Quelles nouvelles de la Justice en Italie
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Quelles nouvelles de la Justice en Italie
Quelles nouvelles de la Justice en Italie ? Entretien avec Cristina MARZAGALLI, membre du bureau exécutif de l’Association Nationale des Magistrats et juge à Varese, en région de Lombardie tion d’opposition et de méfiance envers le pouvoir judiciaire, ce qui influence négativement l’opinion publique à l’égard des magistrats. Quel est le nombre de juges et de procureurs en Italie ? L e nombre de juges et de procureurs est prévu par un règlement administratif adopté par le Ministre de la Justice. Il a été fixé en 2010 à 10 151. Mais actuellement les magistrats italiens en fonction sont 9 188, dont 6 425 juges et 2 166 procureurs. Le principe est l’unité du corps. Combien d’associations professionnelles de juges et procureurs existe-t-il ? Il existe une seule association de magistrats depuis 1909. L’Association Nationale des Magistrats est une organisation privée non lucrative. L’Association n’a aucune subvention, ni publique, ni privée. Elle est financée uniquement par les cotisations des membres. 90% environ des magistrats italiens sont membres de l’Association. C’est une situation historiquement consolidée. Quelles sont les difficultés rencontrées par les magistrats italiens ? Les deux problèmes principaux sont : • un manque chronique de ressources, dû à un choix du Gouvernement, qui détermine le mauvais fonctionnement général du système judiciaire ; • le nombre excessif d’affaires, remarqué par le rapport de la CEPEJ, qui est devenu accablant. La justice est trop souvent saisie et le nombre d’affaires nouvelles est bien supérieur au nombre d’affaires sortantes. L’Italie a un très grand nombre d’avocats, le plus important d’Europe. Des réformes ont été adoptées il y a deux ans pour limiter les saisines en matière civile mais leur efficacité n’est pas encore démontrée (obligation de médiation préalable dans certaines matières, parfois à peine d’irrecevabilité de la demande). De plus, le pouvoir exécutif et le monde de la politique en général ont une posi- Au cours de l’année 2015, des réformes négatives ont été adoptées concernant le statut des magistrats. Le 19 mars 2015 est entrée en vigueur la loi n.18 qui intensifie la responsabilité civile des magistrats. L’Association s’était fermement opposée à ce projet de loi qui prévoyait notamment la possibilité de traduire directement les juges en justice. La loi a été adoptée, mais sans cette dernière disposition et avec diverses améliorations, grâce à l’intervention de l’Association. À partir de l’année 2015, le Parlement a également réduit les jours de vacances des juges : de 45 jours à 30 jours. L’Association a déposé un recours devant le Tribunal administratif, mais la demande a été rejetée. Quelle est l’actualité pour la magistrature italienne ? Le Gouvernement a annoncé vouloir réformer le système disciplinaire, en attribuant la compétence décisionnelle en matière disciplinaire à un nouvel organisme. On débat de la composition de cet organisme. Actuellement, les violations disciplinaires sont prévues par la loi n.109 de 2006. L’action disciplinaire contre les magistrats est exercée par les Procureurs généraux de la Cour de Cassation et par le Ministre de la Justice. le nouveau pouvoir judiciaire - septembre 2015 - n°412 19 Quelles nouvelles de la Justice en Italie ? Le jugement est rendu par le Conseil supérieur de la magistrature et le magistrat peut présenter un recours devant la Cour de Cassation. Les règles et les garanties du jugement disciplinaire - qui a une nature juridictionnelle - sont celles établies par le Code de procédure pénale. Notre Association a répondu que ce n’était pas le problème des magistrats, lesquels doivent appliquer la loi y compris en matière de protection de l’environnement et de pollution, et que si la loi devait être modifiée, cela relèverait du pouvoir politique et non de la responsabilité des magistrats. À ce stade, le projet serait de créer une section spéciale au sein du Conseil supérieur de la magistrature, qui s’occuperait exclusivement du disciplinaire. Cette solution serait préférable à la création d’un nouvel organisme. L’autre sujet d’actualité concerne le rapport entre droit et économie. On se demande s’il est possible de concilier certains droits, notamment la santé et le travail, avec les difficultés de la société en crise économique. Le problème s’est posé surtout à la suite de la saisie de deux importantes usines très polluantes. Il a été reproché aux magistrats de vivre coupés des réalités économiques du pays car cette décision entraînait la mise au chômage de nombreux salariés. L'Italie alloue un budget de 8 milliards d'euros à la Justice, chiffre similaire à celui de la France. Elle y consacre 1,5% de ses dépenses publiques annuelles, la France y consacrant 1,9%, tandis que la moyenne européenne est de 2,2%. L'Italie occupe ainsi la 31e place sur 43, la France étant à la 24e place. L'Italie attribue 56,9% de son budget Justice au système judiciaire, contre 49,6% en France, avec une moyenne européenne de 49,2%. L'Italie compte 1 231 tribunaux de première instance de droit commun contre 778 en France. Néanmoins, une réforme de la carte judiciaire a été engagée en 2013. On dénombre 10,6 juges pour 100 000 habitants (10,7 en France), tandis que la moyenne européenne est de 20,92 juges pour 100 000 habitants. Pour les procureurs, il y a 3,2 procureurs pour 100 000 habitants (2,9 en France), avec une moyenne européenne de 11,8 procureurs pour 100 000 habitants. 20 le nouveau pouvoir judiciaire - septembre 2015 - n°412 Cristina MARZAGALLI L'USM RENCONTRE LES JAP ITALIENS L'USM a été invitée au congrès de la COMANS (association italienne des juges de surveillance), qui se déroulait du 18 au 20 septembre à Messine, Sicile. Des magistrats, avocats, professeurs et chercheurs italiens, espagnols et portugais étaient présents pour réfléchir au sens de la peine et au rôle du juge. Céline Parisot, secrétaire générale, a présenté lors d'une table ronde l'histoire et les fonctions du JAP en France. Sous la pression de la jurisprudence de la CEDH, l'Italie est parvenue à diminuer rapidement sa population carcérale grâce à des aménagements de peines et à une modification des peines encourues pour certaines infractions. Au cours des débats, il est apparu que de nombreux progrès restaient à faire pour permettre au juge de surveillance de donner un sens à l'exécution de la peine, les moyens juridiques et financiers étant insuffisants. Les pouvoirs des 2 166 procureurs italiens sont moins étendus qu'en France (notamment, ils ne procèdent pas à des classements sans suite, ne clôturent pas une enquête par une sanction imposée ou négociée, ni ne proposent de peine aux juges). Les procureurs italiens traitent 3,4 millions de procédures par an, contre 5,2 millions en France. On compte 24 163 personnels non juges travaillant dans les tribunaux italiens (21 758 en France). Cela représente 40,5 personnels non juges par habitants (33,2 en France), la moyenne européenne étant de 65,8 personnels non juges pour 100 000 habitants. En revanche, différence de taille, 379 avocats pour 100 000 habitants exercent en Italie, seulement 85 en France (la moyenne européenne se situant à 161). Données issues du rapport 2014 de la CEPEJ (Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice)