LA VALLÉE DU DOURO VERS UN NOUVEAU VIRAGE

Vignobles du monde
La petite ville de Pinhão vue depuis Quinta do Porto
Par Janine Saine
Texte et photos
VINS & VIGNOBLES OCTOBRE NOVEMBRE 2011
LA VALLÉE DU DOURO
VERS UN NOUVEAU VIRAGE
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Rien au monde ne ressemble à ce paysage viticole qui
s'étale sur les versants de ce fleuve mythique qu'est le Douro.
Dès l'Espagne il afflue et file silencieusement le long de ses
927 km jusqu'à Porto pour se déverser dans l'Atlantique.
D
ans cette vallée encaissée aux élévations étroites et pentues,
souvent inaccessibles et pour la plupart serpentées de terrasses
(patamares), plus de 30 000 vignerons se partagent 43 000
hectares de vignes. On peut facilement en déduire que plusieurs d'entres
eux ne possèdent qu'un seul hectare. Dans un tel cas, ils n'ont pas le choix
de vendre la récolte à des négociants de Porto, très conscients que la
transaction sera fort mal rémunérée.
Depuis le XVIIe siècle, date mémorable où le vin du Douro a été fortifié
par l'ajout de brandy, on ne peut passer outre à la présence et l'influence
des Anglais qui encouragèrent les Portugais à délaisser l'industrie du
textile pour développer celle du vin de Porto en convertissant ces terrasses
de patates et de choux en vignobles performants. Grâce à leur savoirfaire dans l'élaboration de ce produit unique qu'est devenu le porto, les
producteurs ont rapidement connu un succès international qui a perduré
presque deux siècles. Mais depuis la dernière décennie, l'engouement des
vinophiles s'est porté vers les vins secs versus les vins mutés (et donc doux).
Pendant que les quotas de la production de Porto passent de 110 000
tonneaux à 85 000 tonneaux de 550 L en 2011, on s'oriente de plus en
plus dans le Douro vers les vins secs élaborés avec les mêmes cépages
autochtones utilisés pour les portos. Moins coûteux et plus faciles à
produire, ils comblent de plus en plus la demande, voire le prêt à boire.
Quant au porto, Il n'y a pas que la baisse de la consommation mondiale
qui semble l'affecter, mais également s'y ajoutent les effets d'une économie
interne faible qui fragilise le Portugal depuis son entrée dans l'Union
Européeenne. Ce dernier élément a eu pour effet d'augmenter le niveau
de vie, sans pour autant rehausser les salaires ou réussir à diminuer le
chômage.
Conséquence : les jeunes désertent les campagnes, donc la main d'œuvre
est difficile à trouver, et les consommateurs lorgnent plutôt les vins secs où
les taux d'alcool et de sucre résiduel sont moindres.
Pendant que certains producteurs du Douro tendent d'augmenter leur
production de vins secs en diminuant celle des vins mutés, Porto, haut
lieu du négoce vise de nouveaux marchés. Les pays émergeants comme
la Chine, la Russie, l'Europe de l'Est et l'Inde sont déjà bien ciblés pour
écouler les joyaux de cette forteresse inégalée.
Au pays du Fado, même si la donne vinicole dans le Douro semble prendre
un nouveau virage, le porto restera toujours un vin unique tant au niveau
de la culture de ses cépages autochtones, de son processus d'élaboration
que de son goût d'exception.
Lors d'un récent voyage, nous avons rencontré différents producteurs qui
nous ont fait part de leur vision présente et future.
QUINTA DO INFANTADO
Loin d'être conventionnelle, cette propriété familiale dirigée par João
Roseiro et sa sœur Catherine (7e génération) s'est érigée en pionnière dès
1979 par la mise en bouteilles du porto au domaine. Plutôt allergique aux
marques de pointage balancées par les Parker ou Wine Spectator, ici on
ne cherche pas les étoiles mais on travaille plutôt à cultiver l'authenticité.
Petit détail mais important, très peu de pesticides, 10 % du vignoble en
biologique, jamais d'enzymes ou de levures ajoutés dans les vins. On
élabore des vins naturels d'après la recette du grand père. Des raisins issus
de vignobles enlignés à la verticale ou à l'horizontale, contribuent à la
production de 70 % de porto et 30 % de vins secs.
RAMOS PINTO
Vingt minutes interminables sur un chemin de pierres nous mènent au
creux de la vallée à Valença do Douro; cela en vallait la peine pour avoir
l'ultime plaisir de bavarder avec João Nicolau de Almeida, œnologue en
chef et directeur général de Ramos Pinto. Facilement identifiable par ses
étiquettes d'époque artistiquement colorées, cette maison fondée en 1880
Nous y avons dégusté Duas Quintas Ramos Pinto 2010 (17,25 $ 10668514), vin blanc sec aux arômes d'orange, frais et d'une agréable
acidité.
Duas Quintas 2009 (16,95 $ - 10237458) : rouge sec aux notes de
violette, olive et petits fruits noirs avec une touche épicée. Facile à boire.
On l'aime !
Porto Blanc Lagrima (19,95 $ - 338632) : robe dorée, complexe au
nez et en bouche avec notes de fruits confits. Finale onctueuse et sucrée.
LBV 2005 (26,20 $ - 743187) : riche de fruits noirs, tanins persistants
et épicés. Profond et séduisant !
Quinta da Ervamoira Tawny 10 ans (41 $ - 133751) : encore jeune
sur des notes de fruits confits, noix, abricot, date, iode. Un véritable dessert
en soi!
Quinta do Bom Retiro Tawny 20 ans (75,25 $ - 133769) : extra avec
son goût de noix, sucré mais aussi iodé. Le fruit est présent sur des tanins
souples et confits.
DOURO BOYS
Phénomène quelque peu inusité, où il y a de cela cinq ans, cinq
propriétaires de quintas ont décidé d'unir leur force et leur talent pour
défendre leurs produits sur un marché international des plus compétitifs :
Quinta Do Vale Meao, Quinta Do Crasto, Quinta Do Vale Dona Maria,
Quinta Do Vallado et Niepoort y sont regroupés. Chez Niepoort où
De gauche à droite : Manuel Lobo (Quinta do Crasto), Luisa Olazabal (Quinta Vale de Meão), Luis
Seabra (Niepoort), Francisco Cabral (Vallado)
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Quinta do Infantado 2009 (19,85 $ - 10371761) : vin sec où prune et
cerise noire dominent. Notes de violette et d'épices. Frais et bien équilibré.
2008 Reserva (39 $ -10839045) : millésime non acidifié d'où arômes
de fruits noirs, bien structuré et équilibré, finale concentrée et potentiel
de garde.
Porto Blanc (16,30 $ - 884437) : couleur dorée, fraîcheur notable et
finale confite complexe et ronde.
Melo-Seco Ruby (14,90 $ - 612325) : effluves et saveurs de cerise.
Floral, plus concentré et frais que le Ruby de base.
LBV 2007 (27,85 $ - 884361) : notes de violette, olive et thym. Élégance
et équilibre sur une finale remarquable.
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João Nicolau de Almeida, œnologue en chef et directeur général de Ramos Pinto
par son grand-père obtint un succès fou en exportant le Porto Adriano
au Brésil. Dès ses premiers voyages au Brésil, João est surnommée «Petit
Adriano» ! Puis dans les années 1950, cette quinta part à la conquête des
marchés de France, des USA et du Canada. Très réputée pour l'élégance
et l'authenticité du goût de ses portos, Ramos Pinto fut l'une parmi les
premières à élaborer du LBV. Mais depuis 1990 dans le coin de cette vallée
perdue, le vent a tourné, et la nouvelle génération se consacre de plus en
plus à la production de vins secs, plus faciles et moins coûteux à produire.
Selon João «le marché du porto n'a pas évolué depuis longtemps et ne
s'avère plus très rentable». Outre la production de portos, le reste des
raisins issus de la propriété servent à l'élaboration de plus de 650 000
bouteilles de vins secs.
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l'on a commencé la culture biologique en 2004, on élabore un million
de bouteilles de vins secs et plus de deux millions de vins de Porto.
L'œnologue Luis Seabra favorise le style bourguignon. Les vins sont
complexes, aromatiques, et surtout dotés de fraîcheur et marqués d'une
belle acidité.
Vertente 2008 (24,25 $ - 10371665) : élégant, au nez de cerise, léger
mais bien structuré, issu de vieilles vignes.
Battuta 2008 (81 $ - 10912071) : se rapproche presque d'un Ruby,
riche, velouté et équilibré. Excellent !
Niepoort Coheita 2001 (43 $ - 11260019) : vin de Porto issu d'une
seule récolte, frais, raffiné puissant et élégant.
Quinta do Vallado 2009 (16,75 $ - 10540289) : vin rouge sec, riche
et assez consistant, très sapide en bouche.
Quinta Do Vallado Reserva 2008 (38,75 $ - 10540271) : belle
complexité tant au nez qu'en bouche, fruits concentrés et tanins bien
intégrés.
Quinta Do Castro est mené par l'œnologue Jorge Roquette qui a travaillé
en Australie. Sur 250 hectares, on produit plus d'un million de bouteilles.
Flor de Castro 2009 (14,15 $ - 10838579) : aromatique et netteté du
fruit rouge, fraîcheur et tanins souples.
Castro Douro 2009 (18,70 $ - 10486921) : volumineux, concentré,
puissant mais pureté du fruit. Beau potentiel.
Quinta do Castro 2008 (36,50 $ - 904383) : notes de cerises et de
prunes, complexité et fraîcheur. Étonnant pour une région chaude.
José Manso
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Warre's, Smith Woodhouse, de vins du Douro et de vins de Madère.
«Aujourd'hui, même si tout est mécanisé, confie Rupert, les conditions
demeurent extrêmes et les coûts de la main d'œuvre augmentent. Depuis
2000, notre société a commencé à considérer plus sérieusement la
production de vins secs. Le problème, c'est qu'on ne peut pas élaborer
des vins secs dans un chai de porto. Tout doit être repensé. Par exemple,
à Quinta do Vesuvio, la production des vins secs rapportent plus que celle
du porto.»
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Altano 2009 (16,95 $ - 11157097) : un vin bio aromatique et
savoureux de fruits concentrés. Souplesse.
Prazo di Roriz 2008 (20,15 $ - 10688208) : rouge élégant, équilibré,
souple.
Post Scriptum de Chryseia 2009 (27,95 $ - 10838780) : nez boisé,
bouche intense et nette, finale puissante et épicée.
Graham Six Grapes Vintage Character (22,95 $ - 208405) : porto
moderne au fruité élégant et complexe, finale souple.
QUINTA DE S. LUIZ
Rupert Symington
SYMINGTON
Issu de la quatorzième génération de la famille Symington, Rupert nous
invite à faire le tour de son jardin au cœur de la Quinta do Bomfim dans le
village de Pinhão. Négociant à Porto depuis 1820, cette famille d'origine
écossaise exploite aujourd'hui plus de 25 quintas totalisant plus de 940
hectares de vignes plantées. Symington est ainsi propriétaire de plusieurs
marques de portos dont Graham's, Dow's, Cockburn, Quinta do Vesusio,
Nous voici à 300 mètres d'altitude en présence de José Manso responsable
de la viticulture qui nous explique que le «Douro a bien changé depuis 10
ans, qu'il est de plus en plus vert mais que l'avenir est incertain à cause
de l'exode des jeunes.» Pour lui, le vin blanc représente le futur du Douro
parce que facilement adaptable à des assemblages. Représentant 10 % de
la production, les vins blancs et rouges Kopke dégustés offraient une belle
facture, structurés, aromatiques avec une touche minérale.
Kopke Tawny 30 ans ( 86,50 $ - 884213) : arômes briochés, et iodés.
Goût de noisette et de café. Belle fraîcheur en finale.
Calem Vintage 2000 (42,50 $ - 850412) : porto aux arômes de cerise
riche et dense. Finale veloutée et puissante.
Vignobles du monde
Vue de Porto depuis Vila Nova de Gaia
Offley LBV 2005 (20,95 $ - 483024) : excellent millésime.
Fruité délicatement boisé, coulant, sur des notes de cerise et sousbois. Finale nette, épicée et veloutée.
Sandeman Ruby (14,80 $ - 23366) : Plein fruit au nez, frais,
notes de noyaux de cerise, jeune et agréable.
Sandeman Vau Vintage (1,5 L 95 $ - 850784) : tel un ruby,
bouquet fumé, minéralité, tanins ronds.
On ne pouvait clore cette escapade portugaise sans déguster à Vila
Nova de Gaia face à Porto, la gamme des Taylor, Fonseca et Croft.
Voici ci-dessous nos préférés :
TAYLOR
Manuel Guedes, petit-fils du fondateur de Sogrape
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SOGRAPE
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Fondée en 1942, la société Sogrape est aujourd'hui présente dans huit
pays dont le Portugal, l'Espagne, l'Argentine, le Chili, les USA et la
Nouvelle-Zélande totalisant une vingtaine de marques dont la célèbre
Mateus semi doux (9,95 $ - 000166). D'après son code minime de
chiffres, c'est un vin qui a une longue feuille de route sur notre marché.
Toujours aussi pétillant, sucré et fruité. Plus de vingt millions de bouteilles
en production. Mais le Mateus Brut Rosé dégusté au Portugal est très
attrayant parce que plus sec. Relationniste de la société et petit-fils du
fondateur Sogrape, Manuel Guedes nous confie «qu'ils élaborent de plus
en plus de vins issus du Douro. Tout dépend de la quantité et de la qualité
de la vendange.»
Vila Regia Douro 2009 (10,10 $ - 464388) : rouge passe-partout aux
fruits rouges légers mais épicés. Belle teneur en vouche et facile à boire.
Sogrape Reserva Douro 2008 (19,95 $ - 11325741) : nez boisé,
de prune et cerise. Saveurs fermes mais élégamment concentrées. Tanins
souples et chaleureux.
Callabriga 2008 (19,75 $ - 10499773) : rouge du Douro, bien calibré,
avec notes de prune, torréfaction et cardamone sur une finale ronde.
Quinta da Leda 2008 (48 $ IP : 514 514 356-5222) : rouge bien
structuré au nez de violette. Riche de fruits et joufflu jusqu'en finale.
Encore jeune mais déjà magnifique.
Offley Cachucha Reserve Porto Blanc (19,20 $ - 582064) : notes
de noix, tangerine, fleur d'oranger, vieilli en fût de chêne, doux, rond. Foie
gras oblige !
Taylor Flagdate Old Tawny 30 ans (183,50 $ - 540252) : nez
iodé et sucré. Notes de noix et de moka, brioché et confit en finale
équilibrée. Délicieux.
Tawny 40 ans (239 $ - 540260) : notes d'acidité sur des notes
tertiaires, finale persistante. Summum.
Taylor Flagdate 2000 (74 $ - 708982) : robe foncée, fruits noirs
et épicés, notes de cerise et de mûre, intense mais souple en finale.
Scion Very Old Port (3 6355 $ - 11454121) : Exceptionnel
! Âgé de 155 ans. Notes de noix vieillies, biscuits au gingembre
avec pointe de caramel et tire éponge. Délicieux, rond et coulant.
Génial !
FONSECA
Fonseca Tawny 20 ans (68,50 $ - 318543) : nez de gingembre
et de fruits confits. Remarquable élégance et fraîcheur en bouche
qui nous fait oublier le sucre résiduel.
Fonseca 2000 (120,25 $ - 708990) : arômes de fruits épicée et
de torréfaction, bouche à la fois puissante et souple. Savoureux !
Fonseca 2007 (141 $ - 11220973) : jeune et complexe, notes de
griotte et d'anis, tanins présents et bien roulés. Exquis avec grand
potentiel de garde.
CROFT
Croft Quinta da Roeda 1997 (84 $ - 551242) :
extraordinairement encore sur une trame de fruit. Chaleureuses
notes de cacao et de cannelle, saveurs mûres et tanins veloutés.
Croft 2003 (127,50 $ - 10470997) : millésime chaud mais
encore jeune, souplesse et équilibre entre le fruit et le bois bien
intégré. Mémorable ! V&V