Prêtres-Academy, une aventure au quotidien

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Prêtres-Academy, une aventure au quotidien
RÉFLEXIONS
Punerêtres-Academy,
aventure au quotidien
Éric Poinsot
responsable du service diocésain des vocations de Besançon
Romain Marengo
délégué diocésain à la communication de Besançon
Historique
À l’automne 2007, le conseil presbytéral et le service des vocations du diocèse de Besançon engagent une réflexion sur le ministère
presbytéral et en particulier sur l’appel à ce ministère. Notre question :
comment communiquer (positivement) sur la vocation de prêtre diocésain auprès des jeunes de 15 à 30 ans ? La plupart d’entre eux ne sait
pas ce que vit réellement un prêtre au quotidien. Nous visionnons des
extraits de plusieurs vidéos récentes, présentant la vie et le ministère
des prêtres (réalisées par les services nationaux des vocations belges,
suisses et américains). Le SDV est alors invité à mettre en œuvre une
communication dynamique, dans le contexte propre au diocèse. Nous
avions par ailleurs, la joyeuse perspective de l’ordination sacerdotale
de notre ami Franck Ruffiot, le 22 juin 2008. Le SDV s’attelle à cette
tâche au début de l’année 2008.
Pà lalusieurs
constats croisés ont concouru
création de Prêtres-Academy
1. Les jeunes regardent très souvent des vidéos sur internet, sur
des sites dédiés comme Daily Motion ou You Tube.
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2. L’Église catholique est encore très peu présente 1 sur ce secteur
de la communication. Et, quand elle est mentionnée, c’est presque
toujours sous une forme caricaturale. Par exemple, la vidéo Catholique
park 2 des Deschiens (deux humoristes français), présente les prêtres
français comme une espèce en voie de disparition (comparés dans la
vidéo aux ours des Pyrénées !) donc comme une espèce à protéger,
voire à parquer ! Le sketch est amusant mais peu mobilisateur ! En
conséquence, si nous ne changeons pas cette image du prêtre « espèce
en voie de d’extinction », véhiculée par le net, les jeunes ne pourront
pas envisager cette vocation. Qui voudrait d’une vie de « dernier des
mohicans » ou de « dernier d’une espèce en voie de disparition » ? Les
jeunes ont besoin, et c’est normal, d’un avenir ouvert et d’aventures !
À partir de ces constats, l’idée de faire de la vidéo sur le net a
germé dans nos esprits. Plutôt que de faire un film sur un support classique, tel un DVD (avec les coûts élevés liés à la réalisation et les difficultés liées à sa diffusion), les services des vocations et de la communication du diocèse de Besançon ont travaillé, avec Nicolas Siron, de la
société DMP Prod, à monter un projet de vidéos courtes et professionnelles sur la vie de prêtres de notre diocèse. L’objectif : faire découvrir via
Internet ce que sont la vie et le ministère des prêtres et par ce biais être
« appelants », donner l’idée ou l’envie à des jeunes de devenir prêtre.
L’emprunt de « codes »
Des centaines de milliers de vidéos sont déposées chaque jour sur
Internet. La plupart d’entre elles sont peu visionnées, d’autres sont vues
des dizaines de milliers de fois. Mais la plupart des vidéos à thématique chrétienne sont visionnées quelques centaines de fois ou au mieux
quelques milliers de fois (ex. : JMJ). Nous avons très vite eu cette
conviction : pour rejoindre un public jeune et pour sortir de l’anonymat,
il fallait trouver quelque chose de provocant, d’insolite… C’est à partir
de là qu’est née Prêtres-Academy, une sorte de saga s’inspirant au
plan visuel du style des émissions de télé-réalité. Nous pensions que les
jeunes apprécieraient que l’Église se risque, parlant des prêtres, à
communiquer sur un ton badin, voire décalé. Peu savent ce que vit réellement un prêtre en 2008, ainsi beaucoup sont prêts à nous écouter,
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pour peu que nous leur parlions à « hauteur d’homme », avec des mots
simples, directs et un zeste d’humour.
Nous avons alors choisi, pour rejoindre les jeunes, d’utiliser leurs
codes, en particulier ceux de la Star Academy – émission de téléréalité française qui leur est familière. Mais attention, nous ne voulions
pas tomber dans ce que ce type d’émission génère de plus discutable.
Pas question de taper 1 pour éliminer tel prêtre qui ne plairait pas ! Pas
question de tomber dans le voyeurisme et le mauvais goût (vous ne
verrez aucun des prêtres sous la douche !). Un journal national dit à
ce propos : « Prêtres-Academy : ça a les couleurs de la Star Academy,
ça en reprend la musique, la présentation jusque dans le logo à peine
rehaussé d’une discrète touche religieuse mais ce n’est pas la Star Ac’ !
Il ne s’agit pas ici de stars mais de prêtres dans leur quotidien. »
Nous savions aussi que nous ne plairions pas à tout le monde, à
cause précisément de cette relation, un peu provocante, à la téléréalité. Mais il s’agissait pour nous d’une communication « grand
large » et non pas d’un exercice de fidélisation pour catholiques
convaincus. Des sondages ont confirmé a posteriori ce positionnement : 40 % des personnes qui ont consulté les vidéos s’estiment
« assez loin de l’Église » et 20 % se déclarent « pas catholiques ». Par
ailleurs, nous avons rejoint un public varié et plus particulièrement
jeune, puisque 60 % des visiteurs ont moins de 35 ans 3.
Le net et la vidéo ouvrent d’importantes opportunités d’évangélisation par le témoignage. Nous avons ainsi donné à voir ce qu’est le
catholicisme, à travers le prisme de la vie de quelques prêtres, et
montré un autre visage de l’Église catholique en France.
Casting
Il n’y a pas eu de casting pour sélectionner les prêtres qui participeraient à la Prêtres-Academy. Christophe Bazin et Michel Jeanpierre
tous deux prêtres, sont au bureau du conseil presbytéral (avec lequel la
réflexion était déjà bien engagée). Ils sont de générations différentes et
ils ont respectivement cinq et vingt-et-un ans de prêtrise. Quant à Franck
Rufiot, il allait être ordonné prêtre ; qu’il fasse partie de l’aventure nous
a semblé naturel. Notre objectif était de faire découvrir l’insertion
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humaine des prêtres à travers l’ordinaire de leur vie mais également à
travers les trois missions de tout chrétien : annoncer, célébrer et servir.
R éalisation
Le 12 juin 2008, nous avons déposé une bande annonce (un
teaser), un peu provocante et impertinente, sur Dailymotion, Youtube,
Godtube et Croire.com. Beaucoup ont pensé à un canular, convaincus
qu’il était impossible que l’Église fasse une telle chose ! À partir du 20
juin, le premier épisode est en ligne, puis tous les quatre jours un
nouvel épisode ; le dernier épisode a été mis en ligne le 2 juillet. Nous
avons réalisé en tout quatre épisodes, placés dans leur intégralité sur
Dailymotion et Croire.com
La Prêtres-Academy a réussi et au-delà de toutes nos espérances,
car elle a largement débordé le seul terrain diocésain et le milieu
catholique « habituel ». Elle a su poser, au plan national et même international, la question de la vocation à la prêtrise, au milieu d’autres
sujets d’actualité, grâce au relais des médias les plus divers. Sur
MSN 4, début juillet, nous étions en première page du site avec ce titre :
Prêtres-Academy : le buzz 5 de l’été !
Nous ne nous attendions pas à un tel succès médiatique avec ces
vidéos. Nous visions une communication exclusivement Internet ; pour
nous, générer près de cinq mille vues cumulées sur toute l’opération,
était déjà un grand défi et nous comptions, bien sûr, sur le « bouche à
oreilles » des internautes. En fait, l’ensemble des épisodes a été visionné
plus de 350 000 fois et en moins de deux mois ! Entre le lancement du
teaser – le 12 juin – et le 5 juillet, 12 000 visionnages des vidéos ont
été dénombrés chaque jour ; un pic vertigineux a été atteint le 24 juin
avec 38 000 visiteurs ! Aujourd’hui, bien que ce buzz ait faibli, la
Prêtres-Academy totalise près de 400 000 visionnages.
Essai d’analyse
Ce qui a d’abord joué en notre faveur, c’est l’effet de surprise :
l’Église s’est aventurée sur un terrain inhabituel, avec une communica-
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tion très offensive, « punchy ». En outre, le ton faussement impertinent
a plu. Le timing des épisodes avec effet d’annonce puis d’attente de
quatre jours entre chaque vidéo a « fait monter la sauce ». Enfin, les
médias web mais aussi télévision, radio et presse ont relayé très vite
l’opération, le plus souvent interloqués devant ce vrai-faux canular,
souvent traité en une et non pas relégué dans la rubrique « insolite ».
Tout cela a contribué au buzz et a généré en quelques jours des centaines d’articles et d’émissions, de VSD à La Vie, de France Inter à Radio
Vatican, de LCI au Jour du Seigneur. Nous avons même fait l’ouverture
du journal de 13 h sur TF1 avec Jean-Pierre Pernaut ; Patrick Poivre
d’Arvor reprenait ce reportage dans l’édition de 20 h. Deux autres
éléments ont contribué à ce succès : premièrement, la veille du lancement de la Prêtres-Academy, la série La Nouvelle star prenait fin,
certains y ont vu un « super coup médiatique ».
Deuxièmement, la création du site dédié (www.pretresacademy.com) où l’on pouvait trouver des témoignages, des revues de
presse, des sondages et des biographies, ainsi que les différents épisodes de nos vidéos a fait que nous avons reçu plusieurs centaines de
mails dans la section « contactez-nous » du site (90 % de ces mails
étaient enthousiastes, nous encourageant à poursuivre ; 10 % étaient
négatifs voire franchement hostiles mais rarement « jeunes »).
L’existence de ce site a pérennisé notre campagne. Il a été visité plus de
100 000 fois en moins de 30 jours (12 400 visites en une seule journée et en moyenne 10 pages parcourues par visite). Les 6 000 tracts
diffusés dans le diocèse et nos communiqués de presse renvoyaient
toujours à cette adresse « pour plus d’informations ». Cette stratégie de
communication a résonné du plan local au plan international : des
grands quotidiens et hebdomadaires allemands, anglais et espagnols,
ont parlé de la Prêtres-Academy. En Chine, on a pu voir Franck, Michel
et Christophe sur TV5 Monde ! Cependant, la palme d’or va au magazine espagnol Epoca ; il a consacré un magnifique dossier de cinq
pages à la Prêtres-Academy. C’était incroyable et inespéré !
Nous avons volontairement mis un terme à l’aventure de la
Prêtres-Academy après le quatrième épisode, comme prévu. Toute
notre équipe avait besoin de se reposer et de reprendre ses activités
ordinaires, terriblement bousculées ! Aurons-nous le plaisir de voir
d’autres initiatives naître dans les diocèses de France ?
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Coût
Le coût de cette réalisation est très modeste : le support web est gratuit et toute l’équipe de conception a travaillé bénévolement. Notre seule
dépense a été le paiement des vidéos réalisées par la société DM-Prod.
Prêtres-Academy et vocations
Il serait hasardeux de mettre en rapport les futures entrées au
séminaire avec le succès de cette opération restreinte dans le temps et
dans sa forme pédagogique. Néanmoins, des jeunes ont dit que
Prêtres-Academy les encourageait à poursuivre leur questionnement
vocationnel. Voici deux exemples de témoignages reçus sur le site :
« Je souhaitais vous féliciter pour cette réalisation surprenante et qui
tient en haleine par les épisodes qui arrivent au fur et à mesure. Mon
diocèse a annoncé votre site sur celui du diocèse qui m’a permis de le
découvrir. Je commence le parcours vocation sur la question de devenir prêtre et ces témoignages me motivent à continuer ma réflexion.
Bonne continuation. »
« Après le reportage de TF1, je viens vous féliciter pour ce projet
de la Prêtres-Academy ! La chaîne y a consacré une bonne place dans
son JT, en ouverture de journal, et de plus, toujours avec l’esprit que,
je pense, vous voulez donner à la Prêtres-Academy ! J’ai beaucoup
aimé le deuxième épisode mis en ligne aujourd’hui. Les vieux clichés
sont effacés grâce à ce travail. J’attends avec impatience la suite !
Merci à vous… en ces moments ou ce désir de devenir prêtre grandit
de plus en plus dans mon cœur. » ■
NOTES
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1 - Depuis peu, de notables initiatives ont vu le
jour sur Internet.
3 - Cf. notre sondage en ligne effectué courant
juin sur le site dédié www.pretres-academy.com.
2 - Diffusée sur Dailymotion.
http://www.daliymotion.com/fr
4 - Messagerie pour les jeunes.
5 - Buzz ou effet boule de neige dans la communication Internet.