Guts Of Darkness - Le webzine des musiques sombres et

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Guts Of Darkness - Le webzine des musiques sombres et
Guts Of Darkness
Le webzine des musiques sombres et expérimentales : rock, jazz,
progressif, metal, electro, hardcore...
février 2015
Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com
© 2000 - 2015
Un sommaire de ce document est disponible à la fin.
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Les chroniques de concerts
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Inquisition, Divan du Monde, Paris, 28 janv. 2015 : uisition, Divan du Monde, Paris, 28 janv.
2015 - (concert chroniqué par Nicko)
Ça commence avec les russes de Blackdeath dont le but est de chauffer un peu la salle. Avec eux, on se prend
20 ans dans la gueule ! Le quatuor joue du black metal totalement inspiré des années 90. Il n'y a pas
d'originalité, mais ça reste écoutable malgré tout. On ne peut pas vraiment dire que c'est l'enthousiasme
délirant dans la fosse, de très polis applaudissements concluent chacun de leurs morceaux, mais peu d'activité
dans le pit. Je n'ai pas gardé un souvenir impérissable de leur prestation. J'attendais vraiment la suite avec
impatience.
Les choses sérieuses commencent véritablement avec les suédois d'Ondskapt. Il s'agit de leur deuxième
passage dans la capitale en moins d'un an. Ce coup-ci, le groupe joue avec une seule guitare (qui sera
doublée), mais surtout, il interprétera l'intégralité de leur chef d'oeuvre "Draco sit mihi dux". L'atmosphère est
noire, forcément. Le groupe, au sein duquel on retrouve deux membres de Valkyrja ainsi que le batteur de
Nifelheim, est bien en place. Le son n'est pas encore optimal, il subsiste quelques imperfections. La batterie est
un peu trop mise en avant (alors qu'elle devrait moins claquer) et le chant est trop en retrait, même si,
heureusement, ce dernier possède une réelle profondeur, qui donnait tout son cachet à l'album, sorti en 2002.
Peu de temps mort, le groupe a juste 45 minutes pour tout interpréter. Au final, je trouve que c'est une réelle
réussite, même si une deuxième guitare n'aurait pas été de trop, pour donner encore plus d'amplitude et de
profondeur. L'atmosphère générale était vraiment réussie, ultra-sombre, grâce notamment à une basse bien
présente. J'ai bien plus apprécié ce soir que l'année dernière, au même endroit. Voilà pour moi, le concert a
véritablement commencé à ce moment-là !
Ça enchaîne avec les finlandais d'Archgoat. A partir de là, on atteint un niveau de raffinement proche de zéro !
Rien que le maquillage des 3 gus est totalement arraché. Le trio est un véritable rouleau compresseur avec un
son bien massif et un chant, mon dieu..., guttural et plus outre-tombe que ça tu meurs ! Lord Angelslayer est
vraiment impressionnant ! On reconnait rapidement la patte du groupe, fait d'alternances entre mid-tempos,
up-tempos et blast-beats ultra-bestiaux. C'est pas dur chez eux, il n'y a que trois types de rythmes différents.
Mais niveau atmosphère, Archgoat, c'est Satan !! J'ai rarement entendu un groupe avec un son si massif et
noir. Archgoat, ça pue le bouc à plein nez, c'est bestial comme jamais, c'est 45 minutes d'odes au Malin, rien de
moins. C'est redondant, c'est pas fin du tout, c'est bœuf, c'est ultra-grave, mais quelle intensité et quelle
atmosphère ! Dans ce style si primaire et peu varié, voilà ce qui fait la différence entre un groupe moyen et un
groupe comme Archgoat, leur capacité à transmettre une atmosphère malsaine et macabre. Un putain de set
accrocheur et gras.
Maintenant, place est faite sur scène au duo américano-colombien d'Inquisition. C'est quand même
impressionnant de la part d'un groupe aussi jusqu’au-boutiste, avec un style si singulier et pas franchement
mainstream d'avoir autant de succès. Le groupe est ultra-professionnel, on sent vraiment la maîtrise chez eux.
Dagon est vraiment à l'aise sur scène, entre ses deux micros placés de chaque côté de celle-ci. Ils ont
clairement le meilleur son de la soirée, avec un excellent équilibre entre la batterie et la guitare, toujours très
ample (il faut bien contre-balancer l'absence de basse dans leur musique). Avec Inquisition, c'est une autre
vision du satanisme qui nous est proposée. Leur musique est très cosmique, avec beaucoup de réverb' sur la
guitare donnant un aspect très spatial à l'ensemble. Le rendu est bien moins brutal que chez les précédents
groupes (et aussi moins brutal que sur leurs albums), mais l'atmosphère globale est impeccable, ample, nous
enveloppant dans une transe assez mystique, avec ce chant si spécifique et monotone. On sent vraiment que la
musique du groupe est totalement centrée sur la guitare de Dagon. Au final, l'heure et quart de concert sera
passé super rapidement pour un résultat vraiment réussi.
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C'est quand même assez rare maintenant de se retrouver en concert avec une telle qualité globale sur les trois
quarts de l'affiche. Merci à eux ainsi qu'aux organisateurs d'avoir proposé une telle tournée. L'année 2015
commence de la meilleure des manières !
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CTM Festival : Electric Wizard, Extreme Precautions - Astra Kulturhaus, Berlin, 25/01/2015 (concert chroniqué par Rastignac)
"For its 16th edition, CTM – Festival for Adventurous Music and Art shifts our focus from music’s symbolic and
cultural significance and interpretation to the use and functionality of sound and music as affective forces. Un
Tune aims to engage with the direct bodily effects of frequencies, sound, and music, as well as these
phenomena’s synergistic effects with other sensory stimuli. " OK ?
Ahah, bon, en fait, n'importe quelle thématique est propre à être utilisée : en 2015 ça sera l'influence du son sur
l'homme et l'environnement, et c'est pourquoi ce CTM sera si éclectique et multimédia, avec expositions,
lectures, conférences, concerts éparpillés sur quinze jours dans toute la ville... On n'est donc pas dans un
festoche type Vieilles Charrues, mais plutôt dans un "Pascalines" pour nos vieux lecteurs bougnats, une
espèce de fête de la musique professionnelle un peu fourre-tout dont le concept bien généraliste permettra de
réunir sous la même bannière un peu de tout (et n'importe quoi me diront quelques mauvaises langues là-bas,
héhé). Je n'ai donc pu aller qu'à un seul évènement, un concert, ma présence in Deutschland étant limitée... et
puis j'ai dû m'enivrer et voir d'autres bars par ci par là et musiques qui n'ont rien à voir - je vous dis juste en
passant que le jazz manouche est très populaire et alternatif à Berlin, voilà, aparté finito. Un concert seulement,
donc pas de JK Flesh, ni de Chris & Cosey, deux noms que je reconnaissais dans l'affiche longue comme deux
bras parce que j'étais pas là, parce que j'étais loin... Bref, place au "wizeeeeurd"!
Je n'avais pu voir qu'une seule fois Electric Wizard en concert, du temps du bassiste ultra tatoué, et du batteur
sosie d'Anton Lavey, période Black Mass : je ne pourrai donc pas écrire de grandes envolées du genre "c'était
mieux avant / c'est mieux maintenant". Je pensais quand même voir Mark Greening aujourd'hui, mais il se
serait embrouillé avec les autres, une histoire pas claire à la Yoko Ono Stoner Doom, m'voyez ? Donc le line-up
consistera en un batteur inconnu à mes yeux, du bassiste des Satan's Satyrs (ultra cool, tout droit sorti d'un
Sons of Anarchy publié en 1973) (patches à l'appui), et puis de notre chérubin préféré, Jus Oborn, accompagné
de sa blonde Liz.
Le concert a lieu dans une salle qui ressemble de loin à un hangar ultra tagué comme il y en a beaucoup à
Berlin, autrement dit la salle "Astra"... de l'intérieur, on dirait une vieille salle de spectacle... nous sommes dans
le quartier de Friedrichshain, ancien Berlin Est... ce soir là, l'ambiance est plutôt metal punk bien crusty, de
rares patches Revenge et Burzum (les bastons gauche / droite sont saignantes dans le coin, "choisi ton patche
garçon"), beaucoup plus de Napalm Death dans l'air, beaucoup de slogans "Legalize drugs and murder" sur les
t-shirts de la tournée du Wiz (serait-ce une apologie du terrorisme ? ou une dédicace à Max Weber et à sa
définition de l’État comme "détenteur du monopole de la violence légitime", ainsi que de son encadrement des
substances dites festives ou médicales ? ). Tout cela étant admiré par les yeux de votre serviteur, le nez dans
une bière succulente à 2 euros pour 50 centilitres.
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Première partie : Mr Mondkopf, qui s'appelle ce soir "Extreme Precautions". Dominant la foule déjà bien
compacte derrière son mac avec sticker Eyehategod dessus, celui-ci va nous balancer de la brutalité
techno-grind-hardcore-que sais-je particulièrement soulignée par les strobo, hypnotique, headbangueuse. On
s'en prend plein la gueule, c'est kiffant, je vois autour de moi quelques corps jouer de la fête électronique,
coincés entre quelques mammouths tatoués / patchés, ce qui fait comme un clash entre la culture MDMA et
celle plus cannabis-alcool propre à ce festival éclectique. Vous en verriez beaucoup vous des premières partie
techno en ouverture de Reverend Bizarre ? Hein ? Ben non. Viva Berlin ! Le set s'étend et se termine, on hoche
la tête, on applaudit bien fort. Bye Mondkopf / Extreme Precautions, je reviendrai vous voir.
Les wizards branchent leurs câbles : on se dit, ils sont toujours aussi fauchés, personne pour préparer la
scène... on se dit aussi "té, c'est cool de les voir à la ville avant le show". Tout se met en place très vite, c'est
sympa de ne pas poireauter. Bzzzzz .... hhhhhiiiiiiiiiiiccc.... allez, direction black drugs & satan pour une bonne
plombe et quelques ! (j'ai pas de montre) Toute leur histoire sera évoquée, avec en vrac des extraits de
Dopethrone, un Supercoven mega cosmique (le clou du spectacle, je suis trop groupie de ce morceau), du
Black Mass, des morceaux de Witchcult Today et du tout dernier ("get high before we die", nouveau slogan,
plus tranquille que "légalise les drogues et le meurtre", non ?), même un vieux machin que j'ai eu du mal à
reconnaitre, peut-être un morceau Pré-Electric Wizard (ptet "Chrono-naut", je sais plus), j'avais pas mon calepin
sur moi - j'en oublie. Tout cela joué dans une sorte de transe propre au Wiz, avec tout un tas de films
pornhorrifiques en fond visuel, avec jeunes filles nues à forte poitrine se faisant fouetter par des mecs en
robes, coiffés de têtes de boucs. "POoooorn!!!" criait un de mes voisins au tout début du concert : l'a pas tort,
c'est un déluge de nichons saignants qui sera projeté derrière notre Jus qui lui assumera son statut de patron
de début à la fin, tenant les morceaux au bout de ses impros et solos parfois bien déglingués... Le maitre et son
backing band quoi, le Wizard Big Smoke Band !
Je ne pourrais donc pas vous dire qu'il ne faut pas aller voir Electric Wizard en concert aujourd'hui : allez-y,
c'est de la musique tellement libidineuse, glauque et fun à la fois ! Si vous êtes du genre blasé rapide, de toute
façon, le doom ne sera pas pour vous (voire le metal, mais vous ne liriez pas ceci, don't you ?). Leur propos est
tellement ancré dans une nostalgie bien établie, Black Sabbath, la Hammer, les Hell's Angels et une répétitivité
tellement assumée, sublimée qu'il faut forcément être consentant et gourmand pour balancer sa tête en
écoutant pour la quinzième fois le mot "Supercoven" gémis puis hurlé. Cette soirée rapidement bouclée sera
encore pour moi un moment agréable, tant au niveau des oreilles que des yeux au sein de mon joli troupeau
metal, dans cette sorte de hangar à moitié détruit, niché dans une ville qui, encore une fois, vaut le coup de
trainer ses guêtres, pour quelque activité que ce soit. Vive le Wiz', vie Berlin, viva le mois de janvier, hop, on
ferme !
Pour aller plus loin :
Extreme Precautions, le bandcamp : http://inparadisum.bandcamp.com/album/i
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Electric Wizard, leur site web : http://www.electricfuckinwizard.com/
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Les chroniques
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Infect : Complete Discography
Chronique réalisée par Dioneo
La version triple-ration : pour ceux qui ont gros appétit ; pour qui désire n’avoir plus envie de se rendormir…
Cette compilation – quarante six-titres pour cinquante deux minutes – regroupe tout ce qu’avaient enregistré en
studio – fût-il parfois de répétition, à l’oreille ça semble assez probable – les cinq fâchées d’Infect, crusteuses,
anarcho-punks de São Paulo, Brésil, looks de lycéennes mais par ailleurs toutes-contondantes en instruments,
organe, allures sans frein, mépris des portes sensément verrouillées… L’album Indelével de 2003, donc – pavé
bref dont on trouvera la chronique ci-contre – et tout ce qui avait précédé, sans doute quelques plages
postérieures, aussi ; une unique démo, quelques quarante-cinq tours (dont un split avec un groupe nommé
Discarga… ceux-là plutôt portés sur les reprises de Circle Jerks, Motörhead ou… Kiss, semble-t-il) ; d’un format
court sur l’autre, quelques titres communs ; trois "essais" – morceaux manifestement pas encore achevés au
moment où le groupe s’est séparé. Qu’en dire de plus… Eh bien que rien ne semble entamer cette musique, sa
nervosité, sa rage, son irréductible hargne, son irrépressible insoumission. Ni le son parfois rudimentaire, pour
le moins, sur certaines pistes, carrément indigent – mais là, alors, il ne reste plus que le rugueux, l’abrasion :
elle gagne en arrachement ce qu’elle perd en puissance, en charge ; ni l’accumulation des pistes – quarante six
mandales, on pourrait se dire que c’est trop à encaisser d’un coup ; mais non : ce sont en fait des secousses –
contacts frontaux, rudes, mais qui veulent vous sortir de tout abattement, vous foutent certes dans le rouge
mais pour y trouver de quoi riposter contre l’adversité, l’aliénation, le rôle où vous vous apprêtiez à vous
laisser coincer… Finalement ça reste bref, tellement ça file – on a peine à croire à la fin que ça ait duré autant
de minutes. C’est l’occasion, aussi – cette manière d’intégrale – d’entendre qu’en plus de ne pas tenir en place,
les cinq Brésiliennes ne se contentaient pas non-plus de coller à un genre – eût-il été une mixture par
elles-mêmes composées – une fois pour toute. L’évolution s’entend, sur ces cinq, six ans, au fil des disques ;
d’une musique d’abord encore fortement marquée par le thrash – les deux versions de l’instrumentale Jackson
Antunes – à une frappe de plus en plus serrée, brève. Parfois, même, d’une même plage – d’un index sur
l’autre, les deux versions d’un même titre se succédant toujours directement, sur le disque – on voit
littéralement la substance se réduire, se densifier, les secondes s’étrécir pour qu’elle entre plus en pointe. Leur
musique, à mesure, apprend à cogner plus sec, toujours plus direct – sans rien perdre en invention, dans cette
dimension compacte : chaque riff, les roulements et claquements, tous les breaks trouvant leur vélocité propre,
l’angle adéquat pour asséner la décharge, le cri, l’algarade, l’appel. On est saisit, aussi, par la force de cette
voix – non seulement inflexible dès le début mais qui semble se tendre de plus en plus, portée toujours plus
haut, éreintée mais blindée par le boucan, pleuvant sur nous depuis son faîte. C’est bien sur l’album que tout ça
culmine : signal d’émeute et forme parfaite de chaque pierre à fronde. C’est beau d’avoir fini là-dessus. Et
j’ignore ce que toutes sont devenues – tout au plus retrouve-t-on le nom d’une des guitaristes, Juliana Ferreira,
dans plusieurs groupes, ensuite, tous basés du côté d’Oakland, Californie ; impossible aussi, de me souvenir
comment j’ai connu l’existence du groupe – sans doute en cherchant autre chose sur un forum dédié à
quelques agités des caves de par le monde et à travers les ans… Peu importe, à vrai dire : ce fût une heureuse
rencontre.
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Note : 5/6
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Accept : Eat the heat
Chronique réalisée par Nicko
"Eat the heat"... L'album de la discorde. Accept avait toutes les cartes en main pour devenir une référence du
heavy-metal, avec le succès qui va avec. Et puis tout s'est enraillé. Vers la moitié des années 80, la tendance
était plutôt au hard rock/glam rock américain, à la Bon Jovi, et tous leurs dérivés. On avait vu sur les deux
précédents album d'Accept que la part mélodique était plus importante que sur "Balls to the wall" ou "Restless
and wild". Et là, les allemands ont pris un risque : délaisser le heavy metal burné au profit de ce nouveau
courant musical, allant même jusqu'à se séparer, en bons termes, de leur chanteur historique Udo
Dirkschneider ! Voilà, Accept en 1989 a voulu taper très fort et sortir un disque au goût du jour et ne plus sortir
de heavy metal traditionnel, jugé certainement assez has-been à cette période. Accept déboule donc avec un
nouveau chanteur, un américain inconnu, David Reece, et un nouveau guitariste (qui n'aura pas le temps de
jouer sur l'album), Jim Stacey. Le résultat est loin d'être convaincant, surtout 26 ans plus tard. Accept a
clairement mis de l'eau dans son vin. On retrouve quand même la patte du groupe. Le chant est quand même
plutôt agressif pour du glam rock, on n'est loin du timbre de voix tout doux de Jon Bon Jovi, je le trouve
d'ailleurs assez proche de celui de Brian Johnson d'AC/DC, période "Fly on the wall". Je ne suis pas forcément
contre les changements d'orientation musicaux, mais là, il faut juste l'avouer, c'est loupé ! Et je ne dis pas ça
parce que le groupe nous sort un disque beaucoup plus mainstream que par le passé (quoi que quand même, il
y a vraiment des parties cul-cul la praline - écoutez-moi "Hellhammer" et ce "Prisoner" avec ses claviers
horribles !), mais c'est surtout que les compos ne sont pas bonnes. Ce n'est pas ultra-pourri non plus, mais il
n'y a absolument pas photo avec ce que le groupe faisait ne serait-ce que 3 ans plus tôt. Les morceaux sont
plutôt bien rythmés, ça pourrait d'une certaine manière rappeler certains titres de leurs débuts, mais au moins à
l'époque, il y avait une authenticité et un son adéquat. Là, en plus, on a une production bien années 80, avec ce
côté "moderne pour l'époque", mais alors totalement synthétique. C'est bien simple, les guitares n'ont
absolument aucune consistance, aucune puissance. Donc voilà, pour simplifier, on a ici un album loupé, tout
simplement. La production, le changement d'identité, la qualité musicale sont à côté de la plaque. Ce n'est pas
non plus l'album le plus pourri de la décennie, mais en tout cas l'une de ses plantades les plus mémorables !
En plus, pour couronner le tout, à la suite de la sortie de l'album, les tournées seront désastreuses, à plusieurs
niveaux. Le succès ne sera pas au rendez-vous, les tensions à l'intérieur du groupe seront difficiles à gérer
(entraînant le départ du nouveau chanteur) et des problèmes de santé vont affecter le batteur Stefan Kaufmann
(qui se fera remplacer pour la fin de la tournée). Tout cela va forcer le groupe (c'est-à-dire au final Wolf
Hoffmann et Peter Baltes) à stopper, momentanément, son activité ! 4 ans plus tôt tout souriait au quintette
allemand et à l'aube des années 90, le split était officialisé ! Quel gâchis ! Heureusement, cette séparation ne
durera qu'un temps. Mais le mal est fait et il faudra des années et des années pour qu'Accept puisse remonter
la pente et retrouver un certain succès.
Note : 2/6
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Sunn O))) & Ulver : Terrestrials
Chronique réalisée par Rastignac
Quand le metal c'est plus du metal, qu'est-ce que c'est ? De l'art contemporain, et pi c'est tout ? Cela m'a l'air
d'être la voilure prise par Sunn depuis quelques collaborations, avec Nurse With Wound, avec Maitre Walker...
ici, on revient in the shadow of the woods of the frozen land of the Norvège avec Ulver. Bon, vous connaissez.
Non ? Si vous ne connaissez pas, ouvrez le grimoire guts, lisez, écoutez. Si vous avez la flemme c'est
paradoxal, parce que vous arrivez à me lire jusqu'ici. Et peut-être même à écouter ce disque court, mais lent,
bref mais qui s'étire comme une jambe sur un sofa de velours rouge, à la frontière canadienne, au fond d'un
bordel, derrière un rideau... des trompettes trompettent, des guitares posterockent, on allume sa pipe, on ajuste
sa moustache et sa chemise à jabot et on écoute ce nouveau duo. A ma droite, Sunn O))), un projet déjà bien
rondouillard, porté par deux américains fous de metal 100% pure extraction à froid, ayant gratté leurs guitares
dans le doom, le black metal, le rock and roll le plus goatesque ; à ma gauche donc Ulver, groupe de black
metal deuxième vague norvégienne, ayant ensuite pris son envol vers des sphères moins piquantes, lesquelles
sphères passèrent sur moi comme des bulles de savon tout droit sorties de RTL2 si vous voulez tout savoir.
Aujourd'hui, ils se mettent autour d'une table et nous livrent quelque chose qui ressemble fort à une jam
session, à distance. Le livret n'est pas très disert, on est dans l'abstraction comme nous le dit la pochette,
donc, il va falloir se fier seulement aux oreilles. Musique très ambiante, un peu orientalisante au début, avec
violons, guitares dissonantes jouées sur archet peut-être, trainantes, ptite trompette jazzy, un Bohren und der
Club of Gore encore plus "light" je trouve, ou comme des conclusions de morceaux de Earth sur plusieurs
minutes... qui s'ouvrent vers d'autres conclusions tibétano-hollywoodiennes genre BO de La Ligne Rouge de
Mallick. Et hop, finito. On passe déjà au deuxième morceau, toujours très ambient, improvisé vu de loin, avec le
vent qui souffle derrière... tiens, ma pipe est éteinte. Ho, cinq minutes ont passé dites-donc ! L'impression que
Sunn reprend le dessus là, on retrouve quelques réminiscences des "White", dans les incantations lointaines,
cachées derrières des bouts de vacarme, des bruits de ferraille... et on arrive tranquillement à la fin, intitulée
"Eternel Retour", qui me donne trop l'impression d'un présent perpétuel, à part bien sûr quand enfin une voix
se pose, murmurant des paroles que je n'ai pas pu lire, puis chantant de manière très lyrique des sons que
j'entends, mais que je ne comprends toujours pas. Sunn et Ulver, champions de la pleine conscience du temps
qui passe ! Non, sans rire, vous aimerez l'ambient dégagée par ce disque mais seulement si vous avez une
demi-heure, pas plus. Sinon, de mon côté, je m'ennuie un peu en écoutant ce disque, pas que je sois allergique
aux groupes qui sortent les violons et se la jouent David Lynch, juste que là, ça ne prend pas trop, trop court,
pas très construit, respirant l'impro mais sur une longueur, encore, trop courte pour pouvoir s'émanciper, alors
que le livret précise bien qu'ils ont buché sur cette collaboration pendant quelques années... Mystère. Sans
rivaliser avec la composition maniaque de Dylan Carlson, sans produire des vapeurs néfastes à la Bohren qui
pourraient me donner de fortes envies de morphine, cette collaboration Sunn / Ulver me fait juste oublier ce que
je viens d'écouter, malgré le prestige des noms vendus ici et la classe affichée des objets-disques eux-mêmes.
"Dommage" diront les fans des deux groupes, mais que celui qui s'est déjà senti chafouiné par des
supergroupes me lève la main, me gratte l'oreille avec et communie avec moi, car, ben, c'est pas la première
fois que ça arrive. Je ne suis pas loin de conclure que c'est l'élément structurant les collaborations de luxe :
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décevoir mes attentes.
Note : 3/6
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MARDUK : Frontschwein
Chronique réalisée par Nicko
Trois ans après "Serpent sermon", les suédois vétérans (25 ans d'expériences tout de même) sont de retour
avec un treizième album ! Autant le concept du précédent album tournait autour du satanisme, ici ce
"Frontschwein" marque le retour de Marduk avec un disque entièrement basé sur la guerre et notamment la
deuxième guerre mondiale. Un moment, j'ai pensé que le groupe allait nous faire un concept sur la première
guerre mondiale ("Front schwein" était le nom que se donnaient les soldats allemands pendant la guerre de
14-18) vu qu'on fêtait le premier centenaire de cette guerre. Mais en fait, non, Marduk restait fidèle au conflit
39-45. Au programme ici, la guerre de A à Z et surtout sur tous les fronts ! Tout le monde y passe, on retrouve
Prague ("The blond beast"), la Normandie ("Falaise: Cauldron of blood"), la Pologne ("Wartheland"), l'Afrique
("Afrika"), l'Europe entière ("503"), bref ici, grâce au Professeur Håkansson, vous pouvez avoir votre bac
Histoire mention très bien sans problème ! Toutes les atrocités et horreurs de la guerre y passent.
Musicalement, forcément, avec un tel concept, ça défouraille sévère. Mais on n'est loin, très loin d'une resucée
du "Panzer division Marduk". Non, l'album est ici beaucoup plus varié. C'est d'ailleurs ce qui donne toute sa
force à ce disque. "Frontschwein" n'est pas du tout monotone, il s'écoute super bien. La première moitié du
disque est une pure merveille. Le morceau-titre ainsi que "Rope of regret" sont des brûlots ultra-bourrins dans
la pure tradition mardukienne alors que "The blond beast" et son rythme mid-tempo fait directement penser à
du Funeral Mist (au moins, on sait quels sont les titres écrits par Mortuus !). "Wartheland" est pour moi le
meilleur morceau de l'album, varié avec sa partie mid-tempo ultra-convaincante. L'album perd légèrement en
intensité avec "Between the wolf-packs" et "Falaise: Cauldron of blood", trop communs alors que
"Nebelwerfer" est mal placé entre ces deux titres moyens. De plus, son rythme pachydermique aurait dû être le
climax de ce disque. Hélas des longueurs et quelques ambiances limite viking ne m'ont pas convaincus plus
que cela. La fin de l'album est beaucoup plus intéressante. "Doomsday elite" est un morceau rappelant à
nouveau Funeral Mist avec une intro tout en progression et une structure à géométrie variable, l'un des
morceaux les mieux réussis de l'album et l'un des plus diversifiés du répertoire de la formation, s'étalant sur
plus de 8 minutes. Avec "503", on aurait pu penser à une suite au "502" du "Panzer division album", mais en
fait, musicalement, c'est tout autre chose, un morceau mid-tempo, telle une procession ou... un défilé militaire.
Mortuus se déchaîne ensuite totalement sur le dernier morceau avec une performance hallucinante. Son débit
est tout bonnement bluffant. "Darkness it shall be" paraît bien pâle à côté... Mais au-delà de cette performance,
ce titre est magistral avec des évolutions qui sont très judicieuses et bien senties. D'ailleurs, d'un point de vue
général, comme à chaque fois, Mortuus se donne comme si sa vie en dépendait, sans aucune retenue. Le
nouveau batteur, Widigs, est quant à lui un très bon renfort au groupe, certes moins technique que Lars
Broddesson, mais avec une énergie et une explosivité totalement appropriées à un tel disque. Aussi, ce qui me
frappe avec cet album, d'un point de vue général, c'est sa maturité et sa production. Je pense qu'on a ici
l'album le mieux produit de la formation, les instruments sont admirablement bien équilibrés entre eux. On
entend très distinctement la basse de Devo qui apporte une réelle lourdeur et une noirceur tenace à l'ensemble.
L'écriture des morceaux est bien plus riche et recherchée que par le passé. De ce point de vue, la comparaison
avec le "Panzer division Marduk", qui a le même concept, est sans appel. Je ne parle pas en terme de qualité
finale, mais en terme de recherche musicale. La mise en musique de la guerre a rarement été aussi bien
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retranscrite selon moi. Pour conclure, ce nouvel album est une réussite totale, très varié pour un disque avec
un tel concept. Marduk nous prouve une nouvelle fois que le quatuor sait se renouveler tout en restant intègre
et fidèle à sa réputation sulfureuse. J'ai à nouveau hâte de découvrir ce nouveau disque en concert !
Note : 5/6
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Frank Ayers : Different Skies
Chronique réalisée par Phaedream
Ça fait longtemps que j'en parle; la France devient peu à peu la nouvelle plaque tournante de la MÉ, un peu
comme la Pologne l'était au tournant des années 2000. Il y a de superbes artistes qui émergent constamment.
Je pense à Sequentia Legenda, Pharamond (Sylvain Mazars), Kryfels et maintenant Frank Ayers. Il y a aussi les
vieux de la vieille comme Olivier Briand, Christian Piednoir, MoonSatellite et Bertrand Loreau qui de temps en
temps viennent surprendre nos oreilles avec des œuvres toujours à l'affut des nouvelles tendances
contemporaines nappées des vieux parfums analogues. Ça c'est sans oublier la MÉ expérimentale qui reste
l'orgueil de l'art électronique français (on se souvient de Messe pour le temps présent de Maurice Béjard?). Et
où se situe “Different Skies”? Loin de l'expérimental. En fait Frank Ayers se fait mélancolique et
remarquablement romantique avec une œuvre cosmique où Vangelis, pour la mélancolie, Jarre, pour les
rythmes et ambiances cosmiques, Klaus Schgulze, pour les rythmes minimalistes en saccade et finalement
Tangerine Dream, pour l'approche très mélodieuse des années Schmoelling, ravissent nos oreilles dans ce que
j'appelle un délicieux festin sonique.
Dès les premiers coups de vents astraux de "Different Skies PART.I", on admet la maitrise du genre New Age
de Frank Ayers sur sa vision des harmonies électroniques. Le ton est chaleureux. J'ai des flash de Nik Tyndall
qui éclairent mes oreilles. Le mouvement est céleste avec de paisibles larves de synthé qui s'entrelacent et
chatoient dans l'écho des quelques tintements d'arpèges dont les reflets de prisme se dorent au soleil. Nous
sommes dans le ciel des dieux. “Different Skies” est une immersion dans les cieux inconnus. Un voyage astral
inspiré par les paysages soniques éloignés et énigmatiques qui eux sont puisés dans l'imagination des livres
des auteurs de science-fiction comme Arthur C.Clarke et Frank Herbert. L'approche est très douce, très
musicale avec de sinueuses lignes réverbérantes qui serpentent parmi des étoiles prismiques, des grelots
cosmiques et des orchestrations oniriques qui rappelleront les premières œuvres de Kitaro. Un langage
synthétisé parfume les océans astraux avec de délicats solos qui éveilleront des souvenirs de Tim Blake. Des
solos qui tout doucement détournent les paisibles ambiances de "Different Skies PART.I" vers un rythme
fragilement séquencé avec des ions qui sautillent et se dandinent d'une oreille à l'autre, caressant les
harmoniques rythmes du genre John Carpenter dans Halloween. Cette séquence de rythme minimaliste se
sauve des étreintes des brumes pour danser en solitaire dans l'intro de "Different Skies PART.II". Des ombres
se détachent et dansottent avec plus de délicatesse afin de tisser une figure parallèle plus harmonique. L'effet
de cascade dans les séquences est séduisant et le duel rythme/harmonie affiche une délicate intensité avec
l'ajout d'une autre ligne de séquences ainsi que des pulsations de séquences basses. Une intéressante figure
de rythme ambiant se met alors à brasiller, comme à résonner sous des nappes de synthé errantes et des
brises un brin nasillard. Nous sommes encore à l'orée de “Different Skies” et tout s'harmonie avec délicatesse.
Puis vient le très ambiant et cosmique "Different Skies PART.III". Les nappes de synthés flottent
paresseusement dans des brouillards cosmiques qui me rappellent un peu l'univers de Thierry Fervent.
Ce lent mouvement ambio-cosmique sert de pont entre le délicat rythme de "Different Skies PART.II" et celui de
"Different Skies PART.IV" qui est plus vif et savoureusement séduisant avec ces lignes de séquences qui
courent et trébuchent dans une figure toujours assez ambiante. Des nappes de voix et de beaux solos, sifflotés
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par des brises très chaleureuses, nous convient à un festin des belles années analogues alors que le rythme
offre toujours ces spirales ascensionnelles où des ions courent à contre-courant, forgeant ces paradoxes
rythmiques si uniques à la Berlin School. La course s'arrête un peu après la 4ième minute, plongeant "Different
Skies PART.IV" dans un beau passage onirique et relaxant avant que "Different Skies PART.V" ne fouette nos
oreilles avec une structure de rythme vive et saccadée. Les ions s'agglutinent, sautillent sur place avec furie et
pilent sur leurs ombres dans un genre de staccato cosmique plein de pièges et d'embuches. Les serpentins de
séquences et les saccades spasmodiques défilent dans un décor astral (entendez-vous ces gongs?) qui est
nappé de ces brumes stellaires, de ces dialogues intergalactiques et d'effets cosmiques où Jarre et Baffo Banfi
se sont donnez rendez-vous (vous vous souvenez de Earthstar?) dans un ciel sonique saupoudré de délicats
solos de synthé. Frank Ayers voulait absolument faire un retour vers un l'âge d'or de la musique électronique et
il n'est pas passé à côté du but, ça c'est certain. On nage en plein bonheur ici. "Different Skies PART.VI" nous
amène à un autre niveau de contemplativité avec des aurores boréales soniques qui bariolent un horizon
fracturé par des roulements de tambours, des accrocs de percussions métalliques mais délicieusement orné
d'étoiles prismiques dont les chants solitaires se perdent dans les longs abysses de la nuit. C'est là que
"Different Skies PART.VII" fait sursauter nos oreilles avec un rythme vif et strident qui s'accouple avec une
ligne légèrement moins perçante. S'ensuit un étrange ballet aux oscillations écourtées de mouvements vifs. On
dirait une continuelle ruade allégorique où les séquences scintillent et miroitent dans des figures inégales. Des
nappes aux charmes métallisées ajoutent une dimension électronique très TD à ce rythme qui fait bouger plus
les idées que les membres mais qui reste délicieusement entraînant. Les ruades s'essoufflent et "Different
Skies PART.VII" étreint un bref moment d'ambiances nébuleuses avec des vents, des crissements, des
hurlements de tôle froissée ainsi qu'une panoplie d'éléments cybernétiques et d'effets électroniques assez
avant-gardistes qui rappellent toute la richesse et les frontières de l'art électronique. Richesse qui éclate encore
plus violemment dans "Different Skies PART.VIII" et sa structure de rythme saccadée. Ambiant, ce rythme
tressaille avec un alignement de cerceaux lumineux qui entrechoquent leurs ombres stroboscopiques sous les
pulsations laconiques d'une séquence basse. La structure sonique resplendit des fragrances de Vangelis et
Tangerine Dream avec des roulements de percussions, des souffles babyloniens, des serpentins, des
lamentations et des lignes de synthé ornées de moderniste qui épousent la folie de ce staccato électronique
dont les fines nuances évitent les pièges de la redondance. Et ça se termine dans des bancs de brume,
consolidant encore plus la vision de Frank Ayers qui offre en “Different Skies” un subtil mélange des genres et
des époques. Un très bel album musical que vous écouterez encore dans 10 ans.
Note : 5/6
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TANGERINE DREAM : Tangerine Dream Plays Edgar Froese ‎– The Epsilon Journey
Chronique réalisée par Phaedream
Comment dire... Nous les fans de Tangerine Dream sommes des extra-terrestres ? Vivons-nous sur une autre
planète ? La question mérite d'être posée car c'est avec consternation que je constate le peu de remous que
crée la mort du vieux renard argenté. Je me demandais par où commencer. Il y a tant à dire. Vrai que j'ai
toujours eue une oreille critique face à certaines œuvres du TD qu'Edgar Froese a carrément mis en
dépendance face aux nouvelles technologies depuis l'arrivée des synthétiseurs et séquenceurs numériques
dans les années 80. Mais c'était le cri de la faim ! La faim pour ce que Tangerine Dream, Edgar Froese et ses
magnifiques albums solos des ères Aqua à Stuntman, m'avaient insidieusement mis dans les oreilles. Mais j'ai
toujours respecté l'homme. Sans Edgar Froese, que serait le visage de la MÉ aujourd'hui. Klaus Schulze n'est
pas la réponse à tout. Sans Froese, il n'y a pas de TD. La MÉ n'aurait pas le visage qu'elle a aujourd'hui. Edgar a
complètement démocratisé cet art en lui apportant une vision harmonique et rythmique, on aura beau ne pas
d'accord, qui lui manquait carrément. J'ai fait mon deuil. Ça été aussi long que tourmenté, surtout depuis que
ce vieux bougre s'était mis à me faire rêver avec sa fichue Sonic Poem Series et dernièrement son Quantum
Years. Je savais qu'Edgar c'était juste endormi. Mais voilà, il ne se réveillera plus ! Que reste-t-il de son héritage
? Des centaines d'albums mes amis. De la musique à se rendre boulimique. Des DVD. Beaucoup de DVD. Et,
comme un homme en peine d'amour qui regarde les vidéos de sa blonde jusqu'à ce toutes les larmes aient fui
son corps, j'en ai regardé. Les vieux comme les nouveaux. Ce que j'ai maudit à l'époque, je le chéris
aujourd'hui.
Pas toujours été d'accord ! Oh que non ! Linda Spa et son saxophone qui apporte foutrement rien à la musique
du Dream. Iris Camaa et ses percussions qui semblent dicter l'allure de ses mains et non le contraire. Non...
Pas toujours été d'accord. Mais là étrangement, ça va. Enregistré dans le cadre du fameux festival de MÉ
Hollandais ; le E-Day le 13 Avril 2008, “Tangerine Dream Plays Edgar Froese-The Epsilon Journey” est le plus
bel héritage, le plus actuel où l'on voit un Edgar encore en grande forme interprété avec sa gang de jeunes
loups quelques uns de ses meilleurs titres. Malgré de grands absents de Aqua et de Epsilon In Malaysian Pale,
le setlist demeure impressionnant. Mis à part "Hamlet", qui est très bon en passant, et les 3 derniers titres, tout
est d'Edgar. Et là, pas de doute, la gang à Froese joue pour vrai. Les prises de vue semblent d'ailleurs avoir été
tournées afin de dissiper tous doutes possibles. C'est bon ? Mieux ! C'est un coup de nostalgie où l'on saisit
toute la dimension du personnage. Sur une solide performance du groupe et de très belles interprétations, oui
oui vous avez bien lu, (OK j'ai détesté que Linda Spa joue du sax sur "Lightcone", "Stuntman" et "Metropolis"...
C'est écrit là !) le DVD présente de beaux vidéos d'un Edgar traînant son sourire et un petit clavier dans un
désert ou sur une plage. C'est un savoureux clin d'œil à sa période Stuntman, de même que le vidéo de
l'époque de Three Bikes in the Sky. On y voit un Edgar serein et en grande forme avec des courtes capsules
vidéos qui se fondent aux prises de caméra du concert. Un concert bien filmé en passant avec un bel éclairage
et de bonnes prises de vue qui ne font aucun doute sur les habiletés de quintet. Étonnement, et ça passe assez
bien, les images sont majoritairement rendues en noir et blanc ou en sépia, donnant un cachet assez particulier
à ce concert qui utilise avec justesse ses nombreuses images de synthèse. Les interprétations sont
savoureuses (bof on oublie le saxophone) et la vieille musique d'Edgar (quelle version de "Metropolis" !) prend
un bon coup de jeune. Et on voit notre cher Edgar sourire constamment, comme étant fier de transmettre sa
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philosophie, son héritage à un Thorsten Quaeschning qui n'en demande pas tant. Bref, la totale. Les points
forts ? Ils sont plusieurs. "Drunken Mozart in the Desert" est un rendez-vous à ne pas manqué. Idem pour la
solide prestation de Bernhard Beibl sur "One Night in Space" et "Leviathan". Le duel des deux guitaristes est
un bon moment dans "Hamlet", qui est foutrement meilleur sur la prestation DVD qu'en audio. À ce niveau, je
vous recommande bien plus le DVD que la version audio qui semble manqué de punch. Mais nous ne sommes
pas à une controverse près dans la monde du Dream, Non ?! Mais peu importe, vous cherchez un genre de
tribute à ce grand homme. Ne cherchez plus et procurez-vous ce DVD. La musique et les images d'Edgar
n'auront jamais si bien vieilli. Et lorsque vos oreilles croiseront cette mélodie infernale qui rôde comme un
piège à fous dans "Drunken Mozart in the Desert", vous comprendrez tout.
Repose en Paix mon vieil ami... Pour toujours et par ta musique, tu seras dans ma vie, mon cœur et mes
souvenirs.
Note : 5/6
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Frédéric Gerchambeau : New Colors of Sound
Chronique réalisée par Phaedream
Des sons! Une constellation des sons et leurs corrélations dans un canevas purement expérimental.
Dissonances ou harmonies électroniques? Le cœur du débat. Aventurier des sons, autant à l'aise dans des
enveloppes harmoniques que cacophoniques, Frédéric Gerchambeau pousse ses expérimentations sonores
aux limites de la tolérance avec un album construit sur des boucles et des échos qui servent de structures à
une constellation sonique sans rythmes, ni harmonies. L'idée derrière le concept relève plus de la théorie où
Frédéric Gerchambeau illustre, en sons, des méthodes de composition qui lui sont chères en explorant des
territoires sonores qu'il n'aurait jamais imaginé. Le résultat est assez déroutant et s'adresse principalement aux
vrais amateurs de synthés, de leurs sonorités et de leurs possibilités. Je ne vous ferai pas de cachettes, j'y ai
entendu que peu d'intéressant. Sauf que lorsque l'on prend connaissance des raisons et motivations autour de
“New Colors of Sound”, nous l'écoutons d'une autre oreille. Mais le résultat reste le même. Les sons butinent
nos oreilles comme un millier d'abeilles incertaines de vouloir polliniser où ils paressent un peu comme des
vents sans force. Quoique dans "Uncertainty Bridge", sans doute le titre le plus musical de “New Colors of
Sound”, ils hurlent, ragent et s'assoupissent dans les fascinantes couleurs des multiples réverbérations. On
dirait un exorciste d'un synthé possédé par le fantôme de l'Opéra. Et c'est encore plus vrai dans le
cathédralesque, "Circumreverbambulation" qui mange nos tympans avec ses réverbérations qui s'agglutinent
et rampent comme un nœud de couleuvres dans la boue. L'effet de gros orgue aux sons rauques reste assez
envahissant. Chaque piste est livré dans un esprit de live. Il n'y a pas d'enregistrement multipistes et Frédéric
Gerchambeau fait preuve d'une étonnante cohésion (Uncertainty Bridge) pour une musique entièrement
improvisée. Je pousserai pas le bouchon en disant que Gerchambeau dévoile ici des palettes de sons afin de
composer des paysages harmoniques. Non. Je dirais plutôt qu'il démocratise les ambiances et les possibilités
des synthés en les amenant à un niveau de compréhension plus près du grand public. À ce niveau, la
progression de "Watching the River Flow", j'aime bien le fond très cosmique, est assez séduisante si l'on se
met dans la peau d'un astronaute des sons. Pour le reste, on passe des parfums de dissonances cosmiques à
des pépiements ambiants où Frédéric Gerchambeau reste fier de ses approches sans concessions qui
démontrent, et c'est le but ultime de cet exercice sur la couleur du son, les incommensurables possibilités d'un
système modulaire. Bonne écoute. Et dites-vous que la MÉ est partie de là. Imaginez maintenant tout le génie
qui se cache sous les enveloppes de peau de ceux qui les triturent et torturent afin d'amener la MÉ au niveau
qu'elle est aujourd'hui!
Note : 4/6
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Sequentia Legenda : Blue Dream
Chronique réalisée par Phaedream
C'est un ami qui m'a mit la puce à l'oreille. Son message était clair ; il fallait que j'écoute cette musique de
Sequentia Legenda. Un groupe et/ou artiste que je ne connaissais ni d'Adam ni d'Ève. J'ai donc cliqué sur le
lien qu'il m'avait fait parvenir pour entendre les premières minutes de "Fly Over Me". Des poussières de
cosmos, des voix absentes et des nappes aux fines modulations ont tôt fait d'attiser ma curiosité. Et j'ai
contacté l'artiste. Sequentia Legenda est un artiste français qui a découvert la MÉ de style Berlin School au
début des années 80. C'est un vieil album de Klaus Schulze qui traînait dans la collection de ses parents qui a
piqué sa curiosité et qui en a fait un boulimique de l'art. Comme en feront foi les multiples albums qu'il achètera
et son envie d'en apprendre le plus possible sur les instruments qui créaient ces rythmes flous et ces
ambiances ésotériques. Les années passèrent. Sa collection grossissait, mais les informations sur les
synthétiseurs relevaient de pures légendes, de ouï-dire, de qu'en-dira-t-on. C'est des années plus tard, et
purement par hasard, qu'il allait enfin voir l'instrument. C'est dans l'arrière-boutique d'un petit magasin de
musique que Laurent allait trouver le plus emblématique des instruments de MÉ, le fameux Minimoog ! Au fil
des ans, il a amassé une impressionnante collection de synthétiseurs et ce n'est que dernièrement qu'il a
décidé de plonger et de composer une musique qui se veut un hommage à sa plus grande influence ; Klaus
Schulze.
La première séquence de rythme émerge un peu après la 2ième minute. Nous sommes en pleine période de
Body Love avec ce mouvement de séquences qui va et vient, comme une boucle intemporelle, sous les
chaudes caresses d'un synthé aux voiles mélancoliques. Le mouvement est minimaliste et son évolution se
passe tout en douceur. Les soupirs des synthés sont apaisants et détournent notre écoute vers des cieux
paradisiaques. Ça ne sera qu'à une écoute subséquente que l'on remarquera que le rythme a changé. Il est plus
fluide. Un brin plus saccadé, mais toujours aussi onirique. Et plus ça avance et plus ce rythme ambiant affiche
une vélocité pacifique. Ce sont les nappes de synthé qui magnétisent le plus notre attention. Il y a une parfaite
balance dans les tons et dans l'émotivité. Si le rythme s'agite continuellement, les ambiances respirent toujours
la sérénité. Les vagues astrales roulent dans le cosmos, alors que de fines et sombres modulations font
contrastes avec une structure de rythme qui fait palpiter maintenant des percussions. Et c'est le contraire. Si la
vélocité gagne le rythme, les ambiances se font plus poétiques. On entend ces chœurs si absents, qui hantent
la grande majorité des ambiances célestes de la Berlin School, errer maintenant sur un ruisselet de séquences
qui miroitent de ses milles reflets. Honnêtement ? Je suis sous le charme! On me dirait que “Blue Dream” est
un titre oublié par Klaus Schulze dans ses studios entre Body Love et Mirage que j'y croirais. Tout y est.
L'approche minimaliste et cet art que Schulze avait d'étirer un morceau sans que ça paraisse long. Sequentia
Legenda saupoudre constamment sa structure répétitive de nappes, de voix et d'éléments électroniques
astrales qui argumentent les ambiances sur une structure de rythme filtré de moult modulations hypocrites. On
revient sur terre et pouf ! Ça changé. Mais quand ? Et c'est tout le charme de “Blue Dream” qui passe à travers
ses 10 étapes sans que l'on voit jamais rien venir. C'est l'hypnose à grands coups de charme. Même quand le
mouvement devient un brin stroboscopique. Même lorsque le rythme fait osciller ses ions séquencés comme
mille bouteilles à la mer par une journée de grands vents. Les rayons des synthés sont là pour apaiser cette
violence grégaire qui fomente de l'intérieur, étalant tous les charmes de ces rythmes ambiants qui font duel à
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des ambiances séraphiques. Et c'est comme cela pour les 33 minutes que dure “Blue Dream”.
Est-ce que Sequentia Legenda est un coup de vent dans le ciel de la MÉ ? Un peu comme Danger in Dream l'a
été en 2001 avec le stupéfiant Entrance ? Ça serait dommage car “Blue Dream” est une belle pièce de MÉ qui
est parfumée des plus belles fragrances d'une musique dont les charmes resteront obnubilant pour encore des
années à venir. J'en ai encore les oreilles pleines de rêves... et d'espoir d'entendre d'autre musique de
Sequentia Legenda.
Note : 5/6
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La Race : 4cm de mon Amour
Chronique réalisée par sergent_BUCK
Qu’attendre de ce nouveau La Race ? A peine j’en avais appris l’existence que le froid dans le dos commençait
à monter. Pour moi, La Race aurait pu s’arrêter après son 12’’, tant la simple formule semblait avoir atteint ses
limites. "MANGE LE COUTEAU" résonnait et résonne encore dans ma tête comme un traumatisme post
non-assistance à personne en danger, moi qui avait laissé tourner le vinyl jusqu’au bout sans intervenir. Après
un passage par les bacs à disques des caves de La Cantine, me voilà avec l’objet entre les mains. Pochette
cartonnée épaisse, bien imprimée… Comparé à la teneur ‘fait maison’ des disques d’avant, on se retrouve avec
du pro, du usiné. Ce ne sont plus des petits méfaits isolés, ce disque nous rapproche de la confrérie pirate, de
l’association de crapules, de la bande de malfrats avec les pseudos qui vont avec… "Phil Scrotum", "Bâton"…
pas sûr de vouloir rencontrer un type qui se fait appeler ‘bâton’, pour ma part. ‘4 cm de mon Amour ?’ c’est
donc ça… la résistance moyenne de la masse musculaire ferait elle que la plupart des lames se plantent à plus
ou moins 4 cm de profondeur ? Je respire un grand coup et je lance l’appareil… Oh non, vous ne m’aurez pas
avec cette introduction lente et glauque… comme si je ne m’attendais pas à ce qui allait me tomber sur le coin
de la tronche. Et voilà, ça ne rate pas. L’autre arrive sournoisement avec son baril de lames rouillées et la
seconde d’après je me retrouve enseveli sous les coupures. Romain le Cogneur est toujours aussi sec sur ses
percussions… souvent à la limite de l’indus. De celui où les machines ont picolé de l’huile d’alambic et se
mettent à tourner à plein régime, un peu en biais. Romain le Cracheur, lui, semble avoir continué son régime à
base de crème de barbelés. C’est avec joie qu’on retrouve son raclement de gorge teinté de râle matinal, et
c’est avec soulagement qu’on ne comprend toujours pas les paroles. Enfin si, parfois : ça parle de chiens qui
ne laissent rien derrière eux, de Diable blanc qu’il faut faire sortir, de Peste qui arrive… Et d’autres joyeusetés
qu’on se serait bien passé d’entendre, finalement. ‘Les Chiens’ fait d’entrée de jeu très mal. Le morceau se
grave au couteau dans la tête dès la première écoute. Et puis il y a ‘Chiale’, la pure méchanceté… ou l’affreux
jojo, non content d’avoir volé et cassé notre jouet sous le nez continue de nous mettre des mandales pour avoir
la satisfaction de nous voir pleurer encore, encore plus. Et cette face B, plus lente, plus perfide. Pas la moindre
sonorité confortable, comme dans un test d’endurance, et même si le disque n’est pas long, on est poussé à
bout. De Diable Blanc et ses paroles graveleuses, de Pilule d’Hitler, avec sa syncope qui donne des nausées…
toutes les oreilles, y compris les plus robustes seront mises à l'épreuve. Et voilà la Peste qui commence… plus
de rythme ici, il n’y a qu’un gros nuage grisâtre qui arrive, qui arrive, qui arrive… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus
rien. Plus rien à jeter aux chiens, plus rien à faire chialer, plus rien à faire sortir… Plus rien de mes tympans.
Allez les gars, merci pour tout votre amour mais, dites vous qu'il va falloir faire encore plus costaud pour la
prochaine ! En attendant, je vais aller reposer un peu mes acouphènes avec du John Cage, moi.
Note : 5/6
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Batalj : Batalj (7")
Chronique réalisée par Dioneo
Attendez ! Ce n’est pas une question d’hygiène… C’est une expérience. De la génétique qui part en vrille. Cette
peau, je veux dire… Ils ont dû trafiquer le code, d’accord, faire mumuse avec l’ADN. Ça donne ce truc
mi-tumeurs mi-sébum mi croûtes, totalement dégueulasse, sur toute la surface visible de l’épiderme – oui : je
cite trois moitié, le protocole induit qu’on subdivise les proportions, ça donne des comptes ainsi bizarres. Pas
simplement une gueule – on n’en voit pas, de tronche, d’ailleurs ; un échantillon trop grand mais bien délimité
dans son carré de pustules, plutôt : pores suppurants, prurit qui s’impose et se transpose, se transmet à l’œil
qui s’y pose, s’inscrit sur la couche externe. Ou alors c’est un accident ; le nuage de Tcherno, après tout, s’il
s’est arrêté en Lorraine – sympa ou bien discipliné, de nous épargner la contamination – rien ne nous dit qu’il
ait évité Berlin. D’ailleurs ils doivent être dans les âges, à peu près, ceux là, pour s’être mangé la bouffée. Et
puis – message ou pas, et rien ne prouve qu’ils s’en revendiquent, d’un quelconque – ce n’est pas pour rien,
quand un groupe joue sur scène avec une chèvre en bois décapitée qui chie une cannette d’Heineken. En bois
oui, plutôt qu’une vraie chèvre en chèvre – je les soupçonne de toute façon d’être carrément vegan et
ni-dieu-ni-maître alors hein, les histoires de caprins-émissaires… Bon, ou alors c’est encore une mutation, la
bestiole. Ah, aussi, tout de même, bonne nouvelle : au son c’est très loin d’être aussi répugnant que ce visuel
dermato-pathologique. La musique de Batlaj, certes, est tout aussi dégénérée, souches altérées, anarchie
moléculaire et immunologique mais… Allez savoir, ça sonne plutôt bien plus fendard que repoussant. Épuisant
c’est sûr – comme disait un mec avec un appareil à la fête où on les voyait jouer : c’est bien que ce soit bref –
mais bien réjouissant. Grindcore en délire, avec injections d’électronique rachetée peut-être bien dans les vieux
stocks d’Allemagne de l’Est ; quelque chose d’aussi luxueux. Une véritable performance physique de la
chanteuse/manipulatrice de clavier, aussi, qu’on voit tendre les muscles de son cou avec technique et
embardées, yoyo entre suraigus déchirés et grondements plein-abdomen – le guitariste lui vomit ses
contrepoints ; visuellement c’est un poil moins impressionnant mais question dynamique, ça hystérise encore
l'ensemble le cran plus loin, le colle et l'arrache. C’est le bordel. C’est l’idée. C’est évidemment brisé au petit
poil, les cassures et tournants en épingle négociés à l’infime fraction de millimètre. Chaos technique. Avec
cette puissance créatrice profondément précoce et ahurie du genre-racine – le grind, on le répète, ça ne fait
aucun doute – qui n’oublie pas que "n’importe quoi" veut dire au fond, aussi, "tout est permis", sans besoin
d’en rester aux blagues sur les nichons ou aux teintes métales – les jeux de mots douteux sur un Autrichien qui
séquestre et fout enceinte sa fille vingt-quatre ans durant dans sa cave et les noms de pizzas hyperbolisées
font tout aussi bien l'affaire, le lit du débordement. D’ailleurs : cette musique est rose, à corolles d’un rouge
plus vif et sensible, douloureux, autours des éruptions ; elle entretient ce rapport avec la fameuse pochette
pousse-à-la-gerbe : une sorte de démangeaison passée dans le spectre chromatique. Et pour parfaire la
panique et la confusion des signaux, des et du sens, des réponses chimiques et cognitives – l’ongle salvateur,
ce serait la touche "play", qui en même temps diffuserait, ferait circuler les germes dans le tissu. Et puis si ça
se trouve, cet accès de violents pustules, c’est peut être dû simplement à la bouffe dans les avions, après tout une sorte d'allergie à ces mixtures pourtant sans goût d'excipients et conservateurs, colorants, anti-oxygènes.
(Bienvenus dans un monde sans frontière…). Après tout il faudra bien que ces bourgeons crachent leurs jus
avant que ça cicatrise. Ça fera un bien passager mais indéniable. Pourquoi se refuser ce bien être sous prétexte
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qu'on y laisse quelques écailles et squames de toute façon infectées ?
Note : 4/6
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Billy Idol (Billy) : Kings and queens of the underground
Chronique réalisée par Twilight
‘Né dans une époque qui n’était pas supposée durer, en 1977, ça allait vite. Johnny nous a dit de nous lever, de
n’en avoir rien à foutre, et ensuite ‘Kiss me deadly’ et nous tenions un hit. La nuit dernière au Roxy, nous avons
fait l’amour sur la piste, nous nous sommes shootés dans la salle de bain et dit qu’on s’ennuyait. Si tu es ici ce
soir et que tu entends ces sons, c’est que nous sommes toujours des rois et reines de l’underground. Je ne
cherche pas à être profond mais si je suis toujours par ici, c’est que nous sommes toujours des rois et reines
de l’underground’. C’est Billy qui chante. Un Billy qui se souvient…De celui que ses profs surnommaient ‘Idle’
(paresseux) d’où son nom de scène, du ‘Bromley Contingent’ qui allait soutenir les Sex Pistols, des premières
répétitions avec Generation X… Londres, ce jeune punk devenu une superstar mondiale, les excès, l’oubli, la
renaissance…Car 2014 sera l’année Billy Idol. Triomphant en alignant coup sur coup son autobiographie et un
nouvel album qui caracole déjà en tête des ventes, notre rockeur peroxydé, à l’approche de la soixantaine, nous
livre son disque le plus personnel. Il y a bien entendu la mélancolique ballade éponyme dans laquelle il
s’épanche comme jamais encore, traçant avec nostalgie un bilan de sa carrière…’Golden years’, fredonne-t-il.
Mais il y a aussi ‘Postcards from the past’, du très très grand Billy, avec la mélodie qui tue, le refrain racoleur et
les paroles révélatrice : oui, il a souffert, oui, ça n’a pas toujours été aisé, mais il se sent le double de l’homme
qu’il a été, plus jamais il ne doutera, son future s’annonce plus brillant que jamais. C’est le secret de l’album, ce
regard vers le passé teinté de tristesse en parallèle d’un formidable espoir vers un avenir encore à écrire. Les
paroles en sont littéralement gorgé. Mais attention, malgré son titre, ‘Kings and queens of the underground’
reste tourné vers le grand public et sonne moins rock et direct que ‘Devil’sd playground’ (responsable, un
Trevor Horn en charge de la production). On a toujours reproché à Billy son goût des paillettes et ces mêmes
détracteurs lui reprocheront ‘Can’t break me down’ avec son refrain rock wave FM ultra catchy (‘Bang bang
bang, you shot me to the ground…’) sacrément bandant, il faut bien l’avouer, ou un ‘Save me now’ efficace
mais sans prise de risque. Ils auront moins d’arguments avec ‘Postcards from the past’ avec un Steve Stevens
magistral derrière son manche, un synthé repiqué à ‘Rebel yell’, ‘Kings and queens of the underground’ (mmm,
cette petite flûte tristounette) ou un ‘Ghosts in my guitar’ légèrement bluesy. Billy y tombe le masque, by bye le
rockeur cocaïné, salut le jeune punk plein d’espoir. Signalons aussi ‘Eyes wide shut’ tout en nuance et en
efficacité. Car si l’homme a délaissé les influences punk rock de ‘Devil’s playground’, il a beaucoup travaillé sa
performance vocale dans laquelle il se montre des plus convaincants. Il se permet donc une galette au final
assez grand public mais homogène entre sursauts électriques (‘Whiskey and pills’, ‘Postcards from the past’ )
et arrangements pop plus riches (‘One breath away’, ‘Eyes white shut’…). On peut regretter légèrement cette
dernière tendance. Reste que le disque sonne inspiré, pas aussi radical qu’on eût pu l’espérer mais néanmoins
empli d’énergie et de plaisir de faire de la musique. Et après tout, il a toujours fonctionné ainsi, Billy, en roulant
des pelles au grand public tout en flirtant avec l’underground. Contrairement à David Bowie qui a su se
réinventer en conservant une véritable identité, lui n’a jamais changé, il a juste décliné sa personnalité en
diverses facettes et ça lui a plutôt bien réussi malgré quelques années creuses. ‘Kings and queens of the
underground’, c’est tout cela, un disque à la croisée des changements, entre bilan et avenir, plein de
promesses, comme en témoigne la triomphale tournée mondiale qui accompagne sa sortie. Billy les Paillettes
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devient vrai, c’est ça la maturité… Bienvenue à nouveau sous les spots ! 4,5/6
Note : 4/6
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The Sontaran Experiment : I
Chronique réalisée par saïmone
S'il n'y avait eu Paul Catten dans le groupe, fraîchement sorti des Lazarus Blackstar, avec un nom et une
pochette comme ça, je ne me serais sans doute jamais arrêté plus d'une demi-seconde là dessus. Grosse
erreur. Sans être le groupe du siècle, retrouver le chant félin de Catten est toujours un plaisir en soi ; cette
image indélébile d'un type le pantalon aux chevilles, sur le trône, forçant pour éviter une occlusion. C'est
sludge, quelque part – le style de prédilection de notre ami, qui s'investit là dans l'unique album d'un groupe de
gloubiboulcore, se faisant succéder d'énormes pains de béton cru avec des diarrhées (nous y sommes !) de
bordel blast core de merde (oops). Aidé par un son énorme qui fait à lui seul la moitié du plaisir de l'écoute, le
groupe enchaîne quelques bonnes idées (les riffs à la Lazarus, feignant, con, bourgeois) et d'autres choses
plus bancales (les parties rapides, ratées, ou ces espèces de transitions vaguement complexe qui donnent
surtout l'impression que les mecs ne savent pas ce qu'ils font). The Sontaran Experiment (comme dans Dr Who,
oui) est un groupe sympa, oui, on aimerait bien qu'il soit quelqu'un d'autres, car il a une fâcheuse tendance à
tomber dans l'oubli – la preuve, je l'ai ressorti parce que j'étais en train de ranger ma discographie, et je me suis
souvenu que je le possédais. Pour autant je ne peux pas me résoudre à lui mettre moins de quatre boulettes,
car tout ça m'est éminemment sympathique, ce côté un peu hystérique et saoulant, too much et bien dans l'air
du temps. Un disque qui risque de vieillir vite, mais nous en sommes tous là aujourd'hui, non ?
Note : 4/6
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Batalj : Batalj (cassette)
Chronique réalisée par Dioneo
Bon ! La pochette est moins répugnante, ce coup-ci – par rapport au quarante-cinq tours précédent, j’entends ;
qui poussait cet aspect là bien loin dans l’immondice, il faut dire. On sent toujours bien la nature "maladie
cellulaire" de la chose, du… Disons du concept. La monstruosité dermique, les malformations inédites. Mais
c’est moins… Granuleux. Moins purulent, aussi. Ici, on penserait plutôt à une espèce de couche grillée, plus
croûte de brioche que gratin suppurant. Pâté au four, un peu – du désoxyribonucléique cuisiné
hauts-fourneaux. Certes… On hésite un peu à y croquer tout de go, c’est sûr ; c’est tout de même étrange,
comme enveloppe, en texture. En plus… À y regarder de plus près, on discerne une face à peu près humaine,
dans l’image – ou d’une race extraterrestre physiquement assimilable ; une sorte de bouture démoniaque en
miroir. Une face à peine cachée, fâchée, grognante on dirait bien. Le genre qui appartiendrait à on ne sait quel
prêtre occulte-technocrate dans une histoire de science fiction réalisée avec les moyens du bord et sous les
influences de psychotropes diversement dosés, à titre d’expérimentation. Taper des rails mixtes cocaïne-ajax
poudre, gratter la crasse aux murs d’un bunker ou d’une ancienne usine de peintures acryliques, de défoliants,
fumer ça pour voir ; faire une soupe avec des levures prélevées sur des écorces dans les boccages de Prypiat.
Bien sûr, en musique, ça ne s’arrange pas non-plus. C’est bien toujours la même anarchie plastique,
croisement aux croissances hasardeuses, risquées, parfois curieusement attirantes de grindcore strident,
bruits d’électronique martyrisée primaire ; des cris mâle et femelle, les deux pas toujours discernables – elle
sautant les octaves du grondant bas-du-bide au perçant glotte-arrachée souvent encore plus que lui, les deux
parfois à l’unisson ou "harmonisant des chœurs"… enfin, des espèces de combinaisons de timbres et
fréquences ainsi émis par leurs appareils phono-respiratoires. Aussi : ils prennent leur temps, un peu plus,
cette fois. Non que ça s’attarde, évidemment : la double durée par rapport au vinyle cité, ça ne nous porte
encore même pas à vingt minutes ; à peine au delà du quart d’heure, même. Mais certaines plages, simplement,
passent les deux et demi, poussent autours ou plus loin de quatre. Le pire – le plus beau – étant que celles-ci
sont particulièrement réussies, fouillant le grain du son dans un chaos noise rampant spécialement réjouissant.
De nouvelles souches ; des végétations, comme on dit en médecine, encore, en science des infections :
certains corps parasites qui poussent sur les organes (et qu’on repère parfois seulement au stade avancé
parce qu’ils font crise, attaque). Décidément intenables, ces trois là. Jamais à la même place, leurs jeux
d’épidémiologie amusante : elle bouge avec eux de squat en squat, d’un pays à l’autre, sans doute d’une répét’
à la suivante. Je trouve ce bubon là poussé le cran qu’il faut, cette mutation-ci spécialement accrochante, ses
substances concentrées dans les "bonnes" terminaisons. On en viendrait presque – oui – à regretter que ça ne
nous passe pas une poignée de minutes plus tard, tous comptes faits. De toute façon c’est facile d’y revenir…
Ça ce chope comme une espèce de crève. On se dit que nos jours étant ce qu’ils sont – facteurs
climatologiques, pollutions cancéreuses, friches industrielles ou pactes entre lesdites, d’industries – il va falloir
de toute façon qu’on renforce nos systèmes immunitaires. En incluant l’imagination. Préparons le blindage
contre les foutaises à l’hybride trop lissé, intégré. Plutôt ce bordel, allez, que de jolis OGM. Au moins à ce labo
là on joue comme on respire – c’est à dire sans se fourvoyer sur la stabilité, l’innocuité de nos atmosphères.
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Note : 4/6
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Bob Wayne / Exodus : Split
Chronique réalisée par Rastignac
Comment chroniquer un single sans tomber dans le tweet ? Et bien en chroniquant un splint single. Mais
comment chroniquer un splint single sans tomber dans la punchline en deux phrases, sans trop forcer sur les
anglicismes (ach, trop tard) ? En chopant des splint singles mutants. Alors, aujourd'hui, dans le genre
patchwork voici un single d'Exodus, partagé avec... Bob Wayne, chanteur d'outlaw country. Face A : Bob
déboule d'un épisode de Deadwood avec violon et banjo, devil à ses trousses, ouais baby et tout, flag sudiste
au dos pour nous raconter une histoire bien d'chez lui. C'est plaisant, c'est rapide, ça parle de diableries... : la
country, ancêtre du thrash metal ? Sur la face B, et bien Exodus, avec un son supermegaultra ROND et produit,
des guitares qu'on dirait des fanons de baleines tellement elles sont épaisses et pleines de basse, pour un
morceau mid tempo coolos et fun, pas très très agressif, pas très original, mais bon, ça je crois qu'on ne doit
plus avoir de surprise à ce sujet en écoutant Exodus. Alors, comment faire pour vous décider à écouter ceci,
voire (oulah...) l'acheter ? Et bien c'est un bon single. Quoi, ça suffit pas ? Ok, la typo est un peu moche, la
pochette a semble-t-il été torchée comme un shot de bourbon au fond du clubhouse d'un MC, et la musique
ressemble un peu à une grosse moto qui fait plus de bruit qu'elle n'avance... mais c'est sympa, c'est très
relaxant, le genre de vibrations qui me met bien à l'aise, qui donne soif aussi. Vous n'aimerez pas, bien sûr, si
vous êtes americanophobe, si vous détestez la country, et que vous vomissez sur le thrash metal. Et sur les
motos, les tatouages, les patches, le rock and roll. Et moi, pourquoi je kiffe ce blend of music là ? J'ai pourtant
pas de Cadillac, j'ai pas fait partie des fondations du thrash metal américain, et je n'ai pas le permis moto,
voyager au États-Unis me fait peur, j'ai une bronchite dégueulasse en ce moment, ils pourraient m'interner pour
apologie de l'ebola... mais j'aime bien voir, quand même, ce lien pas si ténu que cela entre metal et folk, chose
qui a été tentée avec plus ou moins de succès avec les traditions locales de chaque pays, notamment en
Europe... ben là, le creuset étant le même ('murica!), la liaison des deux sous-genres n'est pas si décousue que
cela, et coule de source en fait. So four balls, buddy. And you ?
Note : 4/6
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Dornenreich : Freiheit
Chronique réalisée par Rastignac
Quand les métalleux en ont marre du metal, quand ils veulent diversifier leurs moyens d'expression afin de
mieux décrire la profondeur de leur soi, en contradiction avec leur moi, et aussi le tien qui vaut mieux que deux,
tu l'auras, et bien ils font de la disco. Mais non, enfin ! Ils font surtout de la folk. Non ? Bon, pour argumenter, et
essayer de rattraper cette entame catastrophique je vais vous parler de la dernière sortie de Dornenreich,
"Freiheit". Je ne vais pas tout traduire, attention. Tout est en allemand - autrichien si on veut être précis, les
paroles, le livret nous invitant ainsi à nous acheter un bon vieux dico et reprendre nos cours abandonnés
d'initiation à la tchatche de Schiller und Goethe. En parlant de livret, ça respire la nature et la symbiose avec
nos amis les environnements avec oiseaux plumés plein d'eau, mecs du groupe baignant leur tronche sous le
soleil, dans les champs de céréales toussa. Il semble que nous nagions donc en pleine terre mère païenne, à
fond les ballons dans une philosophie de vie attachée à un équilibre entre lumière et ténèbre, coucher de soleil
et biture la tête couverte de cendre, bisous sous les chênes et cauchemars dans les terriers. Musicalement, ce
groupe a déjà franchi le pas vers la folk il y a quelques albums, désarçonnant leurs premiers aficionados de
cris gutturaux et de guitare saturées mais touchant le petits cœurs des fans de Sol Invictus et de musique de
chambre... si vous aimez Chostakovitch, Chopin et les violoneux, et la guitare acoustique, ceci est pour vous.
Ceci est pour vous aussi si, comme nous le disait Neurosis y a longtemps, vous comprenez qu'il n'y a "pas de
lumière sans obscurité". Vous aurez donc droit quand même à votre 10% de metal sombrex, les racines dark
dudit groupe réapparaissant au mitan de l'album, nous balançant un joli moment syncopé, très efficace, avec
violon toujours, mais aussi cris et grosse guitare... ces intonations ténébreuses 100%, se cachant derrière les
rayons de soleil transparaissant dans les champs de blé à l'occasion de la transhumance des oies sauvages,
ces bouts d'encre noire déduites de la seiche, jolie mollusque faisant les délices des pâtisseries sétoises, cette
hargne contenue dans les murmures du chanteur explosera quand sa voix s'amplifiera, laissant l'auditeur
décider si notre gars est dépressif ou rageur, selon. Très romantique, triste et contemplatif, une sorte de "Six
Organs of Admittance" moins abstrait, cet album saura vous égarer les dimanche après-midi, à vous balader
dans quelque forêt de chez vous afin de réfléchir un peu sur ce que vous faites, les dichotomies entre ce que
vous pensez et ce que vous voudriez être... le peu de ce que je comprenne des paroles tournant effectivement
autour de ces questions existentielles. Musicalement beau comme une blonde que vous auriez posé sur un tas
de foin, comme un cormoran qui vous regarderait de ses yeux noirs, tranquille et calme comme un nuage tout
bêtassou qui vous passerait au-dessus du nez un après-midi de juillet à la ferme, ce Freiheit saura libérer le
lutin folkeux qui est en vous, celui qui a un bandeau dans les cheveux avec marqué "Iron Maiden" dessus.
Miam boules donc pour cette liaison efficace entre metallitude et folklorité, dans cette approche acoustique de
leur affect, pas kitsch ni trop larmoyante, toute mûre, comme un joli épi de maïs !
Note : 4/6
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Impetuous Ritual : Unholy congregation of hypocritical ambivalence
Chronique réalisée par saïmone
Ah la bonne blague. Dans ma précédente chronique je vous parlais d'une rencontre primale entre Sadistik
Exekution pour le bordel et Portal (normal) pour les ambiances. Sauf que lesdits garçons semblent avoir tout
donné sur Vexovoid, à tel point qu'il ne reste plus dans Impetuous Ritual que les solos débiles et les blasts
teubés. Sérieusement, ce disque est une blague. Du sang des cadavres, Impetuous y saute dedans à pieds joint
comme un gamin dans une flaque d'eau, bottes en caoutchouc comprises. Monolithique comme une journée
auprès de Charles Ingalls, Impetuous bourrine non-stop du début à la fin, la tête la première dans les vagues
souvenirs de ces riffs refusés par les autres musiciens de l'Autre Groupe des deux – et viens nous rappeler que
Grave Upheveal fait aussi partie du lot. Sans qu'on ne puisse nier un certain effet lors des premières écoutes –
ce que j'appelle la tendance universelle à la beauferie – il faut bien se soumettre au constat que tout ça ne va
nulle part, avoir un gros son n'y changera rien. L'ennui guette : les meilleures sont les plus courtes. Je crois
d'ailleurs que Pitchfork a donné une super note à ce truc.
Note : 2/6
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Sun Araw : On Patrol
Chronique réalisée par dariev stands
Sous la décharge géante, la Jungle. Bienvenue dans le coin le plus chargé en Ions subsoniques de la planète
rouge, mes moussaillons. "On Patrol", c’est la tribulation huileuse, cannabique et hautement psycho-active de
Cameron Stallones, rien à voir avec Mr Sylvestre mais bien un genre de Judge Dredd transposé dans le "Live à
Pompei" de Pink Floyd. Sauf que Pink Floyd s’est renommé Pink Scratch Perry (ça sonne mieux que Pink Bob),
et qu’ils ne jouent plus que "Set the controls for the heat of Mars" en version dub ultra étouffée, filtré par une
K7 bootleg ayant pris la boue poussée à blinde sur une autoradio dans lequel le groupe semble s’être retranché
pour l’éternité, bandes audio à jamais coincées en boucle dans une voiture volante façon 5ème élément,
indispensable depuis que le Vésuve à tout englouti sous sa lave… Car oui, faire un live à Pompéi sans magma
bouillonnant c’est trop simple, trop apollinien. Faut que ça glougloute, pendant que les rastas dans la radio
vous guident en virée dans leur chevrolet chevrotante, flottant in a Total Recall style, guettant l’embuscade
dans la nuit liquide, au détour d’un pont rouillé, d’un immeuble en friche, d’une grue fossilisée… Autant dire
qu’aucune des 4 faces du double LP ne trahit les promesses pourtant insensées de ce titre, de cette police
d’écriture, et de cette pochette savamment cyberpunk old school. Depuis le volant d’où je vois la ville
souterraine s’offrir à mes yeux, tandis que le pilotage automatique fait son œuvre, je lance au fantôme dans
l’autoradio : "ta chevrolet, dis donc, elle plane carrément"… "- Ma chevrolet… oui, mais……"
Note : 6/6
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NU:N : Nothing unveils nothing
Chronique réalisée par Twilight
NU:N pour ‘Nothing unveils nothing’, NU:N pour ‘nous sommes un groupe goth portugais influencé par la
spiritualité, la cosmologie mystique, comme Garden of Delight, Fields of the Nephilim ou Merciful Nuns, la
musique des Sisters of Mercy (d’ailleurs notre chanteur a presque exactement la même voix) mais aussi les
quelques classiques du gothic rock des 90’s (Nösferätü, pour certains riffs, Rosetta Stone pour les
programmations punchy, parfois étonnamment légères dans leurs sonorités face à l’iconographie obscure
avancée par le trio…). Naturellement, nous vivons aussi dans notre époque d’où les touches électroniques
assez modernes (et les deux innommables remixes technoïdes à jeter à l’égout en fin de disque)’. NU:N pour
‘un groupe de plus dans la nébuleuse Nefs/Sisters, ni meilleur ni pire qu’un autre. Album bien produit, effort
pour soigner les atmosphères (l’intro orientale de ‘Entrance to illumination’, le pachydermique, nocturne et
dépouillé ‘This city this woman’), un sens de la mélodie pas dégueulasse…Mais aïe, aïe aïe, ils sont si
nombreux en lice dans le style qu’aussi sincères que soient leurs compositions, elles ne proposent pas le petit
plus qui marquerait la différence. Pas question de lanterne rouge mais inutile de songer à figurer sur le podium
des vainqueurs pour autant. NU:N pour un groupe gothic rock de plus, sympathique mais pas transcendent,
pour l’instant du moins. 3,5/6
Note : 3/6
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Hapax : Stream of consciousness
Chronique réalisée par Twilight
Pourquoi je n’arrive pas à m’enthousiasmer plus franchement pour ce premier opus des Italiens de Hapax ? Les
ingrédients le composant semblent pourtant de premier choix. Voyons, nous avons un chanteur plutôt bon
dans son registre avec son timbre grave, bien adapté au style gothic rock, des nappes de clavier du plus bel
effet conférant aux chansons une profondeur quasi spatiale, des guitares fraîches et cristallines développant
des harmonies prenantes…Qu’est-ce qui cloche alors ? La programmation pour commencer, détail que le
groupe ne serait pas le premier à négliger, trop binaire et uniforme en matière de sonorités, manquant de
punch, ce qui nous amène à la seconde faiblesse, plus grave à mes yeux: la production. Trop lisse, elle se base
sur un mixage aseptisé dans lequel chaque élément occupe une place similaire (correctement choisie pourtant)
sur chaque morceau, gommant ainsi le relief et les aspérités de chacun d’entre eux. La formule fonctionne au
début avec les séduisants ‘Untitled heart’, ‘To the other side’ ou encore ‘The marble falls’ conciliant
audacieusement l’aspect new wave planant du Clan of Xymox des débuts avec des bases gothic rock. Un
sentiment de monotonie se met pourtant en place peu à peu, non pas que les titres soient mauvais, non,
simplement on les écoute d’une oreille aisément distraite, on ne s’y investit plus émotionnellement, leurs
contours se ressemblent trop (c’est d’autant plus regrettable que les lignes de clavier sont vraiment bonnes),
les tempi itou. Il faut attendre 'Giordano Bruno ' et le pourtant lent 'Listen' pour rompre ce sentiment. Ce qui me
ronge, c’est que je suis persuadé que l’écoute de ces mêmes compositions réparties sur deux EPs auraient
évité cette impression. Attention, ce disque reste très honnête et des morceaux tels que ‘Untitled heart’ ou ‘Like
sand’ dégagent un vrai potentiel tubesque, mais on sent qu’il cache davantage et je ne parviens pas à le
ressentir pleinement. Je ne serais pas étonné que ces promesses se révèlent pleinement sur scène. Va pour le
4 mais j’aurais sincèrement souhaité avoir envie de mieux noter…
Note : 4/6
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King of Asgard : Karg
Chronique réalisée par Rastignac
Je regardais l'autre jour le film Valhalla Rising. Beau film, méditatif, se passant dans un âge reconstitué, celui
de l'an mil en gros, avec des celtes dedans... et une allégorie d'Odin le borgne boutant les chrétiens hors du
monde ou les convertissant à sa force surhumaine. Quand on regarde de plus près, ces celtes ou ces vikings,
tels qu'on se les représente aujourd'hui, dans ce film et ailleurs, ressemblent beaucoup à des métalleux :
cheveux longs, barbes avec tresses, tatouages, force musculaire, goût pour l'alcool et les stupéfiants, veste en
cuir sans manches, bijoux en argent. C'est donc tout naturellement que la scène musicale métallique rendra
hommage à ces civilisations disparues, en créant carrément un sous-genre, le "viking metal". Un peu comme
du "arverne metal" mais ancré géographiquement un peu plus au nord de la Margeride, un peu comme du
heavy metal, ou du death metal, ou du black metal, selon, mais avec des gimmicks particuliers et obsédants.
Ceux-ci nous aideront à repérer facilement ce qui est ou non originaire de cette scène, de cette baie, que dis-je,
de cette péninsule : traquez les runes, les ouroboros, les fjörds glacés, les odes à Odin ! Aujourd'hui, c'est
King of Asgard qui s'y colle - Asgard, olympe local avec ses douze temples. Muni de simili-runes, d'odes à la
nature et aux rapaces nocturnes gris et noirs, le livret nous en met plein la gueule : cédévikings ! Niveau
musical, nous restons également dans la continuité de ce style, de cette culture, de ce concept, avec chansons
épiques, edas métalliques infusés dans de la sombritude où les choeurs se mêlent au guitares surexposées, se
voulant puissantes comme du feu grégeois, sous les coups de semonce de la double grosse caisse du
Ragnarök ; parfois méditatives comme un guerrier posant des pierres les unes sur les autres, au bord de l'eau,
le sang gavé d'amanites tue-mouches. Niveau généalogique, King of Asgard se retrouve naturellement dans la
tradition suédoise propre à ce style, montrant à tous les infidèles monothéistes une virilité immense et sans
égards à toutes les mauvaises langues qui voudraient persifler la longueur de leurs drakkars. Pas compliqué,
pas original, ce disque m'a quand même bercé, par son équilibre entre une agressivité inspirée et la grosseur
parfois pompière du propos (j'ai même lu le terme "power metal" dans une chronique... 'froid dans le dos'). Le
groupe a quand même un réel talent de conteur, de chanteur, une posture mélodieuse qui me plait, maintenant
que je me trouve environné de glace, de pierres et d'arbres morts sous le gel... donc, allez, quelle que soit
l'artificialité de toute reconstitution d'un passé enfoui sous des tonnes de tourbe, le propre de la musique est
bien de faire fantasmer, rêver, dormir, baver, l’œil tout morne sur le paillasson, devant la hutte du sorcier - et là,
ça marche chez moi, mais juste un peu. 4,01 (sous zéro, avec vent nord/nord est, mer agitée. Krakens au large).
Note : 4/6
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SUNBURNED HAND OF THE MAN : Jaybird
Chronique réalisée par sergent_BUCK
Quelque chose de patibulaire se dégage de cette zone psychédélique… comme dans une jungle hostile. Peut
être que ce cri qui débarque à 20 secondes à peine du départ, copie conforme du hurlement d’Iggy Pop au
début de TV Eye y est pour quelque chose… Ce cri en fait, c’est une balise qui signale que je viens vraiment
d’entrer dans la jungle, et pas pour y faire de la bronzette ou du stretching, non. Je débarque en territoire
inconnu là. Une zone où la main de l’homme n’a jamais mis le pied, en quelque sorte. Les coups de machette
dans la végétation qui pousse à vue d’œil se mêlent en rythme aux gouttes de sueur qui tombent de mon front.
J’essaie de me rapprocher de cette bande de zigottos que je distingue au loin qui peinent à tenir leurs
instruments, mais qui continuent à jouer toujours. Accrochés à une jam qui n’en finit pas de s’étendre, tant qu’il
en restera un debout pour continuer à jouer, à tenir les autres éveillés. Et il y a ce cœur qui bat au fond. Ça
résonne sous mes pieds, ça m’empêche de tenir en place, ça me fait avancer, continuellement. Cette voix qui
crie toujours depuis si loin… ou alors si près… comment se fait il qu’elle résonne si fort dans ma tête ? Par
moments, le palpitant se calme. Les brulures de cerveau s’estompent. Je peux même prendre le temps de me
poser un peu, de m’arrêter pour comater sur les fleurs, je range la machette, et pousse les branchages à la
main. Au détour d’une souche, je croise un vieil indien fatigué qui me tend son calumet. Lorsque le soir tombe,
il vaut mieux s’allonger et attendre. Ça tombe bien, les autres là bas se sont calmés aussi. Le batteur tapotte
ses toms maintenant, il a rangé ses baguettes. La chaleur est toujours là, mais ne brule plus la peau. C’est une
lourdeur moite qui ralentit les mouvements. Des fois on se croirait au vietnam, mais sans Marlon Brando à
éliminer… juste une errance sans but, une descente le long d’un fleuve imprégné de blues. J’aperçois l’indien
de tout à l’heure, il danse et chante le long des rives, il a l’air en plein trip… Moi aussi je crois. Voilà que le
groupe au loin se remet à jouer, la voix revient, encore plus en forme, je ne comprends toujours rien à ce
qu’elle raconte. La caisse claire pète aux oreilles comme des coups de pétard. Ça commence à m’attaquer
physiquement. Les basses consument mes oreilles lorsque le point de saturation final est atteint. Ils sont tout
près maintenant, je peux les apercevoir. Je continue malgré l’état de mon corps… encore deux, trois arbres à
passer. Ça y est je me trouve devant la scène… et au moment où je relève la tête, le dernier larsen tenu depuis
trop longtemps s’arrête. Ils posent leurs instruments et descendent. "Hey ! T’es là Buck ? On t’avait perdu de
vue… alors ce concert, t’as trouvé ça comment ?" - "euh…"
Note : 4/6
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Cowards : Rise to infamy
Chronique réalisée par saïmone
Les tempes bien dégagées, le dessus un peu plus long, Coupe du Monde 2014, barbe bien taillée, au millimètre.
Converse, veste en cuir, façon motard. Végétarien, abonnement mensuel, vélo. Salle de sport, MMA, déodorant
anti-transpirant 24h/24h. Enfance proprette, refoulement, ennui. Alcoolisation massive, tampax anal,
déambulation nocturne. Bagarre perdue. Anorexie, film de cul sur les tubes, sextoys masculins. Table Ikea,
chemise blanche, MacBook, Iphone. École de commerce, DUT management des organisations, héritage
colossal. Confort de banlieue, humiliation quotidienne. Mère hystérique, père mou du gland. Sœur salope.
Rupture à un concert de Fauve, premier viol consenti dans les backstages. Cigarettes hors de prix, boulette de
shit achetée trop cher au seul arabe de ta connaissance. Une autre humiliation, une autre bagarre perdue, une
hospitalisation. Stephen Bessac chez Cyprien, DSK chez Gehenna, Kyan Khojandi en feat chez Integrity.
Errance, haine de soi, dégoût de droite. Plus de capote, plus de Sida. Robert Pattinson vs Evan Bird. Flingue à
papa, paranoïa, harcèlement, hostilité. Tentative de suicide, multiple. Passage à tabac, multiple. Acte de
barbarie, première incarcération. Prison, pot de vin, arrangement. Rumeurs, viols. Parloir, corruption,
provisoire. Errance, quartiers chauds, bagarre gagnée. Armani, St Laurent, Lagerfeld. New York, Casablanca,
Beijing. Y'a pas d'erreur possible...
Note : 5/6
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Desolate Shrine : The Heart of the Netherworld
Chronique réalisée par Rastignac
Oh ! Nous n'étions euh... pas assez nombreux pour contenir toute cette folie. Je me livre comme témoin : tout a
commencé un jour, un jour d'adolescence, j'ai vu Duff et toute sa classe de bassiste punk glam dans le clip
"You Could be Mine" et "November Rain". Hop, clic, voyage dans le temps, et je me fais aujourd'hui ratatiner la
tronche par Desolate Shrine. Comment peut-on arriver à ce degré de désespoir après avoir été capté par
quelque chose d'aussi positif et pugnace que les Guns N' Roses dans le circuit de la consommation de
musique hard et rock ? AXL, où es-tu ? Comment en arriver là... le son du canon c'était cool, c'était FUN, ça
passait à la radio, je me sentais renaitre, ça me donnait des repères... tout ça pour angoisser 20 ans après,
argh, mon coeur fait arrrggh. Je ne sens que solitude et malchance en écoutant ce disque. Mauvaise carte.
Mauvaise vie. Mauvais canal. On n'a pas assez bossé dessus. Ça nous tombe sur la gueule, là, juste après la
petite lumière blanche au fond du tunnel : merdum ! Bon, au-delà du ressenti tristoune, je dois souligner la
qualité d'orchestration de ce death metal - car, aujourd'hui, dans ce mouvement post-portal voulant plus foutre
les jetons à l'auditeur que lui donner envie de danser il faut un sens de l'orchestration, de l'empilement des
bouts de bois sur les idoles, des bruits de fond sur les guitares trémolés, toutes mineures à la Incantation, bien
enracinés aussi dans les traditions gutturales de la Finlande (l'autre pays de la désolation). Il faut donc agencer
toute cette structure, électrique, électronique, flippante sinon... c'est le discrédit - et ça, y a pas pire non, quand
on veut s'incarner grand méchant death ?! Ok, tout marche bien ici, c'est pas complètement bruitiste, ni
complètement gogotho-walkyrie, ils nous posent juste là, tous seuls, au bout du monde, la merde aux trousses,
plus d'échappatoire, tout ça avec de la musique, fort ! Desolate Shrine : des musiciens qui savent coller les
bouts. Bon : comment j'arrive à être touché à ce point ? Je suis pourtant allongé sur le sofa, je me sens en
bonne santé, tout roule là... je ne dois sans doute pas assez refouler la peur de la mort, de la décomposition, de
ces moments entre rêve et veille où j'ai bel et bien été emporté par des trucs internes particulièrement
amoraux... On parle souvent de Lovecraft quand on traite de ces sorties du label Dark Descent, quand on traite
aussi des sorties ex-corporelles le temps d'une sieste maudite, tout simplement parce que l'approche est la
même : ces finlandais sont des représentants de la Peur, celle qui empêche de regarder derrière le rideau, qui
nous bloque après avoir gratté en soi, par l'art, la science, l'introspection, l'assoupissement... ce disque de
Desolate Shrine, c'est une mise en scène de ce rideau lui-même, il hurle, il grimace, il fout des coups, il rend
malade, via mélodies, attitude glominious doom, mélange savant entre les canons de la BO d'épouvante et ce
qui se fait de plus consistant dans l'alliage des extrêmes, sans cacophonie, avec grand cohérence, doigté et
concentration. Ce disque de Desolate Shrine, c'est le début d'un circuit iniatique, à la case départ, vous ne
recevrez jamais 20 000 francs. Je suis bon joueur quand même, je lui donne cinq boules en échange : "these,
are offerings forgiven to the eye of spirits and law".
Note : 5/6
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The Body & Thou : Released From Love / You, Whom I Have Always Hated
Chronique réalisée par Rastignac
Thou s'ajoute un corps avec The Body pour nous donner une mutation s'intitulant The Body & Thou. Bon, j'ai
été échaudé par de nombreuses collaborations, de Shrinebuilder aux disques de Sunn... Là, ben quoi ? Quoi,
déjà, et bien Thrill Jockey messieurs dames : le label Thrill Jockey, que j'imaginais plus faire dans le Tortoise et
autres choses psychexpérimentales ou rock tout court (boredoms, Trans Am, checkez sur guts !)... Un label qui
nous sort aujourd'hui des disques de Thou ! Celui-ci est une compilation d'une précédente collaboration sortie
en 2014 sous le nom de "Released from Love" (les trois premiers morceaux et une reprise de Vic Chesnutt,
piste 1 à 4) et d'une toute neuve collaboration sortie en 2014, "You, Whom I Have Always Hated" (le reste, avec
une reprise aussi, de Nine Inch Nails). Thrill Jockey a donc réussi à multiplier les pains : vous pouvez acheter
un disque de 2014, un disque de 2015, et un disque regroupant les deux, sous forme cd, vinyles plus ou moins
limités et colorés, et sous forme de mp3 téléchargeable. Vous pouvez aussi écouter en streaming tout cela. M,
A, L, I, N. Les deux groupes eux s'apprécient, jouent à Donjons et Dragons pendant leurs tournées conjointes
(nous dit le label), et adorent les reprises d'artistes archi-connus de leur jeunesse, celle du début des années
1990. Que dire de cette collaboration ? Déjà, on dirait que les guitares déjà bien épaisses de Thou ont
quadruplé de volume. Le chant est toujours aussi monocorde, mais il est agrémenté du ululement du chanteur
de The Body, style renard affamé. Le Thou prend donc un coup de jeune, c'est bien, car je les sentais un peu
tourner autour de leur doom sludgé, un peu en rond... maintenant, avec le body nous aurons encore plus de
larsens, plus de dissonances, de noise hérité des vieux Sonic Youth, un peu plus de solennité encore dans la
darkness, un poil de drone en plus dans la barque déjà bien chargée. Plus de roulements de toms, et de
percussions, zont-dû la jouer Melvins - Big Business peut-être, ce que je sens surtout dans le côté 2015 de leur
production. Non, y a pas à dire, ils ont bien fait de se rencontrer, il y a comme une synergie de puissance et de
mystère là, qui touchera particulièrement ceux qui ont des casques et enceintes encaissant bien les basses.
Cette infâme entité nous donne un point de vue béton sur ce que devrait être une collaboration riche : joindre
les deux bouts pour fusionner - ne connaissant que très peu The Body, je ne saurai ce qui est ajouté ou
retranché de leur corps musical, mais ayant bien pratiqué mon Thou, je trouve que le résultat est
particulièrement kiffant. Peut-être moins pour les groupies du Trent lorsqu'elles entendront la reprise de
Terrible Lie, mouwahahaha !
Note : 4/6
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Noyades : Noyades
Chronique réalisée par Dioneo
Eh les jeunes, eh les gars… Alors comme ça : vous pensez que vous pouvez faire le rock ? Vous croyez qu’en
2015 on y arrive encore ? Jouer l’air de rien – les mains sur des trucs en bois et tous les potards ayant révolu
leurs trois tours dans le rouge – une musique qui donne envie de tout choper en plaisir et forte réjouissance,
qui balance pleine face ladite brute ambition ? Allons bon… « Ces gens là sont inconscients ». Bon. En fait les
trois gars ont bien raison. Il y a des moments – il en faudrait plus, c’est bien assez, ces jours, de se contenir ; il
y a des heures, des jours, des années, il faut la lâcher, la pression ; on voudrait que ça en soit enfin le siècle – il
faut foutre un peu les concepts au panier puis la main à la pâte, juste derrière ou en simultané. Ou cramer les
uns, instantanés, pour faire monter l’autre. Trêve de, d’ailleurs : Noyades font donc simplement du rock. De
l’amplifié, de l’innocemment pelvien, du braillé par toutes les bobines qu’ils maltraitent – ceci pas sans les
mains mais entièrement aux instruments, sans la voix, sans discours. Les voyant sur scène, sur une péniche –
Noyades qui jouent sur un bateau, c’est bien la preuve qu’ils ne fétichisent pas les mots, non, le trio ? – j’ai
pensé tout de suite « High Energy ». Vous savez, la musique qui se jouait du côté de Detroit, Michigan, dans les
années soixante dix. Stooges, MC5, Sonic Rendez Vous, Destroy All Monsters, tous ceux-là. Pour le coup le
terme était correct d’ailleurs, exact, littéral : Noyade balance des watts et il n’y a rien de mou, là-dedans,
seulement de la dépense. Aussi, connaissant un peu le gars à la guitare – mais vraiment pas seulement pour ça
– je me suis dit : « OK, via l’Archipel ». Vous savez, celui du bout du monde. J’ai pensé tarés nippons, en
somme. Eux citent Keiji Haino. D’accord. Si on veut mais alors plutôt versant Lost Aaraaff, ce vieux trio par
quoi, il me semble, l’inquiétant lutin noir avait débuté ; parce qu’aussi, l’idée était alors de tout abattre devant
soi par vertu de vitesse, d’accélération ; et parce que là les esprits, les spectres, aimaient autant que les jeunes
cons de tous les temps et de tous les lieux s’enivrer de surcharges massives, et coulaient la couleur surtout en
saignant. Bon, et en réalité j’ai surtout tout de suite songé : High Rise. Autre trio. Psychédélique de pur excès,
lui aussi, qui ne connaît que le toujours plus, le débordement. Plus de cognées sur les fûts et cymbales, plus de
fréquences enharmoniques qui bousillent l’oreille interne et propulsent la psyché dans les régions où l’odorat
est un grain qu’on touche du doigt ou de la langue, où le son strie la cornée… « Plus de fuuuuuuzz !!! ». Hum.
Voilà, je crois que tout est dit. Il convient seulement d’ajouter que rien, dans ces trois plages, ne décalque
bêtement les gens sus-cités. D’ailleurs ce n’est pas la question. Ces trucs là – ces bandes, époque après
époque, d’une cave à l’autre – ne sont pas amnésiques, pas plus qu’elles ne cherchent à entretenir pépère une
tradition. Elles la prennent, en général, là où elles la trouvent, puis balancent devant ce qu’elles y entendent.
Cette cassette, aussi – deux plages ramassées où vibre une seule fois une gorge, brièvement ; puis une plus
longue, plus paysage mental – reste assez brève. C’est bien comme ça. J’espère bien que ça n’en restera pas
là. Je suis un peu de ce genre, il faut dire, qui pense que la wha n’est pas du tout encore un truc mort et enterré,
et qu'il est bon que ça perce du rez de chaussée ou du sous sol bien au delà du deuxième étage. Bon et puis les
mecs… c’est quoi cette manie de nommer un morceau d’après l’enseigne d’un kébab libertaire ? Ça existe,
d’abord, ça ?! Ah… Rapidement, un moteur de recherche me dirait que oui. Modernité, c’est beau… Pour le
reste, gens qui m’auriez lu : demandez à vos oreilles. Et organismes attenants
: irrigués et palpitants.
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Note : 4/6
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telepath テレパシー能力者 :
アマテラス
Chronique réalisée par Ntnmrn
Telepath (simplifions, puisque le nom n’est autre que deux fois telepath, en anglais et en japonais) est de cette
génération de nouveaux artistes qui pullulent sur les Bandcamp. Pas mêmes sortis du berceau, leur oeuvre est
déjà massive, fourmillante. (Jugez-en par vous-mêmes : 22 disques entre septembre 2013 et aujourd’hui, a-t-on
jamais vu pareille productivité ?) Leur identité est fondée sur un nom énigmatique et un aspect visuel en
formes géométriques, montages futuristes, et patchworks colorés. Leur musique est home-made, amateure,
aussi largement accessible que faiblement consultée. Agression discographique, agression visuelle,
amateurisme : en plus de cette pesante étiquette Bandcamp-music, il se trouve que Telepath officie pour sa
part dans la vaporwave, c’est-à-dire, fondamentalement un genre d’escroc. Sans porter la caricature à l’outrage,
on peut affirmer qu’il s’agit simplement de passer la variété pop, jazz, new-wave des années 80-90 à la
moulinette chopped-and-screwed. Autrement dit : dénicher dans la boue des morceaux sentimentaux et des
musiques publicitaires quelque titre oublié, pour en abaisser le tempo et la tonalité sur Audacity. En somme :
"la production musicale à la portée des caniches" ? Heureusement, on ne mesure pas la qualité d'un disque à la
sueur de l’artiste. Et puis, que voulez-vous — on s’y ferait presque à cette escroquerie, avec une galette
virtuelle comme celle-ci. Non pas qu’elle soit dépourvue de tous les clichés énoncés, ni exempte de mauvais
goût, non : tout cela est de fait comme constitutif du genre, parfois même revendiqué. Et puis l’on s’y attache à
ce disque de Telepath, comme ça, mine de rien, en se le remettant quand y a rien à écouter. On l’écoute comme
on écoute la radio diffusée dans les supermarchés : en s’affairant à autre chose. Il est adapté au mode d’action
qui caractérise l’époque, un mode d’action déconcentré, pulsionnel, dirigé sur mille objets simultanément :
c’est un disque qui ne requiert pas d’attention, qui s’écoute en surfant libidineusement, en cliquant, en étant
subjugué par d’autres informations sensorielles. La vaporwave de Telepath est une musique paysagère, que
l’on voudrait qualifier de médiocre : ni bonne, ni mauvaise, comparée à Macintosh Plus, Internet Club ou S U R
F I N G ; mais il y a malgré tout ce quelque chose qui suscite le plaisir, qui excite les oreilles. Comme un rêve
qui se déroulerait en fond de cerveau, inaperçu. Une musique que l’on entend plus qu’on ne l’écoute, mais qui
accroche dans quelques fabuleux moments (je pense notamment aux pistes 12 et 15, à quelques moments de
malaise). Vieilles boucles jazzy, lounge, musique d’ascenseur, easy-listening, toutes s'y trouvent
paradoxalement vivifiées par le ralentissement de tempo. Et quand la formule ne marche pas, le titre passe et
ne laisse qu’une impression confuse, noyé dans la diversité des semblables. Du grand brouillard musical
émerge alors la sensation d' "aesthetic", comme on dit dans le milieu, effet de la lenteur, de la zénitude, de
l'atmosphère cotonneuse — on y croit ou pas. Car si la musique est à coup sûre entertainante, finalement, rien
de décisif ne distingue Telepath des ersatz de James Ferraro ou Chuck Person (personnages les plus influents
de la "vaporwave") ; rien de plus décisif ne distingue ce disque des autres productions de Telepath ; et m’est
avis que cela ne fait pas problème. Face à une telle indifférenciation dans la profusion des micro-projets
internets, à tel point que l'on a plus aucune information biographique, que l'on est dépassé par l'abondance des
sorties, le paradigme de la distinction musicale est à foutre à la poubelle. Le mode de composition veut cela,
l’époque veut cela, le genre veut cela ; le pénétrer ce genre, c’est tenter une sorte de carpe diem musical, sans
faire jouer ses références, c'est se laisser fasciner par la fraicheur de ses artworks, c’est apprécier la tension
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entre inoriginalité affirmée et charme du renouvelé. (3,5/6).
Note : 4/6
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SYSTRAL : Fever... The Maximum Carnage
Chronique réalisée par saïmone
Dans les années 90 en Allemagne il n'y avait pas que les films pornos hardcores et sales : il y avait aussi
Systral, issus de cette scène tout aussi hardcore et sale de Brême (qui ressemble étrangement à la ville de...
Rouen), celle d'Acme, de Carol et de bien d'autres. S'il ne devait en rester qu'un ce serait celui-là. Acme avait
lancé la machine, mais son existence trop brève (comme celle de Carol), prématurée presque, l'empêche à mon
sens de devenir l'étalon de cette chose sans nom qui mélange le nouveau screamo nord américain (Uranus,
One Eyed God Prophecy, Portraits of Past) et le gros metal de l'époque – pensez à Napalm Death de Fear,
Emptiness, Despair – voir avec du grindcore pour Systral. L'art des changements de rythmes est assez typique
de l'époque, avec ses ralentissements double-growl-riff urbain, et les accélérations de blasts instinctifs sur
hurlement possédé. Ce qui distingue Systral des autres, c'est la menace constante, que quelque chose va se
passer, une bagarre en un contre un, un truc avec le trottoir et les dents, des tessons de bouteille pas chère,
des journées au chômage à errer ou à mater des VHS, n'importe quoi qui puisse changer l'ennui en spectacle,
le temps en hématome, la détresse en douleur dans les phalanges. Pas besoin d'épiloguer des heures non plus,
Fever... the maximum carnage regroupe la quasi totalité de la période la plus vilaine du groupe (il manquera
l'excellent split avec Acheborn, autre très bon groupe) avant le grand départ pour Mörser (dont les deux
premiers LP sont terrible aussi tiens), tout ce qu'il vous faut pour vos soirées katas entre amis et déambulation
après la fermeture, et plus si affinité. En un mot : branlée.
Note : 6/6
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ARCHGOAT : The Apocalyptic Triumphator
Chronique réalisée par Rastignac
Allez, encore une fois. Allez, personne ne le saura ! Enfilez-moi ce disque dans votre boite à cd, ou ce mp3 dans
votre boite à digits, ou ce vinyle sur la platine de papa, je ne dirai rien, à personne. "T'écoutes quoi ?" "Ben,
euh, un disque.". "C'est quoi ?" "Euh...". Quoi ? Vous avez honte ? Vous ne voulez pas crier au monde que
vous êtes fan d'Archebouc et de leurs EPs "Pute d'Ange" ou "Vulve Céleste" ? Vous rougissez à l'idée de
savourer encore une fois cette intro ave satan rembobinée à l'envers avec petit orgue Bela Lugosi-esque, ces
samples de chèvres sodomisées dans la crypte, vagissement de moines en rut inclus ? Pas de soucis, allez,
clic sur guts of darknesss, respiration. Influx, expire. Détente rectale. Écoute de l'album : il y a aussi les cloches
mal enregistrées qui sont toujours là. Tout est identique : les protagonistes sont juste plus vieux, ou se sont
fait remplacer par des frères de l'armée noire depuis leur résurgence en 2004. La batterie tape toujours comme
un métronome énervé, utilise toujours avec justesse ses cymbales, le chanteur racle toujours ses bronchioles,
les riffs sont toujours aussi dansants, simples, épais, avec ces petites variations qui donnent le sourire, et une
insistance nouvelle sur la lenteur et la propreté du son - du son propre, pour de la musique sale, ah, ah. La
pochette, c'est toujours by Chris Moyen : si vous êtes fans des images d’Épinal, cherchez donc les indices et
les gimmicks, souriez aussi, ou non, selon votre amour des correspondances symboliques entre l’œil d'Odin et
les clés de Saint-Pierre, entre autres. L'Archgoat, assis sur le trône est bien le transsexuel cosmique qui fait la
taupe infiltrée chez l'ennemi tout vêtu de blanc : c'est lui qui va tout faire exploser, il est là pour violer puis
prendre possession du cuir des gardiens des cercles célestes avec des riffs orientalisants, c'est lui qui va
subjuguer vos consciences terrestres de sa voix de Barry White sous corticoïdes. C'est le même qui élève les
porcs dans les temples, celui qui officiellement est en croisade anti-chrétienne selon le site web du groupe, via
messes noires de ci, de là, et production de bougies puantes comme ce dernier Apocalyptic Triumphator. Il
utilise donc toutes les armes de ses ennemis, les symboles, objets rituels, fonctions, hiérarchie, rites
eux-mêmes, juste pour vous dire qu'il a gagné... les élus sauront déjà qu'il cache sous sa robe de bure un
braquemart fourchu dont l'unique fonction est de pourfendre votre morale et votre inquiétude concernant le
salut de votre âme, en vous faisant hocher la tête grâce à la toute-puissance du metal. Il vous laissera vous
abandonner tout baveux, la main dans le calbuth de votre voisin(e), de la cendre plein le nez, sans plus aucune
retenue. Ils savent que vous êtes déjà à moitié convertis si vous lisez cette chronique, et si leur musique vous
parle : elle va vous rester collée dans la tête et dans le slob si vous êtes déjà dans le coup. Allez, laissez-vous
chevaucher chers amis chrétiens, personne ne le saura. Allllllez ! (4 virgules 98 jaunisses)
Note : 4/6
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SWANS : To Be Kind
Chronique réalisée par Consultant en informatique
Michael Gira est un gros relou. Pire. Michael Gira est carrément un sale con. Faut pas avoir été fan de Swans
plus de trois semaines dans sa vie pour accepter l'évidence de l'assertion. Le type, ça fait trente ans qu'il est
plus imbuvable que Dave Mustaine et Dani Filth réunis, dans la catégorie asocial autocentré de catégorie 1. Et
ça s'est pas arrangé avec l'âge, dans lequel il s'est retrouvé une hargne pour l'existence de quinqua
fraîchement divorcé. Il a décidé de cracher tout ce qui lui reste de vif, jusqu'à rester sur le carreau un soir de
messe aux décibels, tantôt. Y'a que comme ça que ça peut finir. De préférence au fond d'une salle pourrie
d'Europe dont la clim' aura été volontairement sabotée, et dont il aura commandité l'incendie criminel histoire
de cramer les 500 personnes du public avec lui. Non mais sérieusement, la preuve parfaite de son infecterie
c'est ce coup de débarquer avec To Be Kind même pas deux ans après. Un vrai jubilé. Et titré comme ça l'air de
dire que moi chuis un mec sympa. J'assume mes responsabilités. Alors qu'en réalité To Be Kind il a été enfanté
avec la détermination piégeuse d'une mère qui accouche de jumeaux sans s'y attendre, mais trop heureuse de
vous empoisonner ce qu'il vous reste d'existence et de libre-arbitre dans votre posture de mâle dominant.
Moi-même quand j'ai entendu que les Swans s'en refaluchaient un, je fus tant benêt de croire qu'on nous
accorderait le répit d'un vague EP. Qu'après The Seer le vieil acariâtre allait nous laisser respirer cinq minutes
quoi. Mais non. Non. Tu rêves mon pote. "Mange-toi ça petit con". T'avais déjà eu du mal à trouver deux heures
pour te couler nos fluides corporels précédents ? Bah va falloir que tu t'en trouves deux autres pour faire mieux
maintenant. On repasse sur la table d'op presto. J'aime pas la couleur de la bile que t'as dégueulé.
Recommence, et applique-toi cette fois. T'as intérêt à faire mieux. Mais entre-nous, cet espèce de masochisme
pansensoriel vendu comme tel, y'en a pas un peu marre ? Ça vous étonne tant que ça que ceux qui ont survécu
à The Seer trouvent cette fois le remède un peu amer ? Qu'il serait un peu temps de passer à autre chose ? Moi
par exemple il m'a saoulé Michael. Il m'a saoulé avec son caractère de curé apostasié ridé et obtus. Il m'a
saoulé avec ses simagrées de vieil ermite objectiviste. Il m'a saoulé avec son disque. Avec son américanisme.
Sa suffisance. Sa conviction de merde. Sa dégaine de mec qui habite une caravane dans le Nevada. Il m'a
tellement saoulé que sur To Be Kind, j'ai l'impression de retrouver ses gesticulations scéniques mises en
musique. Ses irritantes et saloperies de mimiques de rock star américaine de l'underground. Putain. Mais to Be
Kind t'as l'impression quand tu te le farcis qu'on t'as forcé à te taper un after pour te punir d'avoir raté un soir
de trop le dernier RER quoi. T'as l'impression que tu seras jamais débarrassé de ces sales cons alcooliques
que tu espérais secrètement ne revoir que dans un ou deux mois. Et à la place non. Faut que t'en aies un qui
radote pour la trentième fois de la soirée son expérience mystique d'écoute du Velvet sous cocaïne. Qu'il
t'énonce sa théorie comme quoi David Eugene Edwards aurait récemment pactisé avec le diable. Qu'il te fasse
part de son projet de ressusciter les Angels of Light pour un avatar des Swans comme à la Pâques. Alors que
toi t'as juste envie de lui répondre que mec, je crois qu'il va falloir qu'on prenne un peu nos distances ces
prochains temps.
Note : 3/6
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NAPALM DEATH : Apex Predator - Easy Meat
Chronique réalisée par Rastignac
En écrivant sur Agathocles je me demandais si la musique contestataire pouvait avoir un effet sur la société ou
l'environnement. Quel que soit leur impact sur les puissances énormément nocives à l’œuvre dans la
destruction de pas mal d'éléments indispensables au bonheur sur ce caillou paumé called "la terre", certains
Anciens ne baissent pas les bras, n'arrêtent pas le Combat, continue de crier pour qu'on les entende bien, et
qu'on prenne des notes. Jusqu'à ce que "quelque chose s'ensuive", Napalm Death ne baisse pas les bras.
Barney, il a toujours les crocs (végétariens) contre les formes d'oppression du loup contre ses potes les
humains. Les loups, wouhouh, wouuuuh, les loups sont entrés dans ta chaine hi-fi ! Alors Barney va les faire
fuir en beuglant comme un Leo81erg sympa avec l'aide de ses potes patous Embury, Herrera et Harris, des
canidés du genre qu'il ne faut pas trop chatouiller là où ça démange par contre, du style mandibule attachante
jusqu'à ce qu'elle choppe le poignet pour le broyer... Voici donc leur dernier album / tract violent. C'est le
combientième là ? J'ai arrêté de compter... un tous les deux ans au moins non ? Tout cela sorti au milieu de
tournées infinies, partout... Je disais, le dernier album il est contestataire bien droit dans ses bottes de rando,
car ND c'est un groupe de rageux sympas mais qui n'aime pas l’ambiguïté. Vous n'allez pas leur faire avaler
qu'un discours de haine contre ceux qui ont une trogne différente, des idées, des sexes et des coupes de
cheveux différentes, c'est cool juste parce que il y a une raison pour ça. Vous n'allez pas leur faire gober qu'il
faut bien travailler, qu'il ne faut pas non plus pleurer sur toute la misère du monde. Au mieux ils vont vous
regarder fixement sans rien dire... mais dans tous les cas, c'est Non. ND, c'est non, non, depuis 1982, sous
plusieurs formes : hardcore punk, "grindcore" m'voyez, death metal, doom, noise... ici, c'est death grind, crust
mégadextre, mégadroit, avec introduction incantatoire plus politique que pro-Satan pour changer. Le disque
nous parle de nous à travers des morceaux reconnaissables entre mille, mais avec ces variations qui sauront
ravir l'assoiffé de nouveautés à tout prix qui est en moi. Il nous parle de nous en nous balançant un miroir où
pourrit un tas de viandes à peine conscient, prêt à donner ses entrailles afin qu'elles soient vendues et
consommées par nos potes les loups - et nos potes les humains, plus ou moins consentants. Et pourquoi donc
on se vendrait comme ça, hein ? "Servitude volontaire" comme dirait l'autre. Pourquoi ? Par peur. Et pour
bouffer de la bouffe... maintenant, devinez ce qu'il y a dans ce pâté de tête là... ahah. Vivace, violent, d'un son
limpide comme un drapeau noir sur la gueule de nos chers gouvernants et des patrons de Carroufe, ce dernier
ND laisse parfois la place à l'influence des graines ayant poussé dans le sillage de la révolte, je pense un peu
au chanteur de Pulling Teeth ou au jeune Michael Gira dans certains phrasés assez inédits du Barney sur ces
morceaux où il nous dicte sa pensée, en glairant plein de dégoût sur son texte. Je me souviens de groupes
indus /metal / thrash des années 90 du genre Nailbomb dans ces morceaux binaires là, et bien sûr à tous les
continuateurs de la haine contre le système, version thrash, hardcore, death metal, aussi Celtic Frost, aussi
toute leur histoire quoi, on va pas faire tout le bottin. Inspiriffant, ce disque saura vous remobiliser pour ne plus
vous laisser aller à la déprime quand vous ouvrirez cette bière artisanale et bio brassée dans votre région et
que vous imaginerez la sueur des enfants tomber sur vos t-shirts pas chers qu'ils confectionnent au loin. Vous
vous enverrez une gorgée, et vous visualiserez vos voisins crever doucement grâce aux drogues légales
prescrites pour pouvoir bien intégrer ce qu'il faut être, et ce qu'il ne faut pas être, ce qu'on peut acheter, et ce
qu'il faut vendre. Et vous penserez peut-être : "mais à quoi bon ?". À ce moment là, si vous avez un doute,
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sachez qu'il y a des mecs qui n'en ont pas (des doutes), du genre qui sortent des albums tous les deux ans et
qui tournent sans cesse. Cela fera tilt, et la babine va se retrousser. Donc... on dit quoi ? Ben on dit merci
Napalm Death !
Note : 4/6
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Part1 : Pictures of pain
Chronique réalisée par Twilight
Je tiens entre mes mains un superbe vinyle brun fumé et je souris béatement. Pourquoi ? Parce que cette
réédition de l’album de Part1, je l’attends depuis quinze ans au moins. Part1, un groupe associé à la nébuleuse
anarcho-punk britannique des 80’s mais qui, à l’instar de Rudimentary Peni ou The Cravats, ne s’est jamais
réellement profilé ‘politiquement’ dans ses textes, privilégiant une réflexion existentielle torturée, certes nourrie
par l’actualité mais sous forme de métaphores plus que d’allusions directes. Leur musique, grammaticalement,
n’a pas grand chose de punk stricto sensu (mais tout connaisseur sait que cette communauté-là valorisait plus
la radicalité philosophique que musicale, d’où une créativité et une diversité impressionnante rarement égalée);
peu rapide, dépouillée, sombre, elle a rencontré un bel accueil dans la communauté goth old school. Batterie
sèche, très axée sur la caisse claire, basse sourde, bourdonnante, aux lignes minimales, guitares crissantes,
chant gouailleur so British, aux côtés de UK Decay, Lost Cherees, Rubella Ballet ou Rudimentary Peni, Part1
préfigure un courant deathrock contemporain mêlant musique torturée, pensée anarchiste et iconographie
glauque illustré par Horror Vacui, Arctic Flowers, Belgrado, Funeral Parade, Blue Cross…Rien d’étonnant à ce
que ce son ait fait école, la musique de Part1 est des plus envoûtantes et ‘Pictures of pain’ un grand album,
discret mais imparable dans son influence. Morbide, la musique se fait rampante de par sa rythmique mais les
sonorités de guitare maintiennent une tension confirmée par le chant et quelques passages appuyés.
‘Possessed’, ‘Black mass’, ‘The corpse’, autant de parfaits exemples avant la conclusion de ‘Hymn’ plus grave,
solennel dans l’atmosphère avec sa voix récitante. Aujourd’hui reformé, le combo prouve que le lien entre
passé et avenir est des plus évidents… Faut-il s’en réjouir ? Musicalement, oui !
Note : 5/6
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Rawwar : Nuclear Proof
Chronique réalisée par Rastignac
J'ai lu dernièrement une analyse glop glop sur les séries télévisuelles, et ce qu'elle peuvent nous faire dire sur
les sociétés dont elles sont originaires. Pour faire vite, les société en paix (sur leurs terres bien sûr) vont
abreuver les écrans d'histoires sordides et violentes, cf. les séries de Kurt Sutter, les Sopranos, Oz... alors que
dans le reste du monde (le monde tout court quoi, celui qui en chie des bulles), ce qui cartonne sont les
telenovelas, où les méchants riches se font rosser par les gentils pauvres, où Betty La Fea triomphe des
apparences, où l'amour se propage, la fraternité et le courage aussi, du Brésil au Kerala, du Sénégal à Tijuana.
Alors, quoi ? Ben juste pour dire que le groupe que je vais chroniquer là nous joue du black metal très
influencé par l'idée de guerre (nucléaire ici), et par ses figurations musicales, par exemple Marduk, ou Anaal
Nathrakh dans l'esprit. Ce groupe ne vient pas d'un pays en guerre, non. Il vient de Suisse, confédération qui
n'a pas connu de conflit armé depuis un petit moment. Rawwar, à ne pas confondre avec beaucoup d'autres
homonymes palindromes vient donc de sortir son premier album, qui va nous parler de guerre de manière
brute, avec batterie à fond les balloons, très juste et hystérique à la fois, assez mise en avant. Vous aurez pour
soutenir cette blasterie un Famas rempli de riffs guerriers, très scies hurlantes, dont la répétitivité et les nappes
nous portent bien en pays noir metal : on déroule, on déroule ! Pour vous accompagner lors de vos soirées "on
se refait la fin du monde dans la tête", vous aurez enfin ce chant abominable à la Anaal Nathrakh, le côté Dandy
de l'Opéra Nawak en moins, avec alternances entre gutturalité et crialité insane. La folie déglinguée d'un champ
de bataille plein de mi-zombies est projetée ici, mais j'imagine que le groupe a encore de la marge pour
exploser le quota de psychopathie furieuse - encore un effort pour vraiment péter les plombs messieurs !
Kiffant comme un panzer pétaradant, cet objet metal nous dit encore une fois que nous avons un urgent besoin
d'extérioriser un paquet de violence assez incroyable, avec ou sans bombardement - ceci sans limite apparente
: "no absolute in human violence", hein ? Cela me confirme aussi, de concert avec tous les guerriers du metal,
que le modelage de la réalité par la puissance de l'art fait bien mieux que deux ou trois mille drones tueurs au
loin, qui n'ont de réalité que pour ceux qui se font exploser la tronche. Le metal est l'expression de la guerre
sans le suicide collectif, sans lâcheté ; le metal, mes chers compatriotes, va sauver l'humanité. Hop, c'est dit !
Note : 4/6
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K-X-P : II
Chronique réalisée par Consultant en informatique
Je crois que K-X-P, ce qu'ils aimeraient au fond, sans se l'avouer, c'est rendre KLF à la hype. Ou peut-être que
même oui : ils aimeraient devenir les nouveaux KLF. Car la pareille congrégation d'hurluberlus, qui professe
dans une toute ultime forfanterie que leur musique se ferait éponge de toute influence hasardée à couler à
proximité de leur propre liquide, mais le tout avec un chapeau à plumes multi-colores sur la tête ou fardés
panda : on nous la fait plus. N'empêche, ce truc, hype mise à part ou non, fleure quand même savamment bon
les soirées electro-bricolage à la con. Celles où la tête d'affiche c'est des étudiants en design qui ont monté
leurs propres monomes, à l'arrache en deux heures l'après-midi d'avant le show. Ceux préfèrent les champis
aux drogues dures et qui jouent plus volontiers dans des galeries que dans des caves humides. K-X-P, en
outre, ont cette délicieuse longueur d'avance en cela qu'ils sont Finlandais. C'est-à-dire que quand ils font sur
scène n'importe quoi ils sont toujours par magie plus crédibles que les autres. Et en plus K-X-P ils aiment le
krautrock. Ils aiment le motorik beat qui radote comme il faut. Ils te le jouent certes comme un Trans Am invité
à un mariage à Séoul un soir de nouvel an, mais ils se kiffent quand même totalement. Et c'est ça qui est bien
avec eux. C'est que leur disque, passé c'te vieux côté neuneu d'electro-pop ironic-has-been sur le retour, ils ont
le talent pour mettre le mauvais goût au service du bon. Ils font des morceaux qui servent à rien. Qui sont
efficaces comme une compote après une pizza. Au goût connu d'avance, mais dont on attend simplement qu'il
clôture, sans rien lui exiger d'autre finesse. Tiens, y'a même ce chamallow en fin de disque, "Dark Satellite". Je
me rappelle un soir l'avoir écouté plus d'une dizaine de fois en boucle, et en être ressorti à chaque fois en
m'aimant un peu plus moi-même. Comme si je m'étais léché tout du long.
Note : 4/6
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Wizard Rifle : Speak Loud Say Nothing
Chronique réalisée par Consultant en informatique
Wizard Rifle est un groupe gutsien. Dis-le. Et toi le Gutsien, tu vas kiffer Wizard Rifle. Tu vas kiffer cette tornade
de pochette lâchée comme une étudiante au milieu d'une cour de prison. Tu vas kiffer ces mecs qui font
passionnément, furieusement, et rigoureusement n'importe quoi. Et qui sur trois mètres carrés entassent tout
ce que le rock alternatif a pu enfanter en vingt ans comme toi tu forcerais le tiroir à chaussettes pour essayer
d'y caser les huit paires qui sont en trop, le jour où t'as fait une lessive trop ambitieuse. Les Melvins sont là.
Lightning Bolt sont là. Les Queens of the Stone Age sont là. Hella sont là. Grief sont là. Killdozer sont là. Mais
bien sûr qu'on imagine mal une soirée où tous ces clowns se tiendraient la main en descendant des blondes
comme des vielles carnes rentrées des courses. Qui a dit que l'ambiance était à la fête ? T'as cru ? À un
moment ? Bon ben c'était sympa les gars ! On reviendra ! Mais sans doute armés, du coup.
Note : 3/6
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Wizard Rifle : Here in the Deadlights
Chronique réalisée par Consultant en informatique
L'eau c'était une idée. Rallonger un peu la tambouille pour déglacer les sucs. Qui en veut ? Là où c'est sale
c'est que chez Wizard Rifle y'avait en fond de poêle rien que de l'huile bouillante et du gras brûlé en grumeaux.
Du coup ça gicle partout. Ça fait des yeux de bouillon. Et toi tu pleures déjà à l'idée qu'il va falloir te taper le
carrelage comme un lendemain de fête, après avoir marché dans un pot de cancoillotte et laissé tous tes potes
garder leurs godasses. Parce qu'ils est encore trop tôt dans la soirée pour faire des arpèges, mais pas
suffisamment pour discuter speed metal. Ou en tout cas t'aurais aurait aimé qu'ils te laissent a minima
recharger ton gobelet en gnôle arrangée avant d'inventer le concept de coming-out weirdo. C'est à eux que
t'avais prêté tes Keelhaul d'ailleurs ? Tant pis. Tire-toi plutôt d'ici. Les Keelhaul tu les rachèteras.
Note : 3/6
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Night Demon : Curse of the Damned
Chronique réalisée par Consultant en informatique
Mon heavy metal, je l'aime quand il sent comme la vieille tape. Je l'aime quand il parle de mobs, de bad boys,
d'occultisme cheap, de heavy metal, et accessoirement de la difficulté d'être un homme viril dans la société
contemporaine. Je l'aime quand il a des riffs qui cracouillent comme s'ils avaient été enregistrés sur un deux
pistes en fin de vie. Quand il a un son de basse fun et rondouillard comme un vieux pote qui mange un peu
trop, des solos inouïs de galopante et un batteur à qui on ne demande pas d'être virtuose mais de plutôt de tuer
un peu plus le rock progressif à chaque fois qu'il tape sur sa claire. Night Demon répondent présent presque à
tous mes critères. Et plus encore, puisqu'ils y rajoutent une pêche de vieux Priest et Diamond Head réunis. Je
les même soupçonne d'être dévots au point de se faire une séance de larmes forcées avant chaque répét du
seul fait d'être ricain, et par conséquent ne décemment pas pouvoir prétendre au fabuleux millésime NWOBHM
après l'heure. Dieu, mais pourquoi ? POURQUOI ?
Note : 4/6
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COMPILATIONS - DIVERS : Warfare Noise
Chronique réalisée par Rastignac
Voici une compilation de thrash brésilien datant de 1986, du thrash tout plein de suie, tout euh... black metal ?
Ah, les chevelus du fond lèvent le sourcil ! Merci de votre attention. Petite compilation, il n'y a que quatre
groupes représentés ici : Chakal, Mutilator, Sarcófago, et Holocausto. Sorti sur le premier label de Sepultura,
ce "Warfare Noise" ne comptait que quatre morceaux par face, deux par groupes - la réédition comportant des
pistes bonus et un remastering. Alors, pour ceux qui connaissent déjà les groupes, je vais faire dans la redite,
pour les autres ouvrez les yeux : le black metal est un dérivé du punk. Il suffit d'écouter ces groupes brésiliens
complètement hors de contrôle, leur style musical rentre dedans, parfois bien exécuté (Sarcófago, Holocausto,
Mutilator), parfois un peu... euh, un peu comme ce live de Discharge là qui tourne sur youtube : un peu fatigué,
un peu bourré ptet, les solos complètement canards, les aboiements éthyliques... Punk ! Il suffit de voir
comment ils se fringuaient : à pisser du sang sur les tombes, recouverts de ceintures à clous, le regard
vraiment pas sain, le nez tout drogué, à vouloir choquer toutes les ménagères de moins de 50 ans, voire plus...
vérifiez les photos de l'époque de Sarcofago, les albums nazillons d'Holocausto (comme son nom l'indique)
("Campo de Exterminio", faut l'assumer dans sa bibliothèque celui-là) - en gros, ces gars étaient des bombes à
clou ambulantes. Y a quoi voir comment il jouaient, ultra-speed, le chanteur qui en général gueule et grogne en
complète arythmie avec le reste, comme si on lui arrachait les rotules, ou comme s'il était en plein moment de
possession, selon le morceau... et ces guitares fuzz, on croirait des fois entendre les Minutemen ou Meat
Puppets c'est marrant, le tout enrobé d'une esthétique à la fois naïve (la pochette de cette comp', jesus fuckin'
christ!) et se voulant dangereuse, pleine de violence plus ou moins refoulée tout juste pondue après quelques
décennies de dictature militaire... Une compilation donc bougrement intéressante, pour ceux qui voudraient
savoir d'où vient ce son complètement hystérique thrash / black qui revient assez souvent aujourd'hui aux
oreilles - qualifié "d'old school" maintenant- et qui voudraient écouter autre chose que du Sepultura première
pression en guise de vieux metal brésilien. Cette compilation est faite pour ceux qui sont persuadés que tout ne
vient pas forcément d'Europe ou d'Amérique du Nord et pour les gutsiens qui vénèrent les années 80 comme
un moment incroyable de créativité. Une compilation dont la qualité est croissante, Chakal plombant un peu la
note par ces solos vraiment à la rue et cette basse qui fait parfois vraiment n'importe quoi... Holocausto
chopant la palme de la dexterité, Sarcofago celle de la satanitude la plus maniaque ("Recrucify", "Christ Death",
ça fleure bon la tombe), Mutilator celui de l'efficacité - ainsi que de la ressemblance avec les premiers
Sepultura. Que dire donc de plus, à part : AAAAAAAAAAAAAAAAHHHHhhhuuuuuuuügghhaaaaaaaaaa !
Note : 4/6
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La Baracande : La Baracande
Chronique réalisée par Dioneo
Histoires d’espace. Le folk, dans ses formes traditionnelles, est une question de distances. D’endroits habités,
du noir autours – parce qu’on joue souvent mieux la nuit. De places peuplés par le bal ou – ici – la veillée. Les
histoires que racontent ces chansons sont aussi celles de frontières, d’inconnu effrayant, excitant : au delà des
topographies, noms de villages, de hameaux, de lieux dits familiers. Le surnaturel n’existe peut-être là que dans
ce par-delà, cet extérieur. L’actualité, certes – mondiale, instantanée, égalisée – nie cette dimension. Cette
musique y retourne. Et par là : étend la perception. Revient à l’encan du pas humain – à l’ampleur de ce qui
vibre, ne s’entend qu'à l’enceinte dans quoi elle est jouée. Il me semble que les groupes du collectif La Nóvia
touchent quelque chose, trouvent cette proximité – autant que cette "extension" de l'écoute, pourtant – que le
mouvement folk des années soixante dix avait en quelque sorte manqué – ou au moins, à un moment, perdu.
Par ce souci, justement, de ne pas amplifier les voix – le chant, les instruments – aux volumes qui combleraient
des stades, des marchés internationaux, des assemblées massées plus loin que là où l'œil nu peut voir. Ce
n’est pas une fermeture, un repli frileux : ceux-là peuvent jouer partout. C’est une lucidité quand à la "fonction"
de la musique. Sa place, sa dimension, encore une fois. Par là : sa possibilité. Aussi : ces gens – Yann
Gourdon, présent dans presque tous les groupes réunis dans cette maison, mais pas seulement lui – n’hésitent
pourtant pas à distordre leurs sons, distendre ces fréquences déjà naturellement dissonées, en paquets, en
complexes d’harmoniques : les bourdons, notes tenues des vielles et violons, les glissandi de la slide, les
réverbérations sur cette guitare jouée par un homme assis. La Baracande – groupe qui emprunte son surnom à
Virginie Granouillet, chanteuse de la Haute Loire dont ces quatre là reprennent le répertoire, collecté dans les
années cinquante et soixante – incarne donc la face "chanson" de ce nouvel art traditionnel. Pour eux, le mot –
"incarner" – n’est pas une simple commodité. La présence de cette musique est proprement stupéfiante. La
force captivante des épisodes contés, narrés, l’aura sombre de ces histoires de séquestration – comme entrée
en matière sinistre, Là Haut Dedans La Tour se pose un peu là – de guerre lointaine, de trahison, ne sont pas
habillées – bêtement "rhabillées" – par l’électricité, les techniques étendues : elles sont rendues, disais-je, à
leur espace. L’amplification, les effets, ne les noient pas : elles en dissolvent l’aura, la font passer au pur plan
de la substance, l’intensité sonore en saisissant l’écoute, en saturant la teinte. La Baracande, donc – mais c’est
vrai aussi pour Toad, les mêmes sans le chanteur, qui jouent pour la danse ; ou pour Le Verdouble, duo de
vielles (avec électronique), qui poussent jusqu’aux confins cette exploration, ce ressassement jamais tout à fait
à l’identique de la chimie, de la matière sonore, de sa structure atomique – ne jouent pas pour les foules. Les
assemblées, autours, tiennent dans des squats, des granges, des salles territoriales. Chacun, chacune, est sis
dans ce périmètre où ce qu’ils déroulent peut rôder, pénétrer, passer. Ici, ce qui est dit redevient pertinent ;
L’Angleterre, à nouveau, est un ailleurs où l’on part mourir pour le roi ; la Belle qu'on enterre s’esclaffe à son
amant qui lui sourit (et je vous assure qu’entendu ainsi, le récit frappe : d’émerveillement, d’horreur, de vertige).
La vision qu’ont ces musiciens et raconteurs – ceux de La Nóvia – n’est pas, disais-je, celle du mouvement folk
d’il y a des décennies. Que la Barracande privilégie – comme par exemple le faisait Malicorne – les relations de
meurtres, d’élans incestueux, de parentèles criminelles seraient un lien… Presque insignifiant, à vrai dire, en
regard des formes trouvées ensuite, respectivement – choisies depuis là, depuis cette souche commune. C’est
surtout que ces traits là sont dans le texte, dans la lignée reprises. Musicalement, eux sont ailleurs. Ce qu’ils
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peuvent prendre à d’autres formes – aux expérimentations, essais supposés savants ou du moins
avant-gardistes : le bruitisme ancré ritournelles d’Henry Flynt, le sens du vide et des intervalles de Morton
Feldman ; peut-être à un certain rock psychédélique, pour cet usage du son démultiplié, instable et débordant…
- n’est pas une adaptation. Ils s’emparent de ces moyens non pour "aller" vers une quelconque "oreille
moyenne" ; mais pour leur puissance d’attraction – pour leur capacité aussi à libérer les charges, les remettre
en mouvement, les animer plutôt que de les laisser en tensions mortes. Le sens de la répétition – du motif, des
mélodies courtes et, comme disait le philosophe "toutes semblables" – est déjà présente dans le matériau,
dans ces chants, ces strophes ; semblables mais jamais identiques – une inflexion change tout : climat,
nuances, altitudes. Basile Brémaud, d’ailleurs, est bien la voix idoine : imparfaite sans doute pour l’esthétique
"classique" ou les circuits de la variété ; mais… idiomatique, qui plie, brise, lie la langue à l’exigence du rythme,
de sa scansion et de sa fluidité – d’où liaisons étranges (quatre-z-officiers…), ajouts de voyelles pour la
métrique (le vingt-eu-cinq du mois d’avril) ; c'est peut-être aussi le français de Paris qui cesse de contraindre le
dialectal, de plier l'accent (l'accent : c'est un sens dynamique). Une voix parfois couverte par la vielle, le violon,
la guitare, mais c’est heureux aussi : car l'espace où vit ce qui se raconte – encore une fois : cet extérieur –
submerge l’homme, l’attrape, le porte ailleurs. Réverbérations, saturations, boîtes à bourdons, ne "dénaturent"
pas ce répertoire, ces chansons ; pas plus que les jeux de pression – l’effet "décollage" – de Gourdon
directement sur les cordes de son instrument, les accélérations et superpositions de boucles, les dissonances
de Fortunier et Lacroux : elles ne font qu’en accentuer l’allure, rendre plus intense leur perception, nous donner
à sentir plus nettement ce qui en est le noyau ; nous plongent dans leur profondeur. Ce qui se joue ici tient
presque de l’hallucinatoire – on verrait soudain, comme ce soldat, "sa blonde" traverser dans l'instant la mer,
escortée, venue le faire passer serein dans "l’autre monde". Hallucination, oui : mais c’est encore une fois un
autre mot pour dire "vision". Lorsqu’on en revient, tout semble plus nettement détouré, toute place plus juste,
les volumes exacts et les aberrations saillantes. C’est plus vrai, encore, lorsque le groupe joue en direct – à
distance de bras, face à vous. Lorsqu’il finit, souvent, il y a une courte pause, le temps d’un verre à peine.
Après quoi, en général, trois de ceux-là reviennent : cette fois, disais-je, pour les bourrées et mazurkas.
Note : 5/6
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Bogshed : Step On It
Chronique réalisée par sergent_BUCK
Pas le temps de souffler, un an après le mini "Let Them Eat", Bogshed remet le couvert avec "Step on It". Et ils
y vont à pieds joints cette fois ci ! Toujours aussi instables et crispés les bougres, leurs chansons restent
bloquées sur deux riffs et demi qui tournent en boucle. Cette formule à la fois brutale, tordue et étonnamment
mélodique que nos quatre bonshommes nous servent à nouveau sur les quatorze compos de l’album est tout à
fait imparable. Aucun temps mort, la totalité de l’espace sonore se retrouve occupé et on peut s’en mettre plein
les oreilles avec gourmandise. Il est rare dans le style d’entendre des groupes à l’instrumentation aussi
solidaire. Les riffs et rythmiques sont imbriqués au millimètre, tricotés par ces deux cordistes télépathes et
soutenus à la milliseconde par ce batteur à la précision horlogère. À ce niveau là, ils ont d’ailleurs gagné en
bizarrerie depuis le premier EP : fini les passages punks rageurs, jetés à toute vitesse en pleine poire…
influences Captain Beefheart oblige, tout de suite on sent que les compositions se font plus retorses. Pas
qu’elles soient extrêmement complexes, hachées ou difficiles, mais il faut passer par quelques écoutes en
fronçant un sourcil avant de saisir l’étrange harmonie qui se dégage de ces morceaux. Impossible d’ailleurs de
sortir une chanson du lot sans être injuste avec le reste de l’album… parlons par exemple de ‘Run to the
Temple’ qui sera présent sur la compil C86 du magasine NME, faisant un peu figure d’ovni au milieu de la vague
‘jangle pop’ qui occupait les radios à l’époque. On sera servi en lobotomie avec ‘Tommy Steele Records’ et sa
basse entêtante. Du stress en barres chocolatées dans ‘Packed Lunch to school’, de l’anxiété à foison sur
‘Can’t be beat’, et jusqu’au détalage supersonique qu’est ‘Fastest Legs’, tout l’album pourrait être un recueil de
chansons d’halloween pour gamins dégénérés. D’ailleurs, au fur et à mesure qu’on progresse, les morceaux
font de plus en plus grincer des dents… à moins que ce ne soit le système nerveux qui finisse par fatiguer à
force d’être titillé pendant quarante minutes. Pourtant le son n’est pas spécialement saturé (un peu léger même,
c’est sans doute leur disque le plus faiblement produit), le jeu des gars pas vraiment violent, Phil Hartley au
micro se tient même plutôt bien, et garde ses cris de chien fou pour les moments les plus propices. Une folie
franche, mais retenue, un double jeu que le groupe maîtrise avec brio. Bogshed sur ce premier LP ne nous
laisse aucun répit et nous livre son album le plus brut et riche, de quoi s’occuper au coin du feu tout l’hiver
durant avec ses histoires loufoques, et de quoi pimenter les parties de frisbee de vos piqueniques pour cet été.
Note : 5/6
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Bogshed : Tried and Tested Public Speaker
Chronique réalisée par sergent_BUCK
C’est l’heure du Swing pour Bogshed ! Quatrième production en à peine deux ans de carrière, voilà revenir le
groupe dans toute sa splendeur avec trois nouveaux morceaux du tonnerre. La formule a beau rester toujours
la même, le groove est immédiat, et le quatuor est pour le coup arrivé à son sommet. De ‘Champion Love
Shoes’ et son riff à faire danser un squelette, de ‘Little Grafter’ et sa basse impossible, du morceau titre et ses
clapements de mains, jamais ils n’ont semblé aussi à l’aise. Toute l’instrumentation tombe une fois de plus
parfaitement en place sur cette première face. Quant à Hartley ? égal à lui-même. Il s’est même mis sur son
trente-et-un pour l’occasion. Fini les gueulantes hystériques, il préfère pratiquer le déhanché façon Elvis
(Presley ou Costello, celui auquel vous préférez jeter des tomates) et amuse la galerie comme jamais. On
l’entendrait presque faire un clin d’œil à la mamie du premier rang entre deux glapissements… Et le groove
continue sur la face B avec Morning Sir, déjà sorti en single un peu plus tôt. Sur ce morceau, on trouve le
Bogshed à la tombée du lit, avant qu’il n’ait eu le temps d’ingurgiter son litron de café du matin. Un peu de
saxophone, de la bonne humeur maussade, et une très sympathique petite chansonnette à passer en arrivant
au bureau pour saluer votre patron. Enfin les deux dernières pistes, des morceaux tirés de ‘Step On It’,
proviennent d’une des nombreuses Peel Sessions assurées par le groupe (John Peel les adorait !). Comment
ne pas se répéter : ça cogne, ça crie, ça chante… à la radio comme en studio, les gaillards cassent la baraque
!... Et voilà donc comment résumer ce que Bogshed sait faire de mieux en un petit quart d’heure bien gonflé…
une rondelle noire de plus à ajouter à la liste des indispensables du groupe.
Note : 5/6
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KRISIUN : Bloodshed
Chronique réalisée par Rastignac
4 ans séparent cet album du précédent "Conquerors of Armageddon" chroniqué dans nos modestes colonnes et il y a eu deux albums aussi entre, ils seront chroniqués, peut-être, un jour. Enfin, 4 ans, si on veut... : en fait,
cet "album" est une espèce de split de Krisiun avec lui-même, entre le Krisiun du passé simple et celui de
l'imparfait. Split entre les Athos, Porthos, et Aramis du Krisiun millésime 1993 et celui des Trois Frères de 2004
- oui, ils sont frangins, pour ceux du fond qui n'écoutent pas. Ce n'est donc ni un album, ni vraiment une
compilation, mais deux EP mis bout à bout par le groupe lui-même, inséré dans pas mal de discographies du
groupe comme un album standard. Bon, on va dire que c'est une compilation pour faire simple. Donc, à ma
droite, de la piste 1 à 7 (et la 12... vous suivez ?), nous avons "The Bloodshed", des morceaux hypnotiques,
lourds comme des engins chargés d'arracher les arbres de la forêt amazonienne, ponctué de soli tous très
justes, créés, enregistrés au Brésil, brutaux et charmants, d'une précision et d'une puissance magnifique, un
peu comme un microscope de la mort, avec un laser monté au bout, perché sur un bazooka. A peu près.
Conclus par un instrumental qu'on dirait sorti de la BO de Predator, avec le cœur qui bat, l'oppression des
bêtes de la jungle et tout. A ma gauche, Krisiun version noise (pistes 8 à 11). Hein ? Ben, oui, complètement
noise, bruitiste. De la gelée de coings de guitare rythmique incompréhensible pour mes oreilles probablement
pas réglées sur les bonnes fréquences, une batterie qui surclasse tout le reste, des borborygmes encore plus
profonds et dégueux que dix ans plus tard à peu près... voix qui, quand elle arrive en scène est mixée au niveau
de la batterie, la grosse soupe avé les grumeaux quoi. Et puis ces solos de guitare, plouf ! Qui tombent comme
ça au milieu de la mare, complètement free, un peu comme si on avait découpé des bouts de Coltrane période
"Interstellar Space", qu'on avait collé ça au milieu d'un morceau de Today Is The Day période "Sadness will
Prevail". Bizarre, non ? Ces morceaux sont issus d'un mini CD sorti donc en 1993, intitulé "Unmerciful Order",
et ils ont au moins le mérite de nous montrer que Krisiun a eu deux périodes minimum dans sa carrière. L'une,
brutale, virtuose, efficace représentée par les premiers morceaux, et l'autre, plus... expérimentale ? Brouillonne
? Je penche pour la deuxième quand même... peut-être tout cela est dû au manque de thunes pour produire
ces morceaux, le brutal death n'étant pas vraiment compatible avec l'esprit lo-fi... enfin, ça se discute. Voilà, un
album, deux bouts d'EP, deux visions, deux manières de se laver les oreilles, un moyen parmi d'autre de rentrer
dans le death metal made in Brasil. 4 étoiles moins une pour le mal de crâne émergeant à partir de la moitié de
l'album, dû à la mauvaise perception des sons ultra aigus ou ultra mediums par mes esgourdes. Et
interrogation sur la motivation du groupe à sortir un EP plus un autre (tronqué) datant de 10 ans, au même
moment, dans la même boîte, sans forcément annoncer la couleur comme ça...
Note : 3/6
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COMPILATIONS - LABELS : Relapse Records: 25 Years of Contamination
Chronique réalisée par Rastignac
Relapse. Oooooh, Relapse ! Quelle drôle de relation j'ai avec les sorties de ce label. Dans cette chronique je
suis lié, pour une fois, à un label particulier, ok, et vu que la compilation en question célèbre l'anniversaire du
label, on ne va pas pouvoir passer à travers, va falloir que j'en parle, en plus des 184 groupes présents dans
cette compile (chiche ! non, je rigole). On va donc la faire ego trip + petit balayage synthétique. C'est grâce à
ses compilations promotionnelles "Contaminated" sorties chaque année que j'ai pu découvrir tout un tas de
groupes qui sont restés des valeurs sûres de mon petit cœur de chroniqueur. Cette dernière n'a pas ce nom
exact de contaminée, mais c'est le même principe : un morceau par tête de pipe du catalogue, simplo. Alors,
oui, évidemment, je ne vais pas parler de tous les groupes, on va plutôt faire ça par paquet de douze. Ça
commence par les STARS : Mastodon, Neurosis. Y a pas à tergiverser cent sept ans comme dirait Madame
Michu : ces sont les stars de Relapse Monsieur Bruno Masure ! Et ce sont les stars de gutsofdarkness aussi,
enfin, surtout Neurosis j'crois. Nous avons ensuite le malheur de tomber dans ce que je n'ai pas vraiment aimé
dans leur production : la pop metal à la Torche, Baroness, etc. : pourquoi, mais pourquoi ? Comprend pas. On
naviguera ensuite dans ce qui fut à l'origine le label Relapse : un label de death metal et de grindcore. Dying
Fetus, Pig Destroyer, Deceased... c'est eux ! Mais petit à petit, on va se retrouver face à l'évidence de ce qu'est
aussi, un peu, ce label Relapse : un groupe éclectique qui va bouffer un peu à tous les rateliers. Mathcore /
Math Rock (Coalesce, Don Caballero, Dillinger Escape Plan, The End...), Stoner, Sludge, Doom (Bongzilla,
Windhand, Unearthly Trance, la resurrection des vieilles bandes perdues de Pentagram, un de leurs plus jolis
coups... ), Death et Grind on a déjà dit (Incantation, Nasum, Nile, Soilent Green, les rééd. en 14 couleurs des
albums de Death, avec 3000 versions bonus et mastering différentes... ), noise au sens large du terme (Unsane,
Today is the Day, Anal Cunt... ), et des choses inclassables (les groupes hardcore metallisés que je n'ai jamais
vraiment réussi à saisir comme Uphill Battle, les groupes metal de l'espace comme Alchemist ou bizarro prog
comme Necrophagist, les groupes instrumentaux que j'ai pas pigés non plus comme Dysrh, euh, Dyshrrit,
merde, Disrthymia ? Disryhtmia ! Disrmtiya, non, ah, Disrr, bon, j'abandonne). J'en oublie, cherchez quoi ! Et
non, vous ne pourrez pas écouter cette compilation d'un coup, même si on n'a que les hits, parce qu'il y aura
forcément un moment où vous appuierez sur la touche "SKIP", selon vos haines personnelles. Dispensable, et
belle comme cette modernité contemporaine consistant à avoir accès à toute la musique du monde sans lever
son gros cul de la chaise, cette compilation des 25 ans saura peut-être vous faire acheter encore une fois un de
leurs abominables t-shirts promotionnels afin de rester dans une optique de collectionneur. Elle me fera cogiter
aussi, sur ce qui m'a accroché un moment, ce qui me fait dégueuler aujourd'hui, et ce qui pourrait aujourd'hui
me donner un coup de fouet comme ça en 2015, 15 ans après avoir découvert ce label. Elle me fera appuyer sur
la touche SKIP. Car ce qui compte, en fait, au bout du compte, ce sont les artistes, c'est l'amour, c'est pas le
label : si vous détestez toujours les cris de cochons de Pete Ponitkoff, vous allez skipper, si vous pouvez
toujours pas saquer le hardcore math truc, vous allez foutre un coup de pompe dans SKIP, si vous aimez pas le
grindcore... vous allez détruire votre chaine - enfin, votre ordinateur (pas de sortie physique à ma
connaissance, pas avant le coffret de 50 vinyles avec toutes les couleurs de l'arc en ciel en tout cas). Allez,
rendez-vous dans vingt-cinq ans pour une nouvelle compilation récapitulative avec Mastodon et Neurosis en
tête de gondole, et 360 groupes téléchargeables directement dans votre puce neuronale "BIG BRO, MON AMI
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TOUT GROS, DANS MA TÊTE", compatible mac et pc, android, ubuntu. Et l'un dans l'autre, une note : 3 boules,
compte tenu de ce que j'aime, et ce que j'aime pas dans cette compile, sans vouloir finasser. Ben oui, faut pas
évacuer l'eau du bébé avec mémé dans le bain d'orties non plus - même si, hein, c'est gentil de balancer gratos
184 pistes comme ça sur le ouèbe.
Note : 3/6
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Dave Bessell : Black Horses of the Sun
Chronique réalisée par Phaedream
WoW! Je ne sais pas ce que nos créateurs en art électronique ont mangé récemment, mais il circule de la foutu
bonne musique ces derniers temps. Le dernier Briand, Kistenmacher, Ayers et maintenant cette dernière
aventure de Dave Bessell. Le nom vous est familier? Normal, c'est un membre de Node et c'est aussi un
compagnon de musique du très sombre Bakis Sirros, l'homme derrière Parallel Worlds, avec lequel il a coécrit
le troublant Morphogenic en 2012. Un album produit par Ian Boddy et qui fut réalisé sur le label DiN Records.
Node, Parallel Worlds, Ian Boddy et Din. Vous voyez le topo? Bien que le plus légitime de nos souhaits serait
que “Black Horses of the Sun” caresse ces univers, le constat du contraire serait aussi très décevant. Et non,
on ne sera pas déçu! Voguant allègrement sur les paradigmes de Node et surfant sans hésitations sur les
sombres nectars de Parallel Worlds, Dave Bessell signe ici un album solo qui ne souffrira d'aucun complexe
vis-à-vis ceux de ses deux projets parallèles.
Les premiers souffles, les premiers accords de "From here to There" sont tellement près de l'oreille qu'on se
tourne la tête pour voir où se cache Dave Bessell. Les lamentations de guitares flottent sur des accords perdus
alors que tout doucement le lourd voile d'ambiances au mille mystères de “Black Horses of the Sun” creuse
son tunnel pour rejoindre le coffre des suppositions de notre ouïe. Le rythme est ambiant. Il traîne sa lourdeur
majestueuse dans les brouillards électriques des réverbérations qui mâchouillent les lente impulsions d'une
ligne de basse dont les rondeurs paresseuses flottent parmi les riffs absents d'une six-cordes discrètes et dans
les brumes d'un synthé aux parfums de Mellotron. La guitare de Bessell se moule avec grâce aux
gémissements d'un synthé aux vampiriques ondes qui respirent les drames ambiants de Martenot, poussant la
finale de "From here to There" vers une structure de rythme où riffs assommants, percussions martelées et
Mellotron pénétrant nous convie à une mixture de Node et Redshift. Composé avec Liam Boyle, "Theme One"
est une superbe ode à saveur vampirique. Un hymne à la noirceur avec une structure de rythme ambiant qui
chevrote de peur dans son alliage de séquences et riffs. Les 7 minutes inter changent les phases de rythmes et
ambiances en ajoutant une couche toujours un peu plus dense à chaque renaissance. Les arrangements de
Boyle y sont superbes et apportent une touche très Beatles à ce saisissant univers claustrophobe. "Lament"
met en vedette Ian Boddy. Son intro charme avec son genre de comptine Méphistophélique qui fait tinter ses
arpèges virginales. Le Serge Modular d'Ian Boddy est aussi épeurant qu'envahissant, enserrant un pénétrant
voile d'inconfort à des ambiances qui s'extirpent des abysses afin de faire danser des rythmes furtifs. Mais
encore là, nous sommes dans l'antre de l'anti-rythmes, de l'anti-musique tel que nous le percevons où les
rythmes demeurent des bombes implosives et où les ambiances étendent leurs charmes gothiques. On est
dans le domaine des souffles noires, des ambiances méphistophéliques, des bruits blancs et grésillements
statiques où l'improbable noirceur enveloppe chacun de nos souffles, à ce niveau, "Wasteland" est assez
dérangeant. Composé avec Lyonel Bauchet, "Paradise Lost" peut à lui seul révéler tout paranoïaque qui
sommeille en nous. Son intro est dressée sur d'énormes pulsations qui semblent nous chuchoter la noirceur
des étoiles aux prismes translucides à l'oreille. Gazouillis, chants difformes, pas perdus et une foule d'objets
soniques hétéroclites nourrissent une intro qui avale chaque seconde goulument avant que le rythme fonce
vers nous avec ses lourdes pulsations qui crachent ses résonnances statiques. Les riffs sont envahissants et
mâchent le creux de nos oreilles. Tant que l'on remarquera plus tard cette fine mélodie qui danse avec son
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ombre dans un superbe ballet allégorique où le lumière tente d'avaler ses ténèbres. Sa fureur engendra le
contraire alors que les éléments ambiants se saisiront de la menace rythmique, entraînant "Paradise Lost" dans
une finale qui fait passer son introduction pour son maillon faible.
"Skyrim" est un autre titre nourri d'ambiances taciturnes et grugé par des lamentations d'une six-cordes qui a
volée l'esprit de Robert Fripp. Le canevas pourrait servir de trame pour une musique de film angoissant avec
des longs drones qui grugent l'intérieur de l'écoute et des boums pénétrants qui dérangent nos palpitations
cardiaques. Une délicate mélodie sort des emprises du noir pour faire tinter ses arpèges de verre moqueur,
comme une comptine diabolique qui fuit les morsures d'une guitare affamée. Remarquez ces délicates brises
de flûte qui amène le titre à un autre niveau. Et ces voiles de Mellotron...On dirait du Redshift à l'agonie. Très
intense! On reste toujours dans le domaine du fantomatique avec le dérangeant "Sleepwalker" dont les
ambiances, le rythme mou et ces souffles de guitare qui épousent la lente marche de la ligne de basse
dépeignent à merveille la marche du dormeur. Un vrai down-tempo noir et morphique, quasiment un blues pour
insomniaque, "Sleepwalker" évolue avec plus de lourdeur, de fermeté dans le pas, respectant sans doute ce
sentiment de dualité, de déchirement qui sommeille dans chaque somnambule. "Mirror's Edge" est un superbe
rock électronique très noir. Le rythme est structuré sur un ruisselet de séquences sombres qui papillonnent
violement et dont les ailes oscillent dans une zone de brouillard affligée par les poussières des riffs et les
continuelles lamentations spectrales d'une guitare qui cherche à nous bouffer la peur. Les riffs sont lourds, les
percussions efficaces, les séquences vives et la basse mord la lobe de nos oreilles afin de bien faire le passage
d'une structure de rythme qui souffle constamment dans notre cou. Et comme si cela serait possible, "Fall from
Grace" est la face sombre de "Mirror's Edge". Moins rythmé, puisque transporté par les ailes d'un synthé
Mellotron très noir, le rythme fait ses tic-tacs entre nos oreilles avec toute cette force ventriculaire qui déchire
les structures de “Black Horses of the Sun”.
Des moments faibles? Pas du tout! Jouant merveilleusement entre ses rythmes, qui sont aussi lourds qu'ils
peuvent être violents, et ses ambiances qui sont constamment en harmonie avec une folie inquisitrice, Dave
Bessell signe ici un album qui ne souffre d'aucun complexe dans ce registre musical où la porte de
l'indifférence reste toujours entrouverte. L'enveloppe sonique de “Black Horses of the Sun” est très
impressionnante. Chaque seconde est bien pensée, est bien nourrie par des ambiances vampiriques où
synthés et guitares unissent leurs possibilités dans ces neuf histoires soniques qui pourraient meubler
n'importe quels films d'angoisse. Les amateurs de Node, Ramp, Redshift, Parallel Worlds et même Arc ont de
quoi se délecter ici. Très bon!
Note : 5/6
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Robert Rich (Robert) : Filaments
Chronique réalisée par Phaedream
Les filaments sont les brins d'énergie-matière condensée qui s'est formée sur la première période
évolutionniste dans notre univers, aidant à rassembler les gaz pour finalement devenu notre cosmos. Pour
Robert Rich c'est une amalgame de sons avec des éléments qui s'extirpent de nos enceintes acoustiques pour
chanter et hululer dans des courants électroniques ambiants. Torturant sa guitare lap-steel, dont les criantes
lamentations se fondent à merveille à de nébuleuses couches de synthé aux parfums très Steve Roach, Robert
Rich nous en met plein les oreilles avec un univers de séquences dont l'écho des cascades tisse de
savoureuses chorégraphies ambiantes. Ces rythmes ambiants déroulent de délicats serpentins de séquences
limpides hors des limites du cosmos pour scintiller et sautiller comme des mille-pattes pris au piège dans des
nuées de strates aux couleurs et aux riches tonalités contrastantes, faisant de “Filaments” un album de MÉ
d'une richesse sonique qui se déguste avec des oreilles plombées d'intérêt.
Une grosse onde sombre, une lente brise bourdonnante assiège nos oreilles dès l'ouverture de la pièce-titre de
ce dernier album de Robert Rich. Ces vents bipolaires qui mugissent et s'entrelacent en de longs filaments
organiques éveillent des gazouillis électroniques et une flopée de séquences limpides qui dévalent les plaines
soniques ambiantes de "Filaments". Déjà la richesse sonique de “Filaments” s'installe entre nos deux oreilles.
Sauf que l'effet est encore plus amplifié lorsque ça flotte entre quatre murs avec cette fusion de lignes de
guitare et de synthé qui dérivent, chantent et hurlent avec passivité des poèmes ambiants sur un lit chatoyant
de séquences que des coups de percussions et des pulsations éparses font sursauter dans un délicieux effet
de kyrielle harmonique. "Majorana" offre un rythme ondulatoire qui rampe sous de denses strates teintées de
poussières cosmiques. De ses 5 accords séquencés, le rythme monte et descend comme un hypnotique
carrousel linéaire avant de s'évanouir dans un passage très ambiant. D'autres séquences y flottent. Elles font
tinter leurs charmes prismiques sous une fusion des larmes de la Steel Guitar qui se fondent à un nébuleux
décor sonique teinté de couches de synthé aux parfums d'ésotérisme. "Scintilla" est un délicieux petit titre
avec des séquences basses qui estampillent un délicat rythme ambiant. Des tintements et des pulsations
basses agrémentent cette chorégraphie ambiante où les strates d'une guitare larmoyante sonnent comme des
chants de sirènes éthérées. Moins vivant et plus sombre, "Aetherfields" erre entre nos oreilles avec ses longs
bourdonnements qui serpentent le néant. Des vrombissements coiffés de larmes de guitare et synthé qui
enserrent les notes éparpillées d'un piano pensif.
Paré de ces mêmes éléments,"Entangled" offre une séduisante structure de séquences avec des ions qui
sautent en cascades, créant un rythme ambiant et linéaire qui palpite dans le riche écho des notes de piano et
de séquences tambourinées. Cette fusion entre les lignes de synthé et de guitare qui caresse ce rythme
serpentant avec un peu plus de fureur, alors que les minutes se meurent, captiveront l'intérêt des amateurs de
Steve Roach. Idem pour "Eulalia" qui présente une structure de rythme plus vivante avec des séquences aux
tonalités de bois vert dont les tambourinements continuels sculptent une ambiance de jungle qui s'agite sous
de magnifiques alliages de synthé/guitare. Court et assez incisif, avec sa délicieuse enveloppe stroboscopique,
"Laniakea" respire de cet univers de séquences limpides qui gambadent aussi librement et sous un ciel
sonique aussi coloré que dans "Scintilla", alors que "Aetherfolds" est plus ambiant et aussi mélancolique que
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"Aetherfields". Et Robert Rich de terminer son solide “Filaments” avec une dernière perle où les multiples ions
séquencés défilent en de belles cascades. Les nerveux débits aléatoires de "Telomere" cisaillent les paresses
ondulatoires et les errances mélancoliques d'une bonne ligne de basse sous un ciel sonique fardé de noir. Un
ciel sonique où cette fusion de synthé/guitare crache les hymnes ambiants qui maquillent cet étonnant univers
sombre et nébuleux d'une musique dont le genre semble intarissable entre ses habiles mains de sculpteur de
sons et d'espaces soniques.
Note : 4/6
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Lambert Ringlage (Lambert) : Drachenreise
Chronique réalisée par Phaedream
Vingt ans! Près de 20 années ont passées depuis que Lambert Ringlage estampillait le genre Berlin School
avec Trancesession en 1995. Sûr qu'il y a eu les superbes collaborations avec Palentir à la fin 90 et au tournant
du nouveau siècle avec avec Wolfgang Barkowski (Hypnosphere). Mais en solo? Rien! Nada depuis 1995. Pour
l'histoire, Lambert Ringlage a surfé sur les vagues de la MÉ de style Berlin School depuis le début des années
90 avec une signature sonique très imprégnée par le style de Tangerine Dream des années
Schmoelling/Haslinger. De cette décennie naîtra de savoureuses collaborations, avec Jiannis et Ramp, où il
présentait une musique plus audacieuse, plus sombre. En tout, Lambert Ringlage a produit près de 10 albums
entre les années 1988 et 1998. Depuis il s'occupe de son label Spheric Music qui a mis sur le marché de beaux
albums de MÉ où les genres rétro et nouveau Berlin School cohabite avec goût. De plus, il a aussi collaboré
avec Wolfgang Barkowski (Alien Nature) pour deux albums d'Hypnosphere. La faible visibilité et le peu
d'intérêts des médias vis-à-vis la MÉ ont motivé ces années d'absence. Son retour suscite donc énormément
d'intérêt, considérant son empreinte sur les sentiers de la MÉ. Timedrift a été à la hauteur des attentes. Et je
crois que ce “Drachenreise”, quoique les deux genres soient très différents, ne sera certes pas un objet de
déception. Bien au contraire, il dévoile toute la profondeur de l'écriture assez harmonique du synthésiste
Allemand. C'est donc à travers une douzaine de titres qui privilégient nettement plus l'approche harmonique
que progressive que Lambert Ringlage explique les voyages d'un dragon.
Et ça débute avec "Corona" où les sombres accords qui tombent étendent une résonnance sibylline. Des lignes
de synthé dessinent des pas dans ces sillages nébuleux, amenant aussi les premiers coups de percussions
électroniques. Au-delà des voix qui flottent dans les sphères, la guitare de Gandalf titille nos oreilles avec de
suaves solos harmoniques alors que tout doucement "Corona" s'envole avec un beau jeu de séquences où les
ions suivent les coups de percussions et les solos de synthé suivent les esquisses harmoniques de la guitare.
Une guitare qui prend le haut du pavé et lance de beaux solos dont les ombres s'évanouissent alors que le
rythme de "Corona" se trémousse sur un lit de percussions et de séquences aux essences aborigènes
percussions qui rappellent étrangement les chevrotants roulements de Poland. Les solos de Gandalf crient
comme une âme perdue, j'ai l'impression d'entendre des segments de Gallery of Dreams, dans une phase
ambiante. D'ambiant, le rythme s'illumine avec ces superbes séquences qui tambourinent, comme des billes
sur une peau extrêmement tendue, et d'autres qui escaladent les murs des ambiances alors que la guitare de
Gandalf, toujours incisive, nous rappelle combien guitare électrique et synthétiseur peuvent faire un bon
ménage dans l'univers de la MÉ. "Stairs" nous fond dans les oreilles avec une très belle approche des années
Underwater Sunlight de Tangerine Dream. D'ailleurs, “Drachenreise” est intimement lié à cette incursion du
Dream dans ses territoires harmoniques empruntés à l'aube de Exit. Des courtes pièces, certaines font dans les
3 minutes, où la MÉ de Lambert Ringlage exploite plus les rectitudes des harmonies que les escapades aux
formes aussi variées que ses probabilités. Donc "Stairs"! Pour moi c'est le titre canon de “Drachenreise” avec
ses séquences légères qui osent à peine toucher le sol. Le rythme est de soie avec de sobres percussions
électroniques mais de beaux solos de synthé qui hurlent comme des larmes de guitare sur une cadence fluide
mue par de délicates oscillations. J'aime cette fusion de brises éthérées et de voix soufflées de sensualité qui
me rappellent Le Parc, ainsi que ces solos qui subdivisent leurs harmonies entre des illusions de guitare. Très
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bon! Les harmonies de "Estranho" s'y apparentent, alors que l'enveloppe rythmique est plus fluide, plus
nerveuse. On nage en pleine période Lily on the Beach, ici comme dans Motion, avec des séquences qui
alternent d'un pas vif d'une oreille à l'autre, déroulant un vif chapelet chatoyant. Sauf qu'ici, l'enveloppe des
ambiances étend un voile sibyllin qui donne énormément de profondeur, ça et les multiples solos de synthé, à
des compositions qui auraient sonnées plutôt blafardes sans ces éléments.
J'aime bien le rythme nerveux de "Hill" dont le mouvement saccadé des séquences m'entraîne dans les
passages les plus fumants de Flashpoint. La mélodie reste dans des tons pastels alors que les solos de synthé
et leurs torsades alambiquées rappellent ce duel entre ces harmonies et ces ambiances toujours à la quête de
celles d'Hypnosphere qui tenaille Lambert Ringlage. La progression du titre est magnétisante avec ces
séquences qui font des rondeurs, genre rodéo, dans les ombres de percussions très lourdes. Je vous le dit; ça
sonne terriblement TD. Et pas dans la pire des périodes. "Call" va vous séduire tout autant avec son approche
tribale. L'échantillonnage de percussions manuelles crache un beau parfum d'Orient alors que les harmonies
sont teintées d'un romantisme chérubin. Ici, comme dans la plupart des titres sur “Drachenreise”, l'influence
des tonalités biscornues de Robert Schroeder est fort présente. Lambert exploite à merveille les effets
dramatiques sur cet album et c'est encore plus criant dans "Past" où les ambiances, les orchestrations et les
éléments harmoniques éveillent des réminiscences de TD dans Legend. "Sunrise" est un titre qui accroche à la
première écoute avec ces séquences qui déroulent des effets de crotales sur de bonnes frappes de
percussions électroniques. Si les moments d'ambiances sonnent comme des éléments d'angoisse, les
mélodies qui se sauvent accrochent instinctivement un ver d'oreille à nos tympans. "Lonely" est une douce
berceuse avec un synthé aux larmes de vieil accordéon. C'est mélancolique, ça fait très Jarre, très français,
alors que "Source" et "Doucement" sont de délicates berceuses qui se rapprochent du répertoire de Vangelis
dans Opera Sauvage. "Doucement" va vous conduire aux portes des rêves, même si la minimaliste spirale
accentue la cadence avec les minutes. L'intensité dans ce titre est à découper au couteau. Et les
solos...Lambert Ringlage étonne carrément dans sa maitrise des synthés et de leurs harmonies. Je dirais que
c'est un des beaux albums à ce niveau. Ça et The Tape d'Olivier Briand, sauf que là nous sommes dans des
styles totalement différents. Étonnement, la pièce-titre
termine ce dernier album de Lambert avec un rythme léger à la Jean Michel Jarre dans sa période Chronologie.
Est-ce qu'un dragon peut vraiment s'envoler dans les hauteurs du cosmo? Peu importe! Car les 12 voyages de
“Drachenreise” sont des petites perles de MÉ où Lambert Ringlage démontre qu'il a eu tort de s'absenter aussi
longtemps.
Note : 4/6
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Archagathus : Canadian Horse
Chronique réalisée par Rastignac
Archagathus ! Du mince core, mais à cheval. À cheval sur les convenances ? Non, à cheval sur le cheval ! On
oublie la pochette, on se penche sur le disque. 12 pouces, 45 tours, sorti sur un label spécialisé dans ce genre
de monstruosité (Catheter, Magrudergrind, ACxDC...) ce "Cheval Canadien" se veut une chose gerboulifiante, à
base de "gruik" porcinets et de growls même pas pitchés mais les plus bas possibles, avec parfois des
gueulantes plus aiguës. Rien d'original ici : vous prenez Lee Dorrian, vous le mettez dans une voiture à
remonter le temps, vous prenez Bill Steer aussi, et vous leur faites écouter des trucs tout bête genre Rot, et
vous leur donnez envie de sortir un son rond comme une mongolfière. Ils kiffent, et ils galopent pendant une
demi-heure de chansons à textes bien fournis dans le livret mais ne transparaissant pas forcément dans
l'interprétation (breuh, graaaah, bleuuuugh, eeeuuhgrrr, pour résumer, remember Lee Dorrian encore). Tout
cela carotté avec trois riffs punky crust et accélérations grindcore entre passages mid-tempos bêtes à manger
du foin mais qui donne envie de boire et de se battre. Bon, vous l'aurez deviné, j'ai un peu acheté cet album à
cause de la pochette - et aussi parce qu'il y a un poster dedans, représentant ce même amour des chevaux, je
l'ai punaisé entre une affiche du XV de France, et une photo de Discharge. Un disque pour les amateurs de
poney et de bourrinades qui recherchent la saveur du connu et de l'efficace - j'en suis.
Note : 4/6
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ASPHYX : Deathhammer
Chronique réalisée par Rastignac
Martin van Drunen. Mon héros vocal. Je voudrais tellement balancer ma souffrance comme lui là, en mode
pataud, les couilles dans l'étau, les yeux percés par des clous de métal. MAIS, je ne peux pas, je ne suis pas
chanteur de death metal, et encore moins celui qui a pondu sa voix sur les deux premiers albums du groupe,
chroniqués ici même, albums sortis avant un premier split et une reformation qui amènera valser les voix au
micro jusqu'au second split du groupe. Mais qui dit deuxième séparation, dit deuxième reformation en 2007
avec le retour de mon asthmatique torturé préféré avec un "Death... the Brutal Way" qui m'avait déjà bien rincé
les rognons. En 2012 réapparaissait enfin de derrière les fagots des bois de la désolation un "Deathhammer",
qui amènera le groupe à jouer un paquet de concerts. Pour ceux du premier rang qui suivent, Asphyx joue du
death metal (cf. titres des albums), mais un death non pas "à la" portal, mais à la poutral, tout court... les
morceaux rapides ne font effectivement pas dans le poulpesque niveau batterie (boom bap boom bap boom
bap), et ceux estampillés "doomés" sont donc plus lents, mettant encore plus en avant le côté glotte qui se
comprime du chant de van Drunen. Les guitares elles seront celles qui peut-être vous ennuieront le plus, étant
donné que les riffs se ressemblent vraiment tous beaucoup et sont vraiment très très patauds et simplistes,
que les solos sont vite oubliés, mais, bon, quand on écoute Asphyx il ne faut pas s'attendre à voir Satriani
débouler et jouer pour vous public un solo avec les genoux en faisant le poirier (quoi c'est pas possible ? je
fais ce que je veux dans ma chronique !). Ce qui me plait, moi, public solo, ce sont aussi les breaks tout
simplimo, juste là pour vous faire acheter des séances d'ostéopathie après concert, tout ça dans cette
ambiance reniflant encore un peu le cercueil pas frais : palme à ce sujet au morceau "We Doom You to Death",
doom death comme son nom, le plus abouti du disque dans le registre "plus aucun fucking espoir man! Ils sont
tous morts, Jimmy !". Hypnotique par l'effet même de la répétition de ces riffs tous bêtes, de l'alternance entre
morceaux rapides et incantatoires, et puis grâce aussi à cette impression de se faire masser les synapses par
un slugathron (cousin néerlandais du slugathor), ce disque est idéal pour la sieste et la marche à pied lente et
méditative. Il m'ennuiera un peu quand je ne serai pas dans ce mood, ne retrouvant le chouia de je ne sais quoi
qui faisait que je bavais littéralement de plaisir en écoutant "Last One on Earth" par exemple (la folie peut-être ?
la fougue de la jeunesse ?). Ce disque lent, surproduit avec un max de basse, sympathique mais grognon, ne
peut définitivement pas s'écouter en n'importe quelle condition. Bourrin mais doux mais pas non plus d'une
abyssale insanité, doomy mais pas trop dépressif, Asphyx fait aussi plaisir comme on dit dans les com' de
football et attire donc comme un aimant démoniaque quatre boules dorées sur son cercueil de plomb.
Note : 4/6
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Gehenna (US) : The War of the Sons of Light and the Suns of Darkness
Chronique réalisée par Rastignac
Une entrée toute clapotante, le chant encore un peu articulé de Mike Cheese, et hop mosh part. On est encore
bien en terre hardcore metallisé traditionnel sur les premières pistes, du genre pas content et rageux sur le fait
que la Terre soit en train de crever certes, mais encore pas complètement teinté de Satan Lives In my Dick of
the black death metal sound. Cette compilation retrace en effet les débuts du groupe, de 1993 à 1996, tout cela
compilé en 1998 sur un label anarchiste, et réédité en un joli bouzin par A389 en 2008, avec moult vinyles
coloriés. Alors, on va pas faire alambiqué : je suis sûr que rôdent par ici de sinistres mémoires qui jouissent en
écoutant des trucs pas nets, du genre à faire l'apologie de la peur et de la violence, mais avec des power
chords et une voix hurlée, qui ont brodé leur patche "My War" sur leur petit ventre, qui ne sont pas contents,
qui ne le seront jamais, si vous n'aimez pas la ville, si vous n'aimez pas la montagne, ni la plage, ni les gens qui
vont se faire foutre ou qui envoient se faire foutre les gens. Si vous aussi vous en êtes, encore une fois,
reposez les oreilles sur ces chansons fatiguées de mecs absolument dégoutés de tout. C'est simple, il faut
vous poser dans la tête d'Henry le serial killer, à vous balader là dans votre vieille bagnole déglinguée à
retrousser la babine quand vous croisez des gens que vous ne pouvez pas supporter... la même à pied, avec
les dispositifs portables, retroussez la babine en écoutant ce hardcore qui dès le début se veut vraiment
négatif, tellement noir qu'il empruntera au black metal sa propre substance de la haine, plus du tout dirigé vers
un objectif social ou politique comme c'est souvent le cas dans le hardcore mais complètement nihiliste,
laissant tout le côté accord majeur d'un genre punkoïde pour être capable de rivaliser avec les plus grands
comme sur ce fabuleux "Cave In" qui ne laisse, chez moi, plus aucune envie de voir ailleurs. Héritier des
premières vagues à New-York ou Cleveland, rejeton de la côte Ouest, clochard céleste ultra-violent, ultra
dépressif, Gehenna est le rasoir qu'il vous faut quand vous êtes trop vieux pour écouter les nouveautés, trop
vieux con pour oser écouter des propos humanistes, qu'ils soient de bonne foi ou non, que ces paroles soient
noires, grises, ou blanches. Montrant la transformation d'un groupe straight-edge en véritables bombes
humaines touchées par la grâce du Malin Génie, cette compilation est donc indispensable pour tout apprenti
charpentier se demandant bien comment on a pu en arriver là.
Note : 5/6
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Sewercide : Severing The Mortal Cord
Chronique réalisée par Rastignac
Sewercide est un groupe australien formé en 2011, qui n'a pour l'instant sorti que des singles en collaboration
avec d'autres groupes (Casket, Presumed Dead, Violent Gorge, Randomorder) et une demo avant cet EP tout
frais tout chaud. Je ne sais comment j'ai pu laisser mon oreille tomber sur leur musique en streaming, pourquoi
dans la masse des billiards de sorties mon œil s'est arrêté sur une de leurs pochettes... peut-être le jeu de mot
dans le nom du groupe (je vous laisse chercher), sûrement les illustrations de leurs disques qui sentent fort de
dessous les pieds des années 1990. Musicalement, ils se proclament héritiers d'un death metal typiquement
australien, enfin, j'imagine, leur death metal australien à eux, les scènes devenant des milliards de bourgeons
pourrissant sur la même branche, bref, ils nous citent Acheron, Misery et Martire dans le lot, c'est à dire, je
vous le donne en mille : des groupes de death du début des années 90. Mais australiens. Musicalement encore,
je les proclame efficaces et plaisants à écouter... à force d'écrire, je (re)découvre en fait un vrai besoin de
musiques simples. Alors, oui, bien sûr, faut les sortir les accords de guitare et la voix toute sur la rupture là, il
faut avoir fait ses classes thrash poignet, il faut le choper et pas le lâcher le batteur, mais ça parait simple à
mon oreille atrophiée car c'est bourrin, bien ficelé, carré au poil... même si on anticipe tous ces breaks qu'on
entend depuis Left Hand Path, et qu'on reconnaît ces riffs qu'on déguste depuis Covenant... à ce propos, je me
souviens de réflexions, de conversations sur ce qu'est la création et l'interprétation. Exemple : Mozart a créé, il
y a quelques siècles, de la musique et même tout un mouvement musical derrière lui. Aujourd'hui on
l'interprète, des concerts tous les jours, dans le monde entier. Donc, oui, dans le rivage du classique et du jazz,
le rock a créé lui aussi ses standards : les débris de Pink Floyd nous jouent du Pink Floyd, les restes des Doors
miment les Doors, etc. Et petit à petit, on arrive aux mêmes bizarreries dans les scènes dites "extrêmes" qui en
étaient encore préservées, genre Death interprète Death, Godflesh interprète Streetcleaner, etc. Et Sewercide
comme bien d'autres tous jeunes groupes joue du death metal calé dans un espace-temps clos a posteriori tel
des interprètes d'un autre temps, plein d'esprit thrash noir, en jouant ses propres morceaux certes, mais qui
sentent évidemment le déjà-vu... le petit chouïa faisant la différence restera celle de la gnaque et la fureur de
headbanguer qu'on ressent nettement dans la musique de ce groupe, et ça je pense que c'est impossible à
copier sur quiconque. Alors oui, simple, encadré, répétitif, mais tellement bien gaulé et fendard ! Un peu
comme plein d'autres artefacts que je goûte quotidiennement, tel un Walter Benjamin de salon... "On a les
médias qu'on mérite", peut-être, mais quand on n'a que l'amour y a même plus besoin d'argumenter, ça se suffit
à soi-même, limite on a presque plus besoin d'écrire des critiques de disques ou de livres, car, comme dirait Le
Bruce : "Ça vient de là, plus en bas, dans la tête, dans le cœur, dans toute la forme."
Note : 4/6
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Furia (POL) : Nocel
Chronique réalisée par Rastignac
Furia, homonyme d'autres groupes que vous connaissez peut-être, est un groupe polonais que, peut-être,
aussi, vous ne connaissez pas, moi, en tout cas, j'ai appris son existence cet hiver. Las, je me baladais dans les
catalogues des labels polonais et allemands, souvent de bonnes sources pour jeter une oreille sur du neuf pas
trop dégueu, quand je fus pris d'attachement pour l'historique Pagan Records, fondé en 1992 et, j'imagine, un
des premiers labels de metal extrême polonais de l'ère post-soviétique. Spécialisé dans le death et le black
metal, il fut un des médiateurs entre Behemoth, Azarath, Massemord et le monde, parmi d'autres groupes issus
de l'underground polonais, amenant du son d'ailleurs également, death et black, toujours. Quand je me
promenais dans leur site web, la tête de gondole était cet album de Furia, et ça l'est toujours en février 2015... le
paquet est donc mis sur ce groupe ayant déjà sorti une petite dizaine d'objets chez eux. Fondé en 2003 à
Katowice, Silésie, il est constitué en grande majorité de membres de Massemord, à se demander si Furia n'est
pas, pour eux, une manière d'exprimer autrement leur mécontentement black metal. Cet "autrement", mené par
Nihil (traduction : "rien", "aucun" en latin) de bout en bout (paroles, enregistrement, mix et mastering dans son
propre studio) se veut de loin industriel, à regarder juste la pochette là... j'imagine des bouts de cheminées
ressemblant à des scuds, ou un entrepôt au milieu de la campagne, comme ces zones minières ou
manufacturières que l'on peut croiser au détour d'une départementale dans le Forez, l'Aveyron, la Moselle ou la
Silésie... de loin, aussi, on dirait la pochette d'un album de Broadrick période Jesu, vous voyez cette
abstraction paysagère qui fut, quand même, surexploitée au milieu des années 2000 dans cette scène post
metal, rock, hardcore, post que sais-je d'autre ? La sobriété s'étend dans le livret où personne n'erre à part
brindilles et ferrailles, pas de traces de sataneries, de loin encore, toutes les paroles étant écrites en polonais,
langue que, malheureusement, je maîtrise encore moins que le jonglage et le monocycle. La musique elle reste
bien dans les limites du black metal à mes oreilles, un black metal progressif, avec mouvements au sein du
morceau, cassures empruntées au post-rock, mélodies et rythmes chouravés à la folk. Le groupe saura même
pondre un hit que j'entendrais presque sur une radio tellement il est tubesque, à savoir "Zamawianie drugie",
épique et cérébral... et c'est là que leur musique cartonne, en format court, c'est là que le talent riffeur et
mélodique des mecs est le plus évident, sachant exprimer, pour moi, une certaine oppression de
l'environnement sur l'homme - en tout cas, l'environnement créé par l'homme pour la bonne mise en œuvre des
politiques industrielles de nos bons pays européens. Par contre, là où je perds le fil, c'est quand la bande à
Nihil allonge la sauce comme sur "Niezwykła nieludzka nieprzyzwoitość" : les
rebondissements sont bien trop nombreux, la dilution perd la substance de ce qui est puissant dans la
composition pour éparpiller tous les bouts de la chanson comme des particules d'amiante sur un tas de boue
enneigée. Et le problème, c'est que cette recette centrifuge sera reproduite sur d'autres morceaux à partir du
mitan du disque, sacrifiant des riffs magnifiques (cette belle chose si éphémère aux deux tiers de "Nigdy i
nigdzie"), me déroutant pendant de longues, longues minutes sur "My bełkoczą" et sur "Ogromna
noc"... les aller-retours entre rock instrumental, explosion à la québécoise et rengaines folk metal étant bien
trop nombreux et surtout pas très bien ficelés entre eux... comme l'impression que le saucisson chaud ne tient
pas la cuisson pour exploser dans le plat. Résultat : c'est plus de la saucisse, c'est du hachis. Pour résumer, je
suis un peu déçu, je m'attendais à quelque chose de plus mieux, je me suis fait avoir par la gondole... mais il
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faudra que je creuse dans leurs autres albums, je baisse pas les bras Monsieur le Premier Ministre ! Ce qui est
important aussi, c'est que ça m'a donné envie de me renseigner sur l'histoire de cette région sacrifiée pour la
puissance du charbon et de la métallurgie, notamment lorsque cette scène metal extrême polonaise a émergé,
lors de ces années très spéciales dans l'histoire de l'Europe, juste au début des années 1990.
Note : 3/6
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KG : Passage Secret
Chronique réalisée par Ntnmrn
"Adieu l’électronique" disait-il solennellement en 2002. Mon cul ! Rebonjour ! Et depuis chez lui, chez Herzfeld,
modeste et éclectique label au fonctionnement quasi familial, situé dans ce nord-est français où la frontière
poreuse s'ouvre aux émanations alboches. Il l’avait annoncé son retour, KG, avec un teaser début 2014 — un
teaser à base de coups de schlass dans les airs, devant un bac à recyclage pour bouteilles en verre, le genre de
loufoquerie qu’on ne se permet que dans l’underground. Rebonjour, donc, KG ! alias Rémy Bux, ex-Ich Bin,
ex-Sun Plexus. Plus électr(on)ique que jamais, en effet, et plus direct — plus rock. L’utilisation quasi
systématique de la six-cordes n’y est pas pour rien : en vérité, c’est ce qui donne tout son charme à cette
primeur de janvier, que Kevin Shields perfuse de sa spectrale présence. La guitare s'y dépose sous des formes
plus ou moins conventionnelles, allant de délicats arpèges aux brouillards bruitifs les plus épais — mais
toujours avec succès. Chaque titre est à soi seul une cellule contenant l’ADN du disque : soit un alliage
étrange, mêlant un squelette rythmique electro cheap à quelques réminiscences de rock indus déjanté, au
spleen du shoegaze et au malaise de la cold wave.. et j’en passe ! Le grand bazar ! et foutrement cohérent, qui
plus est. A quoi viennent s'ajouter les deux condiments essentiels pour toute musique raisonnablement
sombrex : folie et mélancolie. "Claque-merde", justement, qui servait de bande-son au teaser, est le tube du
disque : en commençant sur un jingle guilleret façon jeu vidéo (laissant pointer tout de même un zeste de
tristesse), il finit par s’abîmer, en de lentes circonvolutions électroniques, dans la mélancolie — sa position
centrale en fait l’acmé du disque. Son claque-merde, d’ailleurs, notre cher KG l’ouvre certes
parcimonieusement mais toujours à bon escient : qu’il pousse une chansonnette désabusée sur les brumes
épaisses d’ "Abschiedsspiel" ou qu’il accompagne de sa voix les bonds et gambades d' "Auswendig", les
saillies de sa bouche font toujours mouche. Entre incursions white noise débilissimes ("Nicht Ums Verrecken"),
vallées de larmes et de solitude ("440", "Pain Sec"), post-pop-rock survitaminé ("P36", "Mein Herz…"), KG
navigue à grands coups de rames entre les humeurs, et se fraie aisément une place dans les grandes sorties de
l’année précédente. Un disque tout simple en apparence, minimaliste et épuré, qui s’apprivoise donc avec une
grande facilité... mais qui n'en demeure pas moins foncièrement détraqué par les antécédents
sainte-annesques du capitaine — antécédents qui ont d'ailleurs constellé de quelques rides son visage dur,
mais assagi. L'electro soufflée par les grands aquilons guitaristiques… ça décoiffe.
Note : 5/6
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Informations
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Table des matières
Les chroniques de concerts ....................................................................................................................................................... 3
Inquisition, Divan du Monde, Paris, 28 janv. 2015 : uisition, Divan du Monde, Paris, 28 janv. 2015 - (concert chroniqué4 par Nick
CTM Festival : Electric Wizard, Extreme Precautions - Astra Kulturhaus, Berlin, 25/01/2015 - (concert chroniqué par Rastignac)
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Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 9
Infect : Complete Discography......................................................................................................................................... 10
Accept : Eat the heat......................................................................................................................................................... 12
Sunn O))) & Ulver : Terrestrials ...................................................................................................................................... 13
MARDUK : Frontschwein ............................................................................................................................................... 15
Frank Ayers : Different Skies........................................................................................................................................... 17
TANGERINE DREAM : Tangerine Dream Plays Edgar Froese ‎– The Epsilon Journey ................................. 19
Frédéric Gerchambeau : New Colors of Sound................................................................................................................ 21
Sequentia Legenda : Blue Dream..................................................................................................................................... 22
La Race : 4cm de mon Amour.......................................................................................................................................... 24
Batalj : Batalj (7") ............................................................................................................................................................ 25
Billy Idol (Billy) : Kings and queens of the underground................................................................................................ 27
The Sontaran Experiment : I ............................................................................................................................................ 29
Batalj : Batalj (cassette).................................................................................................................................................... 30
Bob Wayne / Exodus : Split ............................................................................................................................................. 32
Dornenreich : Freiheit ...................................................................................................................................................... 33
Impetuous Ritual : Unholy congregation of hypocritical ambivalence............................................................................ 34
Sun Araw : On Patrol ....................................................................................................................................................... 35
NU:N : Nothing unveils nothing ...................................................................................................................................... 36
Hapax : Stream of consciousness ..................................................................................................................................... 37
King of Asgard : Karg ...................................................................................................................................................... 38
SUNBURNED HAND OF THE MAN : Jaybird............................................................................................................. 39
Cowards : Rise to infamy ................................................................................................................................................. 40
Desolate Shrine : The Heart of the Netherworld.............................................................................................................. 41
The Body & Thou : Released From Love / You, Whom I Have Always Hated.............................................................. 42
Noyades : Noyades........................................................................................................................................................... 43
telepath テレパシー能力者 : アマテ&#125
45
SYSTRAL : Fever... The Maximum Carnage.................................................................................................................. 47
ARCHGOAT : The Apocalyptic Triumphator................................................................................................................. 48
SWANS : To Be Kind ...................................................................................................................................................... 49
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NAPALM DEATH : Apex Predator - Easy Meat............................................................................................................ 50
Part1 : Pictures of pain ..................................................................................................................................................... 52
Rawwar : Nuclear Proof ................................................................................................................................................... 53
K-X-P : II.......................................................................................................................................................................... 54
Wizard Rifle : Speak Loud Say Nothing.......................................................................................................................... 55
Wizard Rifle : Here in the Deadlights .............................................................................................................................. 56
Night Demon : Curse of the Damned............................................................................................................................... 57
COMPILATIONS - DIVERS : Warfare Noise................................................................................................................ 58
La Baracande : La Baracande........................................................................................................................................... 59
Bogshed : Step On It ........................................................................................................................................................ 61
Bogshed : Tried and Tested Public Speaker..................................................................................................................... 62
KRISIUN : Bloodshed...................................................................................................................................................... 63
COMPILATIONS - LABELS : Relapse Records: 25 Years of Contamination .............................................................. 64
Dave Bessell : Black Horses of the Sun ........................................................................................................................... 66
Robert Rich (Robert) : Filaments ..................................................................................................................................... 68
Lambert Ringlage (Lambert) : Drachenreise.................................................................................................................... 70
Archagathus : Canadian Horse ......................................................................................................................................... 72
ASPHYX : Deathhammer ................................................................................................................................................ 73
Gehenna (US) : The War of the Sons of Light and the Suns of Darkness ....................................................................... 74
Sewercide : Severing The Mortal Cord............................................................................................................................ 75
Furia (POL) : Nocel.......................................................................................................................................................... 76
KG : Passage Secret ......................................................................................................................................................... 78
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