Les Quanta - 2eme édition revue et mise à jour

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Les Quanta - 2eme édition revue et mise à jour
2eme
Les Quanta
édition revue et mise à jour
Georges Déjardin
Professeur à la Faculté des Sciences
de l’Université de Lyon
1937
2
AVANT-PROPOS
Ce modeste ouvrage est le résumé d’un certain nombre de conférences
faites par l’auteur à la Faculté des Sciences de Lyon et destinées aux candidats à l’agrégation des sciences physiques. Ces conférences ont été remaniées
et groupées d’une manière cohérente, afin de donner rapidement au lecteur
une vue d’ensemble sur les questions les plus importantes de la Physique moderne. Elles ont été rédigées avec le souci constant d’éviter toute complication
inutile, en insistant principalement sur les principes des théories, sur la discussion des hypothèses et la valeur des témoignages expérimentaux. L’auteur
s’est efforcé de présenter au lecteur débutant un exposé aussi simple et aussi
clair que possible des formes anciennes de la théorie des quanta, complété
par de brèves indications sur l’évolution actuelle de cette théorie.
Les ouvrages généraux auxquels le lecteur pourra utilement se reporter
sont, à l’exclusion des mémoires originaux, indiqués dans un répertoire bibliographique placé à la fin du volume. D’autre part, l’auteur s’est inspiré, à
plusieurs reprises, des remarquables leçons professées à la Sorbonne par M.
E. Bloch, au cours des années scolaires précédentes.
Lyon, mai 1929.
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AVERTISSEMENT
DE LA DEUXIEME EDITION
Afin de conserver à cet ouvrage d’initiation son caractère élémentaire,
le plan de la première édition n’a subi aucune modification. L’exposé reste
consacré en grande partie au développement et aux applications de l’ancienne
théorie des quanta qui, grâce à son caractère intuitif, reste à la portée du lecteur débutant et lui permet d’aborder ensuite plus aisément les spéculations
beaucoup plus abstraites des théories actuelles. Toutefois, pour tenir compte
des progrès considérables accomplis au cours des dernières années, une plus
large place a été réservée a la mécanique ondulatoire et à ses applications. A
cet égard, plusieurs chapitres ont subi d’mportants remaniements. En outre,
les notations ont été améliorées et les valeurs des constantes ont été revisées.
Lyon, mai 1936.
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Introduction
Les radiations
L’étude des radiations se rattache étroitement à la revision des principes
fondamentaux à partir desquels la Science s’est développée. Elle est à la base
de la théorie des quanta et de la théorie de la relativité.
Les caractères essentiels du rayonnement ont été dégagés en expérimentant tout d’abord sur les radiations qui impressionnent la rétine. Mais divers
récepteurs, substitués à l‘oeil, ont permis d’élargir considérablement le champ
très étroit des radiations visibles, et d’explorer un immense domaine s’étendant des grandes ondes de la télégraphie sans fil aux rayons X et γ. Nous
pouvons actuellement considérer la lumière, ou rayonnement, comme un mécanisme très général d’échange d’énergie entre les corps, indépendamment de
toute action physiologique.
Théories de la lumière
Les théories de la lumière se ramènent à deux types distincts et, en apparence, irréductibles. Dans les théories, ”ondulatoires”, la lumière est envisagée comme un phénomène périodique continu dans le temps et dans l’espace
(éther). Il est utile de rappeler ici les conceptions essentielles sur lesquelles
reposent ces théories. Malgré leur simplicité, elles permettent d’interpréter
exactement tous les phénomènes de l’optique classique : interférences, diffraction, polarisation.
1. Le rayonnement émis par une source quelconque est un ensemble complexe constitué par une infinité d’éléments indépendants et indécomposables, formant une suite continue, appelés radiations simples ou monochromatiques.
2. Chaque radiation simple est due a une perturbation périodique sinusoı̈dale se propageant dans le vide ou la matière transparente avec une vitesse uniforme. On peut la définir numériquement, soit par sa fréquence,
5
6
soit par sa période dans l’espace ou longueur d’onde. Sans préciser la
nature de la perturbation, il convient de la caractériser par les variations d’un vecteur perpendiculaire à la direction de propagation(dans
les milieux isotropes).
3. Tout faisceau lumineux effectue un transport d’énergie entre le corps
qui l’émet et celui qui le reçoit. Dans le cas d’une radiation simple,
l’énergie transportée par unité de temps, ou intensité énergétique, est
proportionnelle au carré de l’amplitude de la perturbation.
Sous sa forme la plus parfaite, la théorie des ondulations admet qu’en
tout point d’une onde plane monochromatique existent un champ électrique
et un champ magnétique périodiquement variables, contenus dans le plan de
l’onde et, à chaque instant, perpendiculaires entre eux. L’expérience montre
que les effets physiologiques ou photographiques du rayonnement doivent être
attribués au vecteur électrique.
La théorie électromagnétique s’est substituée avec avantage à la conception de l’éther élastique. Mais il ne faut pas oublier que ces deux aspects de
la théorie ondulatoire ne diffèrent que par la signification physique des grandeurs qui interviennent ; ils reposent tous deux sur l’hypothèse de variations
périodiques continues et sur la notion de propagation d’ondes transversales.
Les formes mathématiques de la théorie de Fresnel subsistent intégralement
dans celle de Maxwell.
Aussi, malgré l’importance de la synthèse réalisée, d’importants phénomènes restent en dehors du cadre de la théorie électromagnétique. Ils se
manifestent à l’occasion des échanges d’énergie entre la matière et le rayonnement, par émission ou par absorption. Ces échanges ne peuvent avoir lieu
que par quantités finies (ou quanta) égales à hµ, µ désignant la fréquence
du rayonnement considéré et h étant une constante universelle. L’existence
des ”phénomènes de quanta” a donc provoqué un retour aux hypothèses disccontinues, défendues autrefois, sous une forme primitive, par Newton(théorie
corpusculaire de l’émission). Le développement de nos connaissances sur le
rayonnement du corps noir, sur l’émission spectrale, l’étude de l’action photoélectrique, la découverte de l’effet Compton (variation de longueur d’onde
par diffusion) ont apporté les preuves décisives d’une structure discontinue
de 1’énergie rayonnante. A cet égard, la conception la plus hardie est celle
d’Einstein qui postule pour le rayonnement une constitution granulaire (théorie des quanta de lumière) et qui se pose ainsi en contradiction absolue avec
l’optique des interférences et de la diffraction.
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Insuffisance de la Mécanique classique
En réalité, la Physique tout entière résulte d’une association entre les
hypothèses continues et les conceptions discontinues. Comme nous l’avons
rappelé, la théorie ondulatoire du rayonnement est entièrement soumise a
l’idée de continuité. Au contraire, la Physique de la matière a pour bases
fondamentales les notions expérimentales d’atome et d’électron combinées
aux principes de la mécanique newtonienne. Jusqu’à notre époque, on peut
dire que les phénomènes physiques et chimiques sont venus se grouper dans
deux domaines distincts, relatifs aux propriétés des radiations et a celles
de la matière, et caractérisés par des méthodes d’explication radicalement
opposées. La découverte des ”phénomènes de quanta” a permis justement
aux deux doctrines de s’affronter.
En effet, les explications fondées sur la théorie des quanta impliquent
l’insuffisance de la dynamique classique. On peut montrer (Poincaré) que
les équations de la mécanique newtonienne, appliquées aux mouvements des
particules matérielles dans les sources de lumière, sont incompatibles avec la
formule de Planck, relative à l’émission du corps noir et vérifiée avec précision par l’expérience. La dynamique classique conduit, en effet, à la formule
inexacte de Lord Rayleigh. On peut prouver également que les spectres de
raies des éléments ne peuvent s’interpréter qu’au moyen de nouvelles lois dynamiques basées sur la discontinuité de certaines fonctions. En définitive, les
”phénomènes de quanta” paraissent en contradiction absolue aussi bien avec
les lois newtoniennes qu’avec les hypothèses de la theorie électromagnétique.
But de l’ouvrage
Nous nous proposons, dans cet ouvrage élémentaire, d’exposer très succinctement les bases et le développement de la théorie des quanta. Nous
éviterons autant que possible les complications d’ordre mathématique pour
insister au contraire sur les principes fondamentaux et sur les vérifications
expérimentales. Nous pensons qu’un tableau détaillé des faits suffira pour
faire apprécier au lecteur débutant le caractère original et la puissance de la
théorie. Dès maintenant, nous tenons àl faire remarquer que la capacité d’interprétation des nouveaux principes est assez limitée. Pour élargir leur champ
d’application, il a fallu essayer de rétablir la liaison avec la théorie électromagnétique (principe de correspondance de Bohr). Mais de tels compromis sont
essentiellement provisoires et ne peuvent faire oublier le désaccord absolu qui
existe entre les conceptions discontinues et la théorie classique du rayonnement. Pour permettre à la Physique de sortir de l’impasse où elle se trouvait
8
engagée, il fallait remanier à, la fois la dynamique newtonienne et l’optique
classique électromagnétique. C’est le but poursuivi et atteint en grande partie par la nouvelle mécanique ondulatoire (L. de Broglie, Schrödinger) qui se
propose « de fondre la dynamique avec la théorie des ondes convenablement
généralisée et d’abattre ainsi les barrières qui séparaient la Physique de la
matière de la Physique des radiations 1 ».
1. L. DE Broglie, Conférence du Centenaire de Fresnel, Revue d’optique, 6, 1927, p
552.
Chapitre 1
Le rayonnement noir et
l’hypothèse des quanta
1.1
Rayonnement dans une enceinte
isotherme 1
Nous désignons par rayonnement ”noir”(expression incorrecte, mais consacrée par l’usage) le rayonnement d’origine thermique qui existe à l’intérieur
d’une enceinte isotherme, une fois l’état stationnaire réalisé (état d’entropie
maximum), On sait qu’a l’intérieur d’une telle enceinte, l’énergie rayonnante
est complètement diffusée, c’est-à-dire répartie uniformément dans toutes les
directions, et qu’elle ne présente aucune trace de polarisation. Le rayonnement noir est caractérisé par son intensité spécifique désignée, dans le cas du
vide, par Eλ , et relative à un intervalle spectral très étroit : λ, λ + dλ à une
direction déterminée et et un plan de polarisation quelconque passant par
cette direction. La grandeur Eλ , de même nature qu’un pouvoir émissif, ne
dépend que de la longueur d’onde λ et de la température absolue T , ce qui
s’exprime par la relation :
Eλ = F (λ, T )
(1.1)
dans laquelle la fonction F représente la distribution de l’énergie rayonnante entre les diverses longueurs d’onde.
La densité spectrale énergétique du rayonnement noir, c’est-à-dire la quantité d’énergie par unité de volume, pour une longueur d’onde déterminée λ
(à dλ près), a pour expression :
1. Pour toutes les notions générales sur le rayonnement, nous renvoyons à l’ouvrage de
M. Blanc, dans la même collection : Rayonnement et principes scientifiques de l’éclairage
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10
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
8π
Eλ dλ
(1.2)
c
Si l’on considère le pouvoir émissif (ou brillance spectrale énergétique)
et le pouvoir absorbant (ou facteur d’absorption) correspondant au même
point de la surface d’un corps, à, la même longueur d’onde, a la même direction et au même plan de polarisation, on démontre que leur rapport est
identique pour tous les corps et égal à l’intensité spécifique du rayonnement
dans le milieu environnant (loi de Kirchhoff). Le pouvoir émissif du corps
noir (absorbant parfait ou radiateur intégral) dans le vide est donc égal à Eλ .
La fonction F (λ, T ) est universelle, indépendante des propriétés particulières du corps noir considéré. Les principes de la thermodynamique permettent de préciser notablement les caractères de cette fonction, sans en
donner toutefois l’expression complète.
µλ dλ =
1.2
1.2.1
Lois de rayonnement du corps noir
Loi de Stefan
La radiance énergétique totale R du corps noir (énergie rayonnée par
seconde, par cm2 , dans toutes les directions et pour toutes les fréquences) est
proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue :
∫ ∞
R = 2π
Eλ dλ = σ T 4
0
σ = 5, 71 10−5 c.g.s. (cm2 , erg-sec, degré centigrade).
La densité énergétique totale du rayonnement noir est donc :
8π
U=
c
1.2.2
∫
∞
Eλ dλ =
0
4
σ T 4 = 7, 62 10−15 T 4
c
ergs : cm3
(1.3)
Loi du déplacement de Wien
Considérons les courbes représentant, à température constante (courbes
isothermes), la répartition de l’énergie dans le spectre du corps noir. On passe
de la courbe relative à T10 à celle qui correspond à T20 en multipliant l’abscisse
λ de chaque point par TT21 et l’ordonnée correspondante Eλ par ( TT12 )5 . Il en
résulte, pour la lonction F , les deux formes équivalentes :
E = T 5 f (λT ) = λ−5 φ(λT )
(1.4)
1.3. PRESSION DE RADIATION
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f et φ étant des fonctions du seul produit λT
On peut remarquer que la loi précédente conduit un pouvoir émissif total proportionnel a T 4 ; elle contient donc la loi de Stefan. Chaque isotherme
présente un maximum unique dont lŠabscisse λm est inversement proportionnelle à la température absolue : λm T = k, k = 2884 (λm étant exprimée en
microns).
Pour obtenir les lois de Stefan et de Wien à partir des principes de la thermodynamique, il faut tenir compte de l’existence de la pression de radiation
et de l’effet Doppler-Fizeau.
1.3
Pression de radiation
L’action mécanique du rayonnement sur la matière joue un rôle capital
dans toutes les considérations théoriques relatives aux radiations. Elle fait
intervenir, sous une forme particulièrement simple, l’énergie rayonnante, dégagée de tout support matériel, et la force mécanique, appliquée directement
à la matière. Une surface plane parfaitement absorbante (surface noire), recevant normalement une onde plane, est soumise à une pression normale égale
à la densité énergétique totale de l’onde.
On peut démontrer l’existence d’une telle pression par un raisonnement
simple fondé sur la thermodynamique (Bartoli) et méme trouver sa valeur
en admettant la loi de Stefan, considérée comme loi expérimentale. Mais on
obtient les mêmes résultats au moyen de la théorie électromagnétique. Sans
entrer dans le détail des calculs, nous dirons seulement qu’il est possible
de déduire des équations de Maxwell des relations analogues à celles qui
expriment, en mécanique, la conservation de la quantité de mouvement. Ces
relations peuvent s’interpréter en attribuant au rayonnement une certaine
⃗ = P⃗2 , P⃗
densité de quantité de mouvement représentée par le vecteur : G
c
désigant le vecteur radiant de Ponting et c la vitesse de la lumière.
Dans le cas d’une onde plane se propageant dans le vide, les vecteurs
⃗ parrallèles à la direction de propagation, ont pour valeur : P =
P⃗ et G
2
1
c
E H et G = 4πc
E H ; l’énergie par unité de volume est égale à E4π
4π
(E et H désigant les valeurs numériques identiques des champs électrique et
magnétique exprimées respectivement en unités él. st. et en unités é. m.).
Il en résulte que la quantité demouvement transportée par l’onde, en une
seconde, à travers l’unité de surface normale à la direction de propagation
est égale au quotient du flux d’énergie par la vitesse de la lumière, c’est-à-dire
à la densité énergétique de l’onde. Si le faisceau est complètement absorbé
(surface noire), c’est justement cette quantité de mouvement qui disparaı̂t
par seconde et qui, par conséquent, mesure la pression normale exercée sur
12
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
la surface.
En mécanique, la notion de quantité de mouvement est associée intimement à celle d’énergie cinétique. L’attribution au rayonnement d’une certaine
quantité de mouvement ne peut donc nous surprendre, puisqu’il s’agit alors
d’énergie possédant au plus haut degré le caractère cinétique. ll est donc
naturel d’admettre que les actions mutuelles de la matière et du rayonnement sont régies par les lois fondamentales de la mécanique de la matière :
conservation de l’énergie et conservation de la quantité du mouvement. Nous
retrouverons cette considération dans certaines applications de la théorie des
quanta. On peut d’ailleur la justifier plus directement en faisant appel à la
théorie de la relativité, d’après laquelle toute énergie possède une masse égale
au quotient de sa valeur par le carré de la vitesse de la lumière. Puisque la
quantité de mouvement est égale au produit de la masse par la vitesse, la
densité de quantité de mouvement est bien égale, comme le montre la théorie
électromagnétique, au quotient de la densité d’énergie par la vitesse de la
lumière.
1.4
Etude expérimentale du rayonnement noir.
Formule de Planck
Les résultats expérimentaux relatifs à l’émission du corps noir permettent
de construire les courbes isothermes, donnant la répartition spectrale de
l’énergie à une température déterminée, ou les courbes isochromatiques, donnant la variation du pouvoir érnissif avec la température pour une longueur
d’onde unique. Les fonctions F , f et φ, qui figurent dans les expressions
(1.1) et (1.4), doivent être choisies de manière à représenter correctement les
variations observées. En particulier, il faut que les valeurs de Eλ devienne
négligeable pour les longueurs d’ondes très petites ou très grandes, avec un
maximum unique pour une certaine longueur d’onde intermédiaire.
La formule suivante, proposée par Planck, s’accorde avec l’ensemble des
résultats obtenus (aux erreurs d’expérience près, c’est-à-dire à moins de 1 p.
cent près) pour toutes les longueurs d’ondes et à toutes les températures :
Eλ = C1 λ−5
C2
eλT
1
−1
(1.5)
Cette pression est bien de la forme imposée par la loi de Wien. C1 et C2 sont
deux constantes et e la base des logarithmes népériens.
C1 = 5884 (micron, degré, watt) = 0.5885 10−5 c.g.s.
C2 = 14320 (micron, degré) = 1.432 c.g.s.
1.5. NÉCESSITÉ D’UNE THÉORIE NOUVELLE
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Figure 1.1 –
Pour les grandes valeurs de λT , on peut conserver seulement les deux
premiers termes du développement en série de l’exponentielle. On obtient
ainsi la formule de Lord Rayleigh :
λT
= O′ T λ−4
C2
Cette expression est certainement incorrecte (sauf pour les très grandes
valeurs de λT , comme l’indique la figure 1.1). Elle donne en effet pour chaque
température, un pouvoir émissif augmentant constament lorsque la longueur
d’onde diminue.
∫ ∞L a densité d’énergie du rayonnement noir, proportionnelle
à l’intégrale : 0 Eλ dλ, serait infinie à toutes température.
Eλ = C1 λ−5
Figure 1.2 –
La figure 1.2, qui représente des courbes isochromatiques, permet également la comparaison entre les formules de Planck et de Lord Rayleigh.
1.5
Nécessité d’une théorie nouvelle
Avant d’indiquer sur quelles bases théoriques repose la formule 1.5, il
est utile d’insister sur le fait essentiel qui va nous obliger à renoncer à la
14
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
mécanique newtonienne :
Le rayonnement existant, à l’état stationnaire, dans une enceinte isotherme, possède une densité énergétique totale finie, ayant pour valeur :
U = 7.62 10−15 T 4 ergs :cm3. L’intensité spécifique Eλ est négligeable pour
les longueurs d’onde très petites ou très grandes.
Considérons, par exemple 2 , une enceinte aux parois réfléchissantes renfermant un fragment de fer à 0˚ C. En supposant l’état stationnaire réalisé, l’énergie rayonnante, à l’intérieur de l’enceinte, a pour densité : 4 10−5
ergs :cm3, tandis que l’énergie calorifique du fer (calculé à partir de sa densité
et de sa chaleur spécifique) est de l’ordre de 1010 ergs :cm3 , soit 2 1014 fois
plus grande que la précédente. L’énergie contenue dans l’enceinte est donc
fortement concentrée à l’intérieur du fer ; elle peut être attribuée presque tout
entière aux vibrations atomiques du métal.
Le système constitué par l’enceinte, la masse de fer et le rayonnement,
présente une certaine analogie avec d’autres systèmes purement matériels, auquels nous pouvons appliquer les lois ordinaires de la mécanique. Imaginons,
par exemple, un ensemble de balles sphériques, réunies par de légers ressorts,
et supposons que cet ensemble soit agité violemment avant d’être introduit
dans un récipient clos remplis d’air. Les mouvements des shères donnent naissance à des ondes aériennes qui, par la suite de la viscosité du milieu, seront
dissipées rapidement. Dans l’état final, les sphères seront pratiquement au
repos (elles seront, si l’on veut, annimées d’un mouvement brownien correspondant à leur grosseur), et toute l’énergie initiale sera contenue dans l’air
ambiant. Admettons qu’au début de l’expérience, la température de l’ai soit
très voisine du zéro absolu ; désignons par n le nombre des molécules diatomiques du gaz et par n’ le nombre de balles introduites dans le récipient.
L’énergie du système a pour expression : (5/2n + 3/2n’)kT , k désigant la
constante de Boltzman, c’est-à-dire la constante des gaz relative à une molécule 3 . La température d’équilibre T est telle que l’énergie précédente soit
égale à l’énergie des vibrations des sphères, au moment de leur introduction
dans la cavité. Puisque n est très grand par rapport à n’, l’énergie concervée
par les balles est négligeable par rapport à l’énergie totale.
Quelle que soit la complexité de l’agitation moléculaire, on peut, à chaque
instant, identifier le mouvement des molécules avec celui qui résulterait d’un
certain système d’ondes aériennes ayant exactement la même énergie. En
supposant les vitesses des molécules distribuées suivant la loi bien connue
de Maxwell, on peut calculer la densité d’énergie µλ de ce système, pour les
2. Les exemples de ce paragraphe sont empruntés à l’ouvrage de JEANS, Théorie du
rayonnement et des quanta, éd. franç., p. 3.
3. Voir E. BLOCH, Théorie cinétique des gaz, collection Armand Colin, p 53-65
1.5. NÉCESSITÉ D’UNE THÉORIE NOUVELLE
15
ondes de longueur λ, à dλ près. La loi de distribution ”spectrale” de l’énergie
est représentée par la formule suivante :
µλ dλ = 4π kT λ−4 dλ
(1.6)
Nous remarquons immédiatement que la loi de Rayleigh conduirait , dans
le cas du rayonnement, à une expression tout à fait analogue :
µλ dλ =
8π
CT λ−4 dλ
c
En réalité, la formule (1.6) ne peut s’appliquer à des ondes de longueur
comparable aux distances intermoléculaires. Mais on obtient une approximation convenable en admettant qu’il n’existe pas d’ondes de longeur inférieure
à une certaine limite λm , déterminée en égalant l’énergie totale des molécules
à l’intégrale :
∫
∞
λm
4π kT λ−4 dλ =
4
πkT λ−3
m
3
Pour l’air de notre cavité, λm est de l’ordre de 10−7 cm et l’expression précédente montre qu’un millionième seulement de l’énergie totale appartiendra
aux ondes de longueur supérieure à 10−5 cm.
En résumé, la généralisation des résultats précédents conduit à la loi suivante, qui est une conséquence directe de la mécanique classique :
Quel que soit le milieu considéré (gaz ou liquide), l’énergie des corps qui
s’y meuvent tend à se concentrer dans le millieu lui-même et, dans l’état
stable, on la retrouve associée aux ondes les plus courtes que le millieu peut
supporter.
Cette conclusion ne peut évidemment s’appliquer au cas du rayonnement.
S’il en était ainsi, notre fragment de fer à 0˚ émettrait surtout des rayons
visibles et ultraviolets. La formule de Lord Rayleigh n’exprime qu’une loi
limite valable pour les valeurs extrèmements grandes de la variable λT .
Toutefois, au lieu d’attribuer la divergence des résultats à l’insuffisance de
la mécabique classique, on pourrait en déduire un argument contre l’existance
de l’éther, considéré comme support du rayonnement. Mais la théorie de la
relativité nous apprend qu’aucune considération d’ordre mécanique ne peut
permettre de ce prononcer sur l’existance de l’éther. Comme le fait remarquer
Jeans, ”les équations du rayonnement et de l’absorption de l’énergie sont
précisément les mêmes, que l’énergie soit rayonnées ou absorbée, dans un
éther ou dans un espace vide”.
16
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
1.6
Application de la mécanique classique au
problème du rayonnement
Quel que soit l’intérêt des comparaisons précédentes, il importe d’en préciser les résultats en discutant directement le problème du rayonnement,
conformément aux lois classiques de la dynamique.
Pour obtenir la loi de répartition spectrale de l’énergie dans le rayonnement noir, il faut exprimer que la quantité d’énergie rayonnée par la matière présente dans l’enceinte isotherme est égale à l’énergie absorbée. On
conçoit que l’émission et l’absorption des radiations puisse s’effectuer par des
mécanismes différents, d’importance relative variable suivant les substances
considérées. Dans son premier mémoire sur la théorie des quanta, Planck
raisonnait sur une substance idéale capable d’échanger de l’énergie avec le
rayonnement uniquement par l’intermédiaire d’un très grand nombre d’oscillateurs électriques, ayant chacun une période propre bien déterminée. Chaque
oscillateur serait constitué, par exemple, par une particule électrisée vibrant
harmoniquement autour d’un point, sous l’action d’une force de rappel proportionnelle à l’écart. La vibration d’un tel système s’accompagne, d’après les
lois de la l’électromagnétisme, de l’émission d’une onde de même fréquence.
Inversément, le champ électrique d’une onde incidente peut provoquer les
vibrations d’un oscillateur fonctionnant alors comme résonateur. D’autres
contributions aux échanges d’énergie peuvent être envisagées, par exemple le
rayonnement des électrons libres dans les métaux, l’effet photoélectrique, etc.
Mais on sait que le rayonnement noir est indépendant de la nature des parois
de l’enceinte et des corps qu’elle renferme. Il en résulte que chaque mécanisme
particulier d’émission et d’absorption (même hypothétique, pourvu qu’il soit
conforme aux lois de la thermodynamique et de l’électromagnétisme) doit être
susceptible de réaliser dans l’enceinte le rayonnement noir normal. La loi de
distribution de l’énergie peut donc être obtenue en considérant séparément
l’un ou l’autre de ces mécanismes (par exemple, les résonateurs de Planck).
Le calcul complet, effectué dans plusieurs cas (résonateurs, électrons libres,
etc.), conduit effectivement à la même expression pour la densité spectrale
énergétique :
µλ dλ = 8π W λ−4 dλ
(1.7)
W représentant l’énergie totale moyenne (cinétique et potentielle) d’u résonateur, ou le double de l’énergie cinétique moyenne d’un électron libre. D’après
la théorie cinétique, W = kT et l’expression précédente devient :
µλ dλ = 8π kT λ−4 dλ
(1.8)
Sans supposer que l’éther existe ou non, on obtient ainsi, au facteur 2
1.7. DEGRÉS DE LIBERTÉ D’UN MILIEU CONTINU
17
près, la même loi de répartition de l’énergie que pour les ondes aériennes
considérées précédemment. Nous savons que cette loi, exprimée par la formule
de Rayleigh, est en désaccord flagrant avec l’expérience.
1.7
Degrés de liberté d’un milieu continu
La formule 1.8 peut être interprétée très simplement en admettant l’existence d’un éther auquel s’appliqueraient les lois de la dynamique. Nous savons déjà que cette hypothèse ne peut conduire à aucune contradiction, et
que l’étude du rayonnement ne permet en aucune façon de la vérifier ou de
l’infirmer.
Rappelons tout d’abord la définition du nombre de degrés de liberté d’un
système matériel soumis à certaines liaisons. La position et la configuration
géométrique d’un tel système dépendent uniquement, à chaque instants, des
valeurs numériques de k paramètres indépendants q1 , q2 ... qk (coordonnées
cartésiennes, angles, surfaces, etc.) appelés coordonnées généralisées.
Le déplacement élémentaire le plus général du système, compatible avec
les liaisons qui lui sont imposées, s’obtient donc en faisant subir aux paramètres q des variations arbitraires δq. C’est pourquoi on dit que le système
possède k degrés de libertés. Par exemple un corps solide mobile autour d’un
point fixe a trois degrès de liberté (trois angles suffisent en effet pour déterminer sa position). Un corps solide libre possède six degrés de liberté :
trois coordonnées pour fixer la position du centre de gravité et trois angles
donnant la position du corps autour de ce point.
Dans un milieu continu, ou tout du moins de structure extrêmement fine
(gaz, éther, solide élastique), contenu dans une enceinte close, il faut entendre
par nombre de degrés de liberté le nombre des vibrations qui peuvent faire
entrer l’enceinte en résonance, c’est-à-dire qui correspondent aux périodes
propre de cette enceinte. A l’intérieur de celle-ci, la possibilité d’existence
d’un système d’ondes stationnaires est subordonnée à certaines conditions
provenant des réflexions sur les parois. Le nombre de degrés de liberté, correspondant aux fréquences des divers trains d’ondes que le milieu peut transmettre, est une fonction de la longueur d’onde ; nous le rapporterons à l’intervazlle étroit : λ, λ+dλ et à l’unité de volume. Des considérations élémentaires
d’homogénéité conduisent immédiatement à l’expression suivante :
Cλ−4 dλ
C étant une constante numérique dépendant des propriétés du milieu. Le
calcul complet 4 donne C = 4π pour un gaz, C = 8π pour l’éther et C = 12π
4. JEANS, Théorie dynamique des gaz, éd. franç., p 404. LORENTZ, Theory of elec-
18
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
dans le cas d’un solide élastique. Les rapports de ces trois nombres s’expliquent aisément : un gaz ne peut suporter que des vibrations longitudinales, tandis que l’éther peut être le siège de deux vibrations transversales
indépendantes, correspondant à deux plans de polarisation rectangulaires.
Enfin, dans un solide élastique, des ondes de compression et des ondes de
distorsion peuvent exister et se propager avec des vitesses différentes.
1.8
Equipartition de l’énergie
Pour retrouver la formule 1.8, il suffit à présent d’appliquer aux vibrations
libres de l’éther le théorème d’équipartition de l’énergie.
Considérons un système mécanique possédant k degrés de liberté ; désignons les coordonnées généralisées par q1 , q2 ... qk . L’état dynamique du
système (position et vitesse), à chaque instant, sera déterminé par la valeur
des paramètres qi et de leurs dérivées qi′ par rapport au temps. En général,
le système possèdera une certaine énergie potentielle Wp , fonction des paramètres qi (dans l’hypothèse d’une fonction des forces) et une énergie cinétique
Wc , fonction des qi et des qi′ . Si les liaisons sont indépendantes du temps, ce
que nous supposerons toujours, on montre aisément que Wc est une fonction
quadratique positive des dérivées qi′ , que nous désignerons par p1 , p2 ... pk :
δWc
δWc
= p1 , ..., ′ = pk
′
δq1
δqk
Ces nouvelles variables sont appelées quantités de mouvement généralisées
ou simplement ”moments” (si q représente un angle, p a les mêmes dimensions
que le moment d’une quantité de mouvement) ?
Rappelons encore que les équations générales du mouvement d’un système
quelconque peuvent s’écrire sous une forme très simple, indépendante du
choix des coordonnées généralisées :
dqi
δH dpi
δH
=
,
=
dt
δpi dt
δqi
Ces équations ”canoniques” d’Hamilton forment un système de 2k équations différentielles du premier ordre. La grandeur H fonction des qi et des
pi , représente l’énergie totale du système : Wp + Wc .
trons, p 93. On démontre que ce résultat est indépendant de la forme de l’enceinte. Pour
qu’il soit valable, λ doit être grand par rapport à l’échelle de la structure du milieu, s’il
est granuleux, et petite par rapport à ses dimensions.
1.8. EQUIPARTITION DE L’ÉNERGIE
19
Puisque l’énergie cinétique Wc est une fonction homogène du second degré des vitesses q ′ , ou des moments pi , il est possible, par un changement
convenable des variables, d’écrire Wc sous la forme d’une somme de carrés :
1∑
αi ri2
2Wc = α1 r12 + α2 r22 + ... + αk rk2 ou Wc =
2
Les coéfficients αi peuvent dépendrent des coordonnées de position qi . Les
nouvelles variables de vitesse ri s’appellent des ”momentoı̈des” (Boltzman).
Les considérations précédentes servent de base à la mécanique statistique
(Boltzman, Gibbs), dont nous indiquerons seulement quelques formules essentielles.
Nous supposerons que le nombre de degrés de liberté est très grand pour
le système consodéré. Il s’agit, par exemple, d’une masse gazeuse en équilibre
thermique, contenant un très grand nombre de molécules d’epèces variées.
Quelle est, dans ce cas, la loi de distribution de l’énergie entre les molécules ?
D’une manière plus précise, quel est, par unité de volume, le nombre dn d’une
certaine espèce, dont les coordonnées de position qi soient comprises entre les
limites : q1 , q1 + dq1 ; q2 , q2 + dq2 ; etc ... et les momentoı̈des ri entre les
limites : r1 , r1 + dr1 ; r2 , r2 + dr2 ; etc ... ? Au point de vue statistique, ce
problème comporte une seule solution 5 représentée par l’expression :
dn = nf (q1 , q2 , ...r1 , r2 , ...)dq1 dq2 ...dr1 dr2 ...
avec :
(1.9)
f = Ae− kT
W
A est une constante caractéristique de l’espèce de molécules considérée ; n
désigne le nombre de ces molécules par cm3 , W l’énergie totale (cinétique et
potentielle) d’une molécule, e la base des log. népériens, k la constante de
Boltzman et T la température absolue.
D’autre part, on peut calculer l’énergie cinétique moyenne attachée à l’un
quelconque des momentoı̈des. On trouve :
1
kT
αi ri2 =
2
2
Il y a équipartition de l’énergie cinétique entre les divers momentoı̈des
appartenant à toutes les molécules.
Enfin, pour certains ensembles, l’énergie potentielle d’un système se présente sous la forme :
1∑ 2
2Wp = β1 q12 + β2 q22 + ... + βk qk2 ou Wp =
β i qi
2
5. E. BLOCH, Théorie cinétique des gaz, p. 58.
20
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
i variant alors de 1 à k.
On démontre alors que le même théorème s’applique :
1
kT
βi qi2 =
2
2
Ces conclusions peuvent être généralisées dans le cas d’un système complexe quelconque dont l’évolution est soumise aux lois de la mécanique newtonienne. On démontre qu’elles restent valables pour toute fraction de l’énergie
totale pouvant s’exprimer sous la forme d’une somme de carrés. La répartition ”normale” de l’énergie (c’est-à-dire infiniment plus probable que toute
autre) est telle que la valeur moyenne de la contribution apportée par chaque
terme (coordonnée de position ou de vitesse) est égale à kT
. C’est préci2
sément le cas pour les vibrations libres indépendantes considérées au paragraphe précédent ; s’il s’agit des vibrations d’une masse gazeuse, la distribution ”spectrale” de l’énergie sera donnée par la formule 1.6. La généralisation
est encore admissible en ce qui concerne l’éther et le rayonnement, car les
lois qui régissent les phénomènes électromagnétiques sont analogues à celles
de la mécanique (Maxwell, Larmor). Considérons donc le système constitué
par l’enceinte isotherme, l’éther et les corps qui y sont plongés. Le nombre
de vibrations distinctes de l’éther, par unité de volume et pour l’intervalle
spectrale : λ, λ + dλ, est égale à 8πλ−4 dλ. A chaque vibration, c’est-à-dire
à chaque degré de liberté, correspond, dans l’expression de l’énergie totale,
Ideux termes carrés (l’un cinétique et l’azutre potentiel, ou l’un électrique et
l’autre magnétique). La densité spectrale énergétique a donc pour valeur :
µλ dλ = 2 ×
kT
× 8πλ−4 dλ = 8π kT λ−4 dλ
2
Nous retombons précisément sue la formule 1.8, qui correspond à la loi
limite de Lord Rayleigh.
1.9
Hypothèse des quanta
Le raisonnement suivant, dû à Jeans, permet d’arriver très rapidement à
la formule de Planck.
Considérons un très grand nombre N de vibrations (mouvements harmoniques simples), sans spécifier d’ailleurs s’il s’agit d’oscillations matérielles
(résonateurs) ou de vibration de l’éther. Supposons que l’énergie de chacune
de ces oscillations soit nécessairement l’une des valeurs : 0, ε, 2ε, 3ε, etc.,
formant une suite discontinue, à l’exclusion de toute autre valeur. Cherchons
à évaluer le nombre de vibrations correspondant à chaque énergie possible.
1.9. HYPOTHÈSE DES QUANTA
21
Nous pouvons associer à chaque vibration un système dynamique analogue aux molécules considérées précédemment, et appliquer la loi de distribution des coordonnées exprimée par la formule 1.9. A chaque vibration
correspond un paramètre de ”position” x, et l’énergie totale est de la forme :
W = 12 (ax′2 + bx2 ), a et b étant deux constantes. La loi de distribution des
W
coordonnées est représentée par la formule : A e− kT dx dx′ et on montre aisément que la loi de distribution des valeurs de W s’exprime par une relation
W
analogue : B e− kT dW .
Par conséquent, en désignant par n le nombre de vibrations d’énergie
ε
2ε
nulle, nous aurons n e− kT vibrations d’énergie ε, n e− kT vibrations d’énergie
2ε, ect. Ces nombres doivent stisfaire à la relation :
(
)
ε
2ε
n
N = n 1 + e− kT + e− kT + ... =
(1.10)
ε
1 − e− kT
L’énergie totale des N vibrations est, d’après le calcul précédent :
ε n e− kT + 2ε n e− kT =
ε
2ε
Nε
e
−1
ε
− kT
Jusqu’ici, nous n’avons pas précisé la nature des vibrations considérées.
Admettons en premier lieu qu’il s’agisse de vibrations d’un éther possédant
les propriétés d’un milieu matériel continu, Nous aurons alors = 8π λ−4 dλ
vibrations par unité de volume, soit une densité spectrale énergétique égale
à :
ε
µλ dλ = 8π λ−4 dλ ε
(1.11)
kT
e −1
Pour passer de cette expression à la formule de Planck 1.5, il suffit de
définir ε par la relation : ε = h ν , h désignant la constante fondamentale
appelée constante
(
) de Planck et ν la fréquence correspondant à la longueur
c
d’onde λ ν − λ . Nous obtenons ainsi :
µλ dλ = 8π λ−4 dλ
hν
e
hν
kT
−1
= 8π hc λ−5 dλ
1
e
hc
kλT
−1
(1.12)
Nous avons supposé que l’énergie rayonnante, considérée sous l’aspect de
vibration de l’éther, ne peut exister que sous forme de quanta complet de
valeur ε = h ν. Si nous passons à la limite, en faisant tendre ε vers 0 (ou h vers
0), c’est-à-dire en abandonnant l’hypothèse de la discontinuité de l’énergie,
nous retombons effectivement sur la formule de la mécanique classique 1.8.
On parvient encore à l’expression 1.11 en supposant, avec Planck, que les
vibrations considérées ici sont celles de N résonnateurs de même fréquence,
dont l’énergie ne pourrait se manifester, dans l’émission et dans l’absorption,
22
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
que sous forme de quanta complet de valeur ε. D’après les calculs précédents,
l’énergie totale de ces résonnateurs est kTεNε et l’énergie moyenne de chacun
e
−1
d’eux : kTεε , au lieu de kT , valeur donnée par le théorème d’équipartition de
e
−1
l’énergie. Planck remplace donc, dans l’expression 1.7, W par la valeur précédente et obtient ainsi la formule 1.11. La validité d’un tel raisonnement peut
être contestée, car il repose en réalité sur des bases incompatibles : la théorie
éléctromagnétique classique, qui conduit à la formule 1.7, et l’hypothèse des
quanta, qui donne l’énergie moyenne d’un résonateur.
Dans une seconde théorie, Planck s’est efforcé d’atténuer le caractère révolutionnaire de l’hypothèse des quanta, en admettant uniquement la discontinuité de l’émission, l’absorption s’effectuant au contraire d’une manière
continue. Nous laisserons de côté cette théorie remaniée, qui se heurte également à de sérieuses objections. Nous reproduirons au contraire la démonstration d’Einstein, qui relie d’une manière remarquable les résultats classiques
de Planck aux conceptions fondamentales de Bohr.
1.10
Démonstration d’Einstein
Comme dans la théorie de Planck nous admettrons qu’un grand nombre
de systèmes (molécules, atomes, résonnateurs) prennent part à l’émission et
à l’absorption du rayonnement. Mais nous supposerons seulement que ces
molécules ne peuvent exister que dans certains états définis correspondant à
des énergies ε1 , ε2 , ε3 , ect..
Supposons l’équilibre thermique réalisé entre la matière et le rayonnement, conformément à la loi de Wien qui prévoit une densité spectrale énergétique µλ dλ égale à 8π
λ−5 φ (λT ) dλ.
c
Désignons par n1 , n2 , n3 , etc., les nombres de molécules dans les différents
états, et considérons, en particulier, deux états i et j. Les échanges d’énergie
se produisant entre le rayonnement et les molécules entraı̂ne le passage pour
certaines d’entre elles, de l’état i à l’état j, et réciproquement. Mais, puisque
l’état stationnaire est réalisé, ni et nj resterons constants. Admettons, pour
préciser, que εi soit supérieur à εj .
Le passage de l’état énergétique inférieur j à l’état supérieur i (absorption)
est un phénomène ”forcé”, qu’il convient d’attribuer uniquement au rayonnement incident. On peut donc admettre que le nombre de molécules changeant
ainsi d’état est proportionnel à nj et à la densité du rayonnement correspondant à la transformation (ayant pour longueur d’onde λ), c’est-à-dire égal
à :
8π −5
λ φ (λT ) dλ
βnj
c
1.10. DÉMONSTRATION D’EINSTEIN
23
pour le passage inverse, on peut envisager au contraire deux mécanismes
distincts : 1o une émission ”forcée”, due à l’intervention du rayonnement extérieur de la même longueur d’onde λ et représentée par une expression analogue à la précédente :
8π −5
αnj
λ φ (λT ) dλ
c
2o une émission libre ou ”spontannée”, indépendante du rayonnement, et pour
laquelle on peut admettre une loi analogue à celle qui régit les transformations
des corps radiactifs, soit γ ni passage par unité de temps.
La condition d’équilibre s’écrit donc :
8π −5
λ φ (λT ) dλ (βnj − αni ) = γni
c
(1.13)
Einstein fait alors intervenir les deux hypothèses suivantes :
1o Les nombres ni et nj sont donnés par la relation de Boltzmann, analogue à 1.9 :
εi
εi
ni = pi e− kT et nj = pj e− kT
Les coéfficients pi et pj , indépendants de la température, sont les ”poids
statistiques” relatifs à chacun des deux états. La formule 1.13 peut donc
s’écrire :
(
)
εi −εj
8π −5
λ φ (λT ) dλ βpj pj e− kT − αpi = γpi
c
Les deux membres de cette relation doivent être indépendants de T . Or,
la fonction φ (λT ) devient infinie en même temps que la température. Il en
résulte que β p doit être égal à α pi et notre équation d’équilibre devient :
8π −5
1
γ
λ φ (λT ) dλ =
εi −εj
c
α e− kT − 1
2o Dans le premier membre, la température n’intervient que par le produit
λT . Pour qu’il en soit ainsi, dans le second, il faut que εi − εj soit proportionnel à 1/λ ou à la fréquence ν. Nous pouvons donc écrire : εi − εj = hν.
Nous admettons donc que les échanges d’énergie entre le rayonnement et la
matière se font uniquement par quanta complet d’énergie rayonnante. Cette
hypothèse différe de celles qui servent de bases aux raisonnements précédents
(Planck, Jeans). Nous la retrouvons, exactement sous la même forme, dans
la théorie de Bohr. Il en résulte :
γ
1
8π −5
λ φ (λT ) dλ =
µλ dλ =
εi −εj
c
α e− kT − 1
La valeur du rapport αγ s’obtient par un simple passage à la limite. Nous
savons que pour les valeurs extrèmement grandes de la variable λT , la loi de
24
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
Rayleigh-Jeans s’applique. Nous rejoignons ainsi le domaine de validité de la
mécanique classique 6 . Nous pouvons donc écrire, en développant l’exponentielle en série :
γ kT
µλ dλ = 8π kT λ−4 dλ =
α hν
d’où nous déduisons immédiatement l’expression 1.12
1.11
Relations numériques
On passe sans difficulté de 1.12 à la formule de rayonnement de Planck,
sous la forme :
1
Eλ = hc2 λ−5 hc
e kλT − 1
qui, identifiée avec la formule 1.5, donne la valeur des deux constantes :
C1 = hc2 et c2 = hc
.
k
Nous avons admis : C1 = 0, 5884 10−5 e.g.s. et C2 = 1, 432 c.g.s. Nous
pouvons donc calculer la constante de Planck à partir de ces valeurs, de la
vitesse de la lumière et de la constante de Boltzmann (égale au quotient de
la constante des gaz R, rapportée à une mole : gr, par le nombre d’Avogadro
NA ) : c = 2, 998 1010 c.g.s. R = 832 105 c.g.s. NA = 6, 06 1023 .
Les deux valeurs de h ainsi obtenues sont parfaitement concordantes et
égales à 6, 55 10−27 c.g.s. (erg sec). On peut en conclure que l’hypothèse des
quanta et l’étude du rayonnement noir permettent de retrouver exactement
le nombre d’Avogadro, tel qu’il résulte des mesures de Millikan.
Au moyen d’autres valeurs expérimentales pour les constantes de Stefan
et de Wien et, par conséquent, pour C1 et C2 , on obtient des valeurs de h
très voisines de la précédente. En définitive, l’étude expérimentale du rayonnement noir donne h = 6, 55 10−27 c.g.s., à quelques millièmes près.
1.11.1
Remarques
1. L’hypothèse des quanta, introduite sous différentes formes, conduit
donc à la formule de Planck. Mais il reste à démontrer qu’aucune
autre conception ne permettrait d’obtenir le même résultat. En d’autres
termes, si on admet que la loi de Planck représente correctement la
distribution spectrale de l’énergie dans le rayonnement noir, quels nouveaux postulats convient-il d’adopter pour interpréter cette loi ?
6. Ce mode de raisonnement est une forme très simple du principe de correspondance
de Bohr
1.11. RELATIONS NUMÉRIQUES
25
Ce problème inverse a été résolu par Poincaré et par Jeans. La formule
de Planck, considérée comme rigoureuse ou approximative, conduit précisément à la conception des quanta. D’ailleur, ”quelle que soit la loi
du rayonnement, si on suppose que le rayonnement total est fini (densité énergétique totale finie), on sera conduit à une fonction présentant
des discontinuités analogues à celles que donne l’hypothèse des quanta”
(Poincaré).
2. La valeur du quantum pour une radiation déterminée, donnée par ε =
hν = hc
, est d’un ordre de grandeur comparable à celui des autres
λ
énergies atomiques. Par exemple, pour la raie verte de l’arc au mercure
(λ = 0, 546µ), nous obtenons ε = 3, 6 10−12 erg, soit 64 fois l’énergie
d’un atome de vapeur de mercure à 0˚C (3/2 kT = 5, 6 10−14 erg, pour
T = 273◦ ) . Dans le cas d’un solide incandescent à T ◦ , la quantum
de la radiation correspondant au maximum de la courbe d’émission a
pour valeur εm = λhcm avec λm T = 2884 micron-degré ou 0, 2884 c.g.s.
On trouve εm = 0, 68 10−15 T , soit environ une fois et demie l’énergie
atomique 3 kT = 0, 41 10−15 T erg.
3. Il est facile de déduire de la formule 1.10 le nombre relatif de résonateurs
(ou de degrés de liberté de l’éther) qui prennent part au rayonnement,
c’est-à-dire qui possèdent une certaine énergie :
ε
N −n
= e− kT
N
Pour la radiation correspondant au maximum d’émission d’un solide,
εm
= 4, 96. Un seul résonnateur sur e4,96 = 143 possède donc de l’énerkT
gie. En général, si le quantum ε = hν d’une certaine radiation est très
grand par rapport à kT , le nombre de résonnateurs qui contribuent à
l’émission de cette radiation est une fraction infime du nombre total de
résonnateurs de fréquence ν.
4. La mécanique classique, qui n’admet aucune discontinuité dans les valeurs de l’énergie, conduit à la loi de Rayleigh-Jeans, valable pour les
températures très élevées ou les longueurs d’onde considérables (fréquences très petites), c’est-à-dire dans des conditions telles que le quantum soit petit par rapport à kT . En effet, à température élevée, l’énergie
mise en jeu est importante et correspond à un très grand nombre de
quanta. D’autre part, si la fréquence est très faible, les quanta ε = hν
sont également très petits. Dans les deux cas, la discontinuité de l’énergie n’intervient pas sensiblement et les lois newtoniennes sont applicables. En général, l’hypothèse des quanta permettra d’interpréter les
phénomènes caractérisés par une température suffisamment base ou par
26
CHAPITRE 1. RAYONNEMENT NOIR - QUANTA
l’intervention de radiations de fréquences élevées (chaleurs spécifiques
aux basses températures, émission spectrale, effet photoélectrique, diffusion des rayons X, ect.).
Chapitre 2
Chaleurs spécifiques
2.1
Chaleur spécifique des solides. Interprétation de la loi de Dulong et petit
Admettons que les corps simples cristalisés (les métaux en particulier)
soient formés de molécules monoatomique maintenues dans des positions
moyennes d’équilibre par l’action des molécules voisines (elles occupent, par
exemple, les noeuds d’un réseau). Supposons d’autre part que les seuls mouvements possibles pour ces molécules soient des vibrations harmoniques autour
de leur position d’équilibre (nous considérons, en quelque sorte, les molécules
comme des points rigides). Dans ces conditions, le théorème d’équipartition
est applicable à l’énergie cinétique et à l’énergie potentielle. Puisque chaque
atome possède trois degrés de liberté, correspondant à trois directions indépendantes de vibrations x, y et z, l’énergie atomique moyenne est donc 3 RT
et l’énergie totale de vibration, par atome-gramme ; est :
U = 3 NA kT = 3 RT
(2.1)
Si nous admettons enfin que la chaleur fournie au corps est utilisée intégralement pour accroı̂tre cette énergie (volume constant), la chaleur spécifique
atomique : Cv = cv A (cv : chaleur spécifique, sous volume constant, rapportée
= 3 RJ = 5, 96.
à un gramme ; A : poinds atomique) est J1 dU
dT
Le tableau suivant contient les valeurs des chaleurs atomiques, sous volume constant et à 20˚C., pour un certain nombre d’éléments (G. N. Lewis).
Il montre que l’ensemble de nos hypothèses permet d’interpréter assez correctement les résultats expérimentaux :
27
28
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
Na
Mg
Al
K
Fe
Ni
Cu
Cv
Cv
Cv
6,4 Zn 5,7 I 6,0
5,8 Pd 5,9 Pt 5,9
5,6 Ag 5,8 Au 5,9
6,5 Cd 5,9 Tl 6,1
5,9 Sn 6,1 Pb 5,9
5,9 Sb 5,9 Bi 6,2
5,6
Moyenne des valeurs de Cv : 5,95.
On mesure habituellement la chaleur spécifique sous pression constante :
cp . Pour passer de cp à cv , il faut tenir compte du travail accompli, au cour
de l’accroissement de volume, contre la force de cohésion. On trouve de cp est
légèrement supérieur à cv , de quelques dixièmes seulement. Il en résulte que
le produit cp A est sensiblement le même pour un grand nombre d’éléments,
et voisin de 6,4 (loi de Dulong et Petit).
2.2
Chaleurs spécifiques aux basses températures
D’après la théorie précédente, la chaleur spécifique d’un solide serait indépendant de la température. Or, on sait depuis longtemps qu’à la température
ordinaire, certains éléments (carbonne, silicium, bore) n’obéissent pas à la
loi de Dulong et Petit, mais qu’à haute température, leur chaleur atomique
est beaucoup plus grande. Ces phénomènes deviennent généraux aux basses
températures : les chaleurs atomiques des solides diminuent quand la température s’abaisse et deviennent très inférieures à la valeur exigée par la loi de
Dulong et Petit.
Figure 2.1 –
Des mesures précises de chaleurs spécifiques ont été effectuées par Nernst
et des collaborateurs, principalement aux basses températures (jusqu’à 20˚K,
2.3. THÉORIE D’EINSTEIN (1907)
29
température de l’hydrogène bouillant sous pression réduite). Elles ont montré qu’aux températures suffisamment élevées, le produit cv A est très voisin
de 6, mais qu’il diminue plus ou moins rapidement aux basses températures,
pour tendre vers zéro au voisinage du zéro absolu (fig.2.1). D’autre part, les
courbes représentant les variations de Cp = cp A sont semblables et peuvent
se déduire les unes des autres par un changement d’échelle des températures.
Par exemple, on passe de la courbe de l’aluminium à la courbe de l’argent en
divisant toutes les abscisses par 1,8. En définitive, sous certaines réserves, la
loi de Dulong et Petit se présente comme une loi limite (basée sur la mécanique classique, comme la loi limite de Rayleigh, dans le cas du rayonnement)
représentant l’asymptote commune aux courbes des chaleurs atomiques pour
les différents éléments. En tenant compte des résultats relatifs au rayonnement noir, nous pouvons prévoir que l’interprétation des faits observés sera
donnée par la théorie des quanta.
2.3
Théorie D’Einstein (1907)
Nous savons que le produit kT représente d’après la mécanique classique,
l’énergie moyenne relative à un degré de liberté (vibrations harmoniques). Au
contraire, la théorie de Planck donne hνhν pour l’énergie moyenne d’un rée kT −1
sonnateur linéaire de fréquence ν. Einstein admet que les atomes en vibration
des solides se comportent, au point de vue des échanges d’énergie, comme les
résonnateurs de Planck, ν étant alors une fréquence caractéristique du corps
considéré. Il en résulte, pour l’énergie totale de vibration par atome-gramme
(3 NA degrés de liberté) :
U = 3 NA
hν
hν
e kT − 1
= 3R
hν
k
hν
e kT − 1
d’où l’on déduit la chaleur atomique sous volume constant :
hν ( hν )2
1 dU
3R e kT kT
Cv =
=
( hν
)2
J dT
J
e kT − 1
(2.2)
La valeur ”clasique” 3 R/J est donc multipliée par une fonction de la température. Pour les très grandes valeurs de T , nous retrouvons d’ailleurs la loi
limite de Dulong et Petit. De plus, aux basses températures, l’allure de la
courbe qui représente, d’après 2.2, les variations de Cv est tout à fait comparable à celle des courbes expérimentales. Toutefois, l’accord n’est qu’approximatif : les chaleurs spécifiques ne tendent pas vers zéro aussi rapidement que
l’indique la théorie d’Einstein.
30
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
Pour éprouver quantativement la formule 2.2, on peut déduire ν de la
valeur expérimentale de C à une certaine température, et calculer ensuite la
chaleur spécifique pour une température quelconque (cas du diamant). Mais
pour certains composés (KCl, NaCl, ect.), la fréquence caractéristique ν a
été identifiée avec celle de la bande de réflexion métallique découverte, dans
l’infrarouge, par Rubens et des élèves (méthode des rayons restants). On peut
aussi calculer ν en supposant que les forces qui maintiennent les atomes dans
leurs positions d’équilibre conditionnent les propriétés élestiques du solide
(Einstein) ou en admettant une certaine relation entre ν et la température de
fusion (Lindemann). Quoi qu’il en soit, la comparaison des valeurs calculées et
des chaleurs atomiques observées révèle l’insuffisance de la théorie d’Einstein.
2.4
Théorie de Debye (1912)
NOus avons associé à l’atome-gramme d’un élément solide 3 NA degrés de
liberté, par conséquent, 3 NA vibrations indépendantes. Mais le mouvement
des atomes, si compliqué soit-il, peut être analysé en trains d’ondes, absolument comme dans le cas d’un gaz (voir p. ? ? ? ?). Par unité de volume, le
nombre de vibrations indépendantes, de longueurs d’onde comprises entre λ
et λ + dλ est 12 π λ−4 dλ. Les 2/3 sont des ondes de distortions (analogues
à celles de l’éther) et il leur correspond une vitesse de propagation V1 ; les
autres sont des ondes de compression (comme pour un gaz) se propageant
avec la vitesse V2 . En passant des longueurs d’onde aux fréquences, nous
trouvons aisément le nombre, par unité de volume, de toutes les fréquences
ν à dν près :
(
)
4π 2V1−3 + V2−3 ν 2 dν
et par atome-gramme, en désignant par v le volume correspondant :
(
)
4π v 2V1−3 + V2−3 ν 2 dν
Mais nous savons, comme dans le cas d’un gaz, qu’une limite supérieure
νm doit être assignée à ν, car la formule précédente ne s’applique pas aux
longueurs d’onde comparables aux distances interatomiques. Pour déterminer
νm , Debye admet que le nombre total de vibrations par atome-gramme est
précisément égal à 3 NA :
∫
) 3
( −3
) νm 2
4πν ( −3
−3
2V1 + V2−3 νm
= 3 NA
4π v 2V1 + V2
ν dν =
3
0
d’où il résulte :
(
)
9NA
2V1−3 + V2−3 =
3
4πvνm
(2.3)
2.4. THÉORIE DE DEBYE (1912)
31
2
A
Le nombre de vibrations de fréquence ν à dν près devient donc : 9N
3 ν dν.
νm
Supposons que chaque vibration possède l’énergie moyenne donnée par la
théorie des quanta : hνhν . Nous aurons ainsi, pour l’énergie totale correse kT −1
pondant à un atome-gramme :
9NA h
U=
3
νm
∫
νm
ν 3 dν
(2.4)
hν
0
e kT − 1
La mécanique classique nous conduirait, au contraire, à l’expression :
∫
9NA kT νm 2
U=
ν dν = 3 NA kT = 3 RT
3
νm
0
valable aux températures très élevées (développement en série de l’exponentielle). Nous retrouvons bien la relation 2.1, d’où nous déduisons la valeur
limite de la chaleur atomique : (Cv )∞ = 3 R/J.
La validité de la formule 2.4 est subordonnée à l’existance d’une limite
supérieure νm strictement définie. On remarque immédiatement que cette hypothèse ne joue aucun rôle si l’on se borne à considérer les températures très
hν
basses. Dans ces conditions en effet, e kT est très grand, sauf pour les faibles
fréquences, dont les contributions sont partiquement les seules à envisager.
On peut alors calculer U en intégrant de ν = 0 à ν = ∞, et l’on obtient :
U = 9NA
(kT )4
× 6, 495
(hνm )3
36NA k 4 T 3
36R
et Cv =
× 6, 495 =
3
J(hνm )
J
(
kT
hνm
)3
× 6, 495
hνm
=Θ
(2.5)
k
La grandeur Θ, d’après ses dimensions, est une température caractéristique de chaque substance. Elle peut être calculée à partir des constantes
élastiques, au moyen de la relation :
Posons :
Θ3 =
3
h3 νm
9NA h3
)
(
=
k3
4πk 3 ν 2V1−3 + V2−3
La chaleur atomique aux très basses températures peut donc s’écrire sous
la forme :
( )3
( )3
( )3
T
T
T
Cv = 12×6, 495
(Cv )∞ = 77, 94
(Cv )∞ = 464, 5
(2.6)
Θ
Θ
Θ
32
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
qui exprime que la chaleur spécifique est proportionnelle au cube de la température absolue.
La chaleur spécifique du cuivre, entre 14˚ et 90˚ K, a été déterminée par
Keesom et Kamerlingh Onnes. Les résultats relatifs aux températures les plus
basses sont mentionnées dans le tableau suivant, qui contient également les
valeurs de Θ déduites de la formule 2.6 :
T
14,51
15,59
17,17
20,19
20,74
Cv
0,0396
0,0506
0,0687
0,1155
0,1217
Θ
329,6
326,3
324,6
321,1
324,1
Moyenne : 325,1
La concordance des valeurs de Θ montre que la loi de proportionnalité
avec T 3 est suivie d’une manière satisfaisante. D’autre part, la moyenne :
325,1 est voisine de la valeur Θ = 329◦ , calculée à partir des constantes
élastiques du cuivre, conformément à la théorie générale.
Toutefois, des écarts se manifestent au voisinage du zéro absolu, notamment pour le zinc et l’argent (Keesom et Kok). l’expérience montre que Θ
passe par un maximum au voisinage de 5˚ et diminue ensuite notablement
à mesure que la température s’abaisse. On peut attribuer cette divergence à
l’influence des électrons libres du métal. La contribution de ces électrons à
la chaleur spécifique, calculée en faisant appel à la nouvelle théorie électronique des métaux (Sommerfeld), cesse d’être négligeable aux températures
extrèmement basses (voir page ? ? ? ?). La vérification quantitative est assez
satisfaisante dans le cas de l’argent, en admettant qu’il existe un électron libre
par atome. Ue autre particularité se présente pour les métaux supraconducteurs, tel que l’étain et le thalium : la chaleur spécifique subit une variation
très brusque (augmentation à température décroissante) pour la température de transition au-dessous de laquelle le métal devient supraconducteur
(Keesom et Van den Ende, Keesom et Kok).
hν
Reprenons l’intégrale de Debye, sous la forme 2.4 et posons : x = kT
, ou
ν
.
d’après 2.5 : x = Θ
T νm
Nous obtenons :
( )3 ∫ Θ
( )
∫
T
T
Θ
9NA h νm ν 3
x3
dν = 9NA kT
dx = 9NA kT φ
U=
hν
3
x
νm 0 e kT − 1
Θ
e −1
T
0
d’où :
1 dU
3NA k
Cv =
=
f
J dT
J
( )
( )
( )
Θ
Θ
Θ
= (Cv )∞ f
= 5, 96 f
T
T
T
2.4. THÉORIE DE DEBYE (1912)
33
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
1
2
3
4
Aluminium
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14
Cuivre
Argent.
Figure 2.2 –
La fonction f est universelle, c’est-à-dire
indépendante de la nature du
( )
corps. Les valeurs théoriques de f Θ
,
calculées
à partir de ces formules,
T
sont les ordonnées de la courbe représenté par la figure 2.2. Pour soumettre
la théorie générale au contrôle de l’expérience, on peut considérer Θ comme
une ”constante d’ajustement”, choisie de manière à relier le mieux possible
les résultats expérimentaux. Sur la(fig.) 2.2, les points indiqués par différents
signes représentent les valeurs de f Θ
déduites, par ce procédé, des chaleurs
T
spécifiques observées pour l’aluminium, le cuivre et l’argent. A ce point de
vue, l’accord est donc excellent entre la théorie et l’expérience.
Figure 2.3 –
La figure 2.3 est la reproduction d’un diagramme relatif aux mesures de
la chaleur spécifique du cuivre, entre 14˚ et 90˚ K. (Keesom et Kamerlingh
34
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
Onnes). La courbe a été tracée d’après l’équation de Debye, en prennant Θ =
315◦ . Elle relie d’une manière remarquable les valeurs observées, représentées
par de petits cercles.
Toutefois, nous savons que la température Θ peut être déduite directement des constantes élastiques du corps. Le tableau suivant premet la comparaison entre les valeurs ainsi calculées et les valeurs déduites des données
expérimentales :
Θ observé
temp. très basses temp. plus élevées Θ calculé
Aluminium
385
398
399
Cuivre
320
315
329
Argent
210
217
212
Plomb
84
88
72
La concordance est encore satisfaisante, car on fait maintenant intervenir l’hypothèse la plus discutable de la théorie, c’est-à-dire l’existence d’une
limite supérieure νm du spectre de vibration. Ainsi la théorie de Debye est
suffisamment d’accord avec les faits observés pour qu’on puisse considérer
l’énergie calorifique d’un éléments comme résultatnt principalement des vibrations élastiques des atomes. On peut affirmer en outre que chaque vibration atomique possède une énergie moyenne donnée par l’hypothèse des
quanta et, par conséquent, égale à celle d’une vibration lumineuse de même
fréquence. Nous avions admis déjà cette égalité en appliquant la mécanique
classique au problème du rayonnement ; la théorie de Debye montre qu’elle
subsiste dans la mécanique quantique. On peut être tenté d’attribuer également aux vibrations sonores des gaz l’énergie moyenne ”quantique”, au lieu
de la valeur ”classique” kT . Mais en réalité, les fréquences acoustiques sont
si faibles qu’on peut considérer comme pratiquement exacte les formules de
la théorie cinétique.
Dans le calcul des chaleurs spécifiques, nous avons écarté la possibilité
de certaines contributions (électrons libres, rotations atomiques ou moléculaires, ect.). La très faible contribution relative des électrons libres s’interprète
aisément en admettant (Sommerfeld) que leur distribution énergétique est
conforme à la statistique de Fermi, et non à la statistique classique de Maxwell - Boltzmann. Par contre, nous avons admis arbitrairement que tous les
atomes se trouvent, quelle que soit la température, dans un état énergétique
invariable. S’il existe un second état possible, correspondant à un supplément d’énergie ∆U , on peut admettre qu’une partie de la chaleur fournie au
corps servira à faire passer un certain nombre d’atomes de l’état énergétique
inférieur à l’état supérieur, au lieu d’accroitre seulement l’énergie des vibrations atomiques. Cet effet supplémentaire, qui peut être calculé (Schollky), se
2.5. CHALEURS SPÉCIFIQUES DES GAZ
35
traduira par un accroissement de la chaleur spécifique, variable avec la température et dépendant de la différence ∆U . On parvient ainsi à interpréter les
anomalies rencontrées dans l’étude de la chaleur spécifique de plusieurs corps
(sulfate de gadolinium, orthohydrogène solide, lithium). Enfin, il convient de
noter qu’aux températures élevées, la chaleur atomique d’un grand nombre
de métaux dépasse notablement la valeur limite 5,96 (thorium, iridium, bismuth, tungstène, ect.).
2.5
Chaleurs spécifiques des gaz
Le théorème d’équipartition de l’énergie permet d’interpréter, en première
approximation, les valeurs numériques des chaleurs spécifiques moléculaires,
à volume constant 1 .
Considérons tout d’abord un gaz monoatomique (argon, vapeur de mercure) et admettons que les molécules se comportent comme des points sans
structure, ou comme des sphères indéformables parfaitement polies (Boltzmann), n’agissant pas à distance les unes sur les autres. Dans ces conditions,
nous pourrons identifier l’énergie calorifique avec l’énergie cinétique de translation, seule susceptible de se modifier par suite de chocs. Nous aurons donc
trois momentoı̈des à considérer dans l’expression de l’énergie cinétique d’une
molécule ; l’énergie totale par mol.-gr. sera :
U=
3
3
NA kT = RT
2
2
et la chaleur spécifique moléculaire correspondante :
Cv =
3R
= 2, 98
2 J
Nous pouvons de même assimiler une molécule diatomique à un corps
de révolution non sphérique, parfaitement poli et indéformable (par exemple
deux sphères liées rigidement). Les chocs ne modifient pas les rotations autour
de l’axe, et nous n’avons que cinq paramètres à faire intervenir dans le calcul
de l’énergie cinétique susceptible de varier avec la température. En supposant
encore qu’il n’y a pas d’actions mutuelles des molécules, en dehors des chocs,
l’énergie totale par mol.-gr. est :
U=
5
5
NA kT = RT
2
2
1. Voir E. BLOCH, Théorie cinétique des gaz, p. 53 et suivantes
36
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
et :
5R
= 4, 97
2 J
Ces hypothèses ne sont pas toutes vraisemblables. il est naturel d’admettre, comme nous le faisons, que l’énergie interne des atomes est indépendante de la température (indifférence des phénomènes de radioactivité à
l’égard des variations de température), mais il est difficile de se représenter
l’atome d’hélium, par exemple, dont la constitution est bien connue (une particule α et deux électrons) comme une sphère indéformable et parfaitement
lisse. Comparons cependant les résultats précédents aux valeurs expérimentales de Cv , contenue dans les tableaux suivants 2 :
Cv =
T˚ K.
273˚ 373˚
Argon
2,98 2,98
H2
4,75
2
2
N , O , CO, HCl 4,90 4,93
773˚ 1473˚ 2273˚
2,98 2,98
2,98
5,20 5,60
6,00
5,35 5,75
6,22
Hydrogène aux basses températures (Eucken)
T˚ K. 35˚ 40˚ 45˚ 70˚ 110˚
Cv
2,98 2,98 3,00 3,10 3,62
196˚
4,39
Les variations avec la température de la chaleur moléculaire de l’hydrogène est représnté par la courbe eb trait plein de la figure 2.4
Ainsi la chaleur moléculaire Cv des gaz monoatomiques est indépendante
de la température et égale à 2,98 calories. L’expérience donne exactement
la valeur déduite du principe d’équipartition, en supposant que les chocs ne
peuvent faire tourner les atomes. Ces derniers se comportent effectivement
comme des sphères rigides et lisses, suivant l’image de Boltzmann.
Lorsque la température s’abaisse, la chaleur moléculaire des gaz diatomiques diminue et peut devenir nettement inférieure à la valeur minimum
exigée pr le théorème d’équipartition. Pour l’hydrogène, la valeur limite de
Cv , atteinte pratiquement vers 50˚ K, est égale à la chaleur moléculaire des
gaz monoatomiques : 2,98. Dans tous les cas, les degrés de liberté relatifs à
l’énergie rotationnelle semblent « s’ankyloser »progressivement, à température décroissante.
Toutes ces difficultés peuvent être en grande partie levées en abandonnant l’hypothèse de la continuité dans les variations de l’énergie cinétique de
2. Valeurs adoptées par NERNST, après « réduction à l’état parfait »(voir en particulier : J. BECQUEREL, Thermodynamique, 1924, p. 90).
2.5. CHALEURS SPÉCIFIQUES DES GAZ
37
Figure 2.4 –
rotation, et en supposant, au contraire, que cette énergie doit être « quantifiée »(comme celle des résonnateurs de Planck, ou des vibrations atomiques
dans les solides).
Considérons un corps tournant autour d’un axe, à raison de ν tours par
seconde, et désignons par I son moment d’inertie. L’énergie cinétique de
rotation a pour valeur : 21 I (2πν)2 . Comme dans la théorie de Bohr (voir
page ? ? ? ?), nous écrirons que le double de cette énergie est égale à un nombre
entier de quanta hν (h : constante de Planck) :
4π 2 Iν 2 = n hν
Dans ces conditions, les seules valeurs possibles de la fréquence de rotation
sont données par la formule : ν = n 4πh2 I la plus petite étant : ν0 = 4πh2 I .
L’énergie cinétique de rotation a pour expression :
Wr =
n2 h2
8π 2 I
(2.7)
Ces résultats peuvent d’ailleur être obtenus d’une manière plus satisfaisante en faisant appel à la mécanique ondulatoire (voir page ? ? ? ?) et en
considérant la longueur d’onde associée aux noyaux, dans lequels se trouve
concentrée presque toute la masse de la molécule. Les rotations possibles de
la molécule doivent s’accorder avec cette longueur d’onde, c’est-à-dire que
la vitesse angulaire ω ne peut prendre que certaines valeurs bien définies.
Comme dans le cas d’une corde vibrante, on est conduit à considérer des
38
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
ondes représentées par une expression de la forme : Ψ = A sin 2π
φ, φ étant
α
l’azimut dans le plan de rotation et α, qui joue le rôle de la longueur d’onde,
désigant l’intervalle angulaire dans lequel les ondes se reproduisent identiquement. La longueur des ondes associées à un électron en mouvement est égale
h
(voir page ? ? ? ?) ; dans le cas actuel, comme il s’agit d’une rotation, on
à mν
remplace la quantité de mouvement mν par l’expression Iω , I étant le moment d’inertie de la molécule. On exprime alors que Ψ doit avoir une valeur
définie pour toute orientation déterminée de la molécule, c’est-à-dire que Ψ
doit reprendre la même valeur lorsque φ augmente de 2π. Cette condition
est satisfaite si l’expression 2π
est égale à un nombre entier n. D’où, avec
α
h
nh
α = Iω
: ω = 2πI
, ce qui conduit à une fréquence de vibration : ν = 4πnh2 I et
2 2
à une énergie cinétique de rotation : Wr = n8πh2 I .
Le calcul complet, fondé sur la mécanique ondulatoire, conduit en réalité
à l’expression :
n(n + 1)h2
Wr =
(2.8)
8π 2 I
2.6
Applications
1. Gaz monoatomique : chaque molécule (voir page ? ? ?) se compose d’un
noyau quasi ponctuel entouré de N électrons (N : nombre atomique).
Le moment d’inertie par rapport à un axe passant par le noyau est
de l’ordre de N ma2 (m masse de l’électron, soit 10−27 gr. ; a : distance
moyenne du noyau aux électrons, de l’ordre de 10−8 cm.). La plus faible
15
fréquence possible ν0 est donc de l’ordre de 10N et l’énergie rotationnelle
−12
minimum de l’ordre de 5 10N erg.
Cette énergie est très grande, en général, par rapport à kT = 0, 14 10−15 T
(ou par rapport à l’énergie de translation 32 kT ). Le nombre de molécules possédant une certaine rotation est donc une fraction infime du
nombre total des molécules (voir 3o remarque, page 25). En d’autres
termes, les molécules ne peuvent tourner que très rapidement ; elles
n’ont pratiquement aucune chance d’aquérir, par choc, l’énergie rotationnelle minimum. La chaleur spécifique peut donc être calculée en
tenant compte seulement de l’énergie de translation.
2. Gaz diatomiques : chaque molécule comprend deux noyaux entourés
d’électrons. La discution précédente montre immédiatement que la rotation autour de l’axe nucléaire (passant par les noyaux) doit être négligée dans le calcul de la chaleur spécifique. Mais le résultat est différent
pour les axes de rotations perpendiculaires à l’axe nucléaire. En effet,
les ordres de grandeur, facile à évaluer, sont : pour le moment d’iner-
2.6. APPLICATIONS
39
tie NMA 10−16 gr cm2 (M : poids moléculaire, NA nombre d’Avogadro)
12
ou M6 10−39 ; pour la fréquence la plus faible ν0 : 10M et pour l’énergie
−15
minimum de rotation : 3 10M erg.
Aux températures supérieures à 0˚ C., cette dernière valeur est petite
par rapport à kT (k×273 = 3, 7 10−14 erg). La discontinuité de l’énergie
de rotation a peut d’influence ; la chaleur spécifque est donnée approximativement par la mécanique classique, en négligeant seulement la rotation autour de l’axe. Mais aux basses températures, les molécules qui
ne possèdent aucune rotation deviennent de plus en plus nombreuses ;
La chaleur spécifique se rapproche donc progressivement de celle des
gaz monoatomiques.
3. Ortho et Parahydrogène : dans le cas d’une molécule diatomique, telle
que la molécule d’hydrogène (deux noyaux ou protons et deux électrons), on peut montrer que la chaleur spécifique de rotation, variable
avec la température, est donnée par l’expression :
JCr = Rσ 2
avec
σ=
d2
(log Q)
dσ 2
h2
8π 2 IkT
et Q étant une fonction de σ.
On obtient Cr en retranchant 2,98 des valeurs observées par Eucken,
mais les nombres ainsi obtenus ne sont pas en accord avec la formule
précédente lorsqu’on donne à I la valeur déduite par Hori (4, 67 10−41 gr
cm2 ) de l’étude du spectre moléculaire (spectre secondaire) de l’hydrogène. En réalité, nous avons jusqu’ici le pivotement (spin) des noyaus
sur eux-mêmes, auquel correspond un moment angulaire et, à cause de
leur charge, un moment magnétique. Le nombre quantique n des formules qui précèdent est lié à la somme des moments angulaires des deux
noyaux autour du centre de gravité de l’ensemble. On peut montrer que
si n est pair, les deux moments magnétiques nucléaires sont antiparallèles (spin résultant nul) ; ils sont au contraire parallèles si n est impair
et, pour certaines raisons, des deux groupes de molécules doivent être
considérés comme deux gaz distincts appelés parahydrogène (n pair) et
orthohydrogène (n impair). La théorie montre encore qu’à haute température, et pratiquement dès -100˚ C., les collisions ,’affectent pas les
spins des noyaux et la proportion des deux gaz ne varie pas sensiblement ; elle est de 1 de para pour 3 d’ortho. Comme les variations d’état
énergétiques ne sont pas les même pour les deux epsèces de molécules,
40
CHAPITRE 2. CHALEURS SPÉCIFIQUES
les chaleurs spécifiques sont différentes (figure 2.4. En admettant que la
proportion des deux gaz reste constante et égale à sa valeur aux hautes
températures, tout du moins pendant la durée des mesures de chaleurs
spécifiques, Dennison est parvenu à interpréter les valeurs expérimentales obtenues par Eucken, relatives au mélange des deux gaz supposés
indépendant.
On réussit à accroitre la proportion de parahydrogène das le mélange en
maintenant celui-ci sous pression à très basse température (Eucken et
Hiller). La transformation est accélérée par la présence d’un catalyseur ;
c’est ainsi qu’on obtient le parahydrogène à peu près pur (Bonhoeffer et
Harteck) en faisant absorber le gaz ordinaire par du charbon refroidi à
la température de l’hydrogène liquide (21,2˚K), et en le pompant après
un contact suffisamment prolongé. La chaleur spécifique du parahydrogène et des divers mélanges est en excellent accord avec les prévisions
théoriques.
Chapitre 3
Phénomènes photoélectriques
3.1
Caractères généraux de l’effet photoélectrique superficiel
Ce phénomène, découvert par Hertz en 1887, consiste dans l’expulsion
d’électrons de la couche superficielle d’un corps solide (en particulier d’un
métal) sous l’influence d’un rayonnement de composition convenable, comprenant des radiations de fréquence suffisamment élevée. Il obéit aux lois
générales suivantes :
1. Le courant photoélectrique total, c’est-à-dire le nombre d’électrons libérés par unité de temps, est proportionnel au flux lumineux incident.
Pour que cet énoncé ait un sens, il faut que la constitution de la surface
éclairée reste la même et, d’autre part, que les conditions d’éclairement
soient bien déterminées. Il en est ainsi, par exemple, pour une surface
plane recevant, sous une incidence constante, un faisceau de rayons
parallèles caractérisé par un état défini de polarisation et une composition énergétique spectrale invariable. Dans ces conditions, on admet que
la proportionnalité du courant à l’intensité lumineuse ne cesse d’être
rigoureuse que lorsque des effets secondaires se superposent au phénomène principal (cellules photoélectriques à atmosphère gazeuse).
2. Les variations de l’intensité lumineuse, même dans le rapport de 1 à
1000, sont absolument sans influence sur la vitesse d’émission des électrons ; qui dépend uniquement de la fréquence du rayonnement excitateur, supposé monochromatique.
En réalité, les électrons sont émis dans toutes les directions, avec des
vitesses variables distribuées autour d’une vitesse privilégiée, mais inférieure à une vitesse limite bien déterminée. Cette vitesse maximum
41
42
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
v peut être mesurée en arrêtant les photoélectrons par un champs antagoniste. On applique une différence de potentiel croissante entre le
métal étudié et une électrode réceptrice. Le courant recueilli, mesuré à
l’électromètre, s’annule pour une valeur V de la tension telle que :
1 2
mv = eV
2
(3.1)
(en désignant par m et e la masse et la charge de l’électron).
Comme nous le verrons ultérieurement, on est ainsi parvenu à montrer que l’énergie cinétique maximum des photoélectrons est une fonction linéaire croissante de la fréquence du rayonnement excitateur, loi
très simple que les difficultés expérimentales n’avaient pas permis tout
d’abord de dégager avec certitude.
Les lois fondamentales de l’effet photoélectrique extérieur paraissent incompatibles avec les conceptions classiques relatives à la lumière (théorie électromagnétique). Elles semblent indiquer que des phénomènes élémentaires complètement indépendants les uns des autres, se produisent
au voisinage de la surface du métal, suivant une loi commune dépendant seulement de la fréquence du rayonnement. Lorsque l’éclairement
est plus intense, ces phénomènes individuels deviennent plus nombreux,
mais chacun d’eux conserve exactement les mêmes caractères. La théorie ondulatoire du rayonnement ne permet nullement d’expliquer le rôle
capital joué par la fréquence, dont dépendent l’existence même de l’effet
photoélectrique et l’énergie cinétique des électrons libérés. Au contraire,
la théorie des quanta de lumière ou photons interprète d’une manière
extrêmement simple le mécanisme de l’émission photoélectrique.
3.2
Equation d’Einstein
Nous avons obtenu la formule de Planck (p.21) en supposant que l’énergie rayonnante assimilée aux vibrations de l’éther, ne peut exister que sous
la forme de quanta complet de valeur ε = hν. Nous allons adopter cette
conception, sos sa forme extrème, en attribuant à la lumière une structure
corpusculaire, ce qui nous ramène à la théorie newtonienne de l’émission.
Nous complèterons seulement cette théorie par la relation de proportionnalité entre l’énergie et la fréquence, chaque grain d’énergie (photon) ayant pour
valeur un quantum hν. Nous considérons un faisceau de lumière comme une
trombe de photons se déplaçant, dans le vide, avec la vitesse c.
Désignons par w l’énergie nécessaire pour extraire un électron d’une certaine substance. Dans le cas d’un métal renfermant des électrons libres, w
3.2. EQUATION D’EINSTEIN
43
sera le travail correspondant à la traversée de la couche de passage qui sépare
le métal du vide 1 . Si l’électron fait partie d’un édifice atomique, le travail dépensé pour sa libération (travail d’ionisation) s’ajoutera au précédent. Mais
il existe toujours une fréquence critique ν0 (limite ou seuil photoélectrique)
au-dessous de laquelle l’extraction de l’éléctron n’est pas possible ; c’est la
fréquence dont le quantum hν0 est précisément égale à w (en supposant
qu’un seul quantum puisse agir sur l’électron). Si la fréquence incidente est
supérieure à ν0 , l’électron pourra être expulsé de la substance ; en admettant
que l’énergie résiduelle se retrouve intégralement sous forme cinétique, nous
obtenons la relation d’Einstein :
1 2
mv = hν − w = h(ν − ν0 )
2
Dans cette équation, v désigne la vitesse maximum des photoélectrons.
On conçoit en effet que d’autres pertes d’énergies puisse s’ajouter au travail
d’extraction et intervenir pour diminuer la force vive des électrons.
Malgré la hardiesse des hypothèses qui ont servi à l’établir, la relation
précédente a été vérifiée expérimentalement d’une manière rigoureuse. Sa
validité a été éprouvée aussi bien dans le cas des rayons X que pour la lumière visible ou ultraviolette. Toutefois, nous devons souligner l’opposition
formelle entre la théorie ondulatoire et l’hypothèse des quanta de lumière. Les
phénomènes d’interférences et de diffraction (et même le sens qu’il convient
d’attribuer à ν) ne peuvent être prévus et calculés à partir de cette dernière
hypothèse 2 . Par contre avec la théorie classique, les particularités de l’effet
photoélectrique demeurent inexpliquées. Même lorsque l’éclairement est très
faible, l’émission photoélectrique se produit immédiatement, sans aucun retard, comme si l’énergie rayonnante était effectivement constituée par des
éléments compacts, pouvant rencontrer une très petite portion de la surface
du corps. Si l’énergie lumineuse était distribuée uniformément sur le front de
l’onde, il faudrait, dans certains cas, un éclairement de plusieurs heures pour
que la surface correspondant à un atome du corps reçoive l’énergie nécessaire
à la libération d’un électron.
1. Ce travail doit être diminué de l’énergie possédée par l’électron à l’intérieur du métal,
si l’on admet que celle-ci n’est pas négligeable.
2. Par exemple, il est impossible d’expliquer pourquoi des objectifs de lunettes d’ouvertures différentes (traversés par des photons plus ou moins nombreux) donnent des images
plus ou moins étendues d’une même source ponctuelle.
44
3.3
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
Vérifications expérimentales
Pour vérifier d’une manière très précise la formule d’Einstein, Millikan
a expérimenté sur des métaux alcalins (sodium, lithium). Il disposait ainsi
d’un champ spectral étendu (de 2535 A. à 5461 A.), car la limite de sensibilité
photoélectrique de ces métaux se trouve dans le spectre visible (vers 6800 A.
pour le sodium). Les radiations utilisées étaient suffisament intenses (arcs au
mercure) et rigoureusement monochromatiques (appareil dispersif et filtres).
Les métaux étudiés, le cylindre collecteur (destiné à receuillir les photoélectrons) en cuivre oxydé, et un disque d’épreuve, également en cuivre oxydé,
étaient disposés dans un tube vidé au moyen d’une pompe moléculaire. La
surface du métal pouvait être avivée à l’aide d’un couteau actionné au moyen
d’un électro-aimant extérieur.
Après avoir reconnu l’existence d’une vitesse maximum des photoélectrons, Millikan a mis hors de doute le caractère linéaire de la relation entre le
potentiel antagoniste maximum V , défini par (3.1), et la fréquence, conformément à l’équation d’Einstein :
1 2
mv = eV = h(ν − ν0 )
2
(3.2)
Le potentiel antagoniste est la somme de la tension V0 , appliquée entre le
métal et le cylindre collecteur, et de la différence de potentiel de contact K
entre ces deux corps :
V = V0 + K
Le disque d’épreuve permettait à Millikan de mesurer K exactement dans
les même conditions que les courants photoélectriques, de manière à éviter
les variations provenant d’une modification de la surface métallique.
En portant en abscisses les fréquences utilisées, et en ordonnées les valeurs
correspondantes de V , ou de V0 , les points obtenus se placent presque rigoureusement sur une droite (fig. 3.1). Le coéfficient angulaire de cette droite doit
être égal à la constante h de Planck divisée par e. Les expériences de Millikan montrent que la pente de la droite est très sensiblement la même pour le
sodium et le lithium ; elles conduisent à la valeur moyenne : h = 6, 57 10−27
c.g.s. Des mesures analogues plus récentes (Lukirsky et Prilezaev, Olpin) ont
fourni des valeurs voisines de h = 6, 54 10−27 c.g.s.et, par conséquent, de
la valeur la plus probable admise aujourd’hui pour la constante de Planck
(6, 544 10−27 ).
Considérons la droite reliant les différentes valeurs de V (indiquée en
pointillé sur la figure 3.1). L’abscisse de l’intersection avec l’axe des fréquences
doit être égale à la limite photoélectrique ν0 . Par exemple, dans le cas du
sodium, ont obtient ν0 = 43, 9 1013 , correspondant à la longueur d’onde 6800
3.3. VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES
45
Figure 3.1 –
A. Or, l’expérience directe permet de retrouver cette même valeur du seuil
photoélectrique, à 100 A.près environ.
Enfin, supposons que deux substances soient soumises au même rayonnement de fréquence ν. Désignons par ν0 et ν0′ les limites photoélectriques, par
V0 et V0′ les tensions antagonistes appliquées, et par K et K ′ les valeurs de la
différence de potentiel de contact. L’équation (3.1) conduit immédiatement
à la relation :
h
K ′ − K = (ν0 = ν0′ ) + (V0 − V0′ )
e
dont le premier membre représente la différence de potentiel de contact apparente entre les deux corps considérés 3 .
Cette relation a été également vérifiée par Millikan, avec une précision de
l’ordre du centième. Dans leur ensemble, les mesures de Millikan fournissent
donc un apuis décisif à la théorie quantique de l’effet photoélectrique. Toutefois, il importe de noter que les prédictions de cette théorie, sous la forme la
plus simple, ne seraient rigoureusement exacte que dans le cas de la surface
d’un métal au zéro absolu. Ceci résulte d’un remaniement et d’un développement de la théorie, effectués notamment par R.H. Fowler et basés sur les
nouvelles conceptions relatives aux électrons dans les métaux (Sommerfeld,
voir p ? ? ? et ? ? ?). En réalité, dans les conditions habituelles d’expérimentation, un effet de la température se manifeste et l’on doit renoncer à admettre
l’existence rigoureuse d’une vitesse maximum d’émission des photoélectrons
3. En réalité, cette équation se réduit à :K ′ − K = he (ν0 = ν0′ ), comme le montre
d’ailleur l’expérience (Millikan, Glasoe). Lorsqu’on amène successivement divers métaux
devant le même cylindre collecteur, les tensions antagonistes observées sont identiques
(V0 = V0′ ).
46
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
et d’une fréquence limite (seuil photoélectrique) bien définie.
3.4
Conductibilité photoélectrique des solides
Les phénomènes considérés jusqu’ici n’intéressent qu’une couche très mince
et les propriétés de la masse du métal ne subissent aucune altération sensible.
Si le rayonnement pénètre à l’intérieur d’un substance solide, on conçoit qu’il
puisse se produire une dissociation électronique en volume, analogue à l’extraction d’électrons qui constitue l’effet photoélectrique superficiel.
En réalité, les effets de volume sous l’influence du rayonnement sont très
compliqués et difficiles à interpréter. Pour certain cristaux (diamant, blende),
Gudden et Pohl ont réussi à séparer l’effet direct de l’absorption d’énergie
rayonnante par la substance (courant « primaire », mesuré en appliquant au
cristal une certaine différence de potentiel) d’effets secondaires attribués, en
particulier, à la variation de résistance spécifique résultant des modifications
produites par le passage du courant photoélectrique primaire. En lumière
monochromatique, celui-ci est proportionnel à la quantité d’énergie absorbée,
chaque électron libéré correspondant à l’absorption d’un quantum hν. Ainsi, la
loi quantique qui régit l’effet de surface s’applique également aux phénomènes
de conductibilité photoélectrique. Les résultats numériques de Gudden et
Pohl permettent même de calculer une valeur approchée de h, voisine de
7 10−27 c.g.s., en accord satisfaisant avec les déterminations précises de cette
constante.
Il est naturel de rechercher si l’ionisation en volume sous l’influence du
rayonnement, mise en évidence dans le cas des solides, se produit également
en milieu gazeux. Avant d’aborder cette question, nous indiquerons brièvement comment le modèle atomique de Rutherford-Bohr permet d’interpréter
l’absorption et l’émission des radiations.
3.5. STRUCTURE ATOMIQUE ET ÉMISSION SPECTRALE
3.5
47
Structure atomique et émission spectrale 4
Nous admettrons que l’atome, analogue à un système planétaire, est
constitué par un noyau central chargé positivement autour duquel gravitent
des électrons. La charge du noyau est égale à N fois la charge élémentaire
e, N désignant le nombre atomique ou numéro d’ordre de l’élément dans le
tableau périodique. L’ensemble étant électriquement neutre, il existe donc
N électrons décrivant certaines orbites sous l’action de la force de Coulomb.
4. Nous rappellons ici très succintement sur quelles bases expérimentales repose la
conception de l’atome de Rutherford-Bohr :
1. Les charges électriques possèdent une structure atomique, et il existe une certaine
relation entre la charge élémentaire et l’atome matériel (électrolyse, ionisation des
gaz). La charge élémentaire a été mesurée directement par Millikan : e = 4, 77 10−10
él. st. c.g.s.
2. L’électron (de charge −e) est un constituant universel de tous les atomes (rayon
cathodiques, effet photoélectrique, phénomènes thermoioniques, rayons β des corps
radioactifs). Sa masse pour les vitesses faibles est m0 = 9, 0 10−28 g., et sa charge
spécifique e/m0 est égale à 1, 76 107 é. m. c.g.s. En attribuant la masse toute entière à
l’inertie électromagnétique (J.J. Thomson), on en déduit pour le rayon de l’électron
l’ordre de grandeur 10−13 cm. (en supposant une distribution sphérique de la charge
e). La masse varie avec la vitesse v de l’électron, conformément à la formule :
m = √m0 2 , β désigant le rapport v/c (Bucherer, Guye et Lavanchy).
1−β
3. Les constituants positifs des atomes se manifestent dans les rayons positifs d’origine
diverses (rayons canaux et anodiques, particules α des corps radioactifs, particules
H provenant de la désintégration artificielle d’atomes légers et mises en évidence
par Rutherford).
4. Pour interpréter la périodicité des propriétés, et la structure des spectres X, on
suppose que, dans les atomes, les électrons se distribuent spontanément sur des
couches successives concentriques, renfermant chacune un nombre déterminé d’électrons (J.J. Thomson).
5. L’étude de la dispersion des particules α montre que l’atome possède une structure
lacunaire (Rutherford, Chadwick). Le noyau atomique a des dimensions de l’ordre
de 10−12 cm. au maximum ; il porte une charge positive égale à N fois la charge
élémentaire. La masse de l’électron étant très faible par rapport à la masse totale
de l’atome, celle-ci est donc presque entièrement localisée dans une région très petite par rapport aux dimensions atomiques (conformément à notre interprétation
quantique des chaleurs spécifiques des gaz, voir p. ? ? ? et suivantes).
6. D’après la théorie électromagnétique classique, un électron décrivant une orbite autour d’une charge positive (mouvement accéléré) rayonne nécessairement de l’énergie. Le modèle d’atome proposé par Rutherford (noyau autour duquel gravitent
N électrons) constitue donc un système instable. Il ne permet d’expliquer ni la
permanence de l’atome n’émettant aucun rayonnement, ni l’émission de spectres
discontinus (spectres de raies). Pour rester d’accord avec l’expérience, il faut abandonner la théorie classique et utiliser la mécanique des quanta (Bohr).
48
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
Nous supposerons qu’en décrivant ces trajectoires, les électrons n’émettent
aucun rayonnement, contrairement aux prévisions de la théorie électromagnétique classique. C’est seulement lorsque l’électron passe d’une orbite à
une autre que l’énergie de l’atome peut varier ; il se produit alors simultanément une absorption ou une émission d’énergie rayonnante, conformément
au principe de la concervation de l’énergie. Nous verrons plus tard comment
Bohr introduit cette hypothèse, en appliquant la théorie des quanta au modèle atomique de Rutherford.
Les électrons dont les orbites correspondent sensiblement à la même énergie forment une couche. Pra ordre d’énergie croissante, les couches (de moins
en moins profondes) sont désignées par les lettres K, L, M, ect. La structure
des spectres de rayon X, ainsi que la périodicité des propriétés (exprimée par
la table de Mendeleeff complétée et remaniée), montrent que chacune des
couches ne peut renfermer qu’un nombre maximum d’électrons : deux pour
la couche K, huit pour la L, ect. Si l’on considère successivement les éléments,
par ordre de nombre atomique croissant, on doit admettre que les couches
électroniques se constituent et se saturent progressivement.
Imaginons qu’un électron appartenant à la couche K soit expulsé de
l’atome, sous l’action d’un particule cathodique ou d’un quantum de radiation (effet photoélectrique). L’atome subit ainsi une ionisation « en profondeur »et la couche K n’est plus saturée. Dans ces conditions, il se produit
spontanément une réorganisation de l’édifice atomique : un électron se trouvant normalement sur la couche L, par exemple, vient occuper sur la couche
K la place vacante. Cette dernière transformation est accompagnée d’une diminution ∆W de l’énergie totale de l’atome. On retrouve intégralement cette
variation d’énergie dans le rayonnement (raie Kα ) dont le quantum est donné
par la relation de Bohr (voir p. ? ? ?) :
∆W = hν
(3.3)
Il s’agit ici de la transformation de l’énergie atomique en énergie rayonnante, tandis que l’effet photoélectrique consiste dans la transformation inverse de l’énergie rayonnante en énergie cinétique de l’éléctron (1/2mv 2 +
w = hν). La loi du phénomène est la même dans les deux cas ; la relation
d’Einstein-Bohr doit être considérée comme réciproque et réversible.
On interprète d’une manière analogue l’émission des raies Kβ , L, M, etc.
(fig. 3.2). Lorsque l’ionisation est obtenue au moyen d’un rayonnement X
incident, la substance est donc le siège d’une émission secondaire appelée
rayonnement de fluorescence. Ce rayonnement et le phénomène photoélectrique se rattachen au même mécanisme et se conditionnent mutuellement
3.5. STRUCTURE ATOMIQUE ET ÉMISSION SPECTRALE
49
Figure 3.2 –
Désignons par WK , WL , etc., les énergies nécessaires pour extraire un
électron des couches K, L, etc., et l’amener sans vitesse à la limite du champ
atomique (énergie d’ionisation d’ordre K, L, etc.). Les fréquences νK , νL , etc.,
définies par les relations : WK = hνK , ect., sont celles des têtes de bandes
d’absorption mises en évidence dans l’étude des spectres de rayon X. Comme
dans l’effet photoélectrique de Hertz (voir p. ? ? ?), les quanta de radiation,
pour être absorbés, doivent être au moins égaux au travail d’ionisation W.
Les phénomènes d’absortion et d’émission des rayons X ont pour siège la
région profonde de l’atome (couches K, L, etc.). Au contraire, les spectres lumineux ordinaires résultent de déplacements, ou « transitions »électroniques
se produisant dans la couche périphérique. Prenons par exemple, le cas de
l’atome de sodium (N = 11) : les couches K et L sont saturées et renferment
respectivement deux et huit électrons. Il n’existe donc qu’un seul électron
superficiel (couche M très incomplète) en mouvement autour de la « carcasse
électronique »intérieure. A l’état normal, cet électron se meut sur une orbite,
désignée en spectroscopie par 1S, correspondant au minimum d’énergie du
système. Mais cette orbite normale n’est pas la seule que l’électron puisse
occuper sans émettre de rayonnement. On admet que de telles orbites (orbites stationnaires virtuelles) existent en nombre illimité, mais discret, correspondant à des valeurs discontinues et croissantes de l’énergie atomique. En
particulier, certaines de ces orbites forment une suite discontinue de niveaus
50
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
d’nergie désignés, par ordre d’énergie croissante, au moyen des notations :
2P , 3P , 4P , etc.
L’émission d’un quantum de radiationse produit encore lorsque l’électron
périphérique, amené au préalable sur une orbite virtuelle extérieure (sous
l’action d’un choc électronique ou d’un rayonnement incident), retombe sur
une orbite de moindre énergie. L’absorption du même quantum correspond à
la transition inverse. Dans les deux cas, la fréquence est donnée par la relation
(3.3). En particulier, si l’électron « optique »passe d’une orbite nP à l’orbite
normale, on obtient l’émission d’une raie de la série principale du sodium,
désignée par 1S − nP 5 .
Nous supposerons que chaque raie spectrale est définie par sa fréquence
ou plustôt, suivant l’usage adopté en spectroscopie, par son nombre d’ondes 6 .
La différence 1S − nP représentant le nombre d’ondes d’une raie de la
série principale, 1S et nP seront des nombres d’ondes (termes spectraux)
associés aux différents niveaux d’énergie. Conformément à la relation (3.3),
nous pourrons donc attribuer à chaque niveau une énergie égale au produit,
changé de signe, du terme spectral correspondant par hc, en prenant arbitrairement égale à zéro l’énergie de l’atome ionisé (électron ayant été extrait de
l’atome et libéré sans énergie cinétique). Pour la raie 1S − nP , par exemple,
la variation d’énergie mise en jeu dans la transition électronique est :
∆W = hν = hc(1S − nP ) = (−hc(nP )) − (−hc(1S))
c’est-à-dire égale à la différence des valeurs de l’énergie correspondant à l’orbite de départ et à l’orbite d’arrivée.
On peut dire également que les énergies d’ionisation de l’atome, dépensées pour expulser l’électron superficiel occupant les différentes orbites stationnaires, ont pour valeurs hc (1S), hc (nP ), etc., la première étant l’énergie
normale d’ionisation, correspondant à l’orbite d’énergie minimum. On appel
potention d’ionisation la différence de potentiel permettant à un électron,
primitivement au repos, d’acquérir l’énergie cinétique nécessaire pour ioniser par choc un atome du gaz. En désignant par Vi le potentiel d’ionisation
normal, nous aurons dans le cas du sodium et des autres métaux alcalins :
e Vi = hc (1S).
Les termes spectraux nP (et les énergies correspondantes) deviennent de
plus en plus voisins, et tendent vers zéro, à mesure que le nombre entier n
augmente. Ces variations se traduisesnt par une diminution progressive de
5. En réalité, les niveaux nP sont doubles et constitués par deux niveaux très voisins.
La série principale est formée de deux séries associées (doublets analogues aux raies D).
6. Le nombre d’ondes est le quotient de la fréquence par la vitesse de la lumière c. Il
est égal à l’inverse de la longueur d’onde dans le vide, exprimée en cm.
3.6. PHOTOIONISATION DES GAZ
51
l’intervalle entre les raies successives de la série 1S − nP , pour laquelle il
existe une limite bien définie correspondant au nombre d’ondes 1S. L’énergie
d’ionisation relative à une orbite nP de rang élevé est donc extrèmement
faible. En d’autres termes, l’énergie nécessaire pour amener l’électron sur
cette orbite, à partir de l’orbite normale 1S, est très sensiblement égale à
l’énergie d’ionisation normale.
3.6
Photoionisation des gaz et des vapeurs
Il est possible, sous l’influence d’une radiation de fréquence convenable,
de transporter l’électron périférique de l’atome de sodium sur une orbite nP ,
plus ou moins éloignée de l’orbite normale. En utilisant comme rayonnement
exitateur celui d’une source donnant un spectre continu, et en expérimentant
à la fois sur un très grand nombre d’atomes, on doit donc observer simultanément l’absorption des raies de la série principale du sodium. En fait,
cette série a été photographiée, en absorption, jusqu’au 57e terme : 1S − 58P
(Wood et Fortrat). Or, nous savons que le transport de l’électron sur l’orbire
58P diffère très peu, au point de vue énergétique, de l’ionisation complète :
1S = 41449, 58P = 33, 8
Il est donc naturel de supposer que, sous l’action d’un rayonnement de
fréquence ν0 = c(1S), l’électron peut devenir complètement libre. L’ionisation
de la vapeur doit être considéré comme le phénomène limite de l’absorption
sélective, celle-ci étant en somme qu’un effet photoélectrique incomplet et
sélectif (l’électron vient occuper certains niveaux bien déterminés).
Si la fréquence du rayonnement incident est supérieure à ν0 , on doit s’attendre (par analogie avec l’effet superficiel, et sous réserve de contrôle expérimental) à obtenir l’émission d’un électron possédant une certaine énergie
cinétique conformément à la relation d’Einstein :
1 2
mv = eV = h(ν − ν0 ) = hν − hc(1S) = hc − eVi
2
(3.4)
L’énergie cinétique d’un électron peut varier d’une manière continue. Le
quantum incident hν peut donc, quelle que soit sa fréquence (supérieure à
ν0 ), être absorbé en produisant d’une part l’ionisation de l’atome, correspondant à la fraction d’énergie hc(1S), et d’autre part en communiquant
au photoélectron l’énergie cinétique 1/2mv 2 . Tant que la fréquence ne dépasse pas le seuil photoélectrique ν0 , l’absortion est sélective et discontinue
(on n’observe, en absorption, que les raies de la série principale). Mais dès
que la limite ν0 est franchie, l’absorption devient possible pour toutes les
52
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
fréquences. Le spectre de raies d’absorption observé par Wood pour la vapeur de sodium doit se prolonger, vers les courtes longueurs d’onde, par une
bande d’absorption continue dont la tête doit coı̈ncider avec la limite de la
série principale.
En réalité, l’étude expérimentale directe de la photoionisation des gaz
présente des difficultés considérables, résultant principalement d’effets perturbateurs ou secondaires difficiles à éliminer ou à analyser : action photoélectrique de la lumière exitatrice sur les électodes, influence des impuretés,
effets cumulatifs 7 . Toutefois, la formule (3.4) intervient sans aucun doute
dans l’interprétation des résultats relatifs aux vapeurs des métaux alcalins.
Les atomes de ce éléments possèdent la même configuration électronique superficielle et donnent naissance à des spectres de même structure. Dans le
cas du césium, le potentiel d’ionisation est voisin de 3,9 volts et la fréquence
limite ν0 correspond à λ0 = 3184 A. Mohler, GFoote et Chenault ont observé
en effet un maximum aigu d’ionisation vers 3180 A. Mais dans la région des
longueurs d’onde supérieures à la limite théorique, une ionisation notable
résulte de l’absorption par un atome normal d’un quantum correspondant à
l’une des raies de la série principale 1S −nP . Pour la pluspart de ces raies, on
peut admettre qu’il s’agit d’une collision de l’atome ainsi exité avec un atome
normal, donnant naissance à une molécule Cs2 ionisée. Avec le potassium,
un maximum d’ionisation a été également observé au voisinage de la limite
calculée λ0 = 2856 A (Lawrence et Edlefsen).
D’ailleur, nous avons vu que l’observation des spectres continus d’absorption des vapeurs doit permettre de contrôler indirectement la validité de
l’équation (3.4). Dans le cas des métaux alcalins, ces spectres ont été observés dans les conditions prévues par la théorie, avec une limite coı̈ncidant avec
celle de la série principale (Wood).
3.7
Effet photoélectrique des rayons X
L’effet photoélectrique des radiations de haute fréquence (rayons X et γ)
présente une importance considérable, légitimée par son intervention dans
toutes les manifestations de ces radiations : ionisation des gaz, action sur les
plaques photographiques et sur les tissus vivants, etc. La vérification précise
de la loi générale d’Einstein conduit à des résultats remarquables (constitution interne des atomes, fréquences des rayons γ, etc.). Enfin, dans le cas des
gaz, l’étude détaillée des phénomènes soulève de nouveaux problèmes relatifs
à la dynamique de l’atome et à la structure des radiations.
7. On désigne ainsi l’absortion de deux quanta par le même atome, ou l’absortion d’un
quantum suivie d’un choc avec un autre atome normal ou déjà exité (voir page ? ? ?).
3.7. EFFET PHOTOÉLECTRIQUE DES RAYONS X
53
Nous devons en premier lieu, modifier légèrement la relation (3.2), qui
donne l’énergie cinétique maximum des photoélectrons. Le travail correspondant à l’arrachement d’un électron superficiel de l’atome est en effet très petit
par rapport au quantum hν du rayonnement X incident, supposé monochromatique. Le terme correctif w = hν0 peut être négligé et la relation générale
prend la forme suivante (en accord approximatif avec les mesures relatives à
la distribution des vitesses des photoélectrons émis par la surface d’un métal
sous l’action d’un rayonnement >X sensiblement monochromatique) :
1 2
mv = eV = hν
2
Nous soulignerons, dans ce cas particulier, la caractère réversible de l’équation d’Einstein. Le Phénomène inverse de l’effet photoélectrique s’observe
en bombardant une anticathode avec un faisceau d’électrons possésant une
énergie eV , V désignant la tension constante appliquée au tube dans lequel les électrons prennent naissance. Lorsqu’on analyse le rayonnement X
obtenu dans ces conditions, on constate l’existence d’un fond continu sur lequel se détachent les raies caractéristiques de l’anticathode. Or, le spectre
continu présente une limite supérieure bien déterminée ν0 , dans l’échelle des
fréquences, reliée à l’énergie des corpuscules cathodiques par l’équation :
eV = hν0
(3.5)
Le choc des électrons contre l’anticathode s’accompagne en effet d’une
diminution d’énergie cinétique au plus égale à eV . La relation (3.5), établie
d’abord par Duane et Hunt, fournit une valeur de h (6, 55 10−27 ) en exellent
accord avec les autres déterminations.
L’énergie des électrons libérés par un faisceau de rayon X peut être mesuré par les procédés habituels (champs électrostatique antagoniste, déviation magnétique). Dans le cas des gaz, la méthode de C.T.R. Wilson premet
d’observer directement les trajectoires électroniques. Le gaz étudié, saturé
de vapeur d’eau, est soumis à l’action des rayons X ; les photoélectrons très
rapides (rayons β) qui prennent naissance ionisent par choc les molécules
du gaz sur un parcours plus ou moins étendu. En produisant immédiatement une brusque détente, les ions jouent le rôle de noyaux de condensation.
Des traı̂nées de gouttelettes liquides apparaissent et dessinent les trajectoires
des corpuscules ionisants. On peut photographier ces trainées et déduire de
l’examen des clichés deux projections projections permettant de déterminer
la forme réelle et la longueur totale des figures d’ionisation.
Les méthodes de déviation électrique et magnétique ne s’appliquent qu’à
des faisceux corpusculaires suffisament denses, constitués par des électrons
54
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
extrèmement nombreux. Au contraire, la méthode de condensation permet de
mieux analyser les phénomènes et d’étudier séparément les échanges d’énergie
entre les quanta de radiation et les molécules du gaz.
On constate tout d’abord que l’ionisation des gaz sous l’action des rayons
X doit être attribuée presque intégralement aux photoélectrons. Le nombre
des molécules qui subissent l’ionisation photoélectrique directe, égal à celui
des trajectoires électroniques, est en effet extrêmement petit. D’autre part,
l’énergie cinétique d’un photoélectron est très grande par rapport à celle que
l’onde incidente pourrait fournir à chaque molécule, dans l’hypothèse d’une
distribution uniforme de l’énergie rayonnante. Il faudrait donc admettre la
possibilité d’une accumulation d’énergie résultant d’une action prolongée des
radiations 8 . La théorie des photons permet d’éviter cette difficulté 9 et d’interpréter le caractère instantané de l’effet photoélectrique (voir page ? ? ?).
La méthode de condensation montre encore que les rayons X de fréquence
déterminée donnent naissance, au sein d’un gaz, à deux sortes de corpuscules : les unes se manifestent en effet par des trajectoires très courtes par
rapport à celles des autres. Les trajets de grande longueur correspondent aux
photoélectrons, ayant une énergie légèrement inférieure au quantum hν des
radiations utilisées. Les parcours du second type doivent être attribuées à des
électrons possédant une énergie cinétique beaucoup plus faible (inférieure, en
général, à 10% du quantum). Ces trajectoires courtes n’ont pas la même origine que celle des photoélectrons ; elles prennent naissance, comme nous le
verrons, au cour de la diffusion des rayons incidents (électrons de recul).
Enfin, la méthode de Wilson premet d’observer, dans certains cas, l’émission par un même atome d’une série d’électrons de vitesses diverses, donnant
naissance à plusieurs trajectoires (deux ou même quatre) partant d’un même
point. Cet effet photoélectrique composé a été étudié, dans le cas des gaz
monoatomiques (argon, krypton, xénon), par P. Auger, qui en donne l’explication suivante :
Supposons, par exemple, que le quantum incident hν soit suffisant pour
extraire un électron K d’un atome de krypton, produisant ainsi une place
8. Une telle hypothèse est incompatible avec celle qui attribue à l’atome une série
discontinue d’états énergétiques bien définis.
9. On pourrait cependant concerver la théorie classique (onde spérique avec densité
énergétique uniforme) à la condition de rejeter partiellement le principe de concervation
de l’énergie, ou plustôt de supposer que ce principe n’est pas applicable aux phénomènes
atomiques individuels. L’énergie totale empruntée au faisceaude rayon X serait bien égale
à l’énergie d’un très grand nombre de photoélectrons, mais cette concervation, purement
statistique, n’aurait pas lieu au cour de l’expulsion d’un seul électron. Bohr, Kramers et
Slater ont développé cette théorie, d’après laquelle les deux principes de concervation de
l’énergie et de la quantité de mouvement n’ont qu’une valeur statistique, et peuvent, à cet
égard, être rapprochés du second principe de la thermodynamique.
3.8. ANALYSE MAGNÉTIQUE DES PHOTOÉLECTRONS
55
Figure 3.3 –
vacante dans la couche correspondante. Dans ces conditions, un électron
L pourrait retomber sur le niveau K avec émission d’une raie kα . Mais il
est possible que la diminution d’énergie atomique, correspondant à une telle
transformation, puisse prendre directement la forme corpusculaire, et se manifesté par l’expulsion d’un électron L. S’il en est ainsi, la couche L comporte
alors deux places vides, et l’on peut s’attendre, suivant le même mécanisme,
à l’expulsion de deux nouveaux électrons. Il n’y a pas de contradiction avec
la théorie générale, car la somme des énergies des photoélectrons extraits du
même atome n’est pas supérieure au quantum hν
3.8
Analyse magnétique des photoélectrons.
Spectres corpusculaires
Lorsque le corps soumis à l’action des rayons X est un solide (métal, sel),
la méthode de déviation magnétique permet de séparer les photoélectrons
de vitesse différentes. Le « spectre corpusculaire »obtenu peut être enregistré
photographiquement au moyen d’un dispositif utilisé par Robinson et Rawlinson, et surtout mar M. de Broglie.
Une boı̂te plate en bronze (fig. 3.3), dans laquelle on fait un bon vide,
56
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
contient un bloc de plomb B et le corps étudié A, sous la forme d’une bande
mince tendue sur une plaquette d’aluminium. L’appareil est placé dans un
champ magnétique uniforme, perpendiculaire au plan de la figure. La fente
F, de un à deux millimètres de largeur, laisse passer les photoélectrons qu
forment un faisceau dévié circulairement. Les rayons X de fluorescence (voir
page ? ? ?) ne subissent aucune déviation. Tous les électrons expulsés de A
avec une vitesse v décrivent, dans le champ magnétique d’intensité H, des
cercles de rayon :
mv
R=
(3.6)
He
\
Celui de ces cercles qui passe par un point M, tel que M
AC = φ, rencontre
la plaque photographique DE en un point P, dont la distance au centre de la
fente est :
√
CP = 4R2 cos2 φ − a2 AC = a
La distance précédente ne dépend pas sensiblement de l’angle φ, suppos” très petit. Tous les rayons corpusculaires de même courbure, constitués
par des photoélectrons possédant la même énergie, se coupent donc en P et
donnent naissance à une sorte d’image ou « raie spectrale ». Avec un faisceau
hétérogène, on obtient un véritable spectre renfermant autant de raies qu’il
n’existe de groupes d’électrons expulsés avec une vitesse déterminée.
La vitesse des photoélectrons dépend de la région de l’atome d’où ils
sont extraits. Un rayonnement monochromatique de fréquence ν (suffisamment élevée) produit une série de « flots d’électrons »arrachés aux couches
K, L, etc., et caractérisés par des énergies : hν − WK , hν − WL , etc. (voir
page ? ? ?). On enregistrera donc, pour chaque fréquence efficace, autant de
raies (ou plustôt de bandes à bord net du côté des grandes vitesses) qu’il
existe de niveaux d’énergies, et le spectre corpusculaire obtenu traduit fidèlement la constitution interne de l’atome. Réciproquement, si l’on considère les
électrons chassés d’un niveau simple, comme le niveau K, à chaque fréquence
efficace contenue dans le rayonnement incident correspondra une raie bien
distincte. On obtient ainsi, sans faire appel à la diffraction cristalline, un
véritable spectre de rayon X transposé sous forme corpusculaire.
Les considérations précédentes ont été l’objet d’une vérification quantitative précise dans un grand nombre de cas (M. de Broglie, Robinson, Watson
et Van den Akker). La vitesse des photoélectrons étant suffisamment grande,
il faut tenir compte de la variation de la masse avec la vitesse (m = √m0 2 ,
1−β
voir page ? ? ?, note ? ? ?), et remplacer
l’expression
classique de l’énergie ci)
(
nétique par la différence : m0 c2 √ 1 2 − 1 , conformément à la théorie de
1−β
3.9. DISTRIBUTION SPACIALE DES PHOTOÉLECTRONS
57
la relativité (voir p. ? ? ?). On obtient ainsi :
(
m0 c 2
√
1
1 − β2
)
−1
− hν − W
(3.7)
avec W = hν0 , ν0 désignant la fréquence critique du niveau d’origine duu
photoélectron.
L’équation précédente, combinée à la relation (3.6), permet de vérifier
la théorie à partir des données spectroscopiques. Les valeurs des produits
RH, calculées directement d’après les fréquences connues ν et ν0 , sont en excellent accord avec les valeurs déduites de la position des raies corpusculaires
observées sur le cliché.
La méthode d’analyse magnétique, sous la forme précédente, a été appliquée aux rayons γ par Ellis et par Thibaud. La longueur d’onde de ces
rayons, difficile ou impossible à obtenir par la diffraction cristalline, peut
être atteinte au moyen des spectres corpusculaires, en utilisant la relation
(3.7). Dans tous les domaines de fréquences, la transformation de l’énergie
rayonnante en énergie corpusculaire obéit rigoureusement à la loi photoélectrique d’Einstein.
3.9
Distribution spaciale des photoélectrons
L’émission photoélectrique est en réalité un phénomène vectoriel, caractérisé par la vitesse initiale des photoélectrons. Nous devons donc considérer,
non seulement la grandeur,mais la direction de cette vitesse par rapport au
rayonnement exitateur. A cet égard, les renseignements les plus complets et
les plus précis ont été obtenus par la méthode de C.T.R. Wilson ; ils peuvent
être résumés de la manière suivante :
1. Les photoélectrons ne sont pas projeté uniformément dans tout l’espace. Ceux d’entre eux qui possèdent une composante de vitesse dans
le sens de la propagation des rayons X sont plus nombreux que ceux
qui reviennent en arrière. On en déduit immédiatement que la quantité de mouvement transportée pra l’onde incidente (voir p. ? ? ?) doit
intervenir dans le phénomène.
En portant dans chaque direction, faisant un angle θ avec celle des
rayons X, une longueur proportionnelle au nombre d’électrons émis
dans l’intervalle angulaire δθ, on obtient une représentation shématique
de la répartition longitudinale (3.4, d’après P.Auger). On constate ainsi
qu’il se produit une large dispersion autour d’une direction moyenne,
58
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
Figure 3.4 –
Figure 3.5 –
définie par l’angle θ0 , inférieur à 90˚, correspondant au partage de l’espace en deux parties d’égale importance. Cet angle de bipartition diminue lorsque la fréquence du rayonnement exitateur augmente. La figure
3.5 représente la distribution longitudinale obtenue par Anderson (résultats expérimentaux indiqués par de petits cercles) dans le cas de
l’air traversé par des rayons X monochromatiques ayant pour l’ongueur
d’onde 0,56 A. (θ0 = 73˚) ou 0,71 A. (θ0 = 76˚).
2. Lorsque l’onde incidente est polarisée, on obtient une forte concentration des photoélectrons au voisinage du plan qui contient le vecteur
électrique. La fig. 3.6 représente, dans le plan de l’onde, la distributions azimutale observée par Bubb, en expérimentant sur de l’air humide traversée par un faisceau de rayon X partiellement polarisés (par
3.9. DISTRIBUTION SPACIALE DES PHOTOÉLECTRONS
59
Figure 3.6 –
diffusion à angle droit sur un bloc de paraffine). L’absence de polarisation complète explique l’amisiion de quelques électrons dans une
direction perpendiculaire à celle du vecteur électrique. La forme de la
courbe de distribution latérale est indépendante de la nature du gaz et
de la fréquence du rayonnement exitateur (Kirchner). Des expériences
récentes (P. Kirkpatrick) ontmontré que si l’on rejette les trajectoires
électroniques pouvant être attibuées à la fraction non polarisée du faisceau incident, le nombre des photoélectrons émis dans chaque direction
φ (fig. 3.6) est très sensiblement proportionnel à cos2 φ.
Nous pouvons interpréter grossièrement les observations précédentes en
admettant que le photoélectron est effectivement lancé dans la direction
du vecteur électrique, mais que la quantité de mouvement hν
associée
c
au photon incident lui est en même temps communiquée, ce qui entraı̂ne
une déviation de sa trajectoire.
60
CHAPITRE 3. PHÉNOMÈNES PHOTOÉLECTRIQUES
Chapitre 4
Diffusion des rayons X. Effet
Compton
4.1
Absortion et diffusion des rayons X
En traversant la matière, un faisceau de rayon X subit une diminution
d’intensité dépendant de la nature et de l’épaisseur de la substance, conformément à la formule exponentielle 1 :
Ix = I0 e−µx
I0 désigne l’intensité initiale des rayons (quantité d’énergie tombant par seconde sur l’unité de surface) et Ix l’intensité réduite après un trajet de longueur x à l’intérieur de la substance dont le coefficient spécifique d’absorption
est égale à µ.
L’affaiblissement du faisceau doit être attribué à deux causes distinctes :
1. Si la fréquence du rayonnement est suffisante, les quanta de radiation
peuvent être absorbées par les atomes du corps, suivant le mécanisme
précédemment étudié (effet photoélectrique). Les atomes subissent une
ionisation plus ou moins profonde, précédent une réorganisation des
1. La diminution d’intensité subie par un faisceau d’intensioté I traversant l’épaisseur
dx est proportionnelle à la fois à I et à dx
dI = −µIdx
dI
Le coéfficient d’absortion « linéaire » : µ = − Idx
représente donc la fraction d’énergie
3
absorbée par cm de substance traversée. Le coéfficient « massique »d’absorption µρ (ρ :
densité) représente la fraction d’énergie absorbée par gr. Si l’on désigne par n le nombre
d’atomes par cm3 , le quotient µ0 = nµ est la fraction d’énergie absorbée en moyenne et en
une seconde par un atome, et s’appelle coéfficient atomique d’absorption.
61
62
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
couches électronique successives. La libération des photoélectrons est,
comme nous l’avons indiqué, corrélative de l’émission d’un rayonnement secondaire moins pénétrant que le faisceau primaire (rayon de
fluorescence).
On donne le nom d’absorption proprement dite ou d’absorption vrai
à ce premier mode d’affaiblissement des rayons incidents. On lui fait
correspondre un coefficient d’absorption vrai τ , qui est une fraction
plus ou moins importante de µ 2 .
2. L’énergie rayonnante non absorbée par les atomes ne se retrouve pas
intégralement dans le faisceau transmis. Une autre fraction plus ou
moins grande de l’énergie incidente est déviée irrégulièrement et éparpillée dans toutes les directions. On donne à ce phénomène le nom de
diffusion et la diminution correspondante d’intincité est caractérisée
par un coefficient σ (µ = τ + σ).
Le rayonnement de fluorescence, dont l’émission résulte de l’absorption
vraie, caractérise le radiateur utilisé. Il est indépendant de la fréquence
du rayonnement primaire, sous réserve qu’elle soit assez grande pour
exciter la fluorescence. Au contraire, les longueurs d’onde des rayonnements incidents et diffusé sont presque identiques. L’égalité absolue
des fréquence résulte d’ailleurs de l’interprétation du phénomène par la
théorie électromagnétique.
On admet en effet que, sous l’action du champ électrique variable de
l’onde incidente, les électrons des atomes du corps diffusant peuvent
entrer en vibration (mouvement accéléré) et émettre alors , conformément à l’électrodynamique classique, un rayonnement secondaire de
même fréquence. La théorie complète, due à J.J. Thomson, montre que
l’intensité diffusée dans une direction faisant un angle φ avec la dirrection initiale de propagation est proportionnelle à I + cos2 φ. Dans
le cas d’un faisceau primaire non polarisé, le rayonnement diffusé à
angle droit doit être complètement polarisé dans un plan contenant
la direction d’observation et celle des rayons incidents. Enfin, le coefficient massique de diffusion φσ (voir note ? page ? ? ?) doit être voisin
de 0, 4N/A (N : nombre atomique, A : poids atomique) ou, pour les
éléments légers, égal à 0, 2 environ.
2. En dehors des discontinuités d’absorption K, L, M, etc. (voir p. ? ? ?), les variations
du coefficient atomique d’absorption vraie τa sont représentées approximativement par la
formule : τa = CN m λn (N : nombre atomique, λ : longueur d’onde), dans laquelle on pose
généralement m = 4 et n = 3 (loi de Bragg-Pierce). La constante C concerve la même
valeur entre deux limites d’absortion, mais varie brusquement pour les longueurs d’onde
critiques correspondant à ces limites.
4.1. ABSORTION ET DIFFUSION DES RAYONS X
63
Ces prévisions ont été partiellement confirmées par l’expérience. En particulier, dans certains cas, la distribution de l’intensité obéit approximativement à la loi théorique ; le coefficient φσ a pour valeur approchée
0, 2, par exemple pour le carbone et le lithium (Hewlett). De plus, la
polarisation du rayonnement diffusé semble entièrement conforme aux
déductions théoriques (Barkla, A. II. Compton et IIagenow).
Toutefois, pour les rayons très mous ou très pénétrants, la théorie de
Thomson devient nettement insuffisante. La distribution de l’intensité
diffusée ne présente plus la symétrie indiquée par le « facteur de polarisation »1 + cos2 φ. D’autre part, le coefficient φσ cesse d’être indépendant de la fréquence : il devient très inférieur à la valeur théorique
0, 2 dans le cas des rayons X très durs ou des rayons γ. Lorsque la
fréquence du rayonnement primaire est suffisament faible, la diffusion
est au contraire supérieure à celle que prévoit la théorie et dépend du
nombre atomique de l’élément diffusant. En résumé, la théorie électromagnétique du phénomène, sous sa forme la plus simple, ne s’applique
qu’à la diffusion de rayon X de fréquence moyenne par des éléments de
faible poids atomique.
Si la longueur d’onde est grande par rapport aux dimensions atomiques,
on peut admettre que les rayons diffusés par les électrons d’un même
atome ont sensiblement la même phase, et interpréter ainsi la forte
diffusion des rayons mous. A cet égard, la théorie primitive a été généralisée par Debye. Mais dans le domaine des fréquences élévées, les
phases des vibrations électroniques doivent être considérées comme indépendantes : le désaccord subsiste intégralement entre l’expérience et
la théorie électromagnétique, d’après laquelle la diffusion est symétrique
et caractérisée par un coefficeint φσ voisin de 0, 2.
La fréquence du rayonnement diffusé, prévue par la théorie précédente,
est exactement la même que celle du faisceau primaire, supposé monochromatique. En réalité, on a constaté depuis longtemps que le rayonnement secondaire émis par un corps est moins pénétrant que le rayonnement incident. Pour les éléments de poids atomique élevé, la diffusion
est très faible par rapport à l’absorption vraie (τ augmente rapidement
avec N ) : la différence de pénétration doit être attribuée presque uniquement au rayonnement de fluorescence K, L, etc.Mais cette différence
subsiste dans le cas d’éléments légers, comme le carbone, pour lesquels
le rayonnement caractéristique de fluorescence est inappréciable.
On sait actuellement qu’une partie seulement de l’énergie diffusée conserve
la fréquence du rayonnement primaire. La fraction complémentaire subit, au cours de la diffusion, un abaissement de fréquence (augmenta-
64
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
Figure 4.1 –
tion de la longueur d’onde). Ce phénomène fondamental découvert en
1922 par A. II. Compton, ne peut être interprété d’une manière satisfaisante par la théorie électromagnétique. Nous verrons que l’hypothèse
des photons en donne, au contraire, une explication quantitative simple.
4.2
Expérience de A. H. Compton
Le dispositif utilisé (fig. 4.1) se compose d’une source de rayons X (tube
T à anticathode de molybdène) et d’un corps diffusant (Bloc C de graphite)
associés à un spectromètre de Bragg, comprenant un cristal tournant et une
chambre d’ionisation. Les deux fentes F et F’ limitent le faisceau qui tombe
sur le cristal. En déplaçant convenablement la source et le radiateur, on peut
obtenir le spectre du rayonnement primaire ou le spectre du rayonnement
diffusé dans une direction faisant un angle φ avec la direction initiale de
propagation.
Ces spectres (courbes d’ionisation) sont représentés par la fig. 4.2. La
courbe A correspond à la radiation Kα M0 contenue dans le faisceau primaire. Les diagramme B, C et D, relatifs au même rayonnement diffusé,
montrent que la diffusion s’accompagne d’un dédoublement de la raie Kα :
l’une des deux raies observées (raie non déplacée) possède exactement la longueur d’onde initiale (0,71 A.) ; la raie déplacée a une longueur d’onde un
peu supérieure (0,73 A. pour φ = 90˚) et variable avec l’angle de diffusion φ.
Ce phénomène est général : la diffusion d’un rayonnement X monochromatique dans une direction déterminée donne naissance à deux composantes
distinctes. La raie non déplacée, ou non modifiée, peut s’interpréter au moyen
de la théorie électromagnétique. Mais cette théorie ne permet pas de prévoir
simplement et quantitativement l’existence d’une composante déplacée, ou
modifiée, de fréquence plus faible et variable avec la direction d’observation.
4.2. EXPÉRIENCE DE A. H. COMPTON
Figure 4.2 –
65
66
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
Figure 4.3 –
4.3
Théorie quantique (Compton, Debye).
Nous supposerons que la diffusion résulte de chocs entre les photons,
possédant chacun l’énergie ϵ = hν et la quantité de mouvement cϵ = hν
, et
c
des électrons supposés libres (ou très faiblement liés) et immobiles. Par suite
du choc, le quantum est diffusé dans une direction φ (fig. 4.3) en emportant
une énergie moindre : ϵ − ∆ϵ et une quantité de mouvement correspondante
ϵ−∆ϵ
. L’électron diffuseur doit donc acquérir une certaine vitesse dans une
c
direction faisant un angle θ avec la direction initiale des rayons ; il doit reculer
avec une quantité de mouvement mv égale à la différence géométrique des
deux autres, relatives au quantum incident et au quantum diffusé.
Les principes de concervation de l’énergie et de la quantité de mouvement
fournissent les relations :
ϵ = ϵ − ∆ϵ + 1/2mv 2 ; d’où ∆ϵ = 1/2mv 2
ϵ2 (ϵ − ∆ϵ)2
ϵ (ϵ − ∆ϵ)
+
−2
cos φ
2
2
c
c
c
c
ou, en négligeant ∆ϵ par rapport à ϵ dans le second membre :
m2 v 2 =
m2 v 2 = 2
ϵ2
(1 − cos φ)
c2
(4.1)
Désignons la variation de fréq<uence par ∆ν (∆ϵ = h∆ν) ; nous optenons
4.3. THÉORIE QUANTIQUE
67
d’après (4.1) :
hν 2
(1 − cos φ)
mc2
La variation correspondante de longueur d’onde ∆λ est donc :
∆ν =
∆λ =
h
2h
φ
(1 − cos φ) =
sin2
mc
mc
2
(4.2)
De plus, la relation (4.1) donne, pour la vitesse de l’électron de recul :
v=
2hν
φ
sin2
mc
2
(4.3)
Une théorie plus rigoureuse, mais basée sur les même hypothèses, peut
être développée en introduisant les formules de la dynamique de la relativité.
L’électron diffuseur est repoussé avec une vitesse v telle que(v/c = β ; sa
)
masse devient donc : √m0
1−β 2
et son énergie cinétique : m0 v 2
√1
1−β 2
−1
(voir page ? ? ?).
Désignons par ν0 la fréquence « incidente »et par ν la fréquence « diffusée », et écrivons les équations qui expriment la concervation de l’énergie et
de la quantité de mouvement :
(
)
1
hν0 = hν + m0 c2 √
−1
1 − β2
hν0
hν
m0 βc
=
cos φ + √
cos θ
c
c
1 − β2
(projection sur la direction des rayons primaires)
0=
hν
m0 βc
sin φ + √
sin θ
c
1 − β2
Pour abréger l’écriture, posons νν0 = µ et α = mhν0 c02 . D’après les valeurs
les plus probables de e, h et me0 , la longueur γ = mh0 c est égale à 0,02415 A.
(l’ordre de grandeur est le même que pour la longueur d’onde des rayons γ).
La longueur d’onde incidente λ0 est égale à nuc 0 . Le rapport α = f racγλ0 est
donc notablement inférieur à l’unité, dans le cas des rayons X ordinaires. Par
exemple, pour Kα Mo, α est voisin de 1/30.
Si l’on se donne a priori l’angle de diffusion φ, les équations précédentes
permettent de calculer µ0 , β et θ. La grandeur de l’effet Compton est définie
68
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
par le rapport µ ; la vitesse et la direction de l’électron de recul sont données
par β et θ. On obtient ainsi les relations suivantes :
µ=
1
1
=
1 + α(1 − cos φ)
1 + 2α sin2
φ
2
Le rapport µ est inférieur à l’unité : la diffusion produit donc un accroissement ∆λ de la longueur d’onde :
(
)
1
∆λ = λ − λ0 = λ0
− 1 = λ0 α(1 − cos φ) = γ(1 − cos φ)
µ
ou :
h
2h
φ
(1 − cos φ) =
sin2
(4.4)
mc
mc
2
Nous retrouvons précisément la formule (4.2), donnée par la théorie simplifiée.
√
2α sin φ2 1 + (2α + α2 ) sin2 φ2
β=
(4.5)
1 + 2(α + α2 ) sin2 φ2
∆λ =
Nous avons vu qu’en général, le rapport α est petit : cette valeur de β est
donc peu différente de la valeur approchée 2α sin φ2 , donnée par la formule
(4.3).
1
φ
cot
(4.6)
1+α
2
Enfin, l’énergie cinétique Wc de l’électron de recul est donnée, en fonction
de φ ou de θ par les relations :
tan θ = −
2 sin2 φ2
1 − cos φ
Wc = hν0 α
= hν0 α
1 + α(1 − cos φ)
1 + 2α sin2
4.3.1
φ
2
= hν0 α
2 cos2 θ
(1 + α)2 − α2 cos2 θ
(4.7)
Conséquences des équations précédentes
1. La formule (4.2) ou (4.4) montre que la variation ∆λ est positive (abaisselment de fréquence) et indépendante de la longueur d’onde et de la
nature du radiateur. Elle dépend uniquement de l’angle de diffusion φ :
elle est nulle pour φ = 0 et croit régulièrement avec φ. Pour φ = 90˚,
∆λ = 0, 024 A. ; la valeur maximum 0,048 A. est atteinte pour φ = 180˚.
4.3. THÉORIE QUANTIQUE
69
Figure 4.4 –
2. Les formules (4.5) et (4.7) montrent que la vitesse et l’énergie cinétique de l’électron de recul ont pour valeurs approchées : 2αc sin φ2 et
2αhν0 cos2 θ. Sauf pour les rayons X très durs, α est petit par rapport à
l’unité : les électrons de recul seront donc des électrons lents par rapport
aux photoélectrons.
3. L’expression (4.6) donne la direction de départ de l’électron de recul.
Elle indique que θ est inférieur à 90˚. Puisque α est petit, tan θ diffère
peut de cot φ2 et les angles θ et φ2 sont à peut près complémentaires.
La direction θ s’écarte peu de la bissectrice extérieure de l’angle des
directions de propagation du photon diffusé. La diffusion du photon est
possible dans toutes les directions. Au contraire, l’électron de recul est
toujours projeté vers l’avant avec une énergie cinétique qui augmente
régulièrement en même temps que l’angle de diffusion . La correspondance entre les angles φ et θ, et entre les énergies hν et Wc est indiquée
schématiquement par la fig. 4.4. Les fléches supérieures représentent les
énergies diffusées hν, pour les différentes valeurs de φ, et les flèches inférieures représentent les énergies de recul, en fonction de θ. La somme
des longueurs de deux flèches correspondantes (même numéro) est hν0 .
A chaque électron reculant dans le direction θ correspond un photon
diffusé dans une direction φ bien déterminée. Cette association de deux
directions définies est évidemment en contradiction avec la théorie électromagnétique, d’après laquelle l’énergie serait rayonnée dans toutes les
directions par chaque électron diffuseur.
Schrödinger a montré que la variation de la longueur d’onde donnée par la
théorie corpusculaire de Compton peut être retrouvée à l’aide de la mécanique
70
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
ondulatoire, en faisant intervenir la formule (7.4) de L. de Broglie (Chap.
7) et le principe de Doppler. D’autre part, la nouvelle mécanique quantique,
développée notamment par Dirac, a permis de calculer l’intensité diffusée par
des électrons libres dans une direction φ déterminée (Klein et Nishina). Dans
le domaine des fréquences élevées, la distribution fortement dyssymétrique
de l’intensité diffusée, ainsi que la faible valeur du coéfficient de diffusion,
s’expliquent en tenant compte de l’énergie des électrons de recul et de la
variation de cette énergie avec l’angle de diffusion. Les prévisions de la théorie
de Klein et Nishina sont alors en exellent accord avec les faits observés.
4.4
4.4.1
Vérifications expérimentales
Abaissement de fréquence par diffusion
Les expériences de Compton déjà mentionnées, relatives à la radiation
Kα M0 diffusée par le carbone, montrent que la longueur d’onde de la raie déplacée est donnée, à 0,001 A. près, par la formule (4.2) ou (4.4). La position
théorique, indiquée par M, correspond en effet très sensiblement au second
sommet de la courbe d’ionisation. Cet excellent accord ne peut être considéré
comme accidentel : la fig. 4.5 reproduit les spectrogrammes obtenus par Woo
avec un radiateur d’argent (Kα ) et de nombreux éléments diffusants, examinés par ordre de nombre atomique. Dans tous les cas, la composante modifiée
occupe la position M prévue par la théorie quantique. Ces résultats, fournis
par des spectromètres à chambre d’ionisation, ont été confirmés par des observations photographiques (Ross, M. de Broglie et Dauvillier, etc.). Le spectre
du rayonnement diffusé, pour une même radiation primaire, comprend deux
raies voisines dont l’écart est bien égal au déplacement théorique. Les mesures les plus précises (Grigrich) ont été effectuées en utilisant un angle de
diffusion très grand (φ = 161˚25’), de manière à accroı̂tre le déplacement mesuré δλ et à réduire autant que possible l’influence des variations de φ (on ne
peut, en effet, expérimenter dans une direction rigoureusement déterminée).
Le déplacement mesuré dans ces conditions a pour valeur :
∆λ = 0.04721 ± 0, 00003 A.
d’où l’on peut déduire la valeur « expérimentale »de γ =
0.00004 A. très voisine de la valeur calculée 0,02415.
4.4.2
h
m0 c
= 0, 02424 ±
Electrons de recul
Les électrons de recul ont été observés directement au moyen de la méthode de condensation (C.T.R. Wilson, Bothe, voir p. ? ? ?). Les trajectoires
4.4. VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES
Figure 4.5 –
71
72
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
courtes qui leur correspondent sont d’autant plus nombreuses et plus allongées (fish tracks) que la fréquence du rayonnement primaire est plus grande.
Elles sont dirigées en avant, c’est-à-dire dans le sens de propagation des
rayons, et celles qui s’écartent le plus de la direction du faisceau incident
(grandes valurs de θ) sont les plus courtes. Ces observations qualitatives, en
bon accord avec les formules (4.7), ont été complétées de la manière suivante :
Pour les fréquences élevées, la composante modifiée est beaucoup plus
intense que la raie non déplacée. Le coéfficient de diffusion σ se rapporte
donc presque uniquement à l’effet Compton (diffusion avec changement de
fréquence). Dans ces conditions, on peut admettre qu’à chaque électron de
recul correspond un photon diffusé. D’autre part, à chaque photoélectron correspond un photon absorbé. on doit donc retrouver sensiblement le rapport
des coefficients d’absortion en déterminant le rapport des nombres de trajectoires électroniques appartenent à chaque catégorie : NR pour les électrons
de recul et NP pour les photoélectrons. Quelques-uns des résultats obtenus
par Compton et Simon sont mentionnés dans le tableau suivant :
NR
0,29 A. 33
0,20 A. 74
0,17 A. 68
NP
12
8
4
NR /NP
2,7
9
17
σ/τ
3,8
10
17
Des vérifications analogues, encore plus précises, ont été effectuées ultérieurement par d’autres expérimentateurs (Nuttall et Williams, Ikeuti).
L’énergie cinétique maximum de l’électron de recul, calculée à partir de la
formule (4.7) pour θ = 0, peut être comparée avec les valeurs expérimentales
déduites de la longueur des parcours observés dans une chambre de Wilson 3
(Compton et Simon, Ikeuti) ou mesurées par une méthode de déviation magnétique (Bless). La correspondance est satisfaisante, notamment dans le cas
des expériences de Bless (diffraction par des feuilles d’aluminium) : avec la radiation Kα du molybdène (λ = 0, 71 A.) l’énergie cinétique maximum calculée
est égale à 1,10 kilovolts, tandis que les valeurs observées restent comprisent
entre 1,02 et 1,25 kilovolts. D’autre part, d’après la théorie, l’énergie des
électrons de recul doit varier avec l’angle d’émission θ conformément à la formule (4.7). Les longueurs moyennes des parcours observés dans la chambre
de Wilson (Compton et Simon, Kirchner) diminuent en effet considérablement à mesure que l’angle d’émission croı̂t ; elles sont en outre de l’ordre de
grandeur prévu.
3. On utilise la formule de Wilson : l = V 2 /44 , dans laquelle l désigne la longueur en
mm. de la trajectoire électronique (dans l’air, sous la pression normale) et V représente,
en kilovolts, la différence de potentiel correspondant à l’énergie initiale du corpuscule
(1/2mv 2 = eV ).
4.4. VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES
73
Figure 4.6 –
La vérification des formules (4.2) et (4.7) ne fait intervenir que le rayonnement diffusé ou les électrons de recul. Par contre, celle de la formule (4.6)
nécessite des mesures portant en même temps sur les deux ordres de phénomène. Si la théorie est correcte, la diffusion d’un photon dans la direction φ
s’accompagne nécessairement du recul de l’électron diffusant dans la direction
θ. La simultanéité des deux émissions, au cour de chaque phénomène élémentaire, a été établie dès 1925 par Bothe et Geiger au moyen de deux chambres
d’ionisation A et B (fig. 4.6), ou « compteurs à pointe », disposées de part
et d’autre du trajet durayonnement primaire (pinceau de rayon X traversant
une atmosphère d’hydrogène), l’une B servant à receuillir les électrons de recul et l’autre A permettant de détecter éventuellement (effet photoélectrique)
les photons diffusés. Les indications des appareils, enregistrées photographiquement, présentent certaines emphcoı̈ncidences qui, après discusisions, ont
été interprétées par Bothe et Geiger comme prouvant réellement l’apparition simultanée d’un photon diffusé et d’un électron de recul. Vers la même
époque, Compton et Simon se sont efforcés de vérifier directement, à l’aide
de la méthode de condensation, la relation (4.6) entre les direction θ et φ.
L’angle θ est donné par la tangeante à la trajectoire R de l’électron de recul
(fig. 4.7). Le photon correspondant, diffusé dans la direction φ, peut éventuellement donner naissance, en un point A de son parcours rectiligne, à un
photoélectron rapide, qui se manifeste par une trajectoire longue. L’angle φ
est donc donné par la droite joignant les origines des trajectoires R et P. Les
résultats fournis par un grand nombre de clichés, convenablement discutés,
semble confirmer l’exactitude de la formule (4.6).
Toutefois, d’autres expériences analogues plus récentes semblaient au contraire
en désacord avec la théorie. Elles ont été effectuées par la méthode de Bothe
74
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
Figure 4.7 –
et Geiger, mais en cherchant à montrer que les coı̈ncidences ne peuvent être
observées qu’en donnant aux deux compteurs des positions correspondant
précisément aux directions d’amission θ et φ reliées par la formule (4.6). Au
lieu d’utiliser des rayons X ordinaires dans de telles expériences (Bennett,
Bearden), et pour obtenir des électrons de recul de grande énergie, Shankland a fait agir les rayons γ du Ra C sur divers corps diffusants (air, aluminium, paraffine, etc.). Quelle que soit la position relative des deux compteurs,
il estime que le nombre des coı̈ncidences observées reste voisin de celui des
coı̈ncidences fortuites qui doivent se produire. Comme il s’agissait cette fois
de rayon γ, il ne semblait d’ailleur pas impossible de concilier ce résultat
négatif avec ls observations antérieures de Compton et de Bothe, relatives
à des photons d’énergie beaucoup plus faible. Mais tout récemment, Bothe
et Maier Leibniz ont, par de nouvelles mesures, démontré l’inaxectitude des
conclusions de Shankland. D’autre part, Piccard et Stahel viennent d’établir directement, en donnant au diffuseur la forme d’un disque tournant, que
l’électron de recul et le photon γ diffusé sont émis simultanément, à moins
de 10−7 sec. près. Enfin, Crane, Gaerliner et Turin ont étudié, par la méthode de condensation, la diffusion de rayon γ (mésothorium) par une lame
de celluloı̈d introduite dans une chambre de Wilson. Comme dans les expériences de Compton et Simon, la directionde départ θ d’un électron de
recul est observée directement, mais l’application d’un champ magnétique
permet en outre de déterminer l’énergie de cet électron. On peut en déduire
la valeur théorique de l’angle φ, sans faire aucune hypothèse sur l’énergie
4.5. REMARQUES
75
du photon incident. Les photons diffusés peuvent être absorbés par l’une des
lames minces de plomb disposées parallèlement au faisceau primaire à l’intérieur de la chambre ; L’absorption d’un photon se traduit par l’apparition
d’une seconde trajectoire électronique. Les résultats obtenus (comparaison
des valeurs de φ calculées et observées) confirment l’exactitude des formules
de la théorie corpusculaire, les divergences s’expliquent par la diffusion des
électrons de recul dans la masse du celluloı̈d.
En résumé, l’analyse détaillée des faits expérimentaux fournit des résultats
en accord satisfaisant avec la théorie quantique corpusculaire, fondée sur
l’application des principes de concervation de l’énergie et de la quantité de
mouvement à chaque phénomène élémentaire.
4.5
Remarques
Différents auteurs se sont efforcés de concilier l’existance de la composante
déplacée avec les conditions classiques. Compton lui-même a remarqué de la
variation de fréquence avec l’angle de diffusion φ est précisément celle qui
résulte d’un déplacement de l’électron, avec une vitesse déterminée, dans
la direction des rayons primaires (effet Doppler, analogue au déplacement
des raies du spectre solaire, après diffusion par la surface d’une planète).
D’autre part, on peut interpréter qualitativement les lois du phénomène, il
est d’ailleur toujours nécessaire de faire intervenir la constante h dans les
calculs.
Nous retrouvons dans l’effet Compton la contradiction déjà signalée (p. ? ? ?)
entre l’expérience et la théorie de l’onde sphérique. L’énergie cinétique d’un
électron de recul est beaucoup plus grande que celle qu’il recevrait de l’onde
incidente, en supossanrt une distribution uniforme de l’énergie rayonnante.
On ne peut gère admettre que l’énergie reçue puisse être mise en réserve par
les électrons libres. Pour des raisons analogues, la quantité de mouvement
relativement considérable acquise par l’électron de recul semble incompatible
avec la théorie électromagnétique classique. En d’autres termes, pour interpréter les faits dans leur aspect détaillé, il convient de choisir entre cette
théorie et les principes de concervationde l’énergie et de la quantité de mouvement.
Bohr, Kramers et Slater (voir note ? ? page ? ?) ont proposé d’accorder aux
principes de concervation une valeur « statistique »et de renoncer à les appliquer aux phénomènes atomiques individuels. Dans ces conditions, la théorie
corpusculaire pourrait conduire, en moyenne, à certain résultats corrects, sans
donner toutefois une analyse complète et détaillée des phénomènes. En particulier, la diffusion d’un quantum n’entraı̂nerait plus nécessairement le recul
76
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
d’un électron. Nous avons vu cependant que les caractères du rayonnement
diffusé, ainsi que le nombre et les propriétés des électrons de recul, sont bien
conformes aux prévisions de la théorie des photons.
Toutefois, cette théorie n’interprète pas dans son ensemble le phénomène
de la diffusion des rayons X. Nous savons en effet qu’on observe en général
une raie non déplacée et une composante modifiée, c’est-à-dire la coexistance
des deux types de diffusion. Le rapport de l’intensité de la composante modifiée à celle de la raie non déplacée croı̂t avec la fréquence et varie en sens
inverse du nombre atomique de l’élément diffusant (voir fig. 4.5, relative aux
expériences de Woo). L’effet Compton n’a pas été observé avec la lumière ordinaire : la radiation verte de l’arc au mercure, diffusé par la parffine, conserve
exactement la même longueur d’onde (Ross). Au contraire, dans le cas des
rayons γ, l’ensemble du rayonement diffusé semble subir une variation de fréquence (Compton). Enfin, la raie déplacée est toujours diffuse ; elle possède
une certaine largeur non prévue par la théorie.
Nous avons admis que les centres diffusants sont des électrons libres ou
très faiblement liés. Les difficultés prcédentes doivent être évidemment rattachées à cette hypothèse. En fait, les électrons sont assujettis à des liaisons
qui les retiennent dans le champ atomique. Si l’électron diffusant n’est pas
arraché à l’atome par le photon incident, il doit se retrouver, après diffusion
du rayonnement, sur le même niveau énergétique, et l’énergie du système
atomique ne varie pas. L’énergie cinétique acquise par l’atome, demasse relativement considérable, est négligeable. Dans ces conditions, le photon diffusé
concerve la fréquence initiale. On explique ainsi la présence de la raie non
modifiée, ainsi que les variations du rapport des intensités des deux composantes avec la nature du diffuseur et avec la fréquence. Pour les atomes légers,
la pluspart des électrons sont faiblement liés et la raie modifiée est très intense (lithium, carbonne, etc.). Elle est au contraire atténuée dans le cas des
éléments lourds (cuivre, argent). Avec un diffuseur donné, l’effet Compton
sera d’autant plus important que le quantum h/nu (et par suite la fréquence)
sera plus grand par rapport au traveil d’extraction des électrons.
Le rayonnement diffusé avec changement de longueur d’onde doit être attibué aux électrons de recul arrachés préalablement aux atomes. La variation
de longueur d’onde s’obtient encore en écrivant les équations qui expriment la
conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement, et en faisant intervenir la quantité de mouvement initiale de l’électron à l’intérieur de l’atome ;
il faut en outre tenir compte de l’énergie dépensée pour l’extraction de l’électron. La théorie de Jauncey, basée sur la considération des orbites circulaires
et elliptiques de Bohr, permet d’interpréter grossièrement la largeur de la raie
modifiée et les intensités relatives des deux composdantes. Le calcul fondé sur
la mécanique ondulatoire (Wentzel) conduit à des conclusions analogues : la
4.5. REMARQUES
77
composante modifiée s’étale bien sur une petite portion de spectre continu,
avec un maximum d’intensité correspondant, dans le cas d’électrons faiblement liés, à la longueur d’onde donnée par la formule (4.2). La théorie de
Jauncey a été récemment perfectionnée par DuMond, en introduisant dans
les calculs les vitesses électroniques données par la nouvelle théorie quantique
de l’atome. D’autre part, DuMond est parvenu, à l’aide d’un spectrographe
multiple comprenant 50 petits cristaux de calcite, à analyser avec précision la
structure de la bande spectrale formant la composante modifiée, et à déduire
des résultats ainsi obtenus les vitesse des électrons à l’intérieur de l’atome.
Pour le carbone, par exemple, les vitesses électroniques directement observées
par ce procédé sont en bon accord avec celles prévues par la mécanique ondulatoire. Dans le cas d’un bon conducteur tel que le glucinium, la structure
de la composante modifiée correspond bien à la distribution de l’énergie des
électrons libres admise par la nouvelle théorie de la conductibilité métallique
(Fermi-Sommerfeld voir p. ? ? ? et ? ? ?).
En dépit de certaines difficultés qui subsistent encore, on peut dire que,
grâce à l’emploi des méthodes de la mécanique ondulatoire, tous les caractères essentiels du phénomène de la diffusion des rayons X (polarisation,
intensité et distribution angulaire, variation de fréquence) ont été interprétés
quantitativement d’une manière extrêmement satisfaisante. Les prévisions
correspondant aux deux conceptions classique et corpusculaire se trouvent
ainsi groupées et rattachées à une même théorie.
78
CHAPITRE 4. DIFFUSION DES RAYONS X.
Chapitre 5
Applications spectroscopiques
5.1
Application de la théorie des quanta au
mouvement d’un système matériel
Nous avons examiné, dans les deux chapitres précédents, les discordances
entre l’expérience et la théorie ondulatoire du rayonnement. Nous avons vu
que les phénomènes considérés (effet photoélectrique, diffusion des rayons X)
peuvent être interprétés correctement en admettant l’existence des photons.
Mais nous savons déjà que l’hypothèse des quanta doit intervenir, sous un
aspect différent, pour définir un système mécanique, indépendamment des
radiations qui peuvent être émises ou absorbées par ce système. L’énergie
d’un résonateur de Planck (voir p. ? ? ?) ne peut varier que par éléments
finis ; pour un oscillateur de ce type, tous les mouvements conformes aux
lois newtoniennes ne peuvent être réalisés. Les seuls mouvements possibles
doivent évidemment satisfaire à certaines conditions restrictives. Il en est
de même pour les vibrations des atomes d’un corps solide (théorie des chaleurs spécifiques). Les équations de la mécanique classique conduisent, par
l’intermédiaire des calculs statistiques, aux lois limites de Rayleigh-Jeans et
de Dulong et Petit, en contradiction absolue avec l’expérience. Ainsi, parmis
tous les mouvements d’un système, en nombre infini, prévus par la dynamique
classique, la théorie des quanta n’en laisse subsister qu’un nombre illimité,
mais formant une suite discontinue ou discrète.
La définition des « mouvements quantifiés »nécessite l’introduction de la
constante h qui, comme nous l’avons vu, est extrêmement petite. C’est la
raison pour laquelle la discontinuité ne se manifeste qu’à l’échelle atomique,
et n’intervient pas dans les expériences courantes de mécanique.
Les considérations précédentes, combinées avec le postulat énergétique
exprimé par la relation (3.3, p. 48), servent de base à la première théorie
79
80
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
quantique des spectres (Bohr, Sommerfeld). Nous allons les préciser en examinant tout d’abord les mouvements périodiques les plus simples.
En général, l’état dynamique (position et vitesse) d’un système est défini
par l’ensemble des valeurs des coordonnées généralisées qi (i variant de 1 à k,
s’il existe k degrès de liberté) et des moments correspondants pi (voir p. ? ? ?).
Un tel état constitue une « phase »du système ; à l’ensembl des valeurs qi et
pi correspond un point dans un « espace de phases »à 2k dimensions. Si le
système ne possède qu’un seul degré de liberté, nous aurons un « plan de
phases », dans lequel nous pourrons considérer q et p comme des coordonnées rectangulaires. Une « trajectoire de phases »sera le lieu géométrique des
points représentatifs de l’état du système.
5.2
Oscillateur linéaire
Un tel système est constitué par un point matériel, ou un électron, vibrant
harmonieusement autour d’une position moyenne, sous l’action d’une force
de rappel proportionnelle à l’écart. La position du point, à l’instant t, est
donnée par la relation :
q = x = a sin 2πνt
en désignant par ν le nombre d’oscillations par unité de temps.
La liaison élastique correspond à la force de rappel −ω 2 x (ω = 2πν).
L’énergie cinétique a pour expression : Wc = 21 m x2 , d’où il résulte :
p=
et
dWc
= mx′ = 2πνma cos 2πνt
dx′
q 2 ( ou x2 ) p2
+ 2 =1
a2
b
en posant b = 2 πνma.
La trajectoire de phases est donc une ellipse représentée par l’équation
précédente. L’aire de cette ellipse est :
πab = 2π 2 νma2
Au temps t = 0, l’énergie totale constante W = Wc + Wp se réduit à
l’énergie cinétique :
1
W = m (2πνa)2
2
d’où :
W
πab =
ν
5.2. OSCILLATEUR LINÉAIRE
81
Figure 5.1 –
En faisant varier W, on obtient dans le plan de phases une famille d’ellipses semblables (b/a = 2πνm = const.).
Tous les points du plan p, q, sans exception, correspondent à un certain
état dynamique compatible avec les lois newtoniennes. Il s’agit de choisir,
au moyen de la théorie des quanta, les mouvements possibles, ou les suites
d’états possibles, pour le système considéré. La manière la plus simple de
fixer notre choix est d’admettre, conformément au postulat de Planck, que
l’énergie W est égale à un nombre entier de quanta ε = hν, c’est-à-dire de
poser : W = nhν, d’où : πab = nh.
Ainsi dans le plan de phases, les seuls états possibles sont représentés par
les points des ellipses dont l’aire est h, 2h, 3h, etc. (fig. 5.1). L’aire annulaire
entre deux ellipses consécutives est égale à h.
La condition précédente peut s’écrire sous la forme :
∫
p dq = nh
(5.1)
L’intégrale du premier membre, qui représente l’aire limitée par la neme
trajectoire, s’appelle « intégrale de phase ». La constante h a les dimensions
d’une énergie multipliée par un temps (h = ε/ν = εT , T étant la période) ;
elle est de même nature que la grandeur désignée en mécanique sous le nom
d’action. Par conséquent, l’intégrale de phases doit être un multiple entier du
quantum d’action h, et nous admettrons que cette nouvelle manière de formuler l’hypothèse des quanta est applicable à d’autres types de mouvements.
Nous remplaçons ainsi une suite infinie continue par une suite illimitée discontinue, et nous distinguons, parmis tous les mouvements compatibles avec
la mécanique classique, les mouvements possibles ou « permis »des mouvements impossibles ou « interdis »
82
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Figure 5.2 –
5.3
Oscillateur plan ou rotateur
Considérons un point matériel, ou un électron, animé d’un mouvement
uniforme sur une circonférence de rayon a. La position du point est définie
par l’angle φ (q = φ), mesuré à partir d’une origine arbitraire. La vitesse et
l’énergie cinétique ont pour valeurs :
v = aφ′ et Wc =
1
ma2 φ′2
2
c
= ma2 φ′ .
Nous en déduisons : p = dW
dφ′
Nous obtenons ainsi une constante, égale au moment de la quantité de
mouvement par rapport au centre du cercle.
Après chaque révolution complète, l’oscillateur reprend exactement la
même phase. Nous pouvons donc nous limiter aux variations de φ entre −π
et +π (fig. 5.2. La partie utile du plan de phases a pour largeur 2π (on pourrait d’ailleur enrouler cette portion de plan sur un cylindre de rayon égal à
l’unité et de hauteur indéfinie suivant l’axe Op).
Le moment p est constant lorsque φ varie d’une manière uniforme entre
−π et +π. L’ellipse du cas précédent est donc remplacée par un segment de
droite (ou une circonférence tracée sur le cylindre). Appliquons la règle de
quantification exprimée par la relation (5.1), en intégrant de −π à +π, ou de
0 à 2π :
∫ 2π
p dq = 2πp = nh
0
5.4. GÉNÉRALISATION
83
d’où :
h
h
ou ma2 ω = n
(5.2)
2π
2π
(en désignant par ω la vitesse angulaire).
Cette condition définit un certain nombre de vitesses de rotation privilégiées, proportionnelles aux nombres entiers successifs.
La même théorie s’applique à un solide tournant autour d’un axe fixe. En
désignant par I le moment d’inertie par rapport à l’axe, on obtient aisément
les relations :
h
p = Iω = n
2π
L’énergie, purement cinétique, a pour expression :
p=n
W = Wc =
1 2 n 2 h2
Iω = 2
2
8π I
Nous retrouvons ainsi la formule (2.7) utilisée (voir p. ? ? ?) pour interpréter les variations des chaleurs spécifiques des gaz.
5.4
Généralisation
Nous savons (voir p. ? ? ?) que les équations du mouvement d’un système
à k degrès de liberté peuvent s’écrire sous la forme canonique :
dqi
δH
=
dt
δpi
dpi
δH
=−
dt
δqi
(5.3)
En général, la fonction H de Hamilton dépend des variables qi et pi et
du temps. Si les liaisons imposées au système sont indépendantes du temps,
H représente l’énergie totale W (qi , pi ), c’est-à-dire la somme de l’énergie
cinétique Wc et de l’énergie potentielle Wp .
On démontre en mécanique analytique que la loi du mouvement peut
également s’exprimer sous la forme suivante :
Posons L = Wc − Wp , et cpnsidérons la fonction V (action de Jacobi)
définie par l’intégrale :
∫
t
V =
Ldt
0
Supposons, pour fixer les idées, qu’il s’agisse du mouvement d’un point
matériel. Entre les instant 0 et t, le point décrit la portion de trajectoire
OM (trajectoire réelle). Les coordonnées x, y, z (ou q) des divers points
de OM sont les fonctions du temps, satisfaisant aux équations de laison, et
prenant des valeurs déterminées aux instant 0 et t. Désignons par x + δx,
84
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
y + δy, z + δz (ou q + δq) des fonctions de t infiniment voisine de x, y, z (ou
q) satisfaisant également azux équations de liaison et prenant aux instants
0 et t les même valeurs que x, y, z (ou q). Nous définisons ainsi pour le
point mobile une infinité de trajectoires variées différant légèrement de la
trajectoire vraie. Les écart δx, δy, δz (ou δq) sont des fonctions du temps qui
doivent s’annuler aux instants 0 et t.
Le principe d’Hamilton, équivalent aux équations générales du mouvement, s’énonce ainsi :
Pour la trajectoire réelle, la fonction V est stationnaire (c’est-à-dire maximum ou minimum), ce qui s’exprime par la relation :
δV = 0
Lorsque les liaisons sont indépendantes du temps, on sait que t ne figure
pas explicitement dans l’expression de H = W . On considère alors l’action
de Maupertuis :
∫
t
S=
2Wc dt
(5.4)
0
qui est reliée à la fonction V par l’équation :
V = S − Wt
Dans ce cas particulier, le principe d’Hamilton est équivalent au principe
de la moindre action, exprimé par la relation :
δS = 0
En général, la fonction V satisfait à l’équation aux dérivées partielles
suivante, appelée équation de Jacobi :
(
)
δV
δV δV
δV
+ H q1 , q2 , ... qk ,
,
, ...
,t =0
(5.5)
δt
δq1 δq2
δqk
On démontre que l’intégration des équations canoniques (5.3) se ramène
à la recherche d’une intégrale complète de l’équation de Jacobi :
V (q1 , q2 , ... qk , α1 , α2 , ... αk , t) + constante
comprenant k constantes arbitraires αi non additives. On obtient alors les
équations du mouvement, en termes fini, par de simples différentiations :
δV
= βi
δαi
pi =
δV
δqi
5.4. GÉNÉRALISATION
85
(avec 2k constantes arbitraires αi et βi ).
Les relations du premier groupe donnent les coordonnées qi en fonction
du temps et des constantes αi et βi . Par exemple, dans le cas d’un point, ces
relations fournissent l’équation de la trajectoire.
Lorsque les liaisons ne dépendent pas du temps, on prend, pour solution
de l’équation de Jacobi, une fonction de la forme : V = S − W t (S est une
fonction des qi dans laquelle le temps ne figure pas explicitement, et W une
constante). Dans ces conditions, l’équation (5.5) prend la forme :
(
)
δS δS
δS
H q1 , q2 , ... qk ,
,
, ...
=W
(5.6)
δq1 δq2
δqk
Il faut donc chercher une intégrale complète de :
S(q1 , q2 , ... qk , α1 , α2 , ... αk−1 , W ) + constante
contenant, outre W, (k − 1) contantes αi non additives. L’intégrale complète
de l’équation de Jacobi est alors :
V = −W t + S(q1 , q2 , ... qk , α1 , α2 , ... αk−1 , W ) + constante
et l’on obtient les équations finies du mouvement :
δS
= βi (i variant de 1 à k − 1).
δαi
δV
δS
δS
= −t +
= −t0 , ou
= t − t0
δW
δW
δW
δS
pi =
δqi
Les équations du premier groupe donnent la trajectoire dans le cas d’un
point ou, en général, définissent la suite des configurations géométriques du
système. La seconde donne la loi du mouvement et celle du troisième groupe
définissent les vitesses.
5.4.1
Mouvements à un degré de liberté
Pour ces mouvements, nous avons à considérer une seule coordonnées q
et un seul moment p. Supposons que q et p restent finis. On démontre qu’il
existe une périodicité par rapport au temps, caractérisée par une fréquence
fondamentale ν = T1 et des harmoniques. On peut en effet susntituer à q et
p les deux variables canoniques suivantes :
86
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
1. une variable « angulaire »w, qui augmente de l’unité quand il s’est
écoulé le temps T :
w = νt + δ
(δ = const.)
∫
2. un module « d’action »J égal à l’intégrale cyclique de phase p dq
étendue à la période du mouvement.
∫t
L’intégrale : 0 p dq est égale à la fonction S, définie par (5.4). IL en
résulte que J, représentant l’accroissement de S au cours d’une période T ,
est le module de périodicité de l’action de Maupertuis.
La fréquence ν est donnée par la relation :
dW
(5.7)
dJ
Les variables conjuguées initiales p et q peuvent être représentées par des
développements en série de Fourrier du type :
ν=
q = a0 + a1 cos 2πw + a2 cos 4πw + ... + b1 sin 2πw + b2 sin 4πw + ...
ou, sous la forme symbolique :
q=
τ∑
=+∞
Aτ e2πiτ νt
τ =−∞
(τ étant un nombre entier, de −∞ à +∞).
Dans le cas d’un tel mouvement, nous écrirons de la manière suivante, purement arbitraire, la condition imposée au système par la théorie des quanta :
∫
J = pd = nh
5.4.2
Exemple : oscillateur linéaire
Nous avons, dans ce cas particulier :
x = a sin 2πνt
v=
∫
dx
= 2πaν cos 2πνt
dt
t
m v 2 dt
S=
0
L’accroissement de l’action de Maupertuis, pour une période, est donc :
∫ T
∫ T
2
2
2 2
cos2 2πνt = 2π 2 ma2 ν
S=
m v dt = 4π ma ν
0
0
En posant J = nh, nous retrouvons précisément la condition : π ab = nh.
L’énergie totale a pour valeur W = 2π 2 m2 a2 = Jν, conformément à (5.7).
5.4. GÉNÉRALISATION
5.4.3
87
Mouvements comportant plusieurs degrés de liberté
En général, le mouvement n’est pas périodique par rapport au temps, mais
il présente fréquemment un caractère de périodicité par rapport à certaines
variables convenablemnent choisies. On dit, dans ce cas, que le mouvement
est multipériodique. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les variables sont
séparées, c’est-à-dire lorsque l’intégrale complète de l’équation de Jacobi (5.6)
prend la forme d’une somme de fonctions dépendant séparément des variables
q1 , q2 , ..., qn :
S = S1 (q1 , α1 ) + S2 (q2 , α2 ) + ...
Dans ces conditions, chaque moment pi ne dépend que de la coordonnée correspondante qi , et le problème du mouvement se décompose en k
problèmes à un paramètre. On introduit alors k variables angulaires : wi =
νi t+δi , chaque variable wi augmentant de l’unité quand la coordonnée qI , qui
oscille périodiquement entre deux valeurs limites, parcourt son domaine de
variabilité, c’est-à-dire
effectue sa libration ou rotation propre. Les intégrales
∫
cycliques : Ji = pi dqi sont encore les modules de périodicité de l’action de
Maupertuis, qui est une somme d’actions partielles Si . Les fréquences νi sont
données par les relations :
dWi
νi =
(5.8)
dJi
en supposant l’énergie du système exprimée en fonction des modules Ji .
Les coordonnées qi sont des fonctions périodiques des variables angulaires,
la période étant l’unité. On peut donc les développer en série multiples de
Fourrier de la forme :
qi =
+∞
∑
A e2πi(τ1 ν1 +τ2 ν2 +...+τk νk )t
−∞
(τ1 ... τk peuvent prendre toutes les valeurs entières de −∞ à +∞).
En général, les fréquences νi ne sont pas commensurables et les coordonnées qi ne sont pas des fonctions périodiques du temps (les différentes
périodes ne s’accordent pas en général). S’il s’agit du mouvement d’un point
matériel, la trajectoire ne peut se fermer sur elle-même : elle remplit un certain volume (trois paramètres) ou une certaine surface (problème « plan »à
deux paramètres).
Les conditions de quanta, posées arbitrairement s’expriments alors sous
l’une des deux formes équivalentes :
{
Bohr
∫Ji = ni h
(5.9)
pi dqi = ni h Sommerfeld
88
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Dans certains cas, les fréquences νi ne sont pas indépendantes : il existe
entre elles une ou plusieurs relation du type :
∑
τi νi = 0
On dit que le mouvement est dégénéré et l’on peut montrer que le nombre
des modules Ji indépendants se réduit à celui des fréquences incommensurables. Les conditions de Borh et de Sommerfeld ne sont plus équivalentes.
En effet, d’après Sommerfeld, on écrit toujours autant de conditions quantiques qu’il existe de coordonnées qi et l’on est ainsi conduit à des résultats
dépendants du choix des coordonnées, ce qui est insoutenable au point de
vue physique. La méthode de quantification de Bohr est donc préférable ; on
peut la résumé ainsi : les modules de périodicité indépendants de l’action de
Maupertuis sont des multiples entiers du quantum d’action h.
5.5
Théorie de Bohr du spectre atomique de
l’hydrogène (1913)
Nous admettrons (voir note, p ? ? ?) que l’atome d’hydrogène est constitué
par un électron de charge −e tournant autour d’un noyau de charge +e, sous
l’action de la force de Coulomb. La masse m de l’électron est environ 1800
fois plus faible que celle du noyau. On peut donc, en première approximation,
négliger la réaction de l’électron sur le noyau et supposer que ce dernier reste
fixe. Les trajectoires de l’électron seront des ellipses parcourues conformément
aux lois de Képler. Mais il faut choisir, parmis les trajectoires en nombre infini prévues par la mécanique classique, celles qui satisfont aux conditions
postulées par la théorie des quanta. Ces orbites « permises »en nombre illimité, forment une suite discontinue et sont désignées sous le nom d’orbites
stationnaires. On admet qu’en décrivant une orbite stationnaire (mouvement
accéléré), l’électron n’émet aucun rayonnement, en contradiction avec la théorie électromagnétique classique ; l’énergie totale de l’atome reste constante.
Cette hypothèse constitue le premier postulat (condition mécanique) de la
théorie de Bohr.
Lorsque l’électron passe d’une trajectoire stable ou stationnaire à une
autre, l’énergie de l’atome subit une variation ∆W . Conformément au principe de la concervation de l’énergie, il se produit simultanément une émission
ou une absorption d’un rayonnement monochromatique. La fréquence ν de
ce rayonnement est donnée par la relation (3.3)
∆W = hν
5.5. SPECTRE ATOMIQUE DE L’HYDROGÈNE (BOHR)
89
qui exprime le second postulat (condition optique) de Bohr.
Pour simplifier les calculs, nous envisagerons tout d’abord le cas particulier des orbites circulaires (oscillateur plan). En vue d’applications ultérieures,
la charge du noyau sera désignée par +E.
Les orbites stationnaires doivent être choisies parmi toutes les trajectoires
prévues par la dynamique classique. Par conséquent, sur l’un des cercles de
rayon a, la vitesse angulaire de l’électron, désignée par ω, doit satisfaire à la
relation :
Ee
= m ω2 a
a2
Pour déterminer les orbites privilégiées, il suffit d’exprimer (voir p. ? ? ?)
que le moment de la quantité de mouvement est un nombre entier de fois 2hπ .
p = m ω a2 = n
h
2π
On déduit aisément des relations précédentes les valeurs « permises »du
rayon a et de la vitesse angulaire ω :
a=
n2 h2
4 π2 m E e
ω=
8 π 3 m E 2 e2
n 3 h3
(5.10)
Il en résulte les lois suivantes :
1. Les rayons des orbites stationnaires circulaires sont proportionnels aux
carrés des « nombres quantiques »n correspondants.
2. Les durées de révolution T (inversément proportionnelles aux vitesses
angulaires) sont proportionelles aux cubes des nombres quantiques.
L’énergie cinétique est : Wc = 21 m ω 2 a2 =
L’énergie potentielle a pour expression :
Wp = −
1Ee
.
2 a
Ee
+ const.
a
(− Eae est le travail, changé de signe, de la force d’attraction, pour le déplacement de l’électron depuis l’infini jusqu’à une distance a du noyau). En
prenant arbitrairement égale à zéro la valeur de Wp lorsque l’électron est
infiniment éloigné du centre d’attraction, nous pouvons écrire : Wp = − Eae
et Wc = − 12 Wp . Cette dernière relation exprime l’un des caractères essentiels
du champs de Coulomb ; nous l’avons établie pour des orbites circulaires,
mais elle subsiste dans tous les cas, à la condition de considérer les valeurs
moyennes, dans le temps, des énergies cinétiques et potentielle.
90
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Calculons l’énergie totale :
W = Wc + Wp = −
1 2 π 2 m E 2 e2
n2
h2
(5.11)
Les énergies W (définies à une constante près) sont inversément proportionnelles aux carré des nombres quantiques correspondants. Pour n = 1,
nous obtenons l’énergie minimum, relative à l’état le plus stable de l’atome.
L’électron gravite sur la circonférence de rayon a1 , donnée dans le cas de
l’atome d’hydrogène par la formule (5.10), avec E = e et n = 1 :
a1 =
h2
4 π 2 m e2
(5.12)
En remplaçant les constantes h, m et e par leurs valeurs, nous obtenons :
a1 = 0, 53 A.
On peut admettre que cette orbite correspond à l’état normal de l’atome
d’hydrogène. Le diamètre est 2a1 = 1, 06 A., en bon accord avec l’ordre de
grandeur déduit des formules de la théorie cinétique des gaz.
Le passage de l’électron d’une orbite extérieure n à une orbite plus profonde n1 s’accompagne d’une diminition d’énergie ∆W dont nous déduisons,
d’après la relation (3.3), la loi des fréquences :
(
)
2 π 2 m E 2 e2 1
1
ν=
−
(n > n1 )
(5.13)
h3
n21 n2
5.6
Spectre de l’atome d’hydrogène
E = e. La formule précédente s’écrit :
(
)
2 π 2 m e4 1
1
ν=
−
h3
n21 n2
Introduisons, au lieu de la fréquence réelle, le nombre d’ondes ν = νc = λ1
(λ : longueur d’onde rapportée au vide) 1 :
)
(
)
(
2 π 2 m e4 1
1
1
1
ν=
−
=R
−
(5.14)
h3 c
n21 n2
n21 n2
R=
2 π 2 m e4
h3 c
1. En spectroscopie, ν désigne généralement le nombre d’ondes. Pour éviter toute confusion, nous adoptons ici le symbole ν
5.6. SPECTRE DE L’ATOME D’HYDROGÈNE
91
En remplaçant les constantes m, e, h et c par leurs valeurs, nous obtenons : R = 1, 097 105 . Cette valeur est très voisine de la constante spectrale
de Rydberg : 109678, qui figure dans toutes les formules en séries relatives
à un très grand nombre d’éléments. Nous alons voir que la formule (5.14)
représente exactement la distribution des raies dans le spectre atomique (ou
premier spectre) de l’hydrogène. De plus, la théorie de Bohr donne directement, à partir des constantes m, c, h et c, la valeur du nombre fondamental
de Rydberg, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir aucune constante
d’ajustement 2 .
Les raies d’une même série sont caractérisées par une orbite commune
2. La première série spectrale, c’est-à-dire la première loi de distribution des fréquences
ou longueur d’onde, fut découverte en 1885 par Balmer, dans le spectre de l’hydrogène.
Les longueurs d’onde des quatre raies bien connues du spectre visible (Hα à Hδ sont reliées
par la formule :
1
n2
λ= =C 2
C = const. n = 3, 4, 5 et 6.
ν
n −4
Cette formule est applicable à de nombreuses autres raies (jusqu’à n = 37), existant
dans les spectres des étoiles blanches et de la chronosphère. La pluspart d’entre elles ont été
d’ailleur observées au laboratoire (Wood, Herzberg). A mesure que le nombre n augmente,
ces raies sont de plus en plus faibles et voisines ; les fréquences successives convergent
vers une limite définie : ν∞ = 1/C du côté de l’ultraviolet. L’ensemble forme une série
convergente.
En posant : R = 4 ν∞ = C4 , nous pouvons écrire la formule de Balmer sous la forme :
R
ν = ν∞ − 2 = R
n
(
1
1
− 2
2
2
n
)
.
La valeur de R peut ëtre déduite des longueurs d’onde des raies, mesurées avec précision. On obtient : R = 100678.
Les spectres de raies des autres éléments renferment des séries possédant les mêmes
caractères fondamentaux, mais régies par des lois plus complexes. En général, elles sont
associées de manière que les raies se groupent par doublet, triplet, etc. (multiplicités). Pour
représenter la distribution des fréquences, on utilise des formules d’autant plus compliquées
que la précision désirée est plus grande. La formule approximative suivante, proposée par
R
Rydberg : ν = A − (n+µ)
2 (µ est une constante spécifique de la série et n croı̂t par valeurs
entières) peut servir pour les calculs préliminaires. Pour représenter correctement la loi de
distribution des raies, on lui substitue l’une des formules suivantes :
(Ritz) ν = A −
R
(n + a + α (A − ν))
2
R
R
(Hicks) ν = A − (
) ( ou ν = A − (
α 2
n+µ+ n
n+µ+ α
n +
β
n2
)2
Les constantes A, µ, a, α et β caractérisent la série ; la première représente la fréquence
limite.
92
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
« d’arrivée »n1 ; les orbites de « départ »correspondent aux nombres quantiques n1 + 1, N1 + 2, etc. Examinons successivement différents cas particuliers :
1. n1 = 1 : Série de Lyman. La formule (5.14) prend la forme :
)
(
1
1
n = 2, 3, 4 etc.
ν=R
−
12 n2
Les raies correspondantes ont pour longueur d’onde (dans le vide) :
n
A.
2
1215,68
3
1025,83
4
972,54
lim. 911,8
Elles ont été effectivement observées, jusqu’à n = 16, dans l’ultraviolet
extrême (Lyman, Hopfield, Takamine et Suga).
2. n1 = 2 : Série de Balmer :
(
ν=R
1
1
−
22 n2
)
Les raies successives ont pour longueurs d’onde (dans l’air : 15˚, 76
cm.) :
n
3
Hα
4
Hβ
5
Hγ
6
Hδ
lim.
A.
6562,79
4861,33
4340,47
4101,74
3645,98
L’accord est presque rigoureux entre les valeurs calculées et observées
(Paschen, Curtis) 3 .
3. n1 = 3 : Série de Paschen : Cette série a été observée, dans l’infrarouge,
par Paschen, Brackett et Poetker. Malgré la difficulté des mesures dans
cette région spectrale, l’accord entre les longueurs d’onde observées et
calculées est très satisfaisant :
3. Toutefois, nous verrons que la théorie doit subir certaines retouches. En particulier,
il faut tenir compte de la complexité des raies de Balmer (voir p. ? ? ?) qui en première
approximation, peuvent être considérées comme des doublets très serrés.
5.6. SPECTRE DE L’ATOME D’HYDROGÈNE
n
4 Pα
5 Pβ
6 Pγ
7 Pδ
8 Pε
9 Pζ
10 Pη
11 Pϑ
93
λ obs. (air)
λ calc. (air)
18751,3
Paschen
18751,4
12817,6
12818,3
10900
Brackett
10938,2
10049,8
Poetker
10049,5
9546,2
9546,0
9229,7
9229,1
9015,3
9014,9
8863,4
8862,9
4. n1 = 4 : Les deux premiers membres de cette série ont été découverts
par Brackett :
n =
5 4,05 µ
6 2,63
Enfin, le premier terme de la série : n1 = 5 (n = 6, λ = 7, 4 µ) semble
avoir été observé par Pfund.
En résumé, les différentes raies prévues par la théorie ont été successivement découvertes.
La relation (3.3) s’applique encore dans le cas où un électron libre est
capté par le noyau (atome ionisé H+ ). L’électron peut se déplacer sur
des orbites non périodiques (hyperboles ou paraboles), analogues aux
trajectoires de certaines comètes, et dont la forme et les dimensions
peuvent varier d’une manière continue (orbites non quantifiées). On
démontre aisément que, dans ces conditions, l’énergie totale est toujours
positive. Si l’électron passe d’une telle orbite (au moment où sa vitesse
est v et sa distance au noyau a) sur une orbite stationnaire caractérisée
par le nombre quantique n, la variation d’énergie doit être accompagnée
de l’émission d’un quantum de fréquence ν telle que :
1
Ee
hν = mv 2 −
− Wn
2
a
Cette valeur est supérieure à la fréquence limite de la série de raies
ayant pour orbite commune le cercle n. Puisque v et a peuvent varier
d’une manière continue, on doit s’attendre à observer un spectre continu
d’émission s’étendant vers l’ultraviolet à partir de la limite de la série
correspondante.
Le spectre continu ayant pour tête la limite de la série de Balmer a
été obtenu au laboratoire (Herzberg, Chalonge), en même temps que
les membres supérieurs de la série. Il existe également dans le spectre
des protubérances solaires, des nébuleuses planétaires et de certaines
94
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
étoiles. Le spectre continu associé à la série de Paschen a été aussi observé par Chalonge. En réalité, ces spectres continus d’origine atomique
s’étendent vers les grandes longueurs d’onde bien au delà de la limite
prévue, par suite de l’influence du champ interatomique intense dû aux
ions et aux électrons libres.
Nous avons déjà signalé (voir p. ? ? ?) que l’absorption du rayonnement
par l’atome résulte de modifications ou transitions électroniques inverses de celles qui produisent l’émission. Dans l’état le plus stable de
l’atome d’hydrogène, l’électron gravite sur l’orbite la plus rapprochée
du noyau (n = 1). Les seules radiations pouvant être absorbées par
l’atome normal, non excité, appartiennent donc à la série n1 = 1. Les
quatre premières raies de cette série (1216, 1026, 973 et 950 A.) ont
été observées en absorption par Lyman, grâce à l’emploi d’une source
particulière de spectre continu.
En général, l’observation du spectre d’absorption, à l’état normal, permet de reconnaı̂tre le niveau de base de l’atome. Mais sous diverses
influences (choc électronique, absorption d’une radiation ; élévation de
température), l’électron peut être amené sur une orbite stationnaire extérieure, par exemple sur l’orbite n = 2, dans le cas de l’hydrogène. Un
atome ainsi excité 4 peut alors absorber les raies de la série de Balmer.
Le renversement spontané des premiers termes (Hα , Hβ ) a été observé
effectivement par différents expérimentateurs (Wood, Kimura et Nakamura, etc.). D’autre part, les raies de Balmer existent comme raies
d’absorption dans les spectres du Soleil 5 et d’un très grand nombre
d’étoiles (en particulier des étoiles blanches de la classe A : Sirius,
Véga, etc.) : elles apparaissent sombres sur fond brillant. On doit en
conclure que les couches absorbantes renferment des atomes anormaux
ou excités, en nombre relativement grand.
Comme dans le cas déjà cité des métaux alcalins (p. ? ? ?), le spectre
de raies d’absorption doit se prolonger, au delà de la limite de chaque
série, par un spectre continu. d’absorption s’étendant vers l’ultraviolet
et correspondant à la photoionisation du gaz. Dans le spectre des étoiles
à hydrogène, Huggins et Hartmann ont en effet signalé, à la limite de la
série de Balmer, l’existence d’une chute brusque d’intensité marquant
le début d’une région d’absorption continue. On a reconnu depuis que
le spectre d’absorption lié à la série de Balmer apparaı̂t avec le type
spectral B1 augmente ensuite graduellement et atteint son maximum
4. Le temps moyen pendant lequel un atome reste excité est de l’ordre de 10−8 sec. (il
peut cependant être beaucoup plus grand pour certains états métastables).
5. Les raies C, F, C’ de Fraunhofer sont les raies renversées Hα , Hβ et Hg amma.
5.7. SPECTRE DE L’HÉLIUM IONISÉ
95
avec le type A0 .
5.7
Spectre de l’hélium ionisé
L’atome d’hélium est constitué par un noyau de charge E = 2e autour
duquel gravitent deux élèctrons (couche K). L’un des deux. électrons peut
être entraı̂né en dehors du champ du noyau (par exemple, à la suite d’un
choc avec une particule cathodique de vitesse suffisante). On obtient ainsi
l’ion He+ , dont la structure est exactement la même que celle de l’atome
d’hydrogène. Les séries spectrales de l’hélium ionisé doivent être représentées
par la formule (E = 2e) :
2n2 me4
ν=4
h3 c
(
1
1
− 2
2
n1 n
)
(
= 4R
1
1
− 2
2
n1 n
)
(5.15)
La seule différence avep le cas de l’atome d’hydrogène est la présence du
facteur 4R, égal à quatre fois la constante de Rydberg. Le tableau suivant renferme les longueurs d’onde approchées des premiers membres des différentes
séries correspondant à celles de l’hydrogène :
n1 = 1
n= 2
3
304
256
A. (vide) n1 = 3
n1 = 2
n = 3 1640 A. (vide) n1 = 4
4 1215
n= 4
5
6
7
4686
3203
2733
2511
A. (air)
n = 5 10124 A. (air)
6 6560
7 5412
8 4859
Les deux premières raies de la série n1 = 1 ont été découvertes par Lyman,
ainsi que les trois premiers membres de la série n1 = 2.
Nous pouvons écrire la relation (5.15) sous la forme :
(
ν=R
1
( n )2 − ( n )2
1
)
1
2
2
et décomposer les séries n1 = 3 et ůn1 = 4 en deux demi-séries correspondant
aux valeurs paires et impaires de n :
96
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
(
n1 = 3
n1 = 4
(α) ν = R
(β)
ν=R
(γ)
ν=R
(δ)
ν=R
4
9
−
4
9
−
1
−
(
(
(4
1
4
−
1
p2
)
)
1
1
(p+
)2)
1
p2
)
1
(p+ 12 )
p=
n
2
p=
n−1
2
p=
n
2
p=
n−1
2
= 2, 3 . . .
= 2, 3 . . .
= 3, 4 . . .
= 2, 3 . . .
La demi-série (γ) est identique à la série de Balmer de I’hydrogène. Toutefois, des mesures précises ont montré que les raies observées dans les spectres
de l’hydrogène et de l’hélium ionisé sont seUlement très voisines (elles peuvent
être confondues sous une dispersion très faible, mais leurs longueurs d’onde
diffèrent de 2 A. environ). Il suffira d’ailleurs de perfectionner légèrement la
théorie pour interpréter exactement cette différence (voir p. ? ? ?). La demisérie (δ), qui possède la même limite que (γ), est entièrement nouvelle.
Les demi-séries (γ) et (δ), observées tout d’abord par Pickering (en 1896,
dans le spectre de l’étoile ζ Puppis), avaient été considérées par Rydberg
comme les deux séries secondaires de l’hydrogène (la série de Balmer formait
la première série secondaire ou série diffuse, et la nouvelle série de Pickering
la deuxième série secondaire ou série fine, voir p. ? ? ?). D’après les relations
générales existant entre les séries spectrales des autres éléments, la série principale présumée de l’hydrogène aurait été représentée par la formule :
(
)
4
1
ν=R
−
9 p2
correspondant précisément à la demi-série (α). La première raie prévue (λ =
4686A.) existait effectivement dans le spectre de ζ Puppis, et aussi dans
les spectres d’un grand nombre d’autres étoiles et de nébuleuses. De plus,
en 1912, Fowler observa les groupes (α) et (β) en expérimentant sur des
mélanges d’hydrogène et d’hélium, et la demi-série (β) fut alors considérée
comme une seconde série principale de l’hydrogène.
La théorie de Bohr a permis, avant tout contrôle expérimental, de corriger
ces attributions inexactes. Les séries n1 = 3 et n1 = 4 ont été d’ailleurs obtenues depuis à partir d’hélium rigoureusement exempt d’hydrogène (Evans,
Paschen).
L’atome de lithium (N = 3) deux fois ionisé (c’est-à-dire l’ion Li2+ ) possède également la même structure que l’atome d’hydrogène. La formule générale (5.13) est encore applicable et l’on obtient, pour représenter les séries
de l’ion Li2+ , la relation (E = 3e) :
(
)
1
1
ν = 9R
−
n21 n2
5.8. ENTRAÎNEMENT DU NOYAU
97
Pour l’atome de glucinium trois fois ionisé (N = 4 ; E = 4e), la même
formule est valable avec la constante 16R. Les premiers membres des sériesů
ultraviolettes ainsi prévues (n1 = 1) ont été effectivement observés par Ericson et Edlen (lithium et glucinium).
5.8
Entraı̂nement du noyau
Dans la théorie simplifiée développée précédemment, nous avons introduit,
à côté des hypothèses essentielles exprimées par les conditions mécanique et
optique de Bohr, d’autres hypothèses destinées uniquement à faciliter les
calculs (orbites circulaires, masse infinie du noyau). Il est aisé d’améliorer
la théorie en tenant compte du rapport m/M des masses de l’électron et
du noyau, et en ’admettant que ces deux corpuscules décrivent des orbites
circulaires dont le centre commun coı̈ncide avec le centre de gravité du système (entraı̂nement du noyau). Le calcul complet conduit, pour la constante
spectrale, à la valeur suivante :
R=
2π 2 me4 M
h3 c M + m
En négligeant le rapport m/M , ce qui revient à considérer comme infinie
la masse du noyau, nous retrouvons la valeur déjà obtenue :
R=
2π 2 me4
h3 c
(5.16)
Pour l’hydrogène et l’hélium ionisé, les constantes spectrales, qui diffèrent
légèrement, ont pour expressions :
RH =
R∞
R∞
m et RHe =
1 + MH
1 + MmHe
en désignant par MH et MHe les masses respectives des deux noyaux 6 .
6. On interprète ainsi l’écart entre les termes de la série de Balmer de l’hydrogène et
de la demi-série (γ) de l’hélium ionisé :
He+ (Paschen)
6560,13 A. (air)
4859,34
4338,69
41.00,05
H
6562,79 A. (air)
4861,33
4340,47
4101,74
De même, pour l’isotope H2 (deutérium), dont la masse atomique est voisine de 2, les
raies des séries de Balmer et de Lyman sont, comme le montre l’expérience, légèrement
déplacées par rapport à celles de H1 (RH2 = 109707,387).
98
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Or, les donnéesů spectroscopiques, c’est-à-dire les mesures précises de
longueurs d’onde, fournissent les valeurs suivantes :
RH
RHe
= 109677,759 (Houston)
= 109722,403
On déduit alors des formules précédentes la valeur de R∞ :
R∞ = 109737, 424.
ainsi que la charge spécifique me de l’électron, calculée en faisant intervenir la
constante de Faraday 96 489 coulombs absolus) :
e
= 1, 76107 e. m. c.g.s. /g.
m
D’autre part, la relation (5.16) permet de calculer la constante de Planck
à partir des mesures spectroscopiques :
√
√
2 me4
2π
2π 2 e5
= 3
= 6, 55 10−27 c. g. s.
h= 3
c R∞
c e/m R∞
5.9
Potentiels critiques et raies spectrales
Les procédés classiques d’excitation spectrale (flamme, arc, étincelle, décharge dans les gaz raréfiés) sont beaucoup trop complexes pour fournir les
données quantitatives nécessaires à la vérification de la théorie quantique de
l’émission. Une méthode particulièrement simple, fondée en 1913 par Franck
et Hertz, a permis au contraire d’obtenir les plus importantes de ces données : elle consiste à soumettre le gaz, ou la vapeur du corps considéré, au
bombardement par un flux d’électrons de vitesse progressivement croissante.
Les résultats remarquables obtenus par de nombreux expérimentateurs ont
révélé la fécondité de cette méthode, à laquelle nous devons la plupart de nos
connaissances précises relatives à l’origine des spectres.
Nous nous limiterons au cas des gaz monoatomiques (hydrogène à très
haute température, argon, vapeur de mercure, etc.) et nous supposerons que
les électrons qui traversent le gaz possèdent tous la même vitesse. Celleci est obtenue au moyen d’une différence de potentiel V, établie entre la
source d’électrons (cathode incandescente, ou éclairée de manière à émettre
des photoélectrons) et une seconde électrode. Dans ces conditions, il existe un
certain nombre de vitesses critiques bien définies pour lesquelles des échanges
d’énergie se produisent entre les électrons et les atomes du gaz.
5.9. POTENTIELS CRITIQUES ET RAIES SPECTRALES
99
Lorsque la vitesse acquise est inférieure à la plus faible de ces vitesses
critiques, les chocs entre électrons et atomes sont parfaitement élastiques
(Franck et Hertz). Mais lorsque le potentiel accélérateur atteint une.valeur
caractéristique Vr , il se prodţit de nombreux chocs efficaces dans lesquels
l’électron perd la totalité de son énergie cinétique. Simultanément, l’un desů
électrons périphériques de l’atome passe du. niveau d’énèrgie normal à un
niveau d’ênergie plus élevé. L’atome ainsi modifié reprendra l’état normal
en émettant une radiation. L’énergie cinétique de l’électron qui a rencontré
l’atome s’est transformée, par un mécanisme qui nous échappe, en énergie
rayonnante dont la fréquence νr est reliée au potentiel Vr par la relation (cas
particulier de l’équation d’Einstein-Bohr) :
e Vr = hνr
Vr est le potentiel de radiation ou de résonance du gaz ; la radiation de
fréquence νr est la radiation de résonance.
Par exemple, pour la vapeur de mercure, ce potentiel est égal à 4,9 volts.
Il correspond au passage d’un des électrons superficiels de l’orbite normale,
désignée en spectroscopie par 11 S0 , à l’orbite supérieure voisine 23 P1 . L’émission de la raie de résonance : 11 S0 −−23 P1 (λ = 2537 A.) résulte du retour de
l’électron sur le niveau de base 11 S0 . Cette radiation de résonance peut être
absorbée par un atome voisin, puis émise de nouveau et passer ainsi, d’atome
à atome, à travers toute la masse de la vapeur. Les quanta de radiation se
diffusent ainsi dans toutes les directions, à peu près de la même manière que
les atomes d’un gaz étranger. On explique ainsi les phénomènes de résonance
optique mis en évidence par Wood dans le cas de la vapeur de mercure, et
par Wood et Dunoyer pour la vapeur de sodium 7 .
La théorie fait d’ailleurs prévoir la possibilité d’amener, par choc électronique, l’électron optique sur des niveaux de plus en plus élevés, et d’exciter
ainsi successivement les radiations caractéristiques d’un système atomique
déterminé. Toutefois, dans certaines conditions expérimentales, on observe
seulement un ou deux potentiels critiques avant d’atteindre le potentiel d’ionisation normal de l’atome neutre Vi (voir p. ? ? ?), correspondant à l’extraction d’un électron de la couche superficielle. L’ion positif ainsi formé pourra
regagner l’électron perdu et reprendre par étapes successives l’état normal.
7. C’est seulement lorsque ces phénomènes de diffusion, par absorptions et émissions
successives, ont été nettement mis en évidence par l’expérience, qu’il est légitime d’employer les expressions « raie de résonance »et « potentiel de résonance », En général, la
désignation « potentiels de radiation »doit être préférée. D’autre part, il peut arriver qu’un
potentiel critique (même le plus bas de tous) ne soit accompagné de l’émission d’aucune radiation, mais corresponde en réalité à une transformation allotropique de l’atome (hélium)
ou à la dissociation d’une molécule (hydrogène, iode, etc.).
100
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Chaque diminution d’énergie sera accompagnée de l’émission d’une radiation
monochromatique de fréquence νn . Le principe de la conservation de l’énergie
s’exprime donc par la relation :
∑
e Vi =
h νn
qui exprime que le travail d’ionisation est égal à la somme des quanta émis
par l’atome.
Avec de nombreux atomes regagnant l’état normal de différentes manières, on observe l’émission du spectre complet de l’atome neutre ou spectre
d’arc. Si l’atome reprend directement l’état normal, la radiation émise possède la fréquence la plus élevée du spectre de l’atome neutre. Cette fréquence
νl représente la limite de la série qui s’étend le plus loin dans l’ultraviolet ;
elle est reliée àVi par la relation :
e V i = h νl
Les considérations préçédentes s’appliquent à l’atome ionisé, pour lequel il
doit exister des potentiels successifs de radiation et un potentiel d’ionisation
Vi′ ;. Ce dernier correspond à l’extraction d’un second électron et à la production d’un ion portant deux charges positives élémentaires. Lorsqu’un grand
nombre de ces ions reprennent l’état normal (après avoir regagné un électron), l’ensemble émet, comme précédemment les atomes neutres, un spectre
complet que nous appellerons spectre d’étincelle du premier ordre. Les radiations monochromatiques émises pendant le retour de l’ion à l’état normal
possèdent des fréquences νn′ relliées à Vi par la relation :
∑
e Vi′ =
h νn′
On conçoit qu’il, puisse exister des potentiels d’ionisation et des spectres
d’étincelle d’ordre supérieur, correspondant à l’extraction de plus de deux
électrons à l’atome neutre. Ainsi, dans cette théorie, se trouve précisée l’ancienne distinction purement empirique entre Ies raies d’arc et les raies d’étincelle (raies « renforcées »de Lockyer) ; les unes sont attribuées à l’atome
neutre et les autres à l’atome chargé positivement.
La méthode du choc électronique permet de séparer nettement le spectre
d’arc du spectre d’étincelle du premier ordre, dont les potentiels d’excitation sont bien distincts. On peut également l’utiliser pour isoler optiquement
certains spectres d’ordre supérieur (Déjardin),
Cette méthode comporte deux techniques différentes. Dans la première,
les appareils qui permettent d’observer les phénomènes sont d’ordre électrique. Par exemple, on met en évidence les discontinuités du courant total
5.10. POTENTIELS CRITIQUES DE L’HYDROGÈNE
101
transporté par les électrons et les ions créés au sein du gaz. On peut aussi observer les variations du courant photo-électrique résultant de l’action, sur une
électrode auxiliaire, des radiations émises par les atomes. La seconde technique est caractérisée par l’emploi d’un spectroscope ou d’un spectrographe,
destiné à déceler et à analyser le rayonnement. La méthode purement électrique est plus sensible et donne la valeur précise des potentiels critiques, tout
au moins pour les plus faibles. La méthode optique donne, dans la plupart
des cas, la signification exacte des discontinuités observées. Elle évite des interprétations fausses dues, par exemple, à l’intervention des impuretés et des
effets cumulatifs 8 . L’emploi simultané des ůdeux techniques s’impose donc,
et la plupart des expérimentateurs qui ont déterminé les vitesses critiques des
électrons dans un gaz ont été amenés à rechercher les conditions d’excitation
des speclres de ce gaz.
Avant d’appliquer los considérations précédentes à l’atome d’hydrogène,
il est utile d’expliciter numériquement la relation : eV = hν = hcν = hc
,entre
λ
le potentiel critique V , et le nombre d’ondes ν ou la longueur d’onde λ (vide)
de la radiation émise. On obtient aisément les formules de correspondance
suivantes :
V (volts) = 1, 234 10−5 ν (cm−1 ) =
5.10
ν
12340
=
8100
λ (angströms)
(5.17)
Potentiels critiques et diagramme d’énergie de l’hydrogène atomique
La série qui s’étend le plus loin dans l’ultraviolet est la série de Lyman :
)
(
1
1
ν = RH
−
n = 2, 3, 4.
1 2 n2
La limite ν l = RH = 109678 cm−1 représente le nombre d’ondes le plus
élevé dans le spectre de l’atome d’hydrogène. Le « terme spectral » R1H2 correspond à l’orbite normale, la plus rapprochée du noyau, pour laquelle l’énergie
est : −hcRH . Le potentiel d’ionisation normal a donc pour valeur,d’après les
formules générales :
109678
= 13, 54 volts
Vi =
8100
8. Lorsque la pression est relativement élevée et le bombardement électronique suffisamment intense, l’ionisation peut se produire par étapes successives (chocs répétés :
absorption d’une radiation, suivie d’un choc) pour une valeur du potentiel accélérateur
inférieure à Vi .
102
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Figure 5.3 –
Le premier potentiel de radiation s’obtient en considérant la transition :
n1 = 1 → n = 2, qui correspond à l’absorption du premier membre de la série
de Lyman (λ = 1215, 7 A. ; ν = 82258 cm−1 ). D’après les formules (5.17), il
est égal à :
82258
Vr =
= 10, 15 volts
8100
On obtient par un calcul analogue les potentiels successifs de radiation,
dont les valeurs sont indiquées dans le tableau suivant :
Potentiels critiques de l’hydrogène atomique
Orbite n Série de Lyman Pot. crit. Exitation des autres séries
λ
ν
A.
cm−1
V.
2
1215,7 82258
10,15
3
1025,7 97491
12,03
1er raie série de Balmer
4
972,5 102823
12,69
2e raie série de Balmer
1er raie série de Paschen
5
949,7 105291
13,00
3e raie série de Balmer
2e raie série de Paschen
1er raie série de Brackett
6
937,8 106631
13,16
etc.
930,8 107440
13,26
7
∞
911,8 109678
13,54
ionisation et spectre complet
Pour vérifier les prévisions théoriques par la méthode du choc électronique, il faut éviter les effets compliqués résultant des phénomènes de dissociation et dionisation de la molécule H2 , c’est-à-dire expérimenter sur de
l’hydrogène atomique, On y parvient en portant le gaz, sous faible pression,
à une température très élevée, de manière que la dissociation soit presque
complète. La fig. 5.3 représente le dispositif utilisé par Olmstead et K. T.
Compton. Le tube de tungstène T est porté à une température voisine de
5.10. POTENTIELS CRITIQUES DE L’HYDROGÈNE
103
Figure 5.4 –
2 800˚K. par le passage d’un courant de 180 amp. L’anode équipotentielle
est constituée par un second tube de tungstène (non représenté sur la figure)
placé à l’intérieur du premier. La cathode équipotentielle c est une tige de
platine, dont l’extrémité est recouverte d’un mélange de baryte et de strontiane. Les radiations émises par le gaz agissent photoélectriquement sur la
plaque P reliée à un électromètre. Une « trappe », formée d’un ensemble de
conducteurs alternativement positifs et négatifs, est disposée entre le four et
la plaque, de manière à arrêter les ions ou les électrons qui pourraient être
recueillis par cette dernière.
Les courbes représentant les variations du courant photoélectrique, en
fonction du potentiel accélérateur des électrons, présentent une suite de discontinuités correspondant, à 0,05 volt près, aux six premiers potentiels de
radiation et au potentiel d’ionisation. L’accord est quasi-rigoureux entre la
théorie et l’expérience.
La fig. 5.4 représente le diagramme d’énergie de l’atome d’hydrogène,
c’est-à-dire les différents niveaux énergétiques correspondant aux orbites stationnaires de Bohr. Les termes spectraux : ν = RnH2 croissent à mesure que
104
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
l’énergie −hc RnH2 diminue, l’énergie minimum correspondant au niveau de base
n = 1. Les transitions électroniques relatives aux différentes étapes d’excitation de l’atome normal sont indiquées par des droites portant deux flèches :
l’électron passe du niveau n = 1 aux niveaux n = 2, 3, 4,... soit par choc électronique, soit par absorption d’une raie de la série de Lyman (voir p. ? ? ?) ; le
retour de l’électron sur l’orbite normale est accompagné de l’émission d’une
des raies précédentes. Les raies des autres séries ne peuvent être absorbées
par l’atome normal : les sauts quantiques correspondants sont indiqués par
des droites portant une seule flèche.
Dans le cas de l’hydrogène, l’emploi de la technique spectroscopique présente des difficultés résultant de la distribution des raies fondamentales dans
la région ultraviolette extrême et surtout des complications d’origine moléculaire déjà signalées (la molécule H2 donne naissance au spectre secondaire ou
spectre de raies multiples de l’hydrogène). Pour l’ion He+ , au contraire, les
observations spectroscopiques ont permis de vérifier avec toute la précision
désirable les conséquences de la théorie de Bohr.
RHe
Le potentiel d’ionisation Vi′ de l’ion He+ , est égal à 48100
= 54, 2 volts
(sensiblement 4 fois le potentiel d’ionisation de l’atome d’hydrogène). D’autre
part, le potentiel d’ionisation de l’atome neutre d’hélium, déduit des séries
spectrales de ce gaz (spectre d’arc étudié par Lyman), ou mesuré directement
(Déjardin), est égal à 24,5 volts. Si l’on imagine qu’un seul choc électronique
puisse arracher les deux électrons de l’atome He, on doit s’attendre à obtenir
l’ionisation double à partir de 24,5 + 54,2 = 78,7 volts, et à observer dans
ces conditions l’émission des raies caractéristiques de l’ion He+ . D’autre part,
si l’on expérimente dans des conditions telles que Ies chocs répétés ou effets
cumulatifs puissent se produire en nombre appréciable (pression et densité de
courant relativement élevées), le « spectre d’étincelle »de l’hélium doit être
excité à partir de 54,2 volts.
Les résultats expérimentaux obtenus par K. T. Compton et Lilly, Miss
Davies et Déjardin sont en excellent accord avec les prévisions précédentes.
Les trois premières raies de la série n1 = 3(série de Fowler, voir p. ? ? ?)
apparaissent, ou tout au moins sont considérablement renforcées dès que le
potentiel accélérateur dépasse 80 volts (l’observation spectroscopique visuelle
suffit pour constater l’apparition brusque de la raie 4686). Lorsque la pression
est suffisante (quelques mm. de mercure), l’émission des trois raies peut être
décelée à partir de 55 volts. Dans l’ultraviolet extrême, K. T. Compton et
Boyce ont observé l’émission de la série n1 = 1 : la première raie : 304 A.
est visible sur les clichés correspondant à 90 volts et ne peut être distinguée
à 70 volts. Enfin, les mesures électriques (Franck et Knipping) ont mis en
évidence des accroissements d’ionisation au voisinage de 55 et 80 volts.
5.11. SPECTRE DE RAYON X
5.11
105
Spectres de rayons X. Loi de Moseley
Les spectres X caractéristiques des éléments se composent de plusieurs
groupes K, L, M, etc., nettement séparés dans l’échelle des fréquences. Nous
avons vu (p. ??, fig. ??) comment on interprète l’émission des diverses raies
de chaque groupe : la radiation Kα , par exemple, est émise lorsqu’un électron
passe du niveau L au niveau K. La variation d’énergie correspondante est
égale à la différence WK − WL des travaux d’ionisation relatifs aux deux
niveaux considérés (p. ? ? ?). Comme dans le domaine de l’optique proprement
dite, la fréquence de chaque raie doit être considérée comme la différence de
deux « termes spectraux »associés aux niveaux énergétiques correspondants
(principe de combinaison). Ces termes spectraux (fréquences vraies) peuvent
être identifiés avec les énergies d’ionisation divisées par h, c’est-à-dire avec les
fréquences des têtes de bandes d’absorption νK , νL , etc. La fréquence d’une
raie quelconque est donc égale à la différence de deux fréquences critiques
d’absorption.
Les transitions électroniques qui donnent naissance aux raies X se produisent donc dans la région profonde de l’atome, où les électrons doivent être
distribués de la même manière pour tous les éléments, à l’exception de ceux
dont le poids atomique est très faible. Contrairement à celle des spectres optiques proprement dits, dont l’origine superficielle explique la variété et la
périodicité, la structure des spectres X reste la même pour tous les éléments.
Les variations d’un corps à un autre résultent seulement de l’accroissement
ou de la diminution de la charge nucléaire, dont dépend la stabilité plus ou
moins grande des couches électroniques profondes. L’expérience montre en
effet que ces variations se réduisent à un déplacement d’ensemble du spectre,
donné grossièrement par le carré du nombre atomique (Moseley, 1913). Si
l’on considère une raie déterminée, par exemple Kα , et si on la suit à travers
la série des éléments, on trouve que sa fréquence ν varie approximativement
comme l’indique la formule suivante :
√
ν = A(N − s)
N : nombre atomique
dans laquelle A et s sont deux constantes.
Par exemple, dans l’intervalle du Ca (N = 20) au Zn (N = 30), les fréquences observées satisfont à la relation :
√
ν
= 0, 874(N − 1, 13)
(5.18)
Re
Nous avons divisé ν par Re de manière à obtenir un nombre pur.
La théorie de Bohr permet d’interpréter très simplement ces résultats, à
la condition d’admettre que l’énergie associée à chaque électron est donnée
106
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
approximativement par une formule analogue à (5.11). Pour tenir compte
de la répulsion des autres électrons (effet d’écran), la charge réelle du noyau
E = N e doit être remplacée par la charge apparente ou efficace (N − s)e.
La valeur de la constante s dépend évidemment de la couche dont fait partie
l’électron considéré ; elle doit être assez voisine de l’unité pour un électron K
et prendre une valeur plus grande pour les autres couches. D’autre part, nous
h
admettrons que les électrons K gravitent avec un quantum 2π
de quantité
de mouvement (n = 1) ; les nombres quantiques n = 2, 3 ... , seront de
même affectés aux couches successives L, M, etc. Dans ces conditions, on voit
immédiatement que les racines carrées des fréquences critiques d’absorption
(et, par conséquent, les termes spectraux) sont des fonctions linéaires du
nombre atomique, ce qui correspond approximativement à la réalité. D’autre
part, en première approximation, la fréquence d’une raie X sera donnée par
une expression analogue à celle qui représente les séries spectrales des atomes
hydrogénoı̈des :
(
)
1
1
2
ν = Re(N − s)
−
n21 n2
Pour la raie Kα (transition L → K), nous prendrons n1 = 1 et n = 2, ce
qui conduit à la formule :
√
ν
= 0, 866(N − s)
Re
(√ )
3
est très voisin de celui de la formule
Dans laquelle le coéfficient 0,866
4
empirique (5.18).
La raie Kα correspond à la première raie de la série de Lyman de l’hydrogène. On montrerait de la même manière que Lα . (transition M→L) correspond à la première raie de Balmer, etc. Une théorie aussi simple ne peut
évidemment prétendre à un accord rigoureux avec l’expérience. Elle suffit
cependant pour légitimer l’hypothèse fondamentale relative au nombre atomique N , qui représente effectivement le nombre des électrons gravitant autour du noyau, et aussi pour montrer que la constitution des couches internes
est la même pour tous les éléments (constance de s).
5.12
Orbites elliptiques de l’hydrogène
On peut développer la théorie du spectre atomique de l’hydrogène à partir des mêmes postulats fondamentaux (conditions mécanique et optique)
sans se borner à la considération des mouvements circulaires. En général, la
trajectoire de l’électron, dans le champ du noyau, est une ellipse parcourue
5.12. ORBITES ELLIPTIQUES DE L’HYDROGÈNE
107
Figure 5.5 –
suivant les lois de Képler. Il faut donc, parmi l’infinité d’orbites elliptiques
et circulaires conformes à la dynamique classique, déterminer les trajectoires
stationnaires satisfaisant aux conditions générales (5.9). Le problème ainsi
posé comporte deux paramètres (fig. 5.5) : la position de l’électron est définie, par exemple, au moyen des coordonnées polaires r (rayon vecteur) et φ
(azimut).
Comme dans le cas des orbites circulaires, l’énergie potentielle est : WP =
Ee
− r (à une constante près). L’énergie cinétique et les moments conjugués ont
pour expressions :
(
)
1
1
1 2
′2
2 ′2
2
Wc = m (r + r φ ) =
p + p
2
2 m r r2 φ
pr =
δWc
= m r′
δr′
δWc
= m r2 φ′ = p = const.
δφ′
Nous désignons par p le moment constant de la quantité de mouvement
(constante des aires, seconde loi de Képler).
L’équation de l’ellipse s’écrit sous la forme :
pφ =
1
1 + ε cos φ
=
r
P
L’excentricité ε et le paramètre P (demi-longueur de la corde passant par
un foyer et perpendiculaire au grand
√ axe) ont pour valeurs, en désignant les
deux axes par 2a et 2b (OE = c = a2 − b2 ) :
ε=
c
a
P =
b2
= a (1 − ε2 )
a
108
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Les deux variables r et φ possèdent évidemment la même période de libration ou de rotation : la trajectoire est une courbe fermée et le mouvement doit
être considéré comme dégénéré (voir p. ? ? ?). On constate aisément que les
variables sont séparées ; l’action S est la somme de deux fonctions dépendant
séparément des coordonnées r et φ :
∫
∫
S = pr dr + pφ dφ
Nous pouvons, sous certaines réserves, utiliser la méthode de Sommerfeld
et écrire que les modules de périodicité des deux intégrales précédentes sont
des multiples entiers du quantum d’action h :
∫ 2π
∫ 2π
δS
Jφ =
dφ =
pφ dφ = k h
δφ
0
0
(pour une rotation complète de φ)
∫
∫
δS
Jr =
dr = pr dr = k ′ h
δr
(pour une rotation complète de r, c’est-à-dire de rmin à rmin, en passant
par rmax).
C’est le résultat obtenu dans le cas des orbites circulaires. Le nombre
entier k s’appelle quantum azimutal.
La seconde condition conduit à la relation :
∫ 2π
sin2 φ
ε2
k′
dφ
=
2π 0 (1 + ε cos φ)2
k
ou, en intégrant :
1 − ε2 =
k2
k2
=
(k + k ′ )2
n2
(5.19)
L’entier k ′ est le quantum radial, et n = k + k ′ le quantum total.
En résumé, dans la suite continue des ellipses prévues par la mécanique
newtonienne, nous distinguons les trajectoires stationnaires caractérisées par
deux nombres entiers k et k ′ , ou k et n.
D’après les conditions (??) et (5.19), le paramètre, le demi-grand axe et
l’énergie totale ont pour valeurs :
P = a (1 − ε2 ) =
a=
k 2 h2
p2
=
E em
4 π 2 m Ee
n 2 h2
k 2 h2
=
4 π 2 m Ee (1 − ε2 )
4 π 2 m Ee
5.13. THÉORIE DE LA STRUCTURE FINE
109
Ee
1 2 π 2 m E 2 e2
W =−
=− 2
2a
n
h2
De plus, le rapport des axes est égal à celui des nombres quantiques
azimutal et total :
a √
k
= 1 − ε2 =
b
n
Le grand axe et l’énergie totale ne dépendent que du quantum total n.
Nous retrouvons pour l’énergie la formule obtenue par Bohr dans le cas des
orbites circulaires ; la considération des trajecboires elliptiques ne fait apparaı̂tre aucun terme supplémentaire dans la suite des niveaux énergétiques de
l’atome d’hydrogène (E = e). L’introduction de deux nombres entiers indépendants est donc purement fictive. En appliquant la règle de quantification
de Sommerfeld, nous avons admis deux conditions restrictives distinctes dans
le cas d’une trajectoire fermée, c’est-à-dire d’un système dégénéré.
Le calcul de Sommerfeld présente cependant un certain intérêt en ce sens
qu’il fait prévoir plusieurs possibilités d’émission d’une raie spectrale donnée.
A chaque valeur du quantum total n = k + k ′ correspond un groupe d’ellipses
caractérisées par le même grand axe et la même énergie. Chaque ellipse sera
désignée par la notation ni . Si n = k (k ′ = 0), la trajectoire est une circonférence. La valeur k = 0 (b = 0) doit être exclue : elle correspond en effet à
une double droite (ellipse dégénérée) qui ne peut évidemment être parcourue
par l’électron. Le cas n = 2 donne le cercle 22 et l’ellipse 21 ; avec n = 3, on
obtient le cercle 33 et les ellipses 32 et 31 , etc.
Dans ces conditions, l’émission de chacune des raies de Balmer peut résulter de transitions électroniques différentes. Pour la raie Hα , par exemple,
il existe six combinaisons possibles (passage de l’électron d’une orbite n = 3
à une orbite n = 2). En réalité, on fait intervenir le principe de sélection,
d’après lequel le nombre quantique azimutal ne peut varier que d’une unité
(∆k = ±1), ce qui laisse subsister, pour Hα :, les trois transitions suivantes :
33 → 22 , 32 → 21 , 31 → 22 9 .
5.13
Théorie de la structure fine (Sommerfeld)
Nous avons négligé jusqu’ici la variation de la masse de l’électron avec
la vitesse, conformément à la relation : m = √m0 2 (voir p. ? ? ?, note ? ? ?
1−β
). L’introduction de cette « correction de relativité » équivaut à une légère
9. Cette règle de sélection est une conséquence du principe de correspondance de Bohr
(voir p. ? ? ?).
110
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
perturbation 10 et fait disparaı̂tre la dégénérescence. L’énergie cinétique et
l’énergie potentielle ont pour valeurs (voir p. ? ? ?) :
(
)
1
2
Wc = m0 c √
−1
Wp = − < f racEer
1 − β2
La trajectoire est une courbe représentée, en coordonnées polaires, par
l’équation :
1 + ε cos γφ
1
=
(5.20)
r
P
p2
en posant : γ 2 = 1 − p02 , p0 = Ee
et p = m r2 φ′ = (constante des aires).
c
La constante p0 étant très petite, γ est très légèrement inférieur à l’unité.
L’équation (5.20) montre que r ne reprend pas exactement la même valeur
lorsque φ augmente de 2π, L’orbite est approximativement elliptique, mais
il y a rotation lente du périhélie. La trajectoire n’est plus rigoureusement
fermée ; elle occupe une couronne circulaire définie par les distances du noyau
au périhélie et à l’aphélie (fig. 5.6). Faisons correspondre l’origine des angles
à l’une des positions du périhélie ; l’électron atteindra le périhélie suivant,
non pas pour φ = 2 π, mais pour γφ = 2 π, c’est-à-dire : φ = 2γπ > 2 π. On
peut dire que chaque révolution s’accompagne d’un déplacement du périhélie
caractérisé par ∆φ = 2γπ − 2 π.
Les conditions quantiques azimutale et radiale s’expriment par les relations :
2πp = kh
∫
pr dr = k ′ h
L’intégrale précédente doit être calculée pour le domaine de variabilité de r,
c’est-à-dire de φ = 0 à φ = 2 π + ∆φ (ou de ψ = 0 à ψ = 2 π, en posant
ψ = γφ). On obtient ainsi :
1
k′
√
−1=
kγ
1 − ε2
La forme et la grandeur des trajectoires stationnaires sont déterminées
par les équations précédentes. L’énergie totale W est donnée par la relation :
[
]− 21
W
α2 N 2
1+
= 1+ (
√
)2
m0 c 2
k ′ + k 2 − α2 N 2
10. Pour la première orbite circulaire de Bohr, le rapport β de la vitesse de l’électron à
la vitesse de la lumière est de l’ordre du centième.
5.13. THÉORIE DE LA STRUCTURE FINE
111
Figure 5.6 –
2
en posant : N = Ee et α = 2 πhce . α s’appelle la constante de structure fine. Si
l’on considère la vitesse v1 de l’électron sur le premier cercle de Bohr, dont
le rayon a1 est donné par la formule (5.12), on montre aisément que :
α=
v1
= 7, 28 10−3 c. g. s.
c
α2 = 5, 30 10−5 c. g. s.
En applı̂quant la relation générale : ∆W = hν, on obtient la formule
suivante résumant, d’après Sommerfeld, toutes les manifestations spectrales
d’un atome hydrogénoı̈de :

− 1 

2
{
}− 12 



2
2
2
2


2
α N
ν
α N

1
+
= 2
−
1
+
(
)
√
)
(
2
2
√


R
α 
′
2
2
2


k ′ + k 2 − α2 N 2
k1 + k1 − α N
0 e 11
R = 2 π hm
; k et k ′ sont les nombres quantiques correspondant à l’orbite
3c
initiale et k1 et k1′ les mêmes nombres relatifs à l’orbite finale.
Ces deux nombres interviennent séparément. Les raies correspondant à
une même valeur de n = k + k ′ sont maintenant distinctes. Toutefois, la
2
4
11. Pour tenirů compte de l’entraı̂nement du noyau, on remplacera R par RH etc. (voir
p. ? ? ?).
112
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
séparation est liée au terme correctif très petit dépendant de α2 . La dissociation de chaque raie complexe (caractérisée par une certaine valeur de n) ne
pourra être observée que dans un domaine très étroit (structure fine). Il est
aisé de se rendre compte de l’origine de cette dissociation. Pour les orbites
circulaires de Bohr, la vitesse de l’électron, et par suite sa masse, demeurent
constantes. Il n’en est pas de même pour les orbites elliptiques : la vitesse
augmente de l’aphélie au périhélie (seconde loi de Képler) et les variations
sont d’autant plus importantes que l’excentricité est plus grande. Il en résulte des valeurs légèrement différentes de l’énergie ayant pour conséquence
l’existence de raies voisines (ou composantes) distinctes.
Pour déterminer l’écart des diverses composantes, développons en série
l’expression de l’énergie :
[
(
)
]
R hc N 2
α2 N 2
1 k′
Wk, k′ = −
1+
+
+ ...
(5.21)
(k + k ′ )2
(k + k ′ )2 4
k
En considérant le premier terme du développement (c’est-à-dire en négligeant α2 ), on retrouve précisément la valeur de l’énergie conduisant à la
formule de Balmer. Le terme correctif suivant montre que l’influence de la
variation de la masse de l’électron s’exerce de deux manières différentes :
α2 N 2
1. La permière partie : 4 (k+k
′ )2 entraı̂ne une modification générale des
termes spectraux, à la fois pour les orbites circulaires (et elliptiques.
)
Pour la série de Balmer, par exemple, le coefficient de 212 − m12 doit
varier légèrement d’une raie à l’autre.
α2 N 2 k ′
2. La seconde partie (k+k
′ )2 k provoque la dissociation d’une raie complexe
′
(k + k = const.) et règle la structure fine.
D’après (5.21), le nombre d’onde d’une raie est donné par la relation :
[{
(
)}
1
1 k1′
ν
α2 N 2
2
=N
+
+
−
R
(k1 + k1′ )2 (k1 + k1′ )4 4 k1
(
{
)} ]
1 k′
1
α2 N 2
+
+
(k + k ′ )2 (k + k ′ )4 4
k
Examinons différents cas particuliers :
1. n = k + k ′ = 1 : Une seule combinaison est possible : k = 1, k ′ = 0
(voir p. ? ? ?). La constante de structure fine n’intervient pas (orbite
circulaire). Le terme spectral correspondant est simple.
2. n = k + k ′ = 2 : Les deux combinaisons possibles :
k = 2,
k = 1,
k′ = 0
k′ = 1
(orbite circulaire 22 )
(ellipse 21 )
5.13. THÉORIE DE LA STRUCTURE FINE
113
4
2
correspondent à deux termes spectraux différant de : R N24 α (dans
l’échelle des nombres d’ondes). L’électron gravitant sur une trajectoire
de quantum total supérieur à 2 peut tomber sur l’une ou l’autre des
orbites précédentes. On doit donc s’attendre à observer deux raies voisines constituant un doublet très étroit dont nous venons d’indiquer
l’intervalle.
3. n = k + k ′ = 3 : Les orbites possibles sont les suivantes :
k = 3, k ′ = 0
k = 2, k ′ = 1
k = 1, k ′ = 2
(orbite circulaire 33 )
(ellipse 32 )
(ellipse 31 )
Les écarts ont pour valeurs :
N 4 α2
entre le cercle et la première ellipse : R 2.3
4
N 4 α2
entre les deux ellipses : 3 R2.3
4
On obtient ainsi tous les éléments de la décomposition des raies d’un
atome hydrogénoı̈de (H, He+ , etc).
5.13.1
Application à l’hydrogène - N = 1
Pour n = k + k ′ = 2, l’écart fondamental a pour expression :
∆νH =
R a2
= 0, 364 cm−1
24
Considérons, en particulier, la raie IIα , dont l’émission résulte de la transition : n = 3 → n = 2. Nous avons, dans ce cas, trois orbites initiales (33 , 32
et 31 ) et deux orbites finales (22 et 21 ) possibles, d’où six composantes (fig.
5.7). La raie Hα doit donc être formée de deux triplets très étroits. Pour Hβ ,
on obtiendrait de la même manière deux quadruplets, etc ..
En réalité, les raisonnements précédents n’ont plus actuellement qu’un
intérêt historique. Une théorie beaucoup plus satisfaisante, faisant intervenir
la conception de l’électron tournant et la mécanique ondulatoire, assimile le
spectre de l’hydrogène à celui d’un métal alcalin (spectre de doublets). Elle
permet de retrouver les niveaux prévus par la théorie primitive de Sommerfeld, mais avec une signification entièrement différente, et aussi de calculer
les intensités relatives des composantes. La vérification expérimentale est très
délicate : l’écart est très faible et difficile à mesurer, en particulier à cause
de l’élargissement des raies par suite de l’agitation thermique (effet DopplerFizeau) 12
12. La largeur d’une raie spectrale, due à l’agitation thermique, est proportionnelle à
114
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Figure 5.7 –
La nouvelle théorie montre que, pour Hα . et Hβ , il doit exister cinq composantes, parmi lesquelles deux sont beaucoup plus intenses que les autres.
Mais on n’observe en réalité qu’un « doublet », dont l’écart apparent est,
pour Hα , voisin de 0,14 A. Les meilleurs résultats ont été obtenus par Lewis,
Spedding, Shane et Grace, à l’aide d’un interféromètre de Fabry et Pérot.
L’analyse de la structure fine s’effectue plus aisément dans le cas de l’isotope H2 , (effet Doppler moins important) ; une troisième composante de la
première raie de Balmer semble alors se manifester.
5.13.2
Application à l’hélium ionisé. - N = 2.
La vérification expérimentale est plus aisée : l’élargissement thermique
est moindre (M = 4) et, d’après (5.21), l’écart des composantes est 24 = 16
fois plus considérable. Paschen a étudié expérimentalement la structure fine
des premières raies de la série de Fowler (n1 = 3, voir p. ? ? ?). Pour la raie :
λ = 4686 A., par exemple, la théorie actuelle prévoit l’existence de 8 composantes réparties sur un intervalle total de quelques dixièmes d’Angström. Les
positions relatives et les intensités des composantes observées par Paschen
sont en excellent accord avec la nouvelle théorie, qui doit donc être préférée
à celle proposée tout d’abord par Sommerfeld.
√
T
M
, en désignant par T la température absolue et par M la masse de la particule
lumineuse, rapportée à celle de l’atome d’hydrogène. Dans le cas de l’hydrogène (M = 1),
l’élargissement thermique est particulièrement important : la largeur prévue pour chaque
composante de Hα : est 0,05 A. à la température de l’air liquide.
5.14. QUANTIFICATION DANS L’ESPACE.
115
Figure 5.8 –
5.14
Quantification dans l’espace.
On peut se demander si les conditions quantiques ne permettent pas de
déterminer la position dans l’espace des trajectoires électroniques, c’est-àdire l’orientation du plan de l’orbite par rapport à un certain système d’axes.
Le problème n’a de sens que si l’espace comporte une direction privilégiée
résultant, par exemple, de l’existence d’un champ extérieur électrique ou
magnétique. Les orbites képlériennes subissent une déformation dépendant
de l’intensité du champ. Lorsque celle-ci est très faible, les perturbations
de l’orbite peuvent être négligées. Nous admettrons cependant que, dans
ces conditions, l’orientation quantique par rapport aux lignes de force reste
possible.
Nous conservons donc l’hypothèse des orbites elliptiques, mais nous devons considérer trois paramètres : par exemple, les coordonnées polaires spatiales r, ψ et θ. Le mouvement est doublement dégénéré (trois variables et une
seule période). Pour faire disparaı̂tre la dégénérescence, il faudrait introduire
la correction de relativité et tenir compte de l’action du champ extérieur.
Désignons par 0 la position du noyau, et par M celle de l’électron à un
instant donné (fig. 5.8). Oz est la direction des lignes de force du champ
extrêmement faible dont nous admettons l’existence : OI est la droite d’intersection du plan de l’orbite avec le plan normal à Oz, et M’ la projection
de M sur le plan précédent. La droite OP étant perpendiculaire au plan de
l’orbite, l’angle oc est l’angle de ce plan avec le plan normal à Oz. Le moment
constant p (ou pφ ) de la quantité de mouvementů de l’électron est un vecteur
dirigé suivant OP.
116
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
L’énergie cinétique et les moments conjugués ont pour valeurs :
Wc =
pr = m r ′ ,
m ′2
(r + r2 sin2 θ ψ ′2 + r2 θ′2 )
2
pψ = m r2 sin2 θ ψ,
pθ = m r 2 θ ′
La méthode de Sommerfeld donne trois conditions quantiques, avec trois
nombres entiers k ′ , k1 et k2 relatifs aux paramètres r, ψ et θ :
k ′ : nombre quantique radial
k1 :
équatorial (ou magnétique)
k2 :
de latitude
Pour quantifier le mouvement dans le plan, c’est-à-dire en considérant les
deux variables r et φ, nous avons introduit le nombre quantique azimutal k,
défini par : 2 π p = k h. On montre facilement que k = k1 + k2 . D’autre part,
pψ est le moment de la quantité de mouvement par rapport à Oz, c’est-à-dire
la projection sur Oz du moment p par rapport à OP :
pψ = pφ cos α = p cos α = const.
La condition relative à ψ peut donc s’écrire :
2π pψ = 2π p cos α = k1 h
d’où il résulte :
k1
k1
=
k
k1 + k2
Cette relation fixe l’orientation du plan de l’orbite. Pour un nombre quantique azimutal donné k, il existe k orientations possibles correspondant aux
diverses combinaisons k1 et k2 , telles que k = k1 + k2 , la valeur k1 = 0 étant
exclue pour des raisons de stabilité 13 .
cos α =
Cas particulier : 1 k = 1
2k=2
3k=3
k1
k1
k1
k1
k1
k1
=1
=2
=1
=3
=2
=1
cos
cos
cos
cos
cos
cos
α=1
α=1
α = 1/2
α=1
α = 2/3
α = 1/3
13. Si k1 était nul, le plan de l’orbite serait parallèle au champ ( α = π2 ) On montre
alors que, sous l’action d’un champ électrique (effet Stark), l’électron se rapprocherait
indéfiniment du noyau. Nous admettons que la valeur k1 = 0 doit toujours être réservée
(de même que la valeur k = 0, correspondant à une ellipse dégénérée en droite, p. ? ? ?).
5.15. LE MAGNÉTON
117
L’énergie totale W ne dépend que du quantum total n = k ′ + k1 + k2 , et
la formule générale (5.13) est encore valable (double dégénérescence).
Les variations ∆k1 du nombre quantique équatorial sont limitées par une
règle de sélection analogue à celle que nous avons énoncée (voir p. ? ? ?)
pour le quantum azimutal. Cette règle s’exprime par la condition restrictive : ∆k1 = ±1 ou 0. Les deux valeurs ±1 correspondent à l’émission de
radiations polarisées circulairement, le plan de vibration étant normal à Oz.
Lorsque ∆k1 = 0, la vibration est rectiligne et parallèle au champ 14 .
5.15
Le magnéton - Expériences de Stem et
Gerlach.
Au point de vue électromagnétique, un électron en mouvement sur une
courbe fermée est équivalent à un courant fermé. Considérons un électron
gravitant sur une orbite circulaire de rayonů a avec la vitesse angulaire ωů
ω
La charge e passe 2π
fois par seconde à travers la section du circuit fictif, et
le courant circulaire équivalent a pour intensité ωe
. Le feuillet magnétique
2π
correspondant à un tel courant possède une puissance égale à l’intensité précédente (la charge e étant exprimée en unités é. m.) ; son moment magnétique
total est :
ωe
ωea2
M=
π a2 =
2π
2
Supposons que la trajectoire de l’électron soit une orbite quantique (cercle
de Bohr), satisfaisant à la condition (page ? ? ?) :
m ω a2 = n
h
2π
l’expression précédente devient :
M =n
eh
eh
= nµ, en posant : µ =
= 0, 917 10−20 e. g. s.
4π m
4π m
Le moment magnétique M est un multiple entier du moment élémentaire
µ, appelé magnéton de Bohr 15 .
14. Le principe de sélection et la règle de polarisation sont des conséquences du principe
de conespondance (p. ? ? ?).
15. La conception de l’existence d’un moment magnétique élémentaire, dont tous les
moments atomiques seraient des multiples entiers, a été admise par P. Weiss dès 1910. Mais
les mesures de Weiss et de ses collaborateurs conduisaient, pour ce moment élémentaire,
à la valeur : 1126 c. g. s. rapportée à un atome-gramme. Or, le magnéton-gramme de
118
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Figure 5.9 –
En général, chaque orbite stationnaire doit posséder un moment magnétique égal à k magnétons de Bohr, k désignant le nombre quantique azimutal. Les résultats obtenus précédemment montrent qu’une orbite elliptique
s’oriente de manière que la projection du moment magnétique sur la direction du champ soit un nombre entier de magnétons. Pour k = 1, le moment
magnétique est égal à mu et les directions possibles de ce moment se réduisent à la direction du champ et à la direction opposée (on a en effet :
k1 = 1, cos α = 1, et le sens de rotation de l’électron est arbitraire).
Ces prévisions ont été vérifiées par Stern et Gerlach, au moyen du dispositif suivant (fig. 5.9) :
On réalise dans le four F une atmosphère de vapeur d’argent (en chauffant
le métal, dans un vide très poussé, à une centaine de degrés au-dessus du
point de fusion). Les atomes sortant du four par l’orifice 0 passent à travers
deux diaphragmes et forment ainsi un pinceau très étroit. Ce pinceau passe
entre les pièces polaires P1 et P2 d’un électro-aimant et vient rencontrer
Bohr Mµ est approximativement 5 fois plus grand. En réalité, le calcul de la p. ? ? ?, basé
sur la considération du modèle atomique de l’hydrogène, ne peut évidemment s’appliquer
directement aux atomes et aux ions dont les moments magnétiques ont été déterminés
expérimentalement. La structure électronique de ces atomes doit être étudiée au préalable,
d’après les données spectroscopiques (effet Zeeman). Pour interpréter les faits observés, on
est conduit à rernplacer, dans les formules de quantification spatiale, le quantum azimutal k
h
par le quantuin interne j (voir p. ? ? ?) qui représente, en unités quantiques 2π
, le moment
cinétique total de l’atome. Celui-ci doit être considéré comme la résultante du moment
cinétique d’origine azimutale, obtenu en composant les « quanta azimutaux »de tous les
électrons de valence, et du moment cinétique provenant de la rotation propre de ces mêmes
électrons. L’atome étant placé dans un champ magnétique, on considère la projection m
de j sur le champ comme un nouveau nombre quantique (quantinn magnétique) servant à
définir les orientations permises à I’atome dans le champ. On parvient ainsi à interpréter
les effets Zeeman dits anormaux (cas général, voir remarque p. ? ? ?) et à prévoir le rapport
des nombres de magnétons de Weiss et de Bohr correspondant au même atome ou ion.
La vérification expérimentale est particulièrement satisfaisante dans le cas du groupe des
terres rares (ions trivalents paramagnétiques), d’après les mesures de Cabrera, Decker,
Williams, etc.
5.16. EFFET ZEEMAN NORMAL
119
une plaque de verre p (on fait apparaı̂tre la trace des atomes par un bain
révélateur convenable).
De même que les métaux alcalins, l’argent appartient au premier groupe
du tableau périodique (un seul électron de valence). Supposons pour simplifier
que les atomes d’argent se comportent comme des atomes d’hydrogène de
quantum azimutal égal à l’unité. Ils doivent s’orienter de manière que leur
moment magnétique soit dirigé dans le sens du champ ou en sens inverse.
L’une des pièces polaires P1 est taillée en forme de coin, de telle sorte que
l’intensité du champ varie rapidement au voisinage de l’arête. Les atomes
des deux groupes subissent donc des actions opposées : ils se rapprochent ou
s’éloignent de P1 .
On constate effectivement que le faisceau, dédoublé par le champ, donne
naissance à deux taches situées de part et d’autre de la position moyenne
correspondant au trajet direct 16 . La déviation observée est très voisine de
celle que l’on peut calculer à partir des données expérimentales (intensité
et variation du champ, vitesse des atomes correspondant à la température
de la vapeur, etc.), en admettant que l’atome d’argent possède un magnéton de Bohr. L’expérience donne les mêmes résultats avec le cuivre, l’or, le
potassium, le sodium et l’hydrogène atomique 17 .
5.16
Effet Zeeman normal
Quand un gaz lumineux est placé dans un champ magnétique, l’émission
est profondément modifiée. Chaque raie spectrale est résolue en plusieurs
composantes polarisées, distribuées symétriquement par rapport à la raie
primitive. Dans le cas le plus simple, le phénomène présente les caractères
suivants :
1. En observant parallèlement aux lignes de force du champ, on constate
que la raie primitive a disparu. Elle est remplacée par deux composantes
(doublet magnétique) placées symétriquement, dans l’échelle des fréquences, par rapport à la position normale et polarisées circulairement
16. Si aucune orientation du moment n’était favorisée, on àbserverait, par suite de l’agitation thermique, un simple élargissement de la tache centrale correspondant au trajet
direct.
17. Par contre, le champ magnétique n’exerce aucune influence sur les atomes des métaux
bivalents appartenant à la seconde colonne du tableau périodique (Zn, Cd) ; on montre que
la disparition du moment magnétique doit être attribuée à la compensation des rotations
des deux électrons de valence. Pour le thallium, le moment magnétique a été trouvé égal
à 1/3 de magnéton de Bohr. Ces résultats sont en excellent accord avec les données spectroscopiques, conformément à la théorie générale déjà mentionnée (voir remarque au bas
de la p. ? ? ?).
120
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
dans des sens opposés.
2. Si l’on observe perpendiculairement aux lignes de force, on obtient le
« triplet normal »constitué par une raie polarisée rectilignement (vibration parallèle au champ), occupant la place de la raie primitive, et deux
raies ayant exactement les mêmes longueurs d’onde que celles du doublet magnétique précédent. Ces deux composantes sont aussi polarisées
rectilignement (vibrations perpendiculaires au champ).
La théorie classique du phénomène, due à Lorentz, montre que l’intervalle entre les composantes latérales et la composante centrale, occupant la
position normale, est :
∆ν =
He
(La charge e étant exprimée en unités él. st.).
4 π me
He
= 4, 70 10−5 H (La charge e étant exprimée en unités é. m.).
4 π me
Cette formule est parfaitement vérifiée par l’expérience 18 . Il s’agit d’en
donner une interprétation fondée sur la théorie des quanta. Nous ferons appel
à la proposition suivante (théorème de Larmor) :
Dans un champ magnétique d’intensité H, les électrons décrivent les
mêmes orbites qu’en l’absence de champ, à la condition de rapporter le mouvement à un système de comparaison animé d’un mouvement de rotation
ou : ∆ν =
18. En réalité, on n’observe le triplet normal que pour les raies des séries spectrales
de « simplets », c’est-à-dire pour certaines raies d’arc des métaux du second groupe du
tableau périodique (alcalino-terreux, Zn, Cd). Les décompositions Zeeman obtenues avec
les doublets (alcalins) et les triplets (alcalino-terreux) sont plus compliquées. Toutefois,
ces décompositions subissent une modification profonde dans les champs magnétiques intenses : les effets Zeeman des composantes voisines du même « multiplet »finissent par
s’influencer mutuellement et, si l’intensité du champ est suffisante, par se fondre en un
effet unique qui n’est autre que le triplet normal (effet Paschen-Back). La théorie générale déjà signalée (atome de Bohr-Sommerfeld et conception de l’électron tournant), qui
permet d’interpréter les multiplicités spectrales (voir p. ? ? ?), explique également les effets
Zeeman anormaux et l’effet Paschen-Back. Lorsque le champ magnétique est très intense,
il agit séparément sur le moment azimutal résultant et sur le moment de rotation propre
des électrons de valence ; le « couplage »de ces deux vecteurs avec le champ devient alors
beaucoup plus important que leur couplage mutuel ; au lieu de considérer leur résultante J
(quantum interne), il faut admettre qu’ils subissent indépendamment la quantification spatiale, c’est-à-dire que leurs projections sur la direction du champ doivent être séparément
quantifiées. On montre ainsi que l’effet Zeeman doit faire place à l’effet Paschen-Back.
Le spectre de l’hydrogène, comme nous le savons (voir p. ? ? ?), doit être rapproché des
spectres de doublets, mais l’effet Paschen-Back se produit alors dans des champs relativement faibles (quelques milliers de gauss), à cause de la proximité des composantes. C’est
pourquoi les raies de Balmer donnent pratiquement un triplet présentant la séparation
prévue par la théorie élémentaire.
5.16. EFFET ZEEMAN NORMAL
121
H
uniforme (ou précession) de vitesse angulaire ω = 2emc
autour de la direction
19
du champ (e mesurée en unité él. st.) .
Au point de vue mécanique, le problème de l’action du champ magnétique sur les orbites de l’atome d’hydrogène est donc résolu. Par rapport au
système de référence en rotation, les trajectoires électroniques sont celles qui
correspondent à un champ nul ou extrêmement faible. Nous admettrons en
outre que, dans le système mobile, les conditions quantiques s’écrivent de la
même manière. Nous conservons, en particulier, les relations :
k1
cos α =
et 2 πpψ = 2 πp cos α = k1 h
k1 + k2
L’angle ψ représente la longitude de l’électron dans le système en rotation ; les moments p et pψ doivent être également calculés dans ce système.
Lorsque le champ est sensiblement nul (H = 0), l’énergie cinétique a pour
valeur :
)
m ( ′2
Wc (0) =
r + r2 θ′2 + r2 sin2 θ ψ ′2
2
La présence d’un champs magnétique d’intensité H n’entraı̂ne aucune
modification de l’énergie potentielle (la distance r de l’électron au noyau ne
varie pas). Pour obtenir l’énergie cinétique Wc (II), il faut tenir compte de la
précession et remplacer ψ ′ par ψ ′ + ω, soit en négligeant le terme en ω 2 :
)
m ( ′2
Wc (H) =
r + r2 θ′2 + r2 sin2 θ ψ ′2 + 2 r2 sin2 θψ ′ ω
2
d’où il résulte :
ω
Wc (H) − Wc (0) = mr2 sin2 θψ ′ ω = pψ ω = k1 h
2π
Nous obtenons ainsi la variation d’énergie totale due au champ magnétique. Pour. une raie spectrale dont l’émission correspond au saut quantique
∆k1 , nous aurons donc la variation de fréquence :
ω
eH
∆ν = ∆k1
= ∆k1
2π
4πmc
19. Supposons que l’électron décrive une certaine orbite dans un système tournant autour
de l’axe Oz avec une vitesse angulaire constante ω. Pour qu’un tel mouvement soit possible,
il faut que les forces d’inertie correspondant à la rotation soient équilibrées par L’action
d’un Champ extérieur. Admettons que la vitesse résultant de la précession soit négligeable
par rapport à la vitesse de l’électron sur son orbite (cette condition est réalisée, même
dans le cas d’un champ magnétique intense). La force centrifuge, proportionnelle à ω 2 ,
peut alors être négligée. Il suffit de considérer la force d’inertie complémentaire (Coriolis)
égale à 2 m ω ν (ν désignant la composante, dans une direction perpendiculaire à Oz, de la
vitesse de l’électron par rapport au système en rotation). D’autre part, l’action d’un champ
magnétique H, de direction Oz, a pour expression : e Hc ν .Les deux forces précédentes sont
perpendiculaires à ν et à l’axe de rotation Oz ; elles sont égales opposées si la vitesse de
H
.
rotation (de sens ccnvenable) est : ω = 2emc
122
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
La formule précédente, complétée par le principe de sélection (∆k1 = ±1
ou 0) et la règle de polarisation (p. ? ? ?), donne l’interprétation complète de
l’effet Zeeman normal 20 .
Nous avons admis que les conditions quantiques ne sont pas modifiées par
la présence du champ magnétique. Cette hypothèse est légitime dans le cas
où la durée d’établissement du champ est infiniment longue par rapport aux
périodes électroniques. Les trajectoires stationnaires restent les mêmes ; elles
prennent lentement et progressivement la vitesse de précession imposée par
le champ. L’invariance des conditions de quanta, dans ce cas particulier, est
une conséquence du principe général suivant, connu sous le nom de théorème
des invariants adiabatiques (Ehrenfest) :
Considérons un système multipériodique (non dégénéré) soumis à une
certaine influence perturbatrice résultant, par exemple, de l’établissement
d’un champ extérieur. Les modules de périodicité J de l’action de Maupertuis
ne varient pas (invariants adiabatiques), pourvu que la durée d’établissement
de la perturbation soit très grande par rapport aux périodes fondamentales du
système 21 . Les conditions quantiques restent donc inchangées. Si le système
était préalablement quantifié, il garde constamment cette propriété au cours
d’une transformation « adiabatique »infiniment lente.
5.17
Spectres de bandes
Il existe deux catégories de spectres discontinus :
1. les spectres de raies, comprenant ceux qui ont été étudiés précédemment ;
2. les spectres de bandes, dont la structure est très différente, et qui sont
constitués par un très grand nombre de. raies plus ou moins serrées.
Ces raies ne peuvent être distinguées qu’avec un appareil suffisamment
dispersif (d’où le nom de spectres de bandes) ; elles s’accumulent généralement dans certaines régions pour former des arêtes ou têtes qui semblent limiter les bandes du côté des courtes ou des grandes longueurs d’onde (bandes
dégradées vers le rouge ou l’ultraviolet).
Les spectres de raies prennent naissance au cours des transitions électroniques qui ont pour siège l’atome, c’est-à-dire un système constitué par un
20. La variation de fréquence ∆ν (pour ∆k1 = 1) est égale à la fréquence du mouvement
de rotation d’ensemble autour du champ, conformément au principe de correspondance
(la vitesse angulaire ω est très faible par rapport à ψ ′ , voir p. ? ? ?).
21. Une telle évolution est comparable aux transformations réversibles de la thermodynamique.
5.17. SPECTRES DE BANDES
123
Figure 5.10 –
seul noyau entouré d’électrons. Au contraire, on admet actuellement que les
centres d’émission ou d’absorption des spectres de bandes sont des molécules
comprenant au moins deux atomes. La formation de ces spectres obéit aux
mêmes lois quantiques, mais elle est beaucoup plus complexe que celle des
spectres de raies. En effet, elle met en jeu la rotation et les vibrations. internes
de l’édifice moléculaire, en même temps que les déplacements d’électrons
autour des noyaux atomiques. Dans les spectres d’absorption, on distingue
trois sortes de bandes, sı̂tuées respectivement dans l’infrarouge extrême, l’infrarouge voisin du spectre visible et l’ultraviolet. Les premières peuvent être
attribuées aux variations quantiques de la rotation des molécules autour d’un
axe passant par le centre de masse (spectres de « rotation pure »). Pour expliquer la formation des bandes de la seconde catégorie (spectres de « rotation
et vibration »), on fait intervenir les vibrations internes en même temps que
la rotation d’ensemble. Enfin, les fréquences d’origine électronique se manifestent dans les bandes du troisième groupe. Nous montrerons sommairement comment les postulats de la théorie des quanta permettent d’interpréter
l’existence des deux premières classes de bandes.
Nous tenterons, en premier lieu, d’assimiler une molécule à un système
rigide susceptible de tourner autour d’un axe. Par exemple, nous supposerons
qu’une molécule diatomique (H2 , HCl ; ... ) est constituée par deux noyaux
ponctuels occupant chacun une position d’équilibre déterminée et entourés
de deux systèmes électroniques n’ayant aucune influence appréciable, sur la
distribution des masses (voir p. ? ? ?). Une molécule telle que HCl (molécule
« polaire ») renferme deux ions portant des charges opposées, maintenus à
une certaine distance sous l’action des forces électriques. On conçoit qu’un tel
système puisse tourner autour d’un axe perpendiculaire à l’axe nucléaire et
puisse également devenir le siège. de vibrations longitudinales (harmoniques
ou non).
Nous ayons étudié précédemment, au point de vue de la théorie des
quanta, le mouvement de rotation d’un corps rigide de moment d’inertie
I (rotateur, p. ? ? ?). Nous avons ainsi obtenu, pour l’énergie cinétique, l’ex-
124
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
pression :
n 2 h2
(5.22)
8π 2 I
qui correspond à une suite discontinue de rotations possibles autour de l’axe
considéré.
En réalité, la mécanique ondulatoire nous apprend que la formule précédente doit être légèrement modifiée. Pour interpréter la structure des spectres
de bandes, il faudrait donner à n, dans cette formule, les valeurs 1/2, 3/2,
etc., au lieu de 0, 1, 2, etc. L’expression correcte est, comme nous l’avons
déjà mentionné (voir page ? ? ? ?) :
Wr =
n(n + 1)h2
n = 0, 1, 2, etc.
(5.23)
8π 2 I
Le principe de sélection, déduit du principe de correspondance et de légitimé par la mécanique ondulatoire, limite à ±1 la variation possible du
nombre quantique de rotation, dans le cas de l’absorption ou de l’émission
du rayonnement. Admettons donc que ce nombre passe de n + 1 à n (émission) ; la formule générale de Bohr (∆W = hν) conduit immédiatement à la
loi des fréquences 22 :
Wr =
h
h
(n + 1) = 2B(n + 1)
B= 2
(5.24)
2
4π Ic
8π Ic
Le moment d’inertie des molécules est de l’ordre de 10−40 g. cm2 23 . Les
spectres de rotation pure, formé de raies équidistantes (∆ν = 2B) doivent
donc être recherchés dans l’infrarouge extrême, par exemple vers 100 µ.
Ils ont été observés en absorption, notamment pour les molécules HCl,
HBr et HI (Czerny). Les fréquences d’absortion de HCl, situées entre 40 et
130 µ, peuvent être reliées par la formule empirique :
ν=
ν = 20, 793M − 0, 00163M 3
M = 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11.
La formule approchée (5.24) n’interprète que le terme principal de ca
développement. Le terme en M 3 s’explique par le fait que la molécule ne
peut être considérée comme absolument rigide ; la force centrifuge résultant
de la rotation modifie légèrement la distance des deux noyaux 24 .
Considérons maintenant les vibrations internes qui peuvent se produire
en même temps que le mouvement de rotation d’ensemble de la molécule.
(
)
22. La formule (5.22) conduit à l’expression : ν = 2B n + 12 .
23. Pour HCl, le moment d’inertie est de 2, 66 10−40 g. cm2 et la distance des deux
atomes 1, 28 10−8 cm.
[
]
24. La formule théorique complète est ν = 2B (n + 1) − 2µ2 (n + 1)3 .
5.17. SPECTRES DE BANDES
125
Les conditions de quanta, appliquées à ces vibrations, donnent les fréquences
qui leur correspondent. Si l’on suppose que la molécule se comporte approximativement comme un oscillateur harmonique (voir p. ? ? ? ?), les niveaux
d’énergie de vibration seront donnés par la formule :
Wv = ohν0
en désignant par o et ν0 le nombre quantique et la fréquence de vibration.
En première approximation, on peut admettre que les mouvements de rotation et de vibration sont indépendants. Dans ces conditions, les fréquences
du spectre de rotation et vibration ont pour expression générale :
ν = (o′ − o′′ ) ν0 + B (±2n ± 1 + 1).
D’après le principe de sélection, le nombre quantique de rotation peut en
effet diminuer d’une unité (n + 1 → n d’où le signe +) ou augmenter d’une
unité (n − 1 → n, d’où le signe −) . La variation de l’énergie de vibrations
représentée par le premier terme, est beaucoup plus importante que celle de
l’énergie rotationnelle. C’est pourquoi les spectres de rotation et vibration ont
été observés dans l’infrarouge peu éloigné du spectre visible (longueurs d’onde
de quelques microns). Le second terme détermine la structure fine, c’est-àdire la séparation des raies faisant partie d’une même bande correspondant,
par exemple, à o′ − o′′ = 1 (bande fondamentale). Chaque bande se compose
de raies équidistantes (dans l’échelle des fréquences) distribuées autour de ν0 .
L’écart des raies voisines est le mêrne que dans le spectre de rotation pure,
dont le spectre actuel est en quelque sorte Ie reflets.
La fig. 5.10 représente, d’après Colby, Meyer et Bronk, la bande d’absorption fondamentale de HCl, au voisinage de 3,46 µ. L’absence de la raie
centrale est prévue par le principe de sélection ; elle correspondrait à une
transition pour laquelle le nombre quantique de rotation ne change pas. Les
raies ne sont pas rigoureusement équidistantes et deviennent plus rapprochées
vers les hautes fréquences (théorie élémentaire incomplète) .
L’énergie potentielle d’une molécule telle que HCl n’est pas exactement
la même que celle de l’oscillateur linéaire ; le nombre quantique o peut donc
varier de plus d’une unité. C’est ainsi que l’on a pu observer, par exemple, la
bande harmonique ∆o = 2 (λ = 1, 76µ) de la molécule HCl, dont la structure
est analogue à celle de la bande fondamentale. Sur cette bande les raies
d’absorption apparaissent, dédoublées, ce qui doit être attribué à l’existence
de deux isotopes du chlore, de masses atomiques 35 et 37. La fréquence de
vibration dépend en effet de la masse des atornes qui constituent la molécule.
Le même dédoublement a d’ailleurs été observé également pour les raies de
la bande fondamentale de HCl (Meyer et Levin).
126
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
La théorie précédente doit encore être complétée pour interpréter la formation des bandes des régions visible et infraviolette, l’existence des têtes
de bandes, etc. Il faut, en particulier, tenir compte des modifications de
la configuration électronique des atomes constituant la molécule et des variations du moment d’inertie I. On obtient ainsi des formules spectrales
(ν = A ± 2Bn + Cn2 ; ν = A − B + Cn2 ) du même type que les formules
empiriques proposées par Deslandres en 1885.
5.18
Principe de correspondance
La théorie quantique de l’émission, telle que nous l’avons exposée, ne
donne aucune indication sur les intensités relatives des raies spectrales et sur
les états de polarisation. Ces lacunes peuvent être comblées en faisant appel
à la mécanique ondulatoires. Mais sans s’écarter du point de vue adopté
jusqu’à présent, il est possible d’obtenir des renseignements complémentaires
en comparant systématiquement les prévisions de la théorie des quanta et de
la théorie classique (mécanique newtonienne, théorie électromagnétique du
rayonnement) . Nous avons déjà remarqué (voir p. ? ? ? ? et ? ? ?) que, dans la
région des faibles fréquences, les raisonnements fondés sur les deux théories
doivent aboutir aux mêmes conclusions. Cette simple remarque est à la base
du principe de correspondance de Bohr
Nous examinerons tout d’abord le cas simple de l’atome d’hydrogène,
en supposant les orbites circulaires (oscillateur plan). La fréquence « classique »est donnée immédiatement par les relations (5.10) :
νc =
ω
4π 2 m e4
2 Rc
=
= 3
3
3
2π
n h
n
(E = e)
La fréquence réelle ou « quantique »est donnée par la formule de Balmer
(5.13) :
)
(
1
1
1
− 2 = (n′ νc′ − nνc )
ν = Rc
′2
n
n
2
On obtient ainsi la relation rigoureuse entre la fréquence optique et les
fréquences mécaniques correspondant aux deux orbites stationnaires.
Considérons deux orbites voisines (n − n′ = 1)et très éloigInées du noyau
(n très grand, fréquence émise faible). La, formule précédente devient :
ν = Rc
ou, en confondant n et n′ : ν =
2 Rc
,
n3
n + n′
n2 n′2
c’est-à-dire : ν = νc .
5.18. PRINCIPE DE CORRESPONDANCE
127
Figure 5.11 –
La « correspondance »entre les deux fréquences peut être illustrée au
moyen du diagramme de la fig5.11.
Les nombres quantiques sont portés en abscisses et les valeurs W de
l’énergie en ordonnées. Considérons la courbe reliant les différentes valeurs de
l’énergie. La fréquence d’une raie spectrale est donnée par la pentes divisée
par h, de la corde joignant deux points successifs (la corde AB, par exemple,
correspond à l’émission de Hα ). Au contraire, la fréquence « classique »νc est
donnée par la pente de la tangente, également divisée par h :
W =−
Rch dW
2 Rch
2 Rc
1 dW
,
=
,
ν
=
=
c
n2
dn
n3
n3
h dn
La pente de la corde est intermédiaire entre les pentes des tangentes aux
deux points voisins mais les trois pentes sont sensiblement égales pour les
grandes valeurs de n
En résumé, dans la région des nombres quantiques élevés, c’est-à-dire
des faibles fréquences, les fréquences prévues par les deux théories sont les
mêmes. Nous allons généraliser ce résultat en considérant successivement les
mouvements périodiques à un et à plusieurs paramètres.
1. Mouvement à un paramètre (voir p. ? ? ? ?)
q=
τ∑
=+∞
Aτ e2πiτ νt
τ =−∞
La fréquence « classique »(fréquence fondamentale) est donnée par la
relation (5.7) :
dW
νc =
dJ
128
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Nous supposons l’énergie exprimée en fonction de J. Considérons deux
états quantiques du système, correspondant aux valeurs du module de
périodicité J :
J = nh
J ′ = n′ h
La formule de Borh donne la fréquence de la radiation émise lorsque le
système passe du premier état au second :
ν=
W (J) − W (J ′ )
h
Cette fréquence n’a évidemment aucune relation avec la valeur de νc
relative au premier ou au second état. Posons : n′ = n − τ , d’où :
J ′ = J − τ h, et supposons que n soit très grand par rapport à τ . La
valeur précédente de ν peut alors être confondue avec le premier terme
de son développement en série de Taylor :
ν=
dW
W (J) − W (J − τ h)
=τ
+ ...
h
dJ
Si τ = 1, nous retrouvons, à la limite, l’égalité des valeurs numériques.
En résumé, en considérant uniquement les états quantiques d’ordre très
élevé, on aboutit à la conclusion suivante :
La fréquence de la radiation dont l’émission peut résulter d’un saut
quantique n − n′ (relativement petit) est égal à la fréquence mécanique
fondamentale νc si n − n′ = 1, ou à l’une des fréquences harmoniques
si la variation n − n′ est égale à plusieurs unités.
2. Systèmes à plusieurs paramètres : les variables qi peuvent être développées en séries multiples de Fourrier (voir p. ? ? ? ?) :
∑
qi =
A e2πi(τ1 ν1 +τ2 ν2 +...+τk νk )t
Les fréquences νi sont données par les relation (5.8) :
νi =
δW
δJi
Dans ce cas, les fréquences optiques, prévues par la théorie classique,
correspondent aux harmoniques composés (les nombres τi sont des entiers quelconques) :
τ1 ν1 + τ2 ν2 + ... + τk νk
5.18. PRINCIPE DE CORRESPONDANCE
ou :
τ1
129
δW
δW
δW
+ τ2
+ ... + τk
δJ1
δJ2
δJk
Pour quantifier le mouvement, il faut poser les conditions :
Ji = ni h
Considérons deux états du système définis par les relations :
Ji = ni h
et
Ji′ = n′i h = (ni − τi )h
La fréquence de la radiation émise au cours du passage d’un état à
l’autre est :
ν=
W (J1 , J2 , . . . , Jk ) − W (J1′ , J2′ , . . . , Jk′ )
h
Pour les états quantiques d’ordre élevé, on considère le développement :
ν = τ1
δW
δW
δW
+ τ2
+ ... + τk
+ ...
δJ1
δJ2
δJk
A la limite, les fréquences « classique »et « quantiques »ont donc les
mêmes valeurs numériques.
Le principe de correspondance de Bohr est contenu dans les deux propositions suivantes :
1. On admet que la correspondance numérique reIative aux fréquences
peut être étendue aux autres propriétés du rayonnement, sur lesquelles
la théorie des quanta ne fournit aucune indication, c’est-à-dire aux intensités (carrés d’amplitudes) et aux états de polarisasion. En d’autres
termes, dans la région, des nombres quantiques élevés, toutes les propriétés des radiations émises par un système sont identiques à celles qui
peuvent être prévues au moyen de la théorie classique. On peut dire encore qu’il existe une concordance asymptotique entre les prévisions des
deux théories.
2. On suppose en outre qu’en dehors de ces conditions limites (c’est-àdire pour des états quelconques, caractérisés par des nombres quntiques
faibles), il subsiste une certaine correspondance entre les diverses propriétés du rayonnement, telles qu’elles sont prévues par les deux théories en présence. La théorie classique peut, en quelque sorte, servir de
guide pour la détermination approximative des propriétés (existence
même du rayonnement, intensité, polarisation). On peut concerver, à
130
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
titre de simple analogie, la concordance absolue admise dans la région
des nombres quantiques élevés. En particulier, si certains termes (harmoniques simples ou composés) n’existent pas dans les développement
en série de Fourrier, nous devons admettre que les sauts quantiques
correspondant ne peuvent se produire.
La fécondité de ce principe a été démontrée, ans un grand nombre de
cas, par Bohr et ses collaborateurs. Le principe de sélection relatif aux
divers nombres quantiques (voir p. ? ? ?), ainsi que la règle de polarisation, sont des conséquences rigoureuses du principe de correspondance.
Sans entrer dans le détail des démonstrations, nous indiquerons seulement, dans un cas simple, la manière dont s’effectue la liaison entre la
théorie classique et la théorie des quanta. Considérons l’atome d’hydrogène, en tenant compte de la correction de relativité. Pour obtenir des
développements classiques en série de Fourrier des coordonnées cartésiennes x et y de l’électron, on peut les réunir en une expression unique
x + iy ou reiφ en coordonnées polaires, et chercher le développement
de cette combinaison complexe. On obtient ainsi :
re
iφ
=
τ∑
=+∞
Aτ e2πi(τ νr +νφ )t
τ =−∞
En effet, la fréquence radiale νr intervient dans ce développement avec
tous ses harmoniques (on s’explique ainsi la présence de τ ) Au contraire,
la précession uniforme de l’orbite pseudo-elliptique (déplacement du
périhélie) fait disparaı̂tre du développement tous les termes qui ne renferment pas la fréquence azimutale νφ elle-même. D’après le principe
de correspondance, aucune restriction n’est donc imposée à la variation
du nombre quantique radial k ′ (correspondant à τ ) . Mais le quantum
azimutal k ne peut varier que d’une unité (∆k = ±1).
5.19
Spectre optiques des atomes non hydrogénoı̈de
L’extension de la théorie de Bohr aux atomes complexes, contenant plus
d’un électron planétaire, se heurte à des difficultés considérables. Dans le cas
de l’atome neutre d’hélium (N = 2), constituant le système le plus simple
après l’atome d’hydrogène, le problème dynamique qui se pose est le problème
des trois corps de la, mécanique célestes On sait cependant que les spectres
optiques de tous les éléments présentent certaines analogies frappantes : par
5.19. SPECTRE NON HYDROGÉNOÏDE
131
exemple, les régularités numériques ou séries spectrales possèdent des caractères communs et toutes les formules qui les représentent font intervenir la
constante R de Rydberg.
On peut chercher une solution approchée du problème en introduisant certaines hypothèses et en se laissant guider par des considérations à la fois théoriques et expérimentales. On admet en premier lieu que l’émission spectrale
doit être attribuée aux transitions quantiques de l’un des électrons périphériques (voir p. ? ? ? ?). Cet électron optique se meut dans le champ du noyau
atténué par l’influence des autres électrons. S’il est entraı̂né à une grande
distance du noyau et de la « carcasse électronique »qui entoure celui-ci, le
champ est approximativement le même que dans le cas de l’atome d’hydrogène (champ de Coulomb), la charge totale de la région centrale étant égale
à : +N e − (N − 1)e = e. Pour les faibles distances, il faut tenir compte
de l’action des électrons intérieurs et la trajectoire de l’électron optique ne
peut être considérée comme une orbite képlérienne fermée. Si l’énergie potentielle n’est fonction que de la distance r de l’électron au centre de l’atome
(champ radial), le problème à résoudre présente une certaine analogie avec
celui de l’atome d’hydrogène, en tenant compte de la correction. de relativité.
Deux coordonnées r et φ sont nécessaires pour fixer la position de l’électron
sur son orbite plane, et les deux nombres quantiques correspondants k ′ et k
interviennent séparément.
Admettons avec Sommerfeld que l’énergie potentielle puisse être représentée par un développement de la forme :
)
e2 (
c1
c2
Wp = −
1 − 2 − 3 − ...
r
r
r
Si les « constantes atomiques »c1 et c2 peuvent être négligées, on retombe
sur le cas de l’hydrogène (formule de Balmer), avec des termes spectraux de
la forme nR2 . La seconde approximation (c1 ̸= 0) conduit à des termes de la
R
′
forme de Rydberg : (n+µ)
2 , avec n = k + k (voir note, p ? ? ?). Si l’on conserve
c1 et c2 , les conditions de quanta donnent l’expression de l’énergie totale :
W(k, k′ ) = [
−R ch
k + k′ + a − b
]
W(k, k′ ) 2
h
Les constantes a et b dépendent de c1 et c2 et du quantum azimutal k.
Les termes sprctraux (nombres d’ondes) prennent alors la forme suivante,
représentée symboliquement par (n, a) :
−
R
R
W
=(
=
= (n, a) en posant bc = α.
)
2
hc
[n + a + α (n, a)]2
n + a − b Wh
132
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Dans ce cas, a formule générale des séries est donc :
ν=
R
R
2 −
[ni + ai + αi (ni , ai )]
[n + a + α (n, a)]2
ou :
R
[n + a + α (A − ν)]2
C’est la formule de Ritz (voir note, p. ? ? ? ?).
Dans le cas d’un atome ionisé, ayant perdu un cerftain nombre d’électrons superficiels, la même formule s’applique avec la modification suivante :
Désignons par q − 1 le nombre des électrons arrachés à l’atome (q = 1 pour
l’atome neutres, q = 2 pour l’ion simplement chargé, etc.). La charge globale du noyau et des électrons intérieurs est donc égale à qe. On trouve alors
que l’expression de l’énergie doit être multipliée par q 2 (comme pour les ions
He+ et Li2+ , voir p. ? ? ? et suiv). La constante des séries est donc égale à
q 2 R c’est-à-dire 4R pour le premier spectre d’étincelle, 9R pour le second (ou
spectre d’étincelle du second ordre, voir p. ? ? ?), etc.
Les données spectroscopiques montrent qu’il existe, pour un même atome,
plusieurs types de termes spectraux correspondant à des valeurs particulières
des constantes a et α (ou de la constante µ de la formule de Rydberg, utilisée en première approximation). Chaque terme dépend en outre d’un nombre
courant n pouvant être, d’après ce qui précède, identifié avec le quantum
total caractéristique de la couche dont fait partie l’électron optique. On peut
cependant, sans changer la valeur des termes, augmenter de une ou plusieurs unités la constante a (ou µ) et réduire d’autant la valeur de n, de
manière à faire figurer le même nombre courant dans l’expression des termes
homologues relatifs aux divers atomes qui donnent naissance à des spectres
de même structure. En particulier, pour les métaux alcalins, nous aurons à
considérer quatre suites de termes désignées par les lettres S, P , D et F ;
elles sont obtenues en donnant, pour chacune d’elles, des valeurs convenables
aux constantes a et α (ou à la constante µ). Les termes S, par exemple, sont
désignés par la notation abrégée nS, n étant le nombre courant (dérivant du
quantum total) et S indiquant que, dans Ia formule de Ritz, les constantes a
et α prennent des valeurs s et σ caractéristiques de tous les termes du même
type. La plupart des raies du spectre d’arc d’un métal alcalin font partie des
quatre séries suivantes, résultant de la combinaison d’un terme constant et
d’un terme variable appartenant à des types différents :
ν =A−
Série
Série
Série
Série
principale :
fine :
diffuse :
de Bergmann :
ν = 1S − nP
2P − nS
2P − nD
3D − nF
n
n
n
n
=
=
=
=
2,
2,
3,
4,
3,
3,
4,
5,
4, . . .
...
...
...
5.19. SPECTRE NON HYDROGÉNOÏDE
133
Puisque les constantes a et α ne dépendent que du quantum azimutal k,
les termes nS correspondent tous à la même valeur de k et il en est de même
pour les autres groupes de termes. Les variations de n, pour les termes du
même type, sont celles du quantum radial (ou du quantum total) . D’après
les résultats expérimentaux relatifs aux séries spectrales, les termes S ne se
combinent qu’avec les termes P qui, eux-mêmes, ne se combinent qu’aux
termes S et D, etc. En admettant que les combinaisons possibles sont celles
qui satisfont au principe de sélection, d’après lequel le quantum azimutal k
ne peut varier que d’une unités on a été conduit à attribuer aux divers types
de termes les valeurs de k indiquées dans le tableau suivant :
nS
nP
nD
nF
k
k
k
k
=1
=2
=3
=4
l=0
l=1
l=2
l=3
Pour simplifier certaines formules spectroscopiques, il est toutefois préférable, d’accord avec la mécanique onduIatoire, de substituer au nombre k le
nombre l = k − 1 qui, au cours d’une transition électronique, ne peut varier
également que de +1 ou −1.
En général, les raies spectrales sont associées de manière à constituer des
séries multiples (doublets, triplets, etc.) dont l’existence révèle la division des
niveaux énergétiques en niveaux distincts plus ou moins rapprochés. Pour les
métaux alcalins, contrairement à ce que nous supposions jusqu’ici, tous les
termes doivent être, à l’exception des termes simples S, considérés comme
doubles ; en particulier, la série principale 1S − nP est forméede doublets
de plus en plus resserrés (dans l’échelle des fréquences) à mesure que n augmente, et tendant vers une limite unique correspondant au terme constant 1S.
L’interprétation de ces multiplicités nécessite l’introduction d’un troisième
nombre quantique j appelé quantum interne, dont l’interprétation théorique
fait intervenir l’hypothèse de l’électron tournant (Uhlenbeck et Goudsmit),
qui attribue à chaque électron une rotation propre (spin) autour d’un axe
passant par son centre de gravité. A cette rotation correspond un moment
h
cinétique égal à la moitié de l’unité quantique 2π
. Dans le cas d’un atome
alcalin, la couche externe ne renferme qu’un seul électron animé d’un mouvement quasi elliptique autour du noyau ; en composant le moment cinétique
azimutal, correspondant à l, avec celui qui provient de la rotation propre de
I’électron , nous obtiendrons le moment total correspondant précisément au
nombre j, égal à l + 21 ou à l − 21 suivant que le moment du « spin »est parallèle ou antiparallèle au moment azimutal. On généralise aisément les règles
de composition vectorielle des divers moments (ou quanta) dans le cas où la
couche périphérique de l’atome renferme plusieurs électrons de valences. Pour
134
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
les atomes alcalins, on trouve ainsi (sauf pour les termes S, l = 0, j = 12 )
deux valeurs de j correspondant à chque valeur de l. Par exemple, pour les
termes P (l = 1), j prend les valeurs 12 et 32 et la série principale se compose
de deux séries associées représentées par les notations symboliques 25 :
1 2 S1/2 − n 2 P1/2
et
1 2 S1/2 − n 2 P3/2
L’indice placé en haut et à gauche des lettres S, P , etc., désigne la multiplicité à laquelle le terme appartient ; le second indice en bas et à droite donne
la valeur du mombre quantique j (notation de Russel et Sauders). On interprète l’absence de certaine combinaisons en tenant compte d’un principe de
sélection s’exprimant par la relation j = ±1 ou 0 (la transition j = 0 → j = 0
étant en outre exclue).
5.20
Diagramme d’énergie et potentiel critique
Nous examinerons à titre d’exemples, le cas du césium (groupe I du tableau périodique) et le cas du mercure (groupe II).
5.20.1
Césium
La fig. 5.12 représente le diagramme d’énergie de l’atome neutre de césium. Les potentiels critiques indi qués, corres pondant aux déplacements
de l’électron optique : 1S − 2P1/2 et 1S − 2P3/2 (potentiels de résonance),
1S − 3D, 1S − 2S, etc., ont été calculés, par la formule (5.17), à partir des
termes spectroscopiques, dont les valeurs exactes sont déduites des longueurs
d’onde des raies du spectre d’arc. Les termes dont l’écart est très faible (par
rapport à l’échelle choisie ont été confondus sur le graphiques Les transitions
quantiques sont représentées par des droites ne portant une flècheà leur extrémité inférieure que si Ie retour de l’électron sur le niveau normal 1S, avec
émission de rayonnement, n’est pas interdit par le principe de sélection.
Les résultats des mesures électriques (voir p, ? ? ? ?) sont en excellent accord avec les prévisions théoriques (on a obtenu directement, pour Vr . et Vi ,
des valeurs voisines de 1,5 et 3,9 volts). D’autre part, les observations spectroscopiques ont montré que le premier doublet de la série principale : 1S − 2P ,
λ : 8943 A. et 8521 A. , est seul exité lorsque le potentiel accélérateur des
électrons dépasse légèrement le potentiel de résonnance Vr . Les autres raies
25. Avec n = 2, ces formules donnent les raies D1 (5896 A.) et D2 (5890 A.) formant le
premier doublet de la série principale du sodium.
5.20. ENERGIE ET POTENTIEL
Figure 5.12 –
135
136
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Figure 5.13 –
de la série principale apparaissent successivement dans l’ordre prévu, ainsi
que celles des séries secondaires (Hughes et Hagenow, Newman). Le spectre
d’ars se développe par étapes à mesure que le potentiel appliqué augmenta,
en restant inférieur au potentiel d’ionisation Vi .A partir de cette dernière valeur, on obtient l’émission du spectre complet. Les mêmes observations ont
été répétées avec succès pour les autres métaux alcalins (Newman). Nous
savons en outre que l’étude de la photoionisation des vapeurs de ces métaux
confirme l’identification du terme 1S avec le niveau normal de l’atome (voir
p. ? ? ? ?).
5.20.2
Mercure
Le spectre d’arc se compose d’un système de triplets et d’un système de
raies simples.
Le potentiel de résonance, correspondant à la transition 1 1 S0 → 2 3 P1
(fig. 5.13), est égal à 4,86 volts et la raie correspondante, dont les propriétés
sont bien connues (voir p. ? ? ?), a pour longueur d’onde 2536.52 A. Franck
et Hertz ont montré dès 1914 que, dans la vapeur de mercure, les électrons
subissent des chocs non élas tiques pour une chute de tension égale à 4.9 volts.
La raie de résonance apparaı̂t seule dans ces conditions (spectre d’une seule
raie). Le second potentiel de radiation a pour valeur 6,7 volts et correspond
à l’excitation de la raie 1 1 S0 → 2 1 P1 . λ = 1849 A. Lorsque le potentiel
5.21. STRUCTURE DES ATOMES - TABLEAU PÉRIODIQUE
137
accélérateur dépasse la valeur précédente, la, vapeur de mercure émet un
spectre de deux raies (2537 A. et 1849 A.). Les mêmes résultats ont été
obtenus avec le magnésium, le zinc et le cadmium, qui appartiennent au
même groupe (Mc Lennan, Foote, Meggers et Mohler).
Franck et Einsporn ont utilisé une méthode analogue à celle indiquée dans
le cas de l’hydrogène (voir p. ? ? ? ?), et sont parvenus à mettre en évidence
un grand nombre de potentiels critiques compris entre 4.68 et 10.38 volts (valeurs observées). La plupart peuvent être interprétés à l’aide du diagramme
d’énergie établi d’après les données spectroscopiques ; les valeurs observées
sont, à 0.05 volt près, égales aux valeurs calculées par la relation (5.17).
La possibilité d’exciter progressivement le spectre d’arc du mercure, pour
des tensions inférieures au potentiel d’ionisation (10.39 volts), a été démontrée par différents expérimentateurs (Eldridge, Hertz, etc.). On n’observe
pas, sauf dans des conditions très particulières, l’émission des combinaisons
1 1 S0 −2 3 P2 (λ = 2270 A.) et 1 1 S0 −2 3 P0 λ = 2656 A.) qui est effectivement
interdite par le principe de sélection relatif au nombre quantique interne.
5.21
Structure des atomes et tableau périodique
Les propriétés chimiques et spectroscopiques des atomes dépendent essentiellement de la structure de la couche électronique externe (théorie de
la valence de Kossel, loi du déplacement spectroscopique 26 , caractères des
multiplets). On peut donc admettre que les différents groupes du système
périodique (tableau de Mendeleeff) correspondent à l’édification progressive
des couches K, L, M , etc. , et à l’apparition périodique d’envelloppes électroniques de structures analogues. Chaque groupe ou période se termine par un
gaz monoatomique (He, Ne, A, Kr, X et radon ou émanation du radium), dont
l’inertie climique doit être attribuée à la stabilité particulière de la couche
périphérique. On admet que cette couche se compose de huit électrons dont
l’ensemble présente un haut degré de symétrie spatiale. L’activité chimique
des autres atomes (électrositifs ou électronégatifs) s’explique par une tendance de leur enveloppe électronique à acquérir la stabilité de celle des gaz
rares, en perdant ou en fixant un certain nombre d’électrons.
Le tableau périodique fait connaı̂tre la longueur des périodes, c’est-à-dire
le nombre des éléments qui les constituent, dont on déduit le nombre maximum des électrons appartenant à chaque couche (voir p. ? ? ?). Mais si l’on
26. Le spectre d’étincelle du premier ordre de chaque élément possède la même structure
que le spectre d’arcs de l’élément qui le précède immédiatement dans le tableau périodique
138
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
cherche à préciser le développement des enveloppes électroniques, il faut tenir compte de la structure des spectres de rayon X : chacune des couches
L, M, etc., doit être considérée comme divisée en couche secondaires ou niveaux ne pouvant également renfermer qu’un nombre maximum d’électrons.
De plus, il faut interpréter les diverses anomalies ou particularités de la classification périodique (éléments monovalents non alcalins, triades du groupe
du fer et des métaux de la mine du platine, pléiade des terres rares). C’est en
considérant l’ensemble des données expérimentales (chimiques, spectroscopiques,magnétiques) que l’on peut s’efforcer de suivre la genèse progressive
des atomes à partir de noyaux positifs et d’électrons libres.
Les considérations précédentes servent de bases aux essais théoriques de
Bohr, Stoner, Dauvillier, etc. conformément à la théorie des séries spectrales,
on peut attribuer à chaque électron de l’atome un quantum total ou principal
n , qui définit la couche principale dont il fait partie, et un quantum azimutal
k qui peut prendre des valeurs n, n − 1, . . . , 1 (k ne pouvant être nul), et
qui caractérise la couche partielle où se trouve placé l’électron. Il convient
d’ailleurs, comme nous l’avons indiqué précédemment, de substituer à k le
nombre l = k − 1, qui peut donc prendre les valeurs n − 1, n − 2, . . . , 0.
D’autre part, la rotation propre ou spin de l’électron fait intervenir un nombre
quantique égal à 1/2. En faisant appel à la quantification spatiale, on peut
faire correspondre à chacun des moments cinétiques azimutal et de rotation
propre (qui ne peuvent prendre que certaines directions, par rapport à celle
d’un champ magnétique appliqué) deux nombres quantiques magnétiques ml
et ms ; le premier ne peut prendre que les 2l + 1 valeurs : −l, −(l − 1), . . . ,
0, . . . , l − 1, l, et ms est nécessairement légal à 1/2 ou −1/2. En résumé,
chaque électron se trouve dans un état énergétique défini par 4 nombres
quantiques n, l, ml et ms , dont dépend son orbite (au sens de la théorie de
Bohr) ou sa probabilité de distribution (au sens de la mécanique ondulatoire).
On fait alors intervenir le principe d’exclusion de Pauli, d’après lequel il ne
peut exister dans l’atome deux électrons dont l’état soit caractérisé par les
mêmes valeurs des quatre nombres quantiques précédents. Si l’on considère les
électrons qui remplissent une même couche partielle, pour lesquels n et l sont
les mêmes, on voit immédiatement que leurs nombre (produit des nombres
de valeurs distinctes possible de ml et ms ) a pour expression : 2(2l + 1). On
retrouve ainsi les nombres d’électrons contenus dans les couches principales
K (n = 1, 2 électrons), L (n = 2, 8 électrons), M (n = 3, 18 électrons) et N
(n = 4, 32 électrons). Le tableau ci-contre indique, d’après les considérations
précédentes, la répartition des électrons pour divers atomes (métaux alcalins,
gaz rare).
La couche K, par exemple, est saturée dans l’atome d’hélium. Pour l’atome
de lithium, le troisième électron, ou électron de valence, vient se placer dans la
5.21. STRUCTURE DES ATOMES - TABLEAU PÉRIODIQUE
139
couche partielle L (2, 0), qui est complète dans l’atome de glucinium (2 électrons K et 2 électrons L). Avec le bore, pour lequel l’état normal de l’atome
correspond à un niveau 2 P (l = 1), commence à se former le sous-groupe L
(2, 1), qui s’édifie ensuite progressivement (C, N, O, F) et se retrouve complètement rempli dans l’atome de néon. Le potentiel d’ionisation, correspondant
à l’arachement d’un électron superficiel, passe ensuite de 24.5 volts (néon) à
5.1 volts (sodium) ; cette variation considérable montre bien que l’électron de
valence du sodium appartient à la couche suivante M (3,0). En suivant ainsi
le développement progressif des différentes couches, on doit admettre qu’il se
produit divers incidents. Par exemple, la couche N commence à se constituer
(à partir du potassium) avant la saturation complète de la couche intérieure.
Pour certains groupes d’éléments (triades, terres rares), l’enveloppe électronique externe renferme le même nombre d’électrons ; les modifications se
produisent dans la couche sous-jacente ou les places vacantes sont occupées
successivement par de nouveaux électrons.
On explique ainsi, pour ces groupes remarquables du tableau périodique,
l’analogie des caractères chimiques et les propriétés magnétiques.
Element
H
N=
He
Li
Ne
Na
A
K
Kr
Rb
X
Cs
Rn
K
1
2
3
10
11
18
19
36
37
54
55
86
n, l
...
...
...
...
...
...
...
...
...
...
...
...
L
M
1,0
2,0
2,1
3,0
3,1
1
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
1
2
2
2
2
2
2
2
2
2
6
6
6
6
6
6
6
6
6
1
2
2
2
2
2
2
2
6
6
6
6
6
6
6
N
O
3,2
4,0
4,1
4,2
4,3
5,0
10
10
10
10
10
1
2
2
2
2
2
6
6
6
6
6
1
10
2
10
2
10 14 2
P
5,1
5,2
6,0
6
6
6
1
10 2
6,1
6
140
CHAPITRE 5. APPLICATIONS SPECTROSCOPIQUES
Chapitre 6
Applications diverses
6.1
Phénomènes thermoioniques
Nous nous bornerons à examiner le cas de l’émission d’électrons par un
métal porté à incandescence dans le vide très poussé. Quelle que soit la distribution énergétique des électrons à l’intérieur du métal, on peut toujours
supposer que ceux-ci se comportent comme un fluide condensé en équilibre
avec le « gaz électronique extérieur », de la même manière qu’un liquide avec
sa vapeur saturante. L’émission électronique est, au point de vue thermodynamique, équivalente à l’évaporation d’un gaz monoatomique. En appliquant
au système les lois de la thermodynamique (H. A. Wilson, Richardson), on
obtient l’équation :
I = A T 2 ϵ−b/T
(6.1)
qui s’accorde parfaitement avec l’ensemble des résultats expérimentaux.
I désigne l’émission spécifique (intensité du courant de saturation) par
unité de surface, T la température absolue et ϵ la base des log. nep. La
constante b, caractéristique du métal est proportionnelle à la chaleur d’évaporation des électrons au zéro absolu. Quant à la constante A, elle varie également d’un métal à l’autre, mais pour les métaux pur, elle reste du même
ordre de grandeur (plusieurs dizaines d’ampères par centimètre carré). La
théorie des quanta interprète ce fait expérimental et permet, moyennant certaines hypothèses (O.W. Richardson, von Laue, Dushman), de calculer la
constante A.
A la condition de négliger la chaleur spécifique du liquide, la pression p
d’une vapeur monoatomique, considérée comme un gaz parfait, est donnée
141
142
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
par la formule classique 1 :
5
L0
log p = log T −
+
2
RT
(
K − S0′
5
−
R
2
)
(6.2)
dans laquelle R représente la constante des gaz, L0 la chaleur de vaporisation
au zéro absolu, exprimée en unités mécaniques et rapportée à une moléculegramme, et S0′ l’entropie d’une molécule-gramme de la phase condensée (liquide) au zéro absolu. La constante de pression de vapeur, qui figure dans
le second membre de l’égalité précédente, se confond avec la « constante chimique »si l’on admet que l’entropie de la phase condensée est nulle au zéro
absolu (Nernst). La constante K figure dans l’expression de l’entropie S d’une
molécule-gramme du gaz à T 0 :
S=
5
R log T − R log p + K
2
Calculons S − S0′ en utilisant la relation de Boltzmann : S = k log W 2 ,
dans laquelle W désigne la probabilité de l’état du système (nombre de
complexions distinctes compatible avec la valeur de l’énergie totale) et k
la constante des gaz relative à une molécule (quotient de R par le nombre
d’Avogadro NA ). Nous pouvons écrire :
S − S0′ = k log
W
W0′
W et W0′ étant les probabilités correspondant précisément aux deux valeurs
de l’entropie.
Supposons que la molécule gramme du gaz du gaz soit contenue dans un
récipient cubique de côté a, dont les faces sont parfaitement polies et élastiques. Lorsque une molécule rencontre l’une des faces, les deux composantes
de vitesses parallèles à cette face restent inchangées, mais la vitesse normale
change de sens en conservant la même grandeur. Introduisons les conditions
de quanta, sous la forme (5.1), relatives aux trois composantes de la quantité
de mouvement :
∫
∫
∫
′
′′
mνx dx = n h
mνy dy = n h
mνz dz = n′′′ h
(n′ , n′′ et n′′′ sont trois nombres entiers positifs).
1. G. BRUHAT, Cours de Thermodynamique, Masson et Cie, 1933, pp. 194, 201 et 274
2. E. BLOCH, Théorie cinétique des gaz, p. 71-80.
6.1. PHÉNOMÈNES THERMOIONIQUES
143
Les intégrales doivents être étendues à une période complète (aller et
retour suivant trois directions x, y et z, parallèles aux arêtes du cube). Nous
obtenons ainsi les valeurs absolues des composantes de vitesse :
|νx | =
n′ h
2ma
|νy | =
n′′ h
2ma
|νz | =
n′′′ h
2ma
L’énergie d’une molécule et l’énergie totale de la mole g, ont donc pour
expressions :
)
)
1 ( 2
h2 ( ′2
′′2
′′′2
m νx + νy2 + νz2 =
n
+
n
+
n
2
8ma2
et
j=NA
)
h2 ∑ ( ′2
′′′2
′′2
n
+
n
+
n
E=
j
j
j
8ma2 j=1
Pour obtenir W , il faut calculer le nombre des séries de valeurs entières
′
′′′
positives n′1 , n′′1 , n′′′
1 , n2 , . . . , nNA qui conduisent à la valeur E de l’énergie
totale. D’une manière plus précise, considérons les séries de valeurs entières
positives donnant une énergie comprise entre E et E + dE. Pour atteindre la
probabilité cherchée, nous aurons à diviser par dE le nombre de ces séries.
En considérant les valeurs n comme les coordonnées d’un point dans l’espace
à 3 NA dimensions, nous devons donc déterminer tout d’abord le nombre
de points dont les coordonnées sont des nombres entiers positifs, et qui se
trouvent compris entre les deux « sphères »à 3 NA dimensions ayant pour
« rayons » :
√
√
8ma2 E
′′2
′′′2
n′2
+
n
+
.
.
.
+
n
=
1
1
NA
h2
et
√
8ma2 (E + dE)
h2
Dans le cas de l’espace à 3 dimensions, nous aurions autant de points ayant
des coordonnées entières qu’il n’y a d’unité de volume entre les deux sphères.
Mais puisque les coordonnées des poinst considérés doivent être positives, le
nombre cherché serait seulement la fraction : 18 = 213 du volume compris entre
les deux sphères. Pour l’espace à 3 NA dimensions, nous prendrons la même
fraction : 23N1 A .
Désignons par V3NA le volume de la « sphères »dans l’espace à 3 NA dimensions. Le nombre cherché a donc pour expression :
)
(
1
1 dV3NA
1 dV3NA
dE = 3N
3N
dE 2 A dE
2 A dE
144
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
Toutefois, ce nombre n’exprime pas encore la probabilité W correspondant au gaz électronique extérieur, assimilé à une vapeur saturée monoatomique. En effet, il faut tenir compte de la conception de l’électron tournant
(voir page ? ? ?), d’après laquelle chaque électron peut se trouver dans deux
états quantiques distincs. Pour NA électrons, nous aurons donc 2NA arrangements possibles, et le nombre de complexions précédemment obtenu doit
être multiplié par ce facteur. En admettant que les électrons possèdent une
individualité, la probabilité W est donc :
W = 2NA
1
23NA
1 dV3NA
dV3NA
= 2N
dE
2 A dE
Or, le volume d’une « sphère »de « rayon »r dans l’espace à 2n dimensions
est donné par la formule de Dirichlet :
π n 2n
r
n!
D’où :
V3NA =
π
3NA
2
et :
W =
1
π
22 NA
3NA
2
3NA
2
3NA
2
!
(
!
(
8ma2 E
h2
8ma2 E
h2
) 3N2A
) 3N2A
3 NA 8ma2
2
h2
Si on suppose au contraire que les électrons sont interchangeables, sans
faire apparaı̂tre de nouvelles complexions, la valeur précédente doit être divisée par le nombre NA ! des permutations de NA objects distincts.
La probabilité W0′ doit être calculée sans tenir compte du pivotement
de l’électron et en admettant qu’au zéro absolu, les électrons de la phase
condensée sont distribués de manière à constituer un système unique et bien
déterminé. Suivant qu’on leur attribue ou non une individualité, la probabilité
W0′ d’un tel système doit être prise égale à NA ! ou à l’unité. Dans les deux
cas, après avoir appliqué la formule approximative de Stirling (x! = xx ϵ−x ),
on parvient à la même expression :
W
= 2N A
′
W0
(
4πmE
3h2
) 3N2A
(
3NA
a
ϵ
NA
) 5N3A
En tenant compte des relations : pV = pa3 = RT (V : volume moléculaire) ; NA = Rk et E = 23 RT on obtient aisément :
[
]
K − S0′
5
2(2πm)3/2 k 5/2
− = log
R
2
h3
6.2. RÉACTIONS PHOTOCHIMIQUES
145
d’où d’après (6.2) :
2(2πm)3/2 k 5/2
h3
Le nombre des électrons qui, en une seconde, viennent frapper un centimètre carré de la surface du métal est, d’après la théorie cinétique des gaz
(applicable au gaz électronique extérieur), égal à :
L0
p = T 5/2 ϵ− RT
√
p
2πmkT
En régime stationnaire, et si on néglige la réflexion des électrons, ce
nombre est aussi celui des électrons émis par centimètre carré et par seconde. En tenant compte de la valeur trouvée pour la pression p, le courant
électronique par unité de surface a pour expression :
pe
L0
4πk 2 me 2 − b
√
I=
T ϵ T , en posant : b =
=
3
h
R
2πmkT
(6.3)
Ainsi, le coefficient A de la formule (6.1) est une constante universelle,
indépendante de la nature du métal, ayant pour valeur :
A=
4πk 2 me
= 120 amp./cm2 deg2 .
h3
En réalité, la détermination expérimentale de la constante A d’ailleur
très délicate, fournit des valeurs notablement différentes. Exemples : Th :
70 ; Zr : 330 ; Ta : 60 ; Mo : 55 ; W : entre 60 et 100 ; Pd : 60. Les valeurs
inférieures à 120 s’interprètent en faisant intervenir la « barrière de potentiel »qui sépare le métal du vide, et en tenant compte de la réflexion des
électrons. L’expression de I, donnée par la formule (6.3), doit être multipliée par (l − r), en désignant par r le coéfficient moyen de réflexion pour
les électrons qui rencontrent la surface. La formule (6.3), dont l’importance
théorique est indéniable, a été trouvée en admettant que la distribution énergétique des électrons libres, à l’intérieur du métal est conforme à la statistique
de Fermi-Dirac (voir page ? ? ?).
6.2
Réactions photochimiques. Loi d’équivalence (Einstein)
Dans un système en voie d’évolution chimique, toutes les molécules d’un
corps qui prend part à une réaction n’interviennent pas directement et en
même temps dans cette réaction. Cette remarque est une conséquence des
146
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
lois de la cinétique et de la statique chimiques. On admet que les molécules actives, seules capables d’intervenir à un instant donné, se distinguent
des autres par un état énergétique particulier. Dans les réactions photochimiques, l’énergie nécessaire pour rendre les molécules chimiquement actives
est emprunté à un rayonnement. Les radiations qui provoquent une réaction
chimique doivent donc être absorbées par le système (loi de Grotthus-Draper).
Nous avons admis que l’absorption du rayonnement ne peut avoir lieu que
par quanta ϵ = hν, dont la valeur est d’autant plus grande que la longueur
d’onde est plus faible. On s’explique ainsi pourquoi l’activité chimique de la
lumière augmente généralement avec la fréquence. En réalité, la sensibilité
photochimique d’un système est sous la dépendance étroite de son spectre
d’absorption ; il convient seulement de remarquer que les bandes « d’absorption photochimique »se trouvent souvent dans l’ultraviolet du spectre visible.
L’hypothèse la plus simple (loi d’équivalence d’Einstein) conciste à admettre que chaque molécule d’un corps photosensible participe effectivement
à la réaction (par exemple, est décomposée) après avoir absorbé exactement
un quantum d’énergie lumineuse. S’il en est ainsi, le nombre de photons absorbés doit être égal au nombre de molécules intervenant directement dans
la réaction.
Dans ces conditions, l’énergie nécessaire à la transformation d’une mol.g
du corps considéré est donc : U = NA hν (NA désignant le nombre d’Avogadro). La quantité de chaleur équivalente a pour expression : Q = NAJhν =
95, 0 10−12 ν calories, ou 28500
calories (λ étant exprimée en microns).
λ
On appelle équivalent photochimique le nombre de mol.g du photolyte
transformées par calorie d’énergie absorbée. Le rapport de l’équivalent pho10−2
tochimique effectif à sa valeur théorique : Q1 = λ 285
est le rendement quantique de la transformation. Il représente le nombre de molécules transformées
pour un photon absorbé.
Pour certaines réactions, on constate directement que le nombre des molécules transformées est bien égal à celui des photons absorbés, ou plus généralement, qu’il existe un rapport simple entre ces deux nombres. On peut
montrer d’ailleur que ce dernier résultat n’est pas incompatible avec l’hypothèse d’Einstein.
Les vérifications les plus nettes résultent des mesures relatives à la photolyse des acides bromhydrique et iodhryque. Chaque quantum de lumière
active provoque la décomposition de deux molécules : le rendement quantique, déterminé pour les longueurs d’onde 0,407 µm, 0,253 µm, 0,282 µm a
été trouvé égal à 2, aux erreurs d’expérience près. Le mécanisme du phénomène semble correspondre aux transformations suivantes :
HI + hν → H + I
6.2. RÉACTIONS PHOTOCHIMIQUES
147
HI + H → H2 + I
2I → I2
Un autre exemple simple se présente, en milieu liquide, lorsqu’on fait agir
le chlore sur le trichlorobrométhane (en solution dans CCl4 ou SiCl4 ). Dans
l’intervale de longueur d’onde 0,407 - 0,449 µm, le rendement quatique a été
trouvé égal à l’unité, c’est-à-dire que l’absorption d’un photon correspond à
l’intervention d’une molécule de chlore, conformément à la réaction :
Cl2 + 2CCl3 Br → Br2 + CCl4
Ce résultat semble en accord avec le processus suivant :
Cl2 + hν → 2Cl
Cl + CCl3 Br → Br + CCl4
Br + Br → Br2
Dans la plupart des cas (décompositionde N H3 , de H2 O ; formation de
HCl, de HBr, ...), les résultats bruts de l’expérience sont beaucoup plus
complexes et difficiles à interpréter. La quantité de matière transformée sous
l’action du rayonnement dépend étroitement du nombre des photons absorbés par le système. Mais on conçoit sans peine que la loi d4einstein ne puisse
s’appliquer en toute rigueur que dans certains cas particuliers. Cette loi néglige en effet toutes les influences susceptibles de diminuer ou d’accroı̂tre le
rendement. Les causes de la diminution comprennent la désactivation résultant des chocs moléculaires particulièrement en présence d’un gaz étranger ou
d’un solvant, ainsi que la transformation en rayonnement de fluorescence de
l’énergie supplémentaire acquise par les molécules excitées (voir page ? ? ? ? ?).
Par contre, une valeur élevée, parfois considérable, du rendement quantique
s’explique par l’intervention de réactions secondaires(chaı̂nes de réactions),
l’un des produits formés pouvant jouer le rôle de catalyseur. En résumé, on
peut admettre que l’action du rayonnement provoque toujours la formation,
au sein du système, de molécules excitées ou dissociées en nombre égal à celui
des photons absorbés. Mais les transformations qui en résultent dépendent de
nombreuses circonstances et ne peuvent être soumises à aucune loi générale
analogue à celle d’Einstein.
Dans le même ordre d’idée, nous signalerons les phénomènes de sensibilisation optique par la vapeur de mercure, découverts par Cario et Franck
en 1922. Ces expérimentateurs ont montré que l’énergie d’excitation d’un
atome peut être transmise par choc à une molécule ou un atome de nature
différente. Par exemple, si l’on éclaire un mélange de vapeur de mercure et
148
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
de thallium avec la radiation de résonnance du mercure (λ = 2535 A.), on
observe l’émission par le mélange d’un grand nombre de raies appartenant
au spectre d’arc du thallium (fluorescence indirecte). S’il s’agit d’un mélange
de vapeur de mercure et d’hydrogène H2 , on constate que, dans les mêmes
conditions, les molécules d’hydrogène sont dissociées par choc avec les atomes
de mercure exités. On met en évidence la formation d’hydrogène atomique
en introduisant, dans le tube, de l’oxyde de cuivre (ou de tungstène), qui est
alors réduit à basse température (45o C). On peut d’ailleur suivre la réaction
en condensant l’eau formée (au moyen d’air liquide) et en notant la diminution correspondante de la pression. L’hydrogène monoatomique obtenu par
ce procédé peut encore réagir sur d’autres substances : oxygène, éthylène,
oxyde de carbone. La transformation de l’oxygène en ozone est également
sensibilisée par la présence de mercure.
Dans tous ces phénomènes, le rayonnement agit sur des atomes indifférents qui, grâce au mécanisme des chocs, peuvent ensuite activer les molécules réagissantes. Au contraire, dans les réactions photochimiques proprement dı̂tes, la lumière agit directement sur les éléments susceptibles d’entrer
en réaction.
6.3
Photoluminescence (fluorescence et phosphorescence)
On appelle photoluminescence l’émission secondaire provoquée par l’éclairement de certains milieux, indépendamment des réflexions et diffusions dues
aux discontinuités et aux défauts d’homogénéité. La fluorescence cesse pratiquement en même temps que l’excitation lumineuse, tandis que la phosphorescence persiste pendant un temps directement observable. Dans la fluorescence, qu’il ne faut pas confondre avec la résonance optique (voir page ? ? ?),
la composition spectrale du rayonnement secondaire, caractéristique de la
substance qui l’émet, est indépendante du rayonnement excitateur, qui peut
être formé de radiations entièrement différentes. Par exemple, pour les solutions de matières colorantes, la fluorescence est produite par des radiations
comprises dans l’intervalle de quelques centaines d’angströms, qui correspond
à une bande d’absorption intense de la substance ; le spectre continu de la
lumière émise, dont la distribution énergétique reste invariable, s’étend sur
un intervalle d’étendue comparable. Les deux bandes d’émission et d’absorption empiète légèrement l’une sur l’autre, mais la fréquence moyenne des
radiations émises est toujours inférieure à celle des radiations susceptibles
de provoquer la fluorescence (règle de Stokes). Le rayonnement de fluores-
6.3. PHOTOLUMINESCENCE
149
cence semble donc déterminé avant tout pas la nature des molécules de la
substance et les conditions dans lesquelles elles se trouvent. L’absorption de
la lumière et l’émission qui en est la conséquence apparaissent comme deux
phénomènes successifs et non simultanés, l’énergie transformée devant être
localisée pendant un certain temps dans le milieu fluorescent. Les résultats
expérimentaux relatifs à la polarisation de la lumière de fluorescence, combinés avec certaines formules théoriques (F. Perrin), permettent effectivement
d’attribuer aux solutions fluorescentes une persistence de l’ordre de 10−7 à
10−9 sec. ; à cet égard, la distinction classique entre la fluorescence et la phosphorescence porte seulement sur l’ordre de grandeur de la persistance. Une
différence plus nette se manifeste quand on considère l’influence de la température (Jean Perrin). Pour les phosphorescences typique, la durée d’émission
croı̂t indéfiniment quand la température s’abaisse, c’est-à-dire quand l’énergie
thermique disponible tend vers zéro. La réémission de l’énergie lumineuse absorbée n’a donc pas lieu spontanément, mais elle nécessite un apport d’énergie
provenant du milieu ambiant (thermoluminescence produite par une élévation
rapide de la température). Au contraire, la durée d’émission des fluorescences
usuelles reste directement inappréciable aux températures les plus basses, ce
qui indique que la réémission est un phénomène spontané n’exigeant aucune
cession d’énergie par le milieu. La spontanéité de l’émission doit donc être
considérée comme le caractère essentiel de la fluorescence.
La théorie électromagnétique ne permet pas d’explquer l’émission, par
la substance fluorescente, de radiations non absorbées par cette substance.
Elle ne saurait s’appliquer à une système qui possède, en quelque sorte, deux
groupes de fréquences propres, l’une pour l’absorption et l’autre pour l’émission. La différence des fréquences caractéristique ne peut se comprendre qu’en
admettant que les molécules se trouvent dansdes états distincts au moment de
l’absorptiondet au moment de l’émission. L’absorption d’un photon doit faire
passer brusquement la molécules de l’état normal à un état activé ; le retour
à l’état initial, observé simultanément pour un grand nombre de molécules
transformées, s’accompagne de l’émission du rayonnement de fluorescence.
La vie moyenne d’une molécule activée est égale au temps qui s’écoule en
moyenne entre l’absorption et la réémission de lumière. La présence de molécules activées, possédant une réserve d’énergie relativement considérable, explique que des réactions photochimiques, même endothermiques, soient souvent associées au phénomène de fluorescence (matière fluorescentes détruites
par la lumière en présence de composés oxydants). Le schéma de la figure
6.1 représente, dans la fluorescence, les variations, en fonction du temps, de
l’énergie interne d’une molécule (Jean et F. Perrin). Une molécule dans l’état
normal A passe dans l’état activé a′ par suite de l’absorption d’un photon
hν1 . Il s’agit d’une transformation électronique qui agissant sur les forces
150
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
Figure 6.1 –
de liaison, doit modifier les positions relatives d’équilibre des atomes dans
la molécule. Or cette transformation s’est produite très brusquement, sans
que les atomes, à cause de leur inertie, aient eu le temps de venir occuper
leurs nouvelles positions d’équilibre. Des oscillations doivent donc prendre
naissance, mais elles sont très rapidement amorties en se communiquant aux
molécules voisines du solvant et en produisant un très léger échauffement
local. En somme, la molécule dans l’état a′ n’est pas en équilibre avec le
milieu, et il se produit un réajustement qui l’amène dans l’état a mécaniquement stable, la petite variation d’énergie ϵ1 apparaissant sous forme de
chaleur. Dans un liquide, les états fugitifs d’oscillation tel que a′ , qui correspondent à l’état stable a, ne forment pas une suite discontinue, comme dans
le cas des vapeurs moléculaires (voir page ? ? ?) ; par la suite de l’intérection
avec les molécules voisines, ils forment en général un ensemble continu (sauf
dans le cas où les bandes de fluorescence elles-mêmes présentent une structure plus ou moins nette). En passant de l’état a à l’état A′ , la molécule
émettra un photon hν2 . L’état A′ ne peut être confondu avec l’état normal
A ; en effet, s’il en était ainsi, la substance fluorescente devrai absorber la
lumière qu’elle émet. L’état A′ est caractérisé par un mouvement d’oscillations, d’ailleur instantanément amorti, de la molécule désactivée ; une petite
portion ϵ2 de l’énergie disponible est encore dissipée sous forme de chaleur et
la molécule reprend ainsi l’état normal A. En tenant compte de l’agitation
thermique du milieu, on peut montrer que, sauf aux très basses températures,
les deux bandes d’absorption et d’émission se recouvrent partiellement, dans
un intervale d’autant plus large que la température est plus élevée.
Une molécule ayant absorbé un photon peut cependant se désactiver sans
émission lumineuse, l’énergie disponible prenant alors la forme cinétique. En
effet, le rendement de la fluorescence, caractérisé par le rapport des nombres
des photons réémis au nombre des photons absorbés, est généralement très
6.4. EFFET RAMAN
151
Figure 6.2 –
inférieur à l’unité. Dans certains cas (esculine, salicylate de sodium, ect.), on
a pu montrer que ce rendement quantique reste indépendant de la radiation
excitatrice, tout au moins dans un large intervalle spectral. Il peut se faire
qu’une molécule amenée dans l’état a par absorption d’un photon (fig. 6.2)
se trouvent ramenée spontanément, ou par réaction avec d’autres molécules,
dans l’état métastable α. Elle ne pourra alors reprendre l’état normal qu’après
avir repassé par le premier état activé a ou par un état analogue, d’énergie
supérieure à celle de α. Dans ces conditions, elle restera dans l’état α jusqu”à
ce qu’une cause extérieure lui apporte le supplément d’énergie nécessaire. Si
celui-ci n’est pas trop important, il pourra être emprunté à l’énergie thermique du millieu. L’intervalle de temps entre l’absorption et la réémission de
lumière dépendra donc de la rapidité avec laquelle le milieu fournit l’énergie
suplémentaire ; il sera d’autant plus grand que la température est plus basse
et tendra vers l’infini au zéro absolu. Le diagramme simplifié de la figure 6.2,
qui ne tient pas compte des états d’oscillation, permet donc d’expliquer la
persistance considérable et les caractères essentiels des phosphorescences les
plus typiques.
6.4
Effet Raman
Le spectre de la lumière diffusée par un corps pur transparent (liquide,
gaz, cristal) comprend, outre les radiations incidentes, des radiations nouvelles dont la longueur d’onde dépend à la fois de la lumière incidente et de
la constitution chimique de la substance. Ce phénomène, qui ne doit pas être
confondu avec la fluorescence, a été découvert en 1928 par C. V. Raman.
Lorsque le rayonnement incident est constitué par une seule radiation monochromatique de fréquence ν, le spectre de diffusion se compose de la raie
principale ν et d’un certain nombre de raies secondaires ν ± ν1 , ν ± ν2 , etc.
C’est nouvelles radiations sont fortement polarisées ; elles sont distribuées
symétriquement, dans l’échelle des fréquences, par rapport à la raie principale. Enfin, les variations de fréquences ν1 , ν2 , ... sont indépendantes de la
lumière exitatrice ; les spectres de diffusion relatifs à diverses radiations incidentes peuvent être amenés en coı̈ncidence par simple glissement. Les raies
152
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
secondaires observées avec le tétrachlorure de carbone sont indiquées, à titre
d’exemple, dans le tableau suivant :
Raie incidente Spectre de
A.
diffusion A.
4047
4082,0
4098,3
4127,7
4174,4
4179,6
4358
4317,3
4400,2
4299,4
4419,0
4447,0
4299,4
4507,3
4513,7
Différences de fréquences
(nombre d’ondes par cm)
213
311
455
755
785
218
218
314
314
460
458
758
790
L’intensité d’une raie « positive »ν + νe est toujours inférieure à celle de la
raie « négative »ν−νe qui lui correspond, et cela d’autant plus que la variation
de fréquence est plus grande. D’autre part, certaines des fréquences νe sont
manifestement liées aux fréquences propres moléculaires révélées par l’étude
des spectres d’absorption (voir p. ? ? ?). Par exemple, pour le benzène, les
différences de fréquences observées correspondent, pour la plupart, aux longueurs d’onde de certaines bandes d’absorption de ce composé, situées dans
la région comprise entre 3 et 13µ.Toutefois, l’identité est loin d’être absolue
entre les spectres de Raman et les spectres d’absorptions infrarouges. Mais
en dépit de la complication des phénomènes, l’étude des spectres de diffusion
joue un rôle très important dans l’analyse des structures moléculaires ; l’analogie des spectres Raman traduit celle des édifices moléculaires et l’on est
parvenu à caractériser certains groupements atomiques par l’existence d’une
raie secondaire déterminée.
La plupart de ces faits ne peuvent évidemment pas être prévus par la
théorie classique. Cette théorie admet que les ondes lumineuses sinusoı̈dales
de fréquence ν induisent dans les molécules un moment électrique variable
dont le rayonnement secondaire est précisément de rayonnement diffusé. En
concervant cette hypothèse, Cabannes a montré que les fréquences propres
des molécules doivent se traduire, dans le spectre du rayonnement diffusé par
l’apparition de radiations secondaires ν±νe . Le phénomène peut être comparé
aux battements acoustiques et le caractère symétrique du spectre de diffusion
serait une conséquence de la théorie ondulatoire. Mais nous savons que les
6.4. EFFET RAMAN
153
rotations et vibrations moléculaires sont rgies par des lois quantiques et,
d’autre part, les intensités observées des raies secondaires sont en désaccord
avec la théorie classique de la diffusion (loi en λ−4 de Lord Rayleigh).
Si on adopte la conception des photons, il faut supposer que lorsqu’un
photon hν rencontre une molécule, celle-ci peut passer de l’état énergétique
normal ϵ1 à l’état supérieur ϵ2 en absorbant l’énergie ϵ2 − ϵ1 ce qui entrı̂ne
1
une diminution de fréquence νc = ϵ2 −ϵ
pour le photon diffusé. Par contre,
h
une molécule déjà portée au niveau ϵ2 pourra revenir à l’état ϵ1 en cédant
une partie de son énergie au photon incident. A chaque raie négative ν − νc
peut donc correspondre une raie positive ν + νc . Si on admet d’autre part
que les deux transitions ϵ1 ϵ2 sont également probables, les intensités des
deux raies doivent être proportionelles aux nombres, donnés par une formule
analogue à (1.9), des molécules dont l’énergie a pour valeur ϵ1 ou ϵ2 .Le rapport
de ces intensités obéit donc à la loi suivante, vérifiée expérimentalement par
Daure :
ϵ2 −ϵ1
int. (ν + νc )
= e− kT (e : base des log. nép.)
int. (ν − νc )
Une théorie beaucoup plus complète, qui rentre dans le cadre de la mécanique ondulatoire, permet d’expliquer la plupart des particularités de l’effet
Raman et notamment les différences entre les spectres d’absorption et les
spectres de diffusion.
154
CHAPITRE 6. APPLICATIONS DIVERSES
Chapitre 7
Nouvelles mécaniques
quantiques
7.1
Nécessité d’une synthèse entre la théorie
des quanta et la théorie ondulatoire
Nous avons insisté, à plusieurs reprises, sur l’opposition de nos conceptions fondamentales relatives aux ondes électromagnétiques. Ces conceptions
adverses se rattachent cependant à des groupes de faits également importants : d’une part, la caractère périodique continu attribué au rayonnement
par la théorie des ondulations conduit à l’explication des phénomènes d’interférences et de diffraction ; d’autre part, la structure discontinue de l’énergie
rayonnante intervient nécessairement dans l’interprétation des lois du rayonnement noir, de l’effet photoélectrique et de l’émission spectrale. Les deux
théories en présence demeurent en réalité complètement étrangères. Toutefois, l’étude des phénomènes quantifiés nous a montré qu’il est souvent nécessaire de demander aux conceptions classiques des indications complémentaires et des analogies (principe de correspondance). Les hypothèses continues et discontinues se rattachent évidemment à deux aspects différents de
la même réalité.
Même dans son propre domaine, la théorie des quanta ne peut être considérée comme aussi parfaite et aussi cohérente que la théorie électromagnétique. Pour quanttifier le mouvement d’un systhème, nous commençons par
l’étudier conformément à la mécanique classique avant de faire intervenir,
d’une manière en quelque sorte contradictoire, les conditions définissant les
états quantiques stationnaires. Les deux postulats de Bohr (condition mécanique et optique) sont entièrements arbitraires et, de plus, indépendants
l’une de l’autre. D’autre part, la théorie de Borh-Sommerfeld ne s’applique
155
156
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
réellement qu’aux atomes hydrogénoı̈de. Les méthodes d’approximations utilisées pour l’étude des systèmes à peine plus compliqués (atome neutre d’hélium, molécule d’hydrogène) conduisent déjà à des résultats en désaccord
avec l’expérience. Les phénomènes de dispersion anormal, qui font intervenir les fréquences des raies spectrales, et non les fréquences mécaniques de
l’électron sur son orbite, restent inintelligibles dans cette théorie. Enfin, pour
interpréter correctement la structure des spectres discontinus, il faut introduire des demi-quanta et attribuer notamment au nombre quantique interne
j des valeurs fractionnaires telles que 1/2, 3/2, etc. En résumé, la théorie
des quanta, sous sa forme primitive, est un assemblage assez disparate de
notions classiques et de conceptions arbitraires ou semi-empiriques dont la
fragilité est indéniable. Elle doit être profondément remaniée de manière à
faire disparaı̂tre les difficultés précédentes et à réaliser la synthèse entre les
conceptions continues et discontinues. Nous donnerons seulement quelques
indications très générales sur les nouvelles mécaniques quantique. Nous résumerons en premier lieu la théorie de Louis de Broglie (1924) qui a donné
naissance à la mécanique ondulatoire et qui doit être considérée comme la
première tentative sérieuse de raccordement entre les deux doctrines opposées.
7.2
Théorie de Louis de Broglie
Cette théorie est fondée sur le postulat suivant : « Chaque fois que, dans
un système de référence, un élément matériel quelconque possède l’énergie
W , il existe dans ce système un phénomène périodique dont la fréquence est
définie par la relation fondamentale : W = hν ».
Dans le cas d’un point matériel au repos, l’énergie à pour valeur : W0 =
2
m0 c2 et la fréquence correspondante est ν0 = mh0 c . Par rapport au phénomène
périodique, qui s’étent dans tout l’espace, le point matériel constitue une
singularité (comme l’électron pour son champ électrique).
Supposons que le point matériel considéré soit animé d’un mouvement
rectiligne uniforme par rapport à un système d’axes rectangulaires x, y, z.
Par exemple, il passe en O, origine des coordonnées, à l’instant t = 0 et décrit
l’axe Ox avec la vitesse constante v = βc. Considérons un second système de
référence lié au point mobile et d’axes x′ , y ′ , z ′ parallèles à ceux du premier.
L’axe O′ x′ glisse sur l’axe Ox avec la vitesse v et le point mobile coı̈ncide
constament avec l’origine O′ .
Un évènement physique se produisant dans le second système, au point
′
x , y ′ , z ′ et à l’instant t′ , se produit dans le système fixe au point x, y, z et à
l’instant t. Les relations entre ces diverses coordonnées peuvent être déduites
7.2. THÉORIE DE L. DE BROGLIE
157
du principe de relativité restreinte et constituent le groupe de transformation
de Lorentz :
x − vt
x′ = √
1 − β2
y′ = y
t − v 2x
t′ = √ c
1 − β2
z′ = z
Ces relations remplacent les formules classiques (formules de Galilées) :
x′ = x − vt
y′ = y
z′ = z
t′ = t
Le point matériel est en repos, c’est-à-dire dans un état permanent par
rapport aux axes mobiles x′ , y ′ , z ′ . On peut donc identifier le phénomène
périodique associé à ce point avec un système d’ondes stationnaires dont
l’élongation a pour expression :
f (x′ , y ′ , z ′ ) sin 2πν0 t′
Comment ces ondes vont-elles se manifester dans le système fixe x, y, z,
c’est-à-dire pour un observateur qui voit passer le mmobile avec la vitesse
v ? La réponse à cette question s’obtient immédiatement en effectuant la
transformation de Lorentz. On obtient l’élongation ψ sous la forme :
[
]
x − vt
2πν0 (
vx )
ψ = f(√
, y, z) sin √
t− 2
c
1 − β2
1 − β2
Posons :
ν0
ν=√
1 − β2
et
µ=
c2
v
(
)
x − vt
x
ψ = f(√
, y, z) sin 2πν t −
µ
1 − β2
(7.1)
Cette expression représente une onde de fréquence ν dont la phase se
déplace dans la direction Ox avec la vitesse µ, et lamplitude avec la vitesse
v. La position du point matériel coı̈ncide constamment avec une singularité
de l’amplitude. L’énergie du point mobile, dans le système x, y, z est W =
2
√m0 c = √h ν0 = hν. La relation du quantum est donc valable dans les deux
2
2
1−β
1−β
systèmes.
Nous pouvons interpréter le résultat précédent en admettant que, dans le
système fixe, la loi de dispersion des ondes a pour expression :
1 − β2 = 1 −
ν02
c2
=
µ2
ν2
158
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
Au lieu d’une onde monochromatique, on peut alors associer au point matériel, dans le système fixe, un groupe d’ondes de fréquences très voisines dont
la vitesse de groupe V se calcule au moyende la formule de Lord Rayleigh 1 :
( )
d ν
1
=
V
dν µ
On obtient ainsi : V = ν.
La vitesse de groupe correspondant à la fréquence ν et à la loi de dispersion des ondes est précisément égale à la vitesse du point matériel dans le
système fixe.
Nous obtenons donc une représentation complète du point matériel par
un phénomène ondulatoire.
Si l’on considère une infinité d’ondes planes à amplitudes constantes, dont
la fréquence et la direction peuvent varier dans un domaine très étroit, autour
d’une fréquence et d’une direction moyenne, la région occupée par le point
n’est autre que celle dans laquelle ces ondes, en se renforçant mutuellement,
forment un groupe se propageant avec la vitesse de la particule.
La phase se propage avec une vitesse plus grande que celle de la lumière
2
(µ = cν > c), mais l’énergie se propage avec la vitesse ν. Il n’y a donc pas de
contradiction avec la théorie de la relativité.
Nous savons que pour un point matériel en mouvement dans le champs
concervatif, le principe d’Hamilton prend la forme de Maupertuis (voir page ? ? ?),
c’est à dire :
( )2
∫ t
∫ M
1 2 1
ds
δ
2Wc dt = δ
mν ds = 0 ; Wc = mv = m
2
2
dt
0
0
En nous bornant à l’approximation newtonienne (m = const.), la condition précédente s’écrit :
∫
M
δ
ν ds = 0
(7.2)
0
ou, en posant ν =
c2
µ
(c = const.) :
∫ M
ds
δ
=0
µ
0
(7.3)
(
)
1. Considérons un système d’onde dont la phase a pour expression : φ = 2πν t − µx +α
(amplitude constante) et supposons que le milieu dans lequel les ondes se propagent soit
dispersif (la vitesse de phase est une fonction de la fréquence ν). Pour étudier le transport
d’énergie, il faut considérer le point où les phases concordent très sensiblement quand ν
subit une petite variation, c’est-à-dire résoudre l’équation dφ
dν = 0. On trouve ainsi que
le maximum d’intensité se propage avec la vitesse de groupe V donnée par la formule de
Rayleigh.
7.2. THÉORIE DE L. DE BROGLIE
159
Cette relation exprime le principe de Fermat auquel satisfont donc les
ondes associées au point mobile. On peut dire que la mécanique du point matériel se réduit ainsi à l’optique géométrique, ou d’une manière plus précise :
Le principe de Maupertuis, qui détermine les trajectoires possibles d’un
point mobile se confond avec le principe de Fermat qui détermine la forme
des rayons de l’onde.
Nous montrerons enfin que la théorie des ondes associées permet d’établir
une liaison entre les postulats fondamentaux de Bohr. La condition mécanique se présente en effet comme une conséquence de la condition optique
sous la forme : W = mc2 = hν.
D’après cette relation, les ondes dont la phase se propage avec la vitesse
µ ont pour longueur :
µ
µh
h
λ= =
=
(7.4)
2
ν
mc
mv
La longueur d’onde est égale au quotient de la constante de Planck par
la quantité de mouvement de la particule. Dans le cas d’une trajectoire quelconque, nous admettrons que la formule (7.4) reste valable en chaque point
de cette trajectoire.
Si, à un instant donné tn on se déplace de ds sur la trajectoire, la variation
correspondante de la phase est, d’après l’expression (7.1) :
dφ = −
2πν
ds
µ
La variation totale correspondant au déplacement OM sera donc :
∫ M
∫ M
ν ds
ds
φO − φM = 2π
= 2π
µ
λ
O
O
Or, à une instant donné, la vibration Ψ doit avoir en chaque point une
valeur unique et bien déterminée. La phase doit donc être, en chaque point,
définie à un multiple entier de 2π près. S’il s’agit d’une trajectoire fermée,
et si l’on ramène le point M en coı̈ncidence avec O, la variation totale de la
phase doit être égale à 2nπ, d’où, pour le parcours complet :
∫
ds
=n
λ
Dans le cas d’une orbite circulaire de Bohr, la vitesse de l’électron et la
longeur d’onde λ sont constantes ; en désignant par a le rayon de l’orbite, la
condition précedente s’écrit :
2πa = nλ = n
h
mν
160
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
ou
maν = ma2 ω = n
h
2π
Nous retrouvons ainsi la condition mécanique de Bohr, sous la forme (5.2).
Il faut en effet que l’onde soit en résonnance sur la trajectoire circulaire pour
que celle-ci puisse correspondre à un état stable (comme dans le cas d’une
corde vibrante).
Pour une orbite quelconque, la condition de résonnance s’exprime par la
relation :
∫
∫
ds
= n ou :
mν ds = nh
λ
Prenon comme coordonnée l’arc s = q. L’énergie cinétique a pour valeur
c
= ms′ = mν. La
we = 1/2ms′2 et le moment correspondant est : p = dW
ds′
relation précédente prend la forme :
∫
p dq = nh
En résumé, les conditions de stabilité des trajectoires sont précisément
les conditions quantiques de Bohr-Sommerfeld.
7.3
Théorie de Schrödinger
Les résultats précédents peuvent être obtenus d’une manière plus générale
et indépendante de la théorie de la relativité.
Considérons un point matériel mobile dans un champ concervatif. L’énergie cinétique est :
)
)
1 (
1 ( 2
Wc = m x′2 + y ′2 + z ′2 =
px + p2y + p2z
2
2m
En effet : px = δδWx′c = mx′ , etc.
La fonction H d’Hamilton (voir p. ? ? ? et suiv.) représente l’énergie totale :
)
1 ( 2
px + p2y + p2z + Wp
W = Wc + Wp =
2m
Introduisons la fonction V (action de Jacobi) telle que : px = δδ Vx , etc. En
substituant dans la relation précédente, nous obtenons l’équation de Jacobi :
(grad. V )2 = 2m(W − Wp )
(7.5)
7.3. THÉORIE DE SCHRÖDINGER
161
Dans le cas considéré, la fonction V s’écrit sous la forme : V = −W t + S,
S étant une fonction de x, y et z (action de Maupertuis)
δV
= −W
δt
(7.6)
Les équations (7.5) et (7.6) correspondent à la propagation d’un système
d’ondes dont la vitesse en chaque point a pour expression :
µ= √
W
2m(W − Wp )
(7.7)
Considérons en effet la surface :
V (x, y, z, t) = V0 = const.
(7.8)
Sur la normale à cette surface au point P (x, y, z), choisissons un sens positif
arbitraire et imaginons un déplacement, à partir de P , avec la vitesse µ. Au
bout du temps dt, c’est-à-dire à l’instant t + dt, nous serons parvenus au
point P ′ de coordonnées x + dx, y + dy, z + dz, pour lequel la fonction V
prend la valeur (P P ′ = dn = µdt) :
V0 +
δV
δV
δV
+ ... +
= V0 + grad V dn +
dt
δx
δt
δt
(√
ou :
V0 +
)
2m(W − Wp ) µ − W
dt
Si la vitesse µ est donnée par (7.7), nous retrouverons précisément la
valeur V0 . Nous supposons qu’il en est de même pour tous les points de la
surface (7.8) qui, à l’instant t + dt, se trouvent ainsi sur une surface analogue
correspondant à la même valeur de V .
Dans le langage de la théorie des ondulations, nous dirons que la surface
(7.8) est une surface équiphase et que le déplacement considéré correspond
à la propagation d’éléments d’ondes d’une telle surface à une autre de même
phase.
La phase des ondes ainsi introduites est proportionnelle à V , c’est-à-dire
égale à kV . Le facteur k doit avoir les dimensions de l’inverse d’une action
pour que la phase elle-même soit un nombre sans dimensions. Nous passons de la première surface à la seconde par une construction analogue à la
construction d’Huyghens utilisée en optique. La seconde surface est en effet
l’enveloppe des petites sphères de rayon µdt ayant pour centres les points de
la surface origine.
162
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
Posons arbitrairement :
1
h
=
(7.9)
k
2π
Nous admettrons
que la grandeur
qui se propage
est proportionnelle
à
(
)
(
)
sin(kV ) = sin − 2πhW t + 2πhS ou encore à sin 2πhW t − 2πhS , en changeant
convenablement l’origine des temps.
La fréquence à donc pour expression ν = Wh . La relation fondamentale
W = hν, qui sert de base à la théorie de L. de Broglie, et l’équation (7.9)
sont donc équivalentes. La longueur d’onde correspondante à pour valeur :
λ=
µ
h
h
h
=√
=√
=
ν
mν
2mWc
2m(W − Wp )
La relation entre la vitesse de propagation de la phase et la fréquence (loi
de dispersion des ondes) est :
µ= √
W
hν
=√
2m(W − Wp )
2m(hν − Wp )
La vitesse du point matériel peut s’écrire :
√
√
2Wc
2(W − Wp )
=
v=
m
m
d’où il résulte :
W
(7.10)
m
En posant W = m c2 , conformément à la théorie de la relativité, on
2
retrouve immédiatement la formule : µ = cv de la théorie de L. de Broglie.
Au moyen de la formule de Rayleigh on montre aisément que la vitesse de
groupe des ondes est égale à la vitesse du point matériel. De plus, la relation
(7.10) montre que les principes de Maupertuis et de Fermat, exprimés par
les formules (7.2) et (7.3), sont équivalents.
Enfin, la condition mécanique de la théorie des quanta se déduit des formules précédentes, c’est-à-dire du postulat optique W = hν, équivalent à
(7.9). Considérons en effet l’expression :
µv =
2πvt −
2πS(x, y, z)
h
de la phase de la grandeur transportée par les ondes.Puisque nous admettons
l’équivalence entre la propagation de ces ondes et le mouvement du point,
le sinus ou le cosinus de la phase doivent avoir en chaque point et à chaque
7.3. THÉORIE DE SCHRÖDINGER
163
instant une valeur bien déterminée. En d’autres termes, il faut qu’en chaque
point et à chaque instant, la phase soit définie à un multiple entier de 2π
près. Supposons que la trajectoire du point soit une courbe fermée (mouvement périodique). Si à un instant donné, nous partons d’une certaine origine
x, y, z, pour parcourir la trajectoire, nous retrouverons, en revenant au point
de départ, la valeur initiale de la phase augmentée ou diminuée de 2nπ. Il en
résulte que la variation de l’action de Maupertuis doit être égale à nh ; telle
est la condition de stabilité de la trajectoire.
D’après ces considérations, le mouvement d’un point matériel peut s’interpréter au moyen des propiétés d’un système d’onde satisfaisant aux principes
de l’optique géométrique (principe de Fermat, ondes enveloppes d’Huyghens).
En admettant que ces ondes existent réellement,(ou même qu’elles constituent la seule réalité physique) 2 on doit prévoir que les procédés de l’optique
géométrique, équivalents au principe de la moindre action et aux équations de
la mécanique, ne sont applicables qu’en première approximation. En d’autres
termes, si les phénomènes dynamiques ont un caractère essentiellement ondulatoire, L’étude de ces phénomènes au moyen du principe de Maupertuis
ou d’Hamilton est un procédé approximatif ayant exactement la même valeur
que l’application du principe de Fermat pour la prévision des phénomènes
optiques. Pour les mouvements à l’échelle atomique, c’est-à-dire lorsque les
longueurs d’ondes ne sont plus très petites par rapport aux dimensions et à
la courbure des trajectoires, les équations de la mécanique ne doivent plus
être valables. La vérotable mécanique ondulatoire doit être, par rapport aux
anciennes mécaniques (newtonienne ou relativistes), ce que l’optique ondulatoire est par rapport à l’optique géométrique.
Lorsqu’un phénomène physique se propage par ondes (acoustiques, électromagnétiques), la fonction qui le représente est une solution e l’équation
générale :
1 δ2ψ
∆ψ − 2 2 = 0
u δt
Dans le cas considéré, nous écrirons d’après ce qui précède :
(
)
2πS
hν
ψ = A sin 2πνt −
et u = √
h
2m(W − Wp )
2. S’il en est ainsi, l’électron matériel n’est plus qu’une apparence. Dans le cas du
mouvement rectiligne uniforme, l’énergie es ondes est localisé dans un espace très petit
et l’électron peut être assimilé à une particule. Il n’en est plus de même pour une orbite
de l’atome d’hydrogène, bien que la considératon d’un électron ponctuel nous ait permis d’obtenir des résultats exacts. L’intervention des conditions de quanta doit alors être
considérée comme analogue au procédé des « zones de Fresnel »en optique physique.
164
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
Nous obtenons ainsi l’équation de propagation des ondes équivalentes
(équation de Schrödinger) :
∆ψ +
8π 2 m
(W − Wp ) ψ = 0
h2
(7.11)
On peut montrer qu’elle se réduit à l’équation de Jacobi, sous la forme
(7.5), lorsqu’on fait tendre h vers 0. Mais le passage à la limite n’est plus
légitime à l’échelle atomique. Il faut alors étudier directement les solutions
de l’équation des ondes, en tenant compte de certaines conditions aux limites :
la grandeur ψ doit avoir en chaque point de l’espace une valeur finie, bien
déterminée et continue ; elle doit en outre s’annuler à l’infini. Le problème à
résoudre est analogue à celui de la détermination des vibrations d’une corde
ou d’une antenne de télégraphie sans fil.
Une équation de la forme (7.11) ne possède de solution du type désiré
que pour certaines valeurs de W , formant une suite discontinue. Ces valeurs
« propres »ou « fondamentales »de l’énergie sont celles des états stables ou
niveaux quantifiés du système, qui se trouvent ainsi déterminés par voie déductive, sans faire intervenir aucune hypothèse arbitraire. Pour l’oscillateur
harmonique linéaire, on trouve de cette manière que les niveaux d’énergie
sont des multiples impairs de demi-quanta :
(
)
1
Wn = n +
hν
2
Dans le cas d’un corps solide mobile autour d’un axe dont l’orientation
dans l’espace peut être quelconque (image d’une molécule diatomique rigide),
on obtient la formule (2.8), utilisée dans l’étude des spectres de bandes :
n(n + 1)h2
(2.8) Wr =
=
8π 2 I
(
)2
h2
1
n+
+ const.
2
8π 2 I
L’intervention de demi-quanta, qui ne pouvait être expliquée dans l’ancienne théorie, ne soulève ici aucune difficulté.
L’application de la méthode de Schrödinger au problème de l’atome d’hydrogène permet de retrouver logiquement les niveaux d’énergie donnés par la
formule (5.11), dans le cas ou W est négatif (orbites elliptiques). Au contraire,
toutes les valeurs positives de W donnent une solution acceptable, et l’on interprète ainsi l’existence d’un sprctre continu au dela du domaine des niveaux
discontinus (voir page ? ? ?). Les nombres quantiques n, l, m, auquel la théorie de Bohr-Sommerfeld donnait une signification précice, mais dépendant
de concepts arbitraires (nombre quantique total, azimutal et magnétique),
7.4. VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES
165
s’introduisent maintenant dans les calculs comme de simples paramètres mathématiques 3
Rejetant définitivement l’hypothèse des orbites électroniques, on admet
qu’il est impossible de préciser, à un instant donné, la position de l’électron
à l’intérieur de l’atome. L’expression |ψ|2 dx dy dz donne simplement la probabilité de présence de l’électron dans l’élément de volume dv = dx dy dz ;
Le carré du module de la fonction ψ représente la densité de probabilité qui,
multipliée par la charge e, devient la densité probable de la charge électrique
dans l’élément considéré. Cette conception de la nature physique de ka fonction ψ a permis de résoudre les problèmes relatifs aux intensités et aux états
de polarisation des radiations émises, et de justifier les règles de sélection qui
limitent les combinaisons des divers nombres quantiques.
7.4
Vérifications expérimentales
Au lieu de considérer les ondes associées comme un simple artifice théorique, on peut admettre leur existence réelle (Einstein) et chercher à les
mettre en évidence expériementalement. Considérons par exemple, un électron partant du repos et soumis à une différence de potentiel V . L’énergie
cinétique acquise est : 1/2 mv 2 = eV , d’où l’on déduit la longueur d’onde
correspondante :
λ=
h
C
h
=√
=√
mv
2meV
V
(C = const.)
(7.12)
Cette expression montre que λ est inversément proportionnelle à la racine
carrée du potentiel accélérateur V . Si λ est exprimé en angströms et V en
volts, elle s’écrit :
√
λ=
150
12.2
= √
V
V
Pour V = 100 volts, λ = 1, 22A.
En tenant compte de la variation de la masse avec la vitesse (correction
relativité), on montre aisément que la formule (7.12) doit être remplacée par
3. De même qu’en électomagnétisme, l’équation de propagation s’applique aux composantes des vecteurs champ électrique et champ magnatique, on peut ici remplacer la
fonction scalaire unique ψ de Schrödinger par plusieurs fonctions (composantes d’un vecteur ou d’un tenseur) qui seront également des solutions de l’équation des ondes. Il en est
ainsi dans la théorie de Dirac, qui a permis d’incorporer dans la mécanique ondulatoire la
notion de l’électron tournant.
166
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
Figure 7.1 –
l’expression :
λ=
h
√
1−
m0 v
β2
√
h 2m10 eV
)
=(
1 + 4meV0 c2
(7.13)
)
√ (
Dans ces conditions, le produit λ V 1 + 4meV0 c2 doit être constant (au
√
lieu de λ V ).
Ainsi pour des tension modérées, on obtient des longueurs d’ondes équivalentes ayant le même ordre de grandeur que celles des rayon X. On doit
donc pouvoir réaliser avec un faisceau d’électrons des expériences de diffraction analogues à celles qui ont permis à la spectroscopie des rayons X de
se développer (taches de Laue, cristal tournant, anneaux de Debye-Scherrer,
réseau tangent).
Les premières vérifications expérimentales sont dues à Davisson et Germer
(1927). L’appareil utilisé (fig. 7.1) comprend un « canon à électrons »A dans
lequel des électrons émis par la source S (ruban de tungstène) sont accélérés
par un champs convenable (54 à 370 volts) et forment un pinceau linéaire
en travesant plusieurs écrans. Ce pinceau tombe normalement sur l’une des
faces d’un bloc de nikel B, formé d’un petit nombre de gros cristaux. La face
qui reçoit les électrons a été taillée et polie parallèlement au plan (111) 4 Les
électrons diffusés dans une certaine direction sont recueillis dans un cylindre
de Faraday C relié à un galvanomètre sensible. Le cylindre collecteur put
tourner autour d’un axe horizontal perpendiculaire au faisceau qui tombe
dans une région déterminée du cristal, de manière à faire varier, entre 20o
et 90o , l’angle des directions d’incidence et de diffusion. De plus, le bloc de
nikel est mobile autour de la direction des électrons incidents, afin de pouvoir
4. Le nikel est un réseau de cubes à faces centrées. Le plan (111), normal à la diagonale
du cube, est une face de l’octaèdre régulier dérivé du cube (triangle équilatéral).
7.4. VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES
167
Figure 7.2 –
étudier la diffusion dans les différents azimuts. L’ensemble de l’appareil est
placé dans une enveloppe de verre, dans laquelle on réalise un excellent vide.
Les résultats obtenus montrent que les rayons cathodiques se comportent
effectivement comme s’ils avaient une longueur d’onde de l’ordre de grandeur
de celle des rayons X. La fig. 7.2, donnée à titre d’exemple, indique la répartition des électrons receuillis par le cylindre collecteur, dans un certain azimut
par rapport au cristal. On constate l’existance d’un maximum très accusé,
au voisinage des 50o , correspondant précisément à une tache de Laue (le
faisceau incident est sensiblement monocinétique et, par conséquent, monochromatique). Toutefois, si l’on calcule la position du maximum à partir de la
formule (7.12) et des dimensions connues du réseau cristallin, on ne retrouve
pas exactement la valeur observée. L’écart s’explique en admettant que les
ondes électroniques possèdent, par rapport au cristal, un indice de réfraction
supérieur à l’unité ; cet indice ne tend vers l’unité que lorsque la longueur
d’onde devient suffisamment petite (tensions accélératrices assez grandes).
Quoi qu’il en soit, les expériences précédemment décrites fournissent une
preuve directe de la nature ondulatoire de la particule cathodique.
Si l’on place le récepteur dans la direction de réflexion régulière correspondant à l’angle d’incidence θ, on observe, en faisant varier la tension, c’est-
168
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
à-dire la longueur d’onde, une série de maxima d’intensité pour les longeurs
d’ondes données par la formule de Bragg : 2d cos θ = nλ (n étant un nombre
entier et d désignant la distance des plans réticulaires, dans une direction perpendiculaire au plan du miroir). L’indice de réfraction du cristal intervient
encore pour expliquer les écarts entre les maxima observés pour les rayons
X et pour les ondes électroniques. La réflexion sélective du type Bragg a été
également mise en évidence par Szczeniewski et par Rose.
D’autres expérimentateurs ont utilisé une technique semblable à celle de
Debye-Scherrer et Hull dans le cas des rayons X (anneaux concentriques donnés par les poudres cristallines). Par exemple, dans les expériences de G.P.
Thomson, un faisceau homogène d’électrons rapides, soumis à des tensions
de plusieurs dizaine de milliers de volts, traverse normalement un film extrèmement mince de la substance étudiée (aluminium, or, platine, celluloı̈d,
ect.). Les microcristaux de la lame donnent, sur une plaque photographique
parallèle à celle-ci, un diagramme formé d’anneaux centré sur la trace du faisceeai incident. La longueur d’onde équivalente, déduite de ces diagrammes,
concorde avec la valeur donnée par (7.13), avec une approximation de l’ordre
du centieme (l’indice étant suposé égal à l’unité).
Dans des expériences analogues de Rupp, réalisées avec des électrons dont
les vitesses sont seulement de l’ordre de la centaine de volts, les trajectoires
électroniques sont incurvées par un champ magnétique, ce qui permet de
vérifier que les électrons eux-mêmes sont en cause. D’autre part, Ponte a
modifié la méthode des anneaux afin de l’adapter à l’étude des structures
superficielles. En particulier, il a utilisé comme substance diffractante de
l’oxyde de zinc sous forme d’une mince pellicule appliquée sur le diaphragme
de sortie du faisceau d’électrons.
Pour des
) tensions comprises entre 7000 et
√ (
eV
16000 volts, le produit : λ V 1 + 4m0 c2 est constant à 3 pour 1000 près,
les valeurs extrèmes ne différant pas de plus de 6 pour 1000.
Des figures de diffraction plus compliquées, mais de netteté remarquable,
ont été obtenues par Kikuchi en expérimentant sur des lames minces de mica.
Enfin, la diffraction des électrons par un réseau métallique, utilisé sous l’incidence rasante, a été observé par Rupp dans les conditions prévues par la
théorie.
La diffraction de rayons atomiques, formés d’atomes neutres légers (H,
He) sortant dans le vide par un petit orifice et venant tomber sur la face
d’un cristal, a été observée par divers expérimentateurs (Stern et Estermann,
Johnson). La diffraction des protons (noyaux d’hydrogène), dans des conditions analogues a été également mise en évidence (Sugiura). Dans tous les
cas, les longueurs d’onde déduites des résultats expérimentaux sont en accord
satisfaisant avec la formule de de Broglie.
7.5. MÉCANIQUE ATOMIQUE - MATRICES
7.5
169
Nouvelle mécanique atomique et calcul
des matrices
La mécanique ondulatoire s’efforce de déduire du postulat fondamental :
W = hν les conditions mécaniques de l’ancienne théorie des quanta, c’està-dire l’existance des niveaux d’énergie. La nouvelle mécanique atomique,
fondée en 1925 par Heisenberg, se place à un point de vue différent et, à certains égards, opposé au précédent. Elle prend en effet pour point de départ
l’émission des radiations par les atomes et, par conséquent, l’existence même
des niveaux d’énergie. Au lieu d’introduire dans les équations des grandeurs
impossibles à observer physiquement (orbites et vitesses électroniques, amplitudes), on se laisse guider par le principe de correspondance et on utilise
des développements où ne figurent que des grandeurs observables, c’est-à-dire
les fréquences quantifiées ou les termes spectraux.
A chaque valeur W de l’énergie totale, la mécanique classique fait correspondre un mouvement périodique développable en série de Fourrier (voir
p. ? ? ? ?) :
∑
qW =
qW,τ e2πiτ νW t
τ
En mécanique atomique, la coordonnée q (ou son moment p) se présente
comme l’ensemble des termes d’une table à double entrée (matrice) dont le
terme général est :
qnm e2πiνmn t ou pnm e2πiνmn t
Dans ces expressions, les νmn désignent les fréquences des raies spectrales,
égale à la différence de deux termes correspondant aux nombres entier n et
m (principe de combinaison). Les coefficients qnm et qmn , ainsi que pnm et
pmn , sont des imaginaires conjugés.
Les règles du calcul matriciel ont permis à Heisenberg, Born, Jordan et
Dirac de résoudre les difficultés inhérentes à l’ancienne théorie des quanta.
En particulier, la condition optique de Bohr, à l’inverse de ce qui arrivait en
mécanique ondulatoire, se déduit de la condition mécanique, qui s’exprime
elle-même sous une forme suggérée par le principe de correspondance.
La mécanique des matrices peut se raccorder avec la mécanique ondulatoire et avec l’équation de propagation des ondes. On a pu prouver en effet
que ces deux théories sont non seulement conciliables, mais mathématiquement équivalentes. Elles représentent seulement deux aspects de la théorie
quantique actuelle et se complètent d’ailleur mutuellement. La mécanique
ondulatoire est particulièrement appropriée à la détermination des niveaux
d’énergie Wn auquels correspondent les solutions ψn de l’équation des ondes.
170
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
La connaissance de ces fonctions « propres »ou« fondamentales »permet ensuite de calculer les éléments des matrices de Heisenberg, c’est-à-dire les
intensités et les états de polarisation des radiations émises par le système
atomique étudié, ainsi que les constantes mécaniques de ce système. Les carrés des modules des fonctions ψ représentent, comme nous l’avons mentionné
(voir p. ? ? ? ?), les probabilités de présence de l’électron (rapportées à l’unité
de volume). On ne peut donc calculer par leur intermédiaire que les valeurs
moyennes ou probables des grandeurs physiques qui correspondent aux termes
des matrices. Ce point de vue, très différent de celui de la Physique classique,
se rattache au principe d’indétermination de Heisenberg.
7.6
Principe d’indétermination
La physique classique, qui néglige toutes les discontinuités correspondant
au quantum d’action h, repose sur le principe de causalité. Elle suppose en effet que les phénomènes mécaniques et électromagnétiques obéissent rigoureusement à certain systèmes d’équations différentielles (équations canoniques,
équations de Maxwell), qui en donnent la description complète lorsqu’elles
sont associées à des conditions initiales bien déterminées. Par exemple, si
on étudie le mouvement d’un système de points matériels, on admet comme
évident que les valeurs numériques des coordonnées q et des moments correspondants p peuvent être reconnu sans ambiguı̈té à un instant initial donné.
Les états ultérieurs sont alors déterminés rigoureusement par les équations
du mouvement. Les conditions initiales sont, en quelque sorte, considérées
comme les causes entraı̂nant nécessairement le passage du système par certain états successifs, envisagés comme des effets inévitables. Une telle conception, qui implique le déterminisme absolu des lois physiques, est en réalité
purement dogmatique et ne laisse aucune place à la notion de probabilité.
Les lois générales de la Physique classique ont été découvertes en expérimentant sur des systèmes très complexes, constitués par un très grand
nombre de particules ou d’électrons. Ce sont donc des lois de moyenne, se
rapportant à des observations « macroscopiques »(masse gazeuse, courant
électrique, etc.). Il n’est donc pas certain, a priori, qu’elles soient identiques
aux lois « microscopiques », applicables aux phénomènes élémentaires étudiés dans les chapitres précédents. On sait d’ailleur que la notion de probabilité, introduite en thermodynamique, a permis à Boltzmann d’interpréter
correctement l’entropie et le proncipe de Carnot : l’accroissement d’entropie
correspond à l’évolution d’un système très complexe vers les états les plus
probables. Ainsi, le second principe de la thermodynamique n’a qu’une valeur statistique : de petit écarts restent possibles comme, par exemple, dans
7.6. PRINCIPE D’INDÉTERMINATION
171
le mouvement brownien.
Les récents développements de la théorie des quanta ont conduit Heisenberg à supposer que cette interprétation statistique d’une loi fondamentale
pouvait être généralisée. Reprenons l’exemple du mouvement d’un système
de points matériels ; les données initiales ne sont connues que par l’intervention d’un observateur qui les détermine d’une manière aussi précise que
possible. La Physique classique admet que la précision des mesures n’est limitée que par les erreurs inévitables e l’observateur et les imperfections des
instruments : à la limite, il doit être possible d’obtenir les valeurs numériques
correspondant rigoureusement à la réalité. La théorie des quanta montre qu’il
n’en est pas ainsi : si l’on détermine les coordonnées de la position q avec une
précision croissante, les moments p ne sont connus qu’avec une incertitude de
plus en plus grande et deviennent pratiquement indéterminés. Inversément,
l’exactitude des mesures relatives aux variables p entraı̂ne l’indétermination
des coordonnées q. D’une manière plus précise, il existe nécessairement entre
les erreurs ∆q et ∆p la relation :
∆q × ∆p = h
(7.14)
Cette formule donnerait, en général, la précision maximum avec laquelle
on peut observer à la fois deux variables canoniquement conjuguées. Il faudrait donc que h soit infiniment petit pour que la précision soit illimitée et
pour que le principe de causalité soit valable sans aucune restriction. Au
contraire, si l’on admet que h est une constante finie, les conditions initiales
restent toujours, d’une manière ou d’une autre, indéterminées. Cette indétermination ne peut disparaitre qu’en moyenne, c’est-à-dire lorsqu’on étudie à
la fois l’évolution d’un très grand nombre de systèmes analogues, et le déterminisme des lois physiques n’est acceptable qu’au point de vue statistique.
Nous vérifierons la relation (7.14) dans le cas d’un électron animé d’un
mouvement rectiligne uniforme. Il s’agit de déterminer à la fois la position et
la vitesse de l’électron. Nous imaginerons que l’observation est faite au moyen
d’un microscope approprié. L’incertitude relative à la position de l’électron
dans le plan visé est égale au pouvoir séparateur de l’instrument :
∆q =
λ
2 sin α
en désignant par α le demi-angle d’ouverture (c’est-à-dire lamoitier de l’angle
sous lequel, du centre du champ, on voit un diamètre de la surface frontale de
l’objectif). Pour réduire l’erreur commise, il faut utiliser des radiations de très
courtes longueurs d’onde, et nous admettrons même qu’il est possible d’éclairer le corpuscule avec des rayons X ou γ. Mais, dans ces conditions, lorsqu’un
172
CHAPITRE 7. NOUVELLES MÉCANIQUES QUANTIQUES
photon hν rencontre l’électron, celui-ci subit une variation de la quantité de
mouvement correspondant à l’effet Compton. Afin d’utiliser complètement
l’ouverture de l’objectif, nous devons admettre que les photons peuvent être
diffusés dans une direction quelconque comprise dans l’angle 2α, et il en
résulte une incertitude sur la quantité de mouvement communiqué à la particule. Pour calculer la variation maximum de cette quantité de mouvement,
nous pouvons considérer le cas d’un photon qui, arrivant dans une direction
faisant un angle α avec l’axe (génératrice du cône d’ouverture), est diffusé de
manière à atteindre l’objectif en suivant une direction symétrique de la précédente. La composante, dans le plan de visée, de la quantité de mouvement
du photon incident est, avant le choc, égale à hν
sin α ; elle change de signe
c
après le choc, mais concerve la même valeur. La variation de la quantité de
mouvement de l’électron, dans le plan de visée, a donc pour expression :
∆p =
2hν
2h sin α
h
sin α =
=
c
λ
∆q
Ces résultats ne sont pas inhérents à l’ancienne théorie des quanta et on
peut montrer qu’ils subsistent en mécanique ondulatoire.
Bohr a fait remarquer que le principe d’indétermination doit sans doute
être rattaché à l’étrange dualité correspondant aux propriétés des radiations
et des électrons. Dans l’effet Compton, le quantum de radiation se comporte
comme une particule de matière, en contradiction apparente avec l’explication classique des phénomènes d’interférences. De même dans les expériences
de diffraction électronique (Davisson et Germer, etc.), l’électron se comporte
comme un « paquet d’ondes »et non comme un simple corpuscule matériel.
D’après les considérations précédentes, on conçoit la possibilité d’observer
une même réalité sous deux aspect différents : matériel et ondulatoire. Chacun de ces deux aspects correspondrait à la connaissance précise de l’un des
groupes de paramètres qui définissent le système, ainsi qu’à l’indétermination
de l’autre groupe.
Table des matières
1 Rayonnement noir - quanta
1.1 Rayonnement dans une enceinte isotherme
1.2 Lois de rayonnement du corps noir . . . .
1.2.1 Loi de Stefan . . . . . . . . . . . .
1.2.2 Loi du déplacement de Wien . . . .
1.3 Pression de radiation . . . . . . . . . . . .
1.4 Rayonnement noir - Formule de Planck . .
1.5 Nécessité d’une théorie nouvelle . . . . . .
1.6 Mécanique classique et rayonnement . . .
1.7 Degrés de liberté d’un milieu continu . . .
1.8 Equipartition de l’énergie . . . . . . . . . .
1.9 Hypothèse des quanta . . . . . . . . . . .
1.10 Démonstration d’Einstein . . . . . . . . .
1.11 Relations numériques . . . . . . . . . . . .
1.11.1 Remarques . . . . . . . . . . . . .
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9
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10
10
11
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13
16
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18
20
22
24
24
2 Chaleurs spécifiques
2.1 Chaleur spécifique des solides . . . . . . . .
2.2 Chaleurs spécifiques aux basses températures
2.3 Théorie D’Einstein (1907) . . . . . . . . . .
2.4 Théorie de Debye (1912) . . . . . . . . . . .
2.5 Chaleurs spécifiques des gaz . . . . . . . . .
2.6 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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27
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35
38
3 Phénomènes photoélectriques
3.1 l’effet photoélectrique superficiel . . . . .
3.2 Equation d’Einstein . . . . . . . . . . . .
3.3 Vérifications expérimentales . . . . . . .
3.4 Conductibilité photoélectrique des solides
3.5 Structure atomique et émission spectrale
3.6 Photoionisation des gaz . . . . . . . . . .
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TABLE DES MATIÈRES
3.7
3.8
3.9
Effet photoélectrique des rayons X . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Analyse magnétique des photoélectrons . . . . . . . . . . . . . 55
Distribution spaciale des photoélectrons . . . . . . . . . . . . . 57
4 Diffusion des rayons X.
4.1 Absortion et diffusion des rayons X . . . . . . .
4.2 Expérience de A. H. Compton . . . . . . . . . .
4.3 Théorie quantique . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3.1 Conséquences des équations précédentes
4.4 Vérifications expérimentales . . . . . . . . . . .
4.4.1 Abaissement de fréquence par diffusion .
4.4.2 Electrons de recul . . . . . . . . . . . . .
4.5 Remarques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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61
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68
70
70
70
75
5 Applications spectroscopiques
5.1 Quanta et mouvement d’un système matériel
5.2 Oscillateur linéaire . . . . . . . . . . . . . . .
5.3 Oscillateur plan ou rotateur . . . . . . . . . .
5.4 Généralisation . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.4.1 Mouvements à un degré de liberté . . .
5.4.2 Exemple : oscillateur linéaire . . . . . .
5.4.3 Plusieurs degrés de liberté . . . . . . .
5.5 Spectre atomique de l’hydrogène (Bohr) . . .
5.6 Spectre de l’atome d’hydrogène . . . . . . . .
5.7 Spectre de l’hélium ionisé . . . . . . . . . . .
5.8 Entraı̂nement du noyau . . . . . . . . . . . . .
5.9 Potentiels critiques et raies spectrales . . . . .
5.10 Potentiels critiques de l’hydrogène . . . . . . .
5.11 Spectre de rayon X . . . . . . . . . . . . . . .
5.12 Orbites elliptiques de l’hydrogène . . . . . . .
5.13 Théorie de la structure fine . . . . . . . . . . .
5.13.1 Application à l’hydrogène - N = 1 . . .
5.13.2 Application à l’hélium ionisé. - N = 2.
5.14 Quantification dans l’espace. . . . . . . . . . .
5.15 Le magnéton . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.16 Effet Zeeman normal . . . . . . . . . . . . . .
5.17 Spectres de bandes . . . . . . . . . . . . . . .
5.18 Principe de correspondance . . . . . . . . . .
5.19 Spectre non hydrogénoı̈de . . . . . . . . . . .
5.20 Energie et potentiel . . . . . . . . . . . . . . .
5.20.1 Césium . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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TABLE DES MATIÈRES
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5.20.2 Mercure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
5.21 Structure des atomes - tableau périodique . . . . . . . . . . . 137
6 Applications diverses
6.1 Phénomènes thermoioniques
6.2 Réactions photochimiques .
6.3 Photoluminescence . . . . .
6.4 Effet Raman . . . . . . . . .
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7 Nouvelles mécaniques quantiques
7.1 Synthèse quanta ondulatoire . . .
7.2 Théorie de L. de Broglie . . . . .
7.3 Théorie de Schrödinger . . . . . .
7.4 Vérifications expérimentales . . .
7.5 Mécanique atomique - matrices .
7.6 Principe d’indétermination . . . .
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. 160
. 165
. 169
. 170
176
TABLE DES MATIÈRES
Bibliographie
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[4]
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[8]
[9]
[10]
[11]
[12]
[13]
[14]
[15]
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