Grippe et refroidissements

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Grippe et refroidissements
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
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Grippe et refroidissements
(cf. également les chapitres «Fièvre» et «Toux»)
(J. Dommer Schwaller, D. Hugentobler Hampaï)
De quelle nature sont vos troubles?
Les voies respiratoires peuvent être le siège de toute une série
d’affections. Rien que le refroidissement peut être causé par
plus de 200 virus très différents issus de plusieurs familles
de virus. Les germes responsables les plus fréquents sont les
rhinovirus et les coronavirus. La gamme des symptômes est
à l’avenant: congestion nasale ou écoulement nasal, maux
de gorge, toux, céphalées, fièvre, abattement, otalgie, yeux
rougis et irrités, etc. Dans la pratique, il est parfois difficile de
distinguer un gros rhume d’une légère grippe. Si les inhibiteurs de neuraminidase doivent être employés, une limitation
est nécessaire (voir tableau).
Un refroidissement commun, aussi appelé infection grippale, commence lentement: au départ, la gorge est sèche et
«gratte», le patient se plaint d’une envie d’éternuer. Suivent
ensuite un rhume suivi par la toux. Les symptômes généraux
comme la fièvre, les douleurs des membres et les céphalées,
la fatigue ou les frissons sont peu marqués ou font défaut.
Des complications apparaissent aussi relativement rarement.
Une grippe saisonnière commence avec de brusques frissons et de la fièvre. Les conséquences systémiques sont plus
fortes que pour une infection grippale et sont accompagnées
de fièvre élevée, de douleurs dans les articulations et dans les
membres, de maux de tête, de fatigue, ainsi que d’irritations
de la cornée, de la gorge, de la trachée et des bronches. Les
patients souffrent relativement souvent de nausées, tandis
que la diarrhée ne compte pas parmi les symptômes-clés. Les
complications sont fréquentes, surtout chez les personnes à
risque (voir à la fin du chapitre).
La fièvre (cf. chapitre correspondant) fait partie des symptômes-clés de la grippe. En cas de refroidissement, elle se
manifeste assez rarement chez l’adulte, plus fréquemment
chez l’enfant. Les enfants de plus de deux ans, qui ont moins
de 39° C de fièvre et les symptômes typiques d’un refroidissement, peuvent généralement être traités par le pharmacien.
Au moindre doute, les jeunes patients, les personnes âgées
ainsi que les patients à risque sont à adresser au médecin.
Le rhume se trouve souvent au premier plan lors des refroidissements, et est normalement moins marqué en cas de
grippe. Il commence par un écoulement nasal (rhinorrhée),
puis le nez se bouche (congestion nasale). La sécrétion nasale est au départ claire et aqueuse, puis plus épaisse et peut
devenir jaune verdâtre avec le temps.
La toux (cf. chapitre correspondant) est fréquente dans le refroidissement et la grippe. Si elle persiste plus de 7 à 10 jours
ou si elle est très forte et pas suffisamment soulagée par les
antitussifs, il peut s’agir d’une pneumonie, et un médecin
doit être consulté.
Les maux de gorge sont aussi fréquents en cas de grippe et
de refroidissement. Une infection streptococcique ou toute
autre cause sérieuse doivent être exclues (voir ci-dessous
«Conseil du pharmacien»).
Les douleurs dans les articulations et dans les membres
ainsi que les céphalées sont aussi typiques de la grippe. De
fortes douleurs situées sur un emplacement isolé du corps
signalent la présence d’une infection grave.
Les douleurs sus-orbitaires (sinus frontal) ou sous-orbitaires (sinus maxillaire) ou une sensation de pression sont
caractéristiques d’une sinusite. Ces douleurs apparaissent
Différences entre refroidissement et grippe
Début de la maladie
Refroidissement (infection grippale)
Grippe saisonnière (Influenza)
Progressif pendant quelques jours, avec des éternue-
Abrupt avec de la fièvre élevée et des frissons
ments, des céphalées, des grattements dans la gorge
Fièvre
Rare chez les adultes, augmente lentement et n’est pas
Normalement élevée (39–40°C), accompagnée de fris-
très forte (38°C env. max.), plus fréquente chez les enfants
sons, augmente en quelques heures et dure 3 à 4 jours
Céphalées
Fréquentes, légères à modérées
Courantes et souvent fortes
Douleurs dans les membres
Occasionnelles, légères à modérées
Courantes et souvent fortes
Rhume
Très fréquent et marqué, d’abord nez qui coule puis nez
Occasionnel, léger
bouché
Maux de gorge
Grattements, sensations de brûlure, enrouements
Forts, troubles de déglutition
Toux
Toux légère à modérée, au début plutôt sèche, puis avec
Toux douloureuse et sèche
expectorations
Sensation de maladie
Léger abattement
Sensation de maladie marquée
Durée
En règle générale 1 à 2 semaines max., la toux pouvant
1 à 3 semaines; la fatigue peut durer des semaines
durer 2 à 3 semaines
Complications
pharManuel15
Relativement rares; sinusite, bronchite, pneumonie; chez
Fréquentes, surtout chez les personnes à risque,
les petits enfants: otite moyenne; chez les nourrissons:
entre autres pneumonie; chez les ­e nfants: otite
bronchiolite, pneumonie, etc.
moyenne; rarement myocardite ou encéphalite
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
au cours de la matinée (pas au lever) et s’atténuent dans
l’après-midi, au bout de quelques heures. Elles s’aggravent
quand le patient se baisse, tousse, se mouche. La plupart du
temps, les douleurs faciales s’accompagnent de voies respiratoires encombrées, d’une rhinorrhée purulente unilatérale
ou d’expectorations purulentes et de troubles de l’odorat. On
peut en outre observer quelquefois de la fièvre, une sensation
de malaise, des douleurs dentaires et des œdèmes.
Le prurit et les yeux larmoyants ne sont pas caractéristiques
d’un refroidissement commun, mais signalent une réaction
allergique (cf. chapitre «Allergies» dans le pharManuel en
ligne).
Quel est l’âge du patient?
Cinq à huit fois par an (certains plus de 12 fois), les jeunes
enfants font une infection virale avec rhume, toux et fièvre.
Les adultes, eux, sont enrhumés trois ou quatre fois par an.
Chez le petit enfant et la personne âgée, on assiste souvent à
des complications, ce qui impose une surveillance médicale
étroite. Les enfants doivent également être vus par le médecin lorsqu’ils cessent de boire malgré la fièvre, éprouvent des
difficultés à respirer ou sont prostrés.
Les grippés âgés devraient consulter un médecin du fait que
les surinfections bactériennes sont très fréquentes chez ces
patients. Dix pour cent des personnes âgées souffrant d’une
grippe contractent ainsi une pneumonie. De plus, les patients
âgés sont fréquemment porteurs d’une insuffisance cardiaque,
rénale ou pulmonaire. Dès qu’ils ont la grippe, ces malades
chroniques doivent souvent être hospitalisés, et le taux de
mortalité augmente en raison de l’inévitable décompensation.
Finalement, on craindra aussi chez le patient âgé une maladie
thromboembolique due à une immobilisation prolongée.
Depuis combien de temps avez-vous ces symptômes?
Un refroidissement commun atteint généralement son apogée
au bout de 2 à 5 jours, la guérison spontanée intervenant après 5
à 14 jours. Une rhinite allergique peut durer plusieurs semaines
(aussi longtemps que l’allergène est présent). Une fièvre grippale
dure en moyenne 3 à 4 jours, la guérison intervient dans les 10
jours. Les refroidissements sont en général des affections inoffensives comportant rarement des complications. Ces dernières
prennent le plus souvent la forme d’une aggravation d’un symptôme local (mal de gorge, otalgie, céphalée, etc.), d’une fièvre
élevée et d’une persistance des symptômes (plus de 7 à 10 jours).
Il s’agit alors soit d’une propagation de l’infection virale, soit
d’une surinfection bactérienne (p. ex. d’une sinusite ou d’une
otite) qui nécessite en règle générale le recours à un médecin.
Chez les malades de la grippe, les complications sont plus
fréquentes. Elles atteignent surtout les jeunes enfants et les
sujets âgés (cf. ci-dessus). Une fatigue et un abattement permanents se doublent d’une surinfection bactérienne (pneumonie, bronchite, otite). Si la fièvre dure plus de trois jours,
et les autres symptômes de la grippe plus de 7 à 10 jours, il
faudra consulter un médecin. Il en est de même si l’état du
malade ne s’améliore pas au bout de 2 à 3 jours.
pharManuel15
Quelqu’un présente-t-il les mêmes symptômes dans
votre entourage? Avez-vous un historique allergique?
Ou un membre de votre famille en souffre-t-il?
Refroidissements et grippe se transmettent soit par les gouttelettes propagées par les éternuements, la toux ou les postillons entre personnes rapprochées ou dans des pièces confinées, par contact direct des mains avec les sécrétions nasales
des personnes infectées (poignée de mains) ou indirectement
par contact avec des surfaces contaminées (poignées de porte,
écrans tactiles). Les refroidissements peuvent être favorisés
par une défense immunitaire amoindrie, une thermorégulation déficiente, des substances nocives dans l’air, de mauvaises conditions de vie, des facteurs psychologiques, etc.
Le froid ne joue par conséquent qu’un rôle secondaire par
perturbation de la thermorégulation.
Pour le refroidissement et la grippe, la période d’incubation est
d’environ 1 à 4 jours. L’excrétion des virus décroît rapidement
au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, mais peut
prendre jusqu’à trois semaines pour les rhinovirus. La grippe
saisonnière est infectieuse déjà un jour avant la déclaration de
la maladie et le reste pendant une bonne semaine (6 à 11 jours).
Des antécédents d’allergie avec les symptômes associés permettent de distinguer un refroidissement commun d’une
rhinite allergique.
Quels voyages avez-vous entrepris à l’étranger
récemment?
Une fièvre récurrente, soit des épisodes fébriles alternant
avec deux à trois jours d’apyrexie, est caractéristique du paludisme. Une fièvre associée à une diarrhée évoque une infection typhoïde ou paratyphoïde.
Quels médicaments avez-vous déjà pris pour vous
soigner? Et quand?
Les vasoconstricteurs topiques ne doivent pas être utilisés
plus de 5 à 7 jours. Un effet rebond risque sinon d’apparaître
(surtout avec les principes actifs à courte durée d’action et
l’oxymétazoline), forçant ensuite le patient à s’administrer
des doses toujours plus fortes. Il peut s’ensuivre une rhinite
médicamenteuse qui se manifeste par un nez bouché avec
inflammation de la muqueuse et, dans certains cas, des zones
de saignement. Il suffit parfois d’une utilisation de seulement quelques jours; le risque est cependant maximal lors de
traitement de ≥ 10 jours. Si le pharmacien constate des abus
ou l’utilisation prolongée d’un vasoconstricteur local, il doit
recommander au patient d’arrêter la prise du vasoconstricteur et d’y substituer un soluté physiologique iso- ou hypertonique, afin que la muqueuse nasale endommagée puisse
se rétablir. En cas de besoin on peut aussi administrer des
glucocorticoïdes intranasaux. Certains patients ont avantage
à stopper progressivement le vasoconstricteur (réduire à la
dose pour enfants, puis pour nourrissons, utilisation uniquement dans une narine ou seulement le soir avant le coucher).
Le pharmacien doit transmettre au médecin les cas sévères
ou chroniques de rhinite médicamenteuse.
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→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
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Conduisez-vous, utilisez-vous des machines exigeant une
vigilance extrême?
•
•
Divers principes actifs contenus dans les médications disponibles pour le traitement du refroidissement et de la grippe
peuvent induire une somnolence, comme les antihistaminiques et les antitussifs d’action centrale. Le patient doit être
mis en garde contre cet effet indésirable.
•
Eprouvez-vous des difficultés à respirer (asthme,
­b ronchite, etc.)?
Les patients présentant ce genre de problème doivent consulter un médecin.
Quels sont vos autres problèmes de santé (diabète,
­g laucome, insuffisance cardiaque, hypertension
­a rtérielle, maladie de la thyroïde, hypertrophie de la
prostate, dépression, etc.)?
Chez les patients atteints des maladies précitées, les sympathomimétiques et les antihistaminiques utilisés dans le
traitement de la grippe et du refroidissement sont contre-indiqués sauf avis contraire du médecin, en raison de leurs
effets indésirables et des interactions médicamenteuses.
Un rhume est rarement d’origine médicamenteuse. On invoquera alors les gouttes nasales décongestionnantes (rhinite
médicamenteuse) et les médicaments exerçant une influence
directe ou indirecte sur les récepteurs alpha-adrénergiques de
la muqueuse nasale (p. ex. la réserpine, le méthyldopa). Des
rhinopathies ont été décrites même sous contraceptifs oraux
à forte teneur en progestatifs et sous inhibiteurs de l’ECA.
De même, des réactions allergiques ou pseudoallergiques
(«idiosyncrasie à l’aspirine») peuvent être à l’origine d’une
rhinopathie médicamenteuse.
Le conseil du pharmacien
Les refroidissements sont les affections les plus fréquentes
qui soient; ils font donc partie intégrante du quotidien du
pharmacien. On en observe un maximum au printemps et
en automne. La grippe saisonnière elle aussi est une maladie
universelle qui se manifeste généralement entre les mois de
décembre et de mai, avec un pic en février-mars.
A intervalles irréguliers apparaissent de nouveaux virus de
la grippe qui du fait du manque de défense immunitaire de
la population, peuvent déclencher des pandémies de grippe.
Cela était le cas pour la dernière fois en 2009/2010 avec la
grippe pandémique A/H1N1 (d’abord appelée «grippe porcine»).
Quand le patient doit-il être adressé à un médecin?
D’urgence:
• Fièvre accompagnée de maux de tête violents, de vomissements et de raideur de la nuque (soupçon de méningite)
• Maux de gorge très forts qui rendent impossible toute
déglutition (soupçon d’épiglottite)
pharManuel15
•
•
Confusion
Gonflement des paupières, accompagné de maux de tête
violents et de fièvre (soupçon de phlegmon orbitaire)
Symptômes oculaires en lien avec une sinusite (p.ex. altération de la vision, exophtalmie, larmoiements)
Gonflements ou rougeurs au niveau du sinus touché ou
dans la région péri-orbitale
Céphalées très violentes en lien avec une sinusite
Dans les 1 à 2 jours:
• Fièvre depuis >3 jours
• Fièvre accompagnée de forts maux de gorge, de douleurs
d’oreille, de maux de ventre, d’infections des voies urinaires ou de convulsions fébriles
• Symptômes de refroidissement ou de grippe depuis
>7 à 10 jours
• Pas d’amélioration des symptômes grippaux dans les
2 à 3 jours
• Difficultés à respirer, douleurs à la respiration, fortes
douleurs au moment de tousser
• Toux >7 à 10 jours ou toux très forte qui ne peut pas être
soulagée efficacement par des antitussifs
• Expectorations colorées ou saignantes
• Maux de tête uni ou bilatéraux dans la région maxillaire ou frontale et sécrétion nasale purulente depuis
≥2–3 jours ou pas d’amélioration malgré l’instauration
d’un traitement symptomatique depuis 3 à 5 jours
• Maux de gorge avec contracture de la mâchoine
• Maux de gorge isolés (sans toux ou refroidissement)
• Maux de gorge accompagnés de fièvre élevée, amygdales
enflammées, tuméfaction douloureuse des deux côtés
des ganglions lymphatiques, langue de couleur rouge
framboise
• Maux de gorge avec éruption cutanée (suspicion de promo-infection par le VIH, de scarlatine)
• Maux de gorge localisés d’un seul côté (suspicion d’angine de Vincent, d’oreillons)
• Maux de gorge depuis >3 jours, sans amélioration de
l’état
• Abus de médicaments (p. ex. gouttes nasales, médicaments contre la toux ou remèdes combinés contre la
grippe)
• Etat général diminué, perte de poids involontaire
• Patients souffrant de maladies graves
• Fièvre rhumatismale aiguë dans l’anamnèse familiale
• Patients âgés souffrant de grippe
• Enfants <2 ans, sauf lors de symptômes banals
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Attention Pas d’antibiotiques en cas de refroidissement et de
grippe
Les refroidissements et la grippe sont des maladies virales. Les antibiotiques ne sont de ce fait pas indiqués.
Les rhino-sinusites, les pharyngites, les otites moyennes
et les bronchites sont également le plus souvent des
maladies virales généralement autolimitées ne nécessitant souvent aucun traitement antibiotique. Les lignes
directrices conseillent d’un premier abord de renoncer
aux antibiotiques sauf dans les cas spéciaux et de ne les
administrer qu’en cas d’absence d’amélioration dans le
délai habituel ou d’aggravation des symptômes. Les
infections virales et bactériennes sont dans la plupart
des cas difficiles à différencier cliniquement. Il est important de veiller de manière conséquente aux signaux
d’alarme, en particulier chez les personnes à risque
(p.ex chez les patients âgés, immunosupprimés, au
mauvais état général ou avec co-morbidités, et chez les
enfants).
Refroidissements
Prévention
On peut essayer de prévenir une infection grippale par diverses mesures préventives. Le fait de se laver régulièrement
les mains, d’éviter les contacts physiques avec les personnes
enrhumées, d’éternuer et de tousser dans le creux du coude
ou de procéder à des rinçages du nez avec du sérum physiologique en font partie.
Traitement
Le traitement d’un refroidissement commun est symptomatique; il n’a pas d’effet préventif et ne peut pas accélérer la
guérison, mais peut améliorer en partie le confort du patient.
Les monothérapies se recommandent parce qu’elles permettent de combattre chaque symptôme au moment convenable par une dose appropriée.
Les analgésiques tels que l’ibuprofène, le paracétamol ou
l’acide acétylsalicylique font partie des médicaments le plus
couramment utilisés contre les refroidissements. Ils soulagent en cas de céphalées, de douleurs dans les membres et
les oreilles et aussi en cas de fièvre. Mais normalement, ils
ne peuvent pas apaiser les symptômes respiratoires. Globalement, il n’y a que peu d’études cliniques sur l’efficacité et
le dosage des analgésiques utilisés contre les différents
symptômes du refroidissement. D’après l’état actuel des données, les substances ont une efficacité et une sécurité comparables (pour de plus amples informations voir sous
«Céphalées»).
On trouve souvent dans les associations contre les refroidissements des analgésiques avec des sympathomimétiques,
des antitussifs ou un expectorant. De telles associations sont
controversées par certains cercles de spécialistes car elles
augmentent le risque d’effets indésirables, de confusions et
de surdosages sans pour autant accroître l’efficacité. Aux
Etats-Unis, plus de 100 décès d’enfants ont été enregistrés
après la prise d’associations médicamenteuses. Dans la prapharManuel15
tique, les patients apprécient toutefois ces produits en raison
de leur simplicité. Dans un tel cas, ils doivent uniquement
être utilisés si plusieurs troubles apparaissent simultanément
et sont tellement forts que la santé du patient est massivement entravée.
En dehors des médicaments classiques utilisés dans les refroidissements, on recourt également souvent à des traitements alternatifs. D’après une revue Cochrane datant de
2013, la vitamine C (≥200 mg/jour) réduit de manière minime
la durée des symptômes de refroidissement (de 8% chez les
adultes et de 14% chez les enfants). Comme il ne s’agit que
d’heures, la pertinence clinique est par ailleurs contestable.
La vitamine C même prise à hautes doses n’est pas efficace
pour prévenir la population générale des infections grippales.
Les comprimés de zinc à sucer (≥75 mg/jour), utilisés dans
les 24 heures suivant l’apparition des premiers symptômes
de refroidissement et pendant ≥5 jours réduisent la durée du
refroidissement d’un jour chez les adultes normalement en
bonne santé (Cochrane, 2013). En prévention, le zinc semble
être bénéfique uniquement pour les enfants (dosage:
10–15 mg p.o./jour pendant au moins 5 mois). L’effet éventuel
du zinc doit être comparé aux EI: les comprimés à sucer provoquent souvent des troubles du goût (goût métallique, sentiment d’astringence) et des nausées. En cas d’utilisation
prolongée, le zinc pris à des doses dépassant 10 mg/jour peut
réduire l’absorption des oligo-éléments tels que le fer, avec
à long terme des séquelles comme p.ex. une anémie.
Selon une revue Cochrane de 2014, il manque (toujours) des
preuves de l’efficacité de l’échinacée dans la prévention et le
traitement des refroidissements. Parmi 7 études, une seule a
signalé une réduction statistiquement significative de la durée du refroidissement par rapport au placebo. Concernant
la prévention, de nombreuses études ont montré des tendances plus faibles (non prouvées statistiquement) aux refroidissements. Selon certains auteurs, un faible effet préventif n’est donc pas exclu mais de pertinence clinique
contestable. Parmi les EI, il faut veiller entre autres aux réac­
tions sévères d’hypersensibilité. Raison pour laquelle l’échinacée ne devrait pas être administrée aux personnes atopiques, aux patients avec maladies auto-immunes ou atteints
de tuberculose.
Les huiles essentielles telles que l’huile d’eucalyptus ou de
pin de montagne, le camphre ou le menthol sont contenues
dans de nombreuses préparations contre les refroidissements
(frictions, médicaments à inhaler, bains, etc.). Elles peuvent
subjectivement soulager la respiration. Les préparations au
camphre et au menthol ne sont pas appropriées pour les
nourrissons et les petits enfants. Les huiles essentielles ne
doivent pas être appliquées directement sur le visage mais
déposées sur les vêtements ou dans un mouchoir.
Il semble que la bonne vieille soupe de poulet est efficace
contre les refroidissements. Des chercheurs américains ont
attesté qu’elle a des propriétés anti-inflammatoires.
Chez le petit enfant, on viendra à bout d’un refroidissement
par les recettes traditionnelles simples – du thé chaud au citron et au miel (pas chez les enfants <1 an à cause du risque
de botulisme) p. ex. Un apport liquide suffisant et de l’air
humide devraient aider à liquéfier le mucus. Chez l’adulte
également, des mesures non médicamenteuses (boissons
53
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
54
en abondance, inhalation de vapeurs d’eau) aideront à soulager les symptômes. Il faut toutefois éviter de boire en trop
grandes quantités. Des cas d’hyponatrémie ont en effet déjà
été décrits dans la littérature, à ce propos. En outre, il n’existe
actuellement aucune étude randomisée et contrôlée qui permettrait d’établir des recommandations concernant l’absorption de liquide.
Grippe saisonnière
Prévention
La vaccination contre la grippe est la meilleure prévention, en
plus des mesures de protection et d’hygiène. Dans certains
cas, les inhibiteurs de la neuraminidase ou l’amantadine
peuvent être utilisés à titre de chimioprophylaxie (voir ciaprès). Selon l’OFSP, la vaccination contre la grippe est recommandée à toutes les personnnes avec risque accru de
complications (c.-à-d. les personnes de plus de 65 ans, les
malades chroniques, les femmes enceintes, les parturientes,
les prématurés) et est une prestation obligatoire au sens de la
loi sur l’assurance-maladie. En outre, elle est recommandée
aux personnes ayant des contacts réguliers avec les personnes
à risque, c’est-à-dire aussi les personnes travaillant dans le
domaine de la santé et dans les crèches (voir les indications
actuelles détaillées sous: www.sevaccinercontrelagrippe.ch et
www.bag.admin.ch/influenza/index.html?lang=fr). Le vaccin
contre la grippe est généralement bien toléré. Il réduit en outre
la morbidité et la mortalité des personnes âgées et des malades
chroniques. Il faut l’administrer dans l’idéal entre mi-octobre
et mi-novembre. La protection vaccinale débute 10 à 15 jours
après la vaccination et dure environ six mois.
Traitement
Dans le traitement de la grippe, on s’occupe soit des symptômes, soit des causes. Les inhibiteurs de la neuraminidase
et l’amantadine (tous Rx) sont disponibles pour le traitement
causal. Les inhibiteurs de la neuraminidase, l’oseltamivir
(capsules, suspension) et le zanamivir (inhalations), sont efficaces contre l’Influenza A et B. Dans la prophylaxie préexpositionnelle et postexpositionnelle de la grippe saisonnière,
ils réduisent l’incidence des maladies. Le traitement doit être
initié aussi rapidement que possible, de préférence dans les
36 heures, mais au plus tard dans les 48 heures après l’apparition des premiers symptômes. Ces deux principes actifs
peuvent réduire la durée d’une grippe de moins d’un jour,
mais pas chez les enfants avec asthme. Dans sa revue de 2014,
la Cochrane Collaboration n’a pas trouvé de preuve suffisante
pour dire que l’oseltamivir et le zanamivir pouvaient réduire
le nombre de complications dues à influenza (comme par
exemple les pneumonies) ou le nombre d’admissions hospitalières. Chez les adultes, l’oseltamivir augmente le risque
d’EI tels que nausées, symptômes psychiatriques et problèmes rénaux et chez les enfants le risque de vomissements.
La faible biodisponibilité du zanamivir pourrait expliquer
qu’il est moins toxique que l’oseltamivir. Il faudrait évaluer
les bénéfices et dommages de ces deux inhibiteurs de la neuraminidase avant tout traitement ou utilisation préventive.
En raison de son effet limité (uniquement contre Influenza
A), de l’augmentation des résistances et de ses EI nerveux
pharManuel15
centraux, l’amantadine a perdu de son importance et ne devrait être utilisée qu’en cas d’urgence, lorsque toutes les
autres mesures ont échoué.
A l’exception des groupes à risque, la grippe saisonnière est
généralement traitée de façon symptomatique. Le principal
souci consiste à diminuer la fièvre et à soulager les douleurs.
Suivant l’état du patient, ce dernier devra garder le lit. Des
mesures locales contre le rhume et les maux de gorge peuvent
en outre apporter quelque soulagement (cf. ci-après).
De plus amples informations sur la grippe saisonnière
peuvent être consultées sur Internet, sur www.influenza.ch,
et sur www.grippe.ch.
Rhume
Pour le traitement du rhume d’origine virale, on recommande
en priorité les solutions salines isotoniques ou légèrement
hypertoniques. De telles solutions éliminent efficacement les
virus, les bactéries et les particules de saleté. Elles humidifient en outre durablement la muqueuse. D’après de petites
études, leur emploi régulier, probablement plusieurs fois par
jour, permettrait de restreindre l’utilisation de sympathomimétiques et d’antibiotiques lors de rhinite et de sinusite, voire
de réduire les épisodes de refroidissement ainsi que leurs
complications. Les solutions salines sont considérées comme
les meilleures méthodes, tout particulièrement pour les nourrissons et les enfants. Il est particulièrement important de
dégager une obstruction nasale chez le nourrisson dans la
mesure où il ne peut encore guère respirer par la bouche en
compensation. En alternative les sécrétions nasales peuvent
être aspirées chez les nourrissons à l’aide d’un mouche-bébé.
L’inhalation de vapeurs d’eau chaude (42–45°C, éventuellement avec additifs, peut être utile (cependant uniquement
chez les enfants plus âgés et les adultes).
Si les solutions salines ne parviennent pas à soulager le
rhume, il est possible d’utiliser en complément des vasoconstricteurs sympathomimétiques. Les sprays doseurs à
l’oxymétazoline et à la xylométazoline sans conservateurs
s’y prêtent le mieux (avantages: effet rapide et de longue durée, utilisation facilitée, dosage exact et répartition uniforme
sur la muqueuse nasale, pas d’EI dus aux produits conservateurs tels que le chlorure de benzalkonium). Les solutions
salines sont conseillées en complément car elles réduisent la
fréquence d’administration du vasoconstricteur et contribuent au maintien d’une bonne clairance mucociliaire. En
raison de leurs effets indésirables en cas de prise prolongée,
les vasoconstricteurs ne doivent pas être administrés plus
d’une semaine sans prescription médicale (et si possible pas
plus de 3 jours chez les femmes enceintes). Aux Etats-Unis,
leur utilisation est même limitée à 3 jours. Entre deux cycles
d’utilisation, il faudrait respecter une pause d’au moins 10 à
15 jours afin de permettre à la muqueuse nasale et à la clairance mucociliaire de se normaliser.
Lors de dosage normal et d’administration de courte durée
(<5–7 jours), les adultes n’ont généralement pas à craindre
d’effets indésirables systémiques. Il n’est cependant pas possible d’exclure entièrement des effets adrénergiques (élévation de la tension artérielle, rétention urinaire, réactions
neurologiques et psychiatriques) chez les personnes hy-
→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
persensibles ou lors de dosages trop élevés. La plus grande
prudence est requise surtout pour les nourrissons et les petits
enfants. Même en cas d’usage conforme aux prescriptions,
des symptômes d’intoxication peuvent quand même se manifester (choc, paralysie respiratoire, coma). Par conséquent,
l’usage des vasoconstricteurs nasaux a été limité en France
et en Grande-Bretagne aux personnes de >15 respectivement
>6 ans. En Suisse aussi la remise de gouttes et de sprays
nasaux décongestionnants ne devrait se faire pour les enfants
que sur indication stricte. Dans la mesure du possible des
alternatives thérapeutiques telles que les solutions salines
devraient être recommandées.
Les effets indésirables systémiques sont encore plus forts avec
les préparations contre les refroidissements orales. En fonction
du dosage, ces effets peuvent prendre la forme de palpitations
ou d’arythmies cardiaques, d’une élévation de la tension artérielle, de tremblements musculaires, d’excitation psychique,
de sécheresse de la bouche, de rétention urinaire, d’hypotension orthostatique, etc. Le risque d’accoutumance et d’éventuelles interactions ne doit pas être sous-estimé. C’est pourquoi les préparations orales contre le rhume imposent une
vigilance particulière lorsqu’elles sont utilisées chez de jeunes
enfants (surdosage fréquent), ou des personnes âgées (fonctions rénales altérées, sensibilité pharmacodynamique accrue),
ainsi que chez des patients présentant une hypertension artérielle difficilement contrôlée ou tout autre risque élevé d’accident cérébral ou cardio-vasculaire.
Maux de gorge
Les maux de gorge sont d’origine virale dans plus de 80% des
cas et généralement, ils guérissent sans traitement en
quelques jours. Seuls 5 à 15% env. des adultes et 20 à 30%
des enfants avec maux de gorge ont une infection à streptocoques A. Le score dit de Centor permet d’estimer s’il s’agit
d’une infection à streptocoques (voir tabl. ci-dessous). Plus
rarement, les maux de gorge sont dus à des allergies, à l’inhalation de substances irritantes, à des traumatismes, à une
sécheresse buccale, à des médicaments (substances de type
atropinique, chimiothérapie) ou à une candidose.
Un soulagement est atteint en humectant bien la région des
muqueuses (avec des bonbons à sucer, un gargarisme à l’eau
salée, de la tisane de sauge ou de camomille, en buvant beaucoup). En cas de douleurs plus fortes, les analgésiques (paracétamol, acide acétylsalicylique ou AINS) administrés par
voie locale ou systémiques sont indiqués. Les anesthésiques
locaux, présentés sous la forme de comprimés à sucer, de
gargarismes ou de sprays pour la gorge, ont un certain effet
lors de douleurs à la déglutition et peuvent être utiles pour
les enfants plus âgés et les adultes. Les antiseptiques sont
censés réduire le nombre de germes dans la cavité bucco-pharyngée. Leur efficacité n’est cependant pas prouvée,
ni dans le soulagement des douleurs ni dans l’accélération
de la guérison. Il faudrait renoncer aux antibiotiques locaux
car leur effet n’est pas prouvé (infections généralement virales), ils contribuent en outre au développement de résistances et ont un risque d’EI tels que troubles de l’odorat et
allergies. Ils ne sont plus autorisés en France du fait de leur
rapport bénéfice-risque négatif. Si un antibiotique est indiqué à cause d’une infection bactérienne, il devrait être administré par voie systémique et non pas locale, ainsi que dans
les dosages et la durée de traitement corrects. Autres conseils:
port d’un foulard chauffant; en cas de difficultés de déglutition: consommer des aliments tendres et éviter les mets relevés.
Sinusite
Liste des critères du score de Centor permettant d’estimer la probabilité de maux de gorge dus à des streptocoques
Paramètre clinique du score de Centor
Points
Absence de toux
+1
Adénopathie cervicale antérieure (gonflement
+1
des ganglions lymphatiques du cou)
Fièvre ≥38.0°C
+1
Exsudat ou gonflement amygdalien
+1
Age >15 ans
+1
Age <15 ans
–1
Total des points
Evaluation:
≤1 point: traitement symptomatique
  2 points: test de dépistage rapide des streptocoques du groupe A
(frottis de gorge); en cas de résultat positif: recourir à un médecin;
en cas de résultat négatif: traitement symptomatique (consultation
­m édicale si aucune amélioration après 2–3 jours)
>2 points: adresser le patient à un médecin
Source: d’après Rogger J. et al.: Halsschmerzen bei Erwachsenen.
Warum Antibiotika oft nichts nützen, pharmaJournal 4: 28–31 (2014)
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Plus d’une sinusite aiguë sur deux guérit spontanément.
L’administration de gouttes nasales décongestionnantes
(pendant une semaine au maximum) est censée activer
l’écoulement nasal depuis les sinus. Il manque cependant
des études contrôlées pour évaluer leur efficacité. L’emploi
de décongestionnants systémiques n’est pas indiqué, celui
d’antihistaminiques oraux ne se recommande que chez les
sujets allergiques. Le paracétamol ou éventuellement les
AINS (attention aux effets secondaires au niveau du tractus gastro-intestinal) peuvent être utilisés à court terme,
pour atténuer les douleurs. Les mucolytiques sont censés
améliorer la pénétration et donc l’effet des antibiotiques et
des vasoconstricteurs. Leur intérêt dans le traitement des
sinusites aiguës n’est cependant pas démontré. Les corticoïdes topiques semblent être efficaces mais ils ne sont pas
recommandés en routine. Ils peuvent être envisagés en cas
de sinusites répétées (notamment d’origine allergique ou
inflammatoire) et en cas de symptômes forts et de longue
durée. Sinupret ® montre un faible effet après quelques jours
d’utilisation, son utilité semble cependant contestable.
Si la plupart des sinusites sont d’origine virale, il est souvent
difficile de distinguer une affection virale d’une affection
bactérienne. Les indications d’une possible infection bactérienne sont une durée des symptômes >7–10 jours, une
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→ Conseil pharmaceutique: les bonnes questions à poser
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péjoration des symptômes après 5–7 jours, fièvre (>39°C) et
malaise, une sécrétion purulente et verdâtre au niveau de la
paroi postérieure du pharynx (post-nasal drip syndrome). Les
antibiotiques sont uniquement recommandés si les symptômes (douleurs typiques et sécrétion nasale purulente)
persistent plus d’une semaine, s’ils sont très prononcés, si
des complications graves semblent apparaître ou s’il s’agit
de patients à haut risque. La durée de l’antibiothérapie est
controversée.
Le pharmacien devrait conseiller au patient d’ingérer beaucoup de liquide pour diluer les mucosités. Des solutions de
sérum physiologique, appliquées une à plusieurs fois par
jour, maintiennent le nez humide et améliorent la fonction
mucocilliaire. De même, l’inhalation de vapeurs – éventuellement additionnées de camomille, d’eucalyptus, de menthol ou d’une préparation du commerce correspondante –
est utile pour décongestionner localement. Finalement, les
compresses chaudes, appliquées plusieurs fois par jour sur le
visage pendant cinq à dix minutes, soulagent localement et
améliorent l’écoulement des mucosités. Enfin, on peut également conseiller de surélever la tête du lit.
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