1 – GENESE Si l`on avait consacré aux recherches en biologie
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1 – GENESE Si l`on avait consacré aux recherches en biologie
1 – GENESE Si l’on avait consacré aux recherches en biologie toutes les sommes consacrées aux budgets militaires de tous les pays, la question de l’immortalité ou au moins de la jouvence éternelle serait déjà réglée. Jean Rostand (biologiste et académicien français : 18941977) 02 NOVEMBRE 2021 AUVERGNE Un brouillard à couper au couteau, Victor peste contre ce temps de merde. Il a de plus en plus de mal à conduire la nuit, alors avec le brouillard ! Ce soir il s’est attardé sur la tombe de Simone, une « brave femme qui savait bien tenir la maison ». Soixante ans de vie commune, un seul reproche qu’il pouvait lui faire : ne pas lui avoir donné d’enfants. Pourtant ils avaient bien essayé pendant de longues années. Il y avait eu ce médecin, un abruti, qui avait émis l’idée que le problème pouvait venir de lui. Des examens à la « con » lui avaient été prescrits, tous refusés, lui un homme, un vrai, un baroudeur ne pouvait être suspecté d’infertilité. Alors Simone avait laissé tomber. Quelques jours avant sa mort elle l’avait traité de vieux schnock, regrettait presque sa vie de femme au foyer, à l’attendre, lui ou un appel du ministère, annonçant qu’il était mort au service de la France. Des amies, elle en avait, des dames patronnesses, avec qui elle faisait le catéchisme et prenait le thé en causant du nouveau curé ou de ces jeunes qui se mettaient en couple sans se marier. À la fin de son existence, la Simone, elle parlait d’elles en « pétasses de bénitiers », elle s’imaginait d’autres vies. Un matin, elle ne s’était pas réveillée et il était resté seul comme un crétin. Depuis, tous les jeudis, il prenait sa voiture et faisait la vingtaine de kilomètres qui le séparaient du cimetière. Planté devant la tombe, il racontait sa vie, du moins ce qui en restait. Une vie de vieil ours solitaire dans une maison perdue près des bois. Une ancienne ferme qu’il avait retapée, à l’écart de tout. Il faut dire que le Victor était méfiant. Probablement à cause de quelques anciennes relations mal intentionnées, qu’il avait côtoyées une fois à la retraite. Après une vie particulièrement aventureuse au service du pays, il était incapable de raccrocher et avait participé à quelques coups tordus. Maintenant, à 87 ans, il ne pouvait plus jouer au pépé flingueur, rhumatismes, arthrose, et cette saloperie qui le bouffait. Il était allé voir le médecin général des armées, un militaire comme lui, du sérieux, pas comme ces quelques civils de la campagne. La vérité maintenait, il la connaissait : la machine se déglinguait. La mort, il lui avait souvent échappé, mais aujourd’hui elle était au rendez-vous ; quelques semaines, un mois ou deux, et hop dans la tombe avec Simone ! Arrivé à son havre de solitude, une funeste impression s’empare de lui : «La fin, si c’était maintenant ?» Sa vision se trouble, il perd l’équilibre, à la force de lâcher une injure et de décrocher le téléphone, puis sombre dans le néant. 18 NOVEMBRE 2021 DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES (dans une salle plongée dans la pénombre). Sur un écran défilent film et photos mettant en scène Victor ; une voix commente les images : - Libération de Paris, le gamin qui tient en respect, avec un fusil d’assaut trois soldats allemands, après en avoir abattu un ; son nom : Victor Coustillac. - West Point, un alignement d’élèves en uniforme gris et casquette. Parmi eux, un jeune homme, tête nue, porte un treillis. C’est un étudiant de l’école spéciale militaire de St Cyr, en formation aux USA ; son nom : Victor Coustillac. - 1956 : affaire de Suez. Les paras français et britanniques sautent sur le canal. Victor commande une unité. - 1957 : bataille d’Alger. Particulièrement doué pour les langues, Coustillac a appris l’arabe, y compris un dialecte local. Il ne participe pas directement aux tortures, mais est infiltré parmi les rebelles. Les renseignements qu’il a obtenus s’avérèrent essentiels. - 1959 : Coustillac intègre le service action du SDCE devenu la DGSE EN 1982. - 1964 : Intervention française au Gabon. - 1968 : Sahara, massif du Tibesti. Suivent plusieurs opérations où Victor joue un rôle essentiel. On le retrouve au Moyen-Orient, puis en URSS sur les bords de la mer Noire, en Roumanie du temps de Ceausescu, en exYougoslavie... Le commentateur insiste sur les compétences linguistiques et les capacités physiques de « Celui qui termina sa carrière officielle avec le grade de colonel, après avoir rendu d’inestimables services à la France ». La suite, c’est une retraite particulièrement active, durant laquelle il baigne dans des affaires officieuses, généralement lucratives pour lui et ses commanditaires. Le commentateur souligne avec force que : « Retraité, Victor Coustillac a toujours œuvré pour le bien de la République française ». Dans la salle des voix approuvent et insistent sur une nécessaire « très grande discrétion ». Ce sont maintenant d’autres images de Victor qui apparaissent sur l’écran, avec un charabia scientifique destiné à montrer à l’assistance, les qualités « physiques et intellectuelles, tout à fait exceptionnelles, de l’ex-agent secret ». Défile ensuite tout un bestiaire : veau, vache, cochon, mouton… Le commentateur égraine des dates : 1903 apparition du mot clone, 1952 clonage de grenouilles, 1996 naissance de Dolly premier mammifère cloné, 1998 Marguerite première vache française clonée. Suivent un chat et des cochons : « animal proche de l’homme », remarque qui entraîne des ricanements dans l’assistance. Un lourd silence se fait avec la suite de l’exposé qui accompagne le film : «Depuis 1979, première tentative de clonage humain, des progrès considérables ont été réalisés. En 2002, la secte des raëliens annonce la naissance d’Ève, premier bébé cloné». Le silence se fait dans la salle. L’exposé porte maintenant sur la santé de Victor. Le super agent secret retraité est dans le coma, ses organes, à l’exception du cerveau, sont en très mauvais état, aucun espoir de survie. L’assistance visionne maintenant un étrange laboratoire, où des êtres vêtus de scaphandres blancs circulent avec de curieux ustensiles. Au bout de quelques minutes un spectateur se lève et d’une voix forte et indignée : «Il y a une loi bioéthique en France. Je ne saurais approuver une expérience sur l’homme ! Et il me semble que votre Victor Coustillac n’a pas été informé de vos intentions !» Une personne s’approche du houspilleur : «Monsieur le Ministre, nous pouvons être en direct avec le laboratoire, si vous voulez bien me suivre, vous pourrez donner vos instructions aux chercheurs». Le ministre, puisque ministre il y a, se trouve maintenant en liaison avec une forme en scaphandre, appelée «Professeur». Il est question de la mort imminente du colonel Coustillac, de son cerveau et de ses gênes exceptionnels : - Une grande perte pour l’humanité, pour la France, Monsieur le Ministre. - Professeur, si nous vous avons fait venir, ce n’est pas pour cloner des êtres humains, mais pour améliorer la santé de nos semblables. - Et votre longévité, Monsieur le Ministre. - Là n’est pas la question, il y a des lois et je ne saurais accepter leur transgression. - Mais personne n’a parlé de clonage de l’individu que vous appelez Victor. Il s’agit seulement de travailler sur ses cellules qui sont extrêmement endommagées. Nous pouvons lui éviter de grandes souffrances et peut-être la mort. Imaginez les répercussions bienfaisantes, sans oublier les heureux impacts économiques et financiers pour la France. - Si c’est pour le pays, et le bien de ce héros chevalier de la Légion d’honneur, bon alors faites. Je compte sur votre éthique professeur, et bien sûr de la discrétion, de la discrétion. Ah ! j’oubliais : je ne suis au courant de rien, absolument de rien. Le ministre se tourne vers l’individu qui l’accompagne et répète ses paroles. 28 MARS 2022 UN INSTITUT DE RECHERCHE DES ARMES APPELÉ ZONE 31 Une épaisse vapeur rose imprègne ce qui doit être un vaste laboratoire. Sur un promontoire, tourne en trois dimensions l’image d’une jeune femme. - Tu es géniale Gaby, tu l’as remarquablement rajeunie. Je n’aurais jamais pensé qu’elle fût aussi belle. - Heu, c’est-à-dire que, elle est toujours en hibernation. - La milliardaire est toujours dans le caisson de cryogénisation ? - Affirmatif, on n’y a pas touché. - Quoi ? Mais qui est-ce ? - Un homme ! - Un quoi ? - Oui un mâle, un guerrier, un dur, un costaud. Le professeur a voulu mener une expérience de régénération des cellules de ce qui avait été un beau spécimen. - Avec les résultats de ses recherches sur les batraciens ? - Voilà, mais arriver à transformer un vieux en fin de vie, impossible ! - C’est ce que le professeur croyait, du moins au début, jusqu’à ce que les cellules prélevées et régénérées, pour fabriquer de nouveaux tissus, se soient multipliées à une vitesse folle. - Et alors vous avez eu des organes tout neufs à greffer à ce vieux. - Mieux que ça : dès qu’on les a implantés, le bonhomme a commencé à se transformer. C’était inattendu, incompréhensible, mais tellement merveilleux, nous étions en train de rajeunir un vieillard ! - Oui, mais enfin Gaby, c’est une femme qu’il y a là. - C’est le deuxième mystère Liliane, on n’y comprend rien ! - Comment ça : pas compris, bon, c’est une blague, tu me fais marcher ! - Mais non, je ne plaisante pas ! - Enfin Gaby, que s’est-il passé ? - Je ne sais pas, j’ai suivi les instructions du professeur et sans le vouloir nous avons réussi un miracle. On a obtenu quelque chose d’exceptionnel, d’inimaginable. C’est une grande avancée pour l’humanité. - Sauf que c’est une fille Gaby, une fille, un mâle transformé en femelle ! Tu te rends compte ? - Mais de quoi ? Terminées la vieillesse, les maladies, peutêtre la promesse de l’éternité ! - Certains te diront que l’éternel c’est Dieu. Ils rappelleront l’histoire du déluge, de la tour de Babel, et patati et patata. Mais ce n’est pas le plus grave, le plus affreux, le plus inadmissible, le pire pour eux, c’est ce que tu as sous les yeux ! - Mais enfin de quoi tu parles ? - La fille, dont tu vois l’hologramme, si maintenant elle est vivante, elle sera pour quelques fanatiques une abomination : «Un homme transformé en femme !» - Elle est bien vivante, il suffira de la sortir de son sommeil profond. Un silence d’interrogations s’installe, jusqu’à l’arrivée d’un troisième scaphandre qui s’extasie devant : «un chef d’œuvre scientifique et artistique !» - Si je peux me permettre professeur, nous avions un homme, et nous voilà avec une femme, fait remarquer Liliane. - C’est l’avenir que vous avez devant vos yeux : notre sœur éternelle. - Que voulez-vous dire par là ? - La fontaine de jouvence, elle est féminine, la preuve est faite ! s’exclame le professeur. - Je suppose que vous allez annoncer aux militaires, et bien sûr au ministre, que vous avez transformé un homme en femme ? - Non, non, du moins pas de suite, il va falloir préparer les esprits à la féminisation de l’humanité. - Vous êtes certain que l’on ne peut pas lui redonner sa virilité ? demande Gaby. Aucune réponse ne vient, sinon un ordre : - Préparez le transfert à son domicile, dans une discrétion absolue s’entend ! Il se réveillera dans son lit et vous le faites observer par le drone. L’étude du comportement est désormais fondamentale. 1 AVRIL 2022 AUVERGNE Un rayon de soleil s’insinue entre les volets et titille les paupières du dormeur, qui s’étire sous la couette. Une agréable sensation de fraîcheur, de bien-être, voilà fort longtemps que Victor n’avait ressenti une telle forme. Il saute du lit, fonce vers la salle de bain et se fige devant la glace. Une nana le regarde bouche bée, yeux écarquillés. Il se retourne aussi sec «Que fait donc cette gonzesse chez moi ?», suit une série de jurons «…». Personne, la nana a disparu. Non, elle est là dans le miroir, toujours bouche entrouverte, elle lève ses mains, les regarde. Victor se penche sur les siennes, les tourne, les retourne, tapote ses joues, touche son torse, fixe la gonzesse du miroir. «Nom de Dieu, de p… de m… !» La nana, la gonzesse, la fille c’est lui ! Il (elle) recule d’un pas, reste figé devant la glace, balbutie un fatras de mots, plus ou moins compréhensibles, avec pour conclusion : «Une gonzesse, je rêve d’être une gonzesse !» En titubant, il retrouve son lit et le sommeil. Une bonne heure plus tard, il s’étire à nouveau, et à moitié endormi, ouvre fenêtre et volets. Un parfum de jonquilles embaume un air printanier et les arbres reprennent leur couleur verte. «Bon Dieu de m…, je me couche à l’automne et me réveille au printemps». Il contemple ses mains, des mains délicates qu’il passe sur son visage. L’armoire à glace de sa chambre confirme son impression : une peau sans défauts et des yeux à faire frémir un régiment. Il hurle devant le reflet d’une beauté d’une vingtaine d’années. «Qui es-tu nom de Dieu de p… de m… ?» Un nom résonne dans sa tête : «Victorine, je suis toi Victor, mais au féminin et surtout beaucoup plus jeune !». Quelques secondes de silence, puis la voix intérieure reprend : «Cette pauvre Simone, tu lui en as fait voir, ta partie mâle l’a vraiment fait chier». Après une brève colère mêlée de remords, il arrache son haut de pyjama. Le dictionnaire de jurons ne suffit plus pour décrire son ahurissement à la vue de la poitrine découverte. Le torse nu, il reste planté, le regard figé par la perfection de la plastique de la femme qu’il est devenu. S’ensuit un examen complet de son anatomie. Virilité dont il était si fier, quoique défraîchie par le poids des ans, disparue. À l’inverse, une délicatesse féminine, un corps qui pourrait être tiré d’un tableau de la renaissance, une œuvre d’art. Il regarde son lit, sort de sa chambre et se plante devant la porte de sa baraque. La fraîcheur matinale est bien réelle, «Je ne rêve pas, ou alors je suis mort et le paradis existe, mais me transformer en nana, seigneur tout de même !». En tout cas il (ou elle) a une grande faim, et après un petit déjeuner pantagruélique, il se dirige vers la salle de bains. Sous la douche, Victor s’extasie de ce nouveau corps et jouit de l’eau tiède qui ruisselle sur sa peau. Après de longues minutes, il sort de la cabine, s’éternise devant le miroir, prend des poses, se coiffe, cherche une crème de soin du visage et se rabat sur la seule disponible : un baume après-rasage. Le bruit du vol d’un insecte attire son attention. Une grosse mouche, du moins elle en a l’apparence, passe au- dessus de sa tête et se pose sur une étagère. La bestiole semble l’observer. Une mouche de la taille d’une guêpe, ce n’est pas exceptionnel, mais c’est rare. Victor-Victorine, sort de la salle de bains, avec en tête de chercher de quoi faire disparaître l’insecte. Curieusement la mouche suit, puis paraît s’amuser de la tapette, que Victorine, puisqu’il faut bien finir par l’appeler ainsi, brandit et secoue dans tous les sens. L’insecte semble s’amuser de ce qui est devenu un jeu. L’arme anti mouche est agitée de plus en plus vite. La bestiole, loin de s’alarmer, esquive chaque coup et provoque son adversaire par des approches répétées. Victorine n’agite plus maintenant la tapette, elle regarde cette bestiole qui la nargue, installée sur le dossier d’une chaise, avant de reprendre son vol et disparaître. En cette fin de matinée, assise sur le pas de la porte, elle admire songeuse, les couleurs printanières de la forêt. Le survêtement de Victor, qu’elle a revêtu, est un peu ample, mais sans exagération. Jeune, il n’était pas très grand, tout en étant particulièrement vigoureux et agile. Adolescent il avait décidé qu’il serait officier et le goût de l’aventure l’amena à s’engager dans les forces dites spéciales, avant d’intégrer les services encore plus spéciaux de la République. Avec une aptitude certaine pour les langues, il avait bourlingué à travers le monde. Autrefois, c’est-à-dire à peine deux ans, il enfilait le survêtement que porte maintenant Victorine et allait courir sur les chemins forestiers. Elle regarde le sentier qui s’enfonce entre chênes et châtaigniers, chausse ses vieux baskets, à peine trop grands, et s’élance. Les foulées, d’abord lentes et précautionneuses, s’allongent et deviennent de plus en plus rapides. Une griserie s’empare d’elle, jamais Victor, dans son jeune âge, n’avait été aussi rapide. Elle s’enfonce dans le sousbois sans ralentir l’allure, évite branchages et souches avec une remarquable vélocité. Au bout d’un long moment, elle s’arrête, non pas à cause d’un essoufflement, mais par interrogation. Jeune il était un sportif accompli avec une grande endurance, mais elle Victorine, le surpasse très nettement. Le léger bourdonnement d’un insecte attire son attention. La mouche qu’elle pourchassait, il y a maintenant plus d’une heure, lui tourne autour, du moins elle se plaît à penser qu’il s’agit du même insecte. «Peut-être bien qu’au paradis, les mouches sont de bonnes amies de l’homme ?». Sur cette réflexion elle hausse les épaules et prend le chemin du retour. *** Sur le lit de sa chambre, elle a étalé les vieilles photos du mariage de Victor. Les souvenirs se bousculent dans sa tête et génèrent une question qui devient lancinante : «Mais où es-tu Simone ? Si je suis au paradis, tu devrais être là, ou alors ici c’est le purgatoire ?» Un trait de génie traverse son esprit : «Dans l’au-delà, il n’y a sûrement pas la télé». La réponse lui paraît évidente : une série américaine interminable sur une chaîne, la publicité pour des produits amincissants sur une autre, tout est l’avenant. Elle se dirige vers le garage et monte dans sa vieille traction. Pendant la vingtaine de kilomètres qui la sépare du cimetière, elle s’interroge, mais aucune explication ne vient. La tombe de Simone était régulièrement fleurie ; une à deux fois par semaine, il rendait visite à sa défunte, s’asseyait sur le rebord du caveau et lui parlait. Bien sûr, elle lui répondait, du moins s’efforçait-il de l’imaginer. C’était toujours la même rengaine : des histoires du passé, la météo, et la maison qu’il entretenait le mieux qu’il pouvait. Aujourd’hui, c’était autre chose, il avait à raconter une aventure extraordinaire, à moins qu’elle ne le sache déjà. Peut-être que depuis là-haut, elle pourra l’éclairer, le conseiller. Durant un très long moment, des promeneurs, s’il y en avait, assisteraient à l’étrange discussion entre une vivante, qui se prenait pour un homme, et une morte. Victorine fait les demandes et les réponses, à moins que ces dernières soient suggérées par l’esprit de la défunte. - Ah ma Simone, si tu savais, si tu savais. Quelle histoire, mais quelle histoire ! Bien sûr, tu ne me reconnais pas, c’est moi Victor, ton Victor. - Eh ben dis donc, la drôlesse, tu te prends pour mon vieux débris de mari. Si le Bon Dieu ne me disait pas qu’il n’y a point mensonge, je te prendrais pour une folle. Donc te voilà transformé en fille !