CAVE À VIN - Santé inc.

VIN
LA POUPONNIÈRE À CHOPINES
PAR PAUL THERRIEN
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CONSTRUIRE SA
CAVE À VIN
Notre relation au vin varie selon l’angle
adopté: de l’horizontale à la verticale. Debout, la bouteille n’attend que le moment
où le retrait du liège mènera au déversement de son contenu en coupe.
Lorsqu’elle est couchée, dans les conditions idéales, son contenu demeure en vie,
en croissance. Il respire, se déploie, s’accentue... Cinq, dix, quinze ou vingt ans de
maturation pour l’éclatement ultime du
fruit soyeux dans le cristal. La cave à vin,
véritable pouponnière à chopines, est à
portée de main des passionnés qui
souhaitent rehausser leur expérience
œnologique à la maison, que ce soit dans
le sous-sol, la buanderie, le garage ou
dans un espace perdu sous l’escalier...
Peu importe la grandeur d’une maison,
il est toujours possible de convertir un
espace en cave à vin. Le nombre de
bouteilles et le type de vin que vous
souhaitez acquérir et consommer devront
être les critères de base pour la conception de votre cave à vin. La quantité et la
qualité des bouteilles se trouveront, bien
sûr, limitées par les dimensions de la
pièce choisie et... le budget que vous
voudrez y consacrer. L’aménagement
d’une cave représente un investissement
pouvant varier de 4 000 à 60 000 $. Le
vieillissement du vin étant une œuvre à
long terme, la durée prévisible d’occupation de la maison devra aussi être considérée, quoique la valeur de celle-ci
peut être augmentée par la seule
présence d’une pièce consacrée au vin.
«On se base sur des pièces existantes ou
sur les plans d’une maison en construction pour concevoir les dessins de la
cave, indique Jean-Philippe Laroche, co-
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ordinateur pour l’espace cave chez
Vinum Design, à Montréal. Ensuite, le
client choisira un design pratique ou esthétique, classique ou moderne, selon
qu’il souhaite plus de capacité pour occuper chaque pouce carré ou qu’il désire
créer une pièce coup d’œil. C’est cette
capacité recherchée qui décidera au départ des types de support à bouteilles.»
Mais avant d’en arriver aux supports, il
faut s’assurer de l’équilibre idéal de l’air
ambiant à la maturation du raisin, car le
vin couché est perméable. Il communiquera durant des années avec l’air ambiant à travers son bouchon de liège.
Agissant comme une matrice, votre cave
à vin donnera des résultats qui dépendront entièrement de son étanchéité et
de l’isolation thermique. La température,
l’humidité, la fraîcheur de l’air et une
faible luminosité dépourvue de rayons UV
constituent donc les éléments essentiels
d’une cave à vin performante. La première étape de la construction de la cave
consiste donc à prendre les mesures non
seulement de l’espace, mais surtout de
l’atmosphère de la pièce choisie pour
éventuellement couver les flacons.
Notre nez est le principal indicateur
d’une bonne circulation d’air, un bon assainissement qui chasse les moisissures.
Ensuite, on place un thermomètre et un
hygromètre dans la pièce. Les relevés
doivent être pris la nuit, le matin,
l’après-midi et le soir. La température
idéale se trouvera entre 8° C minimum
et 18° C maximum, les heures les plus
froides entre 7 h et 8 h et les plus
chaudes, entre 17 h et 20 h. Le point à
viser sera 13° C et un taux d’humidité
variant de 65 % à 75 %. Un système de
réfrigération, pour ceux qui n’ont pas la
chance d’avoir une cave naturellement
fraîche, viendra stabiliser le climat. «Il
faut rendre la cave la plus inerte possible, rappelle Jean-Philippe Laroche.
Toutes les caves à vin, sans exception,
doivent devenir telles une coquille
isolée.» En effet, une cave à vin trop
chaude accélère le vieillissement du vin;
dans le froid, la maturation est ralentie
et les arômes du vin se ferment.
Au Québec, les grandes variations de
température exigent une isolation
épaisse, dans les environs de R-20 à
R-30 avec de la laine de verre. Il s’agit
ensuite d’installer un climatiseur pour
contrôler la température et l’hygrométrie.
Il faut aussi prévoir un ventilateur si
l’aération est insuffisante. La tolérance
au bruit et la chaleur des pièces adjacentes à la cave détermineront les coûts
du système de réfrigération. «La principale différence entre un système de circulation d’air pour 900 pi3 à 600 $ et un
évaporateur par gravité qui coûtera
5 000 $ est le bruit, dit M. Laroche. On
choisit donc un refroidisseur qui fonctionne par l’air ou par l’eau, ce dernier
étant certainement moins bruyant, mais
les clients qui ont une conscience environnementale ont moins tendance à
l’utiliser.» La dynamique des gaz fait en
sorte qu’une variation incontrôlable de
température aura lieu entre le bas et le
haut de la cave. L’uniformité de température pour l’ensemble des bouteilles
est impossible, mais «un ou deux degrés
de différence entre les bouteilles dans
les rayons, ce n’est pas catastrophique»,
affirme M. Laroche.
Nos hivers très secs exigent aussi un contrôle vigoureux de l’humidité. Lorsque le
taux se situe en dessous de 50 %, le liège
du bouchon risque de se dessécher,
menant à une rétraction qui laissera le vin
pénétrer dans le celui-ci avec le fâcheux
résultat d’une bouteille dite «bouchonnée». Tous les systèmes de réfrigération
conçus en fonction de la maturation du
vin maximisent l’humidité et expulsent
les éléments de condensation excédentaires vers l’extérieur. Des lattes de bois
résistant à l’humidité peuvent ensuite
facilement dissimuler le système qui demeurera accessible sous des trappes.
En outre, une cave à vin convenable doit
absolument être bien ventilée. Il est
préférable de viser une double aération.
Les experts conseillent une orientation
vers le sud pour la haute aération, et vers
le nord pour la basse. Il serait prudent
d’équiper les trous d’aération de grilles
de ventilation munies d’une moustiquaire
afin d’éviter l’intrusion d’insectes ou de
petits rongeurs. S’il y a des fenêtres dans
la salle, vous devrez bloquer la lumière
qui les traverse, car les rayons UV et la
chaleur qui en émanent sont dommageables pour le vin. «Il existe plein d’options décoratives pour l’éclairage, dit M.
Laroche. Je suggère un gradateur pour la
puissance afin de choisir une luminosité
d’ambiance ou de travail. Il est bien aussi
d’avoir un témoin lumineux à l’extérieur
de la cave pour indiquer de fermer les lumières en cas d’oubli.»
Va pour l’atmosphère douillette et idéale
pour l’évolution lente des molécules du
vin. Il ne manque maintenant que les
modules à étagères où les bouteilles attendront leur moment de gloire. Trois
types de matériaux peuvent convenir à la
tâche: bois, métal et pierre. Encore une
fois, le budget et la patience du client
sont les seuls déterminants, car, du moment qu’elles ne retiennent pas l’humidité, les étagères n’ont aucune incidence
sur le processus de vieillissement. Une
entreprise comme Vinum Design est là
pour aider à la fabrication une structure
de modules sur mesure. «Un de nos
partenaires s’occupe du plan technique.
Il faut six semaines pour produire la commande et deux autres pour l’installation»,
dit M. Laroche. Il est possible aussi d’en
repartir avec des supports modulaires clé
en main. Le coût pour chaque espace de
bouteille peut varier de 2 $ à 15 $, selon
la qualité du matériel et de la présentation. Pour les gammes de bois, les prix
varient de 2 $ l’espace avec le «redwood» à 10 $ l’espace avec de l’acajou.
Du côté de la pierre, excellent matériel
pour le contrôle de l’humidité, la variété
est grande, un peu plus chère aussi.
«Nous avons des modules en métal très
moderne en stainless ou en métal noir
avec un fil au centre qui donne l’impression d’une bouteille suspendue
dans le vide...» précise Jean-Philippe
Laroche. Si votre demeure se trouve près
d’une route ou d’un chemin de fer,
utilisez des plaques de liège ou des
patins antivibration en caoutchouc. Les
casiers en argile ont aussi la particularité d’atténuer les vibrations.
Il va sans dire que le choix des matériaux
demeure la meilleure garantie d’une
«inertie» maximale de la cave. Pour la finition des murs et des planchers, il faut
éviter certains types de bois, tels le
cèdre, le gypse standard et le papier. Il
est préférable d’installer un plancher en
ardoise ou en céramique, du marbre pour
les comptoirs, du gypse hydrofuge pour
les murs et le plafond. Le souci de l’isolation englobe aussi la porte, et il en existe
une vaste gamme. Les prix varient de
100 $ à 4 000 $. «La porte d’acier est la
plus efficace, mais nous en avons en
verre traité contre les rayons UV entouré
d’un cadre de bois, en arche ou en voûte,
dit M. Laroche. L’important, c’est d’avoir
un bon coupe-froid tout le tour et un haut
coefficient d’isolation.» À la fin, rien ne
vaut un bon système de classement de
vin. À la verticale, vous pouvez placer les
bouteilles par millésimes. À l’horizontale,
par régions et sous-régions. Pour garder
des notes sur l’évolution des vins, il existe
aussi une variété de logiciels permettant
de gérer plus de 10 000 bouteilles.
Sinon, pour les traditionalistes, il y a toujours le bon vieux livre, mais il ne faut
pas craindre les ratures... ⌧
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