L`alternariose : le point sur la question.

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L`alternariose : le point sur la question.
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L’alternariose : le point sur la question.
Daniel Ryckmans
En 2 ou 3 ans, l’alternariose de la pomme de terre (Alternaria solani, mais aussi Alternaria
alternata) ou maladies des taches brunes (Alternaria en néerlandais, Dürrfleckenkrankheit * en
allemand (littéralement « maladie des taches sèches », voir photo 1)) et Early blight en anglais
(littéralement « mildiou précoce », appellation fausse pour nos pays, puisqu’ici, l’alternariose
apparaît et se développe le plus souvent après le mildiou !)), est devenue une maladie relativement
courante, et dans certains cas un réel problème. Certains spécialistes aux Pays-Bas la considèrent
même comme la deuxième maladie en importance après le mildiou !
La réduction de l’emploi des dithio-carbamates (mancozèbe et manèbe), l’emploi de plus en plus
courant de l’excellent anti-mildiou (mais avec peu d’effet sur Alternaria solani) qu’est le Shirlan
(matière active : fluazinam) et des années favorables point de vue climat (été chaud, conditions de
croissance stressantes, retour
de l’eau après la sécheresse)
ont permis à cette maladie de
se développer de manière
fulgurante en 2 ou 3 saisons.
Photo 1. (source : écoport)
Mais le producteur de pommes
de terre n’est néanmoins pas
démuni face à cette maladie,
plusieurs fongicides étant
(spécifiquement
ou
partiellement) actif à son
égard,
en
premier
lieu
l’Amistar (matière active :
azoxystrobine) qui est à
mélanger avec la bouillie antimildiou!
Descriptif et développement de la maladie.
L’alternariose (aussi appelée
brûlure
alternarienne)
est
causée par deux champignons
du genre Alternaria: Alternaria
solani et Alternaria alternata
dont
les
cycles
sont
relativement comparables à
celui du mildiou. Il lui faut de
la chaleur (température idéale
de 20 à 30 °C) mais aussi un
minimum d’humidité (rosée,
orages,…) pour se développer.
Symptômes sur feuilles : les
premiers
symptômes
sur
feuilles apparaissent en général
après la floraison, sur les
Photo 2 (source : aac)
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feuilles les plus âgées, sénescentes, et en bas
de tiges. Il s’agit de (petites) taches de
structures plus ou moins circulaires et
anguleuses, avec des cercles concentriques
(qui font penser à des cibles), présentant un
léger halo chlorotique (photo 2). Par temps
sec, les lésions peuvent se détacher et faire
place à des trous. Au départ de l’infection les
taches sont petites (quelques mm2) limitées
aux espaces entre les nervures (photo 3).
Mais quand la maladie progresse, ces taches
grandissent et peuvent même gagner
l’ensemble de la feuille. Les taches sont de
couleur vert-olive à brun foncé – noir. Au fur
et à mesure que la maladie progresse (c-à-d
en
conditions
favorables
à
son
Photo 3 (source: saspp)
développement), elle passe des plus vieilles
feuilles en bas de tiges aux plus jeunes
feuilles (plus hautes sur la plante). Dans les
cas les plus graves (défoliation précoce) cela
peut nettement affecter le rendement (de 10 à
50% !), mais aussi la qualité de la
récolte (manque de calibre, poids
sous eau insuffisant).
Les taches causées par A. alternata
sont plus petites et aisément
confondues avec celles de la carence
en magnésium.
d’abord sur les feuilles et les plantes les plus
faibles : feuilles vieilles (bas de tiges) ou
abîmées (vent, grêle), plantes en manque
d’eau, de lumière et/ou d’éléments nutritifs,
particulièrement l’azote (N), le manganèse
(Mn), le magnésium (Mg) et le soufre (S).
Symptômes sur tubercules : en culture, les
attaques sur tubercules sont très peu
courantes. Elles résultent d’atteintes ayant eu
lieu lors de la récolte ou de la mise en
conservation, lorsque des spores d’Alternaria
entrent en contact avec la chair des
tubercules mal indurés et/ou blessés. Les
symptômes sont des taches (jusqu’à quelques
cm) en dépression, de couleur brun – violet
ou noir métallisé (photo 4). Sur les bords, la
peau est quelque peu plissée ou soulevée. Le
tissu atteint est dur et sec, mais séparé du
tissu sain par une zone humide et jaunâtre.
La maladie peut se développer en cours de
stockage, particulièrement si le séchage et la
ventilation sont insuffisants.
La pourriture peut être confondue avec celle
provoquées par les champignons de la
gangrène (Phoma spp) et de la fusariose
(Fusarium spp).
En allemand on parle de Hartfäule pour ce
qui est du nom de l’alternariose sur
tubercules.
Il n’y a pas de lien entre des attaques plus ou
moins importantes du feuillage, et des
atteintes ultérieures des tubercules. La
contamination des tubercules aura lieu
surtout en cas d’induration insuffisante, de
récolte par temps (trop) sec et lorsque les
tubercules sont blessés (coupures, coups
mécaniques).
En Europe du nord-ouest on considère
L’alternariose est une maladie de
faiblesse (particulièrement pour A.
alternata, qui se développera surtout
sur les feuilles déjà atteintes par A.
solani, ou sur des feuilles
« faibles »), puisqu’elle se développe
Photo 4 (source: Cornell University).
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souvent que la maladie est plus un problème
sur
tubercules
que
sur
feuillage,
contrairement aux zones plus chaudes
(Europe du sud, mais aussi Afrique du sud,
centre et sud des Etats-Unis) où l’alternariose
sur feuille peut être un gros problème
(défoliation plus ou moins rapide, et donc
réduction de la photosynthèse et par
conséquent de la croissance), souvent plus
important que le mildiou lui-même !
Causes de la maladie et de son extension.
Bien que la maladie soit présente dans nos
régions depuis longtemps, c’est une
conjugaison de différents facteurs qui
explique son développement rapide et
spectaculaire ces 2 ou 3 dernières saisons aux
Pays-Bas, et, dans une moindre mesure en
Belgique et en France.
Les différentes causes du développement de
l’alternariose sont les suivantes (par ordre
d’importance):
- diminution
de
l’utilisation
des
dithiocarbamates
(mancozèbe
et
manèbe) ;
- changements climatiques : étés plus
chauds (périodes plus chaudes suivies
d’orages, de pluies abondantes) ;
-
stress plus importants (fortes températures, sécheresse, excès d’eau, vents
violents et/ou grêle provoquant plus de
blessures aux feuilles,…) ;
variétés sensibles : outre Bintje dont la
sensibilité est prouvée, il semble que des
variétés comme Agria, Ramos et Santana
soient assez sensibles également. Aziza
est même réputée très sensible ;
fertilisation
insuffisante
(manque
d’azote) mais surtout carences en
magnésium, manganèse et soufre ;
rotations (trop) courtes : les spores
d’alternariose survivent sur les déchets de
pommes de terre (fanes, tubercules
endommagés)…
-
-
-
Prévention et lutte.
Il n’existe pas de lutte curative pour contrôler
le développement et l’extension de la
maladie. L’ensemble de la « lutte » se basera
sur de la prophylaxie et des mesures
préventives :
1)
Bonnes pratiques et pratiques évitant
les stress :
- utiliser du plant sain ;
- pratiquer des rotations suffisamment
longues, tout en luttant contre les
repousses et les tas d’écarts de triage et
les déchets épandus « n’importe où » ;
- fertilisation raisonnée, en tentant d’éviter
les manques d’azote et les carences en
Mg, Mn et S ;
- respect de la terre : les travaux dégradant
les structures, le non entretien des teneurs
en
matière
organique
(teneurs
insuffisantes) conduisent à des stress plus
rapides / précoces pour les plantes en cas
de manque d’eau ;
2)
Pulvérisations préventives :
- l’utilisation de fongicides anti-mildiou à
base de dithiocarbamates, ou contenant
du mancozèbe entre la floraison et le
début de la senescence;
- ou encore mieux, l’utilisation d’un
fongicide
spécifique à l’alternariose
qu’est l’Amistar, à mélanger à la bouillie
des traitements anti-mildiou, à 2 reprises
(15 jours d’intervalle) à partir de la fin de
la
floraison,
devrait
permettre
d’empêcher l’alternariose de continuer à
se développer dans les années à venir.
Aux Etats-Unis des systèmes d’avertissement
alternariose existent, et les Néerlandais sont
occupés à élaborer le même genre de système
pour l’Europe du nord-ouest.
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Le tableau ci-après, non exhaustif, rappelle quels sont les principaux fongicides actifs
contre l’alternariose
Nom commercial
Matière active
Dose
Nombre max de
traitements *
Efficacité
2
+++
Fongicide spécifique anti-alternariose
Amistar
azoxystrobine
0,25 l/ha
Fongicides anti-mildiou avec une efficacité contre l’alternariose
Divers « mancozèbe »
ou « manèbe »
Unikat Pro
mancozèbe
d’après
12
++
manèbe
formulation
zoxamide +
1,5 à 1,8 kg/ha
10
+ + (+)
mancozèbe
Sereno
fenamidone +
1,5 kg/ha
2x3
+ + (+)
mancozèbe
Acrobat extra WG
diméthomorphe +
2 à 2,5 kg/ha
8
++
mancozèbe
Valbon
benthiavalicarbe +
1,6 kg/ha
6
++
mancozèbe
Tanos
cymoxanil +
0,5 à 0,6 kg/ha
6
++
famoxate
Galben M
bénalaxyle +
2,5 kg/ha
4
++
mancozèbe
Ridomil Gold Spécial
métalaxyl-M +
2,5 kg/ha
2
++
68 wp
mancozèbe
Source : « Carah asbl », dans « Produits phytosanitaires agréés en pommes de terre (mars
2006) », Brochure CPP
* nombre maximum de traitements contre le mildiou ; positionner contre l’alternariose à partir de
la floraison.
Des sources néerlandaises, basées sur des essais pluriannuels (dont 2005), précisent que la
strobilurine « azoxystrobine » de l’Amistar a une très bonne efficacité contre A. solani, mais une
moins bonne efficacité contre A. alternata. Le Sereno et l’Unikat Pro (contenant respectivement
de la fenamidone + manco et du zoxamide + manco) sont eux actifs tant contre A. solani que
contre A. alternata.

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