petits cabinets de curiosités

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petits cabinets de curiosités
Musée Despiau-Wlérick
Mont de Marsan Sculptures 9 - Animal(e)s
Dossier pédagogique
.
Leroy de Barde, Nature morte aux oiseaux exotiques, vers 1800.
PETITS CABINETS
DE CURIOSITES
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Musée Despiau-Wlérick
Mont de Marsan Sculptures 9 - Animal(e)s
Sommaire
Introduction …………….…… p3
Trame et objectifs de l’atelier .…………..…… p4
De la collection au musée …………..…… p6
« Etre et à voir » au musée aujourd’hui ………..……. p13
Bibliographie ………….…… p18
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Musée Despiau-Wlérick
Mont de Marsan Sculptures 9 - Animal(e)s
Introduction
Quand art et sciences s’entremêlent.
A la frontière de l’archéologie, de l’ethnographie, du naturalisme, de l’histoire, de l’art et de la science… se
visite le cabinet de curiosités. C’est un bien curieux fatras qui souvent s’offre à nos yeux, où s’enchevêtrent
fossiles, coquillages, animaux naturalisés, bizarreries de la nature, médailles et monstres variés. Tous
amoureusement collectés, tous amoureusement répertoriés.
C’est ainsi que, au nom de la science et de la beauté, sont nés les collections et les collectionneurs. En nous
posant la question de savoir ce qu’est une collection, des raisons pour lesquelles on collectionne et de quelles
façons, nous allons pouvoir étudier l’évolution des cabinets de curiosités et voir comment petit à petit, les
collections privées de quelques passionnés vont devenir les plus grands musées d’aujourd’hui.
Nous pourrons aussi nous questionner sur l’objet en lui-même qui est collecté, mis en scène, par le
collectionneur ou par le musée. Nous demander ce qui détermine sa valeur esthétique et marchande et
s‘interroger sur la notion de beau et de chef d’œuvre, universelle ou totalement subjective.
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Mont de Marsan Sculptures 9 - Animal(e)s
Trame et objectifs de l’atelier
Trame
L’atelier propose aux enfants de 3 à 11 ans de constituer leur propre collection à partir de nombreux éléments
se rapportant au thème de l’animal (jouets et miniatures d’animaux, ossements, plumes…). Les petits
collectionneurs pourront ensuite mettre en scène leurs objets insolites et inédits dans une petite structure afin
de créer leur propre petit cabinet de curiosité.
Objectifs
-
S’interroger sur les notions de collection et de musée
Appréhender le rapport entre art et sciences
Opérer des choix et les présenter aux autres
Trier, classer, répertorier pour valoriser au mieux son petit musée et le mettre en scène
Apprendre à regarder pour apprécier la beauté (animale ou autre) sous tous ses aspects.
Liens avec les programmes de l’école
Cycle 1
DEVENIR ELEVE
- Vivre ensemble :
Richesse et contrainte du groupe
Respect de l’autre
- Coopérer
- Devenir Autonome
DECOUVRIR LE MONDE
- Découvrir les formes et les grandeurs :
Propriétés simples des objets
Comparaison
Classement
- Se repérer dans l’espace :
Situation dans l’espace
Situation d’un objet par rapport à soi
OUVERTURE A L’ART
- Faire lien entre art et sciences
- Balayer la chronologie à travers quelques œuvres artistiques, de la Préhistoire au XXIème siècle
- Arts du quotidien :
Arts appliqués
Design
Métiers d’art
- Arts du visuel :
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Mont de Marsan Sculptures 9 - Animal(e)s
Sculpture
Peinture
Cycle 2
DECOUVERTE DU MONDE
- Se repérer dans le temps et l’espace :
Représentation des espaces familiers
Repères temporels proches
Repères temporels plus éloignés
OUVERTURE A L’ART
- Faire lien entre art et sciences
- Balayer la chronologie à travers quelques œuvres artistiques, de la Préhistoire au XXIème siècle
- Arts du quotidien :
Arts appliqués
Design
Métiers d’art
- Arts du visuel :
Sculpture
Peinture
Cycle 3
OUVERTURE A L’ART
- Faire lien entre art et sciences
- Par périodes à travers quelques œuvres
De la Renaissance au XVIIIème siècle
L es arts au XIXème siècle
Le XXème siècle et notre époque
- Arts du quotidien :
Arts appliqués
Design
Métiers d’art
- Arts du visuel :
Sculpture
Peinture
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HISTOIRE : de la collection au musée
Pourquoi a-t-on commencé à collectionner des objets ?
Au XVème siècle, chez les monarques et les érudits se développe une bien curieuse occupation. On commence à
rechercher les «trésors» de l’Antiquité et du Moyen âge : objets précieux, fragments de sculpture, et surtout
médailles et pierres gravées. La collecte est réalisée avant tout dans un souci de restitution historique, ces
trésors étant disposés dans la bibliothèque, à côté des manuscrits et des archives, comme des illustrations
historiques.
Un des premiers érudits qui commence à organiser ses trouvailles est le florentin Niccolo Niccoli qui constitue
« le cabinet des médailles ». A Côme en 1543, l’historien humaniste Paolo Giovio fait construire un bâtiment à
part pour abriter ses collections d’antiques et de médailles. Ce fait est d’importance car, dédiant ce lieu aux
Muses et à Apollon, il l’appelle « Musée ». A l’époque ce mot est déjà usité mais exclusivement pour désigner un
lieu consacré à l’étude et aux discussions savantes.
« L’enchantement le plus profond pour le collectionneur est d’enfermer des objets à l’intérieur d’un cercle
magique dans lequel ils sont immobilisés… 1 ». Ce cercle magique est à la fois intime et lointain. Les
collectionneurs ont souvent une attitude idéologique en explorant, collectant, classant leur collection comme
autant de trophées, l’appétit d’acquisitions étant insatiable. Si le collectionneur possède les objets, il est bien
souvent aussi possédé par eux. « Le vrai collectionneur détache l’objet de ses rapports fonctionnels2 », l’émotion
et la ferveur qui s’attachent aux objets collectionnés ne sont pas forcément fonction de leur particularité ou de
leur valeur marchande.
Un microcosme savant et onirique
Au XVIème apparaît une forme bien spécifique de collection : « La chambre d’art et de merveilles » dit aussi le
« cabinet de curiosité ». Tous les grands monarques s’y adonnent, de François Ier de Médicis à Rodolphe II. Ces
cabinets doivent être sujet d’émerveillement et de contemplation mais de façon organisée et codifiée. Ainsi très
rapidement une distinction est faite entre les choses fabriquées par l’homme et les choses naturelles :
artificialia et naturali.
1
2
W. Benjamin
Id.
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On peut ainsi trouver :
Fossiles
Corail
« Pétrification »
Crapaudines
Ambre baltique
Salamandre
Taxidermies
(Ici issu de la source chaude volcanique de Saint Nectaire)
Dents d’Orque
Œil de baleine
Fleur d’oiseau du paradis
Chauve souris des Indes
Mandragore
Ossements
ssements (crâne de renard)
Divers fleurs
Fruits exotiques
Animaux monstrueux….
Tortue à 2 têtes et 5 pattes
Animal à 2 têtes et 8 pattes
Couleuvre à 2 têtes
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En ce qui concerne les animaux
nimaux mythiques,
mythique le collectionneur bien souvent les fabrique lui-même.
lui
La véracité n’est
pas l’essentiel, la fascination et la monstration sont ici le but. Ainsi
Ainsi les hydres, dragons, basilics et autres créatures
fabuleuses sont souvent créées à partir de dépouilles de raies.
raies
Dent de dragon
Phénix
Sang de dragon
Corne de licorne
Basilic
Tête d’hydre
Os de Géant (en réalité de bœuf)
Momie (ici inca)
Objets d’art d’ici ou d’ailleurs…
Orfèvrerie
Joaillerie
Gravures anciennes
Antiquités égyptiennes
Médailles
Pièce
ièces ethnographiques
Instruments de musique
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objets techniques….
Astrolabe
Vis d’Archimède
Longue vue
Sextan
Dans ces chambres d’art et de merveilles, on entasse curiosités et raretés naturelles et artificielles auxquelles on
peut parfois attribuer une valeur magique. Celui qui s’adonne à la collecte de ces trésors oscille ainsi entre
quête fiévreuse du savoir et fétichisme magico religieux.
Les collections dans toutes leurs diversités témoignent de l’état d’esprit et des tendances d’une époque donnée.
C’est un monde en miniature où nous retrouvons toutes les bizarreries de la création. Selon les époques et les
collectionneurs nous balançons entre collections encyclopédiques où l’ordinaire et l’extraordinaire du monde se
côtoient et monstration exotique et fantaisiste (d’où la présence d’animaux mythiques et légendaires). On peut,
de fait, être dérouté par ces étalages chargés où chaque objet devient un symbole et une allégorie du monde
réel et irréel. « Pour le collectionneur, le monde est présent et qui plus est, rangé dans chacun des objets qu’il
possède »3. Les choses deviennent comme un prolongement de soi, remplis de pouvoir et d’humanité.
Comme une enquête scientifique du monde
Mais ce théâtre du monde est, de plus en plus avec le temps, raisonnablement et scientifiquement collecté : on
appelle les cabinets de curiosité également « chambre de raison ». De nombreux cabinets sont dédiés
exclusivement à une thématique, une discipline. Ainsi certains sont consacrés exclusivement à l’étude des
plantes à des fins médicales et pharmaceutiques, d’autres aux minéraux et animaux dont les propriétaires font
des descriptions détaillées, des sortes de catalogues à la fois pour eux et les curieux, de plus en plus nombreux,
venant admirer ces véritables cabinets d’histoire naturelle.
Les collections sont presque exclusivement présentées maintenant dans des bâtiments autonomes. On classe,
on spécialise les collections (préfigurant ainsi les grands musées d’aujourd’hui) : la zoologie, l’ethnographie, les
antiques égyptiens, les antiques grecs…
Il est d’ailleurs assez intéressant de souligner qu’un phénomène analogue est visible en histoire de l’art. De
monstration globale, nous passons à des spécialisations techniques et historiques.
3
Kant.
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Au XVIIème siècle, le nombre de collectionneurs explose. D’autres types de collections se mettent en place, ainsi
naissent des collections composées d’outils et d’instruments scientifiques afin de faire connaître aux visiteurs
les innovations techniques. La collection, n’est plus seulement un sujet d’érudition mais aussi une sorte de
« passe temps » pour briller en société. Ce qui donne maintenant de la renommée à une collection, ce sont les
chefs d’œuvre de la peinture et de la sculpture.
Naissance de l’idée du savoir universel
Toujours au XVIIème siècle, la volonté de rendre public les choses du savoir est très importante. Ainsi, après les
particuliers, ce sont les universités qui prennent le relais comme celle d’Oxford. La diffusion du savoir
apparaissant comme une responsabilité publique. Les « musées bibliothèques » se multiplient où les collections
sont de plus en plus utilisées comme des supports d’étude et de diffusion.
Avec la Révolution française naît l’idée que l’Etat doit être propriétaire de « biens nationaux » et conservateur
des chefs d’œuvre du passé très menacés par la montée du vandalisme contre ce qui rappelle l’Ancien Régime.
D’après Talleyrand celles-ci sont « de grands moyens d’instruction dont le talent enrichit sans cesse les
générations suivantes ». Le musée devient donc un rempart, un abri où viennent s’amonceler les biens
ecclésiastiques confisqués et ceux de la Couronne et des Emigrés.
Une première « commission des Monuments » en 1790 vient codifier les premières règles d’inventaire et de
conservation. La législation des musées naît alors. On découpe l’univers du musée en quatre grands domaines :
art, histoire, sciences de la nature et techniques (reflétant alors les découpages déjà effectués par les
collectionneurs des cabinets de curiosité).
Le XIXème siècle est l’âge d’or des musées. On institue une véritable « religion de l’art » dont les musées en sont
les « temples ».
C’est exactement ce qui leur sera reproché au XXème siècle : c’est à dire d’être des lieux figés, des « tombeaux »
où l’on marche sur la pointe des pieds, toisés par tous ces chefs d’œuvre du passé. Cette critique est néanmoins
doublée d’une véritable « muséofolie » qui s’empare de toutes les villes. Chacune désormais veut le sien : sur
son terroir, ses hommes célèbres, sa culture… Aujourd’hui il y a plus de 50 000 musées dans le monde.
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Quelques exemples de musées célèbres en France et dans le monde
Le jardin des plantes
C’est dans la tradition des jardins botaniques du XVème siècle de
culture de plantes médicinales et d’acclimatation des végétaux
exotiques que le Jardin des Plantes
lantes de Paris est créé en 1633.
Buffon en prend la direction en 1739. A sa mort, le choix d’en faire
un véritable « Musaeum
usaeum d’histoire naturelle » est pris. Il est
aujourd’hui un établissement français de recherche et de diffusion
de la culture scientifique naturaliste.
Le British Museum
Il est assez intéressant de constater que l’un des plus grands
musées d’aujourd’hui est issu d’un ancien cabinet de curiosités du
XVIIème. Le British Museum,, musée de l’histoire et de la culture
humaine est une sorte de dépôt général
néral public construit en 1753. Il
possède aujourd’hui plus de sept millions d’objets, dont par
exemple la Pierre de Rosette.
Le Louvre
Au XVIIème siècle, le ministre Colbert lance l’idée de créer un
musée pour « l’éducation du public et l’instruction des artistes »
dans le palais du Louvre alors abandonné par le roi au
a profit de
Versailles. Celui-ci seraa finalement officiellement créé et ouvert au
public en 1793. Aujourd’hui, Le Louvre est un des plus grands
musées du monde de par l’ampleur
mpleur des collections rassemblées, la
beauté et la symbolique du lieu.
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Le Guggenheim à Bilbao
Ce Guggenheim ouvre ses portes en 1997. Ce bâtiment majestueux à
couper le souffle avec spirale gigantesque en métal torsadé est à
l’image de la modernité de ses œuvres et de l’avant-garde de la
célèbre mécène et collectionneuse Peggy Guggenheim. Ce musée
d’art contemporain est un des plus connus au monde, exposant des
œuvres majeures du XXème et XXIème siècle.
Le MoMA
Le Museum of Modern Art de New York dit MoMa est un musée d’art
ouvert en 1929. C’est ici que l’on peut admirer une des plus importantes
collections d'art moderne et contemporain du monde avec celle du Centre
Pompidou et de la Tate Modern. Le MoMA a été l'un des premiers musées
au monde à se doter, en 1940, d'un département spécifique consacré à
la photographie.
Le Musée d’Orsay
La particularité du Musée d’Orsay est le choix du lieu
qui abrite les collections du XIXème siècle et début
XXème. En effet, c’est dans une ancienne gare que l’on
peut admirer maintenant la plus grande collection
impressionniste au monde. C’est un des musées les plus
populaires de France de par la richesse de ses
collections et la particularité de son architecture.
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« Etre et à voir » au musée aujourd’hui
Mais qu’est ce qu’un musée ?
Nous pourrions répondre pour contourner la difficulté que sa définition évolue sans cesse. Nous pouvons
néanmoins en faire une définition objective : un musée est une institution dont le but premier n’est pas de faire
du profit. Au service de la société et ouvert au public, le musée doit « acquérir, conserver, étudier, exposer et
transmettre le patrimoine matériel et immatériel »4.
Si nous voulons simplifier la définition, nous pouvons dire que pour être qualifiable de musée, il faut :
-
un lieu
une collection (inaliénable et imprescriptible c'est-à-dire qu’on ne peut ni la vendre ni la donner).
une équipe de conservation/animation.
Du fait de ces caractéristiques restrictives, beaucoup de lieux ne peuvent (ou ne veulent) accéder au statut de
musée. Ainsi se multiplient les : centres culturels, écomusées, centres d’interprétations… Souvent sans
collection, ces nouveaux « musées » sont devenus des lieux de données plus que d’objets.
Les collections, quelles qu’elles soient, sont protégées par la loi de la domanialité publique. Selon les pays, le
statut du musée est très différent. Dans certains pays comme aux Etats-Unis, le musée est comparable à une
entreprise, un bien privé. Dans d’autres, les musées dépendent davantage de l’autorité publique, ce qui est le
cas en France. Vu comme des lieux d’éducation, non plus comme les lieux de délectation de quelques éclairés,
les musées en général participent au rayonnement et à la vie culturelle de la ville où ils sont implantés. Que
serait Paris sans le Musée du Louvre ?
Trois catégories de musées relèvent de la Direction des Musées de France (DMF) : les musées nationaux qui
appartiennent à l’Etat, les musées classés qui appartiennent à des collectivités territoriales (départements,
communes) et les musées contrôlés qui appartiennent à des collectivités territoriales ou à des personnes
morales de droit privé. Les musées classés et contrôlés bénéficient de subventions étatiques pour les
acquisitions, les restaurations d’œuvres, les expositions, les aménagements muséographiques et les
constructions.
4
ICOM : Conseil international des musées.
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Que trouve-t-on au musée ?
A la fois lieu de plaisir, d’étude et d’éducation, le musée veut rendre accessible des objets et des savoirs du
passé, du présent et parfois du futur. On peut en fait trouver des musées sur à peu près tout. L’Homme, les
vipères, les médailles du Vème siècle avant JC en Grèce, les timbres de l’année 1940…
Un musée est toujours une invitation au voyage, dans le temps, dans l’espace, dans l’imaginaire. Classique ou
résolument moderne, audacieux ou poussiéreux, le musée ne fait que la moitié du chemin, c’est au visiteur
ensuite de donner un sens à ce que son œil et sa raison entrevoient.
Quelle est la vie de ceux qui travaillent au musée ? Pourrait-on vivre une journée dans les coulisses ?
Si on peut avoir l’impression que certains musées sont aussi figés que les collections de cailloux qu’ils abritent, la
réalité est toute autre. Selon leur taille et leurs missions, un personnel conséquent et varié est nécessaire au
quotidien. Ça fourmille au musée !
Le conservateur fait partie du corps scientifique. Seul ou entouré d’une équipe, il s’occupe de la conservation
des collections, de la gestion du personnel et du local, de l’animation. C’est lui qui définit les tâches de chacun. Il
est rarement seul et des secrétaires, assistants, attachés, viennent l’entourer. Ainsi par exemple pour
l’animation, il y a souvent des services spécifiques chargés de mettre en place des expositions temporaires, de
réaliser des actions spécifiques pour les scolaires, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap…
De même la collection permanente requiert une attention et un travail constants de la part du corps
scientifique : Il en fait des inventaires réguliers, restaure les objets le nécessitant, tente d’enrichir les collections,
cherche à rendre le plus accessible possible les œuvres par le biais notamment de cartels et de supports
supplémentaires (papier, numérique…), s’occupe des réserves souvent abondantes, élabore des catalogues, fait
des recherches pour développer les connaissances sur les collections... La monstration est toujours inséparable
de l’étude.
Du personnel technique est souvent nécessaire pour l’entretien des locaux, du chauffage, de l’électricité, des
appareils audiovisuels. Des professionnels sont souvent salariés à plein temps par le musée comme les
régisseurs d’œuvre, les restaurateurs, chargés non seulement de restaurer mais aussi de préserver les
collections. Il y a également les gardiens de musées quand cela est nécessaire, le personnel d’accueil, les
animateurs en lien avec les publics, mais aussi les élus et les journalistes. Il peut aussi y avoir des
documentalistes, des chargés de communication, des responsables commerciaux, des services d’édition, des
scénographes, un enseignant rattaché…
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Pourquoi le musée peut faire peur ?
« Le musée est un immense jardin potager qui apporte tous les éléments nécessaires pour grandir cultivé. Je n’ai
jamais pu leur dire que si on ne sait pas faire de la cuisine, ces légumes ne sont pas toujours comestibles ». 5 Le
musée doit-il être pour les élèves un simple lieu de « supplice pédagogique » ? Du tableau du grand maître d’art,
au tableau noir du maître d’école, il n’est pas toujours aisé de libérer les musées du carcan éducatif dans
lesquels on les a mis. Mais le musée n’est pas et ne doit pas être l’école. Il doit être un lieu de loisir et de plaisir,
un autre lieu de formation qui doit être ouvert, libre. L’émotion doit aussi y jouer un rôle. Le musée est comme
une incitation à la découverte pour stimuler et entretenir la curiosité. Alors il est vrai que l’on ne doit pas
toucher certaines œuvres, ne pas hurler, ne pas prendre en photo, regarder, écouter… Mais de plus en plus de
musées essayent de briser ces codes et proposent de nouvelles approches plus interactives au visiteur avec des
audioguides très performants, des œuvres numériques surprenantes, des ateliers complémentaires …
L’objet choisi est mis en scène au musée
Un objet au musée, quel qu’il soit : tableau, manuscrit, lampe, animal taxidermisé … devient un sémiosphore
c'est-à-dire un objet porteur de sens. Il sort de sa sphère d’usage et de son contexte, perd son utilité s’il en avait
une. Il est « muséifié » et devient un symbole de quelque chose : d’une époque, d’une pensée, d’une émotion…
Avant d’être exposé, l’objet est neutre. Exposé il est autre, suspendu dans un espace-temps décrété. L’objet
reste lui-même pourtant mais son sens est différent. C’est comme si nous évidions l’objet pour le remplir à
nouveau, mais cette fois-ci porteur d’un autre sens, d’une autre spiritualité. Est-il un simple prétexte venant
alimenter un concept ? L’objet noue une relation étroite avec les objets qui l’entourent, sélectionnés, liés par
une similitude matérielle ou immatérielle. Ces objets deviennent alors des représentants de l’invisible, des
médiateurs entre le visible et l’invisible, « Je me sens regardé par les choses »6, comme si elles finissaient par
avoir une âme. On peut reprendre un extrait du collectionneur de collections d’Henri Cueco : la « multiplication
de sens tient aux projections dont [la pierre] est l’objet. Elle est disponible à tout transfert ».
Ainsi les enfants, au musée Despiau-Wlerick, en classant leur collection puis en la muséifiant vont créer des
sémiosphores à partir de gadgets, de peluches, d’objets de décoration kitch….
Si nous poussons la chose à l’extrême, c’est finalement un simple déplacement dans l’espace qui modifie la
nature de l’objet. Un urinoir dans les toilettes devient une œuvre dans un musée. Mais alors suffit-il de déplacer
dans le réceptacle ultime de l’art un objet pour pouvoir déclarer « cela est beau, cela est une œuvre d’art » ?
C’est ce que soulève Marcel Duchamp avec son exposition d’urinoir et ses nombreux Ready-Made.
Fontaine, Marcel Duchamp, 1917
5
6
Susie Morgenstern, Musée Blues, 1986.
Merleau Ponty dans Le visible et l’invisible.
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Les objets des musées sont-ils tous des chefs-d’œuvre ?
Mais finalement qui décide de ce qui a sa place au musée et de ce qui ne l’a pas ? Nous pouvons parfois être
surpris, déçu, ulcéré par les collections et les expositions des musées que nous visitons. Subissons-nous la
subjectivité de quelques soi-disant éclairés ? Qu’a voulu dénoncer Marcel Deschamps avec son urinoir exposé
comme une œuvre d’art ? Aujourd’hui devons-nous dire que cette œuvre est un chef-d’œuvre ?
Déjà nous pouvons nous demander ce qu’est un chef-d’œuvre ? Le Printemps de Botticelli et Les Demoiselles
d’Avignon de Picasso sont dits, tous les deux des chefs-d’œuvre, mais qu’est ce qui les unit ?
Le Printemps de Botticelli
Les Demoiselles d’Avignon de Picasso
Pendant longtemps et encore aujourd’hui, le chef-d’œuvre était synonyme de perfection technique. L’origine
d’ailleurs du terme est due à la réussite technique que devait faire l’apprenti pour devenir maître. Il devait
réaliser un « chef-d’œuvre » pour prouver son talent. Aujourd’hui encore, nous pouvons employer ce terme
pour quelque chose que nous trouvons particulièrement réussi. A travers le temps, des œuvres du passé sont
devenues des chefs-d’œuvre de par leur histoire tumultueuse, la symbolique d’une époque qu’elles dégagent, la
beauté et la technique semblant indiscutables aux yeux de tous.
Le chef-d’œuvre peut être aussi une œuvre emblématique par son style, sa codification ou sa thématique. Cette
œuvre devient l’essence de l’art à cette époque, la traduction d’une époque et donc d’une pensée.
Mais les chefs-d’œuvre de l’art moderne et contemporains sont-ils toujours basés sur la technique ? L’art
contemporain est souvent plus difficile à appréhender car il échappe à nos codes de technique et de beauté
légués par nos pères de l’Antiquité. La plupart de ces artistes ont assimilé ces codes et cherchent à les casser, à
faire bouger les lignes, à nous déconcerter et c’est peut être aussi le message de l’art. Celui-ci n’est pas
forcément le réel, le confort, le beau.
D’ailleurs Le beau ? Qu’est-ce que c’est ?
Trouver une personne belle, c’est de l’ordre de l’intimité et pourtant cela nous semble comme une évidence à
partager à l’humanité. D’ailleurs si l’élu de notre cœur à nos yeux magnifique est dénigré par nos proches, il est
rare que cela ne nous touche aucunement.
Ainsi la sensation de « beau » procuré par un objet, un lieu ou une personne n’est pas la même pour tous. Le
beau est lié au goût subjectif et mouvant. Nous avons tous la possibilité et le droit d’aimer ou de détester,
d’affirmer ses goûts même envers et contre tous.
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Si nous demandons à quelqu’un de définir la beauté, il est certain que des termes comme impression, émotion,
sentiment, plaisir, fascination, imagination, rêverie, affectivité, nous absorbe et nous dépasse... Ainsi des idées
mobiles, instables, incertaines. La beauté semble bel et bien une affaire de jugement personnel et de
préférence. A travers les goûts que nous exprimons c’est notre personnalité que nous construisons et que nous
affirmons.
Et pourtant il existe bien des normes de la beauté, des canons de beauté, des chefs-d’œuvre que l’on nous
impose, des règles sociales, culturelles et artistiques du beau qui forment, déforment, modèlent nos
appréciations et parfois même à notre insu. Nous avons l’impression que l’on se doit d’aimer tel courant
artistique ou tel mélange de couleurs, que c’est de « bon goût ». Et nous savons bien également que tout ne se
vaut pas. Nous ne pouvons nous délecter du mal, de la souffrance infligée à autrui, d’une œuvre qui dévalorise
l’humanité. Tout cela est lié aux sentiments donc, mais aussi à la culture et à l’éducation.
Ce qui détermine le beau/pas beau est assez mystérieux. La beauté peut être aussi liée à l’étrangeté, à ce qui
nous est inconnu, même à la laideur. Beauté et laideur sont souvent imbriquées et ce qui paraît beau à l’un peut
sembler laid à l’autre.
« Scénographier » un espace
Les enfants vont être amenés à choisir la « scénographie » de leur petit musée. La scénographie fait partie
intégrante maintenant de la mise en valeur et de l’animation des collections. Selon le Petit Larousse la
scénographie est « l’art de l’organisation de la scène et de l’espace théâtral ». Dans un musée, c’est donc une
organisation particulière qui donne aux objets une finalité, un contexte, un public, une originalité, une
signification. Comme si nous écrivions une partition dont les objets seraient les notes. Le musée n’est pas un
«vague entrepôt d’art», un simple contenant neutre. La scénographie utilise ses qualités spatiales, colorées,
sonores, de lumière. Tout participe à la scénographie. On crée des atmosphères, et parfois plus que les objets,
ce sont les atmosphères qui guident notre ressenti et notre visite à travers le musée et à travers nous. Le
concepteur propose, le visiteur compose et s’approprie.
Pour aller plus loin …
Proposer la confection d’un petit catalogue illustré des petits musées réalisés pendant l’atelier : leur
choisir un nom, ajouter des descriptions, légendes, données « scientifiques »…
Construire un petit musée en classe qui pourra servir de support pour parler du musée, d’objets, de
scénographie, d’art… Ce musée pouvant se remplir et se vider selon les nécessités thématiques :
végétaux, sciences …
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Bibliographie
-
Le collectionneur anatomie d’une passion, Werner Muensterberger, Essais Payot, 1994
L’invention des musées, Roland Schaer, RMN
Le musée, l’origine de l’esthétique, Jean Louis Déotte, L’harmattan
Le géant, la licorne, la tulipe, Antoine Schnapper, Flammarion
La muséologie selon Henri Rivière, Dunod, 1989.
La muséologie, André Gob, Armand Colin
C’est trop beau, Fabienne Brugère, Gallimard Jeunesse
Le collectionneur de collections, Henri Cueco, Editions du Seuil
Qu’est ce qu’un chef d’œuvre ?, revue Dada n° 156
Le beau et l’art c’est quoi ?, Philozenfants, Nathan.
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Collection de mots
Histoire
Musée
Collection
Cabinet de curiosité
Naturalisme Archéologie Taxidermie
Bizarre
Chef-d’œuvre
Trier
Conservation
Licorne
Objet
Esthétique
ART
Mythologie
Médailles
Marchand
Enquête
Sémiosphore
Science
Beauté
Scénographie
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Réalité