La production fruitière intégrée en Italie : regards critiques - w3

Transcription

La production fruitière intégrée en Italie : regards critiques - w3
-1-
Groupe filière
arboriculture
La production fruitière intégrée en
Italie : regards critiques sur une
conversion réussie
Rapport de mission
du 8 au 12 oct. 2000
S. Bellon, J.-M. Codron,
R. Habib, C. de Sainte Marie,
B. Sauphanor, J. Sterns
26/01/01
-2INDEX
1.
INTRODUCTION.................................................................................................. 4
2. HISTOIRE DE LA PFI ET IDENTIFICATION DES PRINCIPALES
DEMARCHES ............................................................................................................... 4
2.1
Mise en perspective historique ..................................................................................................... 4
2.2 Les spécificités de la situation italienne ....................................................................................... 5
2.2.1
Le rôle moteur des régions des régions dans le développement de la production intégrée.... 5
2.2.2
Des organisations professionnelles puissantes et reconnues : les consortium de tutelle........ 6
2.2.3
La distribution : un secteur en recomposition ........................................................................ 6
3.
STRATEGIE DES OP ET DES PRODUCTEURS VIS A VIS DE LA PFI......... 7
3.1 Production intégrée et organisation commerciale: réflexions autour de trois entreprises ..... 7
3.1.1
Structure de la production et Importance de la Production intégrée/biologique .................... 8
3.1.2
Stratégies de signalisation de la qualité ................................................................................. 9
3.2
Stratégie de coopération vs. stratégie d’intégration ................................................................. 10
3.3
Le dispositif de contrôle des “ labels ” “ PI ”............................................................................ 11
3.4 Questions autour de la qualification “ PFI ”............................................................................. 12
3.4.1
Le “ label ” PI : un signal de qualité ? ................................................................................. 12
3.4.2
La PFI : un élément de différenciation ?.............................................................................. 12
3.4.3
Le marquage des produits : un enjeu entre producteurs et distributeurs .............................. 13
4.
L’ENCADREMENT DES PRATIQUES PFI EN EMILIE ROMAGNE ........... 14
4.1
Les trois facettes à l’application des normes de production intégrée en Emilie-Romagne ... 14
4.2 L’intégration de la PFI dans les mesures agri-environnementales ......................................... 15
4.2.1
Application de la mesure A1 du règlement (CE) 2078/92................................................... 15
4.2.2
Evaluation de la mesure A1 en Emilie-Romagne ................................................................ 16
5. POSITION DES INSTITUTIONS REGIONALES CONTACTEES ET
ELABORATION DE CONTENUS TECHNIQUES................................................... 17
5.1
Le CRPV (Centre de Recherche sur les Productions Végétales, créé en 1996)...................... 17
5.2
L’Université de Bologne, Dipartimento di colture arboree ..................................................... 18
5.3
L’institut Régional de Protection des Plantes d’Emilie Romagne .......................................... 19
6.
QUELQUES ASPECTS PHYTOSANITAIRES ................................................. 19
6.1 Le carpocapse en Emilie-Romagne............................................................................................ 19
6.1.1
Bases de la protection carpocapse en PFI ............................................................................ 20
6.1.2
Evolution récente ................................................................................................................. 20
6.2
Aspects phytosanitaires évoqués dans le Trentin ..................................................................... 21
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-37. QUELLES SIMILARITES/DIFFERENCES AVEC LA FRANCE ? Y A T’IL
UN MODELE ITALIEN ? ........................................................................................... 22
ANNEXES ................................................................................................................... 24
CALENDRIER DE LA MISSION............................................................................... 25
D’AUTRES SIGNES DE QUALITE........................................................................... 27
NOTES DE VOYAGE DE B. SAUPHANOR, MISSION DANS LE NORD DE
L’ITALIE EN AOUT 96 .............................................................................................. 29
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1 Introduction
Cette mission a été décidée dans le cadre conjoint du programme ‘PFI’ et du groupe
filière ‘arboriculture fruitière’ de l’INRA. Dans ces deux instances, l’Italie avait été identifiée
comme le principal concurrent de la France sur le créneau de la Production Fruitière Intégrée,
et plus particulièrement pour les deux espèces modèles que sont le pommier et le pêcher (+
nectarine).
Ce concurrent était très souvent décrié par les collectifs en charge de l’encadrement
technique de l’arboriculture française, sans que l’on puisse faire la part de ce qui relevait de
l’analyse critique objective, et de ce qui était plutôt de l’ordre du dénigrement. Pour ses
zélateurs, l’Italie apparaissait comme le modèle réussi d’une arboriculture compétitive et de
qualité tout en étant respectueuse de l’environnement ; pour ses détracteurs il s’agissait d’un
modèle du faire savoir marketing sans contrôle objectif, et donc sans réel fondement
technique.
Une mission d’observation in situ s’imposait donc pour lever les ambiguïtés, et tenter
de tirer les enseignements de la situation italienne. La mission, volontairement
pluridisciplinaire, était composée de J-M. Codron et J. Sterns (économistes, ESR), C. de
Sainte Marie (agro-économiste, SAD), S. Bellon (agronome, SAD), R. Habib (agronome,
E&A), B. Sauphanor (entomologiste, SPE), dans l’ordre des niveaux d’organisation
appréhendés par chacun, du plus global au plus restreint. Nous espérions que proximité de
situation avec le grand Sud-Est de la France, et histoire de la PFI dans les régions nord de
l'
Italie permettraient des comparaisons intéressantes aux différents niveaux disciplinaires.
La mission s’est déroulée dans le Trentin et en Emilie-Romagne. Le Trentin-Haut
Adige est la première région productrice de pommes d’Italie (environ 60% de la production
nationale en 1996, dont 400 000 t dans le Trentin, et 800 000 t dans le Haut-Adige). L’EmilieRomagne est la première région productrice de pêches/nectarines d’Italie (36% de la
production nationale en 1996, pour un volume équivalent à la production française). Des
différences interrégionales importantes apparaissent dans les structures d’exploitation :
• petites structures de hautes plaines et collines en Trentin-Haute Adige (1ha en moyenne
avec possibilité de conduite “ jardinée ”), où la dominante de cultures pérennes permet
d’envisager des interventions groupées en protection phytosanitaire,
• structures moyennes en plaines et collines d’Emilie-Romagne (8ha en moyenne, avec une
importante diversité des cultures).
2 Histoire de la PFI et identification des principales démarches
2.1
Mise en perspective historique
L'
Italie du Nord est très active en matière de production intégrée depuis le milieu des
années 80. Le Sud Tyrol ouvre le feu avec la création de Agrios dès 1985; en Emilie
Romagne, les cahiers des charges sont introduits en 1989, sur la base des principes de l’OILB.
Les initiatives de valorisation commerciale de la production intégrée connaissent davantage
de succès que celles lancées en France à la fin des années 70. Deux raisons apparentes à cette
diffusion: la sensibilité des consommateurs allemands aux problèmes écologiques et une
action collective de grande ampleur, étroitement coordonnée par les pouvoirs publics et bien
relayée par de puissantes organisations commerciales italiennes.
On distingue trois phases dans l'
organisation technique de la production intégrée en
Emilie Romagne:
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-5•
•
•
•
•
1989-93: mise en place de référentiels régionaux, avec l'
appui des pouvoirs publics et
lancement en 1992, d'
un label régional QC (Qualità Controllata) construit sur la base du
référentiel régional et de mesures additionnelles sur la qualité post-récolte ;
1994: mobilisation des aides communautaires environnementales (règlement CEE 207892) pour la promotion de la production intégrée; ces aides sont accordées directement aux
producteurs dans le cadre de contrats de cinq ans (cf. Annexe, encadré 1);
1999: la perspective de renouvellement du contrat quinquennal communautaire pose le
problème de l'
unification des deux référentiels régionaux et de l'
harmonisation interrégionale; la nécessité d'
une nouvelle cohérence au niveau de la production se fait jour
avec le foisonnement des initiatives de distributeurs nationaux et étrangers, qui cherchent
à imposer leurs normes en matière d'
environnement et à communiquer sur le thème de
l'
environnement au profit de leurs marques de distributeurs.
Dans la région du Trentin-Haut Adige, la dynamique est quelque peu différente,
la valorisation commerciale des référentiels provinciaux (deux référentiels distincts) se
fait principalement sous l'
égide des marques commerciales de production (Melinda,
Marlene);
une part des aides communautaires transitent par des canaux spécifiques, réservés aux
régions autonomes
Dans les deux régions, la démarche collective est fortement appuyée par les pouvoirs
publics et relayée par de puissantes organisations commerciales, de type coopératif ou privé
(voir exemples dans tableau 1). L'
adhésion des producteurs est massive: dans le Trentin, la
production intégrée est généralisée, en Emilie Romagne, elle dépasse les 60% des tonnages.
La communication est habile et englobe l'
ensemble de la production sous une même image.
3 Les spécificités de la situation italienne
3.1.1 Le rôle moteur des régions des régions dans le développement de la
production intégrée
Un des facteurs déterminants dans la mise en place et le développement de
programmes de production intégrée en Italie apparaît résider dans l’organisation politique et
administrative de ce pays, où les régions jouissent de pouvoirs beaucoup plus étendus qu’en
France allant jusqu’à un statut d’autonomie (Trentin-Haut Adige). Dans les deux régions
visitées, l’initiative des programmes de production intégrée est attribuée à des élus locaux, les
politiques ayant fait preuve, dit-on, d’une capacité à anticiper sur l’avenir. La
décentralisation a été renforcée par l'
abolition du Ministère de l'
Agriculture (loi du 4
décembre 1993), transformé en “ Ministère des ressources agricoles, alimentaires et
forestières ”, tous domaines dans lesquels l’Etat limite son intervention à un rôle de
représentation dans les instances internationales. Il n’existe pas en Italie d’équivalent de
l’INRA et des instituts techniques (Ctifl…) au niveau de la recherche et du développement, ni
d’institutions centralisées en charge de l’homologation des référentiels et de l’organisation des
contrôles sur les produits ou les méthodes de production (CNLC, INAO). La transposition des
directives et règlements européens dans la législation et la validation des cahiers des charges
sont ainsi du ressort des régions : en Emilie-Romagne et au Trentin, le développement de la
production intégrée résulte d’une interprétation locale du règlement 2078/92 qui instituait les
premières mesures agro-environnementales. Il demeure le cadre de référence pour la PFI dans
les régions qui ne se sont pas dotées de loi régionale (LR) comme cela est le cas du
Mezzogiorno. Rappelons que l’Emilie-Romagne a appuyé sa politique sur une marque
collective régionale ou “ label ” : Qualità Controllata (LR 29/92). Le dispositif MAE, dans
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-6lequel les primes étaient attribuées directement aux agriculteurs, est relayé par le règlement
2200/96 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes,
dans lequel les subventions sont attribuées aux “ organisations de producteurs ” (OP) sur la
base d’un programme stratégique dont la réduction de l’impact sur l’environnement est un
objectif éligible.
3.1.2 Des organisations professionnelles puissantes et reconnues : les consortium
de tutelle
Le développement de la production intégrée dans un temps assez court et avec une
telle ampleur est à rapporter à un alliage entre institutions publiques régionales et organisation
économique. Un autre trait marquant de la situation Italienne concerne les associations
volontaires de producteurs (consorzio). Ces consortium ont fourni le socle des organisations
de producteurs (OP) rencontrées :
-
Melinda (16 coopératives des producteurs de pommes du Val di Non) et Trentina (10
coopératives), qui ont formé avec les deux autres OP de la province du Trentin (Serena et
Sant’Orsola) la première union d’OP d’Italie et la seule à ce jour : APOT. Les
coopératives commercialisent 80% de la production du Trentin, soit près de 50% de la
production de pommes d’Italie.
-
UNACOA Salvi, membre de Macro Organizione Commerciale (MOC), alliance entre OP
pour développer les complémentarités entre nord et sud de l’Italie en jouant sur la
saisonnalité pour sa gamme de fruits et légumes.
Traditionnellement reconnu et encouragé par les pouvoirs publics, le consorzio est une
structure juridique à vocation de service pour ses membres. Ses fonctions l’apparenteraient en
France aux groupements interprofessionnels qui se sont structurés autour de la défense et de
promotion d’une production locale plus qu’à une OP. Le consorzio assure en effet :
-
la représentation institutionnelle auprès des services publics et de la collectivité
territoriale : élaboration des cahiers des charges par produit en concertation avec les
institutions régionales de recherche et d’expérimentation en particulier,
la gestion de la marque collective de l’OP (Melinda) ou de la région (Qualità
Controllata & IGP en Emilie Romagne ; AOP “ Val di Non ” en cours).
la gestion du cadastre arboricole (Trentin) : enregistrement des parcelles (variété, état de
la pente, distance de plantation) et mise à jour (déclarations de déclassement) qui sert de
base pour la labellisation “ production intégrée ” (PI) des lots de fruits.
l’orientation de la production, en particulier les démarches de certification par tierce
partie en cours.
3.1.3 La distribution : un secteur en recomposition
Enfin, le marché national apparaît encore dominé par les opérateurs traditionnels :
grossistes et détaillants spécialisés. Cette organisation connaît cependant des transformations
rapides avec le développement des circuits de grande distribution (3 chaînes : Coop, COPAD
et ESSELUNGA) et l’arrivée de groupes français en particulier qui prennent pied sur le
marché italien à travers le rachat d’enseignes nationales. Ces recomposition en cours sont
source de tensions entre producteurs et distributeurs pour le marquage des produits.
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4 Stratégie des OP et des producteurs vis à vis de la PFI
4.1
Production intégrée et organisation commerciale: réflexions autour de
trois entreprises
L'
analyse comparée des structures et des stratégies de trois organisations commerciales
visitées lors de notre mission en Italie, permet de repérer des cas très contrastés et de formuler
quelques hypothèses d'
explication sur les variables déterminantes des choix de stratégie de
signalisation de ces organisations. Ces trois cas ne sont pas totalement représentatifs de la
situation du nord de l'
Italie; l'
analyse demanderait sans doute à être enrichie et nuancée. Nous
avons rassemblé dans les tableaux 1 et 2, les caractéristiques principales de structure et de
stratégie des trois entreprises visitées. Les commentaires qui suivent en complètent la lecture
comparée.
Tableau 1 : Structures et gouvernance de production et de commercialisation des
trois organisations commerciales visitées
Région
Trentin
Emilie Romagne
Organisation commerciale
(enquêtée)
Melinda
Apofruit
Unacoa Salvi
Tonnage commercialisé
300 mt
160 mt
100 mt
Produits dominants
Pommes (presque
100%) dont 75%
Golden
Pêches/nectarines
80mt
Poire 35 mt et
Pêches/nectarines 25
mt
Production Intégrée
Quasi généralisée
Majoritaire mais sous différents guidelines
Production biologique
Non
Forte: 5%
(perspective 20%)
Problème technique PI
Peu de carpocapse;
confusion sexuelle bien
développée
Résistance carpocapse apparue depuis peu;
faibles superficies en confusion sexuelle
12%
50%
65%
Faible mais en
croissance
Dominante
Dominante
88%
50%
35%
Faible 1/6
Dominante 4/5
Dominante 4/5
Contrôle commercialisation
Association
coopératives
(centralisé)
Association
coopératives + MOC
Entreprise privée
Obligation d’apport
Oui
Non
Libre car privé mais
15% production
propre + apport Hem
Sud
Encadrement de la protection
phytosanitaire
Centralisé; très petites
structures moyenne1ha
Possibilité d’appro
par coop mais non
obligatoire
Hétérogène; forte
présence de la
distribution privée
Production
2%
Commercialisation
Exportation
dont grande distribution
Marché national
dont grande distribution
Gouvernance
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4.1.1 Structure de la production et Importance de la Production intégrée/biologique
Les trois entreprises ont en commun une activité de commercialisation fruitière
dominante (pomme ou noyau/poire) et un volume d'
activités suffisant pour détenir un certain
pouvoir de marché: Melinda pèse 10% sur le marché national et sans doute plus compte tenu
de la forte spécialisation en Golden. Apofruit et Salvi sont, malgré une offre de gamme fruits
et légumes plus diversifiée, parmi les premiers fournisseurs de poires et de fruits à noyau du
pays. Ils ont tous les trois contribué à la promotion de la production intégrée qui représente
aujourd'
hui la grande majorité sinon la quasi totalité de la production offerte.
Tableau 2 : Stratégies de signalisation de la qualité notamment environnementale des trois
organisations commerciales visitées
Melinda
Apofruit
Valorisation par surprix
20-25%
Non; au début de
“Almaverde”, 20-30%
Marque commerciale
Marque Producteur
“Melinda”
Marque Producteur
“Almaverde” pour l’export
Organisation
commerciale (enquêtée)
Unacoa Salvi
Signalisation de la
qualité b to c1
“Amaverde Bio” pour
export et domestique
Marques distributeurs
notamment pour
l’attribut environnement
Marques Distributeurs sur
le marché national
Marque officielle
DOP en cours
Sceptiques sur intérêt IGP
(Emilie Romagne)
Cahier de référence
principal
Régional
Enseigne Coop
Enseigne Coop
ISO
En cours
Cher et Sceptiques sur son
intérêt
En cours
Signalisation de la
qualité b to b
Autres
Eurep, agrément OILB
Financement de la PI
Direct producteur 2078
Non
Oui
Indirect (assistance
technique…)
Financement UE pour
Région Autonome ?
OCM, MOC, Région Emilie Romagne
Principaux problèmes
et perspectives qualité
Meilleur contrôle
qualité gustative
Rester leader en bio
Gérer la croissance
du créneau
distribution moderne
Garder la maîtrise des
cahiers des charges au
niveau européen
oui
Souhaite unification des
démarches européennes
PI
Garder contrôle qualité
grâce à production
propre
1
“b to c” signifie business to consumer et “b to b” business to business; Cette terminologie est de plus en plus
utilisée par les praticiens pour la signalisation de la qualité. Cette distinction est pertinente car il y a des signaux
visibles par le consommateur et d'
autres qui ne servent qu'
entre opérateurs de la filière.
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La spécialisation produit semble expliquer en partie la différenciation des circuits
commerciaux: circuits traditionnels du marché national pour la pomme Golden de Melinda (la
marque Marlene du groupe VOG est plus diversifiée sur le plan variétal et de ce fait plus
massivement tournée vers l'
exportation), circuits modernes des marchés étrangers et national
pour les fruits à noyau et les poires de Apofruit et Salvi. De telles orientations sont cohérentes
avec les dynamiques de marché par produit: consommation de Golden surtout dans les pays
du Sud de l'
Europe, forte activité d'
exportation de pêches/nectarines et de poires sur les
marchés du nord.
Les orientations commerciales sont en revanche quelque peu surprenantes en ce qui
concerne les ventes de Melinda à la grande distribution italienne. On s'
attendrait en effet,
comme pour Apofruit et Salvi, à des scores relatifs très élevés dans la distribution moderne,
eu égard à leur grande taille. Il n'
en est rien. En fait, si Melinda commercialise
majoritairement la pomme par les grossistes, c'
est en raison de la meilleure valorisation
commerciale. Melinda maintient, du fait de la concentration et de la qualité des volumes
offerts, une notoriété sur le marché national qui lui permet d'
obtenir un surprix de 20 à 25%.
Le développement de la distribution moderne menace cette rente de prix et oblige aujourd'
hui
Melinda à affiner sa stratégie en conséquence.
On notera enfin les différences de stratégies de différenciation qualitatif et de contrôle,
déployées en Emilie Romagne, selon le statut de l'
entité commerciale. Pour l'
entreprise privée
Salvi, la stratégie a été de développer une production en propre pour piloter et mieux contrôler
les apporteurs. Pour l'
association de coopératives Apofruit, la coordination est assurée par les
mécanismes de la coopération; elle permet, moyennant quelques ajustements structurels
(suppression de l'
obligation d'
apport total ?, création d'
une société pour les produits
biologiques) de développer une politique plus agressive sur le plan commercial (création
d'
une marque Almaverde sur les marchés à l'
export, très bons scores sur le marché
biologique). Elle permet également de développer le recours à la confusion sexuelle en
finançant la moitié des coûts afférents.
Seule Melinda assure un encadrement technique fort et centralisé de ses producteurs.
Dans la province du Trentin, le conseil est d'
ailleurs gratuit et financé par la région. En Emilie
Romagne, l'
encadrement est moins centralisé et plus diversifié. Le conseil technique aux
producteurs vient de la région, de la coopération et de façon plus massive du privé (les
techniciens des distributeurs de produits phytosanitaires sont les plus nombreux en Emilie
Romagne).
4.1.2 Stratégies de signalisation de la qualité
Toutes ces différences de structures et de trajectoires techniques et économiques,
expliquent en grande partie les différences de stratégie de signalisation de la qualité, que ce
soit vis à vis du consommateur ou entre opérateurs de la filière.
On distingue trois grands types de signalisation-produit au consommateur: les marques
de producteur (Melinda), les signes officiels de qualité européens (IGP, AOP) et régional
(QC) et les marques de distributeurs.
• Les grandes organisations du Trentin ont réussi à acquérir une certaine notoriété auprès
des consommateurs italiens. Leurs marques ne communiquent cependant pas
explicitement sur l'
attribut environnemental et concentrent leurs efforts sur l'
amélioration
de la qualité gustative.
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•
Les signes officiels de qualité européens IGP, AOP: le premier, accordé pour les pêches
de Romagne et les poires d'
Emilie Romagne, n'
est pas d'
une grande lisibilité pour les
consommateurs, comme en témoigne une enquête récente auprès de 1000 consommateurs
de la région (15% seulement la reconnaissent utile); le second est demandé par les
coopératives Melinda, mais dans un objectif principal de soutien de la marque Melinda.
Quant au label régional QC, nous avons vu le faible intérêt qu'
y accordent les
consommateurs et de ce fait les opérateurs de la filière.
en Italie, les marques de distributeur à connotation environnementaliste se développent:
Prodotti con Amore (Coop), Percorso Qualita Conad (Conad), Naturama (Esselunga) et
Viver Sano (GS/Euromercato); ces marques, encore peu développées, sont en croissance;
elles ne sont pas spécifiques aux fruits et légumes. Leur développement est lié de façon
plus générale au développement des parts de marché de la grande distribution sur le
marché national des fruits et légumes, parts de marché qui restent encore modestes,
comparées aux autres pays européens (moins de 40% en 1999). Cette faiblesse est accrue
par la faible concentration dans le secteur: Coop Italia, leader sur le marché des fruits et
légumes, ne fait que 4.8% du marché national comparé à Carrefour/Promodès (12% du
marché français), Edeka (17% du marché allemand) et Tesco (22% du marché
britannique).
A l'
inverse de Melinda qui réussit à maintenir une stratégie propre de marque, les deux
autres opérateurs adaptent leur offre aux stratégies de signalisation de la grande distribution.
Apofruit a abandonné cette année, sa marque Almaverde sur le marché national, préférant
laisser libre champ aux enseignes nationales. Cette décision est liée également à un problème
de déficit de qualité gustative sur les pêches/nectarines, un problème dont la solution
conditionne la lisibilité d'
une signalisation sur l'
environnement.
Les stratégies de signalisation au sein de la filière, notamment vis à vis des clients
étrangers ou de la grande distribution, découlent partiellement des stratégies précédentes.
Les marques de producteurs (Melinda) se protégent des concurrents bien sûr (d'
où la mise
en place d'
une DOP par Melinda) mais surtout de la grande distribution qui veut
développer ses marques propres. Pour convaincre leurs clients, ils sont amenés à
développer des outils d'
assurance qualité générale de type ISO (9002 pour Melinda, 9001
pour VI.P) ou des certificats spécialisés production intégrée (agrément OILB obtenu par
Apofruit en 1999);
Les organisations commerciales qui ont choisi de se laisser guider par la grande
distribution (cas de Apofruit sur le marché national et de Salvi sur l'
ensemble du marché),
cherchent à gérer au mieux la diversité des référentiels. Ils le font par exemple en
s'
alignant sur le cahier le plus exigeant (Coop sur le marché italien) ou, dans le cas des
négociants privés, en maintenant, grâce à une production en propre, un bon contrôle sur la
production. A l'
export, ils doivent faire face à une plus grande diversité et sont tentés dans
un souci de simplification, de suivre la démarche fédératrice Eurep (cas de Apofruit). A
noter que ces opérateurs ne boudent pas pour autant les normes de type ISO, leur utilité
n'
étant pas seulement de signaler pour les clients mais également de rationaliser et
d'
améliorer la gestion interne.
4.2
Stratégie de coopération vs. stratégie d’intégration
On observe donc deux formes d’organisation, des stratégies de coopération versus des
stratégies d’intégration par l’aval :
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- 11 •
Des stratégies de coopération, dont les OP du Trentin constituent une forme assez
exemplaire
La mise en place de la production intégrée est décrite comme une démarche
d’apprentissage collectif qui s’inscrit dans la tradition de coopération de cette région : “ On
n’a pas fait un club : ici, tout le monde va dans la même direction”.
Le cahier des charge PFI a un double statut : il est tout à la fois un corps de règles
techniques et un contrat juridique entre la coopérative et ses sociétaires. L’engagement à
respecter la discipline commune de production porte sur l’exploitation dans son ensemble.
Partant du principe “ éduquer plutôt que sélectionner ”, les coopérateurs (et coopératives)
bénéficient, entre autres incitations, d’un appui technique gratuit.
La valorisation de la production intégrée repose sur la pénalisation des déclassements
(au cas où le cahier des charges ne pourrait être observé en cours de campagne) afin d’“inciter
les producteurs à changer de mentalité ” (il est de la responsabilité de l’agriculteur de déclarer
les parcelles hors PFI, rapport de prix de ½ ; exclusion du sociétaire en cas de non déclaration
constatée).
•
La mise en œuvre de cahier des charges PFI relève davantage de stratégies d’intégration
flexible par l’aval lorsque l’organisation des producteurs est initiée par des entreprises de
négoce.
UNACOA Salvi à Ferrare fournit un contrepoint au modèle communautaire-territorial
des OP du Trentin. Mis au point en Emilie-Romagne pour les productions tempérées
(pommes, poires, pêches), ce modèle a été transporté aux productions typiques du sud de
l’Italie (fraises de Naples, Clémentine de Calabre…) en suivant le même schéma : (1)
installation de leur structure de production, intégrant l’amont (pépiniéristes, agrofournitures)
(2) intégration progressive de leurs voisins à travers la formation de coopératives et de réseau
de coopératives (3) qui sont constituées en associations de producteurs et acquièrent le statut
d’OP (4) le tout, regroupé dans MOC, qui assure la fonction de coordination générale, du nord
au sud de l’Italie.
La production directe (10% de l’approvisionnement de Salvi) constitue une condition
et une étape dans le contrôle de l’approvisionnement, décrite comme une démarche qui
différencie l’entreprise des autres négociants. S’ils empruntent les cadres existants localement
(lois régionales ou 2078 le cas échéant), les cahiers des charges producteurs correspondent au
cahier de charge privé d’une entreprise envers ses fournisseurs.
4.3
Le dispositif de contrôle des “ labels ” “ PI ”
Comme nous le verrons, les cahiers des charges de production intégrée sont élaborés
par des instituts de recherche et d’expérimentation avec la participation des organisations de
producteurs et homologués par le gouvernent régional. Qu’en est-il des contrôles ?
L’agrément des producteurs et les contrôles sont délégués localement aux coopératives
sous responsabilité des organisations de tutelle (OP, consorzio). Les dispositifs PFI
comportent :
- un contrôle au champ, basé sur les enregistrements des opérations dans le cahier
d’exploitation et une inspection au champ par des techniciens ou une commission de contrôle
mixte (professionnels et techniciens région) au Trentin : 20% des exploitations sont contrôlées
chaque campagne (non précisé en Emilie Romagne),
- un contrôle sur les produits : analyse de résidus sur un échantillon de fruits,
- l’identification des lots : il s’agit plus d’une identification physique des lots de
récolte pour QC (nom du producteur, variété, date entrée station et agrégation entre 5 à 6
apporteurs au niveau sortie de chaîne) que d’une procédure de traçabilité proprement dite
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- 12 (identification du lot à une parcelle ou groupe de parcelles traitées de façon homogène) qui ne
semble être mise en œuvre par APOT.
Sans rentrer dans le contenu technique des cahiers des charges PFI, on notera que le
dispositif de contrôle en Italie est un contrôle interne conforme aux directives de l’OILB : un
certain flou entoure cependant la distribution des responsabilités entre professionnels,
techniciens du développement et administration – en particulier pour ce qui est de l’usage de
la marque régionale “ Qualità Controllata ” en Emilie-Romagne.
Des procédures de certification par tierce partie (organismes certificateurs à la norme
45 001) sont en cours d’accréditation dans les 2 régions, ce que préconise d’ailleurs la
dernière édition de la directive sur la production intégrée (1999). Les démarches de
certification engagées portent soit sur le produit (ISO 9002/ PFI), soit sur le process en station
(ISO 14000 / normes environnementales – UNACOA Salvi), soit une combinaison des deux
(Melinda). Elle soulèvent, comme en France la question du référentiel pertinent pour la
production intégrée (produit et/ou procédé de production) et de son domaine d’application
(verger et/ou exploitation agricole et/ou entreprise de conditionnement- expédition)
4.4
Questions autour de la qualification “ PFI ”
4.4.1 Le “ label ” PI : un signal de qualité ?
Si la production fruitière intégrée relève d’une démarche volontaire (comme en
France) et fait l’objet en Italie de “ labels ” (PI au Trentin, QC en Emilie-Romagne), on
observe que les entreprises ne mobilisent pas, ou pas spécifiquement la référence à ce mode
de production comme mention valorisante dans leur stratégie commerciale. Pourquoi s’en
privent-elles ?
Une première réponse à cette situation paradoxale tient dans l’extension de la PFI qui
tend à devenir la “ pratique normale ” pour les productions intensives : la signalisation ne joue
plus son rôle de distinction à partir du moment la “ PI ” devient un standard de fait.
L’autre argument avancé, moins attendu, serait le risque de stigmatisation d’un mode
de production qui limite les traitements chimiques sur des produits - les fruits et légumes frais
– associés, plus que d’autres, à des valeurs santé. Outre son positionnement par rapport à
l’agriculture biologique, une autre interrogation sur la qualification “ PFI ” tourne autour de la
caractérisation des produits qui en sont issus : qu’est-ce qui relève de la spécificité des fruits
et légumes ? Qu’est ce qui relève des pratiques PI ? Qu’est-ce qui relève des transformations
de l’environnement économique du secteur ?
4.4.2 La PFI : un élément de différenciation ?
On a pu observer qu’il n’y a pas actuellement de critères spécifiques pour les produits
issus de parcelles en PFI auxquels s’appliquent :
-
la norme de qualité de l’UE : variété, calibre et catégorie sur des critères d’aspect
extérieur pour les pommes, QC excluant les catégories II et III – ce qui n’est que peu
sélectif
-
des règles propres à l’OP quand elles existent : produits “ Elite ” chez Salvi et mode de
calibrage (au poids) chez Melinda afin de ne pas disqualifier les pommes d’altitude, à la
forme plus allongée que les pommes de la vallée. Le boisage, lié également à l’altitude,
n’est pas considéré comme un défaut d’aspect – ni d’ailleurs comme un critère de
spécificité comme cela est le cas dans la démarche d’AOP engagée en France autour de la
26/01/01
- 13 pomme du Limousin : pour Melinda, on reconnaît une pomme de montagne (ie. du
Trentin) à son croquant, ainsi qu’à son goût plus doux , tous caractères que l’on ne peut
résumer par une mesure (% de sucre en particulier).
Des pratiques plus écocompatibles confèrent-elles des caractéristiques particulières
aux produits PFI ? Si les éléments recueillis ne permettent pas permis d’éclairer ce point, la
question semble se poser de façon beaucoup plus générale pour l’arboriculture : des mesures
et des analyses autres que les LMR sont effectuées de façon systématique sans se traduire
pour autant par la fixation de critères ou de valeurs pour ces critères. La variabilité (intra sites,
entre vallées et inter-annuelle) serait particulièrement importante pour les fruits
comparativement à d’autres productions de plein champ. Cette variabilité est invoquée
comme un obstacle à la mise en place de certifications de qualité et, plus généralement,
comme un problème vis-à-vis des clients qui demanderaient des produits homogènes et
réguliers. Le travail sur les différences des pommes de montagne (caractérisation de la
“ typicité ”) et la connaissance des goûts régionaux que Melinda cherche à affiner à travers,
notamment, des tests sensoriels ne laisse-t-elle pas entrevoir une gestion possible de la
variabilité consistant à exploiter la variété des consommateurs et de leurs préférences (ex :
gros calibres et variétés sucrées appréciés en Espagne ; la vitrescence, par les japonais alors
qu’elle perçue en Italie comme rédhibitoire).
4.4.3 Le marquage des produits : un enjeu entre producteurs et distributeurs
La dernière matière à discussion concerne les divergences de position vis-à-vis du
marché d’un produit de grande consommation et de ses transformations. Ces divergences ne
recoupent pas les différences de statut (négoce vs coopérative) ou de taille entre entreprises :
elles traversent en effet les OP du Trentin.
•
se laisser guider par la distribution :
Cette position prend acte de l’expansion des centrales d’achat à l’exportation, et à
l’avenir sur le marché italien. Selon cette “ philosophie pragmatique ”, les GMS auraient les
moyens de leurs ambitions. Puisque l’on ne peut pas les contrer, faisons avec : notre notoriété,
nous ne la faisons pas directement auprès du consommateur. Posons nous comme producteur
des marques de distributeur, qui est leur garantie auprès du consommateur.
•
“ confirmer la théorie que c’est l’offre qui fait la demande ” :
Cette position offensive s’appuie sur une vision de l’avenir selon laquelle il y aura
d’autres crises en Europe pour la Golden et d’abord pour celle de qualité inférieure car le
marché change, y compris les pauvres. La différenciation, qui était auparavant internationale,
devient nationale : les consommateurs du Mezzoggiorno apprécient et rechercheront la bonne
qualité. Dans cette anticipation, il est essentiel de maintenir l’identification du produit au
producteur et de l’accompagner jusqu’à l’étal : la défense et la promotion de la marque
Melinda (300 000 tonnes commercialisées, soit la plus grosse OP en pommes) s’appuie sur les
circuits commerciaux traditionnels (grossistes-détaillants) et, depuis 1997 sur dispositif
original : le centre Mondo Melinda, situé au cœur du val di Non, dont l’activité principale
consiste à organiser des visites d’exploitation de sociétaires : 60 000 personnes, scolaires et
touristes originaires des villes du nord de l’Italie, sont accueillies chaque année. Cette
innovation vise à conforter la marque en donnant à voir au public ce qu’il y a derrière le
signe : un mode de production différent, un paysage, un territoire. Le différentiel de prix entre
la golden standard et “ la Melinda ” est de 20 à 25 %. Les tentatives de contrefaçon dont elle
fait l’objet attestent d’une notoriété que les coopératives Melinda cherchent à protéger par une
demande d’Appellation d’Origine Protégée “ Val di Non ”.
26/01/01
- 14 -
Les tensions entre producteurs et distributeurs sur le marquage des produits et la
médiation avec les consommateurs nous semblent révéler des enjeux forts autour de l’origine
y compris pour des produits banalisés, dans un contexte de globalisation.
5 L’encadrement des pratiques PFI en Emilie Romagne
Dans cette section, nous mettons l’accent sur l’Emilie Romagne (E-R), du fait de
l’originalité des mesures présentes en matière de production intégrée, de la littérature
disponible et afin de contribuer à éclairer ce qui est apparu comme objet de débat au cours de
la fin de notre visite (voir calendrier et personnes rencontrées, joint en annexe au rapport de
mission). Nous préciserons ainsi les dispositifs qui contribuent à une démarche assimilée à la
PFI. Les trois principaux points abordés concernent les règlements supportant la PFI, leurs
contenus techniques et les institutions chargées de les mettre en œuvre ou de les évaluer.
5.1
Les trois facettes à l’application des normes de production intégrée en
Emilie-Romagne
Trois procédures contribuent à la production intégrée régionale :
•
La mesure A1 du règlement (CE) 2078/92, intitulée “ agriculture intégrée ”, porte non
seulement sur la protection (avec des normes plus strictes que dans le 2200/96 : pas de
captane, deux azynphos-methyl au lieu de trois) mais également sur l’utilisation d’engrais.
elle s’accompagne d’un paiement direct au producteur (voir encadré 1).
•
La marque collective régionale QC pour “ Qualità Controllata ”, production intégrée
respectueuse de l’environnement et de la santé,
•
Le règlement (CE) 2200/96 portant sur l’OCM dans le secteur fruits et légumes. Il est
assez classique et prévoit en particulier une assistance technique aux organisation des
producteurs (OP). Les OP intègrent un volet environnement dans leur programme
opérationnel, notamment par l’utilisation de règles relatives à la protection intégrée.
On compte près de 120000 exploitations agricoles en E-R, pour une SAU totale
d’environ 1,17 M ha dont 12% se situe en région de montagne. Les données correspondant à
leur application sont figurées dans le tableau 3. Elles ne sont pas sommables, mais peuvent
avoir une intersection. Il y a ainsi une possibilité de couplage de ces différentes normes
techniques dont les niveaux d’exigence sont variables. Par exemple, la compatibilité entre
mesure A1 et QC est posée. Un couplage avec des IGP est également possible (voir annexe).
Tableau 3 : Application des normes relatives à la production intégrée en E-R en 1997
et 1999 (pour le CE 2078/92)
Dispositif
CE 2078
QC
OCM 2200
Surfaces (ha)
140000
62000
61183
Nombre d’exploitations
15000
5255
8730
Pour les exploitations ayant contracté à l’action A1 du règlement 2078/92, le respect
des normes techniques correspondantes en matière de fertilisation, de protection
phytosanitaire et de maîtrise des adventices est considéré comme suffisant pour respecter les
directives QC du CRPV (CRPV, 2000).
26/01/01
- 15 5.2
L’intégration de la PFI dans les mesures agri-environnementales
5.2.1 Application de la mesure A1 du règlement (CE) 2078/922
Cette mesure (A1 en Emilie-Romagne, A2 selon la nomenclature italienne) a comme
objectif l’introduction ou le maintien d’une réduction quantitative moyenne de 30% des
engrais et produits de traitement phytosanitaires. Elle consiste en une obligation de moyens,
comparativement aux techniques traditionnelles. Elle s’applique à l’ensemble des surfaces de
l’exploitation3 sous contrat quinquennal, située préférentiellement en zone de plaine (80% des
surfaces contractualisées). Elle participe à une réduction des impacts négatifs de l’agriculture
sur l’environnement, au même titre que les mesures visant au développement de l’agriculture
biologique (AB) et à l’extensification.
De fait les suivis relatifs à l’application de la mesure A1 ont porté principalement sur
une comparaison entre exploitations (techniques d’agriculture intégrée versus techniques
traditionnelles). Les indicateurs utilisés (AAVV, 1998)4 sont : le nombre de traitements
phytosanitaires (formules commerciales), les doses d’intrants (produits phytosanitaires et
engrais) et les coûts de production correspondants. La réduction générale constatée serait plus
importante pour ce qui concerne le nombre de traitements phytosanitaires sur pêcher (-56%)
et poirier (-44%). Cependant, la base de données constituée pour comparer des types
d’exploitations n’est pas jugée représentative dans le temps et dans l’espace (INEA, 1999).
Cette situation devrait s’améliorer à l’avenir par le suivi d’exploitations “ ecocompatibles ”
dans la sonde RICA (Réseau d’Informations Comptabilité Agricole).
L’application du règlement 2078 correspond en 1999 à près de 12% des surfaces et des
exploitations en E-R, lesquelles sont plutôt diversifiées. Les principales cultures
contractualisées sont la luzerne, le blé, la vigne et la betterave sucrière. L’adoption est
cependant significative pour les surfaces en vergers, figurées dans le tableau 4.
Les données ci-dessous doivent être considérées plutôt comme des ordres de grandeur
que comme absolus, dans la mesure où les années de référence sont éventuellement
différentes et que les surfaces varient par déclassement de la production.
Tableau 4 : importance relative et distribution des principales productions fruitières
relevant de la PFI
Pommes
Poires
Pêches
Nectarines
Total (ha)
8400
29000
16000
15600
Rdt moyen* (t/ha)
28
20
20
23
% en PFI/2078
20%
25%
29%
% en PFI/QC
28%
35%
26%
* Sur la base du verger en production, soit environ 90% de la surface totale.
Sources : Fanfani R. & Galizzi G., 1999 ; Galassi T. & Ponti I., 2000 ; Malavolta C., 1999.
La part des surfaces de vergers par la marque QC est nettement plus élevée que pour
l’ensemble des cultures (comparativement au tableau 1). L’existence d’IGP pour poires ,
2
INEA, 1999. Li misure agroambientali in Italia. Analisi e valutazione del reg. CEE 2078/92 nel quadriennio
1994-97, rapporti regionali. L’attuazione delle misure agroambientali in Emilia Romagna, pp 135-157.
3
Hormis le cas où l’exploitation est composée de deux blocs disjoints d’une surface minimale de 5ha chacun, en
vue d’une gestion séparée et contrôlable de l’utilisation d’intrants.
4
AAVV, 1998. Valutazione dell’ applicazione dell’ impegno A del reg. 2078/92 in Emilia Romagna,
Osservatorio Agroambientale, Cesena.
26/01/01
- 16 pêches et nectarines ne permet pas à elle seule d’interpréter les écarts entre dispositifs 2078 et
QC dans le tableau 2.
5.2.2 Evaluation de la mesure A1 en Emilie-Romagne
Un problème de base est rapidement apparu dans l’application du règlement 2078 : la
contractualisation est pluriannuelle (5 ans) alors que les problèmes (pathologiques en
particulier) ne peuvent être complètement anticipés. La réponse a consisté en la construction
d’un cadre national5, avec des adaptations régionales et des actualisations, partant de cahiers
des charges généraux.
L’évaluation de l’application de la mesure A1 porte sur les effets directs et indirects.
Globalement, la mesure A1 a impliqué en Italie de nombreux agriculteurs et des surfaces
importantes, affectant principalement en termes relatifs les vergers qui ont profité de
l’expérience acquise au cours de la mise en œuvre de programmes régionaux sur la protection
intégrée. Les demandes de contractualisation et les enveloppes budgétaires consacrées ont
fortement augmenté au cours de la période concernée (1994/98), et cette croissance serait
pour partie liée à la situation du marché. Les agriculteurs auraient comparé la dévaluation de
la lire et des prix décroissants avec une prime garantie dans le cadre des mesures agrienvironnementales (INAE, 1999). Les deux régions visitées ont présenté leur évaluation dans
les délais prévus et elles envisagent de nouveaux programmes selon les règles approuvées par
la Commission (rég. 1257/99 et 1750/99).
Concernant les effets directs, il s’agit principalement de l’ampleur de la réduction
d’intrants. Elle est mise en avant par la région Emilie-Romagne même si les ordres de
grandeur varient entre –20% et –40% selon les sources et les indicateurs considérés. Pour
l’ensemble des cultures, la diminution du volume de production est assez faible. L’évaluation
des effets sur l’environnement est délicate car tributaire de l’état des connaissances
scientifiques. Elle serait améliorée par un zonage intégrant des objectifs spécifiques des
mesures agri-environnementales et des différentiels régionaux de sensibilité environnementale
(INAE, 1999). La résultante serait la définition d’un code de pratiques conforme aux
caractéristiques régionales. L’expérience de la région E-R en termes d’application à l’échelle
de l’exploitation semble concluante6. En revanche, le montant des primes pourrait être modulé
selon qu’il y a maintien ou introduction dans l’exploitation de techniques éco-compatibles. Un
plus grand recours à des pratiques destinées à préserver des éléments “ semi-naturels ” (haies,
taillis, zones tampon) dans les structures d’exploitation est également souhaité.
Les effets indirects sont un besoin accru d’assistance technique7, un risque d’entreprise
pour une faible reconnaissance sur le marché, des tracasseries administratives (programmation
et enregistrements dans les exploitations), des coûts de gestion et bureaucratiques et in fine,
un financement destiné au producteur plutôt qu’à l’appui technique (Galassi et al., 2000). Une
5
Dans l’application de la mesure A1, plusieurs normes techniques spécifiques ont été établies de manière
indépendante par les régions en se référant si possible à des expériences antérieures, mais sans adopter des
modalités d’évaluation homogène. Par conséquent , les codes d’obligations établis par culture fournissent des
prescriptions et restrictions techniques qui ne sont pas toujours justifiées par des différences de terrain ou
d’environnement entre régions contiguës. En revanche, en AB, les règles techniques sont codifiées dans un
règlement communautaire. Une première solution a consisté à définir des règles communes et des principes
relatifs à la formulation de stratégies en termes de contrôle des ravageurs et la définition d’un code d’obligations.
Un Comité National Scientifique et Technique est maintenant désigné pour étudier et évaluer la pertinence des
règles établies régionalement et donner un avis de conformité discutable au niveau communautaire (INEA, 1999)
6
A signaler également, la région de la Marche est la seule région d’Europe où la mesure D3 du règlement 2078
(préservation des eaux souterraines de la pollution azotée) a été appliquée sur des aires de captage contiguës de
1000ha au moins, avec obligation de contractualisation de l’ensemble des exploitants de la municipalité.
7
Les actions de formation pour agriculteurs et conseillers prévues dans le 2078 ont eu peu d’impact (INEA, ibid)
26/01/01
- 17 meilleure préparation des institutions chargées des évaluations paraît également nécessaire.
Enfin, un des enjeux est de vérifier si le système de contrôle peut effectivement réaliser sa
tâche, avec des institutions appropriées pouvant certifier la production intégrée selon des
règles de production établies avec des critères homogènes (i.e. ISO 14000).
6 Position des institutions régionales contactées et élaboration de
contenus techniques
6.1
Le CRPV (Centre de Recherche sur les Productions Végétales, créé en
1996)
Le CRPV est une structure originale (i) coordonnant la demande et la mise en œuvre de
recherches ou d’expérimentations, (ii) participant au financement de ces programmes (10%)
et facilitant les financements régionaux (programmes pluriannuels) et (iii) assurant la
diffusion des résultats de ces programmes, en particulier au moyen de la revue hebdomadaire
“ Terra e vita ”. Il s’appuie sur des producteurs (en OP ou non), les services techniques et les
instituts de formation professionnelle, l’administration provinciale et les filières. Les priorités
affichées sont “ l’optimisation des relations entre l’agriculture et l’environnement,
l’amélioration de la qualité des produits et la minimisation des coûts de production en vue
d’obtenir une agriculture intégrée ”8.
Dans cette optique, le CRPV établit et met à jour les directives de production intégrée
en E-R, sous forme d’un CD Rom. Le contrôle du respect des directives est réalisé par un
organisme certificateur, accrédité selon les normes de la série 45000 et opérant avec un plan
de contrôle spécifique.
Ces directives sont structurées en deux thèmes correspondant à des “ phases ” : (i) la
phase de culture, comportant une partie générale et une partie spéciale (une pour la pêche, une
commune pour pomme et poire), (ii) la phase de post-récolte (produits frais et produits
transformés). Les indications correspondantes sont séparées en règles obligatoires et en
consignes techniques. Elles s’appuient sur une récente loi régionale (28/99) concernant la
“ Valorisation des produits agricoles et alimentaires d’E-R obtenus avec des techniques
respectueuses de l’environnement et de la santé du consommateur ”. En première lecture, elles
sont assez proches d’un énoncé conforme à des connaissances agronomiques “ de base ”
(situation pédo-climatique, choix de cultivar et porte-greffe). En revanche, elles sont assez
précises pour ce qui concerne la fertilisation du pommier et du poirier.
Fertilisation azotée (pommier et poirier)
Obligations : Dose totale maximale : 60 à 100 kg N/ha/an selon la vigueur,
Une analyse de terre est obligatoire afin d’établir un plan de fertilisation.
Les apports de N ne doivent pas dépasser 60 kg N/ha en une seule fois,
Pas d’apport de N minéral avant le stade “ bouton rose ”.
Recommandations sur la répartition et le pilotage des apports : pas de N minéral après mijuin, mais opportunité d’un apport automnal (pour favoriser la constitution de réserves) à
partir de fin septembre (début de récolte mi-septembre). Apports limités à 40 kg/ha à partir de
la mi-octobre, y compris dans les terrains proches de la saturation hydrique, et si possible en
référence à une valeur interne de 10 ppm d’azote nitrique (N-NO 3) dans l’horizon 5-50 cm.
8
Le CRPV souhaite également développer l’AB en E-R, avec comme objectif quantitatif une part de l’AB
équivalente à 15-20% de la production régionale.
26/01/01
- 18 Fertilisation phospho-potassique : P2O5< 50 kg/ha/an et K2O< 150 kg/ha/an (obligations).
A titre de comparaison, le cahier des charges APOT donne les indications d’apports
annuels en référence aux exportations annuelles du pommier.
Apports annuels indicatifs pour des vergers équilibrés en pleine production :
N : 30-50 kg/ha, P2O5 20-25 kg/ha: K2O 80-100 kg/ha et MgO : 20-30 kg/ha
Une analyse approfondie selon la grille de lecture proposée par Toubon et al., 2000
doit permettre d’affiner les comparaisons –au moins sur pommier- et d’élargir la palette des
cahiers des charges examinés. Par exemple, en première analyse, les recommandations du
CRPV en matière de fertilisation se rapprochent de celles du GRCETA Basse Durance tant
dans leur forme que dans leur contenu.
Fertilisation azotée (pêcher)
Obligations : Dose totale maximale : 70 à 140 kg N/ha/an selon la vigueur.
Les apports d’azote ne doivent pas dépasser 60 kg N/ha en une seule fois (fractionnement
obligatoire).
Les apports d’azote minéral avant le stade phénologique “ début floraison ” ne sont pas admis.
Les apports automnaux supérieurs à 40 kg/ha ne sont pas autorisés (cf pommier).
Recommandations : pas d’apport d’azote avant fin mai pour les variétés précoces et après mijuin pour les tardives. Un apport automnal éventuel est conseillé avant fin septembre
Fertilisation phospho-potassique : P2O5< 50 kg/ha/an et K2O< 150 kg/ha/an (obligations).
6.2
L’Université de Bologne, Dipartimento di colture arboree
Nous avons été reçu au Dipartimento di colture arboree qui traite des ligneux pérennes
(arbres forestiers, ornementaux et fruitiers, vigne et kiwi). Environ 80% de leur budget
provient de financements publics (région E-R, état italien, UE). Ils sont organisés en 4
groupes : (1) amélioration des plantes, (2) viticulture et œnologie, (3) forêts, agroforesterie et
environnement, (3) plantes ornementales.
Le staff scientifique comprend 6 professeurs, 4 professeurs associés, 9 chercheurs.
Leurs missions principales sont l’enseignement et la recherche.
Trois cursus à bac+5 (sciences agricoles et technologie, biotechnologie végétale et
biotechnologie agroalimentaire) et deux cursus à bac+3 (technologie du bois et herbes et
plantes médicinales) sont assurés. Ils sont complétés par trois formations doctorales : ligneux
fruitiers et forestiers, biotechnologie des plantes, et paysage et utilisation de l’espace.
Concernant la recherche, les sujets abordés sont divers, aussi bien fondamentaux
qu’appliqués, depuis la biologie jusque ses applications dans l’utilisation d’essences
ornementales en aménagement de l’espace ou les technologies des cultures protégées. On peut
noter plus particulièrement en rapport avec notre mission sur la PFI les thèmes suivants :
physiologie de l’arbre, écophysiologie, management du verger.
Dans la liste de 286 publications qui nous a été donnée, couvrant la période 93-99, une
grande majorité est en italien et de nature plus technique que scientifique. On note cependant
26/01/01
- 19 des articles dans des revues internationales anglophones de bon niveau aussi bien en
agronomie fruitière qu’en génétique.
Les recherches les plus appliquées sont conduites en collaboration avec le CRPV.
Enfin, les discussions ont montré que des thèmes de recherche tels que
l’analyse/adaptation spatiale des pratiques, ou l’analyse fine de la variabilité des pratiques
culturales (et de leurs déterminants) chez les arboriculteurs n’étaient pas du tout abordés. En
corollaire, nous avons noté une certaine faiblesse des relations entre l’enseignement supérieur
et les réalités du monde agricole (peu ou pas de stages en exploitation ou en entreprise).
C’est sans doute un point faible de leur dispositif en termes scientifiques, mais cela
leur permet de donner une grande force au discours sur les pratiques ‘PFI’ qu’aucune analyse
critique ne vient contredire.
6.3
L’institut Régional de Protection des Plantes d’Emilie Romagne
Il encadre la protection en coordination avec les 12 organisations provinciales. Cette
coordination a pour support: les guidelines Production Intégrée, un service météorologique
(21 stations), un réseau informatique (enregistrement de données sur le sol, l’irrigation, les
apports d’intrants et les modèles parasites, réseau de 300 fermes), un service recherche expérimentation et une association de producteurs membres du CRPV, participant au
financement du programme de recherche.
Cette structuration bénéficie de l’antériorité et de l’encadrement de la protection
intégrée (= protezione ecologica = integrated pest management) depuis 25 ans dans la région
Emilie Romagne. La coordination régionale assure sur cette base les avertissements agricoles,
avec des modèles de prévision du risque pour 15 espèces de ravageurs clés. Elle se réunit et
édite chaque semaine un bulletin technique, destiné aux techniciens des organisations
professionnelles, des associations de producteurs (200 techniciens cofinancés par la région et
la règle CE 2200- 28/98), aux exploitants relevant de cette règle et de la loi 28/99, et aux
technico-commerciaux. Une attention toute particulière est accordée à la production fruitière,
plus grosse consommatrice de pesticides que les autres cultures, en s’attachant à la réduction
du nombre et de la toxicité des produits utilisés (liste positive), à la gestion des résidus de
cuve, à la protection des applicateurs. Un permis de traiter à renouveler tous les 4 ans est
attribué aux exploitants qui reçoivent à cette fin une formation spécifique.
L’institut de protection des plantes réalise un suivi et une estimation des coûts et
bénéfices de ces mesures, en terme notamment de réduction d’impact des produits
phytosanitaires appliqués (cf. 4.2.1).
C’est également l’institut qui définit pour la région les normes techniques de
protection dans le cadre de la mesure A1 de la règle 2078. La conformité des guidelines est
vérifiée par le Comité National Technique et Scientifique, émanant du ministère des
ressources agricoles alimentaires et forestières.
Ces normes doivent prendre en considération l’ensemble des cultures objet du
programme et s’attacher aux ravageurs clés de chaque culture, à la sélection des produits
utilisables et aux critères d’intervention. Ces critères sont définis selon la période
d’occurrence et la prévalence du ravageur et font l’objet d’enregistrements justifiant les
traitements (organigramme joint en annexe).
7 Quelques aspects phytosanitaires
7.1
Le carpocapse en Emilie-Romagne
A la différence du Trentin- Haut Adige, les poiriers sont majoritaires dans les vergers
de fruits à pépins en Emilie Romagne (25 000 ha, contre 7 000 ha en pommiers). La situation
26/01/01
- 20 parasitaire sera donc différente, avec a priori une moindre virulence du carpocapse mais des
plus forts effets induits de la protection anti-carpocapse sur la biocénose du verger. Avec 2 à 3
générations annuelles, le potentiel de développement de l’insecte est similaire à celui des
populations du sud de la France.
7.1.1 Bases de la protection carpocapse en PFI
La production selon le règlement CE 2078/92 en Emilie-Romagne prévoit en matière
de protection contre le carpocapse :
• Régulateurs de croissance d’insecte (RCI) : flufenoxuron (1/an), lufenuron (2/an). Usage
autorisé mais qui se restreint
aujourd’hui de : diflubenzuron, hexaflumuron,
teflubenzuron, triflumuron. Abandon du tebufenozide. Sont abandonnés lorsque des pertes
de récolte sont observées les produits connus pour être les plus affectés par la résistance
chez les populations européennes de carpocapse (travaux INRA).
• Organophosphorés (OP) : Chlorpyriphos (2/an), Fenitrothion (2/an). Abandon de la
phosalone, azinphos limité à un programme spécifique.
• Pyréthrinoïde non estérifié : etofenprox, uniquement en pommes, seulement un traitement
dans les 15 jours précédant la récolte.
Dans ce cadre la stratégie de protection contre le carpocapse recourait dans 90% des
exploitations avant 1997 à 1 traitement RCI contre la première génération, auquel s’ajoutait
dans 10% des exploitations 1 application d’OP (ou virus de la granulose). Trois à quatre
traitements assuraient la maîtrise des populations sur l’année.
Avant cette date et aujourd’hui encore sur les exploitations sans échec de lutte,
majoritaires, le déclenchement des traitements s’effectue sur la base du modèle de prévision
des risques (traitements à partir de 10% d’oviposition avec RCI en positionnement ovicide) et
des seuils de capture au piège sexuel ou par contrôle visuel pour le renouvellement (traitement
si dépassement du seuil de 2 captures, 1 piège obligatoire par exploitation, ou au delà de 1%
de pénétrations, observation de 500 fruits par parcelle). La confusion sexuelle, également
évoquée comme moyen complémentaire de protection, n’est pratiquement pas utilisée.
L’estimation des risques se heurte au problème de la variabilité de l’efficacité du piège
sexuel. Le modèle/fournisseur de piège n’est pas uniformisé, un écart de 30% est admis par
rapport au piège standard, le Pherocon 1C (contrôle qualité effectué par l’Université).
7.1.2 Evolution récente
Basés sur les avertissements ou l’observation directe (contrôles visuels, piégeage), le
nombre de d’applications est en augmentation depuis 1994 sur les exploitations encadrées par
le CRPV.
Malgré cela des échecs de protection apparaissent en 1997, avec une infestation sur
fruits supérieure à 5% dans sur une dizaine d’exploitations. Ces dégâts s’étendent à 64
exploitations en 1998, avec une parcelle “ infestée à 100% ”. L’évolution se poursuit avec
des dégâts excédant 8% de la récolte sur une quarantaine de vergers en 1999, nombre qui
s’accroît ensuite et touche aujourd’hui près de 5% des 2000 exploitations encadrées.
Différentes hypothèses pourraient expliquer les difficultés de protection contre le
carpocapse, dont les changements climatiques (hivers doux, printemps précoces), l’abandon
de la protection sur les parcelles grêlées, une adaptation comportementale de l’insecte ou un
calage inapproprié des dates de traitement. Ce dernier point est contredit par l’échec de
protections continues (localement 12 traitements dans la saison, dont 5 azinphos-methyl).
Une collaboration initiée en 1998 entre le CRPV, l’Istituto Agrario de S. Michel sur
Adige (C. Ioriatti) et l’INRA d’Avignon confirme l’existence de populations de carpocapse
26/01/01
- 21 dotées d’une résistance métabolique à différentes familles d’insecticides. Ce thème fait l’objet
d’un programme de recherche du laboratoire de Cesena (E. Pasqualini & D. Caroli) financé
pour 3 ans par le conseil régional d’Emilie Romagne à partir de 1999.
Sur une majorité d’exploitations, l’influence néfaste de l’intensification de la
protection anti-carpocapse sur la faune antagoniste se traduit en 1999 en poiriers par des
accroissements des populations de psylle, laissant présager également une recrudescence des
araignées rouges. Ce constat incite à remplacer les stratégies à fort impact (prépondérance
organophosphorés et flufenoxuron) par un des protections non chimiques (virus, confusion).
Les objectifs fixés sont de contenir l’infestation en deçà de 1% en première génération en
limitant les effets négatifs sur l’entomofaune utile, mais les stratégies de pour y parvenir tout
en contrant la résistance ne sont pas arrêtées.
Sur les parcelles à forts dégâts l’année précédente, une dérogation spécifique au cahier
des charges est accordée par le CRPV après entretien avec l’exploitant et vérification des
relevés parasitaires. Dans ce cas un programme personnalisé est appliqué, avec des produits
hors cahiers des charges ou avec un nombre de traitements plus élevé avec les produits admis.
Première application flufenoxuron, suivie après 10-12 jours (ou à 10% d’éclosion des oeufs
d’après le modèle) d’un OP (chlorpyriphos ou fenitrothion) renouvelé à 8-10 jours. Les OP
peuvent être remplacés par la garnulose en 1ère génération. Les générations suivantes sont
protégées avec les mêmes OP et du diazinon en pré-récolte pour quelques “ programmes
spécifiques ”.
Une coordination se met en place entre techniciens d’expérimentation, laboratoires de
recherche des différentes régions, et techniciens des sociétés industrielles et commerciales.
7.2
Aspects phytosanitaires évoqués dans le Trentin
Environ 1500 ha, sur 10 000 ha de pommiers, sont aujourd’hui conduits en confusion
sexuelle contre le carpocapse dans le Trentin (contre plus de 10 000 ha sur les 19 000 ha de
pommiers du Haut-Adige). Les OP sont exclus du cahier des charges PFI (de même depuis 2
ans dans le Haut-Adige), et la protection des parcelles hors confusion recourt essentiellement
aux RCI.
Un RCI est aussi appliqué en complément de la confusion sexuelle en début de
première génération carpocapse en cas de risque tordeuse de la pelure. La méthode
attracticide, homologuée, reste peu utilisée.
Le non respect des cahiers des charges en cas de populations non maîtrisées avec les
stratégies autorisées entraîne une commercialisation hors cahiers des charges, ne touchant que
quelques% de la production.
•
•
•
•
•
Problèmes d’ordre parasitaire évoqués, faisant l’objet de programmes de
recherche à l’Istituto Agrario de San Michel :
phytoplasme de la prolifération du pommier, étude de la vection (psylles) ;
infestation des vergers de pommiers en confusion par la tordeuse orientale du pêcher :
poursuite des essais confusion mixte carpocapse-tordeuse orientale ;
-fiabilité des pièges sexuels carpocapse? Etude de l’efficacité des nouveaux attractifs
sexuels et kairomonaux , convention avec la firme américaine TRECE.
résistance aux insecticides chez le carpocapse. Mise en place de biotests selon la méthode
INRA et selon la méthode US par incorporation de l’insecticide dans l’adhésif des pièges
sexuels. Analyse de populations Trentin, Haut-Adige, Emilie-Romagne.
résistance aux insecticides chez les tordeuses de la pelure, mise en place d’un réseau,
biotests par la méthode des pièges sexuels.
26/01/01
- 22 -
8 Quelles similarités/différences avec la France ? Y a t’il un
modèle italien ?
L’application nationale de mesures européennes et l’implication des régions ont
permis un développement significatif de la PFI. L’Emilie-Romagne privilégie un moindre
impact sur l’environnement et la santé du consommateur, au moyen de cahiers des charges
relativement complexes dont la traduction en termes d’engagement concret de l’agriculteur
reste à vérifier. La région s’est dotée de moyens d’adaptation des consignes techniques et de
signes de qualité “ QC ” relativement standard (normes EU). L’évaluation des effets des
techniques sur l’environnement et la complémentarité avec les trois IGP doivent cependant
être élucidés. Une des forces de la région résiderait également dans le dispositif de recherchedéveloppement. En revanche, et contrairement à la région du Trentin, ce dispositif semble
relativement déconnecté de l’enseignement.
Le Trentin - Haute Adige a lui aussi largement utilisé le règlement 2078, mais
préférentiellement dans les zones d’élevage de l’arc alpin. Le développement de la PFI repose
davantage sur la force du mouvement coopératif, en particulier par sa capacité d’entraînement
des producteurs et son positionnement commercial. En revanche, les cahiers des charges et
d’enregistrement sont plutôt frustes, hormis pour les aspects phytosanitaires (liste restrictive,
cf. § 6). De manière générale, l’analyse de ces disciplines collectives (“ disciplinare ”) nous
paraît d’autant plus riche qu’elle s’attache simultanément aux mesures et institutions qui les
soutiennent.
De nombreux éléments concourent donc pour étayer la thèse de l’efficacité plus
grande du modèle italien pour la pomme en matière de production fruitière intégrée;
rappelons-les ici:
• Une situation naturelle avantageuse pour la pomme, notamment dans le cas de la région
du Trentin qui concentre dans des conditions climatiques favorables (sur le plan
environnemental et sur celui de la qualité des produits) 60% de la production italienne de
pommes: en France la production est géographiquement plus éclatée et une majorité de
cette production (celle du Sud-Est) ne bénéficie pas des mêmes avantages sur le plan
parasitaire (problème du carpocapse notamment).
• Une antériorité de la démarche commerciale: l'
Italie est la première en Europe à lancer
avec succès la valorisation commerciale de la production intégrée; ces quinze années
d'
expérience lui donnent aujourd'
hui un avantage indiscutable sur la scène européenne. En
France, l'
organisation à grande échelle des producteurs pour la pomme (Charte Nationale
Pomme) date de 1999 et reste à construire pour les autres espèces.
• Une coordination technique centralisée et bien articulée sur les aides européennes; cette
coordination technique est facilitée par l'
existence de petites ou très petites structures
d'
exploitation (cas du Trentin où la taille moyenne est de 1 ha) et par la force de la
coopération aussi bien dans la plaine du Pô que dans la région du Trentin
• De puissantes organisations commerciales: Melinda qui commercialise 300.000 tonnes de
pommes dont 75% de Golden représente à lui seul 15% de la production italienne de
pommes; en France, le plus gros opérateur de pommes (Blue Whale) ne dépasse pas les
100.000 tonnes.
Il faut cependant nuancer cette thèse de la ‘supériorité italienne’ sur plusieurs points
car la contrepartie de cette image unifiante et consensuelle de la production intégrée en Italie
du Nord est une hétérogénéité des pratiques (au moins en ce qui concerne l'
Emilie Romagne) :
26/01/01
- 23 •
•
•
•
•
•
Le référentiel 2078 qui donne droit aux aides directes de l'
Union Européenne est plus
exigeant que le référentiel de base régional, qui fonde le label QC; les surfaces concernées
par chacun des deux référentiels sont à peu près équivalentes.
Les référentiels ne sont pas différenciés dans l'
espace régional: le cahier des charges est le
même pour tous; les textes ne sont pas très précis et la marge d'
interprétation est grande
pour les OP ou les producteurs.
Il faut relativiser la rigueur des contrôles qui permettent d'
afficher des scores massifs dans
les statistiques telles que celles de l'
OILB malgré l'
hétérogénéité des référentiels et des
pratiques. Un autre exemple de cette politique de contrôle est celle d'
Agrios qui, pour faire
face à une demande en forte croissance et continuer à utiliser le logo Coccinelle, a révisé à
la baisse les normes de production intégrée (J. Aymard, comm. person.)
Le développement récent de résistance chez le carpocapse en Emilie Romagne introduit
de nouvelles contraintes sur les producteurs qui les obligent à s'
éloigner des directives de
l'
OILB.
La force de la démarche collective au niveau production est depuis deux ou trois ans
amoindrie avec le développement des charges environnementales dans les cahiers
distributeurs: l'
alignement sur les référentiels régionaux n'
est pas systématique et est
menacé par les initiatives plus globales au niveau européen (cahier Eurep, Charte
Eurofru..).
Le label QC d'
Emilie Romagne, construit sur le référentiel régional de production
intégrée, est peu lisible: une enquête récente auprès de 1000 consommateurs de la région
Emilie Romagne, montre que 15% seulement d'
entre eux connaissent le label QC et
accordent une importance à l'
origine régionale (enquête Agri 2000, dans le cadre de la
manifestation Forlimpopli, dédiée au grand chef de la cuisine italienne, Pellegrino Artusi).
L'
on sait par ailleurs que, comme en France, le problème de qualité organoleptique reste
dans le domaine des pêches/nectarines le problème majeur et sa solution conditionne la
valorisation de l'
attribut environnemental.
26/01/01
- 24 -
ANNEXES
1- Calendrier de la mission
2- Encadré 1 : Une lecture pomologique du
Règlement 2078/92
3- D’autres signes de qualité : AB, IGP
4- Critères de définition des normes techniques
pour la défense des cultures et le contrôle des
adventices (d'après le Service Phytosanitaire de
la région Emilie Romagne)
5- Notes de voyage de B. Sauphanor, Mission
dans le nord de l’Italie en août 96
26/01/01
- 25 -
Calendrier de la mission
8/10 à 14h : départ d'
Avignon en voiture, arrivée dans la soirée à San Michele sur Adige
(Trentin).
9/10 : Istituto Agrario de San Michele a Adige. Accueil le matin par Claudio Ioriatti et Diego
Forti, entomologistes, présentation de l’institut (recherche- enseignement). Visite d’une
coopérative à S. Michele (Mezzocorona) avec son directeur Roberto Paternoster et
Giorgio De Ros (économiste).
Après midi Exposé/ discussion sur les aspects protection et résistance du carpo aux
insecticides (B. Sauphanor).
10/10 : Matin, Vallée du Non, rencontre avec Ferruccio Zanotelli, responsable du programme
qualité du consortium Melinda, Alessandro Dalpiaz directeur de APOT et Michele
Pontalti, directeur de l'
ESAT. Visite de Mondomelinda, illustrant l’activité du
consortium.
Après midi déplacement sur Ferrara, visite d'
un exportateur (Salvi, groupe UNACOA) et de
sa station de conditionnement. Présentation par Marco Salvi, directeur commercial.
Soirée à Bologne avec Massimo Belotti et Antonio Picchi, ex-directeur de l'
agriculture.
11/10 : Matin, Université de Bologne. Rencontres avec Massimo Tagliavini, agronome puis
en début d’après-midi avec Claudio Malagoli, économiste.
Après midi à Cesena, visites / rencontres séparées APOFRUIT (présentation du groupe par
Gianluca Casadio) et laboratoire d’entomologie (E. Pasqualini, Université de Bologne et
Guido Carli, CRPV).
12/10 Institut Régional de Protection des Plantes à Bologne, présentation de l’Institut
Régional de Protection des plantes (Tiziano Galassi, Ivan Ponti, Rochina Tiso, Floriano
Mazzini) en présence de Edison Pasqualini.
26/01/01
- 26 Encadré 1 : Une lecture pomologique du Règlement 2078/92
Règlement (CEE) N° 2078/92 du Conseil des Communautés Européennes
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NB 1 : Traduction du 2078/92 dans le droit français : programmes nationaux (PDD & soutien aux
élevages extensifs) et régionaux (protection des captages, notamment par réduction des intrants [mesure 1b],
reconversion à l’AB [mesure 2], actions de formation professionnelle des agriculteurs [mesure 6], Opérations
Locales Agri-Environnementales [mesure 7, avec une enveloppe budgétaire différente]).
NB 2 : Il existe un exemple d’application locale du programme “ réduction d’intrants ” , par exemple
dans le bassin de Carpentras (Vaucluse), auquel peu d’agriculteurs ont souscrit ; il s’agit majoritairement de
viticulteurs et d’arboriculteurs.
26/01/01
- 27 -
D’autres signes de qualité..
• Un “ boom ” de l’agriculture biologique
L’application du règlement 2078/92 a également contribué au développement de l’AB
en Italie et en Emilie-Romagne. Il y aurait en Italie 953000ha en AB ou en conversion à l’AB
fin 99, en particulier (i) dans les deux îles (représentant 47 % de la surface et 38% des
exploitations italiennes en AB) et (ii) dans le sud de l’Italie (25% des surfaces et 33% des
exploitations en AB9) ou plus de deux milliards de FF/an (financés à 50% par Bruxelles) ont
été consacrés depuis 1995 à la conversion des petites exploitations du sud au titre du 207810.
La production “ bio ” italienne est exportée à 80%, mais le marché intérieur comme les
filières internationales (règlement CE 2092/91, REPAB 2000) se structurent fortement, avec
une implantation croissante vers le nord (d’après A. Riquois, 1999). En Emilie Romagne, la
surface concernée par l’AB serait de 82000ha environ, correspondant à 3870 exploitations
produisant et/ou transformant en AB. Alors que la mesure A1 encourage une réduction
d’intrants en zone d’agriculture intensive, l’agriculture biologique (mesure A3) serait plutôt
dédiée aux zones plus extensives (d’après C. Malavolta, 1999).
• Les trois IGP d’Emilie-Romagne
En 1999, parmi une vingtaine de signes officiels de qualité régionaux, trois IGP
concernent les fruits : Poire (nord d’E-R), Pêche et Nectarine (de Romagne, à l’est d’E-R)11.
Les cahiers des charges correspondants désignent pour ces 3 cultures : un ensemble de
cultivars, des densités de plantation, des terrains idoines, des systèmes de conduite, une
période de récolte, des critères de qualité et un rendement maximum autorisé. Pour Pêche et
Nectarine de Romagne, au moins une taille hivernale et deux tailles en vert sont obligatoires.
Les conditions de stockage et de commercialisation doivent maintenir certaines
caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles.
9
D’après Bio Bank, à partir des données fournies par les neuf Organismes de Contrôle de l’AB.
A titre comparatif, la France compte 1 million d’hectares “ prime à l’herbe ” et y consacrait plus de 1,5
milliards de francs dans la même période.
11
Prodotto Bologna, La tradizione dei Sapori, Guida ai prodotti tipici della provincia di Bologna. Divulgatore,
Edagricola, Anno XXII n.3, Mars 1999, 86pp.
10
26/01/01
- 28 Critères de définition des normes techniques pour la défense des cultures et le contrôle des adventices
(d'après le Service Phytosanitaire de la région Emilie Romagne)
Promotion d'une protection phytosanitaire
ayant un moindre impact sur l'homme et
sur l'environnement et permettant d'obtenir
une production économiquement acceptable
Une gestion phytiatrique basée
sur deux moments décisionnels..
Evaluation de la nécessité d'intervenir
et choix d'un moment optimal pour la cible
Rationalisation de l'emploi
des moyens de défense
Evaluation globale (exploitation)
ou zonale, par surface homogène
(pour maladies et ravageurs)
Maladies
Sélection qualitative
des moyens
Ravageurs
Choix de la stratégie
de défense la plus
opportune
Identification
de la cible
- principale
- secondaire
Contrôle des
adventices
Choix d'une stratégie
d'intervention ciblée et
favorisant les interventions
de post-levée
Modèle
prévisionnel
Evaluation
prévisionnelle
Reconnaissance
des symptômes
Identification
d'antagonistes
naturels
Prévision de la
composition
floristique
Interactions
hôte-pathogène
-climat
Suivi
Corrélations
déroulement
climatique et
épidémiologie
Détection de
l'infection
Seuil d'
intervention
Choix de la
stratégie de
défense la plus
opportune
Evaluation de la
flore effctivement
présente
Optimisation des
quantités et des
modalités d'application
Priorité aux moyens
à moindre impact
(cv résistantes, pratiques
agricoles, attractifs...)
Réduction des quantités
de produits chimiques
(moins de traitements,
application localisée)
Utilisation de produits
d'origine naturelle
(ceux prévus dans le
règlement AB 2092/91)
Optimisation des volumes
d'application
Règlage des
pulvérisateurs
Critères de choix des
produits de synthèse
(toxicité, impact sur l'
env., résidus, sélectivité)
infestation
danger
examen complexe
des antagonistes
situation météo
et prévisions
26/01/01
- 29 -
Notes de voyage de B. Sauphanor,
Mission dans le nord de l’Italie en août 96
Lépidoptères des vergers : programmes de recherche et de développement
Les instituts de recherche sont rattachés administrativement à leur province. L’Istituto Agrario de S.
Michele (Trentin) est le plus ancien, le centre de Laimburg (Haut-Adige) a été crée suite à la séparation des deux
provinces en 1972. Dans le cas de notre discipline, cet ancrage régional se traduit par une approche des thématiques
moins fondamentale qu’à l’INRA. Tous les insecticides, chimiques ou microbiologiques nouvellement homologués
en vergers font l’objet d’une évaluation en laboratoire et au champ sur l’insecte cible (principalement Lépidoptères
et pucerons), sur la faune auxiliaire, et en matière de résidus sur fruits. Il peut en découler des approfondissements
de certains aspects de biologie ou de mode d’action des produits.
La relation est très étroite entre équipes de recherche et organismes de développement ou coopératives de la
même province. Il en résulte une validation et une application à large échelle des résultats de la recherche par la
profession agricole. Mais également au niveau des laboratoires une certaine dispersion des moyens, la
complémentarité des programmes n’apparaissant pas toujours clairement entre les deux équipes pourtant très
proches géographiquement. Compte tenu de l’orientation des laboratoires visités, nos échanges ont porté pour une
large part sur la protection des vergers de pommiers contre les Lépidoptères, assez peu sur la thématique résistance
aux insecticides.
Carpocapse
Les vergers de pommiers des deux provinces, totalisant plus de 30 000 ha, s’étendent le long de la vallée de
l’Adige, à une altitude d’environ 300 m, et latéralement jusqu’à 1000 m dans la vallée du Non (Trentin) et de la
Vinchgau (Haut - Adige). Ils ont supplanté une partie des prairies, vignes, et vergers d’abricotiers de cette région
du fait de la qualité de la production de pommes et de sa forte valeur ajoutée. La quasi totalité des vergers de poiriers
a également disparu dans les années 70 en raison de conditions de culture moins favorables que pour le pommier
(sol) et de résistances du psylle du poirier aux insecticides aboutissant à l’application de 20 traitements par an.
Le carpocapse se développe en deux générations annuelles à basse altitude et en une génération (la période
de risque n’excédant pas deux mois et demi) dans les vallées d’altitude.
Lutte chimique et résistance
La résistance au diflubenzuron, confirmée en 1992 par H. Riedl, chercheur américain en année sabbatique à
Laimburg, et R. Zelger responsable du centre de Laimburg, semble apparaître en 1990 à proximité de Bolzano dans
la province du Haut - Adige. R. Zelger isole chaque année des populations naturelles qu’il maintient au laboratoire
quelques générations sans pression de sélection, pour évaluer leur sensibilité aux Régulateurs de Croissance
d’Insectes (RCI) homologués. Comme pour les autres laboratoires qui ont essayé d’acclimater des populations de
26/01/01
- 30 carpocapses, c’est la reproduction des premières générations qui pose problème : moins de 20% de femelles fertiles.
Les test portent essentiellement sur le stade oeuf, avec un dispositif original. Six plaques de verre de 10 x 20 cm,
traitées chacune à une concentration d’un même insecticide dans une rampe de pulvérisation, sont assemblées en
cage hexagonale. Sept à huit couples d’une population y sont introduits, et la relation concentration / mortalité est
obtenue directement par lecture du taux d’éclosion des oeufs pondus sur les plaques de verre. Les résultats sont
comparables avec ceux obtenus par pontes sur feuilles de pommier traités, à l’exception du triflumuron qui
pénétrerait rapidement dans le végétal. La résistance aux benzoylurées (BPU) observée, stable pendant au moins huit
générations, est supposée polygénique. Quelques tests larvicides sur pommes sont également réalisés. Ils ne
montrent aucune résistance croisée entre BPU et organophosphorés (OP; produits testés : phosalone et fénitrothion).
Malgré la qualité excellente des tests réalisés -ceux dans lesquels la mortalité des oeufs pondus sur la plaque de
verre non traitée excède 10% ne sont pas pris en compte-, aucun résultat n’est encore publié. Le choix d’une
expérimentation exclusive sur populations non sélectionnées, donc à taux d’individus résistants indéterminé, ne
facilite pas la compréhension des résultats observés.
A partir du foyer initial de Bolzano, la résistance s’étend ensuite vers Lana et Merano. La pression
carpocapse est plus forte et la période de vol plus longue dans le proche voisinage de ces villes qu’en campagne, en
raison de températures printanières plus favorables à l’accouplement et à la ponte. Il en résulte l’application chaque
année d’un traitement spécifique de plus que dans le reste de la vallée. Les vergers, de très petite taille (3 ha en
moyenne par agriculteur, le plus souvent répartis en 5 à 7 parcelles dispersées) y sont très imbriqués dans l’habitat
urbain, l’économie du Haut-Adige reposant à part égale sur deux secteurs principaux d’activité, le tourisme et
l’arboriculture fruitière. Pour cette raison, et également au vu des résistances aux OP survenues chez les acariens, la
lutte contre le carpocapse reposait exclusivement depuis 1980 sur le diflubenzuron (2 à 4 applications annuelles).
Depuis le constat de résistance aux BPU, se traduisant par des taux d’infestation atteignant 40% malgré 7 à
8 interventions annuelles, les OP sont introduits dans la lutte mais limités à 1 ou 2 applications annuelle
(essentiellement fénitrothion microencapsulé [le froid estival a entraîné cette année des colonies d’abeilles
installées en collines à descendre vers les vergers. Des intoxications sont apparues, semblant consécutives à la
récolte par les butineuses de microcapsules de fénitrothion ] et quinalphos, un seul traitement annuel à l’azinphos
étant toléré). Des produits moins toxiques comme la phosalone sont inefficaces. Une application annuelle de
fénoxycarbe, régulant simultanément le carpocapse et les tordeuses de la pelure, est effectuée au printemps. Ce
produit reste interdit depuis 1991 dans le Trentin en raison des intoxications occasionnées sur Bombyx mori . Dans
la Vinchgau (1 génération /an, période de risque limitée à deux mois et demi), les BPU restent efficaces mais un des
deux traitements annuels au diflubenzuron est remplacé par un OP. Dans cette province, les traitements sont
déclenchés sur la base du modèle californien de prévision des risques, d’après le piégeage sexuel et le cumul des
degrés jours.
Dans le Trentin, l’Istituto Agrario recommandait l’emploi du diflubenzuron en première génération
uniquement, et à dose réduite (7,5 g /hl, pour une concentration homologuée de 10g/hl). La première application
26/01/01
- 31 intervenant à l’éclosion des oeufs ( d’après les données du piégeage sexuel et de la modélisation), et non au moment
des premières pontes comme préconisé en France.
La seconde génération est combattue si nécessaire avec un organophosphoré. Le vol des adultes de
première génération est bimodal, bien qu’aucune correspondance ne soit observée entre date d’entrée en diapause
(1ère ou 2ème génération) et date d’émergence des adultes l’année suivante.
Les interventions sont basées sur le piégeage sexuel est sur la modélisation du développement de l’insecte
en fonction des cumuls de degrés jours. Cette stratégie semble avoir prévenu l’apparition de résistances, mais une
baisse d’efficacité des RCI est suspectée : 2 à 3 interventions annuelles suffisaient auparavant à maîtriser les
populations, 4 interventions sont aujourd’hui requises, sans que cela soit imputable aux conditions climatiques.
Même avec une conception de la lutte propre à freiner l’apparition de résistances, il serait surprenant que des
individus résistants en provenance du Haut Adige n’aient pas émigré dans le Trentin.
Nous avons entrepris dans ces deux régions la collecte de populations représentatives par pose de bandes
pièges en vergers. Ces pièges seront dépouillés en octobre et les larves diapausantes nous seront adressées pour
analyse. Les tests de détection que nous avons mis au point pour plusieurs insecticides sur souches sélectionnées et
la publication des premiers résultats obtenus sur les populations du sud-est de la France ont amené nos collègues
italiens à solliciter une collaboration sur ce thème. Nous comptons disposer de populations issues de vergers de
plaines et d’altitude de chacune des deux provinces, avec et sans résistance supposée et avec chaque fois un
historique de traitement typé et connu, ce qui n’est le cas d’aucune des populations françaises que nous avons pu
étudier. Aucune de ces populations n’a par ailleurs reçu de traitement aux pyréthrinoïdes, ce qui est particulièrement
intéressant puisque seule l’activité monooxygénase est amplifiée chez les populations résistantes française, et que
nous nous interrogeons toujours sur la possible détoxication des BPU par ce système enzymatique chez le
carpocapse.
Confusion sexuelle
Face à la résistance aux insecticides chimiques dans le Haut-Adige, la confusion sexuelle contre le
carpocapse est étudiée par le centre de Laimburg, et développée par le Beratungsring de Lana. Les meilleurs
résultats sont obtenus en expérimentation avec le matériel Shin Etsu (diffuseurs Isomate), supérieur au diffuseur Rak
3+4 de BASF. La qualité du matériel italien Isagro est irrégulière, et les 2 poses annuelles qu’il nécessite sont mal
acceptées.
Une expérimentation à large échelle est conduite, tout d’abord en 1991 sur 110 ha de vergers contigus (40
arboriculteurs) avec des diffuseurs BASF; utilisation par la suite de diffuseurs Shin Etsu sur 232 ha en 1993, 2500
ha en 1994 et 4500 ha en 1995 (dont 2500 en combinaison avec une lutte par confusion contre les tordeuses de la
pelure). Les dégâts à la récolte (0,6% en 1995) ainsi que le nombre de traitements insecticides additionnels (0,5 en
1995) sont en réduction chaque année depuis le début de cette campagne d’expérimentation. Compte tenu des
conditions techniques requises, inapplicables sur des parcelles isolées ou voisinant des vergers conduits en lutte
26/01/01
- 32 chimique, le succès de l’opération réside surtout dans l’encadrement et l’adhésion des agriculteurs. Ils acceptent la
contrainte de la pose des diffuseurs (à une hauteur de 5m dans les vieux vergers plein-vent) des relevés de piège et
des contrôles visuels fréquents.
Pour répondre à la demande d’arboriculteurs cette méthode a été également évaluée sur 250ha dans la
Vinchgau, malgré l’absence de besoin immédiat, pour pouvoir l’appliquer immédiatement en cas d’apparition de
résistance aux insecticides.
La confusion sexuelle est évaluée à plus petite échelle dans le Trentin (200 ha, soit 350 arboriculteurs, en
1996). Elle est pour l’instant sans intérêt économique, deux à quatre traitements insecticides annuels suffisant à
protéger la récolte. Comme dans la Vinchgau, ces essais ont pour but de familiariser techniciens et arboriculteurs
avec cette méthode, pour qu’elle soit disponible en cas de nécessité. Les essais de 1996 sont focalisés sur
l’évaluation des capsules chargées à 10 mg de phéromone (“ superlure ”), pour déterminer le seuil de capture
indiquant l’apparition du risque. Des pièges contenant 0, 1 et 10 mg de phéromone sont comparés sur 40 parcelles
en confusion. Après dépassement du seuil (8 captures dans le piège superlure si les résultats de 1995 sont
confirmés), des contrôles visuels sont effectués pour juger de l’opportunité d’un traitement.
Des cas de forte infestation de tordeuse orientale du pêcher (Cydia molesta) ont été observés en vergers de
pommiers en confusion sexuelle contre le carpocapse près de Bologne (jusqu’à 30% de fruits infestés, après une
attaque sur pousses en juin). Une confusion mixte carpocapse - tordeuse orientale est expérimentée. Son coût est
évalué à 1 500 F / ha.
Lutte microbiologique
L’efficacité de 3 préparations commerciales de virus de la granulose est évaluée en laboratoire à Laimburg
par R. Zelger. Des larves néonates sont déposées sur des pommes traitées, et la perte d’activité en fonction du temps
est observée. Ces analyses, déjà effectuées en Suisse, avaient montré une rémanence des trois formulations
inférieure à 10 jours. En verger, 7 interventions sont nécessaires à basse altitude et le coût de cette lutte est pour
l’instant jugé prohibitif.
Tordeuses de la pelure
Ces espèces étaient régulées dans les vergers du Trento depuis l’introduction du fenoxycarbe en 1988, et
sont en recrudescence depuis l’interdiction de ce produit. Des dégâts sur fruits atteignant 30% sont enregistrés sur
quelques parcelles, dus essentiellement à Pandemis heparana. La priorité est donnée à leur étude par l’Istituto
Agrario, des méthodes alternatives étant disponibles sur carpocapse.
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- 33 Différentes formulations de Bacillus thuringiensis (BT) sont évaluées sur les trois espèces principales, P.
heparana, P. cerasana et Adoxophyes orana : temps létal 50 à différentes températures,
influence sur la
consommation de disques foliaires en fonction du stade larvaire (forte inhibition de l’alimentation par le BT à basse
température), apport de l’adjonction de sucre sur l’efficacité du produit (pas d’activation de l’alimentation sur
végétal, mais ingestion et action accrues du BT, même sur support inerte).
La confusion sexuelle n’est pas encore au point sur ces espèces. Le composant majoritaire de la phéromone
sexuelle, commun aux différentes Torticini, ne donne pas les résultats escomptés. Des études préliminaires à la mise
au point de la méthode sont conduites sur le comportement de ces espèces : localisation des pontes et des attaques
sur les arbres, optimisation du piégeage sexuel, essai d’inhibition des captures de mâles lâchés, recherche d’attractifs
au niveau de la plante (analyse en laboratoire de l’attractivité de fruits ou de feuilles à différents stades de
développement, d’extraits du végétal, de substances chimiques).
Aucun insecticide ne procure actuellement la même protection que le fenoxycarbe. Deux BPU, le
flufenoxuron et l’hexaflumuron, dotés également d’une efficacité moyenne sur carpocapse sont utilisés après fleur.
Effets secondaires sur auxiliaires
Etude en laboratoire sur le modèle Orius livigatus : effet des RCI sur l’éclosion des oeufs pondus sur
végétal ou support verre traités, ou sur support non traité après exposition des femelles aux traitements, effet des
traitements appliqués aux stades larve ou adulte sur la survie et la fécondité, comparaison de l’intoxication par
contact et ingestion. Pas d’étude sur l’effet des produits sur la prédation et sur le bilan efficacité sur la cible /
réduction de l’action bénéfique du prédateur.
Acariens prédateurs (Amblyeius andersoni) : développement d’une méthodologie d’analyse d’échantillons
sur des prélèvements effectués sur essais en plein champ. Elaboration d’un coefficient de toxicité intégrant mortalité
des oeufs des larves, des femelle et réduction de fécondité pour l’évaluation des pesticides.
Araignées : étude de l’effet d’insecticides appliqués en vergers de poiriers sur la dynamique des populations
des principales espèces rencontrées. Détermination par électrophorèses sur gel de polyacrylamide (détection des
estérases) des espèces s’alimentant le plus régulièrement sur psylles.
Protection intégrée
Un cahier des charges Production Intégrée en pommiers est défini en Italie depuis 1992. Il prévoit un taux
de résidus sur fruits inférieur de moitié à la teneur légale. Dans le Trentin la production fruitière est vendue
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- 34 essentiellement sous la marque Melinda. L’encadrement technique, l’achat des produits, la commercialisation sont
assurés par les 17 coopératives de la province. Les prix de vente des fruits sont établis en commun pour les 3 zones
de production (basse - moyenne - haute altitude).
Dans chaque coopérative un technicien assure le suivi phytosanitaire des exploitations, en relation directe
avec l’institut de recherche -les techniciens sont financés sur fonds publics dans le Trentin, à 70% sur fonds publics
et 30% par les agriculteurs dans le Haut-Adige-. Les choix de stratégie et les décisions d’intervention sont concertés
et homogènes par zone de production. Cette coordination et cette conception de la protection des vergers permet une
évaluation des solutions techniques proposées, notamment dans le cas de l’apparition ou de la maîtrise de résistances
aux insectes et aux acariens.
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