Portrait de l`engagement culturel des départements

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Portrait de l`engagement culturel des départements
Portrait de l’engagement
culturel des départements
Une étude du ministère de la Culture sur les schémas
départementaux de développement des enseignements artistiques
L’étude
A l’initiative de l’ADF, qui souhaitait un bilan sur la mise en œuvre des schémas départementaux d’enseignement artistique initial, dix ans après que la
loi en ait confié la mission aux départements, l’inspecteur de la création au
ministère de la Culture Jean-Marie Colin et le sociologue Aurélien Djakouane
ont réalisé une “Etude sur les dispositifs départementaux d’éducation et de
soutien aux arts vivants et aux arts plastiques” (mars 2015). Une enquête,
menée en collaboration avec la Fédération Arts vivants et départements et le
collectif Canopéea, qui pose la question du rôle culturel des départements,
au-delà de la seule problématique des “schémas”.
Il est rare de disposer d’un témoignage aussi précis
sur la nature et le niveau de l’engagement culturel
des départements. Un témoignage qui met à jour
la pertinence du double “regard” départemental
– celui de la préoccupation sociale et celui de la
coordination de l’action des communes, des intercommunalités et des acteurs culturels.
Transversalité et droits culturels. Cette approche
bien spécifique aux départements transparaît tout
particulièrement dans leur mise en œuvre des schémas départementaux de l’enseignement artistique,
lesquels deviennent bien souvent des schémas
intersectoriels ou transversaux d’une action publique placée sous le signe de la culture qui alimente
tout à la fois l’enseignement artistique mais aussi
les pratiques (en amateur, en lien avec l’éducation
populaire), l’éducation (avec l’EAC), les politiques
sociales au-delà des seuls aspects culturels…
Ce regard transversal semble également générer un
nouveau paradigme pour les politiques culturelles :
« La prise en compte des droits culturels pourrait
être la nouvelle valeur de l’action publique, donnant la parole aux citoyens qui sont à la fois destinataires et porteurs des contenus. Plusieurs départements ont engagé ces croisements, ou plutôt ont
enrichi leurs politiques sociales et éducatives d’une
dimension culturelle. » Du point de vue des droits
culturels, Jean-Marie Colin, souligne très positivement la distance, l’autonomie que les départements
ont su prendre vis-à-vis des principes de son propre
ministère : « Les Départements ont élaboré leurs
propres critères qui permettent d’étendre le champ
de l’action publique, en relativisant les habituels
critères d’excellence initialement défendus par le
ministère de la Culture. »
Dans le même temps, il constate aussi, d’une part,
l’adéquation du périmètre du département pour
certaines dimensions culturelles – notamment l’enseignement initial mais aussi l’EAC et la formation
professionnelle – et, d’autre part, l’efficacité des
structures sous double tutelle Etat/département que
sont (ou étaient) les ADDM. « Signalons ici le rôle
clé des organismes départementaux pour l’accompagnement des conseils départementaux, des collectivités partenaires et des différents opérateurs et
établissements. Leur action se manifeste aussi bien
dans la réalisation des états des lieux que dans la
conception et la mise en œuvre des dispositifs, et
dans certains cas des schémas eux-mêmes. »
Sur ce dernier point, on peut regretter la régression
au regard de l’histoire de la décentralisation que
constitue la disparition progressive de ces structures départementales qui, en un sens, préfiguraient
ce que pourraient être les futures ‘‘CTAP culture’’
La Lettre d’Echanges n°138
juin 2015
FNCC
Portrait de l’engagement culturel des départements
Une étude du ministère de la Culture
(si cet amendement du Sénat était confirmé par les
députés). Plus que jamais, à l’heure de la loi NOTRe,
ces structures se seraient avérées de précieux outils
de conseil, de concertation et de co-construction à
une échelle territoriale de relative proximité.
Quelques chiffres. Les auteurs de l’étude ont pu
enquêter auprès de 56 départements, ce qui confère
une évidente portée à leur conclusion principale :
« Les schémas sont venus légitimer l’action des
départements en matière d’enseignements artistiques. » Mais la loi a surtout déclenché une démarche d’états de lieux qui, aujourd’hui encore, sert
de soubassement aux politiques culturelles des
départements, bien au-delà des questions d’enseignement. Par ailleurs, 71% des départements
enquêtés ont élargi le périmètre des schémas tant
aux pratiques en amateur qu’à l’EAC. Pour ce qui
est de leur engagement vis-à-vis des amateurs, il a
été massivement réalisé en lien avec les structures
d’éducation populaire : 89% ont signé des conventionnements.
Plus encore, la dynamique des schémas n’est pas
étrangère au soutien à la création et à la diffusion
artistique, puisque 94% des départements s’y
engagent, là encore de manière un peu trop exclusive : « L’élargissement en termes d’esthétiques
et de disciplines des schémas reste encore à venir.
Ceux-ci restent essentiellement centrés sur la
musique, parfois la danse et, dans les deux cas, sur
les disciplines académiques, même si une ouverture aux musiques actuelles est notable, notamment dans les départements dotés de SOLIMA
[schéma d’orientation pour les lieux de musiques
actuelles]. »
L’enquête note également que « la prise en compte
de l’accessibilité a sans doute été accélérée par les
schémas » (à noter que les politiques en faveur
des personnes handicapées relèvent largement des
compétences départementales). De ce point de vue
plus social que culturel, les schémas ont favorisé
une réflexion sur le rôle socialisateur de la culture
dans le cadre de leurs politiques obligatoires (insertion, enfance, jeunesse, éducation…) pour 78% des
départements.
Eloge du périmètre départemental. L’enquête se
clôt par trois questions d’ordre général auxquelles
elle donne une réponse unique.
1. Transversalité au sein des politiques culturelles :
la mise en œuvre effective des schémas a montré
la pertinence du lien entre l’enseignement artistique, l’EAC, les pratiques en amateur et le soutien
à la création. « Quelle collectivité a aujourd’hui
les ressources et la volonté pour intervenir sur
l’ensemble de ces niveaux et poursuivre la structuration des schémas ? »
2. Transversalité au sein des politiques publiques
en général : les schémas ont également montré
l’importance de faire une corrélation entre l’enseignement artistique, l’éducation et les politiques sociales. « Quelle collectivité a aujourd’hui
les moyens et les compétences pour mettre en
place des politiques d’éducation artistique et
culturelle de manière transversale ? »
3. La formation professionnelle relève aujourd’hui
des régions. Pour autant, les schémas départementaux ont mis à jour l’importance de la proximité entre acteurs et collectivités pour identifier
les besoins de formation et en structurer les dispositifs. « Les régions, et a fortiori les nouvelles
régions élargies, sauront-elles préserver cette
proximité nécessaire à la mise en œuvre d’une
formation continue réactive et adaptée aux enjeux
de territoires diversifiés ? » C’est-à-dire quel type
de collectivité territoriale peut assumer efficacement le besoin de formation professionnelle de
proximité ?
La réponse est à chaque fois la même : le département. La formulation de l’étude est cependant un
peu moins catégorique : « Nous sommes convaincus de la nécessité de maintenir un niveau intermédiaire pour coordonner, expérimenter et structurer
les dispositifs, les collectivités et les opérateurs,
qu’il prenne ou non la forme d’une collectivité. »
Mais ailleurs elle prend une autre forme qui témoigne des incertitudes prolongées générées par les
allers-retours sur la perspective de suppression à
terme des départements ou encore sur la fin de la
compétence générale (qui devrait finalement être
conservée pour le sport, le tourisme et la culture
dans la loi NOTRe) : « Il apparaît nécessaire de
préserver une échelle de territoire adaptée – qui
correspond grosso modo aux actuels territoires
départementaux. »
La Lettre d’Echanges n°138
juin 2015
FNCC