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L’article qui suit est une version considérablement révisée d’une étude publiée dans l’édition d’hiver du FASNYPages 2002–2003. By Bob Leonhardt L e bilinguisme est si profondément ancré dans la philosophie et la vie quotidienne de l’Ecole Franco-Américaine de New York que parfois nous le tenons pour acquis ou en sous-estimons les bienfaits. Nous sommes conscients de certains avantages pratiques qu’offre le bilinguisme : ainsi, dans un marché du travail de plus en plus compétitif, il présente un atout indéniable. Nous louons également l’ouverture d’esprit et le respect pour les autres cultures qu’il génère, et le voyons comme un bon moyen d’accepter l’autre et ses différences. Mais les bienfaits du bilinguisme ne s’arrêtent pas à ces aspects pragmatiques et éthiques. De récentes études indiquent que le bilinguisme précoce, commencé entre la petite et la grande section de maternelle, améliore considérablement le développement cognitif de l’enfant. A l’occasion d’un colloque international organisé en novembre 2001 sur les « Langues collatérales », JeanMarie Bressand, également membre de l’association Le Monde Bilingue, affirma que l’éducation bilingue n’est pas seulement une technique pédagogique, mais elle constitue en soi une « véritable révolution de la pensée », car elle permet de décrire au moyen de deux langues différentes la même idée, la même situation, le même objet permettant ainsi de mieux appréhender la vérité. telle que la créativité . . . On considère que le fait de connaître une autre langue améliore le fonctionnement cognitif, y compris la créativité, plutôt que l’inverse. » Par ailleurs, bien que les neuroscientifiques en soient encore à un stade très précoce quant au rôle joué par le multilinguisme sur la créativité, l’étude met en évidence l’émergence de six agrégats de données indiquant un potentiel de créativité plus important chez les individus parlant plusieurs langues : Soulignant que le bilinguisme favorise l’ouverture d’esprit, M. Bressant ajoute : «… comprendre que ce qui est différent n’est pas forcément mauvais, mais au contraire enrichissant et finalement beaucoup plus complémentaire qu’opposé, (permet à une personne jusqu’à présent monolingue de) s’engager ainsi sur la voie de la tolérance et de l’esprit d’univer-salité ». • Une plus grande souplesse mentale, favorisant le développement de compétences multiples ou multicompétences, particulièrement indispensables à l’ère de l’informatique, et qui requiert le développement de compétences poussées au niveau du raisonnement et de la communication. Des études plus récentes confirment ces conclusions optimistes. L’une d’entre elles, intitulée L’étude sur la contribution du multilinguisme1 à la créativité, fut conduite entre mai 2008 et juin 2009 à la demande de la Commission Européenne. Elle comprend une analyse de • Une plus grande capacité à faire face aux difficultés, y compris la capacité de résoudre des situations complexes sur le plan cognitif, de faire preuve de compétences particulières en matière de raisonnement abstrait, de formulation d’hypothèses Selon le Professeur Jean Petit, psycholinguiste aux universités de Reims et de Constance, des études scientifiques approfondies effectuées au Canada puis répétées dans d’autres pays, dont la France, ont conduit les chercheurs aux conclusions suivantes : Jean-Marie Bressand affirma que l’éducation bilingue constitue en soi une « véritable révolution de la pensée » | Bressand refers to bilingualism as a “genuine revolution in thought . . . “ • Les élèves ainsi formés sont non seulement bilingues, mais possèdent en outre une maîtrise de leur langue maternelle supérieure à celle des sujets monolingues. Cette supériorité s’explique par le « travail de comparaison interlinguistique inconscient et conscient qu’ils effectuent en permanence par suite de leur bilingualité ». la littérature scientifique européenne et internationale, des enquêtes en ligne et téléphoniques, ou encore des études de cas. créatives, de capacité de concentration. Cette aptitude favorise également le fonctionnement multitâche (le fait d’effectuer simultanément plus d’une tâche). • La stimulation intellectuelle générale produite par l’utilisation régulière de deux langues rend ces sujets également « significativement supérieurs » aux monolingues dans le domaine de l’abstraction, du symbolisme, de la souplesse conceptuelle et de la capacité à résoudre les problèmes. (Source: “Le Monde Bilingue/The Bilingual World,” www.lemondebilingue. asso.fr/petit3.html) L’étude est tout particulièrement provocatrice sur le sujet de la créativité, définie comme « une activité imaginative réalisée pour produire des résultats qui soient à la fois originaux et utiles ». Les données scientifiques disponibles montrent que « nous en sommes encore aux premiers balbutiements lorsqu’il s’agit de comprendre l’impact du multilinguisme sur le cerveau, et sur toute forme d’activité • Une plus grande habileté métalinguistique, en d’autres termes la conscience de l’importance du langage comme outil de réflexion, la capacité de lire entre les lignes et d’aller plus loin que les simples mots. 6 | Printemps | Spring | 2010 1 Défini comme la capacité à utiliser plus d’une langue. —Ed. • Une meilleure faculté d’apprentissage, en particulier de la mémoire à court terme, permettant The following article is a significantly revised version of a piece that appeared in the winter 2002–03 FASNY Pages. au cerveau de retenir l’information plus longtemps. Il ne s’agit pas d’ajouter simplement des informations à celles qui sont déjà stockées, mais bien de se construire de nouvelles connaissances. • Une plus grande facilité de communication interpersonnelle. On parle ici de sensitivité contextuelle, de capacité à interpréter des situations et d’aptitude à écouter. • Une réduction de l’affaiblissement mental dû au vieillissement, le multilinguisme semblant stimuler le cerveau et retarder l’apparition de certaines formes de démence. Selon cette étude, « on considère actuellement que le cerveau multilingue pourrait résister aux dommages neuropathologiques pendant une période allant de 2 à 4 années. » La bonne nouvelle est donc que le multilinguisme favorise le potentiel de santé cognitive des personnes âgées. Les écoles comme la nôtre qui pensent que l’acquisition précoce de deux langues est possible pour tous les enfants font partie d’un phénomène assez récent. Jusqu’au 20ème siècle, le bilinguisme précoce par immersion était l’apanage des nantis. Dans l’antiquité, les enfants des familles patriciennes romaines apprenaient le grec avec des esclaves grecs. Ceux qui ont lu le magnifique essai de Montaigne « De l’éducation des enfants » se rappellent que la première langue du jeune Michel fut le latin, qu’il apprit tout jeune avec un Allemand non francophone qu’avait fait venir son père nouvellement anobli, car il voulait faire bénéficier son fils du « nouveau savoir » (la découverte de l’antiquité classique). Les nobles russes et allemands (on pense à Tolstoï et à Goethe) élevaient leurs enfants avec une gouvernante française, tout comme l’aristocratie anglaise. Les conséquences étaient parfois ironiques, voire comiques : des nobles anglais durent embaucher des tuteurs pour leur enseigner leur prétendue langue maternelle pendant la guerre de cent ans contre la France. Des siècles plus tard, certains nobles russes prirent des leçons de russe par devoir patriotique en réponse aux invasions napoléoniennes. Les élèves que nous formons aujourd’hui atteindront l’âge adulte dans un monde où les changements interviennent à une vitesse inouïe. Pour réussir dans cet environnement, ils devront posséder des qualités et une détermination qui leur permettent de s’adapter de manière constructive à toute nouvelle situation. Comme le précise Jan Figel, ancien Commissaire européen chargé de l’éducation, de l’apprentissage et de la culture : « Le défi majeur de l’avenir, dans le domaine de l’éducation, est d’arriver à réformer nos systèmes d’apprentissage pour préparer nos jeunes à des emplois qui n’existent pas encore, où ils utiliseront des technologies qui n’ont pas encore été inventées, et pour résoudre des problèmes qui n’ont pas encore été identifiés. » (Résumé du rapport final, p. 8) L’étude se termine en précisant que « le multilinguisme pourrait jouer un rôle clé pour répondre à (ces) défis ». A la FASNY, nous faisons bien plus que promouvoir le bilinguisme : nous instruisons les enfants. Mais le biou le multilinguisme restent l’essence-même de notre mission, et nous pouvons nous inspirer de ces rapports scientifiques qui suggèrent que notre projet éducatif est indéniablement avant-gardiste et adapté aux défis du 21ème siècle. Bi lingualism is so profoundly implanted in the French-American School’s mission and daily life that we sometimes either take it for granted or underestimate its rewards. We know bilingualism offers certain practical advantages, like the enhancement of job possibilities in an increasingly competitive market. We know also that it encourages the respectful consideration of different viewpoints and cultures, and that it trains students to see the common humanity of people who initially appear different or “foreign.” But bilingualism transcends the realm of the pragmatic and the ethical. Recent studies indicate that bilingualism that begins during the critical nursery or kindergarten years also qualitatively enhances a child’s general cognitive development. According to Professor Jean Petit, a psycholinguist at the Universities of Reims and Constance, rigorous scientific assessments done in Canada and replicated in other countries, including France, have led researchers to the following conclusions: • In addition to the obvious advantage of learning two languages, bilingual students achieve native language mastery that exceeds the level of monolingual subjects with the same first language. This superiority is due to the “conscious and unconscious work of interlinguistic comparison carried out by these children as a result of their bilingualism.” • The general intellectual stimulation produced by the regular use of two languages makes these children “significantly superior” to their monolingual counterparts in the area of abstraction, symbolism, flexibility with concepts, and problem-solving ability. (Source: “Le Monde Bilingue/The Bilingual World,” www.lemondebilingue.asso.fr/petit3.html) In an international symposium held in November 2001 on “Collateral Languages,” Jean-Marie Bressand of the same Association asserted that bilingual education goes far beyond mere pedagogical technique. Bressand refers to bilingualism as a “genuine revolution in thought,” in part because it allows one to describe in two languages the same idea, the same situation, and the same object, and therefore leads to a better grasp of the truth. Emphasizing the open-mindedness that bilingualism promotes, Bressand adds: “. . . understanding that difference is not necessarily bad but, on the contrary, enriching and in the end far more complementary than conflicting . . . (allows a hitherto monolingual person to) commit to the path of tolerance and the outlook of universality . . . . ” More recent studies confirm these optimistic assessments. One, entitled “Study on the Contribution of Multilingualism1 to Creativity,” was conducted during the period May 2008–June 2009 for the European Commission. Its www.FASNY.org | 7 extensive scope comprised an analysis of European and international scientific literature, online and telephone surveys, and the identification of case studies. The study is particularly provocative on the question of creativity, which it defines as “imaginative activity fashioned so as to produce outcomes that are both original and of value.” It concludes that although the available evidence “shows that we are at a very early stage of understanding the impact of multilingualism on the brain, and on any form of resulting outcome such as creativity . . . knowledge of another language is considered as more likely to increase cognitive functioning than the reverse.” Further, although neuroscience is still at a very early stage of understanding the impact of multilingualism on the brain, the study’s findings nonetheless demonstrate six “evidence clusters” indicating a greater potential for • Reduced age-related mental diminishment Knowledge of languages appear to exercise the brain and to retard certain forms of dementia. According to the study, “the multilingual’s ability to resist neuropathological damage is presently considered as in the range of two to four years.” The good news here is that multilingualism promotes cognitive health among older people. react constructively to new situations. As Jan Figel, the former European Commissioner for Education, Training, and Culture writes: “The major future challenges in the educational field are how to reform our learning systems to prepare our young people for jobs that do not exist yet, using technologies that have not been invented yet, in order to solve problems that haven’t been identified yet” (Executive Summary, p. 8). Schools such as ours, which operate on the premise that the early acquisition of two languages is possible for all children, are a relatively recent phenomenon. Until the 20th century, bilingualism due to the early-age immersion had been the prerogative of privilege. Among the ancients, the children of patrician Roman families learned Greek with Greek slaves. Those who know Montaigne’s magnificent essay, “On the Education of Children,” will remember that the young Michel’s first Multilingualism, as the study concludes, is a “resource that could play a key role in repsonding to (these) challenges.” At FASNY, we do much more than promote bilingualism: we educate the whole child. But bi- and multi-lingualism remain at the core of our mission, and we can take heart from the mounting scientific evidence suggesting that our work places us in the vanguard of education for the challenges of the 21st century. le multilinguisme favorise le potentiel de santé cognitive | multilingualism promotes cognitive health creativity among people who communicate through more than one language: • Enhanced mental flexibility, enabling the development of special “multi-competences,” particularly crucial in the so-called Information Age, which requires the development of sophisticated skills in thinking and communication. • Enhanced problem-solving capability, including the ability to solve cognitively complex challenges, think abstractly, formulate creative hypotheses, and concentrate intensely on specifics regardless of distractions. This capability enhances the ability to perform more than one task simultaneously (“multitasking”). • Expanded metalinguistic ability, in other words, the awareness of language as a tool for thinking, the acumen to “read between the lines,” to understand “subtext,” or go beyond explicit statement. • Enhanced learning capacity, including superior short-term memory function, which enables the brain to hold information for extended periods while the thinking processes are engaged rather than merely add new information to what the mind has already stored. • Enhanced interpersonal ability, such as contextual sensitivity, skill in “reading situations,” and the ability to listen. 8 | Printemps | Spring | 2010 language was Latin, learned as a toddler at the feet of a non-francophone German scholar imported for this purpose by Montaigne’s newly ennobled father, who wanted his son to enjoy the benefits of “new learning.” Noble Russian and German families—one thinks of Tolstoy and Goethe—offered their children French governesses, as did the English aristocracy. Sometimes the results were ironic if not downright comical. English courtiers had to hire tutors to teach them their supposed native language during the 100 Years’ Wars against France. Centuries later, some of the Russian nobility took Russian lessons as a patriotic duty in the wake of Napolean Bonaparte’s invasion. The students we are educating today will reach adulthood in a world where change occurs with increasing rapidity. To thrive in this environment, they will need skills and attitudes enabling them to 1 Defined as “an ability to use more than one language”—Ed. Je remercie leProfesseur Jeanine Gerbault de l’Université de Bordeaux pour avoir faitréférence à l’Etude sur la contributiondu multilinguisme à la créativité lors de sa conférence du 2 février 2010 àl’adresse de l’Association des Ecoles Française d’Amérique du Nord. | I am indebted to Professor Jeanine Gerbault of the University of Bordeaux for providing reference to the Study on Multilinguialism and Creativity in her February 2, 2010, lecture to the Association of French Schools in America.