A) vaudou et christianisme - Université Populaire Nord-Pas-de

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Le vaudou haïtien : son décor, ses acteurs, ses rituels
Deuxième conférence : Ethique protestante et esprit du vaudou ?.
Introduction
I) Le décor
A)
Vaudou et christianisme : un espace public
apparemment aux mains de la concurrence
dogmatique
Le marginal sécant. Sept paradoxes du catholicisme : déteste la concurrence ; résignation ou révolte ; miracle et magie ; les
saints et le polythéisme ; le sabre et le goupillon ; le saint est trop mystique ; raison et désenchantement du monde.
A.1) L’Eglise catholique
A.1.1) Une emprise pluriséculaire sur la vie politique du
pays et sur les consciences
A.1.1.1) Une terre de mission dès l’
origine
Colomb ; Alexandre VI ; Tordesillas ; Ramon Pane ; las Casas ; Boyer ; Geffrard et Concordat ; Papa Doc ; Baby Doc ; mission
Alpha ; Mgr Wolff et les réacs, contre Aristide et Lavalas…
A.1.1.2) Une omniprésence et une grande visibilité de
l’Eglise catholique
Concentrations d’
institutions ; influence politique dans toutes les couches sociales ; fanatisation des « rejetés ».
A.1.2) Une vision hégémonique : impérialisme culturel et
campagnes antisuperstitieuses
Principe culturellement tolérant des missions, au départ ; assimilation vaudou = Afrique = archaïsme
A.2) Les sectes protestantes
Une plus grande tolérance en apparence
A.2.1) à colonie protestante, vaudou différent ?
Le cas jamaïcain et l'Obeah
A.2.2) Les atouts
Soutien des EU : arme du dollar, force des armes, arme de la religion protestante
A.2.2) Les sept stratégies
Oppression militaire ; oppression économique ; attaques dogmatiques ; anthropologie bidon ; diabolisation (scientifiques ;
politiques ; Tabloïds) ; Grand guignol et séries Z ; folklorisation
B) La place du vaudou
B.1) Le moi se pose en s’
opposant
B.1.1) L’
acculturation rend schizophrène
B.1.2) Le vaudou mime la liturgie
B.1.2.1) Correspondance entre les saints, les vodus, et les loas
B.1.2.2) Le début d’
une cérémonie vaudou ressemble à du catholicisme
Litanie et pé-savann
B.1.3) Grande ferveur, mais trop suspecte
Entrisme ; désarroi du Père Labat ; l’
Eglise craint les trop convaincus…
B.2) Un rapport ambigu avec le pouvoir politique
C) Le temple vaudou : le hounfor
II) Les acteurs
A) Les grands noms
B) Les acteurs du rituel
B.1) Les officiants
B.2) La hiérarchie
C) Les fidèles
III) La dramaturgie
A) Les cérémonies
B) Les danses
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C) La musique
Conclusion
Introduction
Pour une université populaire, une intro doit être marxiste ou au moins
structuraliste. Contexte matériel et historique de production des idées : la
géographie, l’
histoire, l’
économie, les rapports de forces politiques et sociaux
entretiennent le vaudou y compris lorsqu’
il y a volonté de l’
étouffer et de le faire taire
(d’
ailleurs des formes de vaudou apparaissent partout dans le monde de nos jours).
Pour comprendre le vaudou, il faut aussi faire l’
histoire de ses adversaires. Le
vaudou structure les forces d’
opposition, et constitue un moyen de supporter
l’
oppression et la misère. Force structurée mais sans hiérarchie officielle (c’
est ce qui
dure le plus longtemps dans l’
oppression : les Berbères, les Juifs, les Tsiganes : on
se réorganise, on essaime, on courbe l’
échine, on trouve le soutien où on peut).
Culture forte, avec des particularismes locaux et des évolutions.
Pour cette présentation, j’
ai utilisé beaucoup les travaux de Laënnec Hurbon,
qui par ailleurs est interviewé dans l’
Express la semaine dernière.
I) Le décor : contexte historico-politicoreligieux, et lieux de culte
Selon le frère Robert Montilus, de l’
ordre du Sacré Cœ ur, dans son livre La pratique
religieuse haïtienne dans ses dimensions historique et sociologique (juin 1963),
« L’
histoire de la christianisation d’
Haïti révèle un véritable gâchis », donc de l’
aveu
même des chrétiens professionnels, ils n’
ont pas été très chrétiens… Cela a permis
au vaudou de se greffer sur une structure dogmatique pour la dévoyer et la subvertir,
à la fois contre le catholicisme et en son sein (structure parasite ou entriste).
A)
Vaudou et christianisme : un espace public
apparemment aux mains de la concurrence
dogmatique
Le vaudou, comme toute culture créole, se comprend comme un symptôme marginal
sécant (slack organisationnel) qui se glisse dans les failles de deux mondes, de deux
sphères :
- Entre le christianisme des missionnaires et la mémoire collective des esclaves
- Entre la langue française et la langue fon
- Entre la nostalgie de la « Guinée » et une culture diasporique (Dominique
Shnapper, Michèle Tribalat surtout, Abdelmalek Sayad El Gorba) assumée.
- Entre la religion de la sphère culturelle yoruba / dahoméenne / soudanaise et
la magie de la sphère culturelle Kongo / bantou (rencontre a priori improbable)
- Entre la ferveur mystique acceptée, et la transe trop débridée
- entre la foi populaire et la théologie savante,
- entre la culture animiste et le monothéisme,
- entre l’
Occident et l’
Afrique (mais en Amérique)
- entre Tradition et Modernité,
- entre utilitarisme individualiste et cohésion de la communauté,
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entre souffrance et espérance,
entre dogmatisme de façade et résistance subversive.
Sept paradoxes du christianisme et plus spécifiquement du catholicisme :
o Le christianisme n’
aime pas la concurrence : Discours de fraternité
entre les hommes et de tolérance, mais les dieux concurrents sont
systématiquement assimilés à des Démons (Moloch, Bélial, les loas
vaudous) ou bien absorbés (le « El » des Babyloniens devient un des
noms de YHVH), ou bien permettent d’
accuser d’
hérésie ou de
schisme, dès le concile de Nicée. Le christianisme impose ses grilles
de lecture : dans la Bible serpent = Satan, dieu cornu = diable, donc
Cernunnos = Diable brandissant un serpent (chaudron de Gundestrup)
(ou bien Jésus, le cerf de St Julien, St Hubert, St Jean de Matha, St
Félix de Valois), Damballah = Diable… Les moines irlandais récupèrent
les héros comme Cuchulain pour en faire des quêteurs de graal et de
christ.
o L’
évangélisation des esclaves (code noir) : facteur de résignation ou
révolte ? l’
évangile, est-ce un texte qui incite à accepter son sort
(prédestination, malheur sur terre = épreuves envoyées par dieu et
promesse que ça ira mieux post mortem), ou à se révolter (heureux les
pauvres… justification de l’
esclavage… chrétiens premier martyrs) (les
Jésuites expulsés pour avoir été soupçonnés de propager dans les
colonies des idées trop modernes, que même les Francs-maçons
travestissent) ?
o Les miracles, est-ce magique ? Les saints sont-ils assimilables à des
esprits bénéfiques ? les miracles, le merveilleux de la foi populaire, les
apparitions, les transes mystiques, les pouvoirs attribués aux saints ne
sont pas très éloignés de la magie africaine, surtout foi des marins
superstitieux : Eglise prise à son propre piège de la démagogie de
l’
enchantement du monde : les plus fervents cathos sont souvent les
plus vaudous !!!
o Le catholicisme est-il polythéiste ? Le vaudou est-il monothéiste ? En
Espagne la Vierge a des avatars (de las mercedes, del pilar, de las
dolores, de la sagrada concepción, du saint cordon, de Lourdes : voir
les vitraux de ND des Ardents !!!), les saints ont des pouvoirs à part
entière : saints patrons d’
une corporation, d’
un ordre monastique. Idem
pour la hiérarchies des anges, et les anges gardiens. La foi populaire
avec ses ex-voto… Inversement les loas ne sont pas des dieux, mais
des aspects d’
un même principe divin (cf. Mircéa Eliade : cycles de
recentrement ou spécialisation des panthéons), un seul principe divin
Gran Mêt (Mawu Lisa). Cf. Laënnec HURBON, Les Mystères du
Vaudou, Découvertes Gallimard N° 190, page 68-69 : « Les loas qui
interviennent auprès des vivants sont multiples ; peut-on pour autant
assimiler le vaudou à un polythéisme ? Il faut d’
abord considérer que
les loas ne sont pas des dieux, mais des génies surnaturels qui servent
d’
intermédiaires entre Dieu et les Hommes ».
o Le sabre et le goupillon, le rouge et le noir, l’
oppresseur et le
confesseur : Le clergé s’
appuie sur le pouvoir politique séculier, et
pourtant celui-ci n’
a pas un mode de comportement très chrétien
(esclavage, guerres, massacres, oppression, enrichissement, … ).
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o Le christianisme n’
aime pas les mystiques (ceux qui poussent la
logique de la pauvreté et du don de soi deviennent anti-social et
révolutionnaires, subversifs, or l’
Eglise est une institution plutôt
conservatrice et réactionnaire : elle a brûlé ou opprimé ses propres
saints : Jeanne d’
Arc, Jean de la Croix, Thérèse d’
Avila). Or le
vaudouisant a besoin d’
exprimer pleinement sa foi, comme les
renouveaux charismatique, ou les transes durant les Gospels.
o Le piège de la raison : pour combattre la sorcellerie et le vaudou, le
plus simple pour l’
Eglise serait de faire appel à l’
Histoire, à
l’
anthropologie, à la psychiatrie, pour relativiser le phénomène et en
faire un symptôme d’
aliénation des masses incultes. Mais dans ce cas,
la prochaine victime de ce désenchantement du Monde, de cette
rationalisation, ce serait l’
Eglise elle-même : arme à double tranchant,
avec choc en retour (typique du vaudou !). En Occident, l’
Eglise incarne
une forme de pensée archaïque : en Haïti, elle fédère la modernité
contre un vaudou qu’
elle prétend passéiste. Combat donc pour les
normes et les valeurs : enjeux politiques et idéologiques plus larges.
A.1) L’Eglise catholique
A.1.1) Une emprise pluriséculaire sur la vie politique du
pays et sur les consciences
A.1.1.1) Une terre de mission dès l’
origine
L’
espace public, symbolique, politique et religieux est aux mains officielles de l’
Eglise
catholique, signataire d’
un concordat avec l’
Etat Haïtien.
- L’
Eglise catholique est arrivée dans les valises de Christophe Colomb (à
moins de supposer comme les Mormons que Jésus a fini sa carrière dans les
Amériques) : on a planté une croix (sur le Môle St Nicolas, le 6 décembre
1492, après avoir quitté l’
Europe le 3 août 1492) avant même de planter une
tente (comme dans les campements des scouts d’
Europe) !
- Un des pires papes de l’
Histoire de la chrétienté, bien plus politicien que saint
homme, Alexandre VI Borgia (père de César et Lucrèce) accorde à l’
Espagne
les terres nouvellement découvertes, à condition « que des hommes de
grande foi et habiles à former à la foi catholique y soient envoyés » : donc
terre de mission, dès la découverte. Les Nouveaux Mondes à conquérir et à
coloniser (Afrique, Amériques, Asie) sont alors partagés en deux par cette
bulle papale du 3 mai 1493 : en gros, l’
Asie et l’
Afrique sont pour le Portugal
(Vasco de Gama découvre en 1497 le Cap de Bonne Espérance), tandis que
les Amériques sont pour l’
Espagne.
- Un an plus tard, le 7 juin 1494, le traité de Tordesillas entre les Rois
Catholiques et Jean II de Portugal entérine politiquement cette
weltanschauung papale, mais en décalant vers l’
ouest la ligne de démarcation
(plus précisément à 2000 kilomètres à l’
ouest des îles du Cap-Vert, puisque le
Portugal a aussi des visées dans les Amériques, notamment au futur Brésil : à
l’
est de la ligne, c’
est pour le Portugal, à l’
ouest pour l’
Espagne, le tout sous
condition d’
hégémonie idéologique du Vatican). La France et l’
Angleterre
n’
acceptent pas ce Yalta gigantesque et prétentieux, et les disputes de
l’
époque ont laissé avant tout des traces d’
ordre linguistique : hispanophones
du Mexique à l’
Argentine plus Cuba et Saint Domingue, et traces en Floride et
Californie, lusophones au Brésil, anglophones en Amérique du Nord, Guyane
britannique et Caraïbes (surtout Jamaïque), quelques néerlandophones dans
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les Caraïbes, Antilles et Guyane néerlandaise (Surinam), et francophones au
Québec, en Louisiane, Antilles (îles sous le vent, Martinique, Guadeloupe,
Saint Martin,… ) et en particulier en Haïti. Dans les mêmes endroits, créoles,
cajun…
Les premiers missionnaires qui viennent évangéliser Haïti sont
essentiellement des membres du clergé séculier (peu de curés) :
o Dès le deuxième voyage de Colomb, un moine de l’
ordre des
Hiéronymites, Ramon Pane, étudie la langue des Tainos et enquête sur
les coutumes et les croyances religieuses des indigènes d’
Ayti : il rend
son rapport à Colomb en 1498 (on détient une version italienne
incomplète publiée en 1571). La Casas n’
aimait pas Pane « l’
ermite
catalan », dont il trouva les informations « confuses et de peu de
substance ». Les travaux de Pane établissent en effet l’
idolâtrie des
indigènes et justifient les massacres de la conquête.
o des Bénédictins (cherchent à attirer à la vie monacale, missionnaires
softs, assez tolérants et humains),
o Franciscains (rôle ambigu : à la fois ordre mendiant peu ambitieux, et
participation à l’
Inquisition),
o Dominicains (Une des premières congrégations à arriver dans l’
île, (qui
s’
appelle d’
ailleurs île Saint Dominique ou Hispaniola), dès le XVIième
siècle. Rôle ambigu : d’
une part de grands hommes tolérants, ouverts,
intéressés par la cultures des Tainos, comme Bartholomé de las Casa,
et d’
autre part participation majeure à Sainte Inquisition, surtout du côté
des Espagnols, QG Inquisition : San Augustin Floride, Vera Cruz
Mexique, et Cuba)
o et Jésuites (Arrivés début XVIIIème. S’
installent dans des camps appelés
« réduction » : beaucoup en Amérique du sud, Brésil (une bédé sur le
sujet à la médiathèque), Venezuela, quelques uns en Haïti, très
pragmatiques, pas bégueules avec la magie, étude scientifique,
recensent les populations, les étudient un peu, mais les acculturent
beaucoup : le moule jésuite. Les Jésuites sont plutôt bons avec les
esclaves, qu’
ils emploient au jardinage : les colons français les
expulsent donc en 1763, et ne reviennent officiellement en Haïti qu’
en
août 1953 ; incorrigibles Jésuites, réexpulsés en février 1964 par
Duvalier qui les accusent de comploter contre la sûreté de l’
Etat,
présence semi-clandestine, reviennent officiellement en 1986).
Après l’
indépendance : quête de légitimité de l’
Etat haïtien traumatisé par sa
liberté (un des rares pays à s’
être émancipé tout seul si tôt) : cordon ombilical
avec l’
Europe : paiement d’
une lourde indemnisation à la France, et
demandes réitérée de concordat avec Rome (sous la présidence de JeanPierre Boyer (1818-1843)). Le clergé présent sur place est peu fréquentable
(on en trouva même parmi les pirates).
Le Saint-Siège signe « enfin » un Concordat sous le Gouvernement du
Général Fabre Geffrard le 28 mars 1860. Envoi de nouveaux missionnaires
plus fréquentables que les aventuriers peu dogmatiques. Construction de
cathédrales néogothiques, d’
églises paroissiales par centaines, des chapelles
par milliers, de séminaires, de maisons de repos pour missionnaires, de
couvents, des centaines d’
écoles dirigées par des religieux. (Ce concordat est
donc un jeu à somme positive).
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En 1966, accord entre le gouvernement haïtien (Duvalier déjà au pouvoir
depuis 1957) et le Saint Siège : un archevêque et quatre évêques haïtiens
sont nommés : Haïti gère soi-même son église, le haut-clergé n’
est plus
européen, le président de la république d’
Haïti nomme son clergé (comme le
faisaient les rois de France).
Au début des années 1980, l’
Eglise s’
impose comme une force de résistance
majeure « aux abus » (dit un site catholique) du gouvernement de JeanClaude Duvalier (donc rien contre Papa Doc ; il faut surtout dire que Duvalier
soutenait le vaudou et expulsait des congrégations) : le pape Jean-Paul II lors
de sa visite en Haïti le 9 mars 1983 encourage les catholiques à la résistance :
« Il faut que ça change ici » : la hiérarchie de l’
Eglise publie une Charte sur la
promotion humaine, qui insiste sur la nécessité de libérer l’
homme des
contraintes naturelles, des dominations (Paule !) sociales et économiques : 16
projets prioritaires de transformation sociale par l’
Eglise, avec en premier lieu
l’
alphabétisation (mission Alpha lancée en 1986 : alphabétisation en créole
faisant appel au patrimoine culturel, contes, proverbes, carnaval, veillées).
Publication par le haut clergé en 1986 d’
un texte intitulé : Démocratie en Haïti :
principes et applications.
Reprise de contrôle en 1984 du clergé par le Vatican, qui recommence à
désigner ses évêques et archevêques. Mais le clergé catholique reproduit
quand même les clivages de classes sociales. A partir de 1988, l’
Eglise se
replie sur elle-même, et ne soutient pas le peuple dans ses luttes sociales.
Exception : le père Salésien Jean-Bertrand Aristide, dont les propos choquent
les évêques (il est viré en décembre 1988 (syndrome Mgr Gaillot) pour cinq
raisons : incohérence entre les choix de vie et d’
action de JBA avec sa règle
monastique, profanation de la liturgie, rupture avec l’
Eglise locale, incitations à
la haine et à la violence, exaltation de la lutte des classes.
Désormais deux modèles d’
église : une progressiste qui accompagne la
transition démocratique (Aristide changera de camp, d’
ailleurs !), et une
réactionnaire proche de l’
oligarchie (classique dans ces pays : exemple le 1er
janvier 1991, date anniversaire de l’
indépendance de Haïti, l’
archevêque de
Port-au-Prince, Mgr François Wolff Ligondé, ancien duvaliériste, affronte
Aristide lors de son homélie à la cathédrale de Port-au-Prince : « Je me
demande si l’
orientation gauchiste ne conduira pas Haïti à endosser la
défroque socialo-bolchevique actuellement rejetée par les pays de l’
est de
l’
Europe » : tant que l’
URSS existait, l’
Occident tolérait en partie les dictatures
d’
Amérique Latine ; avec la chute du mur, les fous soutenus par la CIA
tombent aussi). De même la hiérarchie catholique finit par dissoudre en 1988
les organisations de la mission Alpha. Le haut clergé s’
opposera aussi en
1991 au retour d’
exil d’
Aristide et s’
opposent à l’
embargo international après
un coup d’
Etat militaire (les évêques (sauf celui de la ville de Jérémie)
soutiennent ces militaires, et essaient d’
éviter que les milieux populaires ne
comprennent la collusion entre l’
Eglise et les puissants, et ne choisissent
d’
autres religions).
Actuellement en Haïti catholicisme très puissant : 2 archidiocèses, 7 diocèses,
2 archevêques, 12 évêques (tous haïtiens), un clergé à majorité autochtone
administrant 251 paroisses. Beaucoup de places dans l’
éducation,
l’
humanitaire, la culture (mais contre la culture vaudou ou africanisante).
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A.1.1.2) Une omniprésence et une grande visibilité de
l’Eglise catholique
- Grande concentration de congrégations : leur histoire en dit long, en filigrane, sur la
place de l’
Eglise en Haïti (notamment dans l’
éducation de la jeunesse) et sur la
parenthèse duvaliériste (Papa Doc et Baby Docs proches du vaudou) ; en
pourcentage des habitants, énorme proportion, avec des congrégations dont on
n’
entend presque pas parler en France. Haïti terre de ferveur religieuse quelle qu’
elle
soit, véritable laboratoire idéologique du Vatican, qui ne fait profil bas qu’
en Occident
(exactement comme les entreprises de cigarettes, qui abandonnent le terrain pour
s’
emparer de celui de la misère et de l’
ignorance, le fond de commerce des religions
en quête d’
expansion). Rien que pour les Instituts religieux masculins (sachant qu’
il y
a deux à trois fois plus de bonnes sœ urs que de prêtres et moines) il y a :
- 3 monastères de Clercs de Saint Viateurs (arrivés pour remplacer les
Jésuites expulsés en 1964),
- 3 monastères de la Compagnie de Marie (les Montfortains, réservoir à
évêques en Haïti),
- 7 monastères de la congrégation de la Sainte Croix (très présents dans
l’
enseignement),
- 4 monastères de la Congrégation du Cœ ur Immaculé de Marie (spécialisés
dans « l’
évangélisation des peuples de mission » bref les sauvages),
- 3 monastères de la Congrégation du Saint Esprit (les Spiritains, eux aussi
spécialisés dans l’
éducation de la jeunesse, eux aussi expulsés en 1964 et
revenus en 1986),
-13 monastères des Frères de l’
Instruction Chrétienne (écoles privées,
collèges, lycées)
- 4 monastères des Frères du Sacré Cœ ur (depuis 1943 en Haïti : éducation
de la jeunesse, encore)
- 2 monastères Jésuites seulement (Port au Prince et Tabarre) : présence
discrète à cause de leur double expulsion dans l’
Histoire (soupçonnés d’
être
contre le pouvoir, la première fois en 1763 parce qu’
ils étaient tolérants à
l’
égard de la culture africaine, la deuxième fois en 1964 par soupçon
d’
impérialisme culturel occidental ; revenus en 1986) mais présence efficace
(discret et efficace : pléonasme, pour un Jésuite)
- 5 monastères des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée
- 2 monastères seulement de l’
Ordre des Prêcheurs (les Dominicains, mais
présents, dans l’
éducation, y compris au niveau universitaire, d’
ailleurs la
Catho à Lille a un partenariat avec Haïti, dans les médias, les arts, l’
édition, la
prédication partout… )
- 1 monastère de la Congrégation des Petits Frères de Marie (les Maristes :
fondent des écoles primaires depuis 1985)
- présence dans neuf diocèses et dans les coins les plus reculés d’
Haïti des
Petits Frères de Sainte Thérèse : éducation et évangélisation des Haïtiens de
l’
arrière pays (donc les fiefs vaudou) : encouragent l’
artisanat, la lutte contre
l’
érosion et la déforestation, l’
élevage de troupeaux… ).
- 1 monastère des Rédemptoristes (des Belges venus depuis 1928 éduquer et
évangéliser : pas très loin de la mission de l’
Université Populaire)
- 7 lieux d’
apostolat pour les Salésiens de Don Bosco, dont la cible marketing
est plus spécifiquement l’
éducation et l’
évangélisation des jeunes pauvres et
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abandonnés, pour lesquels ils créent des écoles et des lycées d’
enseignement
professionnel
- 5 sites d’
implantation de la Société des Prêtres de Saint Jacques : arrivent
en Haïti dès 1864 en même temps que le premier archevêque de Port-auPrince, et ouvrent en France un séminaire (à Saint Jacques en Guiclan près
de Landivisiau) pour préparer spécifiquement les missionnaires à officier en
Haïti. Ce ne sont pas des moines mais du clergé régulier organisé en société.
Désormais, depuis 1997, des prêtres haïtiens sont formés en Haïti pour
devenir missionnaires au Brésil : Haïti n’
est plus réceptrice mais émettrice de
missionnaires : la boucle est bouclée.
- Grandes manifestations et pressions sur la politique : JB Aristide, plus voir article
encyclopédia. Et camp adverse.
- les anciens vodouisants (les « rejetés ») sont les plus agressifs avec les
vodouisants. Ouvrage du père Carl-Edward Peters, en 1960, La croix contre
l’
asson (petit modèle d’
intolérance, d’
ethnocentrisme et de fanatisme : l’
Eglise
catholique n’
est devenue œ cuménique que très récemment, quand elle n’
a plus eu
les moyens de son hégémonie, et elle est encore arrogante là où elle est forte :
l’
Opus Dei et les Légionnaires de Dieu triomphent en Amérique Latine) : « Il faut
vraiment détruire tout : briser bouteilles, cruches, déchirer les images, arracher et
brûler poteaux et croix, emporter les pierres, enlever les colliers, écraser les cayesloas, couper les bois servis, profaner tout ce qui est « servi » superstitieusement. Au
premier abord, cela peut sembler pénible, mais ce sont les gens qui y tiennent. Et ils
n’
ont pas confiance si l’
on n’
emploie pas la méthode sévère. Au début il faut que ce
soit le Père lui-même qui aille accomplir cette besogne. [… ] Une fois le mouvement
lancé [… ] on a toujours pu trouver au fur et à mesure des besoins [de destruction] les
apôtres nécessaires. [… ]. Ce fut parfois un véritable délire, tant la joie de la
délivrance était contagieuse. Dans ce délire il y eut des incidents malheureux, des
exagérations de tactique dont on a voulu rendre le clergé responsable. Pour moi
personnellement, je n’
en ai jamais vécu, mais je sais que ça et là des « rejetés »
forçaient des non-rejetés à livrer leurs fétiches… Allez donc retenir une foule en
délire. Allez donc prêcher le calme à des gens qui se sentaient délivrés d’
un véritable
esclavage et voulaient [… ] procurer la même joie à leurs frères. Qu’
il y eut quelques
abus, c’
était inévitable, que les abus fussent encouragés par les évêques, rien dans
les règlements de la campagne ne le prouve ».
Le fond de vrai, c’
est que la pensée vaudou est un fait social total, et qu’
il est difficile
de s’
en déprendre. Mais prétendre qu’
y substituer le christianisme est libérateur,
c’
est une vaste farce : il n’
y a qu’
à voir comment les « rejetés » sont manipulés et re
fanatisés : ils passent d’
une aliénation socialement acceptable à une aliénation
importée et acculturante. Et la manière dont les prêtres se lavent les mains des
conséquences des débordements de leur bourrage de crâne rappelle Ponce Pilate :
en fin de compte, si on lit entre les lignes, ces prêtres anglo-saxons ou francophones
nous disent : « les Nègres seront toujours les Nègres : les fanatisés par le vaudou
d’
un côté, contre une foule incontrôlable en délire de libération chrétienne de l’
autre,
dans les deux cas le Nègre est enclin à la transe, à la superstition, c’
est un grand
enfant, et nous devons régenter sa culture. »
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A.1.2) Une vision hégémonique : impérialisme culturel et
campagnes antisuperstitieuses
- au départ les missions essayaient d’
éviter l’
acculturation, et séparaient l’
aspect
religieux de l’
aspect culture « occidentale », et préconisaient le respect des cultures
locales : à la fois pour des raisons de bon sens, et de prudence (chaque année dans
le monde une quarantaine de missionnaires sont tués dans l’
exercice de leur
fonction ; 105 évêques ont été tués en terre de mission depuis le concile de Trente
en 1563). Donc la mode vaticane, depuis l’
antiquité n’
est plus d’
encourager à la
provocation qui aboutit à la production de martyrs (alors que tous les premiers papes
finirent tous très mal, mais furent sanctifiés).
Exemple : en 1659 Pierre Lambert de la Motte, François Pallu et Ignace Cotolengi
sont envoyés comme vicaires apostoliques en Extrême-Orient, et leurs instructions
du Vatican sont : « Ne mettez aucun zèle, n’
avancez aucun argument pour
convaincre les peuples de changer leurs rites, leurs coutumes et leurs mœ urs, à
moins qu’
elles ne soient évidemment contraire à la religion et à la morale. Quoi de
plus absurde que de transporter chez les Chinois la France, l’
Espagne, l’
Italie ou
quelque autre pays d’
Europe ! N’
introduisez pas chez eux nos pays, mais la foi ».
Puis très rapidement, amalgame : vaudou = Afrique, Christianisme = occident, car la
consigne était « n’
avancez aucun argument pour convaincre les peuples de changer
leurs rites, leurs coutumes et leurs mœ urs, à moins qu’
elles ne soient évidemment
contraire à la religion et à la morale », or le Nègre est jugé lascif, paresseux, enclin à
la transe, à la superstition, à l’
orgie sexuelle, à la possession, au spiritisme, à la
nécromancie, et à l’
adoration d’
esprits diaboliques (loas = démons). Donc entreprise
d’
acculturation totale et rejet des racines africaines (en s’
appuyant sur les mulâtres,
les nègres blancs, par opposition aux nègs marrons, esclaves révoltés :
- campagnes destruction lieux et objets de culte car « ils respectent la manière
forte ») : 1896, puis 1913, puis la très grande de 1940-1941 (des tambours de 150
kg, vieux d’
un siècle, sont brûlés, Métraux en parle dès le début de son livre)
(catho + protestants : alliance objective de l’
occident (Europe avec EU) contre
religion de Nègres et culture afférente)
cf les feuillets de catéchèse repris en chœ ur (on est loin des précautions antiacculturation des vicaires européens en Chine)
Ci-dessous, un extrait des feuillets de catéchèse repris en choeur par ceux qui venaient de
prêter serment de rejeter le vaudou. Le document date des années 1940. Je vous assure que je
n'invente rien :
"Vous venez au catéchisme pour vous débarrasser de toutes les vieilles croyances de
l'Afrique, puis pour bien apprendre comment fonctionne la vraie religion du Bon Dieu.
Question : L'Afrique que vous avez trouvée à votre naissance, est-ce qu'elle marche avec la
religion du Bon Dieu ?
Réponse : Non. L'Afrique, ça ne marche pas avec la religion.
Q : Pourquoi l'Afrique ne marche-t-elle pas avec la religion du Bon Dieu ?
R : L'Afrique ne peut pas marcher avec la religion du Bon Dieu parce que l'Afrique ce sont les
loas, et la religion du Bon Dieu, c'est le Bon Dieu. On ne fait pas cuire le concombre avec
l'aubergine.
Q : Qui est Jésus-Christ ?
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R : Jésus-Christ, c'est Dieu. Et puis, c'est le Sauveur. C'est lui qui a souffert, qui est mort pour
nous sortir de l'Afrique. [énorme, n'est-ce pas ?].
[...]
Q : Pourquoi les enfants de l'Afrique-Guinée ne peuvent-ils pas être plus forts que les enfants
du Bon Dieu ?
R : Les enfants de l'Afrique Guinée ne peuvent pas être plus forts que les enfants du Bon
Dieu, parce qu'ils sont esclaves des loas ; pire encore, ils font beaucoup de péchés et vont en
enfer.
[...]
Extrait du serment :
Le prêtre : Renoncez-vous à la religion de l'Afrique ?
Le renouvelant : Oui, de toutes mes forces, je renonce."
Extrait de : HURBON Laënnec, Les mystères du vaudou, collection Découvertes Gallimard
N° 190, pp. 138-139.
Fin de la conf ? Pas mal peut-être
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Le vaudou haïtien : son décor, ses acteurs, ses rituels
Deuxième conférence : Ethique protestante et esprit du vaudou ?.
Introduction
I) Le décor
A) Vaudou et christianisme : un espace public
apparemment aux mains de la concurrence dogmatique
A.1) L’Eglise catholique
A.1.1) Une emprise pluriséculaire sur la vie politique du
pays et sur les consciences
A.1.1.1) Une terre de mission dès l’origine
A.1.1.2) Une omniprésence et une grande visibilité de
l’Eglise catholique
A.1.2) Une vision hégémonique : impérialisme culturel et
campagnes antisuperstitieuses
ð A.2) Les sectes protestantes et le vaudou
Introductions
a) Omniprésence des sectes protestantes en Haïti
b) De l’
usage du mot « secte » dans le terme « les sectes protestantes »
b.1) Définitions de « secte »
b.2) De l’
éternelle et ennuyeuse question de la différence entre secte et religion
b.3) Notre propre différenciation, pour les sectes protestantes
b.4) Tentative sommaire de classification dans les Caraïbes
c) Clin d’
œ il à Max Weber
A.2.1) à colonie protestante, vaudou différent ?
A.2.1.1) L’histoire des colonies britanniques dans les
Caraïbes : loyalty, voice, exit
A.2.1.1.1) Exit les Espagnols : émancipation et armement des
esclaves jamaïcains !
A.2.1.1.1.1) Le marginal sécant : je me glisse dans les interstices
du pouvoir, je m’émancipe durant ses transitions
A.2.1.1.1.2) Les esclaves profitent des luttes entre Européens
pour exister culturellement
A.2.1.1.2) Loyalty des
idéologiques « d’Etat »
colons-pirates :
faibles
appareils
A.2.1.1.2.1) Les boucaniers « au pouvoir » : des relations
privilégiées avec les Maroons
A.2.1.1.2.2) L’apogée du paradis pirate : l’épisode Sir Henry
Morgan
A.2.1.1.3) Voice des propriétaires terriens britanniques : une
guérilla sans vainqueurs (Exit les Anglais, à la fin...)
A.2.1.1.3.1) Un esclavagisme très dur, même après l’abolition de
la traite
A.2.1.1.3.2) La mémoire de la liberté perdue attise les luttes pour
la recouvrer
A.2.1.1.3.3) Guerres des Maroons et soulèvements : la lutte
comme soutènement d’une culture d’origine ghanéenne
(coromantee) qui s’appuie sur des icônes de la rébellion (Cudjoe,
Tacky, Sam Sharpe, Gordon & Bogle, Marcus Garvey)
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A.2.1.2) L’obeah : un vaudou en partie influencé par la culture
protestante ?
A.2.1.2.1) Les vaudous des colonies anglo-saxonnes : Obeah
jamaïcain et Chango cult de Trinidad y Tobago
A.2.1.2.2) Spécificités par rapport aux autres vaudous, et points
communs
A.2.1.2.2.1) Puritanisme britannique et technologie africaine du
cool
A.2.1.2.2.2) Moins de vaudou, moins de christianisme, et plus de
magie
a) Un mélange religieux spécifique
b) Plus de magie noire qu’
ailleurs
c) Une magie de guérison au centre des pratiques
d) La possession dans les transes réduite à une pratique initiatique
magique rare
e) Un manichéisme naïf et une religion instrumentalisée, comme
dans l’
Ancien Testament
A.2.1.2.2.3) Un vaudou marginalisé
a) Une schizophrénie : un vaudou chrétien, et un vaudou vaudou !
b) Les principaux Orishas sont très sombres, voire monstrueux
c) Des Ashantis de la Côte d’
Or
d) Une religion presque secrète, en tout cas très discrète (donc
difficile à observer)
e) Des divinités qui acceptent l’
instrumentalisme et l’
œ cuménisme
f) Un souci d’
efficacité : donc la religion s’
efface devant la magie
A.2.1.2.2.4) Les éléments proches de la pensée protestante
a) le fatalisme : entre prédestination et karma
a.1) D’
où vient la composante hindouiste ?
a.2) Equilibre et nécessités
a.3) Une morale « immanente »
b) Un monde qui s’
auto-équilibre, comme avec une « main
invisible » !
c) L’
obeah met le magicien en garde contre son ubris
A.2.2) Dans les colonies non-britanniques,
l’influence du protestantisme ?
quelle
est
A.2.2.1) Les Etats-Unis instrumentalisent le protestantisme
pour asseoir leur domination
A.2.2.1.1) Le protestantisme comme fer de lance de l’impérialisme
américain
A.2.2.1.2) Haïti et l’oppression armée américaine
A.2.2.1.3) Haïti face au capitalisme sauvage conquérant
A.2.2.2) L’affrontement dogmatique frontal entre les sectes
protestantes et le vaudou
A.2.2.3) La pensée « rationnelle » ou « raisonnable » au
secours des religions dominantes : le désenchantement
partiel du Monde, au détriment du vaudou
A.2.2.4) Un réenchantement du Monde qui épargne les
religions établies, mais grandguignolise et folklorise le
vaudou
Conclusion : peu de points communs, et beaucoup de
dissensions entre protestantisme et vaudou
Adresse électroniques de l’UPNPDC : [email protected]
Adresse électronique du conférencier : [email protected]
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A.2) Les sectes protestantes et le vaudou
Introductions
a) Omniprésence des sectes protestante en Haïti
Plusieurs dizaines de sectes protestantes en Haïti : Pentecôtistes, Adventistes,
Baptistes, Quakers, Salutistes, Scientistes, Episcopaliens, Témoins de Jéhovah…
Alors que les décors des temples protestants en Europe sont très dépouillés, ceux
d’
Haïti font appel à l’
art local, contrairement au décorum catholique. Ainsi les églises
catholiques d’
Haïti ressemblent de l’
extérieur et de l’
intérieur au style de SaintSulpice (en plus blanc), tandis que la cathédrale protestante « épiscopale », hideuse
et ostentatoire de l’
extérieur, arbore à l’
intérieur des fresques typiquement
haïtiennes, où le Christ voisine avec des marchands de poisson, des putains, des
joueurs de tambour, et des paysans portant sous le bras leur coq de combat (pour
les amener à l’
arène, la guaguère ou gadjès). Pour autant cette tolérance
apparemment plus grande des protestants pour la culture locale n’
est qu’
une attitude
de façade, ou n’
existe qu’
à l’
échelon du pasteur, mais pas au niveau du dogme.
b) de l’usage du mot « secte » dans le terme « les sectes protestantes »
b.1) définitions de « secte »
Remarque suggérée par Marc Prenioszlo que le mot a choqué. Par « sectes », nous
entendons la définition la plus neutre, ex. Petit Larousse 1998 : (terme vieilli)
Ensemble de personnes professant une même doctrine philosophique, religieuse,
etc. Nous ne nous référons donc pas spécifiquement au sens N° 2 « Groupement
religieux clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques
religieuses dominantes » ni le sens N° 3, péjoratif : « Clan, côterie ».
Quant à la précision encyclopédique du même dictionnaire, nous en reprenons
surtout les éléments du début (en gras) du paragraphe :
« La secte repose sur un mouvement de conversion personnel et sur le refus
de toute médiation de type sacerdotal. Généralement née de la contestation
d’une institution ecclésiale accusée de laxisme, la secte adopte, sous la
conduite d’
un guide, une attitude fondamentaliste à l’égard des textes sacrés et
révolutionnaire vis-à-vis des structures sociales. Nombreuses dans toutes les
religions et à toutes les époques, les sectes se sont multipliées depuis la fin des
années 1960, se distinguant notamment par leur idéal de renouvellement, leur goût
pour le syncrétisme, leur souci de changer la vie individuelle et de vivre dans une
société harmonieuse, exigeant de leurs adeptes une adhésion totale et
exclusive. »
b.2) de l’éternelle et ennuyeuse question de la différence entre secte et religion
Ne tombons pas dans le travers ou le débat éternel :
1) Toutes les religions sont des sectes (que viennent faire des laïcards
dans ma conf ?)
2) Une religion, c’
est une secte qui a réussi
Disons que le facteur nombre change la nature de la secte, et la rend religieuse :
- non seulement parce qu’
en pesant lourd, on ose moins la critiquer et elle
prends le pouvoir (la justice est faite par les vainqueurs, quand Constantin se
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convertit finis les martyrs, ou du moins les martyrs changent de camp, Julien
l’
Apostat deviendra le méchant de l’
Histoire).
Pour ratisser plus loin que quelques fanatiques, il faut simplifier une religion et
la rendre plus facile à aborder et à pratiquer, donc moins sectaire (même les
Cathares n’
étaient pas tous des Parfaits chastes, sinon leur aventure n’
aurait
pas duré plus d’
une génération). Ce n’
est pas avec des Bossuet et des
Fénelon que l’
on fait une religion « grand public » (Référence à la conf de
David Dupire).
Pour garder une cohérence en grossissant ses rangs, il faut un clergé pour
unifier le dogme. Idem quand le gourou meurt. Exemple : Osho Bagwan
Rajneesh deuxième génération.
En se détachant de la religion d’
origine, on n’
est plus dans un schisme, dans
une déclinaison du paradigme de référence de la religion originelle, mais on
change de syntagme. Ainsi ce n’
est pas tant le succès du christianisme qui l’
a
fait passer du statut de secte à celui de religion, ni sa prise de pouvoir à
l’
échelle de l’
Empire. C’
est d’
une part la prise de conscience par Pierre, après
moult hésitations, que la doctrine de Jésus peut concerner aussi les non-Juifs
(on se détache alors définitivement du judaïsme, on n’
a donc plus affaire à
une secte juive mais à une nouvelle religion), et c’
est d’
autre part le
changement du message originel de Jésus, très proche des Vêdas, d’
une part
par Paul de Tarse (qui fonde la morale judéo-chrétienne : cf. Généalogie de la
Morale, et L’
Antéchrist, Nietzsche), et d’
autre part par St Jérôme au IVème
siècle, qui réécrit les évangiles en prétendant les traduire en latin dans sa
Vulgate : donc deuxième rupture, on se détache d’
une sagesse très orientale,
quasi bouddhique et immanente (pas tellement essénienne comme on l’
a
prétendu), pour une morale juive avec un peu d’
amour en plus (quoi que) :
donc rupture avec le message du Gourou Jésus, inapplicable à l’
échelle des
masses parce qu’
anti-social (et le message anti-économique de Jésus sera
définitivement effacé avec le protestantisme).
b.3) Notre propre différenciation, pour les sectes protestantes
On distinguera donc ici une secte au sens :
- petit groupe religieux
- en marge d’
une religion originelle et en passe de fonder une nouvelle religion
- ayant une pratique assez poussée de leur foi, ce qui peut les mettre en porteà-faux avec les autorités ou avec la majorité
- le prosélytisme n’
est pas exclu
Mais on ne parle pas ici des sectes dans lesquelles :
- il est difficile d’
en sortir (d’
ailleurs, pour en avoir infiltré une trentaine dans ma
carrière d’
aventurier des temps moderne, je peux dire que si les gens n’
en
sortent pas, ce n’
est pas parce qu’
on les en empêche ou qu’
on les harcèle,
mais surtout parce qu’
ils ont développé des contacts personnels et amicaux
avec les autres membres du groupe : de même pour cesser de se droguer, il
faut non seulement se désintoxiquer chimiquement, mais surtout il faut arrêter
de fréquenter des drogués. Dans une secte, c’
est pareil : il y a le bourrage de
crâne, et il y a l’
influence du groupe (si l’
on y rentre, c’
est que l’
on est seul,
paumé, mal intégré, et que l’
on a envie de croire que le reste de la société est
hostile).
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b.4) Tentative sommaire de classification dans les Caraïbes
Trois tendances donc : la secte « sectaire », la secte devenue religion, et la secte
« petite communauté soudée »
Ici les sectes protestantes contiennent parfois des sectes sectaires (Témoin de
Jéhovah, Mormons et autres Millénaristes, Church of Sciences, Quakers, Amish,
Eglise du Christ de Paris : parfois super dangereuses). D’
autres sectes protestantes
sont répandues et sont assimilables à des religions : surtout Luthériens, Calvinistes
(pas beaucoup de ces deux-là dans les Caraïbes), et dans les Caraïbes : Anglicans,
Presbytériens (quelques écossais, pas nombreux non plus).
Mais on dans les Caraïbes on a surtout affaire à de petites communautés
protestantes, très croyantes, mais pas assimilées à des sectes sectaires :
Pentecôtistes, Adventistes, Baptistes, Salutistes, Episcopaliens, …
c) Clin d’œ il à Max Weber
Concernant le titre de ma conférence, clin d’
œ il à Max Weber dans son livre Ethique
protestante et esprit du capitalisme (1904-1905). Ce n’
est pas le seul ouvrage où
Weber s’
intéresse aux religions, ni le seul où il parle de sectes protestantes : Les
sectes protestantes et l’
esprit du capitalisme (1906) (où il parle davantage des sectes
américaines). Weber montre que la représentation du monde par les protestants est
en homologie de structure avec celle des capitalistes. Ne sachant s’
il est prédestiné
à l’
enfer ou au paradis, le protestant cherche en attendant sa mort à faire son devoir
(beruf) lequel passe par le travail et le fait de réinjecter les profits dans l’
entreprise
plutôt que de tout dépenser (ou de le donner aux pauvres !). Les riches sont des
gens que Dieu favorise et qui semblent donc plutôt prédestinés au Paradis (on
retourne la logique catholique intégralement). Donc l’
éthique protestante
d’
accumulation du capital conduit à la logique capitaliste.
Ici mon problème sera : le protestantisme a-t-il une influence sur la forme que revêt
le vaudou ?
- d’
une part dans les colonies où le protestantisme est majoritaire (on s’
intéressera
aux colonies anglo-saxonnes des Caraïbes, mais pas aux néerlandaises, trop
minoritaires pour en tirer des leçons), le vaudou qui en découle chez les esclaves
africains est-il par essence différent des vaudous des colonies espagnoles,
françaises ou portugaises ? Et si ce vaudou est différent, cette différence est-elle
imputable en partie au protestantisme, ou à d’
autres facteurs spécifiques au monde
anglo-saxon ?
- d’
autre part quand le protestantisme n’
est pas majoritaire (Brésil, Haïti, Cuba), quels
rapports entretiennent les sphères culturelles protestantes et vaudouisantes ?
- constatant que dans les pays pas majoritairement protestants, le syncrétisme
africano-protestant est quasi absent, quelles sont alors les influences des
Protestants, sachant qu’
il n’
est pas besoin d’
affronter un dogme pour le combattre, il
suffit de s’
attaquer aux conditions matérielles de production des idées et des
religions. Dans ce cas, quels rôles économiques, idéologiques et politiques jouent les
protestants (notamment par le biais du rôle des Etats-Unis) dans les pays
vaudouisants des Caraïbes où le protestantisme n’
est pas majoritaire ?
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A.2.1) à colonie protestante, vaudou différent ?
Il s’
agit ici d’
étudier le lien entre deux variables, donc d’
analyser un système
(en tant qu’
ensemble d’
éléments en interrelation telle que la modification d’
un
élément et/ou la modification de la relation entre deux éléments modifie les autres
éléments et / ou la relation entre les autres éléments.
Pour étudier un système avec de multiples paramètres, comme tout bouge en
même temps, il faut raisonner toutes choses égales par ailleurs. Mais les objets
d’
études humains ne sont que rarement transposables en laboratoire.
Ici pour savoir si le protestantisme du colon a une influence sur le vaudou de
son esclave, il faut comparer le vaudou des colonies catholiques avec le vaudou des
colonies protestantes.
Encore faut-il, pour qu’
un raisonnement soit « toutes choses égales par
ailleurs », que les autres paramètres susceptibles d’
influencer la configuration du
vaudou soient identiques dans les colonies protestantes et dans les colonies
catholiques. Or il n’
en est rien, le mode de gestion des colonies par les Britanniques,
par les Espagnols et par les Français est assez différent.
Il faut donc, pour comprendre les spécificités du vaudou « sous domination
protestante », étudier les autres paramètres du système (l’
histoire, la politique), et
s’
intéresser au rôle du protestantisme par rapport au vaudou, à l’
intérieur des
colonies non-britanniques, afin d’
isoler le facteur « britannique » du facteur
« protestant ».
Avoir subi une oppression coloniale non-catholique modifie-t-il le vaudou pratiqué ?
Autrement dit, l’
Obéah (vaudou jamaïcain) est-il différent des vaudous pratiqués dans
les pays anciennement dominés par la France ou par l’
Espagne ?
Réponses : historique (rapports de force), puis religieuse (éléments dogmatiques).
A.2.1.1) L’histoire des colonies britanniques dans les Caraïbes : loyalty, voice, exit
Nous faisons ici allusion à un livre de l’
économiste (et un peu sociologue) Albert O.
Hirschman : Exit, Voices, and Loyalty, responses to decline in Firms, Organizations
and States (1970). Face à un problème, Hirschman montre que les groupes sociaux
peuvent adopter trois styles de réactions. Par exemple si les profs ne sont pas
contents des réformes Fillon, ils peuvent se taire et se considérer, en tant que
fonctionnaires, comme soumis à la volonté du politique (Loyalty), ils peuvent
manifester dans la rue (Voice), ou bien carrément démissionner (ou se faire virer :
Exit). Pour gérer une colonie, les Européens avaient aussi le même genre de
dilemme : un tout petit nombre de colons, pour exploiter un immense territoire plutôt
hostile, avec un grand nombre d’
esclaves, et au départ beaucoup d’
indigènes.
Si l’
on combine plusieurs des réactions hirschmaniennes, on a intérêt à le faire dans
un ordre efficace. Le grand classique : face aux élèves, un prof a intérêt au début de
l’
année à être sévère (voice) et à relâcher progressivement la pression pour devenir
ensuite plutôt sympa (loyalty) , plutôt que de démarrer l’
année sympathiquement
(loyalty) et ensuite devenir sévère (voice) (il ne sera pas crédible, on se souviendra
que c’
est un faux méchant). Mieux vaut donc commencer par Voice et finir par
Loyalty (quant à Exit, ben c’
est Game Over !), que de commencer par Exit, puis de
revenir avec du Loyalty, et de finir par Voice, ce qui conduit in fine à un nouvel Exit :
ça c’
est le scénario catastrophe, et ce fut celui de la Jamaïque pour ses colons (sauf
que de nos jours, les relations au sein du Commonwealth, par exemple entre la
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Jamaïque et la Grande Bretagne, sont davantage placées sous le signe de Loyalty
que les relations entre la France et Haïti).
Avec les esclaves, c’
est pareil qu’
avec des élèves, pour mater leur volonté bien
légitime d’
exprimer leur désamour du travail et leur motricité galopante : si vous leur
donnez le goût de la liberté, puis que vous resserrez ensuite la vis, le résultat pour le
colon est bien plus catastrophique que s’
il tient d’
une main ferme sa colonie, mais
qu’
il relâche de temps en temps la pression, par exemple en constituant une élite
locale créole qui lui sert de courroie de transmission, de masse tampon, de petits
chefs pour contrôler les esclaves.
Les accidents de l’
Histoire firent que la Jamaïque, principale colonie britannique des
Caraïbes, alterna le exit, le voice et le loyalty d’
une manière défavorable au Colon, ce
qui permit le développement d’
un vaudou politiquement très autonome.
A.2.1.1.1) Exit les espagnols : émancipation et armement des esclaves jamaïcains !
A.2.1.1.1.1) le marginal sécant : je me glisse dans les interstices du pouvoir, je
m’émancipe durant ses transitions
Lorsqu’
une colonie change de main, les esclaves en profitent pour s’
émanciper, et
pas seulement les esclaves. On eut affaire dans les Caraïbes à de véritables états
pirates, à moitié anarchiques, à moitié autocratiques.
enchevêtrement des dominations, les îles changeaient de main de multiples fois. Exemple : l’
île de la
Tortue : première implantation française en 1630, puis prise par les Espagnols en 1638, puis par les
flibustiers commandés par Le Vasseur en 1640, celui-ci est renversé en 1652 et l’
île retombe dans
l’
escarcelle du roi de France, puis attaque ratée des Espagnols en 1645, puis réussie en 1654, puis
Espagnols chassés en 1659 par les Français (Jérémy de Rausset et ses 600 commandos alpinistes),
etc. Les îles changent de main, les esclaves en profitent pour s’
évader, ou pas.
A.2.1.1.1.2) Les esclaves profitent des luttes entre Européens pour exister culturellement
Ce changement de main joue plus que la culture du colon : Autre exemple : la Jamaïque (Colomb y
débarque en 1494 (à St Ann’
s Bay) Port Royal devenue Kingston : espagnole puis passe aux Anglais
en 1655 (attaque de Santiago de la Vega la capitale jamaïcaine des Espagnols, rebaptisée Spanish
Town et déchue de son statue de capitale): le vaudou avait eu le temps de se constituer sous les
Espagnols). L’
arrivée des Anglais favorise le marronnage : quand la garnison espagnole de Jamaïque
s’
enfuit vers Cuba face à la flotte anglaise, L’
Espagne laisse derrière elle les esclaves qu’
elle avait
affranchis et armés dans l’
espoir qu’
ils mèneraient une lutte armée contre les Anglais. Mais refusant
de se battre pour leurs anciens maîtres (quels naïfs ces Espagnols !), les esclaves s’
enfoncent dans
l’
arrière pays jamaïcain (forêt vierge, marécages, montagnes) où ils fondèrent de petits royaumes.
Ces Maroons (ou Marrons, de l’
espagnol cimarron, qui signifie « sauvage ») allaient devenir un
problème majeur pour les autorités anglaises, parce qu’
ils fournissaient un refuge aux esclaves
fugitifs. Ce n’
est donc pas tant la culture d’
origine de l’
oppresseur qui joue un rôle dans les conditions
d’
existence des vaudous, mais plutôt l’
existence de zones interstitielles, historiquement et
géographiquement, du slack organisationnel, du marginal sécant.
A.2.1.1.2) Loyalty des colons-pirates : faibles appareils idéologiques d’Etat
A.2.1.1.2.1) Les boucaniers « au pouvoir » : des relations privilégiées avec les Maroons
les méthodes de guerres entre nations coloniales jouent aussi un rôle sur le développement de
cultures parallèles. Poursuivons l’
exemple de la Jamaïque. Pour la petite histoire, les Espagnols
tentèrent un retour en Jamaïque en 1658, mais furent écrasés à Rio Nuevo. Les Anglais entreprirent
alors de harceler les colonies espagnoles en organisant des razzias et en attaquant les flottes de
ravitaillement espagnoles. N’
étant pas encore une grande puissance navale, l’
Angleterre laissa
pendant toutes les années 1660 des corsaires (en fait, plutôt des pirates) attaquer les Espagnols au
nom de la Couronne britannique. Ces corsaires multipliaient les contacts avec les Maroons sans
chercher ni à les asservir, ni à les convertir au christianisme. Les boucaniers notamment entreprirent
des échanges fructueux. En 1670, l‘
Espagne céda officiellement la Jamaïque à l’
Angleterre (traité de
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Madrid), et malgré la tentative d’
invasion menée en 1694 par une flotte française conduite par l’
Amiral
Jean du Casse, la Jamaïque allait rester britannique pendant trois siècles.
A.2.1.1.2.2) L’apogée du paradis pirate : l’épisode Sir Henry Morgan
le mode de gestion colonial des Britanniques est très relâché, faute de moyens, ce qui facilite la liberté
idéologique et religieuse. Continuons avec l’
exemple jamaïcain. Les Boucaniers, flibustiers, pirates
avaient dans les années 1660 formé une alliance, la Confrérie de la Côte, et s’
attaquèrent plus
spécifiquement aux flottes espagnoles chargées d’
or. Les Français et les Anglais, qui mobilisaient une
grande partie de leur flotte en Europe, ne pouvaient maintenir une présence militaire navale forte dans
les Caraïbes, et eurent recours aux « lettres de marques » qui cautionnaient les pirates pour en faire
des corsaires à leur solde contre les Espagnols, bref des mercenaires. En 1665, ces pirates sauvèrent
l’
emprise britannique sur la Jamaïque, durant la guerre contre la Hollande. Reconnaissant, le
gouverneur britannique permit aux corsaires d’
établir leur quartier général à Port Royal, qui devient
ainsi « la ville la plus barbare du monde ». Port Royal ne regroupait pas toute la capitale, mais
seulement la longue bande de terre de la capitale historique, qui protège la baie de la nouvelle
capitale, Kingston Harbour : le coin de vient un nid de pirates, qui font ce qu’
ils veulent tant qu’
ils ne
s’
attaquent qu’
à des navires non-britanniques. Le plus célèbre de ces pirates fut Henry Morgan (16351688), qui devint un notable, fut nommé chevalier et gouverneur de la Jamaïque. Il commandait une
véritable flotte (lire les mémoires d’
Alexandre OExmelin en 1699 (cf. mon livre de AO p. 44 et sqs. :
AO parle très rarement des esclaves noirs dans ses mémoires, sauf pour dire que c’
était un butin de
guerre pour les pirates, et c’
était donné en compensation de la perte d’
un organe au combat, chez les
pirates, comme une prime d’
assurance vie ou une COTOREP : un esclave pour la perte d’
un œ il, d’
un
doigt ou d’
une oreille, deux esclaves pour la perte de la main droite ou du bras droit, six esclaves
pour la perte de deux yeux ou des deux bras ou des deux mains. Pourtant AO fut lui-même esclave
dans l’
île de la Tortue.) : Morgan prend l’
île de Ste Catherine (Costa Rica) avec 15 navires et 600
hommes, une autre fois, prise de Port-au-prince (à Cuba, sic) et pillage pour 60 000 écus en monnaie
plus les marchandises ; puis attaque et sac de Porto Bello (100 000 écus de rançons des forts, de la
ville et des prisonniers) ; puis le 9 mars 1669 sac de Maracaibo et de la ville voisine de Gibraltar
(Venezuela) ; enfin, sommets de sa carrière, Morgan avec 26 vaisseaux et 1600 hommes pille
Panama fin décembre 1669 et janvier 1670. Sur Morgan le perfide : voir AO pp. 86-88 : le plus fort
c’
est que Morgan dérogea aux règle du partage pirate des trésors et vola la plupart des pierres
précieuses et des jolies femmes (il se barra avec les trésors en les cachant dans une chaloupe et
régna sur la Jamaïque à partir de 1674, et là il chassera les pirates (pour les inciter à devenir corsaire)
puis sera révoqué en 1684). On se doute bien qu’
avec des gouverneurs pareils, les particularités
religieuses des Nègres sont tolérées, et leurs pratiques ancestrales peuvent s’
exprimer sans trop de
problèmes, même lorsqu’
ils restent esclaves (les pirates et les corsaires possèdent aussi des
esclaves : c’
est le rêve d’
embourgeoisement de l’
époque, la rente idéale).
A.2.1.1.3) Voice des propriétaires terriens britanniques : une guérilla sans vainqueurs
A.2.1.1.3.1) Un esclavagisme très dur, même après l’abolition de la traite
Problème, Nico, les esclaves de l’
époque n’
étaient pas Noirs pour la plupart, mais
Arawaks (presque tous exterminés), travailleurs européens, prisonniers irlandais,
écossais ou anglais arrêtés lors de diverses rebellions et guerres civiles (mais
tombent comme des mouches dans les tropiques). Solution : la traite depuis l’
Afrique
Occidentale : au XVIIème siècle, plus de 600 000 esclaves furent amenés à la
Jamaïque (surtout pour la culture de la canne à sucre). Un sur cinq, pour les Anglais,
meurt dans la traversée. Dans les Caraïbes, ils meurent aussi rapidement que les
Européens. Pour chaque enfant né, six esclaves mouraient (pas pareil aux EU :
meilleure gestion du cheptel).
Dès que les Britanniques entreprennent de contrôler directement la Jamaïque, et non
plus via un vice-gouverneur corsaire, les esclaves sont traités bien plus durement, et
les affrontements seront bien plus violents que dans les colonies espagnoles et
françaises.
Cruauté inimaginable des Britanniques, les exécutions sous la torture sont courantes.
Mais le sort des esclaves était si pénible que même les punitions les plus barbares
ne parvenaient pas à prévenir les multiples rébellions.
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A.2.1.1.3.2) La mémoire de la liberté perdue attise les luttes pour la recouvrer
Les Maroons / marrons / Cimarrons, dans chaque colonie, sont les vrais gardiens de
la mémoire africaine, puisque les esclaves proprement dit subissent rapidement une
acculturation dès la deuxième génération. En Jamaïque, les Maroons sont plus
nombreux que dans les autres colonies, à cause des guerres Anglo-Espagnoles
durant lesquelles les Espagnols avaient développé l’
autonomie des esclaves, et les
avaient même armés et entraînés au combat (oh la belle bêtise, quand on goûte à la
liberté, on n’
y retombe plus : Machiavel, Le Prince, chap. V : « Quand les États conquis
sont, comme je l'ai dit, accoutumés à vivre libres sous leurs propres lois, le conquérant peut
s'y prendre de trois manières pour s'y maintenir : la première est de les détruire ; la seconde,
d'aller y résider en personne ; la troisième, de leur laisser leurs lois, se bornant à exiger un
tribut, et à y établir un gouvernement peu nombreux qui les contiendra. dans l'obéissance et la
fidélité : ce qu'un tel gouvernement fera sans doute ; car, tenant toute son existence du
conquérant, il sait qu'il ne peut la conserver sans son appui et sans sa protection ; d'ailleurs, un
État accoutumé à la liberté est plus aisément gouverné par ses propres citoyens que par
d'autres. »
Ici le Britannique cherche à asservir des Maroons qui ont goûté une fois à la liberté :
on ne peut aller dans le sens opposé à l’
Histoire, la Jamaïque sera donc agité de
guerres de libération terribles.
A.2.1.1.3.3) Guerres des Maroons et soulèvements : la lutte comme soutènement d’une
culture d’origine ghanéenne (coromantee) qui s’appuie sur des icônes de la rébellion
(Cudjoe, Tacky, Sam Sharpe, Gordon & Bogle, Marcus Garvey)
a) Première Guerre des Marroons : Cudjoe
Les Maroons forment une épine dans le pied des Anglais. Dès 1690 (un siècle avant
toute tentative d’
émeute en Haïti), ils s’
unirent à des esclaves rebelles lors d’
un
soulèvement généralisé désigné comme la première guerre des Maroons (la
rébellion naquit parmi les esclaves de la région de Clarendon en Jamaïque, dont la
plupart étaient des Africains Coromantees originaires de l’
actuel Ghana : donc
culture différente des Fons du Dahomey ou des Bakongos : pas étonnant que ça
forme une religion différente, vu que les racines culturelles ne sont ni les mêmes en
Afrique, ni les mêmes du point de vue de la composante chrétienne). Des stars de la
rébellion entrent dans la légende (tout comme en Haïti deux meneurs de révoltes
devinrent des loas ou des demi-dieux : François Makandal, et Boukman, sans parler
de Toussaint Louverture et de Dessalines, eux aussi loaïsés) : en Jamaïque ce sont
Accompong, Johnny et leur plus célèbre frère Cudjoe, alliés aux chefs maroons
Cuffee et Quao, mènent la résistance pendant près d’
un demi-siècle. Le style de
domination psychorigide des Britanniques et des Protestants en général
s’
accommode mal de la culture africaine. L’
Anglais méprise les Créoles, et les
maintient dans un statut proche de celui des esclaves. Pour contrôler les esclaves, la
France préfère au contraire s’
appuyer sur les mulâtres, qui servent de tampon et de
courroies de transmission du pouvoir colonial. L’
Anglais est donc seul pour contenir
les révoltes, alors que le Français reconstitue des structures de domination déjà
présentes en Afrique (rappel : le premier esclavagiste, c’
est l’
Africain) : arme à
double tranchant, la révolte en Haïti sera menée par les Mulâtres !
Les Anglais, qui se refusent à toute stratégie d’
élites créoles, finiront par faire venir
des traqueurs indigènes de la côte des Mosquitos (Amérique centrale : même
stratégie que pour traquer les bagnards en Guyane française).
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Un par un, les villages maroons furent découverts, et les maisons et les champs
furent brûlés. Le 31 mars 1739 (49 ans de lutte !), Cudjoe signa un traité d’
amitié
attribuant 600 hectares de terre aux Maroons et nommant Cudjoe et ses frères
comme chefs sous la couronne britannique (même stratégie qu’
avec les maharadjas
et les sultans en Inde : on s’
appuie sur les petits chefs locaux, mais on les
vassalise) : mais en échange, obligation de ramener les esclaves fugitifs et
d’
apporter leur soutien aux Anglais face aux rébellions d’
esclaves ( ça fait penser aux
collabos comme Pétain, ou surtout à Mahmoud Abbas tenu de livrer les terroristes à
Israël !!! : nettoie les brebis galeuses qui sévissent dans tes rangs !).
b) Seconde Guerre des Maroons : Tacky
Contre le chef Coromantee TACKY (guérilla commencée en 1760, guerre éclate en
1795 à la suite d’
un châtiment infligé à deux Maroons pour le vol d’
un cochon).
Guerre dure six mois, ce coup-ci l’
arme secrète importe n’
est plus le traqueur
mosquito : le gouverneur, le comte de Balcarres, fait venir de Cuba un contingent de
dresseurs de chiens féroces (méthode espagnole). Vaincus, les 600 Maroons
révoltés sont déportés en Nouvelle-Ecosse, et malgré le sort clément réservé aux
survivants, ce fut la fin du pouvoir des Maroons.
c) Le chant du cygne britannique : politique de la terre brûlée et Sam Sharpe
Abolition de la traite en 1807, mais le lobby sucrier maintient l’
esclavage en
Jamaïque jusqu’
en 1834 !!! Déclin de l’
esclavage précipité par le soulèvement de
1831 : Sam Sharpe dit « Daddy » et 20 000 esclaves se révoltent dans la région de
Montego Bay. Sam Sharpe et 1000 de ses fidèles sont exécutés après sa reddition
pacifique ! Perfide Albion ! Perbide Alfion ! L’
opinion publique anglaise fut outrée et
poussa le Parlement à abolir l’
esclavage ; mais la raison réelle de l’
abolition fut
économique : le développement du sucre de betterave en Europe Continentale fit
chuter la demande de sucre de canne, dont le prix s’
effondra, ce qui estompa
l’
influence politique des planteurs de canne.
c) La rébellion de Morant Bay : Gordon et Bogle
Mais après l’
abolition la vie des esclaves affranchis continua d’
être très misérable et
dure, voire encore plus dure. Interdiction désormais de flageller et de torturer, pour
les planteurs. Mais salaire de misère, et pauvreté amplifiée par guerre de Sécession
(les Etats sécessionnistes du sud des EU, qui ravitaillaient la Jamaïque, étaient
soumis à un blocus de la marine nordiste) : d’
où en octobre 1965 un nouveau
soulèvement, la rébellion de Morant Bay. Répression avec sauvagerie habituelle :
430 rebelles pendus, des centaines d’
autres battus, les deux leaders, George
William Gordon et Paul Bogle sont exécutés pour trahison (de nos jours héros
nationaux : mais on comprend mieux pourquoi l’
obeah est quasi clandestine). Par la
suite, les planteurs blancs adoucirent leur gouvernement colonial, mais les inégalités
criantes demeurent.
d) La fierté afro-américaine : Marcus Garvey
Les révoltes suivantes furent davantage assimilées à des mouvements sociaux
syndicaux : années 1930, puis 1940 (droit de vote accordé à tous les adultes en
1944), années 1950 processus d’
autonomie, indépendance le 6 août 1962. Leader
de l’
émancipation : Marcus Garvey (1887-1940) fondateur de l’
Universal Negro
Improvement Association, dont le but est de redonner aux descendants des esclaves
africains la fierté de leurs racines, et à appeler les Noirs des Caraïbes, des
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Amériques et des colonies européennes en Afrique à s’
unir pour s’
affranchir de la
tutelle des Blancs. Encourage les Noirs à rentrer en Afrique, cherche à fonder sa
compagnie de bateaux la Black Star Line. Emprisonné pour fraude postale alors qu’
il
cherchait des investisseurs, meurt en exil à Londres mais enterré à la Jamaïque en
héros national.
On l’
aura compris, les conditions matérielles, historiques, économiques, idéologiques
de l’
émergence d’
un vaudou spécifique dans les colonies britanniques sont dus
d’
abord et avant tout à une politique coloniale particulière des Britanniques :
- l’
alternance de périodes de relâchement de l’
oppression dans les colonies
(Espagnols qui arment les esclaves, boucaniers qui maintiennent l’
esclavage mais
qui ne cherchent pas à imposer de rigueur religieuse particulière) et de période
d’
oppression dure (les Anglais sont aussi durs avec leurs esclaves au XIXème siècle
que les Français et les Espagnols deux siècles avant !)
- une géographie jamaïcaine et un aménagement du territoire qui permet aux
Maroons de maintenir une guérilla et de ne pas perdre les guerres (d’
autant que les
colons tiennent surtout les côtes).
- des leaders des rébellions noirs qui, sans être des leaders religieux, incarnent une
résistance à l’
idéologie dominante dont profitent aussi les religions non-européennes.
- Plusieurs conséquences sur l’
obeah:
- vaudou jamaïcain influencé surtout par culture africaine coromantee (Ghana,
donc Ashanti, mais pas Fon), mâtinée de culture Arawak, Hindoue, et assez
peu européenne
- religion plus secrète, par crainte de l’
oppresseur : très initiatique
- religion plus dure, plus magique, plus violente, plus radicale
A.2.1.2) L’obeah : un vaudou en partie influencé par la culture protestante ?
A.2.1.2.1) Les vaudous en colonies anglosaxonnes : Obeah jamaïcain et Chango cult de Trinidad
Obeah (appelé aussi Guzzu en Jamaïque ou Baptist Orisha à Trinidad y Tobago, ou
encore Chango Cult (toujours à T&T)) :
surtout pratiquée en Jamaïque, un peu ailleurs dans les Caraïbes (traces dans les
Barbades, Trinidad y Tobago (britannique de 1797 à 1962 : moins du quart de gens
pratiquent l’
obeah, pudiquement qualifié sur le site officiel de T&T de « autres
confessions »), et les Bermudes : donc toujours des anciennes colonies
britanniques).
Difficile d’
évaluer le nombre d’
adeptes : pratiqué clandestinement ou semiclandestinement,
1) parce que culte avec pratiques extrêmes,
2) parce que des siècles de répression,
3) parce que gouvernement veut donner image de modernité,
4) concurrence de la religion rastafari (qui allie aussi fondamentalisme africain,
mysticisme de la ganja, vérités révélées (prophète Hailé Sélassié) et références à
l’
Ancien Testament : noir = esclave comme les Hébreux et Egyptiens = Noirs Cheikh
Anta Diop) ;
5) grande influence des églises protestantes, qui détestent la concurrence et sont
omniprésentes :
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- deux tiers : Protestant 61.3% (Church of God 21.2%, Baptist 8.8%, Anglican 5.5%,
Seventh-Day Adventist 9%, Pentecostal 7.6%, Methodist 2.7%, United Church 2.7%,
Brethren 1.1%, Jehovah's Witness 1.6%, Moravian 1.1%),
- Roman Catholic 4%,
- un tiers : other, including some spiritual cults 34.7%
A.2.1.2.2) Spécificités par rapport aux autres vaudous, et points communs
A.2.1.2.2.1) Puritanisme britannique et technologie africaine du cool
Une religion qui mélange culte africain et culture britannique crée un mélange de
tolérance paillarde et de conservatisme rigide. D’
un côté il est courant pour les
femmes comme pour les hommes d’
avoir des enfants avec plusieurs partenaires, les
fumeurs de ganja sont légions, et les textes indolents des chanteurs de reggae et de
dub se complaisent dans les références sexuelles explicites (joke : Bob Marley : I
Wanna Love You and Treat You Right : Je veux t’
aimer et « treat you right » =
tritiouraïte = te triturer ?). Mais d’
un autre côté le moindre hameau possède une
église, le culte dominical est l’
occasion d’
efforts vestimentaires et d’
un comportement
guindé qui semble faire oublier les agapes du samedi soir (comme les Anglais
d’
ailleurs...).
A.2.1.2.2.2) Moins de vaudou, moins de christianisme, et plus de magie
a) Un mélange religieux spécifique
Ne contient pas seulement des éléments de vaudou, mais aussi et avant tout des
éléments de chamanisme (l’
apprentissage se fait par des transes qui apportent des
révélations successives), de sorcellerie, de magie et de superstition. L’
initié (et c’
est
essentiellement une religion initiatique, proche des cultes à Mystère et des sorcières
du Moyen Âge) appelé un Obeahman ou Obi-Man (Obi Wan Kenobi ???) (même
prononciation ou presque) finit toujours par « travailler des deux mains », voire par
basculer dans la magie noire et les pratiques nécromantiques ou magie de la mort,
donc finit toujours par avoir qqch à se reprocher, et la composante religieuse s’
efface
au profit de la composante magique.
b) Plus de magie noire qu’ailleurs
Cette composante magique flirte avec la magie noire, et sans doute le sacrifice
humain. Loin de s’
être adoucie, il semble au contraire que l’
Obeah se soit radicalisée
au cours des siècles : c’
est la même évolution que la sorcellerie en Afrique. De nos
jours les sociétés de sorciers liquident leurs propres enfants, dans toute l’
Afrique
noire, (voir la BD (mémoire de Diplôme National) de Groud G. Gilbert, Magie Noire,
Albin Michel) : en Afrique aussi les pratiques ancestrales se radicalisent, virent au
snuff sans movie. L’
obeah est d’
autant plus secrète que la Jamaïque a subi de la
part des Blancs une répression encore plus dure, et historiquement plus longue, que
le reste des Caraïbes : la méfiance a perduré.
c) Une magie de guérison au centre des pratiques
Mais dans le même temps les praticiens de l’
obeah excellent dans les guérisons,
pour les pauvres qui n’
ont pas les moyens de s’
offrir un médecin. Cas de guérison,
exemples : une fillette dans le coma après avoir été heurtée par une auto,
transportée sur un brancard dans la montagne jamaïcaine jusqu’
au guérisseur, et
remise sur pied sans aucune cicatrice deux semaines plus tard ; un Blanc qui
souffrait de la Dengue (douve parasite du foie) a été guéri à distance (généralement
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ce n’
est pas possible, il faut se déplacer, mais un Blanc n’
a pas le droit de découvrir
la cachette du sorcier) par l’
envoi d’
un sac wanga ; le lendemain, guéri.
d) la possession dans les transes réduite à une pratique initiatique magique rare
La possession par des esprits durant des transes est bien plus rare dans l’
Obeah,
elle est essentiellement pratiquée dans des sectes vaudouisantes, en Jamaïque. Le
rituel de possession d’
appelle alors Kumina, et les sectes qui le pratiquent Pukumina
ou Pocomania.
e) Un manichéisme naïf et une religion instrumentalisée, comme dans l’Ancien Testament
Par rapport aux autres Vaudous qui font de Dieu le Père une divinité lointaine,
distante et neutre (Gwan Mêt), l’
Obeah est à la fois moins manichéen (principe
d’
équilibre quasi karmique) et en même temps plus manichéen, puisque la figure de
Satan et de tous les princes de l’
Enfer est intégrée, contrairement aux autres vaudou
qui parlent de diab’ au pluriel, et négligent un Diable suprême (sauf dans la
Macumba : le Mayombé).
La kabbale influence l’
obeah : en effet Moïse est considéré par les Obeahmen (Ob =
Oph = serpent), adorateurs du Serpent (comme Damballah), comme un grand
magicien, puisqu’
il transforma (via Aaron) un morceau de bois en serpent devant le
pharaon. (Exode, VII, 8-16). L’
Obeah admire aussi la magie égyptienne
(« Egyptien » est parfois synonyme de « Magicien » au Moyen-Âge), Ob en égyptien
veut dire serpent d’
où « obeah ». Exode VII :
8
L'Éternel dit à Moïse et à Aaron:
9
Si Pharaon vous parle, et vous dit: Faites un miracle! tu diras à Aaron: Prends ta verge, et jette-la
devant Pharaon. Elle deviendra un serpent.
10
Moïse et Aaron allèrent auprès de Pharaon, et ils firent ce que l'Éternel avait ordonné. Aaron jeta sa
verge devant Pharaon et devant ses serviteurs; et elle devint un serpent.
11
Mais Pharaon appela des sages et des enchanteurs; et les magiciens d'Égypte, eux aussi, en firent
autant par leurs enchantements.
12
Ils jetèrent tous leurs verges, et elles devinrent des serpents. Et la verge d'Aaron engloutit leurs
verges. [ça devient cochon]
13
Le coeur de Pharaon s'endurcit, et il n'écouta point Moïse et Aaron selon ce que l'Éternel avait dit.
14
L'Éternel dit à Moïse: Pharaon a le coeur endurci; il refuse de laisser aller le peuple.
15
Va vers Pharaon dès le matin; il sortira pour aller près de l'eau, et tu te présenteras devant lui au
bord du fleuve. Tu prendras à ta main la verge qui a été changée en serpent,
16
et tu diras à Pharaon: L'Éternel, le Dieu des Hébreux, m'a envoyé auprès de toi, pour te dire:
Laisse aller mon peuple, afin qu'il me serve dans le désert. Et voici, jusqu'à présent tu n'as point
écouté.
A.2.1.2.2.3) Un vaudou marginalisé
a) Une schizophrénie : un vaudou chrétien, et un vaudou vaudou !
Les loas sont appelés dans l’
obeah de T&T (géographiquement très proche du
Vénézuela, et donc pas très loin du Brésil) les Orishas, comme dans le vaudou
brésilien, la macumba. Les orishas sont parfois explicitement assimilés aux anges ou
aux djinns (comme dans certaines religions syncrétiques de Sierra Leone qui font de
l’
Islam à l’
africaine, très magique, très pragmatique). Le culte des Orishas à T&T est
scindé en deux : le « Spiritual Orisha » dont le culte est très proche du christianisme
catholique (et je dirais de l’
influence du Brésil), et le « Baptist Orisha », plus proche
du vaudou africain : or le mot Baptist, comme la secte protestante Baptiste, sousentend que le vaudou influencé par le protestantisme serait plus proche des origines
africaines que le vaudou de la sphère coloniale catholique. Les Orishas attachés aux
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Initiés sont appelés Bones (les os) : donc très lié aux esprits de la mort (l’
équivalent
des Guédés haïtiens et béninois).
b) Les principaux Orishas sont très sombres
Les principaux Orisha sont très sombres et ressemblent aux Guédés : Bones le Roi
de la Mort, « The Dark One » ; Oduda (et non pas DiDouDa) sa parèdre (ou figure
équivalente féminine) , « The Black One » (proche de la Maman Brigitte des Haïtiens
ou de Kali en Inde) ; Anima Sola (esprit très secret). Cette obsession des dieux de la
mort a un rapport d’
une part avec le culte des ancêtres, d’
autre part avec une magie
qui cherche à tirer des pouvoirs des pratiques nécromantiques, mais surtout d’
une
conception religieuse très fataliste, qui voit la mort comme un équilibre, une
nécessité : on est là encore proche d’
une vision protestante très tournée vers l’
idée
de la destinée finale. Autres divinités de référence : Moïse (rapport aux serpents,
comme St Patrick chassant les serpents d’
Irlande, pour les Haïtiens), Anancy le
Dieu-araignée ou araignée-garou (rôlistes de Loup-Garou connaissent) (hérité du
Ghana) rusé (trickster).
Remarque : en revanche, Linglessou (El Ingles) n’
est pas un loa jamaïcain, mais il
est assimilé dans le vaudou dominicain au loa Aga(ss)ou des Haïtiens, ou à l’
Orisha
Osain du Chango Cult, et dans le vaudou haïtien, Linglessou est un autre nom pour
Ogou, le loa guerrier : l’
Anglais, c’
est essentiellement un soldat, or les uniformes
étaient rouges (les Red Lobsters, les écrevisses rouges), comme la couleur de
Ogou !!!
c) Des Ashantis de la Côte d’Or
les bassins culturels d’
origine diffèrent sensiblement de ceux du vaudou haïtien, bien
que la sphère linguistique ashanti soit la même (le berceau de l’
obeah c’
est le Ghana
(Gold Coast), entre la Côte d’
Ivoire, le Burkina Faso et le Togo), mais la tribu de
références = les Coromantees (et non les Fons). Centre du Ghana, autour de la ville
de Kumasi, au nord-ouest d’
Accra la capitale. On reste quand même dans une
culture dahoméenne au sens large, donc très voisine des autres vaudous
ethniquement « soudanais ».
d) Une religion presque secrète, en tout cas très discrète (donc difficile à observer)
L’
Obeah est beaucoup moins répandu que d’
autres vaudous. Pratique secrète,
discrète, nécessité d’
une initiation longue pour tous les adeptes (alors que dans le
vaudou haïtien ou béninois, on peut pratiquer sans initiation longue, même si les
prêtres font 11 ans d’
initiation), dogme d’
une très grande complexité. Le mot Obeah
viendrait de l’
Egyptien antique Ob, qui a donné en grec Oph puis Ophiocus :
l’
ophidien, le serpent. On a donc affaire à un culte de la terre, symbolisée par le
serpent, tout comme le dieu principal du vaudou dahoméen et haïtien est Damballa,
le serpent. Mais Obeah est aussi traduit par « Pouvoir occulte » : on voit bien que
cette pratique religieuse est avant tout pragmatique, axiologique, performative,
donc… très magique.
e) Des divinités qui acceptent l’instrumentalisme et l’œcuménisme
L’
obeah est syncrétique et peut incorporer tout autre système religieux sans que les
dieux de l’
obeah n’
en prennent ombrage, même s’
ils peuvent parfois montrer leur
agacement devant certains mélanges dogmatiques. Les Obeahmen se considèrent
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comme des magiciens du chaos, ils peuvent modifier la nature sans que les dieux les
punissent (ils imitent le trickster).
f) Un souci d’efficacité : donc la religion s’efface devant la magie
La magie noire y est plus présente, et d’
une manière générale l’
ambition
d’
efficacité concrète, matérielle y est plus forte. On a donc affaire, encore une
fois, à une religion magique et à une magie religieuse (Durkheim patauge),
mais la composante magique y est plus forte, comme souvent dans les
religions en exil et minoritaires.
Beaucoup de sorts d’
attaque et de défense, des duels magiques, comme dans
certains romans de Huysmans.
-
A.2.1.2.2.4) Les éléments proches de la pensée protestante
a) le fatalisme : entre prédestination et karma
a.1) D’où vient la composante hindouiste ?
Les influences hors Afrique noire de l’
obeah font moins appel à la dimension
catholique, et davantage à la dimension fataliste du protestantisme, d’
autant que
l’
Obeah (notamment à Trinidad y Tobago) contient aussi des références à l’
Islam et à
l’
Hindouisme (l’
empire britannique et vaste et les coolies voyagent d’
une colonie à
l’
autre, un peu comme si les Indochinois avaient émigré en Algérie), deux religions
également plus fatalistes que le christianisme.
a.2) Equilibre et nécessités
Tout comme le vaudou haïtien, vision du monde en termes d’
équilibre : la religion
n’
est pas dans la sphère du bien, mais dans celle qui comprend les nécessités
(forme de volonté d’
immanence, par delà bien et mal).
a.3) Une morale « immanente »
Vision très karmique du monde, en système, et à ce titre la notion de mal n’
est pas
exclue, mais elle ne s’
expose pas à une justice divine : « la mal que tu fais, c’
est le
mal que tu te fais », parce que tout est lié et que tout déclencheur d’
effet en subit les
bénéfices et les chocs en retour. Donc les lanceurs de sorts vivent entourés de
grigris pour se protéger des âmes de leurs victimes. On retrouve un peu la notion
d’
ubris : si l’
on cherche à s’
émanciper de son destin, si l’
on déséquilibre le flot normal
des événements par des moyens magiques, il faut s’
attendre à ce que le balance
cosmique se venge (Apatè- Némésis - Eris !). Ces concepts existent un peu dans le
vaudou haïtien, mais essentiellement chez les magiciens (Bokors, Zobops, Cochons
sans Poils, Caprelateurs, Sectes Ruj) et peu chez les pratiquants de base, qui
n’
utilisent que des magies passives et défensives (wangas, gads) sans réel impact
sur l’
ordre cosmique.
b) Un monde qui s’auto-équilibre, comme avec une « main invisible » !
Cette vision en termes de destin est très prégnante soit chez les Grecs anciens (peu
de lien avec l’
Obeah), soit chez les protestants : prédestination !
Le monde s’
auto-équilibre tout seul, comme les deux termes d’
une égalité. On
retrouve un concept soit bouddhique, soit classique chez les anglo-saxons libéraux :
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la main invisible, la nécessité de ne pas intervenir dans les échanges marchands
(notamment en limitant le rôle de l’
Etat), la fable des abeilles (Mandeville).
Etonnante homologie de structure entre le fatalisme de l’
obeah (chocs en retour,
monde équilibré) et l’
idéologie protestante anglo-saxonne (laisser-faire, ne pas
intervenir, processus d’
auto-rééquilibrage des systèmes sociaux !). Etonnant,
d’
autant que cet aspect est moins marqué dans les autres vaudous : un peu moins
dans le vaudou haïtien imprégné de culture française (y compris d’
esprit des
Lumières et maçonnique), encore moins dans les vaudous de la sphère culturelle
espagnole et portugaise (santeria, pai de santos), beaucoup plus imprégnés d’
une
vision manichéenne du monde, ou les loas sont moins ambigus, plus proches des
anges et des saints, donc du camp du bien (avec existence de diab’et d’
esprits
mauvais, y compris hors de la sphère magique).
Le colon protestant a donc bien un impact sur les formes du vaudou : la composante
chrétienne est plus fataliste, plus libérale, plus bouddhique ! La différence entre
obeah et protestantisme, c’
est que dans l’
obeah, chaque crime est puni, chaque
vertu est récompensée, parce que toute action dans le monde a sa « rétribution »
(positive ou négative) ; alors que pour les protestants, ce qui arrive en bien ou en mal
aux humains sur terre n’
est qu’
un indice anticipé de la damnation ou de l’
élection
post-mortem, donc il n’
y a pas de lien direct entre une action et le bonheur ou le
malheur qui nous arrive. Cela dit, le devoir d’
un chrétien est de servir la gloire de
dieu, donc plutôt de faire le bien. Disons que l’
obeah interprète la vision systémique
et auto-équilibrée du monde d’
une façon morale, même s’
il n’
y a pas de volonté
supérieure de justice.
La justice serait donc immanente : tout se passe comme si un juge invisible punissait
les actes mauvais et récompensait les actes bons, mais en fait l’
explication est
terrestre : si je pollue la rivière, je boirai de l’
eau mauvaise ; si j’
aide les pauvres, ils
me le rendront. On retrouve une superstition typiquement africaine, et qui dépasse le
bien et le mal. En fait il arrive malheur dès que l’
on sort de l’
ordre social établi, ou
dès que l’
on prend des risques idiots ; par exemple chez les Wolofs, petites morales
chez les enfants : si tu manges du sel sans aliments, si tu fais de la couture la nuit, il
arrivera malheur à ta famille : la sanction est exagérée pour renforcer son caractère
coercitif. Plus qu’
une morale, l’
obeah est donc d’
abord un guide superstitieux du
conformisme social. On retrouve alors l’
éthique protestante, qui cautionne le travail,
l’
épargne, le conformisme aux règles établies et aux bonnes mœ urs : il ne s’
agit plus
de suivre la voie du bien, mais de faire son devoir (« berouf » : cf. Max Weber,
Ethique protestante et esprit du capitalisme).
c) L’obeah met en garde contre l’ubris
Mise en garde contre l’
ubris en magie, dans l’
obeah (rappelle le “tu n’
invoqueras pas
à la légère le nom de dieu”du Deutéronome chapitre V verset 11) : "Power is one
of the first barriers you must pass in becoming a Man of Knowledge
(Shaman). Power is intoxicating. Magic and Siddhi create a
drunkenness that is very tricky to sidestep. What you wish for comes
true, like Aladdin and the Genie."
Jeffrey Ellis -- "DreamingAwake"
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« Le Pouvoir est un des premiers obstacles que vous devez franchir pour
devenir un Homme de Connaissance (un chaman). Le Pouvoir intoxique. La
Magie et la Sagesse conduisent à un état d’
ivresse qui peut piéger ceux qui
feraient un pas de côté. Tout ce que vous désirez peut arriver, comme pour
Aladin et le Génie ».
- Jeffrey Illis est un blanc new age proche de l’
obeah, du chamanisme, et d’
une
religion caribéenne d’
origine bakongo que l’
on appelle le Palo Mayombe (dans
plusieurs vaudous, le Mayombe, c’
est le mal, le diable… ).
Cette soumission à une volonté de Dieu supérieure, incontournable et inchangeable
est assez typique des versions les plus fatalistes du protestantisme.
-
A.2.2) Dans les colonies non-britanniques, quelle est
l’influence du protestantisme ?
On a observé l’
influence du protestantisme sur le vaudou lorsque le pouvoir s’
inscrit
lui-même dans la sphère culturelle du protestantisme.
Mais le protestantisme joue-t-il un rôle dans les pays qui ne furent pas colonisés par
les Britanniques ? Etudions les rapports entre Haïti et le monde protestant : d’
une
part en regardant le rôle particulier des Etats-Unis, puis l’
impact du Protestantisme
sur l’
idéologie moderne en général, avec ses répercussions sur le vaudou.
A.2.2.1) Les Etats-Unis instrumentalisent le protestantisme pour asseoir leur domination
A.2.2.1.1) Le protestantisme comme fer de lance de l’impérialisme américain
emprise US (fer de lance de son idéologie) et pognon
Voir Charlie Hebdo : volonté impérialiste d’
appareil idéologique d’
Etat.
Antonio Fischetti et Tignous, « Charlie saute sur les sectes », Hors série Charlie
Hebdo N° 18, juin 2004 : page 21, « Du coca dans le vin de messe : comment les
Etats-Unis utilisent les sectes [protestantes] pour infiltrer le tiers-monde ».
- « Pas ou peu de transferts internationaux de capitaux, donc [de la part des sectes
protestantes américaines implantées en Afrique]. Non, le principal enjeu est
idéologique. Dans le sens Afrique-Amérique, il peut s’
agir de « renseignements ». En
clair, les églises serviraient de couverture pour les agents de la CIA. Malgré ses airs
de roman d’
espionnage, le scénario est complètement crédible, à entendre un
membre de la police gabonaise qui veut rester anonyme : « Dans les bagages de
certains pasteurs, on a trouvé de la nourriture avec sur l’
emballage des inscriptions
de l’
US Army. Avouez que c’
est bizarre ».
- Dans le sens Amérique-Afrique, les églises éveillées servent de caisse
amplificatrice à l’
idéologie américaine. Par exemple, à propos de la guerre en Irak,
[les sectes protestantes en Afrique] ont largement soutenu les positions de Bush,
contrairement à l’
Eglise catholique, qui avait plutôt tendance à condamner les
bombardements. [...]
- De toute façon, les églises éveillées vont toujours dans le sens des Etats-Unis. Ce
qui ne manquera pas de servir à un moment ou à un autre aux amis de Bush... Ne
serait-ce que pour s’
opposer à la présence française dans les pays francophones,
comme le Gabon.
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- Il n’
est pas nouveau que les EU utilisent les sectes comme outil d’
infiltration. On sait
que dans l’
Amérique du Sud des années 1970, la CIA avait formé des bataillons de
gourous pour contrecarrer les curés rouges de la « théologie de la libération ».
- Aujourd’
hui, la parano anti-marxiste n’
est plus de mise, mais l’
expansionnisme
américain s’
appuie toujours sur les éléments les plus rétrogrades des sociétés qu’
il
veut contrôler. Les églises éveillées sont parfaites dans ce rôle. » [fin de citation]
A.2.2.1.2) Haïti et l’oppression armée américaine
L’
oppression armée (EU : 1915-1934, + lois : le vaudou n’
est dépénalisé seulement
qu’
en 1987). Le débarquement d’
un commando de fusiliers-marins des EU en
décembre 1914 a pour but explicite de soutenir les grands propriétaires terriens et la
classe dirigeante contre la pression des milieux populaires (paysans en armes
appelés « les cacos ») qui font proclamer « le programme de Ouanaminthe », lequel
exige « l’
abolition de toutes les inégalités politiques, économiques et sociales » : le
stock d’
or de la Banque Nationale haïtienne est convoyé par navire militaire US à
New York ! Doctrine Monroe !
Notons d’
une manière générale que le mode de gestion colonial des pays
protestants est déconcertant, puisque de nos jours la Grande Bretagne
entretient des relations bien plus réussies avec ses anciennes colonies,
dans le cadre du Commonwealth, que la France ou que l’
Espagne avec les
leurs. Pourtant dans les Caraïbes, si l’
Espagne a commencé la
colonisation en battant tous les records de violence et de barbarie
insensée, les derniers massacres coloniaux des Caraïbes furent perpétrés
non pas par les pays latins comme la France et l’
Espagne, mais par la
Grande Bretagne, notamment en Jamaïque.
A.2.2.1.3) Haïti face au capitalisme sauvage conquérant
-
L’
oppression économique : Dessalines rêvait dans la constitution qu’
il fit
promulguer que jamais la terre ni la richesse haïtienne n’
appartiendrait à des
étrangers (il pensait surtout aux Français, à l’
époque, et ne s’
est pas méfié
des Américains). exemple l’
affaire de la SHADA (Société Haïtiano-Américaine
de Développement Agricole) : dans les années 1940, une banque de
Washington (Import-Export Bank) obtient une concession de 60 700 hectares
de forêt pour y produire du caoutchouc à des fins stratégiques : corruption du
président Lescot pour obtenir expropriation des paysans et destruction des
arbres et des habitations, puis le projet fut abandonné, la SHADA reçut une
nouvelle concession, puis fit faillite. Ce scandale entraîne la création, par
contrecoup, d’
un parti communiste, d’
un parti socialiste, de syndicats
organisés, et d’
un « nationalisme culturel ». (ils seront tous balayés par la
force : seul le vaudou reste une force de résistance politico-économique, voire
insurrectionnelle).
A.2.2.2) L’affrontement dogmatique frontal entre les sectes protestantes et le vaudou
o les attaques dogmatiques frontales (prêches des pasteurs, articles des
Témoins de Jéhovah). Extraits de Réveillez-vous !, fascicule
international des TJ du 8 juillet 2000 (date maudite dans l’
Educ Nat :
nouveau décret sur la discipline… ), article assez bien renseigné « Le
piège de la Santéria » (le vaudou cubain répandu aussi à New-York, en
Floride, au Mexique, etc.) pp. 23-25 : (Les TJ accusent la Santeria
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d’
avoir un comportement sectaire !!! C’
est un comble !!!) : page 25 « La
Santeria est intimement liée au spiritisme, une forme de culte
condamnée par la Bible (Lévitique 19 :31). La Parole de Dieu
mentionne « la pratique du spiritisme » parmi « les œ uvres de la
chair », qui empêchent quiconque les pratique d’
hériter du Royaume de
Dieu (Galates 5 :19-21). Les Ecritures commandent à ceux qui
recherchent l’
approbation de Dieu de « fuir l’
idolâtrie » et d’« adorer le
Père avec l’
esprit et la vérité » (1 Corinthiens 10 :14 et Jean 4 :23,24).
Les chrétiens devraient prêter attention au fait que les pratiques et la
musique de la Santeria s’
immiscent progressivement dans la vie
profane. De nombreux divertissements et certains aspects de la culture
latino-américaine sont liés à la Santeria. Ils gagnent de plus en plus de
popularité et beaucoup de gens les considèrent sans danger. Toutefois,
les chrétiens feront preuve de sagesse en évitant tout ce qui s’
oppose
directement aux principes de la Bible, même si cela est populaire ou
apparemment inoffensif (2 Corinthiens 6 :14-18) »
A.2.2.3) La pensée « rationnelle » ou « raisonnable » au secours des religions
dominantes : le désenchantement partiel du Monde, au détriment du vaudou
La caricature des anthropologues bidons : L’
île magique, White King of La
Gonave (auteur en 1931 : lieutenant Faustin Wirkus, 10 millions d’
exemplaires
vendus)
- La diabolisation / accusation de nécromancie / de sorcellerie / de secte /
d’
assassinats / sacrifices humains / d’
objectifs malhonnêtes (qui dépasse le
cadre religieux : presse people, Tabloïds, rationalisation, médecins… on
s’
adresse au bon sens occidental mais on lui parle quand même de magie
censée ne pas exister). Commence par des témoignages de laïcs
cultivés animés de l’
esprit de modernité post-révolutionnaire :
§ Le naturaliste Michel-Etienne Descourtilz, en visite à SaintDomingue après l’
insurrection des esclaves de 1791 : vaudou =
« secte idolâtre » dans laquelle on pratique la vengeance par
des moyens magiques (c’
est pas faux, c’
est l’
arme légale des
faibles). Dans son livre Voyages d’
un naturaliste, publié en
1809 (on est loin d’
une neutralité méthodologique) : « Ils tombent
en crise par suite d’
une sympathie inconcevable. Réunis sur le
terrain qui doit être le théâtre de leurs grimaces compulsives, ils
sourient en se rencontrant, se heurtent avec rudesse, et les voilà
tous deux en crise, les pieds en l’
air, hurlant comme des bêtes
féroces, et écumant comme elles » [… ] « Dompète (c’
est le nom
du chef tout-puissant de la horde fanatique) a, disent-ils, le
pouvoir de découvrir de ses yeux, et malgré tout obstacle
matériel, tout ce qui se passe, à n’
importe quelle distance ;
propriété fictive, bien faite pour en imposer aux crédules et
tyranniser les incertains dont le défaut de confiance est puni par
le poison qui leur est familier, et , dans les mains de Dompète,
d’
un usage journalier et impuni ». [… ] « Les acolytes de cette
secte ont aussi entre eux des moyens magiques d’
exercer leur
vengeance. Un homme a-t-il essuyé les rigueurs d’
une amante,
ou l’
infidélité d’
une maîtresse habituée ? Un piquant de raie, jeté
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dans l’
urine de la coupable [on comprend pourquoi il faut tirer la
chasse au Noroit], le venge de son outrage, en frappant soudain
l’
infidèle d’
une maladie de langueur, que le vaudoux [sic] fait
cesser à volonté par une préparation différente. »
Des députés de la Convention, dont L-E Moreau de Saint-Méry,
dans Description topographique, physique, civile, politique et
historique de la partie française de l’
île de Saint-Dominique,
1797 : il insiste tout particulièrement sur l’
adoration d’
un dieu
couleuvre, culte qu’
il relie à Ouidah. Or le serpent en Occident
c’
est le diable, même si lui-même n’
en rajoute pas dans la
médisance.
Tabloïd Weekly World News : Billy Graham « The devil is real !”
“Face of satan rises over Haïti !!”“US Marine snaps horrifying
photo !”(Le Bris page 41)
A.2.2.4) Un réenchantement du Monde qui épargne les religions établies, mais
grandguignolise et folklorise le vaudou
Le Grand Guignol : les films à zombis (films Z comme zombi ! I walked with a zombie
(Jacques Tourneur (fils de Maurice Tourneur mort un 4 août 1961), 1943, White
zombie, Rainbow snake) le livre Cannibal cousin, les films à Nègres bariolés (James
Bond).
La folklorisation : on encourage un carnaval à touriste, le paysan haïtien finira
comme le paysan breton, à danser la même bourrée-sardane-fandango d’
un folklore
rassurant. Cette voie est encouragée par les pouvoirs publics
Conclusion : peu de points communs, et beaucoup de dissensions entre
protestantisme et vaudou
Hormis dans les pays anglo-saxons où le vaudou, dans son fatalisme et sa vision
auto-rééquilibrante du Monde, s’
inspire du protestantisme, partout ailleurs le vaudou
affronte durement le protestantisme.
Deux visions du monde radicalement opposées s’
affrontent, la plupart du temps :
- la morale puritaine contre l’
amoralité du vaudou : sexe, alcool, pudeur, rapport au
corps
- une incompréhension de la part des protestants, qui diabolisent le vaudou
- une mentalité africaine qui, de son côté, vaudouise le protestantisme : il n’
y a qu’
à
voir les transes des Noirs américains dans les temples protestants !
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B) La place du vaudou
B.1) le moi se pose en s’
opposant : il faut être catholique pour être vaudou, mais
celui qui est vaudou n’
est pas reconnu par le catholicisme
B.1.1) l’
acculturation des rejetés est source de schizophrénie, le vodou facteur
d’
intégration des personnes souffrant de troubles mentaux
Cf. livre célèbre de Laënnec Hurbon, Dieu dans le vaudou haïtien, Port au Prince,
éd. Henri Deschamps, 1987. Enquête auprès de deux psychiatres : « Les loas
sont les fondements et la cohésion du groupe social culturel. Perdre le dialogue
avec eux, c’
est perdre le dialogue avec la communauté, c’
est être livré à
l’
individualité, à l’
insécurité, à l’
anonymat, à la mort » (cf. efficacité symbolique du
groupe sur la santé : Levi-Stauss + SIDA-Stress) « La perte du langage
symbolique des esprits voue l’
individu vaudouisant non intégré à la société
moderne à l’
impossibilité de se retrouver, de se situer dans le monde et dans un
groupe social (… ) La malade [qui a rejeté le vaudou sur injonction de l’
Eglise
catholique et se retrouve schizophrène] n’
arrive pas à retrouver les lois du temps
et de l’
espace, elle ne sait plus où elle est, elle ne reconnaît ni son père ni sa
mère, le langage en elle [les esprits qui s’
expriment dans sa tête et dans ses
rêves] ne signifie plus rien, sinon la poursuite de son propre vide. A proprement
parler, la parole en elle est enchaînée, et finalement enkystée dans son propre
corps, comme une chose qui la persécute. Chez certains malades vaudouisant,
ce sont les démons qui se promènent à travers tout le corps, tirant toute sa
substance et le réduisant à l’
impuissance.
Comment donc de tels individus peuvent-ils retrouver leur place dans le monde ?
Bien des fois, la conversion au protestantisme ou au catholicisme, ou simplement
l’
accès aux valeurs de la société moderne, n’
est jamais assez total pour donner
aux anciens fidèles vaudouisants un code qui leur permette de restructurer leur
personnalité. (… ) Seule la réintégration de la coutume peut fournir à l’
individu les
signifiants nécessaires pour sa rééquilibration. »
(en gros le vaudou sert de psychanalyse, et l’
acculturation catholique ou celle de
la modernité révèle des folies qui, dans un univers communautaire très soudé
restent socialement valorisées)
B.1.2) Le vaudou mime la liturgie catholique : saints, chansons, besoin d’
un pésavann
Tout comme les sabbats de sorcière, les messes noires, les carnavals. Tout comme
les noirs en transe en Afrique qui miment les Horse Guards marchant au pas :
bamboulaïsation.
B.1.2.1) Correspondance entre les saints de l’
Eglise catholique, les esprits
africains, et les loas haïtiens
Esprits africains
(les vaudous : Rada, Kongo)
Mawu (Déesse suprême reigne la nuit)
et Lisa (sa parèdre masculine du jour)
(Dahomey)
Legba (Rada : Dahomey, très répandu)
Equivalent haïtien (si nouveau :
Petro)
Grand Mêt ou Dieu Pè ou Bon Dye ou
Oloddumare (celui qui a créé l’
Univers
dans la Santeria) ou Orumila (celui qui
décide du destin des individus dans la
Santeria)
Legba
Azaka (vodu royal d’
abomey)
Tribu des Guédés vaincue
Zaka
Les Gédés (Rada et Petro)
parle
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« Equivalent » catholique
Dieu le Père (YHVH)
Saint Pierre (clé) ou St Antoine (objets
perdus)
Saint Isidore
Saint Epédit ou Saint Expédit (création
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royaume d’
Abomey
totalement créole DOM TOM Brésil)
Dan (le serpent arc-en-ciel : esprit mahi
de la tribu conquise des Djinous… )
Pas d’
équivalent :
excellence
la
créole
par
Gu ou Cu dieu civilisateur du fer et des
forgerons (Dahomey Rada)
Agbé ou Naété (Dahomey Rada)
Les Bisimbi, esprits de l’
eau bakongo
Shango (Yoruba, assimilé à Ogoun)
Baron Samedi (création locale, mais à
la fois Rada et Petro)
Dambala Wedo
Aida Wedo
Ezili ou Erzuli
Ogu Feray (ou Badagré, ou Balindjo)
Agoué (loa de la mer)
Simbi (esprits des sources) (Petro)
Shango (feu tonnerre éclair) ou Agaou
Saint Patrice chassant les serpents
d’
Irlande
Notre Dame de l’
Immaculée Conception
La Vierge Marie (noire) ou Sainte
Elisabeth (Ezili Danthor la mère mariage)
et Marie Madeleine ? (Ezili Freda)
Saint Jacques le Majeur (Saint Pierre à
Cuba)
Saint Ulrich
Les Rois Mages
Sainte Barbe à Cuba (devient féminin)
B.1.2.2) Le début d’
une cérémonie vaudou ressemble à du catholicisme
- une cérémonie vaudou commence par une litanie des saints catholiques
(parallélisme avec le « map pé rélé » ultérieur des nanshons vodus) et des cantiques
traditionnels du culte catholique, mais le houngan ou la mambo pendant ce temps
agitent continuellement leur asson (calebasse plein d’
os de serpent, concurrent du
crucifix !), puis on passe sans interruption à l’
invocation des loas, Legba en premier
(« ouvré barrière pour nous ! »), puis jété-dlo (verser de l’
eau autour du poteaumitan aux points cardinaux : à la fois kongo, rada, et catho eau bénite purification
universelle et donner à boire aux esprits puis roulements de tambour et transes).
- le pé-savann (père savant ou père savane) : pseudo-prêtre catholique
(bamboulaïsation carnavalesque), ancien auxiliaire des curés, ayant appris les
prières et cantiques des cérémonies catholiques. On a besoin de lui : au début d’
une
cérémonie vaudou, et aussi pour les réunions familiales dans les mois qui suivent un
décès familial, et
B.1.3) grande ferveur, qui devient suspecte (atavisme : transe des gospels)
- Certains sont fervents mais veulent ensuite devenir Pé Savann : entrisme
- Témoignage du Père Jean Baptiste Labat, missionnaire dominicain à la fin du
XVIIème siècle, Nouveaux voyages aux îles françaises d’
Amérique, 1722 : Lire
Laënnec Hurbon, pp 130-131, le témoignage intégral, cocasse, d’
une religion en train
de se greffer clandestinement sur une autre pour la parasiter.
- Méfiance générale des gens trop croyants, chez les cathos (St Jean de la Croix,
Thérèse d’
Avila eurent des ennuis : d’
ailleurs ils étaient visiblement possédés et en
transe très proche du vaudou). Méfiance de Mgr L’
Evêque du Cap-Haïtien en août
1896, vis-à-vis de ses propres ouailles, soupçonnées de ferveur suspecte
(rappel Jésus aussi vante la ferveur modeste et peu ostentatoire : (Luc 18:10-13) traite
de deux hommes, un pharisien et un publicain, qui se rendirent au temple pour prier. Le
pharisien, dans sa prière, remercia Dieu de ne pas être pécheur comme beaucoup d’autres
autour de lui, particulièrement comme ce publicain qui se trouvait aussi dans le temple. Il fit
également un compte rendu à Dieu des nombreuses bonnes actions qu’il avait faites, se
vantant de jeûner deux fois par semaine et de donner la dîme de tous ses revenus.
Le publicain, d’autre part, réalisant sa propre indignité, ne levait même pas les yeux au ciel,
mais frappait sa poitrine, « disant : O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur »
(verset 13).
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Jésus fait aussi une remarque sur cette parabole (verset 14), disant que le publicain quitta le
temple plus justifié que le pharisien. Il déclare ensuite : « Car quiconque s’élève sera abaissé,
et celui qui s’abaisse sera élevé » (verset 14).
Le désir de Dieu que sa création soit humble et ait en aversion la fierté est une leçon éternelle
pour nous.
« Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles » (1 Pierre 5:5).
« Adultère est aussi le mari trop ardent de sa femme » Saint Jérôme
«idem pour les kabbalistes : Moïse Cordovero, « Qui s’enorgueillit de sa Torah devant
l’ignorant, c’est-à-dire devant l’ensemble du Peuple de Yaveh, celui-là amène Tifereth à
s’enorgueillir devant Malkhut »)
Evêque du Cap-Haïtien (ce qui lui pose un problème c’
est d’
être assimilé à un Nègre
(bamboulaïsation) et que des pratiques superstitieuses comme les ex-voto,
encouragées par l’
Eglise, aient l’
air à ce point païennes) : « Certes on ne saurait trop
flétrir ces vaines et honteuses observances, indignes de gens civilisés, coupables
chez des chrétiens. Cette confiance insensée dans des pratiques ou des objets qui
n’
ont aucune vertu par eux-mêmes et n’
en ont pas reçu de Dieu ni de son Eglise,
cette puissance exagérée ou ridicule attribuée aux saints, aux images, aux reliques,
et invoquée, souvent, pour obtenir l’
accomplissement des desseins criminels ; cette
prétention enfin de produire des effets surnaturels par des moyens réprouvés par la
religion et le bon sens, ce sont autant d’
attentats contre la pureté de la foi, autant
d’
injures aux saints, autant d’
outrages à Dieu lui-même ».
B.2) Un rapport avec le pouvoir politique ambigu : moment fondateur Bois Caiman
pourtant renié ; Dessalines devenu loa, Roi Christophe très marqué (cf pièce
Aimé Césaire) puis persécutions, puis parenthèses Duvaliériste (tontons
macoutes et houngans proches du pouvoir) puis contechoc post duvalier
(déchoukaj = déracinement des structures corrompues du gouvernement, entre
1986 et 1990 surtout : supplice du collier (avec les pneus « Pè Lebrun » pour les
tontons macoutes et houngans). Alors que la hiérarchie de l’
Eglise catholique
demande à la population de se montrer compatissante envers les tontons
macoutes (nom officiel : VSN : les 40 000 Volontaires de la Sécurité Nationale),
elle ne publie aucune note de presse en faveur des houngans et des mambos :
elle profite donc du massacre de la concurrence !
C) Le temple vaudou : le hounfor
II) Les acteurs
A) Les grands noms
En fait super anonyme : pas d’
Histoire, mais des historiettes (en tout cas, elle n’
a
pas été écrite).
Makandal, Boukman, Pedro, Hector Hyppolite
B)Les acteurs du rituel
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B.1) Les officiants
B.2) La hiérarchie
C) Les fidèles
Les couches sociales
Essentiellement Petit peuple, rural ou urbain
Souci de distinction des mulâtres, ne pas rester nègre
Mais tout le monde en fait en douce chez soi : anecdotes ; Pé caché, danses
maîtrisées
III) La dramaturgie
Pas de dogme, de pape : particularismes selon les régions (rural /urbain, nord/sud,
côte/montagne) et selon l’
origine des esclaves (composante variable des deux forces
Kongo et Dahomey, minorité Sénégal islam plus ou moins influente, etc.).
Evolution aussi selon les époques, les costumes des loas changent, ou pas (tenue
de capitaine de vaisseau de ligne… ).
A) Les cérémonies
B) Les danses
C) La musique
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