Rue Frontenac - Gang de rue: un vétéran coriace attend sa sentence

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Rue Frontenac - Gang de rue: un vétéran coriace attend sa sentence
Rue Frontenac - Gang de rue: un vétéran coriace attend sa sentence
Écrit par David Santerre
Jeudi, 02 décembre 2010 22:50 - Mis à jour Vendredi, 03 décembre 2010 09:34
Quelle sentence imposer à un vétéran chef de gang de rue, un OG (Original Gangster)
comme on dit dans le milieu, pour possession et trafic d’une quantité phénoménale de crack?
Un gangster qui a pour principe de vie de guerroyer sans merci contre ses ennemis mais qui,
devant le juge, tempête hargneusement contre le harcèlement policier dont il serait victime,
remettant quasiment en doute l’existence des gangs de rue?
Le juge de la Cour du Québec Jean-Pierre Boyer a entendu ce jeudi le témoignage chaotique
de Chénier Dupuy, 34 ans, et celui, très affirmatif, du sergent-détective Jean-Claude Gauthier,
l’expert en gangs de rue du Service de police de la Ville de Montréal, qui a dressé le portrait
criminel de Dupuy.
Décès du juge Bonin
Dupuy avait été trouvé coupable le 16 avril dernier de possession dans le but d'en faire le
trafic de 90 grammes de crack, ce qui équivaut à près de 900 roches, une énorme quantité, de
361 grammes de coke et de deux kilos de marijuana et de haschisch, une très grande quantité
pour ce type de drogue. Le tout avait été saisi dans l’appartement qu’il partageait avec sa
concubine du moment, Stéphanie Castrilli, dans le sac à main de laquelle on avait trouvé plus
de 3000 $ comptant. Elle avait aussi été trouvée coupable d’accusations moindres et le juge
avait tenu des propos cinglants lors de son
jugement .
S’il a fallu autant de temps pour qu’aient lieu les représentations sur la peine de Dupuy, c’est
que le juge du procès, Jean-Pierre Bonin, est décédé peu de temps après son jugement. Il a
ensuite fallu trouver un autre juge qui pouvait prendre le temps de réécouter tout le procès afin
de rendre sentence.
Master B et Bo-Gars
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Le sergent-détective Gauthier a donc raconté la carrière de Dupuy depuis ses débuts. M.
Gauthier l’a connu entre 1988 et 1992 alors qu’il était policier-patrouilleur dans le secteur
Montréal-Nord, d’où il est d’ailleurs originaire.
À l’époque, à Montréal-Nord, il y avait le gang Master B (Pour Maître Beauvoir, du nom du
fondateur Beauvoir Jean, aujourd’hui travailleur de rue), duquel allaient émerger dans les
années 1990 les Bo-Gars et allait apparaître, en provenance des États-Unis, la notion de
couleur pour identifier les gangs.
Aujourd’hui, les Bo-Gars sont les membres élites des Bloods, identifiés comme les rouges. Et à
n’en pas douter, Dupuy est leur chef, explique Gauthier, qui a indiqué qu’il répondait à cinq des
six critères qui permettent à la police de classer un individu comme membre de gang.
Premier critère, le membership dans un gang de rue d’un bandit doit être confirmé à la police
par des sources fiables, ce qui est le cas pour Dupuy.
Il a cité comme événements étayant ce critère celui du 4 juin 2010, au cours duquel un
membre notoire des rouges, Philistin Paul, s’est lui-même blessé par balle en menaçant le
fondateur des Master B, Beauvoir Jean.
«Dans sa déclaration vidéo aux enquêteurs, Beauvoir Jean a dit que le mot circule sur la rue
comme quoi Big (surnom de Dupuy) en a pris pour cinq ans (de prison). Philistin Paul dit à tout
le monde c’est maintenant moi le boss à Montréal-Nord. Il a fait feu pour moi pour montrer son
pouvoir
», a raconté le policier.
Victime d’un «tir ami»
Deuxième critère, Dupuy a été vu avec d’autres membres de gang à plusieurs reprises par des
policiers.
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En 2003 notamment, lors d’un meurtre des plus étranges survenu dans un bar de Laval, le
Coconut Groove.
Il s’y trouvait avec un groupe de Bo-Gars quand un membre du groupe a volé la bouteille
d’alcool d’un client sans lien avec eux. Celui-ci a protesté. C’est alors que Kevin Tate a
dégainé son arme pour faire taire le client. Pour une raison inconnue, c’est son ami Serge
Bonhomme Dantis qui a pris une balle et a rendu l’âme. Quant au client qu’ils avaient volé, il a
par la suite été poignardé, mais on ne sait trop par qui.
Mais Dupuy était dans le groupe, affirme Jean-Claude Gauthier, ce que nie toutefois le principal
intéressé.
«Après la mort de Serge Bonhomme Dantis, on a même trouvé mon CV dans son sac à dos», a
ajouté le sergent-détective.
Troisième critère, le policier affirme que dans un projet d’enquête passé, alors que sa ligne
téléphonique était sur écoute, Dupuy a affirmé à un ami qu’il était le «chef des Bo-Gars».
Quant au quatrième, celui qui nécessite que le sujet ait commis des «crimes de gang», il est
amplement rempli, selon M. Gauthier.
Il a parlé de la Carifête de Montréal, et l’événement caribéen similaire de Toronto, où Dupuy
s’est déjà rendu armé avec d’autres truands. Il dit d’ailleurs qu’il a déjà filmé des tentatives de
meurtre à l’arme à feu et au couteau dans cet événement où les bandits sont minoritaires mais
ternissent la réputation de toute la fête.
Reebok et Nike Jordan, des marques rouges
Le cinquième critère, une reconnaissance judiciaire du statut de membre de gang, n’est pas
rempli par Dupuy, mais le sixième, où il est question des signes distinctifs des membres de
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gangs, l’est sans difficulté.
Il a évidemment parlé des vêtements rouges, mais aussi de codes moins connus, comme le
port de vêtements Nike Air Jordan. Parce que Michael Jordan jouait pour les Bulls de Chicago,
et que ce nom, comme celui des Bloods, commence par un B, mais aussi parce que l’addition
des chiffres 2 et 3, qui forment le numéro de maillot du mythique basket-balleur, donne 5,
chiffre lié à la couleur rouge.
Il porte aussi des Reebok, une marque que seuls les rouges peuvent porter.
«Reebok, ça veut dire pour eux respect each and every bloods ok», a appris Gauthier au juge
Boyer.
Il a aussi montré au magistrat un document affiché au mur de l’appartement de Dupuy, intitulé
«Dix règles de survie», qui, étonnamment, contient plutôt 11 commandements.
«Tarif pour le temps 100 000», mentionne l’un d’eux. Ou encore «Vacances avec pitoune».
Il semblait aussi désirer être malgré tout un bon citoyen, comme en fait foi le septième
commandement : «Payer ticket + bills + impôt + tps».
Puis, sur un ton plus guerrier, l’item huit : «Régler l’ordre dans le désordre», ou «War sdic
(gang de rue syndicate) Cz (crips ou bleus), KB, bigwill, rat, spaghetti». Puis le dernier : «No
jail fini».
Tout cela servant à démontrer que Dupuy n’est pas un simple trafiquant, mais un trafiquant de
haut calibre membre des dangereux Bo-Gars.
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Ce qui justifie, selon le procureur de la Couronne, M e David Simon, de réclamer une peine de
huit ans de pénitencier au juge Boyer.
«Hey men», lance-t-il au juge
Mais Chénier Dupuy n’entend pas acquiescer à tout ce qui a été dit sur lui sans broncher.
Le bouillant colosse, quand il a eu l’occasion de témoigner après Jean-Claude Gauthier, s’est
littéralement fâché contre le procureur et le juge, qu’il n’arrivait pas à vouvoyer.
«Les policiers en beurrent épais, men», a-t-il même lancé au juge, qui l’a appelé à être plus poli
à quelques reprises.
«Je m’excuse, je ne sais pas trop c’est quoi vouvoyer, je ne fais pas ça souvent», a répondu
Dupuy.
Il a dit que quand il s’est fait arrêter avec toute cette drogue, il était sorti de prison quelques
semaines plus tôt et qu’à cette époque, ses seuls plans étaient de «prendre ça relax».
Notamment parce qu’il avait une jambe dans le plâtre.
Oui, car deux jours après sa sortie de prison, il a été attaqué par deux types au club de
striptease Solid Gold qui lui ont tiré dessus. Il est sorti du bar à la course et a été happé par un
taxi et blessé à une jambe. Lui dit que les types ne voulaient que lui voler ses clinquants bijoux
et qu’aucun coup de feu n’a été tiré. Ce n’est pas l’avis de la police.
«Quand je sors de prison, tout ce que je fais, c’est essayer de me sauver de l’ouragan policier.
Peu importe où je vais, il y a des perquisitions et on défonce ma porte», a-t-il déploré, affirmant
qu’il ne s’habille pas aux couleurs d’un groupe, qu’il porte toutes les marques et toutes les
couleurs.
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Invité à parler de ses antécédents criminels par M e Simon, il a indiqué que sa condamnation
pour possession d’arme en 2003 n’était pas justifiée.
«J’ai pris le beef», comme on dit dans le jargon, pour éviter la prison à la mère de son enfant
qui était accusée avec lui, et qui a finalement été acquittée.
Il a minimisé ses 15 condamnations criminelles passées, qui ne devraient pas influencer sa
peine dans l’actuelle cause.
Ces propos ont irrité le juge Boyer.
«Après 15 antécédents, il faut que ça monte un peu! Vous aurez pas une tape dans le dos!
Vous vous faites passer pour une victime. Faites un homme de vous maintenant», l’a
sermonné le juge.
L’avocat de Dupuy, M e Serge Lamontagne, fera part au juge de sa suggestion de sentence le
17 décembre.
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