Sarthe Un nouveau paysan aux portes du Mans
Transcription
Sarthe Un nouveau paysan aux portes du Mans
Agriculture paysanne Sarthe Un nouveau paysan aux portes du Mans Ancien animateur de la Fadear (1), David Guyon est depuis un an paysan dans la Sarthe. Il nous raconte son parcours à l’installation, toujours un peu compliqué pour qui souhaite devenir paysan. S alarié dans le secteur associatif agricole, j’avais depuis longtemps envie de m’installer comme paysan. Avec ma compagne, nous souhaitions trouver une exploitation en périphérie du Mans afin qu’elle conserve son emploi dans cette ville et n’aie pas trop de trajets à effectuer. Dans un premier temps, j’ai suivi le parcours classique en m’inscrivant au « répertoire installation ». Mais j’ai vite compris que mes chances de trouver une exploitation via celui-ci étaient faibles : peu de fermes proposées, souvent d’une taille importante et aucun suivi de la part de la chambre d’agriculture concernant nos attentes et les exploitations disponibles pouvant y correspondre. Je me suis donc tourné vers les Civam (2), les groupes d’agriculteurs biologiques et le réseau de la Confédération paysanne. C’est ainsi qu’à l’automne 2010, j’ai eu l’opportunité de reprendre une ferme de 35 hectares en agriculture biologique, juste en périphérie du Mans, correspondant à nos attentes. Avant d’en arriver là, le parcours a été compliqué. Et assez long puisque la première prise de contact avec le paysan en place a été établie durant l’été 2009 pour une installation réalisée en novembre 2010. Dans un premier temps, il a fallu discuter et convaincre les propriétaires de l’ex- ploitation de me la louer ou vendre puisque le fermier en place était locataire. Comme dans la plupart des cas, de nombreux voisins étaient « candidats » pour reprendre les terres, voire l’intégralité de la ferme, pour agrandir leur exploitation. Les discussions ont été changeantes au gré des pressions exercées sur les propriétaires. Au final, ceux-ci ont tranché à partir de leurs convictions : ils souhaitaient que les terres restent en bio et j’étais le seul candidat à vouloir poursuivre ce mode de production. La seconde étape obligatoire pour s’installer avec les aides agricoles (principalement la dotation jeune agriculteur et les prêts à taux bonifié) consiste à suivre un dispositif d’accompagnement nommé Plan de professionnalisation personnalisé (PPP) afin d’avoir les compétences pour devenir chef d’exploitation. Un parcours pas très personnalisé Assez loin des textes officiels qui ont « rénové » le dispositif en 2009 et qui devaient permettre une personnalisation du parcours, la situation dans la Sarthe a peu changé. Comme auparavant, la chambre d’agriculture a toujours le monopole dans l’organisation du dispositif : c’est elle qui évalue nos compétences pour Une petite ferme aux portes du Mans Aujourd’hui l’exploitation fait 35 hectares, 5 hectares de mélanges céréaliers pour la nourriture du troupeau ovins et 30 de prairies. Productions : • un poulailler de Loué, avec 3 bandes de 4 000 poulets par an. Les poulets sont vendus via la coopérative des fermiers de Loué à la grande distribution. • 130 brebis vendéennes pour la production de viande d’agneau et de plats cuisinés à base de mouton. La majorité des agneaux (75 %) est vendue à un boucher qui travaille avec le réseau Biocoop, le reste est vendu à des particuliers en caissettes, sur commande. Les plats cuisinés sont encore au stade d’élaboration puisqu’il s’agit d’un des nouveaux projets pour mieux valoriser la viande des ovins. • 70 ruches Warré sédentaires pour la production de miel : la production est vendue aux particuliers à la ferme ou dans des boutiques sur Le Mans. • ferme pédagogique : accueil de classes et centres de loisirs pour leur expliquer le métier de paysan et la vie des animaux dans une ferme. 18 \ Campagnes solidaires • N° 268 décembre 2011 devenir agriculteur. Dans ce cadre, elle nous conseille sur les formations pour compléter notre parcours, formations qui existent déjà dans son catalogue et bien sûr qu’elle nous facture ensuite. Globalement, on ne peut pas dire que les formations proposées soient réellement personnalisées et toujours adaptées à ce que le candidat souhaite ou a besoin. En complément, il doit suivre une semaine de formation collective, là aussi proposée par la chambre d’agriculture, où une partie du temps est consacrée à des sociétés venant se présenter : banque, assurance, coopérative… Encore une fois, très peu de candidats y trouvent un intérêt, surtout qu’ils ont dû payer cette formation qui n’en est pas vraiment une… Financer un projet jugé « atypique » La dernière étape : convaincre une banque de financer le projet. N’étant pas issu de milieu agricole, il ne s’agissait pas de la reprise de la ferme familiale ou d’un agrandissement avec la reprise d’une exploitation voisine, ce qui représente aujourd’hui la majorité des cas que les banquiers ont à traiter. Dans ce cas, la situation est assez simple puisque la banque connaît déjà l’exploitation et le patrimoine de la famille (terres en propriété, enveloppe de DPU…) : elle ne prend donc que très peu de risques pour accorder de nouveaux emprunts. Dans mon cas, le projet était souvent jugé « atypique ». Reprendre en dehors du cadre familial une petite ferme bio avec une activité pédagogique et trois productions différentes ne correspondait pas aux critères définis par les banques. En plus, ma demande de financement était relativement élevée puisqu’il fallait racheter l’habitation, les bâtiments et le matériel de production ainsi que les 35 hectares de terre. Agriculture paysanne David Guyon et son troupeau de 130 brebis de race vendéenne Malgré tout, les banques se sont montrées attentives, sauf la banque « traditionnelle » des agriculteurs pour qui le projet atypique et biologique n’avait pas beaucoup d’avenir… En parallèle de ces trois étapes, j’ai effectué un stage de parrainage de six mois avec le paysan en place afin de me familiariser avec l’outil de travail, le troupeau ovin, et découvrir l’activité pédagogique. Ce stage, soutenu par le conseil régional (3) a été une aide précieuse pour découvrir la ferme et prendre en main plus rapidement les productions. Des démarches complexes et illisibles Au total, ce parcours aura duré seize mois avant que je puisse officiellement devenir paysan. J’en retiendrai la complexité et le manque total de lisibilité des démarches à suivre. Pour ma part, je connaissais déjà le dispositif et les différents interlocuteurs mais j’imagine assez bien les difficultés d’une personne ne connaissant pas le dispositif au départ. J’ai aussi pu me rendre compte de la nécessité d’anticiper la transmission des exploitations bien en amont de la retraite (au moins deux ans) si l’on veut donner un maximum de chances au repreneur de s’installer dans de bonnes conditions. Après bientôt un an de fonctionnement, la situation commence à se stabiliser (cf. encadré). La première année aura été très chargée avec la remise en route, beaucoup de nettoyage et de réparations dans les bâtiments et sur les clôtures. Elle aura aussi été marquée par la sécheresse de ce printemps qui a mis à rude épreuve les prairies avec un déficit en foin de près de 50 % et une récolte en paille du même ordre. Cependant, les productions se mettent en place petit à petit et de nouveaux projets voient déjà le jour. Le prochain chantier sera de valoriser au mieux les productions et de développer la vente directe. La ferme est située à seulement neuf kilomètres du centre-ville du Mans et je réfléchis à une meilleure commercialisation de mes produits. Compte tenu de la petite taille de l’exploitation, je souhaite vendre au mieux et que les prix soient intéressants pour les clients. Pour le moment, les agneaux sont vendus à un boucher, par le bouche à oreille et quelques épiceries, mais nous sommes en train de créer des outils de communication : cartes de visite, et de produits à vendre pour trouver de nouveaux débouchés… D’autre part, dans le cadre d’un « café installation » initié par la Maison des Paysans (4) au Mans, je fais partie d’un groupe de jeunes qui a lancé une réflexion collective sur comment mieux vendre leurs produits. n David Guyon (1) Fédération associatives pour le développement de l’emploi agricole et rural. Outil au service des paysans de la Confédération paysanne, elle a une activité orientée sur trois pôles : la formation des paysans et salariés du syndicat, le développement de l’agriculture paysanne, la fédération des associations adhérentes. (2) Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural - www.civam.org (3) Le jeune a le statut de stagiaire de la formation professionnelle continue et touche une rémunération de 652 par mois de stage réalisé. (4) La maison des paysans regroupe le Gab 72, l ‘AdeasCivam, la confédération paysanne et solidarité paysans www.maison-des-paysans.org – 02 43 24 84 52 Campagnes solidaires • N° 268 décembre 2011 / 19