Le roi Arthur. Légende ou réalité.

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Le roi Arthur. Légende ou réalité.
Le Roi Arthur. Légende ou réalité.
Le premier roi d’Angleterre constitue à la fois un
mythe et une réalité.
C’est le roi Arthur, dont on ne sait que peu de
choses de réel mais bien des récits fabuleux, nés au cours du
Moyen Age, les chevaliers de la Table Ronde, l’épée magique
Excalibur et sa résidence merveilleuse Camelot1. Un des
chroniqueurs médiévaux les plus célèbres écrit au début du
XIIème siècle : « Arthur le guerrier battit les Barbares et en tua
un nombre énorme au Mont Badon. Les Anglais d’aujourd’hui
en imaginent des légendes » 2.
Un guerrier nommé Arthur
Sans doute comme à l’arrière de tout récit fabuleux,
existe-t-il un personnage réel qu’il faut situer en son temps.
C’est dans le cadre de l’invasion de l’Angleterre par les Saxons
que vécut et combattit le roi Arthur. Devant se défendre sur
toutes les frontières les troupes romaines avaient délaissé cette
île en marge de l’empire. En 410
la plupart avaient disparu, au
milieu du siècle le pouvoir romain
n’existait plus. Devant ce vide les
envahisseurs surgirent de
partout. Du Nord les Pictes,
maintenus par le Mur d’Hadrien,
avaient surgi des montagnes
d’Ecosse et déferlé vers le sud.
Puis vinrent les Scots venus
d’Irlande sous le roi Niall, qui sur
Arthur en chef de guerre
de frêles embarcations pillèrent
toute la côte occidentale. Mais venus de Germanie les Saxons
furent les plus obstinés, qui traversaient la mer du Nord sur de
longues embarcations de planches, poussées à la rame. Avec
les barbes et leurs cheveux longs, leurs chemises épaisses et
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Ch. HIBBERT, King Arthur, Horizon; A. CHAUAU, Le Roi Arthur, Le Seuil, 2009.
Le chroniqueur est Guillaume, moine à Malmesbury : Willelmi Malmesbiriensis Monachi, De Gestis
Rerum Anglorum Libri quinque, Reprint Krauss 1964.
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1
leurs pantalons, ils utilisaient des glaives courts, des casse-tête
et des boucliers ronds couverts de peaux.
Arthur serait donc un guerrier celte. Il aurait vécu
dans les siècles suivant le départ des troupes romaines et avant
que ne s’installent les royaumes saxons. Il serait né vers 475
dans une famille de l’Ouest de l’île. Son nom Artorius
témoignerait de la fidélité à l’Empire. Il fit ses armes dans le
royaume chrétien d’Ambrosius, le dernier chef romain sur
place, puis remplaça celui-ci. Il mena ses combats dans les
régions les plus éloignées vers l’Ouest, dans les forêts
entourant Chester et le rempart d’Hadrien ainsi que dans les
Cornouailles. Le Mont Badon, dont parle Guillaume de
Malmesbury se trouve près de la ville romaine de Bath dont il
nous reste les installations balnéaires
Son existence est non prouvée mais plausible. Il
aurait vécu vêtu de cuir, dans un fortin et non un palais, sans
cesse en route à travers les forêts, face aux envahisseurs
angles et saxons qui finirent par conquérir toute l’île sauf les
régions montagneuses et excentrées, les Cornouailles, le pays
de Galles, les hauts plateaux d’Ecosse ? Certains Celtes fuirent
vers l’Armorique qui devint l’actuelle Bretagne.
Un roi de légende
D’un rude guerrier vivant à l’époque des invasions
germaniques la légende s’empara, en fit des récits et des
poèmes, le fit connaître de toute l’Europe et le rendit au Moyen
Age aussi célèbre que Charlemagne.
Vers 603 le barde gallois Aneurin en parle. Son
premier biographe, un moine gallois écrivant au IXème siècle
en latin, Nennius, le déclare vainqueur d’une série de batailles
menées contre les Saxons. Mais c’est au XIIème siècle que
Geoffrey de Monmouth, un moine qui devint évêque de SaintAsaph au pays de Galles après avoir écrit l’Histoire des rois
d’Angleterre ‘ Historia regum Brittaniae, qui en fit le grand
héros romantique. Son héros possède une épée magique, sa
cour égale en splendeur celle de Charlemagne. Il aurait même
été en expédition jusqu’en Italie. Malgré les critiques Geoffrey
de Monmouth avait créé une légende qui a survécu jusqu’à
nous.
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Car le récit avait été transmis et amplifié sur le
continent. En 1155 le poète anglo-normand Wace dans son
Roman de Brut ajouta les chevaliers de la Table Ronde. Puis
Chrétien de Troyes, écrivant vers 1175 pour la comtesse Marie
de Champagne, y ajouta l’amour courtois, platonique et quasi
religieux. C’est un des textes de base de la chevalerie, de
l’honneur, de l’amour, du respect des dames. Il introduisit aussi
dans le récit de base le Saint-Graal, le vase sacré qui aurait
contenu le sang du Christ. Les poètes allemands chantaient ses
exploits avec ceux de Tristan et de de Perceval et Dante cite
Lancelot.
Puis le texte de Wace revint en Angleterre par la
traduction de Layamon, un prêtre de Worcester, qui en fit une
épopée populaire et nationaliste sinon chauviniste.
Arthur se retrouve sous
Le pavement à Otrante
des formes visuelles dont la plus
paradoxale est celle qui figure sur
le pavement construit en 1165
dans la basilique d’Otrante, à
l’extrême Sud de l’Italie.
Cette figuration lointaine peut
s’expliquer par la conquête
normande de ces régions. Il est
cependant curieux et
impressionnant de retrouver en
Méditerranée Orientale les images
de trois rois : Salomon, Alexandre
et, venu du Nord, Arthur. Peutêtre représentaient-ils les rois
preux : Salomon le Juif, Alexandre le païen, Arthur le chrétien
A cette époque les habitants de Sicile croyaient d’ailleurs que le
roi Arthur se cachait dans les tréfonds de l’Etna.
Ce sont là les mythes d’une époque révolue et qui nous
est incompréhensible. Ceci montre aussi les étranges
affabulations de l’histoire car on retrouvera ce roi celte dans le
folklore germanique et l’œuvre de Wagner alors qu’il a
vraisemblablement combattu les Germains.
Arthur, la chevalerie, Edouard III
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Enfin se développèrent les souvenirs et les Joutes autour
du roi et de son entourage. Au
La table ronde à Winchester
XIIème siècle la chevalerie
organisa à son exemple des
festins et des tournois autour
de tables rondes. C’est à ce
moment qu’on place à
Winchester, où elle se trouve
toujours, une représentation de
la Table Ronde. Il en alla de
même au Moyen Orient durant
les croisades, à Chypre en
1223, à Valence en 1269. Car
la richesse prend une allure romantique et la cour d’Edouard III
est celle du roi Arthur, le roi tout puissant, entouré de
chevaliers indomptables et de belles dames. Dès son arrivée au
pouvoir Edouard III visite Glastonbury, le tombeau légendaire
d’Arthur. C’est le début des ordres de chevalerie. Les magnats
de jadis deviennent donc les chevaliers entourant le roi qui par
là même trouve une partie de son pouvoir, sinon réel du moins
symbolique.
La joute plus magnifique fut organisée en 1344 au
château de Windsor par le roi Edouard III. Il créa un groupe de
300 chevaliers liés l’un à l’autre, « à l’exemple du seigneur
Arthur jadis roi d’Angleterre » et fit commencer les travaux
d’une énorme salle ronde pour abriter ses chevaliers. Ce fut
l’origine première de l’Ordre de la Jarretière, fondé en 1348.
En 1485, à l’arrivée d’Henri VII Tudor Thomas Malory publiait
« Le Morte d’Arthur » qui
créait et idéalisait l’âge
Tintagel
pourtant révolu de la
chevalerie médiévale. Les
Tudors descendant de princes
gallois se proclamaient, pour
justifier leurs prétentions,
descendants d’Arthur.
En Angleterre de
nombreux endroits se
réclament de ce roi
légendaire. Son nom se
retrouve dans toute l’île, avec
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son château appelé « Camelot » à Tintagel en Cornouailles.
C’est là près de Glastonbury, sur un promontoire rocheux
dominant l’océan, que les ruines du château de Tintagel sont
censées recouvrir le fabuleux château de Camelot. L’endroit est
romantique à souhait. Près du village de South Cadbury, on
racontait qu’au solstice d’été des portes d’or s’ouvraient et l’on
voyait le roi Arthur tenant sa cour.
Ainsi de siècle en siècle transforme-t-on la réalité ou
plutôt l’adapte-on aux nécessités du temps car Edouard III, le
vainqueur de Crécy, ne fut-il sans doute un grand roi que pour
avoir rêvé qu’il était le successeur du roi Arthur.
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