Marketing territorial : focus sur deux expériences

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Marketing territorial : focus sur deux expériences
Table ronde « Marketing territorial : focus sur deux expériences remarquables » Organisé en partenariat avec la Chaire « Attractivité et Nouveau Marketing Territorial » de Sciences Po Aix Présenté par Joël Gayet, Directeur de la Chaire Joël Gayet insiste sur le fait que certains points concernant l’Alsace sont remarquables, pas forcément l’attractivité. Même chose pour Barcelone. Cas n° 1 -­‐ La gouvernance et la stratégie de marque partagée de l’Alsace − Joël Gayet commence par présenter le contexte et les choix qui ont été faits par l'Alsace. 1. Établissement d’une stratégie d’attractivité par le Conseil Régional qui s’était réuni avec des partenaires, basé sur une vision transversale de l’attractivité. Il a fallu donc rassembler tous ceux qui pouvaient jouer sur l’attractivité. Depuis s’est ajoutée ligne la coopération décentralisée/action internationale qui est en général mise complètement à part dans les organisations : jumelages entre villes, ONG… Cela ouvre un champ puisqu'il arrive dans l’attractivité un secteur très éloigné, y compris dans la coopération décentralisée (ONG, aides directes des territoires…) 2. Comment démarche a-­‐t-­‐elle été menée : l’Alsace a essayé de suivre enseignements de la Bretagne. Il a été décidé de multiplier par quatre, cinq ou six, voire plus, la participation de l’ensemble des acteurs économiques à sa démarche. Le diagnostic a été fait en suivant ces étapes : a. Diagnostic d’attractivité ; b. Stratégie écrite d’attractivité ; c. Stratégie de marque ; d. Lancement. 4 200 entreprises ont été mobilisées pour faire ce diagnostic. Certains ont travaillé de façon opérationnelle. Une enquête sur tous les acteurs du territoire a été menée en utilisant le fichier de l’INSEE et de la Chambre de Commerce. 2 600 chefs d’entreprise ont répondu. Ctte démarche est importante pour des raisons de mobilisation, mais elle a surtout permis de collecter une somme d’informations d’une grande richesse. La somme investie par l’ensemble de la démarche : 100 000 € d’enquêtes de toutes sortes, toutes ciblées marketing, 100 000 € sur l’ensemble des outils de marques ; 100 000 € de coûts d’études d’honoraires, de consultants, divers… un travail énorme a été entrepris, des choses très originales telles que l’étude des marques qui communiquent en Alsace les unes après les autres. Des études des logos, des couleurs utilisées et qui ont permis d’identifier les deux seules couleurs utilisées, à savoir le rouge et le noir. Les messages ont été étudiés aussi. Ils ont aussi demandé aux chefs d’entreprises quelles seraient les valeurs de l’Alsace si elle était une personne. Ils ont majoritairement répondu « la qualité » (plus de 60 %), ce qui est énorme sur les valeurs. Les clients et visiteurs à qui on a posé la question ont répondu la même chose. Lionel Malard évoque la proximité de l’Allemagne. Joël Gayet montre ensuite un document non publié exprimant les 4 orientations et 20 actions-­‐clés. Pour comparer, Saint-­‐Etienne a fait 80 actions-­‐clés pour son attractivité. Ils ont beaucoup travaillé sur la vision, qui a été partagée avec des élus qui n’avaient pas de document projet de territoire. Six valeurs-­‐clés ont été dégagées, puis présentées aux élus qui ont travaillé sur les éléments de vision. La vision s’est construite autour de l’imagination et l’innovation. Valeurs de la marque portée ont été définies par couple de valeurs parce que cela correspond à l’identité alsacienne. Quatre couples de valeurs ont été construits, des couples de valeurs qui ont une importance considérable, qui vont impacter toute la stratégie. Alsace est le premier territoire de France à concevoir un écosystème de marques en faisant de sorte que 5 000 entreprises l’adoptent. Les marques les plus performantes dans le monde codifient par tout une série d’éléments (couleur, forme, personnages, musique…), mais pas par le logo. Concernant la marque Alsace, il a été décidé d’adopter un signe qui soit le plus petit et le plus simple possible pour qu’il puisse être utilisé et qu’il soit symbole. Cela fera un logo qui sera utilisable par qui le voudra bien. Il a été décidé ensuite de décliner un système qui soit réutilisable au possible, sans imposer la moindre charte graphique. Le signe « A cœur » qui rappelle beaucoup de choses de l’Alsace. Le cœur introduit un élément affectif, ce qui manque à l’image de l’Alsace. Ce logo pourra être utilisé à volonté, pourra être inséré n’importe où, il a été transformé en trade-­‐mark. La démarche a été pensée pour être très souple et simple, n’importe qui peut l’utiliser : sur une affiche, en remplacement des étoiles dans un hôtel… Aucune des entreprises pilotes du projet n’a refusé de l’utiliser. Pendant la démarche et alors que rien n’avait encore été créé, la stratégie a été présentée à 700 chefs d’entreprise qui avaient travaillé sur le projet. Il leur a été demandé s’ils voulaient être pilotes. 150 d’entre eux ont accepté. 60 ont été traités en individuel, et ont contribué à la création d’applications qui ont été insérées dans le code de marque futur. Ils étaient présents lors du lancement. Les témoignages ont été utilisés. C’est un concept décliné autour du concept d’Imagine Alsace, avec toutes sortes de déclinaisons (affaires, événementiel, études). Des couleurs sont privilégiées, le noir et rouge, surtout le noir parce que, hormis la Bretagne, aucune région française n’utilise le noir comme base. Les codes renvoyant à l’imagerie alsacienne sont utilisés. Des boîtes privées comme Alsthom ont réutilisé les oxymores. Des textes de boîtes privées alsaciennes ont été repris et modifiés de sorte à y intégrer les six valeurs de la marque Alsace. Ils l’ont fait pour les cafés SATI qui ont adopté les changements sans hésiter. Les vins d’Alsace ont récupéré le code de la marque. À ce jour, 2 000 entreprises ont signé une convention avec la marque Alsace et la portent. Lalique et d’autres ont commencé à intégrer la marque Alsace dans leur communication. Joël Gayet présente ensuite les huit motivations ressorties dans les enquêtes menées auprès des 150 entreprises pilotes. Il leur a demandé pourquoi ont-­‐ils accepté de porter la marque Alsace dans leur propre communication : moins de 10 % ont répondu que c’était pour prouver leur appartenance au territoire. Tous les autres chefs d’entreprise ont répondu que c’était parce qu’il y a création de valeurs. Les motivations sont différentes, mais tous les acteurs d’un territoire se fédèrent autour d’une marque de territoire. L’Alsace a montré cela de façon éclatante. Les chefs d’entreprise sont venus parce qu’ils ont été associés de façon importante, ensuite parce que le système est très personnalisable et adaptable par chaque entreprise et parce que la création de valeurs est précise. Ce n’est pas propre à l’Alsace : Michelin est rentré dans Auvergne Nouveau Monde parce qu’ils n’arrivaient pas à faire entrer les cadres américains à Clermont-­‐Ferrand. Ils sont entrés dans Auvergne Nouveau Monde pour des raisons de ressources humaines, pour attirer les talents (troisième motivation). Volvic avait une autre motivation, ce sont des raisons marketing, doter sa marque d’un supplément d’âme ou lui donner de la visibilité. D’autres y sont parce qu’ils ont eu le label d’excellence, destiné à moins de 500 entreprises qui ont un ISO 14001 et 9001 et qui ont un référentiel Alsace en plus. Label vise à présenter l’excellence de l’Alsace. Une autre façon de sélectionner l’excellence. Beaucoup de gens très motivés pour avoir ce label : il sera imprimé sur l’étiquette du produit et garantira l’excellence et la qualité du produit, qu’ils s’engagent dans la protection de l’environnement et que l’entreprise est citoyenne. Label lancé par une institution au départ publique, les entreprises sont très motivées au point d’exercer une grosse pression sur les élus pour diminuer les exigences pour l’obtenir. Ce label ne coûte rien à la collectivité, il est entièrement financé par les entreprises. Il a coûté au départ pour installer système et depuis il est rentable. Joël Gayet présente ensuite les 10 formes de mobilisation faites auprès des entreprises : elles sont partout, au départ, dans les informations, dans les enquêtes, dans la gouvernance qui est en train de se créer, dans les labels, les constructions, les ambassadeurs. L’Alsace est entrée dans une politique d’ambassadeurs très puissante : au départ ils étaient 300 000 dans les réseaux sociaux, ils sont aujourd’hui 1,8 million. Par ailleurs, ils ont lancé une politique d’ambassadeurs labellisée. C’est un très gros projet et ils ont rédigé un écosystème expliquant la stratégie de l’Alsace dans les 10 ans qui viennent. Les ambassadeurs sont au centre du système marketing. Les ambassadeurs servent de construction de contenu, ils font de l’action commerciale et du conseil personnalisé. Lionel Malard : l’ensemble de cette démarche est-­‐il duplicable à d’autres régions, est-­‐elle incontournable pour exister en termes d’attractivité ? La conclusion du livre « Place Marketing Trends », c’est qu’il n’y a pas de modèle. Lyon est partie d’un logo. Il y a des démarches parties du tourisme, d’autres de l’économique et vont sur des éléments globaux. Mais il y a des principes. L’idée de faire venir les entreprises était particulièrement intéressante : on voit comment la conception même de la marque a fait exploser les chiffres pour l’Alsace, qui pourtant a engagé le processus après la Bretagne, parce que le système même a été conçu pour cela. Ils ont identifié des motivations différentes entre les acteurs, et le système a été conçu pour répondre à cette attente. Si l’entreprise voit son intérêt, ils sont d’accord pour financer, l’argent n’est plus un problème. Voilà pourquoi le montage est très important. Gérald Buscemi (Biarritz) demande combien de temps a pris la démarche. La durée de la démarche a été d’un an et demi. Il a été planifié sur douze mois. C’est difficile, notamment à cause des marques, mais faisable de planifier sur douze mois. En effet, quand on veut faire venir les entreprises, un an c’est déjà très long. De plus, ils ont communiqué dès le début la stratégie de l’entreprise en la présentant comme des axes d’orientation. Cela permettait de faire gagner une réunion. La personne qui a piloté est un chef d’entreprise. C’était une élue régionale qui « était présidente du groupe Mars. Elle a 25 ans de stratégie de marque. Elle était très éloignée du public. Mais elle a pu faire le relais avec les élus et les chefs d’entreprise. Joël Gayet insiste sur le fait que les démarches peuvent varier d’un territoire à un autre, mais il y a des principes. Surtout, il faut prévoir à l’avance le futur écosystème. Cas n° 2 -­‐ L’écosystème de Barcelone autour du congrès du « Mobile World Capital » À l’origine c’était GSM géré par Cannes, jusqu’en 2007. Barcelone récupère ensuite le salon. En 2011, une petite révolution arrive. Une nouvelle consultation élargie avec plusieurs villes, Munich, Milan, Paris… En 2012, Barcelone devient le siège de la nouvelle World Mobile Capital mondiale et crée une entreprise elle-­‐même autour de GSM. World Mobile Capital est devenue ensuite une fondation. L’ancien organisateur propriétaire de ce colloque est dans la fondation aujourd’hui, avec des personnes de Barcelone. L’association actuelle est organisée avec des programmes autour du mobile ou développement par secteurs portant sur toutes les applications du mobile. Ils ont expliqué à l’avance à un appel d’offres de congrès qu’ils voulaient positionner Barcelone Capitale Mondiale des Technologies à travers Mobile World Capital. Ils ont proposé un congrès, un centre, un hub. Le hub est un point permanent de rencontre et d’échanges des acteurs du mobile dans le monde. Toutes les entreprises dans l’univers du mobile peuvent se rencontrer. Des aides à l’entrepreneuriat sont proposées aux personnes qui veulent monter une entreprise, avec les avec grands experts du sujet. C’est une activité permanente. Le centre est situé au centre-­‐ville. Il a ouvert tout récent, c’est un musée, un lieu de formation et espacio movistar, une boîte privée qui a financé 70 % du plateau. Une série d’événements sportifs, culturels, des événements, sont connectés autour du lien avec Mobile World Capital. C’est parti du positionnement de Mobile World Capital, de l’autre ils avaient des événements qu’ils ont transformés via le numérique. Tous es premiers investisseurs au monde sont venus s’installer sur un des anciens quartiers des anciens Jeux olympiques, l’un des endroits les plus branchés de Barcelone. Communication de la ville : la ville communique elle-­‐même et fait plein d’éléments, énormément de réseaux sociaux. Le congrès : 49 000 participants en 2010, 72 000 en 2013, plus de 1 700 entreprises exposantes. Pourquoi Barcelone a-­‐t-­‐elle fait cela ? Les métropoles de demain, c’est l’économie créative. C’est le cœur du projet. Voulaient positionner Barcelone, mais ils avaient des concurrents, Amsterdam, Paris, Londres, New York… Cet appel d’offres était une occasion. Dans le système, ils se sont servis du Congrès pour le relier à des projets, à l’ensemble de ces activités. On peut aller très loin pour intégrer un congrès à un ensemble d’activités. − Exemples : −
Fête des Lumières à Lyon, ils ont créé un Cluster Lumière avec les personnes qui ont fait les décorations de la ville, École/ils créent une Formation de Master en Éclairage urbain avec l’INSA Lyon, l’Association internationale LUCI qu’ils président toujours, un Salon… Et ils ont vendu l’ingénierie de la Fête des Lumières à Dubaï. On est dans un Marketing intéressant, Lyon s’est créé un écosystème. Chaque point vient renforcer la puissance de Lyon. Tout se nourrit. Ils sont les seuls à avoir un écosystème complet sur la lumière. −
Vendée globe : Si elle crée une plateforme, elle va créer une communauté de passionnés de voile. Vendée globe vendra des voiliers ? Bien entendu. −
Même chose pour le Tour de France : toutes les grandes marques de vélos au monde voudront intégrer la plateforme. La puissance viendra de la communauté. Et ces thèmes peuvent fédérer une communauté sans avoir à partir de zéro. L’événement se tient tous les quatre ans, il faut nourrir tous les ans, donc on crée une communauté ; on fait du marketing pour attirer les investisseurs ; On fédère les entreprises Ils ont des idées qu’ils vont faire voter et financer par crowfunding Les produits dérivés sont connectés à la communauté Olivier Lepine (Biarritz) est intrigué, car le projet de Barcelone a démarré avec une ville déjà prête sur une stratégie à renouveler la stratégie ses Jeux olympiques. En France, les Lumières c'est une opération qui a commencé il y a 35 ans, Joël Gayet précise qu’elle s’appuie sur une tradition séculaire, une légitimité. La vitesse d’application à l’étranger est immédiate, alors qu’en France, les projets sont beaucoup plus longs à se monter. Joël Gayet répond que l’on s’aperçoit quand on part en retard. L’Alsace a été très vite alors qu’ils étaient en retard, ils ont vu comment mieux optimiser. Il y a la stratégie dans les deux cas. On parle de plus en plus d’écosystèmes. Lionel Malard remarque à l’origine de cette strate territoriale il y a un événement, souvent ancré dans le territoire lui-­‐même, souvent inspiré des traditions du territoire. Le Puy-­‐du Fou est en train de se développer à l’international en termes de conseils, d’apports d’animation. Joël Gayet met en garde, il ne faut pas se bloquer là-­‐dessus. Il peut y avoir des choses qui ne relèvent pas d’un événement. C’est la réflexion d’écosystème qui importe, qui doit être valable