge dans le fonctionnement de l’intermodalité. Mieux, certaines stations touristiques jouent carrément la carte d’un accès extériorisé, c’est-à-dire interdit aux véhicules à partir de portes parfois éloignées de la station elle-même. Si la station française d’Avoriaz fait ainsi la part belle aux circulations douces dans son « centre », la station suisse de RiederAlp sur les bords du glacier d’Aletsch (un des premiers sites alpins classés au Patrimoine naturel mondial de l’UNESCO) opte pour la fermeture totale. Les voitures sont interdites d’accès à la station, que l’on rejoint donc grâce aux remontées mécaniques situées plus en aval… Le binôme transports/station fonctionne ici selon des logiques nouvelles et les acteurs regardent plus « vers le bas » dans la gestion de l’accessibilité. On s’oriente clairement vers des mobilités contenues et maîtrisées depuis l’aval. Conclusion : Les cycles d’accessibilité touristique définis par le rapport à la verticalité D’un massif à l’autre et d’un pays à l’autre, la diversité des situations est telle qu’il paraît difficile de séquencer de façon systématique et dans des phases temporelles bien bornées ces différents cycles de l’accessibilité aux stations touristiques alpines. La montagne mérite Offner Jean-Marc, 1993, « Les effets structurants du transport : mythe politique, mystification scientifique », L’Espace géographique, n° 3, 1993, p. 233‑242. 29 Gauchon Christophe, « Le tourisme… », p. 153‑182. 30 Rosa Hartmut, Accélération, une critique sociale du temps, Paris : La Découverte, 2010. 28 396 Les mobilités touristiques dans la verticalité des territoires de montagne en tout cas d’être interrogée 31 dans la spécificité du cadre offert par la verticalité. Les trois modèles spatiaux proposés ici – un système hérité polarisé par les fonds de vallées et les périphéries/les différentes formes de conquête des hauts en liaison avec les grandes étapes de la mise en tourisme/un système de mobilités contenues où les dynamiques spatiales s’inversent pour une maîtrise qui s’opère à nouveau depuis l’aval – se sont exprimés avec plus ou moins de force en fonction des régions et du cadre politique proposé par l’aménagement 32. Selon les échelles, ils se sont chevauchés et se chevauchent encore dans le temps et dans l’espace. Ils sont en tout cas successivement polarisés par les hauts et par les bas, avec des dynamiques que l’on pourrait qualifier de coulissantes et alternatives. Cette oscillation dans le rapport à la verticalité place les différents types de stations touristiques au cœur d’un dispositif territorial dont le fonctionnement engendre des formes de cospatialité 33 complexes et une redéfinition des lieux. On a malgré tout pu déceler dans ce travail des types de linéarités propres à l’espace alpin. Dans ce contexte, l’histoire des transports et de la mobilité met au jour des dynamiques actorielles entre concurrence et coordination. Depuis la fin du xixe siècle et jusqu’à aujourd’hui 34, la question de l’accessibilité, sans cesse redéfinie dans ses expressions et ses modalités, est en tout cas au cœur du système spatial. Debarbieux Bernard, « La montagne : un objet de recherche ? », Revue de Géogra phie Alpine, 89, n° 2, 2001, 131 p. ; Debarbieux Bernard, « Quelle spécificité montagnarde ? », Revue de Géographie Alpine, 127, n° 1‑2‑3, 1989. 32 Guérin Jean-Pierre, L’aménagement de la montagne, politiques, discours et produc tion d’espaces, Gap : Ophrys, 1984. 33 Lévy Jacques et Lussault Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris : Belin, 2003. 34 Torricelli Gian Paolo et Scheurer Thomas, 2000, « Les transports et la mobilité, une menace et un défi pour les Alpes du xxie siècle », Programme national de recherche 41, Transports et environnement, Actes T4, EDMZ, 5e Journée de la Recherche alpine, Berne, 2000. 31 397 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn Márta Jusztin, Budapest Business School Abstract : During the interwar period, modes of transport were one of the main contributing factors to the expansion of tourism in Hungary. The development of transport modes impacted not only the possibilities for travel, but also travel habits. Transport contributed to making a hitherto marginal social phenomenon into an industrial sector. Less attention is paid to the influence of tourism on transport, yet variegated interaction occurs between the two. That said, during the interwar period, transport modes undoubtedly provided the strongest push and set off a significant expansion of tourism. That interaction reflects a general model: the expansion of tourism was above all launched by the era’s new mode of communication, railways, and only afterwards by the car and nascent air travel. Another element of transport-tourism cooperation was the involvement of transport companies in tourism development activities, which produced a considerable rise in traffic. Der Verkehr wird und wurde als einer der Haupteinflussfaktoren des Tourismus betrachtet. Seine Entwicklung veränderte nicht nur die Reisemöglichkeiten, sondern auch die Reisegewohnheiten. Er verhalf einer ursprünglich kleinen gesellschaftlichen Erscheinung zum Aufstieg zu einem Industriezweig. Die Rolle des Verkehrs ist in diesem Prozess kaum zu überschätzen. Wenig Augenmerk wird jedoch dem Einfluss geschenkt, der in die umgekehrte Richtung vom Tourismus auf den Verkehr ausgeht. Verkehr und Tourismus sind beides komplexe Phänomene, teilweise mit eigenen Funktionen, teilweise aber auch mit f unktionalen Überschneidungen. Es ist das Ziel der vorliegenden Studie, für die Zwischenkriegszeit die Grundzüge des Zusammenwirkens zwischen Verkehr und Tourismus anhand von touristischen Quellen nachzuzeichnen. 399 Márta Jusztin Die primäre Rolle der Verkehrsbetriebe war die Förderung der Mobilität. Durch die Entwicklung des Verkehrsnetzes konnten neu erschlossene, weit entfernte Gebiete zu touristischen Destinationen werden. Die Verkehrsunternehmen unterstützten die Produktentwicklung durch verschiedene Massnahmen, etwa mit Fahrkartenermässigungen oder mit Sonderzügen. Eine weitere Ebene der Kooperation entstand dadurch, dass die Reise selbst zu einem Angebot wurde, sei es auf den Schienen, in der Luft, auf dem Wasser oder auf der Strasse. Die Verkehrsbetriebe und Verkehrsorganisationen beteiligten sich aber auch an der Marketingarbeit der Tourismusbranche, indem sie finanzund ressourcenarmen Tourismusorganisationen und Dienstleistern ihre eigene Marketinginfrastruktur zur Verfügung stellten. Der zunehmende Tourismus steigerte die Zahl der Reisenden, generierte dadurch Einkommen und ermöglichte den Verkehrsbetrieben eine touristische Profilerweiterung. Im Kontext von Verkehr und Tourismus liegt die Betonung auf dem Einfluss des Verkehrs, aber auch der Tourismus eröffnete seinem wichtigsten Verbündeten positive wirtschaftliche Möglichkeiten. Wechselwirkungen Die Titelseite eines Tourismus-Prospektes aus der Zwischenkriegszeit zeigt das berühmte Budapester Stadtbild mit der Burg, mit den Budaer Hügeln, der Donau, den Brücken und mit Pest an der anderen Seite des Flusses. Im Zentrum der Botschaft dieser Zeichnung steht aber in diesem Fall nicht die Einmaligkeit des Budapester Panoramas, sondern eine viel praktischere Information. Das Bild wird von einem Zug dominiert, der gerade in die Hauptstadt Ungarns einfährt. Am Himmel fliegt ein Flugzeug, auf der Donau fährt ein Schiff. Die Verkehrsmittel auf dem Bild sollen veranschaulichen: Budapest ist leicht, schnell und bequem zu erreichen. Gute, schnelle und einfache Erreichbarkeit ist eine Voraussetzung für die touristische Entwicklung einer Stadt, ja einer Region, und der Verkehr spielt dabei immer eine entscheidende Rolle. Die Geburt des modernen Massentourismus in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts war eng mit dem Verkehr und im Speziellen mit der Dampfeisenbahn als Verkehrsmittel verbunden 1. Die Revolution der Verkehrsmittel veränderte nicht nur die Reisemöglichkeiten, sondern auch die Reisegewohnheiten grundlegend. Hachtmann Rüdiger, Tourimusgeschichte, Göttingen : Vanderhoeck & Ruprecht, 2007, p. 71-74. 1 400 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn Der Ausbau der Verkehrsinfrastruktur erweiterte die räumlichen Grenzen der Mobilität. Immer mehr Menschen konnten für damalige Verhältnisse schnell und bequem befördert werden. Eine Reihe von Beispielen beweist, dass Städte und Regionen dank der grossen Zahl der dorthin reisenden Touristen aufblühten. Dabei stellt sich die Frage, ob diese Wirkung der verbesserten Verkehrsmittel auf den angewachsenen Tourismus unidirektional erfolgte oder ob man nicht eher von einer Wechselwirkung zwischen Verkehr und Tourismus reden müsste. Diese Fragestellung wird anhand des Beispiels von Ungarn in den Zwischenkriegsjahren untersucht. Die Anfänge Das knappe halbe Jahrhundert zwischen dem österreichisch-ungarischen Ausgleich im Jahr 1867 und dem Ausbruch des Ersten Weltkrieges zählte zu den erfolgreichsten Wirtschaftsperioden der ungarischen Geschichte. Die Motoren des Aufschwungs waren das moderne Finanz- und Bankwesen sowie der Ausbau der Infrastruktur und hier vor allem der Eisenbahnbau. Zwischen 1846 und 1867 wurden insgesamt 2285 Kilometer Bahnlinien gebaut, bis 1890 waren es dann 11’000 Kilometer und bis 1913 schliesslich 22’000 Kilometer 2. Diese bemerkenswerte Entwicklung hatte wiederum in erster Linie wirtschaftliche Folgen. Bald nach dem Ausgleich wurde die Hauptstadt mit den wichtigen grossen Getreide-, Viehzucht- und Bergwerk regionen verbunden. Am Vorabend des Ersten Weltkriegs war schliesslich das ganze Land mit Bahnlinien vernetzt. Obwohl der Erreichbarkeit der potenziellen touristischen Attraktionen bei der Planung des Eisenbahnnetzes kein Augenmerk geschenkt worden war, zeigten sich trotzdem bald die Effekte der Verkehrsentwicklung. Eine Strecke der Südbahn verlief parallel zum Südufer des Plattensees. Die gute Erreichbarkeit lenkte dabei die Aufmerksamkeit auch auf die kleinen, unbedeutenden Siedlungen am See, die bald zu beliebten Urlaubsorten der Budapester Bürger wurden. Und in Oberungarn wurde ein bis dahin kleiner, unbedeutender Kurort, Bártfafürdő, durch die Eisenbahnlinie bekannt und beliebt 3. Die spontane Auswirkung des Verkehrs auf den frühen Tourismus lief fast parallel zu einer bewussten, gewollten K ooperation. Diese Zusammenarbeit Romsics Ignác, Magyarország története a XX. században (Die Geschichte Ungarns im XXsten Jahrhundert), Budapest: Osiris Kiadó, 1999, p. 25. 3 Kósa László, Fürdőélet a Monarchiában (Badeleben in der Monarchie), Budapest: Holnap Kiadó, 1999, p. 92-100. 2 401 Márta Jusztin zwischen der Königlich Ungarischen Staatsbahn (im weiteren MÁV) und der kleinen, aber agilen Fremdenverkehrsbranche erfolgte auf mehreren Linien. Die touristischen Vereine, wie beispielsweise der ungarische Karpatenverein, kämpften um Fahrkartenermässigungen. Das Ziel dieser Bestrebungen war es, einerseits Wochenendausflüge für die Mitglieder billiger und dadurch auch populärer zu machen und andererseits die der Eisenbahnlinie nahe liegenden Ausflugsorte in den Touristenverkehr miteinzubeziehen. Im Monatsheft des Karpatenvereins wurden die Mitglieder über den Fahrplan, über neue Haltestellen und über alle sonstigen Neuigkeiten des Verkehrsangebots informiert. Der Karpatenverein erkämpfte ausserdem verschiedene Ermässigungen und billigere Gruppenfahrkarten. Eine andere Form der Zusammenarbeit von Hotels, der katholischen Gemeinde von Pest und der MÁV war die Organisation von Reisegruppen in einem bestimmten Programm (heute würde man wohl «Event» sagen). Im August 1873 fuhr der erste Sonderzug aus Wien in Budapest ein. Die Gäste reisten an, um den festlichen Veranstaltungen zu Ehren des Staatsgründers Stephan des Heiligen beizuwohnen. 32 Jahre nach Thomas Cooks erster organisierter Reise erschien die erste organisierte Reisegruppe auch in Budapest. Nach den beiden ersten Stufen einer sich eher zufällig ergebenden Nutzung einerseits und der bewussten Planung andererseits ergriff die MÁV schliesslich die Initiative, um den Tourismus zu organisieren. 1884 wurde innerhalb der königlich-ungarischen Staatsbahnen ein Fahrkartenbüro als eine Abteilung gegründet, deren Aufgaben über den Fahrkartenverkauf hinausgingen. Dazu zählten die Organisation von Stadtbesichtigungen vor allem für Besucher Budapests, Ausflüge in die Hohe Tatra und Fahrten in die Kurorte. Mit diesen Dienstleistungen übernahm die Verkehrsgesellschaft Aufgabenbereiche des Tourismus. Dieses Büro war der Rechtsvorgänger des ersten ungarischen Reisebüros, des legendären IBUSZ. Zwei grosse Veranstaltungen prägten diese Periode: Die Landesaus stellung in Budapest im Jahre 1885 sowie die Budapester Millenniums ausstellung im Jahre 1896, die anlässlich des 1000-jährigen Jubiläums der Landnahme veranstaltet wurde. Beide Ausstellungen wurden von einem Organisationskomitee organisiert. Das neue Büro wurde mit der Aufgabe des Besuchermanagements beauftragt. Die Besucherzahlen lassen Ausmass und Erfolg der Arbeit erahnen: 1’759’368 Gäste besuchten die Landesaustellung, die Millenniumsausstellung zog über 5 Millionen Besucher an. 402 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn Diese und zahlreiche andere Beispiele belegen eine schon in der Pionierzeit der Eisenbahn bestehende Wechselwirkung zwischen Verkehr und Tourismus, deren Intensität auf Seiten der Verkehrsmittel auch auf der Monopolstellung der Bahn beruhte. Der Strassenverkehr war von wesentlich geringerer Bedeutung im frühen Tourismus. Tourismuspolitik nach dem Ersten Weltkrieg Der Friedensvertrag von Trianon im Jahre 1920 führte zu einer starken wirtschaftlichen Behinderung des aussenpolitisch isolierten Landes, das nun ausserdem ein ausgesprochen negatives internationales Image hatte. Auch der Tourismus blieb von den Folgen dieses Friedens nicht verschont: Das Land verlor durch die Grenziehung im Trianon zwei Drittel seiner Fläche und, abgesehen von Budapest und vom Platt ensee, bisher wichtige touristische Attraktionen. Nach den Zerstörungen des Ersten Weltkrieges und aufgrund der allgemeinen Not zu Beginn der 1920er-Jahre war der Tourismus in Europa wie gelähmt. In der zweiten Hälfte des Jahrzehnts folgte eine gewisse wirtschaftliche Erholung, die es ermöglichte, wieder auf Reisen zu gehen und Urlaub zu machen. Die Zielorte blieben für die Ungarn die gleichen wie in der Vorkriegszeit: die Hohe Tatra und die Badeund Kurorte, die sich nun jedoch im Ausland befanden. Weil weiterhin die altbewährten Urlaubsorte bereist wurden, flossen beträchtliche Summen aus dem Land, was die ohnehin negative Handelsbilanz noch mehr belastete. Dies aber stand in krassem Gegensatz zur allgemein verbreiteten Ansicht über die positive Rolle des Tourismus, wie sie ihm von Wirtschaftsfachleuten und von Politikern zugeschrieben wurde. Die Volkswirte betrachteten ihn als wichtigen Wirtschaftsfaktor, der Einkommen für den Staat und für die bereisten Gemeinden generiert und neue Arbeitsplätze schafft. Für die Politiker war der Tourismus auch ein Mittel zur Völkerverständigung, sogar zur Friedensförderung – ganz im Sinne von Lord Derby, der in der Einleitung des Veranstaltungskatalogs von England und Irland im Jahre 1935 schrieb: “I have always felt that the real safeguard for peace is the personal touch between the peoples of countries” 4. Solche Ansichten prägten auch die ungarische Tourismuspolitik. Es wurden keine geringeren Ziele gesetzt als die Veränderung der alten Reisegewohnheiten, der Ersatz verloren gegangener Attraktionen Lord Derby, Coming Events in Great Britain and Ireland, London: Travel and Industrial Development Association of Great Britain and Ireland, 1935, p. 1. 4 403 Márta Jusztin durch die Entwicklung neuer Tourismusangebote für Reisende aus reiche(re)n westeuropäischen Ländern, die Generierung entsprechender Deviseneinnahmen und die Schaffung eines neuen positiven Image für Ungarn. Eine Schlüsselrolle bei der Verwirklichung dieser kühnen Pläne spielte der Ausbau der touristischen Infrastruktur, deren wesentlicher Bestandteil der Verkehr war. Auf der grossen internationalen Tourismuskonferenz im Jahre 1928 bezeichnete der Oberbürgermeister von Budapest den Verkehr – Eisenbahn, Schifffahrt, Flugverkehr und die lokalen Verkehrsmittel – als einen der Urheber des Erfolgs bei der Entwicklung des Tourismus, noch vor Hotellerie und Gastgewerbe 5. Kontaktebenen zwischen Verkehr und Tourismus Förderung der Mobilität 1. Der Schienenverkehr Basis der Mobilität blieb auch im Tourismus der Zwischenkriegszeit die Eisenbahn. Das Eisenbahnnetz des Landes war auch nach dem Frieden von Trianon im europäischen Vergleich immer noch durch schnittlich entwickelt, und ein weiterer Schienenausbau schien nicht nötig. Stattdessen rückte die technische Entwicklung in den Vordergrund. Als Ergebnis solcher Neuerungen konnte die Strecke von Wien nach Budapest in drei Stunden gefahren werden. Der durch die gute Erreichbarkeit generierte Reiseverkehr war auch für die MÁV von Bedeutung. Die Staatsbahnen spielten in der Folge wiederum eine Hauptrolle in der Förderung des Fremdenverkehrs. Sie legten dabei Wert auf die enge Zusammenarbeit mit dem 1916 gegründeten hauptstädtischen Fremdenverkehrsamt. Wie der Generaldirektor der MÁV bei einem Fremdenverkehrkurs in seinem Vortrag betonte, stehe die Eisenbahn direkt und indirekt mit ihrem ganzen Betrieb, mit der Einrichtung und Bequemlichkeit der Waggons, mit dem Fahrplan und mit dem Personal im Dienste des Tourismus. Es gab für gezielte Tourismusförderung mehrere Möglichkeiten, wie Fahrkartenvergünstigungen, Sonderzüge und Rundreisehefte. Am verbreitetsten waren die verschiedenen Fahrkar tenvergünstigungen, von denen die Leitung der MÁV und die touristis chen Dienstleister sich eine Steigerung der Anzahl von Fahrgästen und Besuchern, die Belebung weitabgelegener Regionen Zilahy Dezső, «Budapest im internationalen Fremdenverkehr», in Fremdenverkehr, Juli 1928, p. 7. 5 404 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn und die Bekämpfung der Saisonalität erhofften. 6 Zu den Begünstigten gehörten ungarische Staatsbürger sowie Ausländer, Gruppen oder Einzelreisende. Eine bevorzugte Aktion war, dass Österreicher oder auch Ausländer, die in den frühen 1920er-Jahren an einem in Wien organisierten Kongress teilgenommen hatten, eine 33-prozentige Fahrpreisermässigung auf den Linien der königlich-ungarischen Staatsbahn erhielten, damit sie auch Budapest besuchen konnten. Auf diese Weise sollte Budapest vermehrt in den internationalen Fremdenverkehr einbezogen werden, was in den 1920er-Jahren wegen der politischen Isolation des Landes keine einfache Aufgabe war. Mit Rückgriff auf die Konzepte des 19. Jahrhunderts wurden Besucher zu grossen Veranstaltungen, wie beispielsweise der landwirtschaftlichen Ausstellung, der Budapester Internationalen Messe oder der Heiligen-St.-Stephans-Woche mit einer Ermässigung von 33 bis 50 Prozent gelockt. Einige Formen der Fahrkartenvergünstigungen trugen sogar zur Förderung von verschiedenen neuen Tourismusformen bei. Eine solche neue Freizeitbeschäftigung war die sogenannte Weekend- Bewegung gegen Ende der 1920er-Jahre. Es war das Ziel des ungarischen Weekend-Landesvereins, Wochenendausflüge und Wochenendaufent halte im Land anzubieten. Die Mitglieder des Vereins erhielten eine Fahrpreisermässigung zwischen 25 und 30 Prozent. Eine saisonal abhängige Ermässigung von 33 bis 65 Prozent erhielten Reisende mit dem Zielort Plattensee, bald danach auch für Reisen zum Velencer See. Durch die Förderung dieser attraktiven Destinationen wollte man die Ungarn von ihren althergebrachten, nunmehr ausländischen Ferienorten abbringen. Die Förderung des Heilbadtourismus durch eine Fahrkartenermässigung hatte einige aus heutiger Sicht seltsam anmutende Bedingungen. Die Aufenthaltsdauer war auf ein Minimum von zehn Tagen festgelegt, was im Vergleich zu den Kuraufenthalten im 19. Jahrhundert wirklich kein langer Zeitraum war. Ebenso war eine Mindeststrecke von 100 Kilometern vorgeschrieben, was im tourismuspolitischen Bestreben begründet war, das Interesse der Reisenden auf die Provinz zu lenken. Ähnlichen Zielen dienten die sogenannten Rundreisehefte. Mit diesen billigen Fahrkarten konnten verschiedene von den Staatsbahnen angegebene Reiserouten bereist werden. Die meisten Hefte wurden für Hallósy István, «Lehetséges-e Budapesten téli saison?», (Ist eine Wintersaison in Budapest möglich?), in A Szálloda (Das Hotel), n° 2, 1938, p. 4-7. 6 405 Márta Jusztin Ost- und Südungarn angeboten, für strukturschwache Regionen also, die touristisch noch kaum oder überhaupt nicht erschlossen waren. Diese Vergünstigungen sollten der starken Konzentration des Tourismus auf Budapest entgegenwirken. Dabei hatte man nicht zuletzt die bisher geringe Auslastung der Züge und die Rentabilität dieser Strecken im Auge. Eine andere Form der Vergünstigung stellten die verschiedenen Sonderzüge dar. Am verbreitetsten waren die sogenannten Groschenzüge. Die Reisen wurden immer zu einer von der MÁV bestimmten Veranstaltung (Theateraufführung, Weinlese, Sportprogramm) organisiert. Sie fanden nur an Sonntagen und mit einer Teilnehmerzahl von mindestens 500 Leuten statt. Mit weniger Fahrgästen war die Reise für die Staatseisenbahn nicht rentabel. Am Anfang verkehrten die Züge zwischen Hauptstadt und Kleinstädten auf dem Lande, bald auch umgekehrt und am Ende der 1930er-Jahre zwischen Kleinstadt und Kleinstadt. Für die «Groschentage» weisen die Statistiken in den bereisten Gebieten hohe Umsätze der lokalen Märkte, der Restaurants und der kleinen Läden nach 7. In einigen Fällen war das ungarische Reisebüro IBUSZ Mitorganisator des Programms, am häufigsten bei den Reisen zu den berühmten Freilichtspielen auf dem Domplatz in Szeged in Südungarn. Der erste «Groschenzug» fuhr am 27. März 1932 nach Szeged, der letzte am 9. November 1942 nach Kolozsvár (Klausenburg). Die Aktion war für alle Beteiligten von Nutzen: Sie sicherte Extraeinnahmen für die Staatsbahnen und förderte den Inlandtourismus sowie die Kenntnisse der Gäste über die ungarischen Regionen. Ein weiteres Tourismusangebot stellten die «Kulturzüge» dar. Sie förderten die Kulturprogramme auf dem Lande. Diese Züge wurden auf Anforderung der Organisatoren eines Programms bereitgestellt. Sie waren weniger verbreitet als die «Groschenzüge», die meisten Ausflüge wurden nach Mezőkövesd in Ostungarn, in die Hochburg der ungarischen Volkskunst organisiert. Es wurde auch das Angebot der «Austauschzüge» kreiert. Diese galten als eine Notlösung in der Weltwirtschaftskrise, während der der Ausreisetourismus in fast allen Ländern Europas durch strenge Devisensperren behindert wurde. Damit doch wieder Auslandsreisen gemacht werden konnten, wurde ein Kompensationssystem ausgearbeitet. Jede ins Ausland reisende ungarische Gruppe hatte im bereisten Fészl József, «Az idegenforgalomról általában (Über den Fremdenverkehr im Allgemeinen)», Városok Lapja, n° 9, 1933, p. 112-116. 7 406 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn Land ihre Partnergruppe. Der Devisenbedarf der ungarischen Gruppe wurde durch die nach Ungarn einreisende ausländische Gruppe gedeckt. «Kommt zu uns, damit wir zu Euch fahren können!», hiess es in der Werbung 8. Das Angebot hatte jedoch nur einen sehr beschränkten Erfolg; lediglich mit Italien gelang diese Art von Zusammenarbeit. Das Ergebnis einer engen Kooperation zwischen der MÁV und dem ungarischen Reisebüro IBUSZ war schliesslich das Pauschalangebot «Kommen Sie für 3 Tage nach Budapest». Diese Aktion verband eine Fahrkartenermässigung mit einem dreitägigen Aufenthalt in der Hauptstadt. Mit den billigen Preisen erhofften sich die Dienstleister, Hoteliers und Restaurantbesitzer die Förderung des Einreisetourismus aus westlichen Ländern, vor allem aus Österreich und hier speziell aus Wien. Später wurde die Aktion mit dem Slogan «Eine fröhliche Woche in Ungarn» auf acht Tage ausgedehnt. Die Touristen erhielten eine gültige Fahrkarte für die ungarische Staatsbahn und für die Schifffahrtsgesellschaften. Das Angebot umfasste auch Gutscheine, die von Hotels von guter Qualität und Restaurants in Budapest und auch auf dem Land akzeptiert wurden. 2. Der Strassenverkehr Auch in der Zwischenkriegszeit dominierte der Schienenverkehr. Der Grund dafür war vor allem die miserable Qualität der Landstrassen. In den 1920er-Jahren waren sie in einem so schlechten Zustand, dass es zwischen Behörden und Tourismusfachleuten sehr oft zu heftigen Auseinandersetzungen kam. Letztere bangten um den Erfolg grosser Veranstaltungen und behaupteten beispielsweise, Budapest sei vom Westen auf der Landstrasse gar nicht zu erreichen. In einer Besprechung der Budapester Stadtbehörde kritisierten sie die Lage scharf: «Hat der Herr Bürgermeister Kenntnis davon, dass die ungarischen Landstrassen sich in so schlechtem Zustand befinden, dass auf diesen keine Automo bile verkehren können? Hat der Herr Bürgermeister Kenntnis davon, dass Reisende aus Italien, aus Frankreich, aus Deutschland alle auf der von Wien nach Budapest führenden Landstrasse in die Hauptstadt anreisen wollen? Die Tatsache, dass diese Landstrasse seit anderthalb Jahren gesperrt ist, fügt der Hauptstadt immensen Schaden zu» 9. Es ist Klaudy József, Az európai legelső nemzeti utazási iroda története, a MÁV hivatalos menetjegyirodájának negyven éve (Die Geschichte des ersten nationalen Reisebüros in Europa, die vierzig Jahre des offiziellen Fahrkartenbüros der MÁV), Budapest: IBUSZ, 1943, p. 76. 9 Budapest Törvényhatórási Bizottságának jegyzőkönyve (Protokoll des Magistrats der Hauptstadt Budapest), 1932 Budapesti Fővárosi Levéltár, (Budapester Stadtarchiv), 1061, p. 454. 8 407 Márta Jusztin nicht erstaunlich, dass der Bau von Landstrassen auf allen Ebenen und bei allen Gelegenheiten zum Thema wurde, und jeder fertiggestellte Landstrassenabschnitt als Erhöhung des touristischen Potenzials galt. Von der neuen Autostrasse zwischen Budapest und Wien, die in Ungarn für eine der grossartigsten Autostrassen in Europa gehalten wurde, erhofften sich die Tourismuspolitiker den Anstieg der Besucherzahlen aus der ehemaligen Kaiserstadt als Folge der nun schnelleren und bequemeren Anbindung. Im Jahr 1935, in der Aufschwungsphase des ungarischen Tourismus, wurde die moderne Strecke von Budapest nach Szeged dem Verkehr übergeben. Das südliche Zentrum der Tiefebene konnte jetzt auch mit Autos leichter erreicht werden. Eine neue Landstrasse wurde zudem um den Plattensee, dem zweitwichtigsten Zielort des ungarischen Tourismus, gebaut. Dies ermöglichte – wie der Ausbau der Südbahnlinie im 19. Jahrhundert – die schnelle und bequeme Erreichbarkeit der sich schnell entwickelnden, vor allem auf dem Nordufer des Sees gelegenen Urlaubsorte. Mit der 1937 fertiggestellten neuen Landstrasse zwischen Budapest und Hortobágy zeitigte der Motorfahrzeugverkehr eine direkte Wirkung auf die touristische Programmgestaltung. Sie verkürzte den Weg zwischen der Hauptstadt und der Puszta um 97 Kilometer. Die geringere Fahrzeit ermöglichte eine Erweiterung des Tourismusangebots. Nach dem Besuch von Hortobágy hatten die Gäste noch Zeit für eine kurze Besichtigung von Eger oder Mezőkövesd. Die nun mögliche Einschaltung der berühmten historischen Kleinstadt respektive der Hochburg der ungarischen Volkskunst war ein wichtiger Schritt in der touristischen Produktentwicklung in den 1930er-Jahren 10. Die Entwicklung des Motorfahrzeugbestands ging jedoch in Ungarn vergleichsweise langsam voran. Der Motorisierungsgrad von 14 europäischen Ländern lag 1938 bei einem Durchschnittswert von 5.7, während Ungarn nur den Indexwert von 0.5 aufwies. Auf 1000 Einwohner kamen in Ungarn 2 Automobile, in der Tschechoslowakei 5, in den nordeuropäischen Ländern 20 bis 30, in den am meisten entwickelten westeuropäischen Ländern sogar 40 Automobile auf 1000 Einwohner 11. Die geringe Zahl der Automobile mag erklären, dass im Rahmen des organisierten Tourismus den Reisegewohnheiten der privaten Ungarischer Fremdenverkehrskurier, n°9, 1937, p. 7. Romsics Ignác, Magyarország története a XX. században (Die Geschichte Ungarns im XXsten Jahrhundert), Budapest: Osiris Kiadó, 1999, p. 170. 10 11 408 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn utobesitzer noch wenig Aufmerksamkeit geschenkt wurde. Es gab A kaum 15’000 Privatautos im ganzen Land, mehr als die Hälfte davon war in der Hauptstadt konzentriert. Das Auto blieb hauptsächlich ein städtisches Verkehrsmittel 12. Über Veranstaltungen wie die internationalen Sterntouren berichtete die touristische Fachpresse, vor allem wenn der ungarische Automobilclub daran beteiligt war. Anders verhielt es sich mit den Autobussen. Der Ausbau der Landstrassen förderte den Autobusverkehr und den sich darauf stützenden Tourismus. In Analogie zu den erfolgreichen «Groschenzügen» organisierte eine private Autobusgesellschaft Ausflüge zu einem niedrigeren Preis. Der erste Ausflug führte ins nahe bei Budapest liegende Esztergom im Donauknie. Bald darauf führten die Tagesausflüge auch in neu erschlossene Regionen, wie das Mátra- oder das Börzsönygebirge, welche die verlorenen Kurorte in der Tatra ersetzen sollten 13. Auch das grösste Reisebüro IBUSZ entwickelte neue Produkte, indem es mit Autobussen Ausflüge organisierte. Diese Initiativen erreichten allerdings nicht die Beliebtheit der «Groschenzüge». Es war im Wesentlichen ein Nischenmarkt: Rentable Autobusfahrten wurden zu Destinationen organisiert, die mit der Bahn nicht oder nur schwer erreicht werden konnten. 3. Der Flugverkehr Die grösste Sensation der 1896 stattfindenden Millenniumsausstellung in Budapest war ein befestigter Heissluftballon. Abenteuerlustige konnten mit diesem einige Meter in die Höhe aufsteigen. Das Erlebnis war die besondere Perspektive, die Sicht von oben auf die Landschaft. Im Jahr 1919 organisierte das englische Reisebüro «Thomas Cook» einen Aussichtsflug über London 14. Von einem Flugverkehr kann jedoch noch nicht die Rede sein. Die Flüge wurden teilweise privat, teilweise von neu gegründeten Aeroclubs organisiert 15. In Ungarn rückte dieses neue Phänomen in den 1930er-Jahren ins Blickfeld der touristischen Fachleute. In der zweiten Hälfte des Jahrzehntes wurde dann auch Budapest an den Gyáni Gábor, Hétköznapi élet Horthy Miklós korában (Alltagsleben in der Epoche von Miklós Horthy), Budapest: Corvina, 2006, p. 59. 13 «Nyaraljunk itthon! (Machen wir zu Hause Urlaub!)», Turisták Lapja (Touristen blatt), n° 6, 1932, p. 180-183. 14 Pirie Gordon, «Incidental tourism: British Imperial air travel in the 30s», Journal of Tourism History, n°, 2009, p. 50. 15 Pirie Gordon, «Incidental…», p. 52. 12 409 Márta Jusztin internationalen Flugverkehr angeschlossen. Einige wenige begeisterte Privatflugzeugbesitzer wollten nun auch hier die im Fliegen verborgenen Möglichkeiten für den Tourismus ausschöpfen. Im Jahre 1936 wurde im ungarischen Landesamt für Tourismus eine Abteilung für Luftverkehr mit der Aufgabe gegründet, die ungarischen Städte in den Luftverkehr einzubeziehen und den Flugtourismus zu fördern. Die Wichtigkeit der kleinen, aber sehr agilen Abteilung (es arbeiteten insgesamt drei Personen dort) zeigte sich in ihrem Budget. Im Gründungsjahr verfügte sie über 3000.- Pengő, im nächsten Jahr wurde es auf die beträchtliche Summe von 14’000.- Pengő erhöht. Der Grund dafür lag einerseits im gesellschaftlichen Gewicht der vornehmen, einflussreichen Protagonisten des Aerotourismus. Andererseits aber dienten diese Ziele auch wirtschaftlichen und aussenpolitischen Interessen des Landes. Man ging davon aus, dass die Zahl der Privatflugzeugbesitzer in Europa stark zunehme, und dass diese wohlhabenden, zur Aristokratie und zur Oberschicht gehörenden Leute bereit seien, für interessante Programme von hoher Qualität grössere Summen zu bezahlen. Wichtiger als die finanziellen Ziele war jedoch ihr politischer Einfluss im Ausland. Man hoffte, dass die vornehmen Gäste nach ihrer Heimkehr die Fürsprecher Ungarns (und seiner Politik) würden und dadurch das Land ein besseres Image bekäme. Das erklärt, dass die Flugabteilung und das ungarische Landesamt für Tourismus diese lukrativen Programme mit grösster Sorgfalt organisierten. Sie legten grossen Wert darauf, dass die ausländischen, nach Budapest anfliegenden Flugtouristen mit ihren Fliegern auch die schönen, typischen Städte Ungarns besuchen konnten, die zu diesem Zweck mit Flugplätzen erschlossen werden mussten. Die Mitglieder der Abteilung untersuchten die geografischen Gegebenheiten für den Ausbau von Flugplätzen. Zudem sollten sie die Bürgermeister der betroffenen Städte von der Wichtigkeit des Flugverkehrs und des Flugtourismus überzeugen; die Städte sollten freie Grundstücke für Flugplätze zur Verfügung stellen. Als Ergebnis dieser Organisationsarbeit konnten Privatflugzeuge bald in den touristischen Orten, etwa am Plattensee, in Debrecen, an der Hortobágy und der berühmten Puszta in Ostungarn, oder in für den Fremdenverkehr noch wenig erschlossenen Städten der ungerischenTiefebene wie etwa Kalocsa landen. Als grösster Erfolg galt die Eröffnung des modernen Flughafens Budaörs bei Budapest im Jahre 1937. Die modernen Einrichtungen ermöglichten nun auch die Landung bei Nacht und Nebel. Das komfortable Empfangsgebäude erfüllte alle Bedürfnisse. Es gab hier auch ein 410 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn Tourismusbüro, wo man Zimmer reservieren und Stadtrundfahrten oder Ausflüge buchen konnte. Eine direkte Busverbindung zur Stadtmitte erleichterte die Fahrt in die H auptstadt 16. Der Verkehr als Programm Die Wechselwirkung zwischen Verkehr und Tourismus zeigt sich vielleicht am deutlichsten in den Tourismusprogrammen und ihrer Entwicklung. Die quantitative und qualitative Entwicklung des Fuhrparks und des Verkehrsnetzes ermöglichte die Herausbildung von neuen Angebotselementen. Über die primäre Rolle des Verkehrs hinaus wurde dieser teilweise oder vollständig zum Programm. Beispiele dafür gab es von der Eisenbahn bis zur Schifffahrt. Die enorme Bedeutung der Eisenbahn bestand nicht nur im gleichzeitigen Transport vieler Menschen über weite Strecken und in der Bequemlichkeit der Reise; neu waren auch das Geschwindigkeitserlebnis und die veränderte Raumwahrnehmung 17. Das primäre Reiseerlebnis konnte durch komfortable, luxuriöse Einrichtungen, wie beispielsweise Speise- und Schlafwagen, gesteigert werden, wie es etwa das Beispiel des berühmten Orient-Express zeigt. Es gab aber auch weniger aufwändige Ideen, das Reiseerlebnis in Ungarn eindrucksvoller zu gestalten. Die berühmte Bugac-Puszta der 1930er-Jahre war durch eine kleine Schmalspurbahn mit der naheliegenden Stadt Kecskemét verbunden. In erster Linie diente sie dem Transport von landwirtschaftlichen Produkten von Bugac, wobei ein Waggon für die Beförderung von Touristen bereitgestellt wurde. Auf Wunsch konnte zusätzlich ein Speisewagen angehängt werden. In diesem fuhr eine Zigeunerkapelle mit, die für die romantische «Pusztastimmung» sorgte. Die Abenteuerlustigen unter den Reisenden durften sogar auf der kleinen Dampflok fahren. Am Ende der Reise wurden sie mit einer Urkunde ausgezeichnet und zum Ehrenlokführer ernannt. Auf der Strasse erschloss nach dem Ersten Weltkrieg der Autobusverkehr die Mittelgebirge von Ostungarn für den Tourismus. Er ermöglichte in den 1930er-Jahren die Organisation von Tagesausflügen. Und in den Städten führten Taxis sowie kleinere und grössere Autobusse zu einer Neugestaltung der Besichtigungen. Im ersten ungarischen Reisebüro IBUSZ konnte jeder Tourist eine geführte Stadtrundfahrt buchen. Budapester Fremdenzeitung, n°8, 1937, p. 23. Hachtmann Rüdiger, Tourismusgeschichte, Göttingen: Vanderhoeck & Ruprecht, 2007, p. 71-74. 16 17 411 Márta Jusztin Das neue Programm wurde zuerst 1925 als Test angeboten. Das IBUSZ hatte zuerst nur einen einzigen kleinen Renault-Autobus mit 14 Plätzen, und es galt schon als Erfolg, wenn die Hälfte davon ausgebucht war. Schon in den nächsten drei Jahren beschaffte sich das Reisebüro aber weitere Autobusse, einen mit 16, zwei weitere mit 25 und einen mit sogar 30 Plätzen, was darauf hinweist, dass die Stadtrundfahrten schnell ein beliebtes, rentables Programm wurden. Vom Erfolg des IBUSZ angeregt, erschien nun auch die grösste Taxigesellschaft von Budapest, die Budapester Autotaxi und Automobilverkehr AG, mit einem Angebot auf dem touristischen Markt, indem sie Stadtrundfahrten und halbtägige Ausflüge in der Nähe von Budapest anbot. Der Marktvorteil der Taxigesellschaft gegenüber dem IBUSZ und dessen Autobussen war, dass sie mit ihren Taxis sowohl kleine Gruppen von fünf Personen als auch grössere Gruppen mit mehreren Autotaxis bedienen konnten. Im günstigen Wirtschaftsklima nach der Grossen Depression konnte dieser neue, sich als rentabel erweisende Geschäftszweig dann noch ausgedehnt werden. Die Firma schaffte sich grosse Luxus-Autobusse an und begann, auch In- und Auslandsreisen für grössere Gruppen zu organisieren. Gleichzeitig wurden die besten Autobusfahrer weitergebildet: Sie lernten Fremdsprachen (Deutsch, Englisch, Französisch, Italienisch) und erwarben geografische Kenntnisse. Sie fuhren die neuen Autobusse mit ungarischen Touristen ins Ausland oder machten Tagesausflüge mit ausländischen Gästen in Ungarn 18. Für das Management der Taxigesellschaft war die neue Dienstleistung im Budapester Tourismusangebot die Möglichkeit, das Unternehmen im Konkurrenzkampf mit den anderen Taxigesellschaften zu stabilisieren. Anfangs der 1930er-Jahre trat mit der ungarischen Binnenund Seefahrts-Aktiengesellschaft schliesslich noch ein weiteres Verkehrsunternehmen mit einem besonderen touristischen Angebot auf. Die Tagesausflüge auf der Donau gingen noch auf die Jahrhundertwende zurück. Ab Juni 1932 konnten die Touristen die besondere Schönheit von Budapest, das in der touristischen Werbung «Königin der Donau», oder «Perle der Donau» genannt wurde, in einer zweistündigen Kreuzfahrt geniessen. Auf dem elegantesten Schiff wurde während der Kreuzfahrt ein Menü serviert. Dieses Angebot Autotaxi Budapesti Automobil Közlekedési Rt. Igazgatósága 1943 (Hg.) (Direktorat der Budapester Autotaxi und Automobilverkehrsdirektorat (Hg.)), A harmincéves Szürketaxi 1913-1943 (Dreissig Jahre alt ist das Graue Taxi Budapest). 18 412 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn wurde ein exklusives, neuartiges und unter den ausländischen Gästen sehr beliebtes Abendprogramm und eine der Hauptattraktionen im sommerlichen Budapest. Die Rolle des Verkehrs in der Tourismuswerbung «Wir erleben das Zeitalter der Propaganda!» 19 betonte Oszkár Bársony, der legendäre Generaldirektor des IBUSZ im Jahr 1934. Landwirtschaftliche und industrielle Produkte, sogar das politische Leben bedürften der Werbung; sie sei auch ein unentbehrliches Mittel, um den Tourismus zu fördern. Der frühe Einsatz von Werbung im Tourismus hatte über rein geschäftliche Funktionen hinaus und im Einklang mit den Bestrebungen der offiziellen Aussenpolitik eine weitere Zielsetzung, die in der Formung eines positiven Ungarnbildes im Ausland bestand. Für die Werbung standen jedoch über die ganze Periode hinweg nur knappe finanzielle Ressourcen zur Verfügung. Zudem war die Herstellung von Werbematerialien wie Katalogen, Plakaten, Werbefotos und Filmen über Ungarn sehr kostspielig. Sämtliche Jahresberichte des hauptstädtischen Fremdenverkehrsamtes erwähnten das knappe Werbebudget. Dabei hatte die Organisation nicht nur den Tourismus der Hauptstadt, sondern den des ganzen Landes zu vertreten. Auch hier bot eine enge Zusammenarbeit zwischen der Tourismusbranche und den verschiedenen Verkehrsunternehmen und -organisationen einen Ausweg 20. Selbstverständlich sorgte das grösste ungarische Reisebüro IBUSZ für die Vermarktung seiner Programme. Durch seine eigenen Filialen in Westeuropa und in den USA und durch seine Zusammenarbeit mit grossen Reiseunternehmen wie dem Thomas-Cook-Büro und der American Express Company gelangten nicht nur Reisekataloge und Reiseprospekte der IBUSZ in die Welt; es wurde auch Werbung für ungarische Veranstaltungen, für Messen, Festivals, Festwochen oder Sportereignisse gemacht. An der Werbung beteiligten sich zudem Verkehrsunternehmen und -organisationen, allen voran die MÁV. Sie hatte Fahrkartenbüros in fast allen grossen westeuropäischen Städten und in den grössten Städten Bársony Oszkár, Utazás és idegenforgalom – tegnap – ma és holnap (Reise und Tourismus – gestern – heute und morgen), Budapest: Magyar Cobden Szövetség, 1934, p. 23. 20 «Idegenforgalmi kérdések a főváros parlamentje előtt (Tourismusfragen vor dem Parlament der Hauptstadt)», A Szálloda [Das Hotel], n° 1, 1938, p. 1. 19 413 Márta Jusztin der Vereinigten Staaten. Dort standen den Besuchern Reisekataloge von IBUSZ sowie Prospekte und Veranstaltungskalender des hauptstädtischen Fremdenverkehrsamtes zur Verfügung, dessen Wände mit Plakaten von Ungarn geschmückt wurden und dessen Angestellte über Einzelheiten Auskunft geben konnten. Die Fahrgäste fanden Werbematerialien in ungarischer und deutscher Sprache über die Sehenswürdigkeiten von Ungarn sowie über Kulturund Sportereignisse entlang der MÁV-Strecken. Die Effektivität dieser Aktion war jedoch umstritten. Umso mehr wusste das ständig finanziell notleidende touristische Landesamt das Angebot des ungarischen Aeroverbandes zu schätzen. Dieser besass eine Namensliste mit Adressen ausländischer Privatflugzeugbesitzer und Mitgliedern von Aeroclubs, die er dem touristischen Landesamt zur Verfügung stellte. Die Liste enthielt die Angaben von Personen aus Frankreich (707 Personen), aus England (750), aus Belgien (42), aus der Schweiz (36), aus den Niederlanden (29), aus Österreich (20) und aus Deutschland (14). Damit verfügte das Landesamt über ungefähr 5’400 Adressen, an die es sein Werbematerial in viel effektiverer Weise per Post versenden konnte. Fazit Zwischen Verkehr und Tourismus bestand in der Zwischenkriegszeit eine komplexe, vielfältige und keineswegs lineare, sich nur auf die Mobilität konzentrierende Beziehung. Dabei gingen die grösseren Impulse in diesem Zeitraum zweifellos vom Verkehr aus, der im Tourismus eine grosse Entwicklung auslöste. Diese Wechselwirkung weist ein Grundmuster auf. Zunächst einmal initiierte und bestimmte der Verkehr die Entwicklung des Tourismus allein durch die neue Art der Mobilität. Das Eisenbahnnetz ermöglichte die Erschliessung von neuen Gebieten und trug zur Herausbildung von neuen Angeboten bei. Die während der ganzen Periode hindurch wichtigste Verkehrsgesellschaft, die Königlich Ungarischen Staatsbahnen, förderten den Tourismus durch verschiedene Fahrkartenermässigungen sowie durch die Bereitstellung und Organisation von Sonderzügen. Diese Aktionen wiederum generierten für die MÁV neue Einnahmen. Eine weitere Ebene der Kooperation zwischen dem Verkehr und dem Tourismus war die Beteiligung der Verkehrsunternehmen an Organisationsarbeiten im Tourismus. Schon im 19. Jahrhundert hatte die Staatseisenbahngesellschaft eine Abteilung für die Abwicklung von touristischen Aufgaben gegründet, die auch in der Zwischenkriegszeit 414 Wechselwirkungen zwischen Verkehr und Tourismus in den Zwischenkriegsjahren in Ungarn bestehen blieb. Die MÁV etwa war in allen touristischen Gremien vertreten. Dabei wurde die Tatsache ausgenutzt, dass die Reise mit einem modernen Verkehrsmittel an und für sich einen Erlebniswert hatte. Um zusätzliche Attraktionen erweitert wurden Reisen dann als Programm angeboten, sei es auf der Schiene, auf der Strasse oder auf dem Wasser. Die grössten Verkehrsunternehmen und Verkehrsvereine beteiligten sich am touristischen Marketing und stellten ihre internationalen Netzwerke in den Dienst der Tourismuswerbung. Durch ihre eigenen Werbematerialien entlasteten sie die kleinen Budgets der Tourismusorganisationen. Der Verkehr war damit ein wichtiger, treibender Faktor des modernen ungarischen Tourismus in den Zwischenkriegsjahren. Die Investitionen im Verkehr und das Erscheinen von Verkehrsunternehmen auf dem touristischen Markt generierten Einkommen und schufen Arbeitsplätze. Die Interessen der beiden Wirtschaftszweige über schnitten und überlagerten sich auf vielfältige Weise; von der resultierenden Synergiewirkung profitierten alle Beteiligten. 415 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres – Entre efforts de coordination et freins concurrentiels Cédric Humair, Université de Lausanne Mathieu Narindal, Université de Neuchâtel Abstract : Encouraging tourist traffic was a central challenge for hotels and transport firms in the interwar years. During this period of crisis, they sought to increase profits by attracting a greater number of travellers. What measures were taken to that end, how the various bodies in the tourism sector interacted, what the results were of the cooperation set up to encourage mobility, and what role the principle of supply coordination played are all questions this paper seeks to answer. Le 9 février 1922, Adolf Angst, directeur de l’hôtel Schweizerhof à Saint-Moritz, prononce un discours dans le cadre de l’Assemblée des délégués de la Société suisse des hôteliers. Évoquant la crise que traverse alors l’hôtellerie helvétique, il souligne que la compétitivité de la branche dépend étroitement de facteurs liés à la mobilité : « Im Grossen und Ganzen sind die Klagen nicht gegen die Hotel lerie gerichtet, sondern nur gegen das, was drum und dran ist, und die Italiener treffen wohl das Richtige, wenn sie in ihrer klaren und so konzisen Sprache sagen, jedesmal, wenn von der Schweiz die Rede ist : Non è il prezzo di pensione, o l’albergo che incute il terrore, è la strada che uccide ! und lassen wie so manche Europäer unser herrliches Land links liegen, weil sie ohne weiteres herausfühlen, dass sie nicht vom Hotel, sondern von aller Kleinigkeiten, den Extras, der Strasse, der Bahn usw. ausgebeutet werden. » 1 1 Angst Adolf, « Zur Reduktion der Hotelpreise », Revue suisse des hôtels, 9 mars 1922. 417 Cédric Humair, Mathieu Narindal Le problème des hôteliers est qu’ils ne maîtrisent pas la qualité de l’offre de transport, dont dépend largement leur capacité concurrentielle ; ils sont donc contraints de collaborer avec les prestataires de services et les collectivités publiques, qui seuls peuvent modifier les conditions-cadre de la mobilité touristique. L’objectif de la présente contribution est d’étudier la façon dont les différents acteurs du système touristique suisse ont encouragé la mobilité afin de soutenir la demande. À partir des années 1880, cet effort est progressivement pris en charge par des organismes collectifs – souvent des associations – qui entretiennent des relations non seulement entre eux, mais également avec le champ étatique. Un véritable réseau de coopération est instauré, qui a notamment pour but de mieux coordonner l’offre et de l’adapter aux besoins des touristes. La combinaison plus efficace des différentes composantes du système de transport (horaires, billets communs) est au centre des préoccupations. Par la suite, la création de produits intégrant transport, hébergement et divertissement (voyages à forfait) devient également un enjeu central. Si l’élaboration de mesures visant à renforcer l’attractivité de l’offre de mobilité sur territoire suisse s’avère primordiale pour résister à la concurrence de l’étranger, elle se heurte aux divergences d’intérêts des différents acteurs, qui ont parfois beaucoup de peine à s’entendre. Nous analyserons ce phénomène complexe en nous focalisant sur l’action de la coopérative Hotelplan, fondée en 1935. Cette agence de voyages, dont le concept de vacances accorde une importance toute particulière à la mobilité, cherche à dynamiser le réseau de coopération en place ; elle doit toutefois faire face à de fortes résistances. Tourisme et mobilité : enjeux et acteurs L’importance de la mobilité dans le domaine du tourisme a déjà été largement traitée dans l’historiographie suisse 2. Les synergies entre transport et tourisme, en particulier, ont fait l’objet de nombreuses études de cas ainsi que d’analyses plus théoriques 3. Il suffit donc ici de souligner les principales fonctions assumées par le transport passager Tissot Laurent, « D’une Suisse aimée à la Suisse aimante. Tourisme, transport et mobilité dans l’historiographie économique de la Suisse aux xixe et xxe siècles », Traverse, n° 1, 2010, p. 156‑170. 3 Tissot Laurent, « Développement des transports et tourisme : quelles relations ? », Revue suisse d’histoire, n° 1, 2006, p. 31-37 ; Bertho Lavenir Catherine, « Développement des transports et transformations du tourisme. Du bateau à vapeur à 2 418 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres dans le système touristique 4. Premièrement, il détermine l’accessibilité des lieux de villégiature, remplissant par là même un objectif essentiel : faire venir le touriste. Deuxièmement, le transport contribue au confort du touriste et à la qualité de son séjour en lui permettant de se déplacer sans peine à proximité du lieu d’hébergement. Troisièmement, le transport est un élément essentiel du système de divertissement ; il permet au touriste d’effectuer des excursions et de pratiquer des activités sportives, ce qui agrémente son séjour et tend à le prolonger. Enfin, les technologies du transport peuvent avoir une fonction publicitaire. Exerçant une certaine fascination sur la clientèle, les innovations techniques sont utilisées comme argument de vente. Les milieux hôteliers ont donc un intérêt fondamental à améliorer l’offre de transport. Les démarches qu’ils effectuent dans ce sens ont trois visées principales : baisser le prix de la mobilité des touristes, augmenter l’efficacité du transport (vitesse, correspondances, intermodalité) et améliorer sa qualité (confort des véhicules, trains de nuit, wagons-restaurants, revêtement des routes). De leur côté, les entreprises de transport ont également intérêt à voir augmenter le flux de touristes, qui tend à accroître la rentabilité de leurs infrastructures. Selon Paul Bairoch, le tourisme contribue grandement à placer les chemins de fer suisses en tête des réseaux nationaux à fort transport passager ; il estime qu’en 1913, 19 % des usagers sont des touristes étrangers 5. Cette dépendance est encore plus aiguë pour certaines compagnies de navigation et de chemins de fer de montagne, qui vivent essentiellement, voire exclusivement, de la clientèle touristique. Bien que les acteurs de l’hôtellerie et du transport aient en principe intérêt à coopérer, leurs relations ne sont pas dénuées de contradictions. L’essor de nouvelles formes de mobilité peut tout aussi bien favoriser certains hôteliers que leur nuire, suivant qu’il touche leur région ou une zone concurrente. Un autre risque est que l’excès de mobilité tue le séjour : certaines offres de transport peuvent inciter les touristes à passer leur temps dans les trains et les autocars, sans plus l’automobile : évolution d’un “système socio-technique” (xixe-xxe siècles) », Traverse, n° 1, 2008, p. 79‑93. 4 Humair Cédric, « The hotel industry and its importance in the technical and economic development of a region : the Lake Geneva case (1852-1914) », Journal of Tourism History, n° 3, 2011, p. 237‑265 (ici 245‑252) ; Humair Cédric, « Ville, tourisme et transport : la Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy (1869‑1914) », Entreprises et Histoire, n° 47 (Le tourisme), juin 2007, p. 11‑25. 5 Bairoch Paul, « Les spécificités des chemins de fer suisses des origines à nos jours », Revue suisse d’histoire, vol. 39, 1989, p. 35‑57 (ici 50). 419 Cédric Humair, Mathieu Narindal s’arrêter pour dormir et consommer. Quant aux compagnies de transport, elles doivent parfois s’opposer aux revendications des hôteliers, afin de ne pas péjorer leur propre rentabilité. De fait, la baisse des tarifs risque d’engendrer des pertes supérieures aux gains provoqués par une augmentation du nombre de passagers ; quant aux investissements nécessaires à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité du transport, ils peuvent causer des frais supérieurs à la hausse desrecettes. Après avoir analysé les enjeux liés à l’encouragement de la mobilité touristique, voyons quels sont les acteurs collectifs concernés par cette problématique. À l’image d’autres secteurs de l’économie suisse, les milieux de l’hôtellerie et du transport commencent à s’organiser au sein d’associations privées d’envergure nationale durant les dernières décennies du xixe siècle 6. L’Association des chemins de fer suisses (1860‑1909), qui regroupe les grandes compagnies ferroviaires privées, est la première à voir le jour, bientôt suivie de l’Union des chemins de fer secondaires suisses (UCSS 1889), qui devient l’Union des entreprises suisses de transport (UEST) en 1925, et de l’Union des funiculaires suisses (UFS 1900). Les milieux de l’automobile leur emboîtent rapidement le pas avec le Touring Club Suisse (TCS 1898) et l’Automobile Club Suisse (ACS 1900), de même que le transport sur eau avec l’Association des entreprises suisses de navigation (AESN 1898). Fondée en 1882, l’organisation nationale des hôteliers est réformée en 1891 et inscrite sous le nom de Société suisse des hôteliers (SSH) au registre du commerce. Quant à l’Union suisse des sociétés de développement (USSD 1893), elle joue le rôle d’association faîtière des sociétés de développement locales et régionales, aussi appelées Kurou Verkehrsvereine en Suisse alémanique. De par la faiblesse de ses capacités financières et organisationnelles, cette association reste toutefois un acteur marginal du champ analysé. Malgré la création d’associations à caractère national, la coopération en matière de mobilité touristique reste longtemps cloisonnée à l’échelle régionale. L’influence qu’exercent les milieux touristiques sur le processus décisionnel des grandes compagnies ferroviaires privées est très limitée. L’Association des intérêts de Genève, ancêtre de Genève Tourisme, s’en plaint amèrement : Pour un aperçu des acteurs collectifs du tourisme, Gölden Hubert, Strukturwand lungen des schweizerischen Fremdenverkehrs 1890‑1935, Zurich : Girsberger, 1939, p. 308‑334. 6 420 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres Réseau de coopération actif dans le champ de la mobilité touristique durant les années 1930 1) Les organismes suivants sont membres de l’Association nationale suisse pour le développement du tourisme (ANDT) en 1939 : Office fédéral des transports, SSH, FST, AESN, CFF, UEST, PTT, ACS, TCS. 2) Les organismes suivants sont membres de la Fédération suisse du tourisme (FST) en 1938 : SSH, ONST, AESN, CFF, UEST, PTT, ACS, TCS, ASPA. « Transports. Le plus ingrat de tous les chapitres de notre activité. Car malgré toutes nos peines et nos démarches, nous n’obtenons rien. Chacune de nos requêtes demandant une amélioration pour le service des trains, soit au PLM [Paris-Lyon-Méditerranée], soit au J-S [Jura-Simplon], est suivie d’un refus ou d’une explication nous prouvant clair comme le jour que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Bienheureux sommes-nous encore lorsqu’on répond à une lettre. C’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer et il n’y a rien à espérer. » 7 Archives de Genève Tourisme, Rapports du comité à l’assemblée générale, livre 2‑18 (1887‑1903), 2 février 1903, p. 31. 7 421 Cédric Humair, Mathieu Narindal La création des Chemins de fer fédéraux (CFF 1902) modifie quelque peu la donne. Certes, la régie fédérale est très puissante, mais sa dimension politique l’oblige à être à l’écoute du reste de l’économie, dans un esprit de service public. Ainsi, en 1910, est créée la Conférence commerciale des entreprises de transport suisses (CCETS), qui regroupe les acteurs du transport, les usagers et l’administration fédérale 8. Bien que la SSH ne soit pas directement représentée dans cette organisation, elle y obtient un siège via l’Union suisse du commerce et de l’industrie, dont elle est membre depuis 1892 9. Par ailleurs, le poids de l’hôtellerie au sein du réseau de coopération est renforcé par le boom touristique de la Belle Époque et la montée en puissance de la SSH, qui représente 62 % de l’offre de lits en 1905 10 et dispose d’un organe de presse propre, la Revue suisse des hôtels. Avant le premier conflit mondial, le bilan de l’action des milieux touristiques demeure toutefois modeste. Les succès les plus probants sont enregistrés dans le domaine des tarifs spéciaux accordés par les compagnies ferroviaires 11. Un réseau de coopération sous tension : crise de l’entre-deux-guerres et montée de la concurrence internationale Durant l’entre-deux-guerres, le réseau de coopération qui unit les acteurs de l’hôtellerie et des transports est mis sous tension par la violente crise que traverse alors le tourisme suisse 12. La situation est d’autant plus préoccupante que la concurrence étrangère ne cesse de se renforcer. Les États voisins – Autriche, Allemagne et Italie – instaurent des mesures protectionnistes destinées à retenir les touristes indigènes sur le territoire national. Par ailleurs, ils cherchent à attirer les touristes étrangers – notamment les Suisses – par des mesures de dumping : en 1935, Riniker Hans, Entstehung und volkswirtschaftliche Bedeutung der Schweizerischen Eisenbahnverbände, Wallisellen : H. Albrecht, 1930, p. 149‑155. 9 Oskar Hauser (1867‑1935), président de la SSH de 1909 à 1915, membre de la Chambre suisse du commerce (USCI) de 1912 à 1935, est délégué de l’USCI à la CCETS de 1910 à 1922. 10 Senn Henri-Georges, La Suisse et le tourisme, Lausanne : Payot, 1918, p. 80. 11 Branger Conrad, Tarifmassnahmen der Schweizer Bahnen zur Förderung des Fremdenverkehrs, Berne : Stämpfli, 1949, p. 27‑29. 12 Pour une analyse de l’évolution conjoncturelle du tourisme suisse, Humair Cédric, « Introduction », in Humair Cédric, Tissot Laurent (dir.), Le tourisme suisse et son rayonnement international. « Switzerland, the playground of the world », Lausanne : Antipodes, 2011, p. 17‑24, p. 52‑54. Sur la crise des années 1930, Schumacher Beatrice, « Krise im Reiseland par excellence : zum Umgang mit Krisen von Hotellerie und Fremdenverkehr in der Schweiz », Traverse, n° 1, 1997, p. 81‑96. 8 422 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres les groupes de touristes étrangers de plus de vingt-cinq personnes se rendant en Italie en chemin de fer bénéficient par exemple d’un rabais de 70 % sur le prix du trajet en territoire transalpin 13. Confrontés à cette situation, les milieux du tourisme s’efforcent d’améliorer l’efficacité de leur action en renforçant leur organisation. En 1917, l’Association nationale pour le développement du tourisme (ANDT) voit le jour, qui dynamise la propagande touristique en créant l’Office national suisse du tourisme (ONST). Dès la réorganisation de la CCETS, en 1920, un membre de l’ONST y représente le tourisme. En 1930, un groupe parlementaire interpartis est créé sous la dénomination « Transport, tourisme et hôtellerie » (TTH) 14 ; il permet de peser sur les décisions des autorités politiques et des régies. En 1932, un pas supplémentaire est franchi avec la constitution d’une organisation faîtière, la Fédération suisse du tourisme (FST). Tous les acteurs essentiels du champ y sont représentés ; la voix du tourisme s’en trouve unifiée et renforcée 15. La politique de crise que mènent les milieux hôteliers, en étroite collaboration avec l’État central, poursuit quatre objectifs : limiter l’offre, faciliter le crédit, intensifier la promotion touristique et encourager la mobilité des personnes 16. En 1915 déjà, le marché hôtelier est régulé par la Confédération, qui limite la construction de nouveaux établissements de séjour. Ce cadre légal permet à la SSH, réorganisée en 1919, de constituer un cartel de prix efficace, dont la stratégie est de maintenir l’hôtellerie suisse dans un créneau de haute qualité 17. Afin d’éviter les faillites, la Confédération adopte plusieurs dispositions légales qui allègent les obligations des hôteliers vis-à-vis de leurs créanciers. En 1921, elle fournit la moitié du capital nécessaire à la création de la Société fiduciaire suisse pour l’hôtellerie, qui a pour but d’aider les entreprises en difficulté à assainir leur dette et financer Archives fédérales suisses (AFS), E7170A 1000/1069, dossier 818 : Massnahmen anderer Länder zugunsten ihrer notleidenden Hotelindustrie, document intitulé « Massnahmen zur Förderung des Fremdenverkehrs in andern Ländern » (du 12 février 1935). 14 Gnägi Rudolf, « Fremdenverkehr, Parlament und Parlamentarische Gruppe für Verkehr, Tourismus und Hotellerie », Annuaire des autorités, administrations et entre prises fédérales, 1961, p. 149‑161. 15 Dasen Hans, Entstehung und Entwicklung der gesamtwirtschaftlichen Zusammen schlüsse im schweizerischen Fremdenverkehr, Berne : Stämpfli, 1948. 16 Narindal Mathieu, La Société suisse des hôteliers face aux défis touristiques de l’Entre-deux-guerres, mémoire de master (non publié), Université de Lausanne, 2012. 17 Felix Karl, Preisabreden im schweizerischen Hotelgewerbe, Bâle : SSH, 1934. 13 423 Cédric Humair, Mathieu Narindal leurs investissements 18. La Confédération intervient également dans le domaine de la publicité 19 : l’action de l’ONST, créé en 1917, est massivement soutenue par l’État. Sur le plan de la mobilité, les milieux touristiques s’engagent tout d’abord en faveur du démantèlement des formalités administratives instaurées par une police des étrangers obnubilée par la lutte contre la menace bolchevique et la surpopulation étrangère (Überfremdung) 20. Dans un deuxième temps, ils prient l’État d’agir contre les mesures protectionnistes prises à l’étranger, en particulier la réglementation de la circulation des devises. Enfin, les efforts visant à une amélioration de l’offre de transport sont intensifiés. Les milieux touristiques obtiennent la réintroduction d’offres favorables au tourisme que les CFF avaient supprimées pendant la guerre, puis la mise en place de nouvelles mesures 21. La plus importante d’entre elles est le rabais de 10 % sur les tarifs appliqués aux touristes étrangers, qui est introduit durant l’hiver 1931/32. La remise est ensuite portée à 30 % en 1933 grâce au soutien financier de la Confédération qui prend en charge la moitié des coûts de l’opération 22. Signalons encore l’introduction d’abonnements généraux de durée limitée et de rabais sur les billets collectifs favorisant les tours organisés. Le tourisme automobile est aussi encouragé. La principale démarche vise à maintenir le prix de l’essence à un niveau plus bas que dans les pays concurrents. L’arrêté du 28 juin 1935 23, qui octroie aux touristes étrangers une remise de 6 cts/l (jusqu’à 300 litres), compense le relèvement des droits de douane sur les carburants pour moteurs décrété le 25 juin. Par ailleurs, les milieux automobilistes et touristiques s’allient pour exiger l’amélioration des routes alpines. Déposée en 1934 avec 147 830 signatures, l’initiative des Alpes est retirée au profit de l’arrêté du 5 avril 1935, qui permet de débloquer dans ce but un subside annuel de 6,5 millions de francs durant la période 1935‑1947 24. Seiler Franz, « Das Hotelhilfsinstitut des Bundes und seine Tätigkeit », in Festgabe für Bundesrat Dr. h.c. Edmund Schulthess, Zurich : Polygraphischer Verlag, 1938, p. 337‑363. 19 Gölden Hubert, Strukturwandlungen…, p. 324‑334. 20 Gast Uriel, Von der Kontrolle zur Abwehr. Die eidgenössische Fremdenpolizei im Spannungsfeld von Politik und Wirtschaft 1915-1933, Zurich : Chronos, 1997. 21 Plusieurs de ces mesures sont discutées au sein de la CCETS, dont les procèsverbaux permettent d’analyser les divergences d’intérêts des différents acteurs ; AFS, E8100B/1973/154, dossiers 135, 137 et 138, Kommerzielle Konferenz, Protokolle. 22 Branger Conrad, Tarifmassnahmen…, p. 122‑142. 23 Recueil officiel des lois et ordonnances de la Confédération suisse, t. 51, Berne : K.-J. Wyss, 1935, p. 505‑506. 24 Sigg Oswald Georg, Die eidgenössischen Volksinitiativen 1892-1939, Einsiedeln : Benziger, 1978, p. 173‑175. 18 424 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres Tout en renforçant la volonté des différents acteurs de coopérer pour contrer la concurrence étrangère, la situation de crise exacerbe les tensions internes. Le « gâteau » que représentent les revenus du tourisme se rétrécissant, chacun veut en garder une « tranche » aussi grande que possible. Dans ce contexte, la croissance de la mobilité touristique routière pose problème. Évaluée à 1 % en 1912 25, la proportion des touristes arrivés sur leur lieu de séjour en véhicules à moteur serait de 15 % en 1925 et de 35 % en 1935 26. L’autocar représente un marché en pleine croissance pour lequel luttent la régie fédérale des postes (PTT 1849) et le secteur privé, représenté par l’Association suisse des propriétaires d’auto-camions (ASPA 1921) et l’Association suisse des propriétaires d’autocars (1938). Voyant leur part du trafic passager diminuer, les chemins de fer cherchent à rendre leur offre plus attractive, mais aussi à obtenir une régulation de la concurrence rail/route. Il s’ensuit un débat scientifique et politique musclé sur la nécessité d’organiser et de réglementer la concurrence entre les deux types de transport 27. La loi sur le partage du trafic, allant dans ce sens, est toutefois refusée en référendum, le 5 mai 1935. En avril de la même année, le champ de la mobilité touristique est bouleversé et dynamisé par l’entrée en scène d’un nouvel acteur. Gottlieb Duttweiler 28, fondateur de la Migros, première chaîne suisse de distribution de produits alimentaires, informe le grand public de son intention de révolutionner le secteur du tourisme 29. Prenant le contre-pied de la SSH, il propose d’améliorer la rentabilité de l’hôtellerie en augmentant les taux de fréquentation, ce qui nécessite non seulement une baisse des prix hôteliers, mais aussi des coûts du transport. Cette logique de massification du tourisme va de pair avec une Schärli Arthur, Höhepunkt des schweizerischen Tourismus in der Zeit der « Belle Époque » unter besonderer Berücksichtigung des Berner Oberlandes, Berne, etc. : Peter Lang, 1984, p. 40. 26 Gölden Hubert, Strukturwandlungen…, p. 39. 27 Piguet Alfred, La concurrence de la route et du rail en Suisse, Morges : Imprimerie E. Maibach-Ramuz, 1928, 157 p. ; Schweiger Georges, Le chemin de fer et l’automobile en Suisse, Genève : Librairie Prior, 1932, 191 p. 28 Gottlieb Duttweiler (1888-1962) bouscule le monde économique et politique suisse. Il révolutionne le commerce de détail par de nouvelles formes de vente et de gestion, devenant l’épouvantail des petits commerçants. Adversaire déclaré des grandes associations économiques et des cartels, il entre en politique pour s’opposer à leur action économique. Élu en 1935 au Conseil national, il fonde en 1936 son propre parti, le Landesring der Unabhängigen. Jost Hans Ulrich, « Gottlieb Duttweiler : un itinéraire politique », in Jost Hans Ulrich, À tire d’ailes, Lausanne : Antipodes, 2005, p. 357‑365. 29 Schumacher Beatrice, Ferien. Interpretationen und Popularisierung eines Bedürf nisses. Schweiz 1890‑1950, Vienne : Böhlau, 2002, p. 233‑282. 25 425 Cédric Humair, Mathieu Narindal nouvelle conception des vacances, centrée sur la multiplication des activités de loisir et l’accroissement de la mobilité des touristes. De fait, la stratégie touristique d’Hotelplan, la coopérative créée pour mettre en œuvre les idées de Duttweiler, consiste à améliorer et à coordonner l’offre de transport, tout en la combinant avec une offre d’hébergement et de divertissement. L’abonnement général régional d’Hotelplan : un exemple de coordination réussie Hotelplan propose un système de vacances à forfait bon marché comprenant trajet en train, hébergement, excursions et accès à des activités de loisir. Il est prévu que les vacanciers voyagent ensemble jusqu’à leur lieu de séjour de façon à bénéficier de rabais de groupe. En revanche, les touristes ont la possibilité de descendre dans l’hôtel de leur choix, pourvu qu’il figure au catalogue d’Hotelplan, et d’utiliser à leur guise les moyens de transport compris dans le forfait. La réalisation du projet, qui intègre dans une offre unique l’hébergement et les différentes formes de mobilité touristique, requiert tant la participation des hôteliers que celle des compagnies de transport. Duttweiler s’emploie à obtenir des premiers, auxquels il offre des garanties financières 30, qu’ils réduisent leurs tarifs en sa faveur. Alors que les dirigeants de la SSH, issus de la grande hôtellerie, perçoivent Hotelplan comme une menace, les petits et moyens hôtels sont plutôt séduits. Parallèlement, Duttweiler demande aux entreprises de transport de s’associer à sa démarche en créant des abonnements généraux à l’échelle régionale. Au cours du mois de mai 1935, Hotelplan parvient à conclure un premier accord avec plusieurs hôteliers et entreprises de transport du Tessin. Début juin, les premiers clients font leur arrivée à Lugano 31. Le forfait de base, qui coûte 65 francs, comprend un billet de troisième classe aller-retour Zurich-Lugano, sept nuitées dans une pension ainsi que l’abonnement général régional 32. Celui-ci permet d’emprunter durant les jours ouvrables les bateaux à vapeur du lac de Lugano, les chemins de fer locaux de Lugano-Tesserete, de Lugano-Dino et de À l’origine, Duttweiler garantit aux propriétaires d’établissements de séjour sous contrat avec Hotelplan un taux de fréquentation de 85 %. 31 Schumacher Beatrice, « “Genuss im Überfluss”. Entwürfe von ‘Massentourismus’ in der Schweiz 1935 bis 1948 », Voyage. Jahrbuch für Reise- & Tourismusforschung, n° 1, 1997, p. 120‑133 (ici 122). 32 AFS, E7170A 1000/1069, dossier 864 : [Hotelplan] Allgemeines (1935‑1938), circulaire du 12 juin 1935 relative à l’arrangement Lugano. 30 426 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres Lugano-Ponte-Tresa, ainsi que les chemins de fer de montagne du Monte Brè et du Monte San Salvatore ; il donne aussi accès à la plage d’Agno. Pour 4,50 francs supplémentaires, le vacancier peut séjourner dans un hôtel plus confortable, entrer au Kursaal ou au cinéma et assister à des spectacles de variétés. Prises de court par la décision des compagnies tessinoises, les deuxième et troisième sections de l’UEST 33 décident de laisser à leurs membres la liberté de proposer une telle offre dans d’autres régions et d’en définir les modalités. Afin d’éviter que les différents pôles touristiques ne se livrent une concurrence dommageable, elles édictent néanmoins une série de directives à respecter 34. Parmi celles-ci, il est spécifié que le forfait ne doit en principe pas comprendre de déplacements en véhicule automobile. Si elle joue le jeu d’Hotelplan, l’UEST fait donc en sorte de ne pas encourager la concurrence que la route fait au rail et au bateau. La coordination voulue par Duttweiler n’est acceptée que parce qu’elle sert l’association dans son combat contre l’automobile. Dès la mi-juin, Hotelplan offre également des séjours en Suisse centrale. Le 4 juillet 1935, Duttweiler parvient à une entente avec la SSH ; il s’engage à s’aligner sur les prix minima de l’association lorsqu’il établit un contrat avec l’un de ses membres. Cet essor ébranle l’industrie touristique ; il inquiète en particulier les grandes agences de voyages étrangères, qui demandent des comptes à leurs partenaires suisses. À l’occasion d’une réunion tenue le 12 juillet, sous l’égide de la FST, leurs représentants se plaignent que l’action de Duttweiler a torpillé leurs campagnes publicitaires et menacent de se détourner de la Suisse 35. Les voyagistes peuvent alors constater que leur aversion envers Hotelplan est partagée par leurs interlocuteurs. Aux yeux des dirigeants de la SSH, le gentlemen’s agreement conclu avec Duttweiler n’évitera pas un avilissement général des prix néfaste à l’hôtellerie. « Duttweilers Aktion sollte nicht Hotel-Plan, sondern Hotel-Ruinplan heissen », lance un de ses représentants. Quant au délégué de l’UEST, L’UEST est divisée en trois sections : la première comprend les tramways, la deuxième les chemins de fer à voie étroite et les funiculaires, et la troisième les chemins de fer à voie normale ; l’association est dirigée par un « Conseil de l’Union », composé d’un président, d’un vice-président et de représentants des trois sections. Bibliothèque nationale suisse (BN), V Schweiz 3128, Verband schweizer. Transportanstalten (dorénavant VST), 104e Conférence, 27 mai 1935, p. 18. 34 VST, 104e Conférence, 27 mai 1935, annexe n° 3. 35 AFS, E7170A 1000/1069, dossier 855 : [Fremdenverkehr] Allgemeines (1933‑1938), Protokoll der Besprechung der Vertreter der ausländischen Reisebüros mit den schweizerischen Verkehrsinteressenten vom 12. Juli 1935. 33 427 Cédric Humair, Mathieu Narindal il laisse entendre que l’organisation n’a autorisé que de mauvais gré la vente d’abonnements régionaux. De manière significative, le communiqué officiel de la réunion appelle l’ensemble des acteurs touristiques à revoir leur collaboration avec Hotelplan 36. Dans le courant de l’été 1935, l’offre de la coopérative s’élargit encore à certaines localités de l’Oberland bernois et de l’Arc lémanique ; en tout, 52 648 forfaits sont vendus, qui représentent 3,1 % du total annuel des nuitées passées en Suisse 37. Quoique la SSH dénigre l’opération, la qualifiant de « fiasco » 38, elle est contrainte d’adapter sa politique cartellaire en permettant un rabais de 10 % sur ses prix minima 39. En décembre 1935, c’est au tour de l’UEST de dresser le bilan du premier exercice d’Hotelplan. Selon Jakob Ammann, président de la commission des tarifs, celui-ci est plutôt positif : « Alles in Betracht gezogen, darf festgestellt werden, dass der mit dem Hotelplan gemachte Versuch für die an den regionalen General abonnementen beteiligten Verwaltungen keinen Verlust, sondern eine Mehreinnahme gebracht hat. » 40 Ce constat pousse l’UEST à accepter la reconduction de l’offre. En janvier 1936, après avoir pris soin de consulter les voyagistes, l’association fixe, de concert avec l’AESN, l’UFS, les CFF et la Rhätische Bahn, les nouvelles consignes à respecter lors de l’élaboration des abonnements régionaux 41. L’UEST maintient les mesures protégeant les lignes de chemins de fer et de navigation à vapeur de la concurrence des véhicules automobiles – en particulier de celle des cars postaux. En 1936, les pôles touristiques de Lugano, de Locarno, du lac des Quatre-Cantons, du Nord-Est de la Suisse, de l’Oberland bernois et de la Riviera lémanique proposent des abonnements généraux régionaux 42. AFS, E7170A 1000/1069, dossier 855…, Resolution (s.d.). Schumacher Beatrice, « “Genuss im Überfluss”…», p. 128. 38 BN, V Schweiz 1521, Schweizer Hotelier-Verein, Vierundfünfzigster Geschäftsbe richt (1935), Bâle : Hans Boehm, 1936, p. 11. 39 « L’Assemblée extraordinaire des délégués du 19 septembre 1935 à Berne », Revue suisse des hôtels, 26 septembre 1935. 40 VST, 105e Conférence, 19 décembre 1935, p. 26. 41 VST, 105e Conférence, annexe n° 2. 42 VST, 105e Conférence, 16 avril 1936, p. 33. 36 37 428 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres Efforts de coordination et freins concurrentiels : le « Passepartout » de Gottlieb Duttweiler L’apparition d’Hotelplan conduit les acteurs traditionnels du tourisme helvétique à considérer avec une attention accrue la possibilité d’intensifier le trafic touristique en coordonnant plus efficacement l’offre de transport et d’hébergement. Dès la saison d’hiver 1935‑1936, l’ONST propose ainsi sa propre gamme de vacances à forfait. Quelque 400 établissements affiliés à la SSH prennent part à cette action 43, qui est considérée comme un succès par l’ANDT 44. Par ailleurs, l’ONST souhaite intéresser les touristes automobiles à ses offres combinées en instaurant un système de bons pour des repas d’hôtels 45. Hotelplan conserve toutefois l’initiative en développant un nouveau projet très ambitieux de coordination de la mobilité. Au printemps 1936, Gottlieb Duttweiler suggère à l’UEST la création d’un titre de transport permettant d’utiliser du lundi au samedi l’ensemble des lignes de bateaux à vapeur et de chemins de fer secondaires de Suisse – voies étroites, crémaillères, funiculaires –, à l’exception de certains tronçons particulièrement coûteux 46. Le prix de ce « Passepartout », destiné à constituer un argument publicitaire choc, serait très modique (7 francs pour les touristes étrangers et 10 à 12 francs pour les habitants du pays) ; seuls les touristes séjournant au moins une semaine en Suisse y auraient droit. Duttweiler se dit prêt à couvrir les pertes éventuelles des compagnies de transport jusqu’à hauteur d’un million de francs, à condition que les autres acteurs du système touristique s’associent à l’action. Il exige ainsi des hôteliers qu’ils appliquent leurs prix minima aux touristes munis de l’abonnement ; les compagnies exploitant les lignes d’accès – CFF, Berne-Loetschberg-Simplon (BLS), Rhätische Bahn, Montreux-Oberland Bernois, etc. – devraient leur consentir un rabais. « Auszug aus dem Protokoll der Verhandlungen des Zentralvorstandes S.H.V. vom 12./13. November 1935, im Hotel Metropol, Bern », Revue suisse des hôtels, 21 novembre 1935. 44 Schweizerisches Wirtschaftsarchiv (SWA), Bv L IX 1, Schweiz. Verkehrszentrale. Jahresberichte – 1939 : Nationale Vereinigung zur Förderung des Reiseverkehrs, Achtzehnter Jahresbericht für den Zeitraum vom 1. Januar bis 31. Dezember 1935, p. 9. 45 « L’Assemblée extraordinaire des délégués du 19 septembre 1935 à Berne », Revue suisse des hôtels, 26 septembre 1935. 46 AFS, E7170A 1000/1069, dossier 869 : Passepartout-Projekt Duttweiler (1936), lettre de la Coopérative Hotelplan à l’UEST du 4 mars 1936. 43 429 Cédric Humair, Mathieu Narindal Le 6 mars 1936, la commission tarifaire de l’UEST se penche sur le projet de Duttweiler 47. L’impact publicitaire qu’aurait le Passepartout est reconnu. Cependant, selon les experts, son introduction ne saurait faire gonfler le flux de touristes étrangers. Quant au prix projeté, il est considéré comme insuffisant. La décision de dire non à l’abonnement général repose toutefois sur d’autres considérations. L’UEST estime en effet que la nouvelle offre favoriserait la route aux dépens du rail : désireux de profiter le plus possible du Passepartout, un voyageur préférerait l’automobile, gage de rapidité et de flexibilité, aux chemins de fer de plaine pour gagner les lignes de montagne. Afin de légitimer son veto à l’encouragement du tourisme automobile, la commission invoque l’intérêt général : « Verbilligtes Benzin, verbilligte Hotelpreise, Gratisbenutzung der mit ungezählten Millionen […] ausgebauten Strassen und nun dazu noch Bergbahnfahrpreise, die kaum die Mitläuferkosten decken ! Das ist gewiss verlockend für den ausländischen Automobilisten. Aber was fällt dann noch für die schweizerische Volkswirtschaft ab ? » 48 La SSH réagit elle aussi de manière mitigée au projet de Passepartout. « Grundsätzlich kann Ihr Projekt von uns nur begrüsst werden », écrit à Duttweiler le directeur de l’association. Marquant sa solidarité avec l’UEST, la SSH affiche toutefois son opposition au barème de prix : « Mit den Transportanstalten sind wir indessen der Ansicht, dass unsere Bahn- und Schiffahrtsunternehmungen keine Ausverkaufspolitik treiben können. » 49 À sa publication dans la Revue suisse des hôtels, cette prise de position est précédée d’un billet critiquant l’attitude individualiste de Duttweiler et le manque de précision de son projet. L’opposition à son abonnement général ne décourage pas Gottlieb Duttweiler, qui obtient de le défendre au sein de l’UEST 50. À cette occasion, le nouveau titre de transport est rejeté par trente-huit voix et une abstention ; il est cependant décidé de nommer une commission chargée d’étudier la réalisation d’un tel abonnement. Mettant à profit ce sursis, Gottlieb Duttweiler apporte plusieurs modifications à son AFS, E7170A 1000/1069, dossier 869…, lettre de l’UEST à la Coopérative Hotelplan du 13 mars 1936. 48 AFS, E7170A 1000/1069, dossier 869…, lettre de l’UEST à la Coopérative Hotelplan du 13 mars 1936. 49 « Zum neuen Vorschlag Duttweiler », Revue suisse des hôtels, 19 mars 1936. C’est sous ce titre qu’est reproduite la lettre, datée du 13 mars, envoyée par Max Riesen, directeur du Bureau central de la SSH, à Gottlieb Duttweiler. 50 VST, 105e Conférence, 20 mars 1936, p. 31‑33. 47 430 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres projet durant l’été 1936. En guise de concession, l’homme d’affaires zurichois élève le prix d’achat du forfait ; il prévoit également une participation financière de l’État. Afin de valoriser certaines régions et de protéger les réseaux de plaine, Duttweiler intègre de nouvelles lignes touristiques – y compris certains parcours d’autobus postaux – ainsi que des tronçons desservis par les CFF et le BLS. Le Passepartout révisé n’en est pas moins mal accueilli par l’UEST. D’après Jakob Ammann, il est encore bien trop profitable aux automobilistes. Le président de la commission des tarifs suggère trois corrections susceptibles de rendre l’abonnement acceptable : porter le prix à 30 francs pour les indigènes et à 20 pour les étrangers, accroître la contribution financière de la Confédération et obliger tout acheteur d’un Passepartout à conclure un abonnement demi-tarif sur les lignes non touristiques 51. Tout en limitant les risques financiers des compagnies de transport, les propositions d’Ammann feraient payer aux automobilistes des prestations dont ils n’ont nullement besoin. Autrement dit, la route financerait le rail. Ce contre-projet n’est toutefois pas retenu par la commission d’études de l’UEST qui, dans son rapport du 11 décembre 1936, conclut à un refus du Passepartout 52. La dévaluation du franc suisse du 26 septembre 1936, qui a fait naître l’espoir d’une relance du tourisme suisse, conforte cette attitude de fermeture dictée par des considérations financières et concurrentielles. Le 17 décembre 1936, alors que le Conseil national débat du déblocage de 30 millions de francs pour lutter contre le chômage, Gottlieb Duttweiler tente une dernière démarche. Fraîchement élu au sein de l’institution parlementaire, le promoteur touristique propose un amendement autorisant la Confédération à se servir de cette somme pour encourager la mobilité 53. Le Zurichois espère bien sûr que l’État finance en partie le Passepartout, dont il explique les tenants et aboutissants à ses pairs. Le conseiller fédéral Hermann Obrecht refuse toutefois de soutenir un projet que les principaux acteurs du tourisme ne défendent pas. Ses arguments font mouche : malgré les récriminations de Duttweiler, l’amendement est repoussé. Le 23 décembre 1936, suivant les recommandations de sa commission d’études, l’UEST refuse VST, 106e Conférence, 10 septembre 1936, p. 25‑29. AFS, E7170A 1000/1069, dossier 869…, Vorschlag des Herrn Nationalrat Duttweiler auf Schaffung eines schweizerischen Passepartout für Bergbahnen und Schiffe. Exposé der von den Transportunternehmungen eingesetzten Kommission zur Prüfung dieses Vorschlages, 11 décembre 1936. 53 Bulletin sténographique de l’Assemblée fédérale, Conseil national, 1936, p. 1456‑1460. 51 52 431 Cédric Humair, Mathieu Narindal à son tour l’introduction du Passepartout 54. La SSH, dont la direction est toujours aussi hostile au fondateur d’Hotelplan, est loin de déplorer cette décision. En janvier 1937, un article de la Revue suisse des hôtels, qui revient sur le projet d’abonnement, en fait le procès 55. Motivés par des considérations concurrentielles, les acteurs établis du réseau de coopération parviennent donc cette fois à entraver la dynamique de coordination de la mobilité touristique impulsée par Duttweiler. Suite à cet échec, la coopérative Hotelplan rentre dans le rang. Elle entame un processus d’intégration au sein du système touristique en place et devient rapidement une agence de voyages comme une autre 56. Encourager la mobilité touristique : succès et limites du réseau de coopération suisse Le fait que le succès d’une destination touristique tienne pour une grande part à l’existence d’une offre de mobilité attractive a donc poussé les différents acteurs suisses du transport et de l’hébergement à collaborer, en dépit d’intérêts parfois contradictoires. À partir de 1880, des acteurs collectifs prennent en charge les efforts d’amélioration de l’offre de transport et son adaptation aux besoins du tourisme. La mobilité touristique entre ainsi dans l’ère du capitalisme organisé 57 : un véritable réseau de coopération, reliant les associations, les régies fédérales et le champ étatique, est progressivement établi. Dans un premier temps, les résultats obtenus sont modestes. Cependant, sous l’effet de la crise de l’entre-deux-guerres, l’organisation des milieux touristiques se renforce et les relations entre les acteurs du réseau s’intensifient. Grâce à l’intervention toujours plus massive de la Confédération, l’offre de transport est améliorée en termes de coût, d’efficacité et de qualité. Dans ce contexte, la dynamique visant à coordonner les différents types de mobilité et à intégrer les offres de transport et d’hébergement reçoit une forte impulsion et débouche sur quelques résultats notables, parmi lesquels la mise en place d’abonnements généraux régionaux. Toutefois, en l’absence d’une VST, 107e Conférence, 23 décembre 1936, p. 24‑29. Dr. E. S., « Der “Passepartout” des Herrn Duttweiler », Revue suisse des hôtels, 7 janvier 1937. 56 Schumacher Beatrice, Ferien…, p. 280‑282. 57 Sur le concept de capitalisme organisé, Winkler Heinrich (éd.), Organisierter Kapitalismus. Voraussetzungen und Anfänge, Göttingen : Vandenhoeck und Ruprecht, 1974. 54 55 432 L’encouragement de la mobilité touristique durant l’entre‑deux‑guerres direction autoritaire du champ touristique par l’État – en cela la Suisse se distingue de certains pays voisins concurrents (Allemagne, Italie, Autriche) –, la coordination de la mobilité se révèle difficile à gérer. D’une part, la volonté des acteurs à coopérer se heurte à des limites liées aux tensions concurrentielles qui les opposent. D’autre part, les associations établies du tourisme suisse tardent à prendre en compte la nécessité d’adapter les conditions de mobilité au phénomène de massification du tourisme qui caractérise l’entre-deux-guerres. Porteuse d’une vision commerciale innovante, la coopérative Hotelplan en fait les frais. L’échec du Passepartout, projet séduisant d’offre multimodale qui aurait constitué un atout de promotion susceptible de relancer le tourisme helvétique à l’étranger, symbolise les limites du système de coopération suisse en matière de mobilité touristique. 433 Résistances à l’utilisation des transports Discours et actions des milieux protestants en Suisse romande de la fin du xixe siècle aux années 1960 Valérie Lathion, Université de Genève Abstract : This paper considers Swiss Protestant circles which, concerned about rest and the sanctification of the Sunday, resisted the democratisation of transport. It examines their 19th century anti-leisure trains discourse and the case of the Yverdon-Sainte-Croix railway that suspended all trains on Sundays until 1919. Their condemnations were echoed during the 1950s and ’60s through the fear caused by the Sunday exodus brought on by the spread of cars. Alors que la question de la coordination des transports suppose une acceptation tacite du concept de la mobilité, il n’est pas inopportun d’étudier les discours et les réalisations de ceux qui contestent en partie le principe de la mobilité pour tous et dans toutes les situations, et qui récusent certaines conséquences de différentes manifestations de la démocratisation des transports. Celle-ci n’a en effet pas manqué de susciter des réticences chez ceux qui ont porté un regard critique sur leur utilisation massive et sans limites. Ces résistances se rencontrent notamment dans les milieux protestants soucieux de philanthropie. Nous désirons dans un premier temps mettre en lumière en Suisse la pratique des trains de plaisir et billets à prix réduit à la fin du xixe siècle comme exemple d’une première démocratisation des transports, ainsi que nous interroger sur l’argumentation de ceux qui la condamnent, sachant qu’ils se sont autant adressés aux compagnies ferroviaires pour dénoncer les conséquences de leurs pratiques commerciales sur la 435 Valérie Lathion c lientèle et le sort des employés qu’aux autorités et surtout aux usagers afin de les sensibiliser, préfigurant ainsi les mouvements de responsabilisation des consommateurs. Nous examinerons ensuite l’aventure particulière de la ligne ferroviaire Yverdon-Sainte-Croix entre 1853 et 1919 dont le fondateur imposa l’arrêt des trains le dimanche pour des motifs religieux, moraux et philanthropiques. Enfin, nous tenterons d’établir un parallèle avec les interrogations suscitées par la démocratisation de la voiture au début de la seconde moitié du xxe siècle. Nous espérons ainsi pouvoir contribuer à analyser une facette de l’impact social de l’évolution des transports, quelques changements induits par l’accès généralisé à la mobilité et les résistances que sa démocratisation et son succès ont provoquées. Trains de plaisir et billets à prix réduit À la fin du xixe siècle, la démocratisation des transports se manifeste notamment à travers les trains de plaisir et les billets à prix réduit qui attirent les foules le dimanche en Suisse, comme ailleurs en Europe, mais qui provoquent aussi l’ire des chrétiens qui tentent de protéger le jour du Seigneur comme jour de repos pour tous les employés. Par trains de plaisir, nous entendons alors les trains spéciaux transportant le dimanche et les jours de fête les usagers vers des lieux typiques d’excursions et de villégiature, ou vers de grandes fêtes publiques 1. Les excursions dominicales sont aussi favorisées par les billets à prix réduit, introduits par les compagnies ferroviaires afin d’augmenter le trafic des voyageurs. Durant la dernière décennie du siècle, les compagnies suisses se livrent une guerre sans merci et certaines d’entre elles, comme la compagnie Jura-Simplon, proposent des remises jusqu’à 50 % pour un billet valable uniquement le dimanche. C’est parmi les milieux protestants de la tendance évangélique que se manifestent de vives critiques contre ces pratiques qui témoignent autant de stratégies commerciales de la part des compagnies concurrentes, que d’une volonté de faire partager au plus grand nombre les joies des excursions dominicales hors de portée pédestre. Ces critiques s’insèrent dans l’action menée en Suisse et à l’étranger par un réseau associatif en faveur du repos et de l’observation du dimanche qui a été fondé en 1861 à Genève avec la Société pour la sanctification du dimanche. Sur la pratique populaire des trains de plaisir, cf. Tissot Laurent, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la Suisse au xixe siècle, Lausanne : Payot, 2000, p. 198. 1 436 Résistances à l’utilisation des transports Cette association, dont les racines proviennent des foisonnants milieux protestants du Réveil, a poursuivi son action au niveau international avec la Fédération internationale pour l’observation du dimanche créée aussi à Genève en 1876 2. Ce mouvement associatif a, dès ses origines, mené une action que l’on peut qualifier aujourd’hui de lobbyiste pour arriver à ses fins, c’est-à-dire à réglementer le repos dominical afin que tous aient la possibilité de se reposer et de sanctifier le jour du Seigneur. Voulant ainsi réglementer le trafic des marchandises et celui des voyageurs, il a fait pression sur la Confédération afin de garantir, dès 1872, à tous les fonctionnaires et employés travaillant dans les chemins de fer et autres entreprises de transport exploitées ou concédées par la Confédération (bateaux à vapeur, postes, etc.) au moins un dimanche libre sur trois. Le but premier de cette association étant religieux, son idéal est que le dimanche soit consacré au Seigneur, et de ce fait que tout transport non urgent soit évité ce jour-ci. Dans un de ses tracts réimprimé année après année où elle présente ses objectifs, les abus à combattre et édicte des conseils, elle s’élève contre « les excursions lointaines et les voyages du Dimanche que la conscience n’autorise pas à ranger dans les cas de charité et d’urgente nécessité » 3. Malgré cet idéal, elle s’est d’abord concentrée sur le transport des marchandises qu’elle a réussi à limiter, puis a pris le parti d’adopter une vision pragmatique centrée sur le droit au repos des employés en préconisant un système de tournus entre eux. Cette action pragmatique qui a porté ses fruits ne l’a cependant pas empêchée d’avoir un discours virulent sur l’usage des transports et sur leurs utilisateurs, comme en témoignent ses critiques contre la démocratisation des transports par le biais des trains de plaisir et des billets à prix réduit 4. Cependant, que ce soit par la Sur ce mouvement associatif, voir Lathion Valérie, Un dimanche pour Dieu ou pour l’homme ? Une croisade philanthropique et religieuse pour la défense du dimanche chrétien. Modèles et pratiques aux xixe et début du xxe siècles, thèse de doctorat, Genève : Université de Genève (L. 642), 2007. Cette contribution repose d’ailleurs sur les recherches entreprises pour ma thèse de doctorat. Sur le thème du dimanche et du repos hebdomadaire dans une perspective française et européenne, cf. Beck Robert, Histoire du dimanche. De 1700 à nos jours, Paris : Éditions de l’Atelier (Les Éditions Ouvrières), 1997, ainsi que Beck Robert et Brejon de Lavergnée Matthieu (dir.), « Combats autour du repos hebdomadaire (xixe-xxe siècle) », dossier spécial d’Histoire, Économie & Société, n° 3, 2009, p. 1‑122. 3 Fédération pour l’observation du dimanche (ci-après FIPOD), Abus à combattre – Conseils pratiques, [Genève] : [FIPOD], [dès 1876], p. 1. 4 Bibliothèque de Genève (ci-après BGE), Département des manuscrits (ci-après Dpt man.), fonds Alexandre Lombard (ci-après fonds AL), en particulier les cartons 23, 26 et 28. 2 437 Valérie Lathion reconnaissance de l’emploi d’un transport le dimanche dans certains cas ou par l’adoption d’un mode d’action pragmatique, ce réseau associatif ne compte pas parmi ses rangs les plus extrémistes sur ces questions, ceux qui refusent tout transport le jour du Seigneur même s’il n’implique pas le travail d’autrui. Les membres du mouvement dominical furent ainsi contraints d’entrer en polémique avec les sabbatistes qui s’appuyaient sur une interprétation littérale du Décalogue et refusaient toute liberté néotestamentaire, afin de se démarquer de cette position jugée extrémiste 5. En revanche, ils admiraient l’Écosse qui prohibait complètement les transports publics le dimanche et apparaissait ainsi comme un éden perdu, mais aussi comme un idéal inaccessible, un modèle que l’on doit se résoudre à ne pas pouvoir copier en raison de la différence de ce que l’on appelle alors les « mœurs » de l’opinion publique. Dans le discours proposé par les milieux évangéliques, la condamnation de l’usage des transports publics le jour du Seigneur est avant tout religieuse et morale. Les excursions en train ne devraient pas avoir lieu le dimanche puisque ce dernier doit être consacré à la religion et passé en famille, en des lieux où l’on peut se rendre à pied. Il existe ainsi une riche littérature édifiante proposant des modèles d’emploi du temps du « bon dimanche chrétien » 6 dont le déroulement s’ordonne autour d’activités religieuses, familiales et philanthropiques, et dont l’aprèsmidi est consacré à une promenade à pied 7. A contrario, les trains de plaisir et autres trains supplémentaires sont présentés comme des aiguillons au « goût déjà exagéré des fêtes et des déplacements superflus du dimanche », comme « un mauvais exemple donné et une atteinte aux bonnes mœurs de notre peuple » 8. Cette pratique produirait la démoralisation du peuple en favorisant de nombreux vices, sachant que les fêtes publiques de tout genre, y compris les fêtes fédérales des différentes sociétés et associations, tombent également sous le coup de l’anathème 9. Sur la position des sabbatistes, cf. Lathion Valérie, Un dimanche pour Dieu ou pour l’homme ?…, p. 333‑342. 6 Terme communément employé dans les écrits du réseau de la Société pour l’observation du dimanche (ci-après SPOD). 7 Cf. par exemple, [Lemaître Susanne], Le dimanche de la famille. Aux enfants et aux parents, Genève : Société genevoise pour la sanctification du dimanche et Bonnant, 1872. 8 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 26, lettre du comité central de la Société suisse pour l’observation du dimanche aux membres du conseil d’administration du chemin de fer à voie étroite Landquart – Davos du 29 août 1893. 9 BGE, Dpt man., fonds AL, cartons 7, 8 et 9. 5 438 Résistances à l’utilisation des transports Parallèlement à ce discours, le cynisme des compagnies de transports qui proposent à des fins commerciales des billets à prix réduit au mépris des valeurs chrétiennes est aussi dénoncé 10, alors même que certains membres du réseau dominical ou leurs familles ont personnellement des intérêts financiers dans ces compagnies, comme son fondateur, le banquier Alexandre Lombard (1810‑1887). Une activité de lobbying est menée autant auprès des compagnies qu’auprès des autorités fédérales afin de tenter de faire interdire ces pratiques. Alors que ce lobbying avait fonctionné pour obtenir la garantie d’un repos hebdomadaire pour les employés, les pressions exercées semblent n’avoir guère été entendues tant que les compagnies furent indépendantes. C’est avec l’étatisation des compagnies que la direction des tout jeunes Chemins de fer fédéraux décide en 1902 de ne plus autoriser l’organisation de trains de plaisir à taxe réduite, ainsi que les billets du dimanche à prix réduit. À côté des arguments moralistes, d’autres sont aussi utilisés, mettant en exergue les mauvaises conditions de travail subies par les employés surchargés – en particulier lorsque la surcharge est due au succès des billets à prix réduit et des trains spéciaux – et dénaturant la loi sur le repos hebdomadaire, ainsi que le risque élevé, dans ces circonstances, d’accidents. L’accent est ainsi mis sur la sensibilisation – voire plutôt la culpabilisation – des usagers envers le personnel et les risques d’accident. De nombreux articles de journaux dénoncent en parallèle l’esclavage des employés de chemins de fer et l’abus de plaisir de ceux qui bénéficient de leur repos dominical. La sécurité des voyageurs est ainsi mise en cause par la fatigue des travailleurs, si bien que les premiers sont présentés comme les véritables responsables des accidents. La condamnation prend là aussi des accents moralistes : « Le peuple est malade de la contagion du tumulte et des fêtes, et des deux côtés ce ne sera que l’augmentation de catastrophes épouvan tables qui amènera à l’expérience et à la raison. » 11 Les accidents de chemin de fer sont ainsi perçus et présentés comme des punitions divines. Parmi les plus spectaculaires, certains ont justement eu lieu le dimanche, tel l’accident du pont de Münchenstein Cf. par exemple, l’Ami du foyer, 13 octobre 1893. BGE, Dpt man., fonds AL, carton 28, traduction faite par la SPOD d’un article de l’Allgemeine Schweizer Zeitung du dimanche 23 août 1891. Cet article fait suite à un accident ayant eu lieu en août 1891 à Zollikofen (près de Berne), deux mois après la catastrophe de Münschenstein qui émut fortement la population suisse. L’accident de Zollikofen se produisit certes un lundi, mais fut dû à un train spécial affrété pour la fête de Berne. 10 11 439 Valérie Lathion (près de Bâle) qui se produisit le dimanche 14 juin 1891 et qui émut fortement l’opinion publique. Ce pont, construit par Gustave Eiffel, se rompit lors du passage d’un train bondé en raison d’une fête de chant, causant 73 morts et 171 blessés 12. En fin de compte, la sensibilisation des usagers a dépassé le discours purement moraliste puisqu’elle préfigure les mouvements de responsabilisation des consommateurs dont les premiers, telles les ligues sociales d’acheteurs, agissent dans le sillage des actions menées par ceux qui protègent le dimanche 13. L’ensemble de ce réquisitoire contre l’emploi des transports le dimanche s’accompagne finalement d’un désaveu du principe même de la mobilité pour tous durant les jours de repos légal. La vogue des excursions est présentée par ses détracteurs comme une fuite effrénée des individus qui préféreraient s’étourdir loin de chez eux plutôt que de profiter de leur repos hebdomadaire pour se ressourcer spirituellement dans leur propre famille et communauté 14. De nombreuses voix s’élèvent cependant pour justifier le droit de chaque famille de se promener le dimanche même en empruntant des transports publics, et pour se réjouir de la démocratisation des voyages, du reste possible seulement le dimanche, seul jour de repos pour la majorité de la population. Le conseil d’administration du Journal de Genève, par exemple, refuse en 1890 d’insérer dans ses colonnes la lettre de protestation de la Société suisse pour l’observation du dimanche à la Compagnie du Jura-Simplon à propos des billets dominicaux à demi-prix pour ne pas s’associer à une démarche tendant à supprimer, « pour une partie notable de la population qui goûte ce jour-là l’innocent plaisir d’une promenade en famille », les facilités qu’une compagnie ferroviaire consent à lui accorder 15. Les pourfendeurs des excursions dominicales en transports publics restent d’ailleurs prisonniers d’une conception élitiste des voyages puisqu’ils se gardent bien de réclamer l’abolition totale des billets à prix réduit, mais demandent simplement aux compagnies que les billets Cf. notamment la brochure publiée directement après l’accident : Catastrophe de chemins de fer de Mönchenstein [sic] près de Bâle. Dimanche, le 14 juin 1891, Bâle : Thiele, [1891]. 13 Chessel Marie-Emmanuelle, « Aux origines de la consommation engagée : la Ligue sociale d’acheteurs (1902-1914) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 77, janviermars 2003, p. 95‑108. 14 BGE, Dpt man., fonds AL, cartons 7, 8 et 9. 15 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 28, lettre de Marc Debut (direction du Journal de Genève) à la SPOD du 18 juin 1890. 12 440 Résistances à l’utilisation des transports soient valables du samedi au lundi suivant, ce qui les rend inaccessibles aux employés n’ayant qu’un seul jour de repos hebdomadaire, et sert toujours, par ailleurs, les intérêts des compagnies. Leur réprobation envers l’utilisation des transports publics le dimanche par tout un chacun est souvent émaillée, à demi-mot, d’un jugement négatif sur le goût pour les excursions de plaisance du peuple qui devrait se contenter des voyages utilitaires et indispensables. En d’autres mots, si une personne n’a pas d’autre loisir que le dimanche, et qu’en plus son revenu est modeste, alors elle devrait, selon eux, se résoudre à ne pas entreprendre, en train ou en bateau, des excursions lointaines souvent onéreuses malgré les prix réduit. Chemin de fer Yverdon-Sainte-Croix L’idéal d’une suspension des transports en chemin de fer le dimanche qui sous-tend le discours des milieux protestants se réalise en Suisse romande par le biais de la ligne Yverdon-Sainte-Croix, deux localités du Nord vaudois. En novembre 1893, cette ligne de chemin de fer longue de vingt-quatre kilomètres est inaugurée dans la liesse 16. Elle a été entièrement financée – et donc offerte aux communes et à la population – par le riche philanthrope William Barbey sous la condition expresse que l’exploitation soit entièrement suspendue le dimanche. Ingénieur et botaniste, William Barbey (1842‑1914) mena une vaste activité philanthropique de nature évangélique, notamment contre l’alcoolisme, et occupa un siège libéral au Grand Conseil vaudois où il s’opposa à toute intervention de l’État, proposa la suppression des élections le dimanche et tenta de faire interdire le trafic automobile ce même jour 17. On pourrait donc croire que cette entreprise offre entière satisfaction à ceux qui résistent à l’utilisation dominicale des transports, mais en vérité, la situation est plus complexe. Au xixe siècle, c’est vers l’Écosse qui prohibe le trafic public le dimanche que se tournent les regards admiratifs de ceux qui se soucient de repos dominical. Mais les défenseurs du dimanche chrétien sur le continent savent que ce modèle est utopique en Suisse et que sa recherche, même partielle, donnerait une image excessivement Le Nouvelliste vaudois, 18 novembre 1893, 20 novembre 1893 et 21 novembre 1893. Cf. aussi Gazette de Lausanne et journal suisse, 18 novembre 1893. 17 Pour une brève biographie de William Barbey, cf. Tissot Laurent, « Barbey, William », in Dictionnaire historique de la Suisse, article publié en ligne en 2004, URL : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F28777.php. Cf. aussi « William Barbey », Gazette de Lausanne et journal suisse, 19 novembre 1914, p. 1. 16 441 Valérie Lathion réactionnaire à leur action. L’entreprise de la ligne Yverdon-SainteCroix est donc celle d’un homme seul, croyant fermement en son projet et dont la fortune lui permet de réaliser son idéal. Il est d’autant plus seul qu’il détient la quasi-totalité des actions, ayant subi la méfiance des milieux financiers, même celle de certaines banques genevoises protestantes intimement liées aux défenseurs dominicaux. En effet, « tous les banquiers genevois ont refusé de recevoir des souscriptions à Y.S.C en tête Lombard Odier et Cie !!! » 18 Barbey se plaint aussi que la bourse de Genève l’a « boycotté » 19. Finalement, les domiciles de souscription sont sis dans plusieurs localités suisses (dont, quand même, Genève via la Banque fédérale et deux banques privées 20), ainsi qu’à Paris, New York et au Havre 21. L’émission des actions ne semble pas avoir rencontré un vif succès. Les milieux bancaires et les investisseurs n’ont donc pas suivi Barbey, même par idéal, dans une entreprise dont les gains financiers n’étaient pas la priorité puisque la principale manne des chemins de fer provient, à cette époque, du produit des billets vendus le dimanche. De « modestes dividendes » ont pu toutefois être versés, mais après de « longues années » 22. Si, en revanche, les communes concernées ont approuvé le projet et si la Confédération lui a concédé la ligne en transformant sa condition en une clause d’une durée de vingt-cinq ans, c’est avant tout en raison de l’absence de subventions publiques demandées par Barbey. En dehors des communes concernées, les critiques sont toutefois vives, même parmi certains milieux religieux, tels ceux qui défendent une conception plus libérale de la manière de passer le jour du Seigneur 23. Cette querelle théologique risquant de ranimer des controverses stériles entre tendances protestantes rivales reste cependant confinée dans des milieux étroits. Quant à la Société pour BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, lettre de William Barbey à [Élie Deluz, secrétaire des comités genevois, suisse et international de la Société/Fédération pour l’observation du dimanche] du 27 mars 1891. Rappelons que le fondateur du réseau associatif dominical est le banquier Alexandre Lombard, mort quatre ans plus tôt. Deux de ses fils et l’un de ses neveux font aussi partie des différentes associations du réseau. 19 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, lettre de William Barbey à [Élie Deluz] du 30 mars 1891. 20 Ed. Fatio & Cie et Ch. Galland & Cie. 21 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, prospectus d’émissions d’actions de la ligne Yverdon-Sainte-Croix. 22 « William Barbey », Patrie suisse, n° 553, 1914, p. 264. 23 Comme exemple de ce point de vue, cf. Astié Jean-Frédéric, « Questions morales. Chemin de fer vaudois Yverdon-Sainte-Croix », Évangile et Liberté, 2 janvier 1891. 18 442 Résistances à l’utilisation des transports l’observation du dimanche, dont Barbey attendait a priori le soutien inconditionnel, elle encourage dans un premier temps ce projet 24, puis émet des réserves sur ses conséquences réelles en matière de transports et de leur coordination, ainsi que leurs répercussions sur les employés, tout en souhaitant la réussite de l’entreprise 25. En effet, plutôt que de la suppression totale du trafic ferroviaire le dimanche, les membres du comité sont plutôt partisans d’une réduction considérable du trafic des voyageurs afin d’éviter que se mette en place tout un service spécial de transports, notamment pour la poste et pour les « cas pressants ou de charité » 26, au détriment du personnel. Un service de fourgon est d’ailleurs mis en place matin et soir. L’intérêt des employés est donc au cœur du débat puisque William Barbey a toujours motivé la clause de suspension dominicale au nom du repos et du bien-être des travailleurs afin qu’il n’y ait plus d’« esclaves chez nous », en plus de considérations morales et religieuses pour la « sauvegarde de la population » 27. Son fils Camille, qui exploite la ligne après la défection de la Compagnie Jura-Simplon qui s’en est occupée durant trois ans (1893‑1896), se plaint du reste de ce manque de soutien et maintient que le trafic le dimanche n’aurait guère rapporté d’argent en raison des coûts du personnel remplaçant 28. Au début des années 1890, réduire l’accès aux transports, contraindre la mobilité des usagers, résister à l’utilisation massive des transports semble, en dépit des polémiques, plausible même si la motivation première est idéologique (religieuse et morale). Vingtcinq ans plus tard, au moment du renouvellement de la clause, celle-ci apparaît pour beaucoup comme une persistance d’une époque révolue, celle de l’avant-guerre, associée à un homme désormais mort. Bien que d’un point de vue purement financier l’entreprise n’ait pas été compromise par la privation de la manne financière des excursions dominicales, l’expérience n’a pas suscité des émules et est désormais remise en question. L’exclusion forcée des trains de cette compagnie BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, lettre du comité central de la SPOD à William Barbey du 6 novembre 1890. 25 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, lettre du comité central de la SPOD à William Barbey du 5 janvier 1891. 26 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 25, lettre du comité central de la SPOD à William Barbey du 5 janvier 1891. 27 « Inauguration de l’Yverdon-Ste-Croix », Gazette de Lausanne et journal suisse, 18 novembre 1893, p. 1. 28 BGE, Dpt man., fonds AL, carton 56, lettre de Camille Barbey, ingénieur, à Émile Deluz, secrétaire de la FIPOD, du 14 juillet 1896. 24 443 Valérie Lathion pour une partie de la population n’est plus tolérée, même par la presse religieuse qui évoque « ce gênant mode de vie » 29. En un quart de siècle, le débat a aussi évolué parmi les partisans de la sanctification du dimanche qui ne contestent plus systématiquement le désir de passer son jour de repos hebdomadaire, le jour du Seigneur, loin des villes. En effet, l’emploi du dimanche chrétien a bénéficié du renouvellement du discours pastoral du début du siècle qui, au lieu de condamner les délassements hebdomadaires, les loisirs naissants, préfère les encadrer 30. Par ailleurs, l’exploitation d’une compagnie de chemin de fer le dimanche ne paraît pour quiconque comme un obstacle au repos dominical. Personne ne conteste désormais l’efficacité des systèmes de tournus afin que chaque employé bénéficie du repos prescrit par la loi. C’est ainsi que la clause est finalement supprimée par l’assemblée générale des actionnaires de la Compagnie et que le dimanche 27 avril 1919 des trains circulent pour la première fois le jour du Seigneur entre Yverdon et Sainte-Croix. L’exode du week-end L’évolution que nous pouvons constater dans le cadre de l’aventure de la ligne Yverdon-Sainte-Croix à propos du droit pour tous de se promener en train n’importe quel jour de repos, d’élargir son horizon, s’intensifie avec la progression des transports et de la mobilité au xxe siècle. Dans les années 1950‑1960, un écho des condamnations envers les trains de plaisir et les excursions dominicales se retrouve dans les craintes et doutes qu’éprouvent les chrétiens devant ce qui est alors appelé l’exode du week-end. En effet, la démocratisation des transports, et en particulier de la voiture, a introduit des pratiques migratoires hebdomadaires qui suscitent la méfiance de certains chrétiens, mais en invitent aussi d’autres à réfléchir sur la pratique religieuse et sur le rythme cultuel traditionnel, en prenant en compte le fait que le dimanche est désormais « dilué dans la fin de semaine » 31. La question de la mobilité facilitée s’insère, pour les chrétiens, dans celle de la sécularisation de la société qu’ils constatent dans un premier 29 Expression citée autant dans le Journal religieux du 2 septembre 1916 que dans la Semaine religieuse du 10 mai 1919. 30 Lathion Valérie, Un dimanche pour Dieu ou pour l’homme ?…, p. 563‑569. Le terme délassement est alors utilisé selon une dichotomie moraliste d’après laquelle les « bons » et « sains » délassements du dimanche s’opposent aux « mauvais » délassements. 31 Rémond René, « Un chapitre inachevé (1958-1990) », in Le Goff Jacques, Rémond René (dir.), Histoire de la France religieuse. Tome 4. Société sécularisée et renouveaux religieux (xxe siècle), Paris : Seuil, 1992, p. 371‑372. 444 Résistances à l’utilisation des transports temps et qui les invite ensuite à se remettre en cause 32. Les autorités ecclésiastiques doivent ainsi faire face à une érosion de la fréquentation cultuelle, manifestation conjointe de la sécularisation de la société et de l’un de ses effets, l’exode du week-end. La réflexion menée sur ce qu’implique la fuite hebdomadaire des villes, par le rail et surtout par la route, invite à réfléchir sur le concept de la mobilité, en particulier dans une optique existentielle où une critique latente pointe, notamment dans la presse religieuse. Différentes expressions alors utilisées, telles que les « évadés du dimanche » 33, en sont les témoins manifestes. La « banalisation du dimanche » 34 au sein du week-end déplace la perspective de la semaine puisque celui-ci devient dès lors, et surtout grâce à la mobilité, son acmé. Les chrétiens convaincus et leurs autorités ont également conscience que l’Église doit impérativement s’adapter pour éviter d’être prise de court face à ces transformations. Plusieurs enquêtes sont menées en Suisse romande, en particulier une sur la semaine de cinq jours et sur la manière des familles de passer les week-ends, dont les résultats sont publiés dans le journal la Vie protestante au début de 1962 35. L’article oscille entre une critique comme l’exprime son titre (« Les évadés du dimanche »), une crainte devant un phénomène qui risque de miner la pratique religieuse, une résignation devant une nouvelle manière de vivre, mais aussi une certaine tendresse, exprimée par des dessins bon enfant, devant cette « nouvelle mentalité », ainsi qu’une volonté de s’adapter aux mutations de la société 36. C’est finalement ce dernier point qui l’emporte pour les Sur la sécularisation dans le monde protestant romand, cf. Campiche Roland J., Dubach Alfred, Bovay Claude et al., Croire en Suisse(s). Analyse des résultats de l’enquête menée en 1988‑1989 sur la religion des Suisses, Lausanne : L’Âge d’homme, 1992 et Campiche Roland J., Les deux visages de la religion. Fascination et désenchantement, Genève : Labor et Fides, 2004. Pour élargir la question au niveau européen, cf. Rémond René, Religion et société en Europe. La sécularisation aux xixe et xxe siècles, Paris : Seuil, 1998. 33 Selon le titre d’un article publié dans la Vie protestante du 12 janvier 1962 (« Les évadés du dimanche. Une grande enquête sociologique dans l’Église de Genève »), p. 3. Le verbe « évader » est déjà utilisé dans les années 1950 pour les migrations hebdomadaires. Voir par exemple, Vie protestante, 30 septembre 1955. 34 Rémond René, « Un chapitre inachevé… », p. 372. 35 Comme autres exemples d’enquête, cf. notamment, Perret Edmond, La pratique du culte à Genève. Enquête sociologique, Genève : Bulletin du Centre protestant, 1963, 103 p., ainsi que Redalié Raymond, « En vue de la séance des Conseils de l’Église : la paroisse à l’heure du monde. Rapport général tiré des réponses des paroisses », Mémorial des séances du Consistoire de l’Église nationale protestante de Genève, 1967 (supplément). 36 « Les évadés du dimanche. Une grande enquête sociologique dans l’Église de Genève », La Vie protestante, 21 janvier 1962, p. 3. 32 445 Valérie Lathion autorités religieuses puisque, selon elles, il ressort de cette enquête que « ce qu’il faut chercher résolument, c’est trouver les moyens de rencon trer les hommes là où ils se trouvent » 37. Un des moyens d’action serait alors d’inviter les citadins séjournant à la campagne à y fréquenter les cultes et de signaler dans toutes les localités les horaires des services religieux 38, d’où les panneaux de signalisation à l’entrée des localités. Ce souci de rejoindre les fidèles dans leurs déplacements s’exprime déjà dans les résultats initiaux, puisque suite à cette enquête, le journal La Vie protestante publie durant plusieurs semaines de grands articles présentant la liste et les horaires des cultes de Genève et ceux de paroisses vaudoises, valaisannes et françaises 39. L’adaptation des chrétiens à la mobilité dominicale a été progressive puisqu’elle a commencé, comme nous l’avons vu, au début du xxe siècle, s’intensifie avec l’essor des loisirs et se réalise dans la « civilisation des loisirs » 40 de l’après-guerre. Les vives résistances envers l’usage du train le dimanche s’aplanissent avec celui de la voiture le week-end, sans pour autant faire l’économie d’une réflexion qui témoigne d’une grande interrogation devant de nouvelles pratiques qui sont le reflet d’un mouvement de sécularisation et surtout d’individualisation de la société. Conclusion À la fin du xixe siècle, la démocratisation des transports reflétée par le large succès des excursions et des trains de plaisir suscite la méfiance de la part des réformateurs sociaux qui se montrent récalcitrants à l’utilisation des chemins de fer dans le cadre des loisirs naissants. Ces résistances témoignent en quelque sorte d’un déni des nouvelles pratiques populaires. Dans les années 1950‑1960, le recours, le week-end, à la voiture pour sortir des villes, s’en évader, témoigne aussi d’une nouvelle démocratisation des transports et invite les milieux chrétiens à réfléchir sur la question de la mobilité sans en condamner pour autant son principe. L’évolution des manières d’appréhender les Mémorial des séances du Consistoire de l’Église nationale protestante de Genève, séance du 8 février 1963. 38 Mémorial des séances du Consistoire de l’Église nationale protestante de Genève, séance du 8 février 1963. 39 La Vie protestante, 21 janvier 1962 et numéros suivants. 40 Terme communément employé pour la société postérieure à la Seconde Guerre mondiale, cf. par exemple, Rémond René, « Un chapitre inachevé… », p. 371. 37 446 Résistances à l’utilisation des transports pratiques liées à la mobilité le dimanche connaît son époque charnière au tournant du siècle, comme nous le montre l’expérience particulière de la ligne Yverdon-Sainte-Croix entre le moment où la clause restrictive est acceptée et celui où plus personne ne souhaite son maintien. Enfin, notre étude sur certaines résistances à l’utilisation des transports que sa démocratisation et son succès ont provoquées nous invite aussi à nous interroger sur la notion de hiérarchisation des transports, hiérarchisation qui, dans ce cadre historique, a été fixée en fonction de la nature du transport (le trafic des marchandises de première nécessité étant toléré le dimanche, au contraire des autres, et surtout du trafic des voyageurs entrepris pour leur propre délassement) mais aussi de la notion du travail d’autrui (utiliser son propre moyen de locomotion est moins « condamnable » que faire travailler autrui le dimanche). Ne pourrions-nous pas entendre un lointain écho de cette perspective historique dans une certaine hiérarchisation que nous rencontrons aujourd’hui en matière de modes de transports, envisagés cette fois sous l’angle environnemental ? 447 Éditeurs – Editors Gérard Duc : Historien, docteur ès sciences économiques et sociales de l’Université de Genève (2008). Après des séjours scientifiques à l’IDHE de l’Université de Paris Ouest Nanterre-La Défense (2006) et au Seminar für Wirtschafts- und Sozialgeschichte de l’Université de Cologne (2006-2007), il est depuis 2012 maître-assistant à la Maison de l’histoire de l’Université de Genève. Il collabore au projet FNS sur l’histoire des transports et de la mobilité en Suisse et dans les agglomérations de Genève et Bâle (1918 à nos jours). Il a publié sa thèse en 2010 : Les tarifs marchandises des chemins de fer suisses (1850-1913). Stratégie des compagnies ferroviaires, nécessités de l’économie natio nale et évolution du rôle régulateur de l’Etat, Berne : Peter Lang, 2010, 456 p. Olivier Perroux : Docteur ès sciences économiques et sociales (mention histoire économique) de l’Université de Genève en 2003. Publiée en 2006 aux Éditions Slatkine, sa thèse est consacrée aux élites bourgeoises de Genève entre 1814 et 1914. Il a ensuite occupé de 2003 à 2006 un poste de maître-assistant FNS en histoire des populations. Il a rejoint la Maison de l’histoire en 2009. D’abord adjoint scientifique jusqu’en 2012, il travaille depuis cette date sur un projet en histoire des transports et de la mobilité financé par le FNS. Hans-Ulrich Schiedt, Dr., Leiter der Abteilung Forschung von ViaStoria, Zentrum für Verkehrsgeschichte, Universität Bern ; Generalsekretär der Schweizerischen Gesellschaft für Wirtschafts und Sozial geschichte ; Redaktor der historischen Zeitschrift Traverse. Hauptzusammenhang der wissenschaftlichen Tätigkeit ist das Forschungsund Publikationsprogramm «Verkehrsgeschichte Schweiz». 449 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt, François Walter (éd.) François Walter : Professeur honoraire depuis 2013, il a été professeur ordinaire au Département d’histoire générale de la Faculté des lettres de l’Université de Genève entre 1986 et 2012 ; il a fait ses études à l’Université de Fribourg où il a obtenu un doctorat ès lettres en 1981. Avant d’être nommé professeur à Genève, il a successivement été chargé de cours à la Faculté des sciences de l’Université de Fribourg, puis maître-assistant à l’Institut de géographie de cette même université. Il a été professeur invité de nombreuses institutions suisses et étrangères. Dans le cadre de ses recherches sur les processus d’urbanisation de la Suisse et les rapports au territoire, il a étudié le rôle des transports sur la longue durée. Les recherches qu’il entreprend depuis plusieurs années l’orientent vers des problématiques liées tant à l’histoire du paysage et de l’environnement, qu’à la production des identités sociales. 450 Auteurs – Authors Xavier Bernier : Maître de conférences en géographie et agrégé de l’Université, Xavier Bernier étudie les transports en territoires de montagne. Ses recherches l’ont mené sur des terrains variés (Niger, Ethiopie, Népal, Liban, Amérique du Nord, Alpes). Il s’intéresse en particulier à l’analyse spatiale, aux représentations et aux pratiques liées à la mobilité, et aux approches géographiques de la distance. Peter Cox : Senior Lecturer in Sociology at the University of Chester. Prior to re-entering academia, he ran his own cycle business and was involved in a range of campaigning and community organising projects. Since completing his doctoral thesis (2002) his research work has specialised in the area of social change and sustainable transport, especially the vital contribution of cycling and its importance for social justice. He is author of Moving People: Sustainable Transport Development (Zed Books, 2010 [also as In Bewegung: Ist nachhal tiger Personentransport möglich? WBG, 2012]) and was a founder member of the Cycling and Society Research Group, co-editing (with Dave Horton and Paul Rosen) Cycling and Society (Ashgate 2007) as an outcome of this group’s work. Aurélien Delpirou : Maître de conférences en urbanisme et aménagement à l’Institut d’urbanisme de Paris (Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne). Ses travaux portent sur les politiques de développement urbain durable dans les métropoles européennes. Dernières publications sur le thème : « La “thérapie du chemin de fer” à Rome: les impasses de l’articulation entre urbanisme et transport », L’Espace géogra phique, n°2011-4, 2011, p. 352-366 ; « Transport et urbanisme à Rome : 451 Gérard Duc, Olivier Perroux, Hans-Ulrich Schiedt, François Walter (éd.) le mariage de la carpe et du lapin ? », Métropolitiques.eu [article mis en ligne le 19/09/2011]. Sandro Fehr studierte an der Universität Bern Geschichte und Politikwissenschaft. Anschliessend war er als Doktorand im Nationalfondsprojekt «Geschichte der Schweizer Luftfahrt» an der Abteilung für Wirtschafts-, Sozial- und Umweltgeschichte des Historischen Instituts der Universität Bern tätig, wo er 2012 mit einer Arbeit über die Entstehung und Entwicklung der zivilen Luftfahrtinfrastruktur in der Schweiz promovierte. Gilles Forster : Après des études d’histoire économique et sociale à l’Université de Genève, Gilles Forster a collaboré entre 1998 et 2002 aux travaux de la Commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale (CIE – Commission Bergier) et a rédigé l’étude sur le transit ferroviaire à travers la Confédération. Assistant à l’Université de Genève de 2002 à 2007, il est docteur en histoire contemporaine de l’Université de Bâle (2004). Gilles Forster travaille aujourd’hui à la Haute école d’art et de design (HEAD-Genève). Caroline Gallez : Chercheuse au Laboratoire Ville Mobilité Transport de l’Institut français de sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des résea